NEGATION
DE LA NEGATION
a propos de «hasard »
et de «nécessité »
par H.-P. Cunningham|]__ It faut savoir gré & Jacques Monod d’a
besoin de communiquer, dans le Hasard et la Néces-
13) sur la place de
re témoigne admirable-
mn. active des hommes de
ion des problémes phi-
son «regard neuf >
homme dans |'univers. Son
ment du besoin d'une part
ques les plus fondamentaux
le besoin, sans doute plus ample aujourd’hui que ja-
mais, de rendre compte des étres naturels « en termes au-
tres que métaphysiques » (p. 11). Voila bien une sal
re réaffirmation de la nécessité d'une authentique philo-
sophie de la nature.
Ainsi, par exemple, sera-til désormais plus difficile
encore de dénier & la contingence son rdle essentiel dans
1 Paris, Editions du Seuil, 1970.128 WEGATION DE LA NEGATION A PRoros
Ja nature. Peutétre la principale contribution du livre est-
elle non seulement de formuler une remarquable défini-
tion du hasard, mais aussi d’en rappeler si vigoureuse-
ment Yexistence.
Ce n'est pas la seule contribution, tant s'en faut.
Contre le vitalisme et I’animisme selon I’« acception par-
itre > (p. 39) qu'il donne & ces termes, Monod s’em-
ploie & rapatrier Je vivant en son lieu naturel. La vie,
montre-vil, est un projet qui s'exécute grice aux lois de la
physico-chimie, de la thermodynamique, des liaisons mo-
léculaires. L’exéoution de ce projet, pour complexe qu’el-
le soit, n’a rien de magique ou de miraculeux. On n’a que
faire d’un projet « non physique » (p. 42) pour expliquer
scientifiquement la vie. C'est dans la nature que le vivant
existe ; il faut done bien qu’il dépende de causes naturel-
les. Et dans la mesure od le projet humain lui-méme trou-
ve dans le biologique et le physique sa condition d'exis-
tence et d'exécution, dans la méme mesure de tels aspects
sont indispensables & la compréhension de I’homme. Con-
tre I’e animisme » et & V'instar de certains des meilleurs
esprits de histoire de la pensée depuis Xénophane, il-au-
79, en outre, renouvelé effort d’élimination des concep-
tions anthropomorphiques qui ne cessent de menacer des
notions comme celle de finalité (ou de téléonomie *),
dans l'univers, o8, comme il le dit, les lois de Ia pensée
ne sauraient se retrouver ¢ telles quelles » (p. 46).
F CE Jacques Monoo, Leson inaugurate, Collége de
1967, p. 9; eLa Téléonomie, eest le’ mot qu'on peit em.
ployer ‘i, par pudeur objective, on préfére éviter « finalité >
Cependant, «tout se passe comme si» les étres vivants
Giaient seructurés ine fin :
surtout celle de Vespéce. > On
~
O
OB CHASARD» EF DE «MHoESSITi > n9
En plus d'avoir effectué une synthése de faits scien-
tifiques importants, Monod a Vincontestable mérite
tenté de formuler en langage clair un jugement
global sur leur signification.
Mais, & notre sens, le plus grand apport de cet essai
de Jacques Monod est, en derniére analyse, que les faits et
les raisons dont il fait état mettent en relief la nécessité
caractéristique de la fin dans la nature. Monod n'a pas
manqué de voir, en effet, méme s'il ne P’énonce pas tou
jours avec netteté, que loin d’exclure cette demitre, le
hasard, don!
1.1. IL n’empéche qu’on doive, & la vérité, souligner
que si (quant & l'information historique et a Vherméncuti-
que quill utilise) exposé est entaché d’uin laxisme inverti
quien infirme la qualité critique, Je regret dominant
qu'on éprouve & sa lecture et relecture est d@& un défaut
plus central : celui d’une ambiguité constante dans la thé-
se méme qu'il prétend avancer aussi bien que dans les
notions clés qui étayent son argumentation, Confusion qui
apparait au reste dans la multiplicité des interprétations
que cet exposé a déja suscitées — et d’autant plus grave-
ment & supposer qu'on doive prendre comme critére d’in-
sail, par ailleurs, que
parC. S, Pittendrigh en 195 Searsox, dans
Evolution alter Darwin (3 vol.) University of Chicago Press,
1960, vol. I, p. 173.