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Quaderni di formazione e cultura
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22 Nuova Serie
Anno XI – 2015 Ibis
PAIDEUTIKA. Quaderni di formazione e cultura
22 – Nuova Serie – Anno XI – 2015
semestrale
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Germana Berlantini, Nicole Bosco, Ferdinanda Chiarello, Cristina Gatti, Giuliano Gozzelino, Sil-
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vano Gregorino, Grazia Massara, Laura Petrella, Gianmarco Pinciroli, Alessandra Sara Stanizzi
Fotografia
Cristina Gatti uc
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Paideutika is a peer reviewed journal. La Rivista si avvale di un Comitato di Lettori, coordinato dal Diret-
tore, per la valutazione degli articoli pervenuti e sottoposti a double blind peer review process. L’elenco dei
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referees è menzionato una volta l’anno in forma di ringraziamento editoriale. La Rubrica di Fulvio Papi
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Oggi un filosofo, che la Rivista è onorata di ospitare, non viene sottoposta al peer review process.
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Paideutika è una Rivista scientifica semestrale classificata in fascia A dall’ANVUR nel 2012.
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www.ibisedizioni.it
e-mail : info@ibisedizioni.it
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Editoriale 5
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SAGGI 9
Gabriele Lavia, Il teatro, l’origine, l’ethos.
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OGGI UN FILOSOFO 71
Rubrica di Fulvio Papi
STUDI ED ESPERIENZE 75
Laura Petrella, The unbearable lightness of being: the antinomy
between soul and body as pedagogical experience 77
Aldo Trucchio, Idéologie et représentation: le pouvoir des images chez
Louis Marin 87
4
RECENSIONI 133
Fulvio Papi, Dalla parte di Marx (di Elena Madrussan) 133
Jean-Luc Nancy, Il corpo dell’arte (di Gianmarco Pinciroli) 135
Pino Bertelli et alii, Contro l’infelicità. L’Internazionale
io
Situazionista e la sua attualità (di Germana Berlantini) 138
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Gabriele Scaramuzza, In fondo al giardino. Ritagli di
memorie (di Elena Madrussan) uc
Gaetano Bonetta, Fuga dall’identità. Da Sud a Nord:
141
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storie psichiche del Novecento (di Elena Madrussan) 143
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ABSTRACTS 147
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87
Idéologie et représentation:
le pouvoir des images chez Louis Marin
Aldo Trucchio
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La logique binaire de la représentation
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Dans Les mots et les choses, Michel Foucault postule l’existence d’“épis-
uc
tèmes”, c’est-à-dire de structures paradigmatiques souterraines qui disci-
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plinent les savoirs à chaque époque de l’histoire humaine. Il observe qu’au
XVIIe siècle, au cours de l’“âge classique”, une rupture épistémologique
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superpose à ce qu’il indique. Ainsi, Foucault peut affirmer que: “le signifiant
n’a pour tout contenu, toute fonction et toute détermination que ce qu’il re-
présente: il lui est entièrement ordonné et transparent; mais ce contenu n’est
indiqué que dans une représentation qui se donne comme telle, et le signifié
se loge sans résidu ni opacité à l’intérieur de la représentation du signe”2.
Foucault décrit un système de signes structurés dans un discours qui
analyse la représentation “selon un ordre nécessairement successif”3 sur
le modèle du langage, mais qui a la caractéristique de ne montrer aucune
1
M. Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 78.
2
Ivi, p. 78.
3
Ivi, p. 96.
88
io
objet par ressemblance, existant ainsi en tant que signes devant être expri-
més et interprétés, la carte et le portrait renvoient directement à la réalité et
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au sujet – qu’il soit dessinateur ou spectateur, n’a plus d’importance.
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C’est seulement suite à une nouvelle rupture que les hommes com-
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mencent à s’interroger sur les conditions de possibilité de la représenta-
tion. Immanuel Kant reconnaît dans l’être humain la condition première
o
quête sur le monde se transforme dès lors en une enquête sur la façon de
laquelle l’homme regarde le monde. La philosophie devient anthropolo-
di
4
Ivi, p. 136.
5
Ivi, p. 398.
89
io
mesure où il est essentiellement connecté à la structure psychologique de
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l’être humain. Le critique n’expose jamais ouvertement une pensée de
type philosophique, même s’il est possible d’affirmer que ses réflexions
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possèdent une vigoureuse intensité philosophique. Il ne fait pas que suivre
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l’élaboration de principes généraux ou des critiques envers d’autres pen-
seurs à sa pratique herméneutique. Marin montre plutôt les failles de la
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6
Dans un article de 1973, Marin se demande si l’affirmation foucaldienne sur la mort
de l’homme “n’exprime-t-elle pas, sous une forme littéraire, la vérité du processus scienti-
fique lui-même”, dans lequel “l’expérience vécue comme totalité signifiante par un sujet ou
par un groupe doive céder la place aux résultats du processus qui ne sont opératoires que
par rupture avec cette intuition, ce témoignage, cette expérience”. (L. Marin, La dissolution
de l’homme dans les sciences humaines: modèle linguistique et sujet signifiant, in “Concilium”, 86,
1973, répris in Id., De la représentation, Paris, Seuil/Gallimard, 1994, pp. 11-12).
7
L. Marin, Critique du discours. Sur la Logique de Port-Royal et les Pensées de Pascal,
Paris, Minuit, 1975, p. 9.
90
io
de Port-Royal au sujet de la traduction de la Bible. A l’issue de ces discus-
sions, on en vient à considérer que la meilleure traduction est celle qui est
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capable de faire disparaître le processus de traduction grâce à sa clarté,
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son intelligibilité et sa fidélité absolue vis-à-vis du texte. En parallèle à
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cette théorie de la traduction, il existe, chez les port-royalistes, une théo-
rie du langage, un système de règles qui permet à l’articulation du dis-
o
laquelle l’objet est présent dans l’esprit. Les logiciens et les grammairiens
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réalité, mais la synthèse qu’il opère est tout à fait individuelle et arbitraire.
Se représenter quelque chose signifie observer les objets tels qu’ils se pré-
sentent dans notre esprit.
Le présupposé de cette théorie est que la représentation permet d’ac-
céder aux choses mêmes; en d’autres termes, les choses se donnent à
nous, à notre esprit, comme elles sont réellement, le travail de l’intelli-
gence consistant dès lors en une reconstitution de l’articulation dans un
ordre-discours complexe, correspondant à la réalité externe. Ainsi, nous
8
Ivi, p. 12.
9
Ivi, p. 281.
91
pourrions former les idées les plus complexes à partir des idées les plus
simples qui se donnent immédiatement à nous comme vraies. D’où, la
nécessité d’une logique.
Marin se demande alors: “le simple regard que nous portons sur les
choses qui se présentent, sans être un jugement exprès, en forme logique,
n’est-il pas déjà un ‘juger’ primitif […]?”10. Grâce à ce seul jugement,
caché mais primaire, le sujet peux aspirer à posséder la réalité. Il décide
que ce qui est en lui est vrai, il s’approprie l’être même – car il est capa-
ble de se le représenter. L’être est la représentation, la représentation est
l’être.
Cette faiblesse de la logique de Port-Royal émerge clairement dans les
difficultés que logiciens et grammairiens rencontrent quand ils se mettent
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à réfléchir sur un énoncé fondamental pour tous les chrétiens – mais sur-
tout pour eux-mêmes, qui adhèrent au jansénisme – à savoir “Hoc est
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corpus meum”, la formule eucharistique de la transsubstantiation, (la
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transformation du pain dans le corps du Christ). Il s’agit de l’énoncé idéo-
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logique par excellence de la conversion prétendue de l’idée dans la chose.
Le pronom déictique “hoc” a pour fonction de situer l’énoncé dans l’es-
o
tation au jugement quand elle est accompagnée d’un geste qui indique un
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10
Ivi, p. 282.
11
Ivi, pp. 298-299.
92
l’objet. Le Christ affirme que ce pain est son corps: dès lors ce que ses dis-
ciples et tous les chrétiens mangeront ne sera plus du pain, ni le corps de
Christ, mais l’idée du corps de Christ qui est devenue une chose. Le Christ rend
réelle la métaphore qu’il énonce – et qu’est-ce que l’idéologie, sinon une
image qui a prise sur la réalité?
Représentation et idéologie sont la même chose. Le sujet se reflète dans
l’objet, l’idée sur la chose. L’idéologie de la représentation consiste en cette
démarche à travers laquelle le jugement du sujet s’offre comme objectif. Le
subjectif devient objectif – mais il laisse au moins une trace derrière lui.
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Dans la théorie du mot-représentation élaborée par les logiciens et les
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grammairiens de Port-Royal, l’empreinte du subjectif se révèle à deux
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niveaux: dans la centralité que l’énoncé eucharistique assume pour eux
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ainsi que dans les difficultés qu’ils rencontrent pour intégrer la question
de la subjectivité au sein de leur théorie du langage. Marin parcourt de
o
idée et chose.
L’analyse à la fois précise et complexe que Marin développe sur la
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Logique ne peut pas être reportée ici, car elle occupe une grande partie de
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son livre, par ailleurs volumineux. Son but est de mettre en évidence ces
aspects restés inexplorés: les interprétations forcées, les difficultés, les
récritures, l’articulation interne, la contribution individuelle des diffé-
rents penseurs qui participent à la rédaction de la Logique. Pour ce faire,
Marin inverse la démarche de Foucault. Ce dernier reconnaît l’impor-
tance de la Logique tout en la considérant comme un texte monolithique
et exemplaire, c’est la raison pour laquelle il l’analyse aux côtés d’autres
livres d’auteurs contemporains – de Hobbes à Locke, de Condillac à
Linné, de Cervantes à Diderot et D’Alembert – considérés comme carac-
téristiques de l’âge classique. L’intérêt de Marin se porte au contraire sur
les discontinuités et les écarts internes à une seule œuvre, plutôt qu’aux cou-
pures qui caractérisent le passage d’une époque à l’autre.
93
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caractérise inévitablement par des “digressions, anacoluthes, parataxes,
asyndètes, tout un arsenal de ruses et de pièges”14.
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Dans l’analyse du tableau de Poussin, Marin refuse une nouvelle fois
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la méthode foucaldienne. Les pages que Foucault dédie à Las Meniñas de
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Velasquez, au début de Les mots et les choses, contiennent la même intuition
qui émergera plus tard de l’analyse marinienne de Les bergers d’Arcadie:
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là, dans cette dispersion qu’elle recueille et étale tout ensemble, un vide
to
12
L. Marin, Détruire la peinture [1977], Paris, Flammarion, 19972, p. 8.
13
Ibidem.
14
Ivi, p. 9.
15
M. Foucault, Les mots et les choses, cit., p. 31.
94
io
tagoniste de la peinture ne pourra diriger son regard vers le spectateur, car
cela serait le positionner “au lieu du peintre, comme œil voyant, comme
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sujet théorique”17. Ainsi, le sujet “sort […] du champ de la représentation
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pour laisser être, dans leur être, les choses ainsi désignées”18, les choses
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montrées, affirmées dans le discours de la représentation. La disparition du
“sujet personnel d’énonciation”19 rend possible la transformation des
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assumer une valeur ontologique et devenir “il est, bleu le ciel”20. Ainsi,
l’être des choses est décrit à la troisième personne, comme une donnée
at
16
L. Marin, Détruire la peinture, cit., p. 87.
17
Ivi, p. 43.
18
Ivi, p. 31.
19
Ivi, p. 33.
20
Ibidem.
95
io
qui devait s’effacer ainsi que le jugement subjectif réapparaissent tous
ensemble.
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Dans cette peinture, Poussin montre comment il faut représenter
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l’histoire dans sa double relation. Tout d’abord, il y a la relation avec l’écri-
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ture, dans laquelle l’image doit toujours pouvoir être traduite, en tant
qu’elle est logiquement ordonnée. Ensuite, il y a la relation avec la mort du
o
sujet, qui est mise en scène à l’aide de la tombe sur laquelle se détache
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ration les uns à côté des autres, les uns après les autres. En ce sens, Les ber-
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21
Ivi, p. 25.
22
Ivi, p. 75.
23
Ivi, p. 37.
24
L. Marin, Le tombeau du sujet en peinture (colloque Images de la mort, mort de l’image,
Tours, Université Francois Rabelais, juin 1986), in M. Constantini (éd.), La Mort en ses
96
lequel il s’arrête sur les mots gravés sur la tombe et sur le fait qu’ils sont
prononcés par le personnage qui les désigne, ce qui lui permet de déve-
lopper une réflexion sur la voix dans la peinture25. Mais, dans tous ces
cas, le critique n’affirme jamais pouvoir épuiser toutes les interprétations
de ce tableau. Il reste ainsi fidèle à ce qu’il a déclaré dans Détruire la pein-
ture: “laisser à l’inscription son indéterminabilité, son indécidabilité du
sens qui est peut-être le sens même du tableau de Poussin”26.
En définitive, il n’est pas possible d’établir qui se cache derrière l’ego
qui apparaît dans le tableau, sur une tombe, cassé en deux par une fente.
Dans l’inscription, le verbe est également absent, il demeure sous-
entendu, et ce situe la phrase entre le présent et le passé, rendant encore
plus difficile son interprétation.
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Déconstructions
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Les différences entre Marin et Foucault ne concernent pas leur
méthode, mais leur vision de l’histoire. Les structures argumentatives
o
telles qu’elles sont exprimées par ses contemporains. Pour Marin, la phi-
losophie de l’histoire conçue par Foucault pour le structuralisme est
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l’au-delà de ce discours. Toutefois, il n’abandonne pas définitivement
cette idéologie de la représentation et il revient lui-aussi sur la formule
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“Hoc est corpus meum”.
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Pascal propose de prendre tel quel le mystère de l’eucharistie, à l’in-
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verse des logiciens qui cherchent à l’analyser et à le comprendre en fonc-
tion de leur système. Après la création, Dieu s’est retiré dans la nature;
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ensuite, il est retourné sur Terre, “caché” sous les traits d’un homme;
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enfin, il est resté parmi les hommes, après sa mort, sous la forme du pain
eucharistique30.
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ter ce qu’il a devant ses yeux. Bien qu’il juge les portraits de Caravage
étonnants, Poussin considère néanmoins que peindre ne signifie pas
reproduire la réalité, mais plutôt disposer, théoriser, utiliser la raison32.
Dans les tableaux de Poussin, la lumière est uniformément diffusée pour
27
L. Marin, Critique du discours, cit., p. 142.
28
Ivi, p. 369.
29
Ivi, p. 269.
30
Ivi, p. 363.
31
L. Marin, Détruire la peinture, cit., p. 202.
32
Ivi, pp. 11-14.
98
éclairer tous les personnages afin que les ombres ne cachent aucun élé-
ment aux yeux du spectateur. Pour Poussin, l’histoire n’a pas de zones
obscures, car la raison peut tout illuminer.
Caravage et ses élèves, pour leur part, éclairent les personnages peints
comme s’ils se trouvaient dans un lieu clos et qu’ils ont étés surpris par
un éclair de lumière qui les frappe à partir d’une source unique. Ils sont
immobilisés, saisis par un œil invisible, mais dont il est possible de saisir
la présence. Si Poussin, dans Les bergers d’Arcadie, met en scène la “décons-
truction du tableau d’histoire per la métareprésentation”, l’art de Cara-
vage est la “destruction de la représentation d’histoire par l’exhibition de
l’œil qui se voit et se stupéfie”33.
Prenons en considération un tableau tel que la Tête de Méduse: que
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représente-t-il? En tenant compte de son modèle littéraire, il serait aisé de
répondre qu’il illustre le moment où Persée vient de couper la tête de
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Méduse et la saisit dans sa main. Mais il représente également le bouclier-
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miroir grâce auquel Méduse est pétrifiée par son propre regard. La pein-
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ture évoque alors Méduse qui se regarde elle-même, car elle est restée
paralysée avec cette expression d’horreur dessinée sur le visage; la même
o
apparaît dans l’histoire qu’il est en train de narrer, mais seulement dans
tr
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33
Ivi, p. 40.
99
io
sifie par redoublement”. Le dispositif représentatif crée donc un effet de
présence et il vient combler l’absence du pouvoir, même celle due à la
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mort; mais il est également “pouvoir d’institution, d’autorisation et de
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légitimation”34. Le pouvoir politique produit et exploite ce double effet
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pour parvenir à l’absolu auquel il tend: être partout et tout pouvoir, sans
dissiper pour autant sa propre force, grâce au pouvoir de substitution dans
o
l’absence de la représentation.
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Ainsi, la célèbre affirmation de Louis XIV “l’État, c’est moi” peut être
comparée à “Hoc est corpus meum” prononcé par le Christ, dont elle
di
corps de l’Église en amenant dans tous les lieux et durant toutes les épo-
ques son propre corps sous la forme du pain eucharistique, exactement
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comme Louis XIV fait coïncider son être avec l’État-nation français en
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34
L. Marin, Le portrait du roi, Minuit, Paris 1981, pp. 9-10.
35
Ivi, p. 20.
36
Ivi, p. 21.
100
io
manifeste, selon Marin, chez André Félibien, lorsque ce dernier offre à
Louis XIV un texte qui décrit un portrait du roi alors même qu’il se trouve
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dans son bureau38. Le mécanisme qui vient d’être illustré est à l’œuvre: le
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peintre, l’historien et le biographe décrivent leur objet, le roi et ses actions,
Tr
de façon neutre, en s’effaçant en tant que locuteurs. Mais cette procédure
se révèle idéologique quand ils adressent leurs œuvres directement au roi,
o
tes dans la conscience collective de l’époque: le roi fou, bien que dilapi-
dateur et incestueux, finit par se réconcilier avec sa fille fugitive, car il
garde en lui sa dignité royale; et la protagoniste est reconnue comme
princesse grâce à ses vertus mystérieuses alors qu’elle vit dans le dénue-
ment et la saleté. Les deux personnages constituent des emblèmes de
noblesse si ingénus et désuets qu’ils ne peuvent qu’appartenir à un
37
Ivi, pp. 49 ss.
38
Ivi, pp. 251 ss.
101
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Narcisse
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Dans l’une des digressions qui caractérisent Détruire la peinture, Marin
compare la phrase “Et in Arcadia ego” à l’épitaphe, ce “poème funéraire,
o
qui a rédigé ces mots en se référant à lui-même. Un “je” qui est absent
to
39
L. Marin, Détruire la peinture, cit., p. 107.
102
io
Caravage qui, dans la Tête de Méduse, peint la représentation d’une repré-
sentation d’une représentation… Une autobiographie comme celle-là
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n’aurait aucun but, sinon celui d’affirmer que toute écriture de soi est
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illusoire. Toutefois, l’autoportrait, qu’il soit écrit ou peint, cette sublime
Tr
forme de narcissisme de l’auteur, demeure la forme la plus pure de repré-
sentation, car en définitive l’œuvre se manifeste comme un désir du sujet
o
qui se reflète sur lui-même, mais à travers l’autre. Le peintre est toujours
d
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en bas, se trouve un jeune possédé qui a été amené par son père afin d’être
tr
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libéré par les apôtres. Transfiguration contre défiguration: une figure est
40
L. Marin, Le tombeau du sujet en peinture (relation au colloque Images de la mort, mort
de l’image, Tours, Université François Rabelais, juin 1986), in M. Constantini (éd.), La
Mort en ses miroirs, Paris, Méridiens/Klincksieck 1990, repris in L. Marin, De la représenta-
tion, cit., p. 275.
41
L. Marin, Images dans le texte autobiographique: sur le chapitre XLIV de la Vie de Henry
Brulard, in “Saggi e ricerche di letteratura francese”, 1984, repris in Id., L’écriture de soi.
Ignace de Loyola, Montaigne, Stendhal, Roland Barthes, Paris, PUF, 1999, p. 36.
42
L. Marin, Transparence et opacité de la peinture… du moi, in AA.VV. Bologna, la Cul-
tura italiana e le letterature straniere moderne, Ravenna, Longo, 1992, maintenant in L.
Marin, L’écriture de soi, cit., pp. 135-136.
103
io
traits féminins. Marin en profite pour réfléchir sur la distance entre l’au-
teur et son œuvre une fois que celle-ci est terminée44.
ch
C’est cependant un conte de Jean de La Fontaine, L’Homme et son
uc
image, qui inspire à Marin ses réflexions métapsychologiques les plus inten-
Tr
ses sur ce thème. Le protagoniste du récit pense être l’homme le plus
beau du monde, il ne croit donc pas son reflet dans les miroirs, qu’il
o
43
L. Marin, Des pouvoirs de l’image. Gloses, Paris, Seuil, 1993, p. 259.
44
Ivi, pp. 40 ss.
45
Ivi, p. 36.
Marin met en garde ses lecteurs qui, comme Narcisse, peuvent restés
charmés par leur propre reflet. Bien qu’un simple geste de la main suffi-
rait à l’effacer46, ce reflet possède toute la puissance de notre désir et nous
ne pouvons dès lors cesser de le contempler. Le pouvoir du puissant n’est
pas dans son regard, mais dans le nôtre. Il n’est rien d’autre que notre
propre désir de pouvoir et c’est bien pour cette raison qu’il est si difficile
de l’extirper.
io
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d o
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46
Ivi, pp. 16-17.