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****
-
;

-,
--z
HISTOIRE
FILLE MALEFICIEE

COURSON.
Avec une Differtation
Phyſique fur ce Ma
lefice.
Par Monsteur L A N G E conſeiller,
Medetin du Roy. * ,

i* w :
»H«
| 34 *]
-

A L I S I E U X,
Chez J. D u R o N c e R B y, Imprimeur du Roy» *

du Diocéſe, & du College.

a v F c p e R M T s s 7 o N.
|
|
*
-
*, «
. . .
-
--

*8*keskerkerarkas
Monsieur. . .

VOUS ſouhaitez que je vous informe moy


même du Fait ſurprenant arrive depuis peu en nôtre
Ville ; je le fais avec plaifir, & vous verrez par le
Memoire que je vous envoye, que nous avons em
ployé tous les foins que la prudence a pů Nous
ifiſpirer, pour nous afleurer de la verité de ce
Phenomene, & pour éviter les impostures fi ordi
naires en pareilles occaſions. Je demeure d'accord
avec vous, que c'eſt une foibleste d'eſprit que d'a
voir une Credulité aveugle pour tout ce qui paroît
merveilleux, mais je ſoutiens que ce n'en eſt pas
une moindre, que d'avoir une lncredulité opiniâ
tre pour les faits les plus évidens, & dont on ne
peut douter, fans renoncer au témoignage de tous
fes ſens. Cette Incredulité qui naît ordinairement
de la préſomption & de la pareffe, Gat empêché
juſques à preſent d'aprofondir beaucoup de choſes,
qui ont peut-être été traitées de fables avec inju
ftice, & dont un Examen fans prévention auroit
pû avoir fon utilité.
Quoy qu'il en foit des autres Evenemens extra *A

ordinaires, on ne peut douter de la verité de ce


luy-cy, & je me fatte qu'étant auffi raiſonnable
que vous êtes, vous en ferez convaincu aprés avoir
vů par ce Memoire, combien Nous avons employé
d'exaćtitude pour n'être pas trompez.
----+---,
* 1

- 3
y A r ADELE INE MORIN de la Paroiſſe
-- de Courfon, Diocele de Lifieux, âgée de
22. ans, d'un Temperamment aflez bon, d'une Lon
i duite fimple & réguliere, ayant eu quelque démêlė
avec une Voifine accuſée de pluſieurs Malefices ,
pour leſquels èlle eſt aćtuellement dans les Priſons
d'Orbec avec fon Mary, en fut menacée, à ce qu'elle
a dit, en ces termes, ( Autant de paroles que ie te
diray, ce feront autant de Diables qui t'entreront
dans le corps, ) & fut prile austi-tôt de violentes
douleurs, & foulevemens d'eſtomach : Il est certain
que depuis ce temps elle fut 22 mois à ne pouvoir
manger autre choſe que des fruits, & à ne boire
que de l'eau,pendant ce temps elle a été pluſieurs fois,
réduite à l'extremité, par des accidens ſurprenans,
ayant jetté la bouche en preſence de pluſieurs
perſonnes des Chenilles, & un Lezard tous vivans.
Le Sieur du Bois Chirurgien du Bourg de Far
vaques l'ayant viſitée, luy conſeilla pour la foulager.
de grandes douleurs de tête dont elle ſe plaignoit
de faire couper fes cheveux, & d'y faire apliquer
un Pigeon vivant, ce fut la Voifine en question
qui les luy côupa.
Ayant été conſeillée d'implorer le fecours divin
par l'interceffion de la Ste. Vierge, elle fit le voyage
de laChapelle de Nòtre-Dame de la Délivrande prés
de Caën, où elle fit dire neuf Meſſes; pendant la
Conſecration de cinq, elle s'évanoüit, & vomit plu
fieurs Chenilles vivantes juſques au nombre de
s vingt-huit, dont la derniere étoit de lagroſſeur du
petit doigt, & revint parfaitemcnt guerie, comme il
eſt expliqué par l'Attestation de Meffieurs les Cha- -
pelains de cette Chapelle. .. .. . . i
| - A 2. · · -
| 4

- - ' . ' 9 M 4 e *
* Le 22. Juin de l'année derniere, cette Fille fortant
feule de grand matin, pour aller au Bourg de Far
vaques, fut maltraitée, & ce fut à ce qu'elle nous
a dit par la même Voifine, & reçût un coup de
Bâton ſur la Tête, un fur l'Epaule gauche, & un
vers l'Eſtomach, qui la firent tomber en ſyncope fur
le Côté droit, où ſa Soeur qui accourut à ſes cris,
la trouva le Viſage tout plein de fang.
Le Sr. du Bois ayant été apellé le même jour pour
en faire la viſite, trouva une Contuſion avec Exco
riarion ſur le ſommet de la Tête, une Contufion fur
l'Omoplate gauche, & une ſur la region du Foye,
& la malade dans une fiévre violente avec de fre
quentes ſyncopes. · , -

Le 1o de Juillet,le Sr. du Bois ayant viſité lad.Mo


rin pour de grandes douleurs de tête dont elle fe
plaignoit, il trouva à l'endroit de la Contufion quel
ques aparences de Corps étrangers,& ayant fait trois
inciſions, il en tira une Aiguille & deux Epingles.
Le 22. du même mois, ayant fait huit inciſions
fur le Bras gauche, où elle reſſentoit de grandes
douleurs, il en tira ſept Epingles & une Aiguille.
Le 1o. de Septembre, il tira fix Epingles du Sein
gauche. - *

Le 28. du même mois, il en tira troisfur les fauſſes


Côtes. - - -

, Le 3. de Novembre, il en tira huit de la Cuiſſe


& Jambe, Îe tout du même côté.
Le dix Janvier 1717, Mr. Lange le Fils Doćteur
en Medecine, ayant été informé de tout cecy par le .
Sieur du Bois, & qu'il s'en preſentoit encorede nou
velles, ſe tranſporta ſur les lieux, & en vît tirer
; *

fept du Sein gauche. '' -


r
N

* Depuis ce temps, comme l'on apprît qu'il s'en


| trouvoit encore de nouvelles, Meffieurs les Mede
cins de Lifieux pour s'éclaircir entierement du fait,
& pour éviter toute ſurpriſe, jugerent à propos de
la faire aporter en certe Ville, où elle arriva le 28.
Janvier, on la logea dans une Chambre de l'Hô
pital General, on la mit à la garde de deux Soeurs,
qui l'ont obſervée jour & nuit fans la perdre de vůë,
veillant alternativement routes les nuits auprés
d'elle, & aprés qu'on luy eut tiré le foir de ſon
arrivée une Aiguille du Sein gauche, preſence de
plus de cent perſonnes, & le lendemain trois Epin
gles du Sein droit, une du Bras gauche, & une
denx doigts au deſſus du Genoüil du même côté,
enpreſence de plus de mille perſonnes,& n'en ayant
aperçu aucune autre fur toutes les parties de fon
corps; on prît la précaution de luy faire ôter tous
fes habits juſques à ſa chemiſe, & deluy en donner
d'autres, & de la peigner; enfin on prît toutes les
précautions poſſibles pour s'afleurer du fait, ne s'é
tant point paſſé de jour, que Meſſieurs les Mede
cins ne l'ayent vifitée. -

Le 3o. du même mois, il commença à en paroître


une dans le Sein gauche, & il en parût de jour en
jour de nouvelles, en differentes parties du corps,
fçavoir deux dans le Sein droit, deux dans le gauche,
une à la Cuiste, une fur l'Omoplate gauche, une
fous l'Ailfelle, & une ſur la region de l'Estomach,
qui furent toutes tirées le fix Février à neuf heures *

da ſoir, & preſence de Mrs. les Medecins, & d'un l


grand nombre de perſonnes de distinction.
Entre le fix & le dix du même mois, il en parůt,
encore quatre, & comme on crût avoir pris affez
*
de meſures, les Parens de la Fille étant venus pour
la reporter chez elle, on en tira encore deux, pour la
fatisfaction de pluſieurs perſonnes diſtinguées, fça
voir, une ſur l'Omoplate gauche, & une ſur les
Côtes droites; on n'en voulut pas tirer d'avantage
de peur d'affoiblir la malade. -

Depuis fon départ de Lifieux juſques au 29. d'A


vril, le Sr. du Bois nousa atteſté, qu'elle a vomi 61.
Epingles & une Aiguille, preſques routes cour- .
bées, avec fiévre & vomiſlemens de fang, & qu'il -
luy en atiré dix, trois dans les Joües, une entre les
Epaules, & le reſte dans les Bras & fur les Côtes.
Pendant le fejour qu'elle a fait en cętte Ville,
Meſſieurs les Medecins la vifitant tous les jours, ,
ont fait les Remarques ſuivantes. - -

Io. Les Epingles qu'on a tirées font toutes fans.


tête, les unes de Fer, les autres de Leton, de diffe- , |

rentes groſſeurs, toutes coupées aparemment avec |


des Ciſeaux, telles qui font de Fer ſont un peu,
noires, auſſi bien que les Aiguilles, qui font coupées .
au commencement de leur fente, les Epingles de
Letou conſervent leur veritable couleur. • • •

zo. Avant que les Epingles paroiſſent, la malade


eft priſe de maux de Coeur, & d'un peu de fiévre, ,
fouvent elle vomit du fang ; enſuite aux endroits
où elle ſent de la douleur, il paroît dans le fond
des chairs, comme une petite dureté, qui de jour
en jour ſe dévelope, & fait ſentir la figure d'une
Epingle, à meſure qu'elle aproche de la ſuperficie ,
des chairs, de forte que vers le troifiéme jour on ,
les fent fous le doigt,en pluſieurs fituations obli- -

ques, cependantlapointetoûjoursleplus Proche de


la peau. . . . . . .. - -3 . .
. - - - ' ’ .. }-
I- - - -
- *f

: ? .
3º. De plus de 52. Epingles, qu'on a tirées, il
n'y en a paseu deux, qui ayent pris la même route
dans les chairs, & qu'on aye pû tirer par la mêmein
ciſion; ce qui paroît de plus ſurprenant dans ce Phe
nomene, c'est que de ce grand nombre d'Aiguilles,
& d’Epingles qui ont penetié, & traverté en tous
fens les Muſcles & particulierement les Glandes du
Sein, il n'y en a aucune qui aye piqué le moindre
Vaiſſeau, ny fait aucun épanchement de liqueurs
dans les parties, de forte qu'à l'incifion prés, elles
ont paru auffi faines avant, & aprés l'operation,
que fi aucun Corps étranger ne les avoit penetrées.
40. le 5. Février à dix heures du foir, elle fut
prile d'une Convulfion ſuivie de grands efforts de
vomir; elle ne rendit qu'un peu de fang, aprés quoy
elle fe plaignit de grandes douleurs dans la region de
l'Estomach, où l'on aperçût une petite dureté, & le
lendernain au foir on luy tira une Epingle du mê
me endtoit la pointe en haut. -

59. Pour tirer les Epingles, on attend qu'elles


foient arrivées aſſez prés de la peau, pour en tou
cher les deux extremitez, le Chirurgien les pref
fant avec le doigt fait avec le Bistori une incifion
de deux lignes de profondeur ſur l'Extremité qui pa
roît le plus proche de la peau, aprés quoy pouffant
un peu l'Epingle par le gros bout, la peinte fort.
par l'incifion, puis on la tire avec une petite Pin
ce, on met enſuite ſur la playe un peu d'huile d'O
live, & elle ſe trouve guerie en quatre ou cinq
heures fans aucune ſuppuration; de cette maniere
on a tiré toutes les Epingles & Aiguilles, à la re-,
ferve d'une qui eſt restée depuis plus de deux mois
dans le Genoüil, & qu'on n'a pû tirer à cauſe de
· 3
fa profondeur. " ... - -

On peut s'affeurer que toutes ces choſes ont été


obſervées par Meffieurs les Medecins, Chirurgiens
& Apotiquaires, & par toutes les perſonnes de bon
fensquiles ont vůësavec toute l'exactitude poſſible,
& même avec tous les préjugez d'incredulité, qu'on
peut raiſonnablementavoir pour un Fair auffi ſurpre
nantque celuy-cy; ainfi, Monſieur, vous pouvez
compter ſur une entiere certitude, & ſur la fidelité
de ce Memoire, qui eſt atteſté par cinq Docteurs en
Medecine , quatre Chirurgiens jurez, & deux
Apotiquaires. -

Mais pour revenir à vôtre Lettre, vous medeman


dez une feconde choſe, ſur laquelle je ne me flatte
de pouvoir vous fatisfaire auffi facilement que
ur la premiere; vous voulez que je vousenvoye mon
fentiment ſur un Fait fi extraordinaire : vous êtes
Philoſophe, vous ne vous payez que d'Evidence,
& je n'ay que des Conjećtures à vous donner. D’ail
leurs on ne peut former aucun Systeme pour rendre
raiſon de ce Fait, fans marcher par des routes incon
nuës, & pleines de tenebres, & où perſonne n'a en
core ofé hafarder les démarches de ſon eſprit; les
uns ont mieux aimé juſques à preſent nier les Faits de
cette nature que d'en rechercher les cauſes, & les
rſonnes pieuſes,mais qui n'ont pas une Philoſophie
, ont cru fatisfaire leur eſprit, en faiſant in
tervenir les Démons, fans examiner de quelle ma
njere ils le peuvent faire. .
Mais nous qui ſommes perſuadez qu'il n'y a que
Dieu ſeủl qui ſoit Maître de la nature, qui en puiſſe,
changer les Loix qu'il a établies de toute Eternité,
qu'ilne le faitjamais, quelorsqu'il fait des Miracles, ,
CG
* *

ce qui arrive tres-rarement, & pour des raiſons dir


gnes de fa ſageſſe infinie; que cette nature qui n'eſt
autre choſe que la volonté du Createur, qui meut la
matiere felon les Loix constantes, & invariables,
maistres fimples de la mecanique, dont nous avons
une idée claire,ne peut être violée par aucune intellie
gence créée ; nous croyons par cette raiſon qu'on ne
peut expliquer les effets les plus ſurprenans, mais qui
ne font pas des Miracles, qu'en ſuivant exaćtement
ces Regles. - - -

Il y a deux fortes de Mecaniſme, le Naturel &


l'Artificiel, le Naturel confiste dans l'Action mutuel-
le des Corps les uns ſur les autres, felon les Loix de
la Communication des mouvemens, Loix qui quoy
que tres-ſimples, ſuffiſent pour maintenir l'Univers
dans l'arrangement où le Createur l'amis, pour dé
veloper tous les Corps organiques queDieu a formez
dés le commencement du Monde, & pour entretenir
toutes les fonétions naturelles, vitales, & animales
dans les Plantes, & les Animaux. -

Le Mecaniſme artificiel confiste dans l'A&ion des


Eſtres intelligens ſur les Corps organiques aufquels
ils font unis, & dans le pouvoir qu'ils ont au moyen
de cette Aćtion, deremuer les Parties de la matiere
qui les environnent, & d'en regler les mouvemens
fuivant leurs deſſeins particuliers de la Combinaiſon
de ces deux Mecaniſmes naît une varieté infinie d'e
fets de l'Art,&de la nature, mais qui tous peuvēt être
connus, & expliquez pat l'eſprit humain, lors qu'il
eſtimbu d'une bonne Philoſophie; la Geometrie, &
la Mecanique nous donnant des idées évidentes de
la matiere, & de ſes mouvemens, & ce que l'Art y x , . »
peut ajoûter étant à la connoiſſance des mêmes Ef
- -, ! , 1o |

-- ---,
prits en font les Inventeurs.
Or le pouvoir qu'aun Eitre intelligent de remuer
Îes differentes parties de fon corps; ne confiste qu'en
ce qu'il peut par un ou pluſieurs Aćtes de favolonté, .
déterminer comme cauſe occafionnelle le cours des
eſprits animaux dans les differentes parties qu'il veut
aćtuellement mouvoir, je dis déterminer, pai ce que
tous les efforts d'une volonté créée,ne pourroient pas
donner le moin ire mouvement à la plus petite Por
tion de matiere qui feroit en repos, & les eſprits ani
maux qui font compoſez des parties les plus aćtives
du fang mêlées avec les parties élastiques de l'Air,
ont toute la force & l'aćtivité neceſſaires, & n'ont
beſoin que d'être déterminez vers les Muſcles, pour
ý faire les fonctions animales. - -
Pour prouver que tous les efforts d'une volonté
créée, ne peuvent donner le moindre mouvernent à
la plus petite portion dematiere qui feroit en repos,
fl nefaut que ſe fouvenir que Dieu dés le commence
ment de la création de la Matiere, y a mis une quan
fité déterminée de mouvement, & la conferve toû
jours, fans qu'aucun Agent la puiſſe augmenter, ny
điminuer; de forte qu'un Corps ne peut être remué
que par le choc d'un autre Corps, qui ſoit actuelle
ment en mouvement, & qui en perdautant qu’illuy
en communique, & c'eſt ſur ce principe que roulent
preſque toutesles démonstrations de la Mecanique.
Il fut encore remarquer, qu'il n'y a qu'une por
tion des eſprits animaux, qui foient foûmis aux or
dres de l'ame, tous ceux qui font destinez pour les
fončtions naturelles, pour le battement du Coeur,
des Arteres, & pour le mouvement d'oſcillation des
Fibres motrices, qui avancent, ou reculent la Circu
lation des liqueurs, & iem les Philtrations *,
tous ces eſprits dis-je font entierement indépendans
de la volonté; c'eſt pourquoy willis & pluſieurs ce
lebres Modernes leur ont afligné des réſervoirs diffe
rens, ſçavoir le Cerveau pour les mouveniens volon
taires, & le Cervelet pour les naturels. -

. Il me ſemble qu'on ne fçauroit trop admirer l'Au


theur de la nature, en contemplant cette diverſité
Prodigieuſe d'effets ſurprenans, qui naistent d'une
fource fi fimple; carenfin de ce ſeul pouvoir qu'al'a
me de déterminer le mouvemết rapide & impetueux,
d'une petite portion de la matiere, naiſſent une infi
nité de merveilles de l'Art, qui font tous les jours,
l'admiration des hommes mêmes, & où nous voyons
la nature forcée pour ainfi dire de s'ajuſter à nos
volontez. . .
: Mais, Monſieur, qui nous a affeuré que nos Ames
font les ſeuls Estres intelligens qui ayent le pouvoir
deremuer les Corps dans le ſensque nous l'avons ex
pliqué? la Foy, & la raiſon ne nous aprennent-elles
pas qu'il y a un nombre infini de ſubstances ſpirituel
les, dont les unes étant parfaitement unies aux volon
tez divines, ne font occupées qu'à les exécuter, & à,
nous proteger, & les autres déchuës de leur innọcen
ce originelle, & remplies de jaloufie contre le Genre
humain, cherchent tous les moyens postibles pour
nous perſecuter. - r

La Foy nous aprend que la plûpart desbonnes in


fpirations, & destentations viennent des bons & des
mauvais Eſprits, mais la raiſon nous perſuade en mê
me temps, qu'ils n'ont aucun pouvoir immediat ſur
nos Ames, leſquelles étant parfaitement unies à leur
Createur, & ne dépendant que deluy, ne reçoiven; ?
- 1 2 ||

que de luy ſeul les idées claires qui |#découvrent 1 * -

les veritez intelligibles, & les fenſations qu'elles ont


à l'occaſion des mouvemens du Corps.
Il eſt donc évident que les Eſprits bons & mauvais
ne peuvent agir fur nous qu'en remuant les Organes,
où ſont attachées les modifications de nôrre Ame, & .
par conſequent, que ces Eſtres intelligens font établis
austi bien que nos Ames cauſes occaſionnelles des
mouvemens des Corps : Il faut maintenant exa
miner de quelle maniere nous pouvons concevoir
que cela ſe faſſe.
Comme les Eſprits celestes font dans la contem
plation continuelle de l'Ordre, & qu'ils ont une re
velation immediate de tous les Decrets de la divine
Providence, dont ils ſont les Exécuteurs fidéles, & .
aufquels ils obéiſſent exactement, il n'y a pas d'in
convenient de croire que leur pouvoir s'étend fur
tous les Corpsengeneral & enparticulier, puiſqu'ils
n'en peuvent jamais abuſer; car ſoit qu'ils fuivent des
voyes ordinaires, ou extraordinaires, ils ne le font
jamais qu'en exécution des volontez divines.
Mais il eſt impoſſible de dire la même choſe des
mauvais Anges, & on peut affeurer, qu'étant déchâs
de leur premiere innocence, & n'ayant plus que de
l'averſion pour l'Ordre, & pour la Justice, fi ce pou
voir leur étoit reſté, ils en abuferoient tellement,
qu'il n'y auroit aucune feureté ſur la Terre ; puiſque
d'un ſeul aćte de leur volonté ils pourroient confon
dre tous les Elémens; & faire pour la deſtruction des
hommes d'auffi grands prodiges, que St. Michel en
a fait pour la conſervation & la conduite du peuple
d'Iſraël: llest donc constant que leur pouvoir ne s'é
tendque ſur une petireportion de matiere, & qu'ils
-

„”

· , . .* t 3 , -

v ne peuvent agir, non plus que nous ſur les Corps,


| qu'en ſuivant & menageant les Loix d'un Mecaniſme
artificiel. , -

Cela étant, je crois qu'un Phyſicienne doit point


fe faire unpoint d'honneur de n'admettre jamais l'in
tervention des Démons, lorſque les raiſons priſes de
la nature, & de l'art luy manquent. Car de même
que fi on luy montroit pour la premiere fois une
Montre, comme il n'en pourroit pas expliquer les
mouvemens par les Loix du Mecaniſme naturel, il
ne balanceroit pas à dire que l'eſprit humain feroit
intervenu dans cét ouvrage, & qu'il en auroit arran
gé les parties avec industrie, dans le deſfein de re
gler les mouvemens de cette machine, felon le cours
du Soleil, de même lorſque les raiſons priſes des
Loix de la nature, & de l'induſtrie luy manquent,
fçachant qu'il y a d'autres intelligences dans le mon
de, il n'est pas honteux de les ſuppoſer pour auteurs
de ce qu'on ne peut expliquer autrement.
Ce qui choque les eſprits forts, & ce qui les a
plongez dãs l'incredulité là deſſus,c'estque lors qu'on
a fait intervenir le Démon dans quelques occaſions
extraordinaires, la credulité & la ſuperſtition luy ont
donné un pouvoir fansbornes; aprés cela l'imagina
tion aforgémille contes frivoles de faits miraculeux,
& a revêtu les choſes les plus averées de mille cir
constances, dont on a découvert la fauffeté. . .
Mais fi on conçoit le Démon comme un Eſprît
malheureux, décheu de fa premiere felicité, & du
pouvoir qu'il avoit furtoutela nature, lorſqu'il étoit
le fidéle Exécuteur des volontez bien-faiſantes de la
Divinité; qui de Prince de lumiere est devenu Prin
ce de tenebres, comme dit l'Eſcriture, qui commer
I 4 -

dit St. Augustin a été précipité de la region lumineur


fe du Ciel dans la region grostiere & épaiſſe de l'Aig
inferieur. In huius Aëris imam calignem de ſuperna
Cælestihabitatione defetti. (Aug. de Genefi ad Litte
ram. l. 3. a. io.) qui ſelon St. Bernard, étant deſtiné
au feu éteruel, & n'y étant pas encore plongé, eft
laiſſé dans l'Air pour y exercerencore pendant quel
que temps ſa malignité ſur le Genre humain. D'finita
quidem,fed non promulgatafententia est, denique jam
Diabolo ignis paratur, eist nondum ille precipitatus in
ignem , modico adhuc tempore finitur malignari.
(Bernard. Sermone de Tranfitu Sancti Malachiæ.),
Si n'ayant que tres peu de pouvoir, il est obligé d'u
ſer defineſſe pour nous ſurprendre, fienfin on ſeper
fuade, comme il est tres-vraiſemblable qu'il ne peut,
agir parfa volonté que fur une tres-petite portion de
la matiere, & qu'il ne peut la remuer que felou les
Loix de on pourra peut-être réduire,
en Syſteme toutes ſes operations: mais comme il n'y,
apas d'aparence qu'il veüille nous découvrir les {
fortsqu'il faitjoüer, & que vous & moy n'avons pas,
envie d'avoir le moindre commerce avec luy pour en
être éclairez, quand il le voudroit faire ; il faut nous*

entenir aux conjećtures, & réflechiſſant ſur ce qui ſe,


.
fe paſſe en nous dans les productions de l'Art, décou
vrir commelit il agit pour cxécuter les Malefices,
Nous avons un fentiment interieur de l'exiſtence,
de nôtre Ame, qui ne peut jamais nous trompcr •
quand nous douterions de tout, nous ne pourrions,
jamais douter que nous nefoyons des Eſtres quidou-,
tent, & par conſequent des Eſtres qui penſent; mais,
nous n'avons aucune idée répreſentative de l'éſſence
denôtre Ame&de ſes proprictez, & nous ne cºn-,
-

1 -

tiöiſſens k -- de la penſée qu'àmeſure


que nous les éprouvons, & par ſentiment interieur:
Nous avons une idée de l'étenduë qui nous endécou
vre toutes les proprietez quelques infinies qu'elles
foient, & nous formens tous les jours des démonſtra
tions ſur des figures que nous n’avens jamais vůës, &
que peut être nous ne verrons jamais: mais il est
tres-probable qu'il y a un nombre infini de modifica
tions de la penfée, dont nous n'avons à preſent aucu*
he connoillance ; il paroît que toutes les ſenſations
& toutes les paffions que nous avons en cette vie ne
regardent que le Corps, & comme nôtre Ame est
faire pour être éternellement unie, & d'une union
beatifique à ſon Createur, il est certain qu'elle aura
dans ce temps-là des modifications, dont à preſent
elle n'a aucune idée. C’est ce qui a fait dire à St. Paul,
que jamais l'oeil n'avů, ny l'oreilleentendu, & que
l'eſprit humain ne peut comprendre les plaifirs que
Dieu prepare à ceux qui l'aiment. Nous ne pouvons
donc juger du Démon non plus que des autres Estres
intelligens fur aucune idée répreſentative, mais ſur
de ſimples conjećtures, en leur tranſportant pour
air fi dire tout ce que nous éprouvons qui ſe paſſe
en nous même. e o *

La Religion nous enſeigne que le Démon est nôtre


, ennemi, qu'il cherche tous les moyens poſſibles pour
noustenter, foit en corrompant nôtre imagination,
foit en excitant nos paffions. Il ne peut le faire com
me je ľay dir, en agistant immediatement fur nôtre
Ame, parce qu'il n'y a que Dieu feul qui aye le pou
voir de la modifier; il nele fait donc qu'en agistant
fur les Organes du Corps. Oril nele peut faire que
d'une de ces deux manieres, ou comme cauſe ceca
- I6 -

fionnelle immediate de la détermination du mouver , !


ment des eſprits animaux qui font dans nôtre Cer- -
veau, ou en remuant nos Organes par l'impulſion dę
quelque Portion déterminée de matiere étrangere,
'il a le pouvoir de faireagir. Le premier ne peut ſe
carle Démon auroit le même pouvoir que
nôtre Ame ſur nos eſprits, nơus ne ferions plus les
maîtres des mouvemens volontaires de nôtre Corps,
& on pourroit dire que nous ferions tous poſfedez
du malin eſprit, il faut donc s'en tenir au ſecond
moyen, & ſuppoſer que le Démon ne peut agir ſur
nos Organes, qu'au moyen d'une Portion de matiere
qu'il anime, & par laquelle il les remuë. -
Mais comme nousne devons pas abandonner les
principes de Mecanique, il faut neceſſairement, 1º.
Que cette Portion de matiere, où ce Corps ſoit rem
pli d'eſprits, c'eſt à-dire de corpuſcules tres-ſubtils
& tres-agitez, puiſque nous avons prouvé qu'il n'y a
point d'Estreintelligent créé qui aye le pouvoir de
remuer un Corps qui eſten repos. 2º. Il faut que ce
petit Corps aye des Organes,afin que ces eſprits dé
terminez par le Démon excitent les mouvemens, &
les impulſions neceſſaires pour ſes delleins. 3º. Il
faut que ce Corps organiſé que le Démon anime ſoit ,
inviſible. 4º. Il faut qu'il puiſſe penetrer juſques aux
endroits les plus reculez de nôtre Corps, pour y ex
citer ces mouvemens dans les Organes immediats
des ſenſations & des paffions.
. Je ne crois pas pour cela que le Démon aye avec
ce Corps organiſé une union qui le rende l'Ame de
ce Corps, comme nous ſommes l'Ame du nôtres. "
nous ſommes unis à nôtre Corps d'une union for
melle, & ſubstancielle: la Theologie & la Philo-,
'. - - fophie
17
fophie la plus ſaine nous perſuadent qu'il n'y a que
dans nous que les deux Creatures, ſpirituelle & cor
porelle ayent une pareille union, & quand toutes les
raiſons priſes de la Religion ne nous en convain
troient pas, le plaifir, & ladouleur nous intereflent
trop à conſerver cette union entre deux ſubstances,
quià une petite interruption prés, font deſtinées à
être éternellement jointes l'une à l'autre, pour ne
nous pas perſuader de cette verité : Ainſi quoy que
je puiſſe produire le témoignage d'un grand nombre
de Peres de l'Egliſe, qui ont crû avec Lactance qua
les Démons étoient corporeks; je crois que l'union
que je ſuppoſe entre cét Eſprit, & les Corps organi
ques qu'il anime, n'est qu'une union qu'on peut apel
ler Instrumentale, telle qu'on peut concevoir entre
un Pilote, & le Navire qu'il gouverne, ou entre un
Organiste, & l'Orgue qu'il fait joüer.
L'Eſcriture Sainte & les SS. Peres nous enſeignent,
que l'Air inferieur que nous reſpironseſt la demeure
des Démons, qu'on apelle pour cela les Puiſſances
de l'Air, ſoitcomme croyent S. Bernard & pluſieurs
autres, qu'ils y ſoient releguez en attendant qu'au
Jugement dernier ils ſoient précipitez dans les flâ
mes de l'Enfer, qui leur font préparées, ſoit comme
le croyent pluſieurs autres, qu'une partie de ces Eſ
prits rebelles, ayant moins peché que les autres,
foient demeurezen chemin, où ils ſouffrent une pu
nition proportionnée à leur faute, ſoit enfin qu'ils
ayent le pouvoir de quitter leur Priſon, pour venir
tourmenter leshommes; quoy qu'il en foit de toutes
ces opinions, tous conviennent ſuivant S. Hierôme,
que leur réſidence ordinaire est dans l'Air. Hec au
tem, dit-il, omnium Authorum opinie Aër
18
1
i
iste, qui Cælum & Terram medius dividens inaneapì
pellaturplenusfit contrariis fortitudinibus. (in Ephef,
v. 1. 12.) Ainfi fi on peut prouver que l'Air est rempli
de petits Corps organiques inviſibles remplis d'Ef.
přits animaux, & de Membres propres à exécuter les
desteins malins de ces Eſtres intelligens, on pourra
fuppoſer avec bien de la vraiſen blance,que cespetits
Corps font les instrumens de leurs Malefices. ;
* Vous êtes Philoſophe, Monfieur, & délivré de
toutes les erreurs de l'Ecole, qui ne juge de la réalité
& de la perfection des Estres que par leur maſſe, &
qui a traité juſques à preſent les Infectes comnie de
petits Animaux imparfaits, & engendrez de corruP '
ption: Avec quelle admiration n'avons nous poine
contemplé les actions de ces petites Machines vivan
ses, lorſque nous comparions une Abeille avec un
Bæuf qui n'a pas ſeulement l'instinét d'étendre fa
paille pour ſe coucher à fon aife, pendant que ces :
Animaux fans compas & fans instrumens, fe
bâtiſſent de petites Maiſons dans toutes les régles les
plus exactes de la Geometrie & de l'Architecture#
Combien de fois avons nous confideré avec étonne
ment les laboratoires chymiques que ces petits Ani-.
maux portent dans leurs entrailles, où ſe forments
des Extraićts fi precienx de la rofée, & du fuc des
fleurs, que les Artistes les plus habiles ne pourront
jamais imiter, ces Maufolées magnifiques, que les
Verså foye, &pluſieurs autres Infectes ſe préparent:
enx mêmes, où ils s'enſeveliffent tous vivans, pour,
y mourir, & reffufciterienfuire avec une beautés
charmante? Ils font cependant tout cela machinale-,
ment, & n'ont pour principe de leursaćtions d'autrež
intelligence, que celle qui les aformez, & qui pae"
3
la ſeule figure, fituation ’« yarieté de leurs petits
Organes animez Parles Eſprits animaux, nous donne
un ſpectacle digne d'admiration, & un objet aux
obſervations les plus ferieuſes de Mi flieurs Redi,
Suammerdam , & Leuvenhoec , & de pluſieurs
Phyſiciens tres-celebres. . - - *

Mais comme à l'aide du Microſcope onen décou


vre, qui tont abſolument inviſibles à nos yeux, &
qui ne paroident niême avec cet inſtrument que com .
me de petits. Atomes vivans, que par la propoition
que nous concevons de ces petits intećłcs inviſibleș
avec le Corps humain, nous jugeons qu'il n'a point
de partie où ils ne puiſſent penetrer, que d'ailleurs
quelques petits qu'ils ſoient, nous pouvons leur con
cevoir des Organes auſſi parfaits qu'aux autres, &
des Eſprits animaux qui les animent; en ſuppoſant la
volonté de ces Estres intelligens nos ennemis, cauſe
occafionnelle de la détermination des eſprits ani
maux d'une ou pluſieurs eſpeces de ces petites machi
nes inviſibles; nous pourrons fans choquer la vrair
femblance établir un Systeme, qui expliquera les
illuſions, les tentations, & les autres effets les plus
furprenans de la malice des Démons lors qu'ils ſe
ront bien averez. * ** * * * , * * * * , -,

Carily a trois conditions requiſes pour rendre un


Syſteme vraiſemblable; la premiere, que le Faiten
queſtion n'aye point de cauſes qui tombér ·
fous les ſens, la ſeconde, que la cauſe qu'on ſuppoſe
existe actuellement dans la nature ; & la troifiéme,
parla ſuppofition de cette cauſe, on rende raiſon
e toutes les circonſtances duPhenomene qu'on veur
expliquer: Toutes ces conditions ſe trouvent dans
le Systeme rres-ſimple que je vous r en:
| 2. -
---------
4

2 o * * .
ine je vous le feray voir dans la ſuite. *
Quoy que je ne vous donne cecy que pour une
fimple conjećture, elle n'eſt pas cependant dénuée
de preuves, parmy leſquellesj'entrouve trois qui ne
vous paroîtront pas méprifables. La premiere eft;
que fi le Démon pour la premiere des hostilitez qu’il
a exercées contre le Genre humain, s'eſt fervi d’un
Infecte, vifible à la verité, parce qu'il tenta Eve en
agiffant fur fes Organes exterieurs, n'ayant aucun
pouvoir ſur les Organes interieurs d'une perſonne
qui étoit encore dans fon innocence originelle. Il
peut bien lorſqu'il veut ſéduire les hommes fe fervir
d'Infectes invifibles pour agir interieurementen re
muant les Organes du Cerveau, & y exciter lesima
ginations criminelles, & les pastions. La feconde eſt,
que l'introdućtion des Infećłes aëriens inviſibles dãs
le Corps humain n'est pasune choſe inoüye: Kirke
rus, Langius, & pluſieurs celebres Phyficiens ont
découvert que la cauſe immediate de la peste, & des
maladies pestileirtielles, est l'entrée d'une eſpece ve
neneuſe de ces Infećtes dans le Corps humain, qui
aprés avoir rongé & conſumé en peu de temps les
principes de la vie, vont faire leurs oeufs dans les
Emonótoires, où ſe forment les bubons pestilentiels,
& où l'on a découvert une fourmillere de petits Ver
miſſeaux, qui comme vous fçavez ne font que les
fétus de ces Infećtes volans envelopez dans leurs
Nymphes, dont ils ſe dépoüillent enfin pour s'envo
ler en l'Air; comme on perfećtionne tous les jours le
Microſcope, je ne déſeſpere pas qu'on ne découvre
à la finque la cauſe de pluſieurs maladies extraordi
naires & inconnuës, comme font la Rage, l'Epile
Pfie, & quelques autres, ne ſoit l'introduction d'In
** »:
- # * *

* *, ~. .
^*
/ „
w - -

4 * ** . . . .
»... ••
-

» fectes inviſibles de differentes eſpeces. Enfin la trofa


| fiéme preuve est le nom que le Prince des Démons
s'est donné, lorſqu'il a voulu ſe faire adorer, & qui
luy est demeuréjuſques à preſent , nom qui est fiéloie
gné de la Majesté d'une Divinité prétenduë, qu'il
paroît avoir été forcé par une Puistance ſuperieure
de le prendre, pour marquer aux hommes la honte
de fachûte, & la baſſeſſe de fon employ; car vous
fçavez que Béelzebub ſignifie Dieu Moucheron, ou
Dieu des Moucherons, qui eſt le genre de tous ces
Infećtes aëriens viſibles & inviſibles. . ..
Il est temps, Monfieur, aprés ces préliminaires
d'entrer en matiere, ainfi nous allons d'abord apli
quer nos principes pour expliquer la tentation, les
illuſions, & tous les déreglemens de l'imagination
cauſées par ces intelligences ennemies, puis nous re
chercheronsies eau dece qu'il y a deplus ſurpre
nant dans la maladie de certe Fille. , *

Quoy que j'aye entrepris, Monfieur, de vous


décrire les exploits de ce Prince de l'Air, je ne pré
tends pas en fairemon Heros; je vous avouë que j’ay
une tres-petite idée de fou habileté: Dieu qui ne per
met pas que nous foyons tentez au deſſus de nos for
ces, n'alaisté aparemment que tres-peu de lumieres
& de pouvoir à nôtre Ennemi depuis fa chûte, auſſi
ne fe commuhique-t'il qu'à des perſonnes fort grof:
fieres, & avec tout celaje fuis du ſentiment de Vau
helmont, qui croit qu'il a fi peu d'eſprit, que dans
fes Malefices un peu extraordinaires, il est obligé de
fe ſervir de celuy des Sorcieres qui le mettent en
ceuvre, & dont il n'est que l'écolier. Vis incantamenti
potiffima, dit-il, pendet ab idea naturali fage. (Cap.
Recept. inject. v. 19.) D'ailleurs l'ouvrage de la
-

- ?
A
** : .'
:*
- « ;* a
B B
tentatibn luy coûte peu de travail & diedustrie; il
trouve dans leCorps humain les materiaux tous prêta
à mettreen oeuvre, & il n'a qu'à les remuer. -
- Il y a troisparties dans nôtre Corps, qui font les
tuagafins desinſtrumens de nos pastions, & qui reg
ferment les levainspropresà les enflamer, à les en
tretenir, & à féduire nôtre coeur : le Foye contient.
labile qui allume la colere, la Rate renferme l'hu
meur melancolique propre à exciter la tristeſſe, la
haine, le defir de vengeance, & les autres pastions
triſtes, & les Parties deſtinées à la conſervation de
Heſpece, renferment des levains propres à allumer
les paffions contraires à la continence. Les objets,
ordinaires de la cupidité agiſſant ſur nos ſens, y ex
citent des mouvemens qui ſe communiquent au Cer
veau, donuent des émotions tumultueuſes aux ef
Prits, & des pastions vives à l'ame: ces émotions ſé
ditieuſes des eſprirs, par une Mecanique que Def-,
cartes & willis ont tres bien expliquée, irradiant
datis les Nerfs vague & intercostal, qui ſe répandent,
dans les Viſceres, qui contiennent les fucs dont je,
viens de parler, expriment & font couler dans le,
Sang, & de là au Cerveau ceux qui font propres à
entretenir & à fortifier la pastion allumée. .. ,
“Le Démon de ſon côté au moyen du petit Corps,
inviſible qu'il anime, entre & penetre facilement
dans tous les plus petits recoins du Corps humain,
où il étudie & imite les mouvemens interieurs des
Fibres queles objetsontexterieurement excitez, &
fait dans la partie imaginative les mêmes émotions
queles objets font danslapartiefenſitive, & ſouvent,
avec autant de force que les objets en employene.
pourexciterlesſenſations, & c'est ce quiformeles,
2 3
illuſions & lesphandômes il fait plus, il vajafjurs
dans les receptacles de ces fels fermentatifs, illes
tranſporte au Cerveau; & par leur moyenentretiens
& les idées & les émotions quiportentau peché Lors
qu'il rencontre ces levains dépravez, particuliereą
nent ceux de la Rate, & des Glandules feminaires;
ce qui eſt ordinaire aux hommes atrábilaires & aux
femines & filles ſujettes aux affectionshisteriques, il
charie dans le Cerveau un amas de ces fels qui excią
tent dans les elprits animaux ces violentes tempêtes
aufquels la raiſon ne peut refister, & fi on ſuppoſes
comme on le peut faire aiſément, qu'il dirige felon
fes deſfeins ces levains dépravez dans les traces dus
Cerveau, où fontattachéeslps ſenſations & lesima
ginations, on n'aura pas de peine à expliquertoutscs
qui arriveaux postedez & aux fanatiques, quine dià
fferent des Maniaques qu'en ce que leurs paroles &
leurs actions ſuppofant des connoistances qu'ils n'a e
voiết pas auparavant, paroistent manifestement être
dirigées par une intelligence étrangere:Tout cela cel
pendant ſe fait d'une maniere fi groffiere & fi peu,
ſuivie, qu'il donne une piroyableidée de ceselprirsi
malins, & c'est celqui fit-dire agréablement à une
perſonne d'eſprit, aprés avoir enténdu-le mauvais,
Latin que parloient les Religieuſes de Loudun, que,
le Démon qui les postedoit n'avoir étudié qu’en:
Sixiéme. . . . . . . . 2 la e trator: n : . .
Venons maintenárà la Fille qui fait le ſujet de cette,
Lettre. Il y a d'aboid lieu de conjećeurer que le Dé-i
mon excité contre elle, & misen oeuvrepar quelquei
perſonne ennemie, aprés avoir parcouru tous les re-l
coins de ſon corps, n'y a pointtrouvé de ces fels dé
Pravez,
: *
& propres à exciter lęs ſymptomes d'uneg
-

*
#4 -

poſſedées en effet furle raport detoutesles perſon:


nes qui l'ont connuë, & dirigée, & ſur un examen
exact de toutes ſes aćtions pendant quatorze jours,
nous luy avonstrouvé dcladouceut, & delafageffe,
point de paſſions dominantes, une pietė ſans ſuper-,
stition, & beaucoup d'attachement à ſon devoir, &
de réſignation à la volonté de Dieu, fimple & ſans
affectation; tout celane fentpointla melancolie dé
pravée, ny les diſpoſitions aux fureurs ukeriness,
ainfile Démon ne pouvāt l'attaquer parces endroits»
a employé les moyens exterieurs; & ajoüé dans le
Corps de cette pauvre ſouffrante les Tragedies ex-, !
travagantes , dont vous avez vû le détail.
- Si nous n'avions à expliquer que la generation &
l'expulſion des Chenilles, il nous feroit aiſé de le
faire, par le Mecaniſme naturel; caron peut ſuppo
fer fans peine, que cette Fille ayant avalé dans quel-.
ques fruits ou legumes, dont elle a fait pendant fi
longtemps ſon unique nourriture, une bonne quan
tité de petits deufspreſque inviſibles de ces Infećłes,
qes erufsfe ſonttrouvez dans fon Eſtomach envelo
pez dans une abondance de cruditez pasteuſes. Là
somme dans leur Matrice, à l'abri des pointes du ,
diſſolvant de l'Estomach, qui dans la perte d'apetit
où elle étoit àćtuellement étoient fort émouflées -
ils ont étécouvez & ont éclos parlachaleur decette
partie, & au moyen des fruits, herbes, & defeau, .
qui étoit la ſeule nourriture de cette Fille, & leur
alimentordinaire, font parvenus à ce point d'acroi
fſement où on les avůs; ainficét effet quoy que tres
fingulier, pourroit bien n'avoir rien que de naturel.
il n'en est pás ainſi de celuy des Èpingles & Ai
guilles, ce ne ſont point des Corps qui puiſent
âtre
I ·
- * 3
| &treformez ny nourris dans leCorps humain: quand ,
on ſuppoſeroit que PluſieursCorpuſcules metalliques
-- cachez dans les alimens autoient pů ſe reünir dans le
Corps par les differentes fermentations, & précipi
tations qui s'y font, elles ne pourroient produire qui
de petites maſſes informes; mais ce font de verita
bles Epingles & Aiguilles formées & aiguiſées de
main d'homme qu'on a tirées & qu'on tire tous les
| jours, dont on amanifeſtement coupé les tères, où
| vestiges des Ciſeaux paroillent encore, dont il y
en a quelques unes qui ſont demeurées courbées par,
l'effort qu'on a fait en les coupant, & qui luy ont fait
beaucoup plus de douleur que les autres, lors qu'on
| les a arrachées; ainfi dans l'explication de ce Pheno
- mene, il faut neceſſairement avoir recours au Meca
niſme artificiel: Voyons donc ce qui peut venir de
l'homme, & ce que nous ferons contraints d'attri
buer au Démon. - •
- Il est constant que les Epingles & Aiguilles ont été
introduites dans le Corps de cette Fille, puiſqu'elles
n'ont pû s'y engendrer; il est encore plus constant:
qu'on n'a půles faire entrer dans tous les endroits en
particulier d'où on les a tirées, les obſervations exa
ćłesqu'on a faites pendant quatorze jours ne laiſſent
aucun lieu de le foubçonner ; il est vray qu'il y a des
erſonnes qui ont l'adreſſe de s'en introduire dans les
, dans les Bras, & dans pluſieurs parties muf
culeuſes, fans douleur, en les ant entrer adroitė
ment entre les Muſcles, mais il y a bien de la diffe
rence entre ce petit badinage & ce qu'on aperçoit en
cette Fille, où l'on fent avec les dơigtsles Epingles
dans le fond des chairs ſur le Periofte, & qu'on les
aperçoit ſenſiblement s'avancer tous les jours peu à
| 4
. . . . .26 . . ** -

: peu au travers des Muſcles, penetrer toutes les para


ties glanduleuſes du Sein, & preſenter toûjours la
pointe la premiere: d'ailleurs les nauſées, & les vo
miſſemens de Sang, & la Fiévre qui précedent toû
jours les aparitions des Epingles, la grande quantité
qu'elle en a renduës par le vomiſlement, & les pico
temens douloureux qu'elle reffent de temps en temps
dans l'Estomach, ſont des preuves certaines qu'on
les luy a fait avaler. , ’ -

Il n'est pas difficile de comprendre que dans le


temps qu'elle reçût les coups qui la firent tomber dãs
unelongue perte de connoiſlance, on a půluy faire
avaler deux ou pluſieurs paquets de ces Epingles &
Aiguilles, ou enfermées daus de petits étuys,ou dans
quelques envelopes bien ferrées; les coups qu'elle
reçût à la tête ayent exprimé une abondance de ma
tiere pituiteuſe, qu'on avale ordinairement & ma
chinalement dans de pareils accidens, & dans les
affećtions convulſives & ſoporeuſes, qui accompa
gnent toûjours les commotions confiderables du
Cerveau ; ces petits paquets qu'on luy aura pů mettre
dans la bouche, feront fans peine à l'aide de ces eaux,
& de ces déglutitions convulſives & machinales deſ
cenduës dans l'Estomach, faņs qu'elle s'en
foit aperçûë. J'ay vů moy-même un homme dans un
accez épileptique, avaler tout d'un coup une paire de
Ciſeaux de plus de deux pouces de largeur à l'en
droit des anneaux, que fa femme luy avoit mis entre
les dents, & les rendre par les felles au bout de neuf
jours, & Vauhelmont affeure dans fon Chap. ( de In
jettis materialibus) avoir vû à Anvers en 1622. une
petite Fille vomir deux mille Epingles empaquc
tées avec des Poils & d'autres ordures.
---------- --

- - 27 * *

Cesenvelopesſe conſumantinſenſiblement par le


fuc falivaire de l'Eſtomach, ont laiſſé peu à peu écou
lerles Epingles qu'elles contenoient, qui ont été en
fraînées avec le chile dans les Intestins, dans les Vei
neslaćtées par le receptacle, & le Canal torachique,
juſques dans la Veine axillaire, & de-là elles ont pû
fuivre le cours du fang dans le Coeur, & dans tous les
gros vaiſſeaux juſqu'à leurs plus petites ramificatiós.
Quoy qu'il ne foit pas abſolument impoſſible que cela fe
foit fait par le pur Mecaniſme naturel, il eſt cependant tres
difficile de comprendre que ce grand nombre d'Epingles
ayent par le hazard feul fi bien ajuſté leurs pointes à l’em
bouchủre des Veines,laćtées, qu'elles ayent ſuivi le cours
des fans ſe mettre de travers dans pluſieurs paſſages
aſſez larges, s'il n'y en avoit eu qu'une ou deux dans le
grand nombre qu'on ſuppofe, cela ne feroit pas fans exem
ple ; on a vůdans la Veine du Bras d'un homme une Epingle
qu'il avoit avalée , & pluſieurs en ont rendu par les urines,
& par differentes parties du Corps dans les Abcez, mais il
eſt vraiſemblable qu'icy ces Epingles n'ont pû fe gliffer en fi
grand nombre dans les Vaiſſeaux, fans la direction de ces
petits Corps aëriens que je ſuppoſe toûjours inſtrumentale-
ment animez par les Démons, qui ont pû facilement les
conduire, & les empêcher de ſe mettre de travers, & de
heurter contre les membranes.
1. Mais lorſque ces Epingles font parvenuës juſques aux
plus petites diviſions des Arteres, qui non ſeulement font
'une petiteſſe difproportionnée à leurs maffes, mais qui
font encore avec les Veines avec leſquelles elles s'embou
chent mille plexus, & mille contours ; c'est là qu'il est phy
fiquement 1mpoſſible qu'elles puiſſent en fortir fans percer
le Vaiſſeau ; & fans faire un épanchement de fang dans la
partie, fans rompre les fibrilles de la membrane de l'Artere
qui ſont encore autant de petits tuyaux remplis de liqueurs,
& lors qu'elles font forties de cette maniere, elles trouvent
à leur paſſage un grand nombre de Nerfs, de Membranes,
& de nouveaux Canaux qu'il faut qu'elles percent, ceaquel
les ne peuvent faire fans exciter nouveaux épanchemens
de liqueurs, des contractions convulſives dans les Fibres
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nerveufes bleſſées, qui arrêtent la cireulation đu Sang đans
ła partie, & forment des Inflammations & des Abcez iné*
vitables ; il n'est cependant paş arrivé le moindre de ces
gccidens, & c'eſt ce que je trouvę icy de plus merveilleux.
Mais il ne fera plus difficile d'expliquer ce Phenomene en
fuppofant l'intervention des Intelligences malignes, qui
par le moyen des petits Corps inviſibles qu'elles animent,
s'introduiſent facilement dans toutes ces parties i Car à
l'endroit oli ces Epingles fe prefentent pour fortir, ils
étendent les Fibrilles qui font le tifu de la Membrane,
ouvrent l'intervale de ces Fibrilles, juſques à ce que la poin»
te de l'Epingle puiffe y pafer, cette pointe y étant intro
duite, augmente l'extenſion des Fibrilles, qui font les
côtez du Rézeau , & qui s'alongent facilement pendant ,
que le mouvement d'oſcillation, ou le fystole de la Mem»
brane opoſée, qui touche le gros bout de l'Epingle, la
pouſe peu à peu iuſques à ce qu'elle foit fortie de l'Àrrere,
aprés quoy les Fibres fe renferment partie à l'aide de ces
Agens exterieurs, partie par leur reſfort interieur, ſans
qu'il ſe perde une feule goutte de fang.
Il eſt aprés cela tres-facile de concevoir comment ces
f : Agens facilitent le paſlage des Epingles dans toutes
les parties les plus embaraffées en écartant les Fibres ner
veuſes qu'elles pourroient bleffer, les Vaiſſeaux capillaires
qu'elles pourroient percer, en ouvrant les Membranes des
Veſicules glandulaires comme celles des Arteres, tout cecy ·
étant à la portée de leurs petits Organes imperceptibles.
Vous me direz qu'il eſt bien difficile de concevoir, qu'un
tifu austi petit & anffi ferré que celuy des Membranes,
puiſſe fans rompre les Fibrilles fouffrir, à l'aide de
Agent que ce foit, une ouverture affez grande pour patier
une Epingle ; mais fi vous aviez vů ces Hydatides ou Veffies
pleines d'eau, qui ſe trouvent fonvent dans les hydropiques,
& qui ne font que les Vaiſſeaux lymphaliques preſque im
perceptibles dans leur état naturel, qui fe dila
tent quelques fois au point de contenir plufieurs pintes
d'eau, vous demeureriez d'accord que les Fibrilles qui
Rézean par où doit paſſer l'Epingle , & qui font
aut Fir'de petits Vaiſſeaux remplis de liqueurs, peuvent
alonger alfez chạcuade foncậté, pour faire une ouvertura
fuffifahte. * -
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ɓn peut done đire que tout ce qu'il y a de merveilleua
dans cét évenement comme dans pluſieurs autres qui pa
ro ffent incroyables, ne vient que de l'inviſibilité de la
cauſe qui les produit, mais il ne faut pas que nos fens
mettent des bornes à nôtre raifon. Imaginez-vous, Mon
fieur, que vôtre Ame pour quelques heures quitte vôtre
Corps pour animer un de ces Infestes inviſibles, que lep
bons Microſcopes ont découverts mille fois plus petits
qu'un Ciron, comme ces petits animaux ne manquent non
plus que nôtre corps ny d'Organes ny d'Eſprits, vous vous
trouveriez dans un monde nouveau, vous entreriez dans
mon Corps comme dans un vaste Edifice, vous vous pro
meneriez dans mes Veines & mes Arteres comme dans des
Canaux voutez , vous contempleriez avec facilité les Fibres
de mon Cerveau & leurs mouvemens, les Glandules qui
philtrent les eſprits , & le cours impetueux qu'ils prennent
dans les Mafeles pour les remuer aux moindres ordres de
ma volonté, vous viſiteriez les magafins où ſont renfermez
les levains bilieux, melancoliques, & feminaires, vous en
verriez la figure & les effers qu'ils produifent dans differen
tes paffions, vous rémuer & les trànſporter
fuivant vos delleins: Si avec tout cela vous êtiez devenu
mon ennemi, & fi un peu de malice fe joignoit à tout l'eſ
prit que vous avez , je vous craindrois plus tout feul qu'une
legion entiere de Béelzebub. - . * ,

Il n'y a donc rien qui nous empêche de ſuppoſer pour


l'explication des faits dont nous fommes convaincus par
nos ſens & par ceux d'un grand nombre de perſonnes judi
cieuſes, & qui font hors de la portée de l'artifice humain, .
l'union d'un Estre intelligent, de l'exiſtence du quel lą
Foy & la raiſon ne nous permettent pas de douter, avec un
Corps organiſé, bien muni de tous les membres neceſſaires
pour toutes les fonctions, rempli d'eſprits animaux qui les
remuëent machinalement pour fa conſervation, & à qui il
ne manque qu'une intelligence pour les diriger felon tous
les deſfeins qu'elle peut avoir de bonté ou de malice.
on a fi bien crâjuſques à preſent, qu'un Estre penfant
n'a aucun raport fondé ſur la nature avee le mouvement de
la mariere, & qu'il ne peut remuer les Corps, que pareg
fes volontez font établies cauſes occafionnelles des
déterminations du mouvement des eſprits animaux renfase
- 3 o
inez dans quelque Corps organique, que tous ceux qui
n'ont point crû les Démons corporels dans leur origine »,
difent que les Eſprits lorſqu'ils veulent exercer leur mali- :
gnité ſur les hommes ſe des Corps d'air : mais
cette opinion eſt infoutenable en bonne Philoſophie, car
outre que l'Air eſt un liquide incoagulable, & par conſe
quent impropre à former des Organes ſolides, la vertu
plaſtique que les Anciens avoient inventée, pour expliquer
de quelle maniere une Ame ſe formoit fon domicile dans la
generation, eſt depuis long temps releguée avec les facul
tez & les qualitez occultes, particulierement depuis qu'on
a découvert par le Microſcope que les Corps organiques :
font tous formez dans lęurs femences, que la generation
ne fait que déveloper: Il eſt donc bien plus raiſonnable de
croire que l'Air ſe trouvant rempli de petites machines vi
wantes inviſibles toutes formées.& toutes animées, ces
Eſtres penfans s'en fervent plûtôt que de s'en former,
quand même il leur feroit poſſible de le faire.
, Si vous examinez bien ce Syſtéme, vous trouverez peu
d'évenemens au deſfus de l'induſtrie humaine, & qui ne
foient pas des Miracles, qu'on ne puiſſe par ſon moyen
expliquer avec facilité, je ne prétends pas pour cela qu'on
ajoûte foy à toutes les hiſtoires ſurprenantes de Sortilèges
& d Enchantemens qu'on nous fait tous les jours, il y a à
rabattre fur tout cela, mais il ne faut pas pouffer l'incredu
lité trop loin ; il faut ſuſpendre raiſonnablement fon juge
ment, juſqu'à ce qu'on ne trouve aucun lieu de douter,
comme on a fait icy, & ne pas prétendre contre tous les
témoignages des fens, qu'une choſe ſoit fauffe, parce
qu'on ne la peut comprendre. -

Mais on me dira, comment peut-on concevoir qu'une


cauſe fi petite que l'action d'un petit Corps aërien inyiſible .
puiſſe produire des effets auſſi confiderables en VOlt

fois : Cette objećtion ne peut être faite que par


s perſonnes qui ignorent les Loix de la Mecanique & la
force du reſfort, car ils ſçauroiết que quelques Atomes d'air
comprimez, de nitre de ſouphre & de charbon enflamez ,
font foulever des maſſes énormes de matiere ; ils verroient
qu'il eſt bien plus aifé á ces petits Agens de remuer, d'a- ;
maſſer, & d'ordonner ces parties élaſtiques qu'ils peuvent
voir, & démêler des autres Atomcs, qu'à nous qui ne les .
1 .. . 3 I - - .
konnoiffons que par leurs effets ; & ees Ennemis du Genre
humain tous foibles & impuiſfans qu'ils font, ne laifferoient
pas de cauſer fouvent de grands maux : fi Dieu par fa pré
Îcience & fa fageffe infinies n'aiustoit fi bien les cauſes li-
bres bienfaiſantes & malfaifantes, que fans que leur liberté
foit jamais bleffée. elles accompliffent les deſfeins impe
netrables, mais toûjours pleins de bonté & de miſericorde
de fa divine Providence. -

Je ne prétends pas pour cela qu'on aye d'abord recours


aux Enchantemens, fitôt qu'on aperçoit quelque fait extra
ordinaire & qu'on ne peut pas expliquer tout d'un coup par
les régles humaine, on en a tant vû qui ont
étonné d'abord, & qui aprés les avoir bien examinez, fe
font trouvez n'être qu'un tour de main, qu'on ne f:autoit
être trop fur ſes gardes pour ne pas fe trouver expoſez à la
raillerie & aux reproches d'une credulité trop précipitée.
C'eſt avec ce préjugé fi raiſonnable que nous avons exa
miné le Fait en queſtion avec toute l'attention poſſible ;
nous ne nous ſommes point laiffé prévenir par tous les té
moignages qu'on nous a donné de la fageffe, de la bonne
de cette Fille, de fon défintereffement & de celuy.
de fa famille, nous l'avons fait vifiter, & garder à vûë par
des perſonnes feures & non ſuſpectes pendant quatorze
jours & autant de nuićts qu'on l'a toûjours veillé, dans le
foubçon od nous étions qu'elle pourroit fe fourrer les Epin
f : dans differentes parties de fon Corps, mais outre qu'on
'a mife dans l'impuistance d'en avoir, on ne luy a pas vů
faire le moindre mouvement pour cela, il luy en a même
paru dans les endroits où il eſt impoſſible qu'une perſonne
fe les mette elle-même, c'est-à-dire fur les Omopłates, le
Chirurgien n'a fait que les incifions, les Medecins & plu
fieurs des Affiſtans les ont tirées eux-mêmes , mais ce qui a
açhevé de nous mettre hors de foubçon, ce font les vingt
trois Epingles & Aiguilles qu'on a tirées de fon fein, qui
en ont penetré & parcouru toutes les differentes parties,
dont nous avons exaćtement obſervé toutes les fituations,
& qui n'ont laiffé dans ces parties aucune dureté, ni aucune
marque de liqueur épanchée , ny de Glande comprimée,
ny de Fibre nerveuſe irritée ; ceux qui fçavent l'Anatomig
de cette partie affeureront auffi bien que nous, qu’il eſt
abſolument impoſſible fans une direction particuliere d'un
* - 2. · · · -

Eſtreintelligent, que le . Corps étranger, parmy.


ce tilfu fi ferré de Veficules glandulaires, de Nerfs, Arteres,"
Veines, Vaiſſeaux lymphaliques & lactez, puiſſent par
courir toutes ces parties fans en bleſſer aucune, foit qu'il
foit introduit par dehors, foit qu'il vienne du dedans. . . .
Voilà, Monſieur, tout ce que Jay u euité ſur un
évenement qui a fait tant de bruit, & qui fut filte
encore, je ne vous donne cecy que pour de fin ples
čonjećłures,que je ſuis prêt de quittet fi tôt quon me
dira quelque choſe de plus vraiſemblable ; ſongez
feulement que les Agens que j'introduits fur la ſcene,
& les instrumens dont ils ſe fervent ne font point chi
meriques,qu'ils existent aćtuellement dans la nature,
que leur union a fa preuve dans nous niêmes, &
qu'enfinj'explique leurs aćtions par les ſeules régles
de la Mecanique, dont je foutiens qu'aucun Estre
créé ne peut jamais ſe diſpenſer.
- Au reste, Monſieur, ce n'eſt qu'à vous & ẩivae.
perſonnnede vôtre caractere que j'adreſſe mes Réfle
xions; je ſeray content fi elles peuvent vous plaire,
mais ſi par hazard ma Lettre ton be entre les mains
4 re-/prde les Décififs, qui fçavent tout fans avoir
rien examiné, qui nient tout ce qu'ils ne compren
nent point, & qui ne daignent pas fe rabaiſler aux
idées rampantes de la Mecanique, je luy déclare
pour prévenir ſes railleries, que tout cecy n'eſt qu'un
jeu d'eſprit, & que je n'ay rien écrit de ferieux ny
pour luy,ny pour ceux quiluy reſſemblent je ſuis,
MONSIEUR
% f'S - - . »
:
-
| .
\a vôtre tres-humble & tres
obéiſſant Serviteur. L. D. M«
gáz-, --;
-- 4 tistins, le 1. May 1717
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