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E IL GOVERNO SABAUDO
PARTE PRIMA
I PRIMI PLEBISCITI
(marzo-aprile 1860)
PARTE II
I PLEBISCITI AUTUNNALI
(ottobre-novembre 1860)
LE PLÉBISCITE DE 1860
POUR L’ANNEXION DE NICE À LA FRANCE
1. Cadre général
Le plébiscite organisé en 1860 dans le cadre du processus d’an-
nexion 2 de Nice à la France 3 est à la fois un élément important de l’his-
ce, Oneglia et San Remo) 11, elle est aussi une ville administrative, une
véritable « capitale régionale », notamment sur le plan judiciaire 12 et mi-
litaire 13.
Pour autant, Nice se sent mise à l’écart des évolutions en cours
dans le royaume de Piémont - Sardaigne 14. « La Restauration met tout
en veilleuse » 15, par exemple en ce qui concerne l’amélioration des in-
frastructures routières et ferroviaires: dans ce domaine, tandis qu’est
projetée une voie ferré de Turin à Gênes, rien n’est prévu pour Nice.
Mais surtout, depuis que le traité de Vienne a permis l’intégration
au royaume de Piémont des anciens territoires de la République de
Gênes, la situation de Nice a profondément changé. Elle n’est plus le
seul débouché maritime de la partie continentale du royaume et son ac-
tivité économique se trouve menacée 16. En 1821 des franchises doivent
être rétablies pour tenter de renforcer le trafic face aux ports ligures.
Mais la nécessité de suivre les évolutions économiques conduit le
Piémont à modifier sa législation dans un sens plus libéral afin de favo-
riser les échanges. L’annonce de l’unification des tarifs douaniers et de
36 « Il exprime des réserves pour Nice qu’il tient pour italienne en invoquant le prin-
cipe des nationalités »: C. SORREL, Comment la Savoie et Nice sont devenues françaises
cit., p. 11.
37 P. GUICHONNET, Comment Nice devint française cit., p. 322.
38 O. VERNIER, Comté de Nice, in Dictionnaire historique de l’annexion cit., p. 347.
39 E. HILDESHEIMER, La réunion de Nice à la France en 1860 cit., p. 46.
LE PLÉBISCITE DE 1860 NIÇOIS POUR L’ANNEXION 195
Il suffira alors de les faire s’exprimer et, par « des mesures habiles »,
« réussir la votation » afin de légitimer a posteriori le changement de sou-
veraineté.
La position définie par Cavour semble finalement admise, puisque
le 27 janvier 1860, l’Empereur écrit à Victor-Emmanuel, afin d’énumé-
rer les « mesures à prendre pour trancher les difficultés présentes ». Or,
parmi ces mesures, figure la nécessité de « laisser en Savoie et à Nice la
même liberté qu’en Toscane et se conformer au vœu des populations li-
brement consultées » 54. Le roi de Sardègne répond par voie télégra-
écrit: « il y a un juge suprême qu’est le peuple. C’est à lui de décider de son sort [...] c’est
à lui de proclamer hautement et librement sa volonté suprême ».
51 Le Ministre français des Affaires étrangères, Edouard Thouvenel, écrit au ministre
de France à Turin, Charles de Talleyrand: « plus la démonstration sera éclatante dans
notre sens, moins la tache de M. de Cavour sera difficile devant le Parlement ».
52 E. MONGIANO, Il voto della nazione. I plebisciti nella formazione del regno d’Ita-
lia 1848-1860, Turin 2003, p. 208.
53 C. SORREL, Comment la Savoie et Nice sont devenues françaises cit., pp. 14-15.
54 M. MESSIEZ, A qui doit-on d’avoir voté au suffrage universel en 1860?, in « 1860,
la Savoie choisit son destin - L’histoire en Savoie », 2009, n°18, p. 51; il faut souligner éga-
lement l’insistance de Londres pour que le changement de souveraineté se fasse moyen-
nant l’expression de « la volonté des populations concernées »; la France adhère finale-
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59 Les élections provinciales qui ont lieu à la même date donnent des résultats simi-
laires.
60 Sur ces « élections inopportunes, paradoxales mais révélatrices », P. GONNET, La
réunion de Nice cit., p. 221 ss.; H. COURRIÈRE, La vie politique à Nice cit., pp. 81-83.
61 Sont également candidats Henri de Montezemolo (frère de l’ancien gouverneur)
à Sospel et Désiré Niel à Utelle.
62 La Gazette de Nice, dans son numéro du 24 mars, exhorte ses lecteurs à voter:
« c’est demain que vous devrez prouver que vous êtes des citoyens sans peur et sans re-
proche et non de vils et timides esclaves ».
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Le sort des peuples ne doit pas ressortir de la seule volonté des princes. Aus-
si le magnanime Empereur Napoléon III et le loyal Victor-Emmanuel ont-
ils désiré que le traité de cession fut fortifié par l’adhésion populaire.
[...] quand nous serons admis à faire partie du glorieux Empire français, nous
pourrons jouir des précieux avantages que l’équité des lois, l’opulence de son
trésor, la sagesse de son administration, l’intégrité des officiers de la nation,
répandent sur toutes les classes qui la composent 76.
convaincre les opposants et rallier les indécis. Il ne fait pas de doute que
son rôle aura été déterminant pour le résultat du plébiscite 80.
De son côté, l’opposition anti-séparatiste se concrétise surtout par
des manifestations qui ont lieu en février et mars au théâtre royal 81 où
l’on joue des hymnes patriotiques et où les entractes sont ponctués de
cris: « Viva Nizza italiana ». La plus importante est organisée le 11 mars,
lorsqu’une messe est célébrée à Nice « pour obtenir que Dieu délivre
notre chère patrie de la terrible catastrophe qui la menace » et qui n’est
autre que l’annexion. Après l’annonce de la signature du traité du 24
mars, l’opposition change d’attitude: il ne s’agit plus pour les anti-sépa-
ratistes, réunis dans un « Comité national de Nice » (appelé “comité ita-
lien” par ses adversaires), de manifester contre une annexion désormais
quasiment acquise, mais de dénoncer ses partisans (en particulier l’Ave-
nir de Nice) et d’attester encore leur attachement à l’Italie, notamment
lors du départ des troupes piémontaises le 30 mars, où plusieurs milliers
de personnes (selon La Gazette) manifestent les mêmes « sentiments de
douleur et de regrets ».
Comme une alternative à l’opposition, se dessine aussi un courant
favorable à la neutralité de Nice sur l’exemple de la principauté de Mo-
naco, solution assez peu vraisemblable proposée par la Gazette de Gon-
zague Arson, mais à laquelle – dit-on – le ministre sarde Des Ambrois
et Cavour lui-même pourraient adhérer 82.
Mais de manière générale, et dans un contexte relativement confus,
ce sont les arguments des annexionnistes qui semblent bien prévaloir. Et
dans ces conditions, face à d’aussi pressantes invitations à épouser la
cause de l’annexion, les habitants du comté de Nice n’ont guère le choix.
80 Lubonis rappellera par la suite: « il faut avouer qu’à l’effet d’assurer le résultat du
vote, et surtout pour avoir une manifestation éclatante de la volonté populaire, des pro-
messes assez nombreuses et dans l’intérêt public, comme le maintien de la Cour d’appel,
et dans l’intérêt personnel, avaient été faites par les agents français et surtout par M. le
sénateur Pietri. Le mécanisme du suffrage universel introduit tout à coup parmi nous
d’un côté, les circonstances spéciales du pays de l’autre, et surtout la disposition des es-
prits, expliquent suffisamment ces promesses comme un élément du succès »: cité par L.
IMBERT, Au lendemain de l’annexion. La France et le particularisme niçois, in « N.H. »,
1961, p. 102.
81 H. COURRIÈRE, La vie politique à Nice cit., p. 74 ss.
82 P. GUICHONNET, Comment Nice devint française cit., p. 323.
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92 A Nice, sur une population de 44.091 habitants, on compte 7.912 inscrits et 6.846
votants: A. VIANI, Les abstentionnistes dans la votation du 15 avril 1860, in « Lou Sour-
gentin », 1990, n. 94, p. 24.
93 F. BLUCHE, L’adhésion plébiscitaire, in Le prince, le peuple et le droit - Autour des
plébiscites de 1851 et 1852 cit., pp. 9-10.
94 Si l’on considère que ces abstention sont des votes négatifs, conformément aux
consignes des anti-annexionnistes, et qu’on les ajoute aux bulletins blancs et nuls, 16,8%
des inscrits se sont opposés à l’annexion.
LE PLÉBISCITE DE 1860 NIÇOIS POUR L’ANNEXION 211
mement en faveur de l’annexion 95. Le vote des militaires, qui est orga-
nisé de manière distincte, donne des résultats proches de ceux de la po-
pulation civile 96.
Malgré ces quelques nuances, les résultats sont donc globalement
très positifs et le taux de participation suffisamment élevé, indiquant
qu’une large majorité des électeurs approuve le changement de souve-
raineté. Les tenants du plébiscite vont donc pouvoir exploiter ce résul-
tat afin de légitimer le traité d’annexion.
95 Pour une étude détaillée des résultats des élections faisant apparaître les « zones
de refus », H. COURRIÈRE, La vie politique à Nice cit., pp. 92-95.
96 H. HEYRIÈS, Les militaires savoyards et niçois entre deux patries 1848-1871,
Montpellier 2001, pp. 235-240.
97 H. COURRIÈRE, La vie politique à Nice cit., p. 95 ss.; de son côté, l’Avenir fait état
de pressions de l’administration piémontaise: A. MAZON, Notes inédites pour servir l’his-
toire de l’annexion de Nice à la France cit., p. 204.
98 La Gazette de Nice du 13 avril 1860 les résume ainsi: « C’est toujours la même
chanson: notre Roi, leur dit-on, a cédé Nice à l’empereur, c’est une affaire faite. Il faut
que vous veniez dimanche reconnaître le nouveau gouvernement en déposant dans l’ur-
ne un bulletin portant: oui! Ceux qui ne se rendront pas à l’appel, il leur arrivera mal-
heur; pour ceux qui se rendront, les cailles tomberont rôties, toutes les bénédictions de
la terre se répondront sur eux. A preuve, voilà les manifestes du gouverneur, des syndics
et de Mgr l’évêque ».
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99 Il « aurait songé à organiser une expédition [...] débarquer à Nice pour s’emparer
des urnes, brûler les bulletins et faire campagne pour le maintien de Nice dans le Royau-
me. [Mais] il abandonne vite cette chimère... »: C. BIDÉGARAY, Sur un Niçois mythique,
Joseph Garibaldi 1807-1882, in Les Alpes-Maritimes 1860-1914 - Intégration et particu-
larismes, colloque de 1987, Nice 1988, p. 314.
100 Rapporté par A. MAZON, Notes inédites pour servir l’histoire de l’annexion de
Nice à la France cit., p. 207.
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Tous les peuples libres – affirme-t-il – sont exposés à ces anomalies, à ces
exagérations, à ces inconvénients. Je veux bien admettre qu’à Nice il y en ait
été fait un usage plus important qu’à l’ordinaire; mais pouvez-vous croire
que ces moyens un peu excessifs auraient eu une puissance telle qu’elle eût
produit la quasi-unanimité en faveur de la réunion à la France, si le senti-
ment des populations et ses intérêts ne les eussent portées vers la France? 101.
101 Cité par P. GUICHONNET, Comment Nice devint française cit., p. 328.
102 « Il est fort possible, [...] que des Provençaux aient été portés sur la liste des élec-
teurs et que, dans la montagne, des maires eussent touché les urnes, mais cela n’a pu mo-
difier que faiblement les résultats du vote »: A. SAYOUS, op. cit., p. 251.
103 P. GONNET, La réunion de Nice à la France cit., p. 239.
104 Cité par J. LEVROT, L’annexion de Nice à la France en 1860 cit., p. 222.
214 MARC ORTOLANI
çoise réserve à Napoléon III est tout simplement présenté comme une
réitération du plébiscite 110. C’est ainsi que les autorités locales le
conçoivent: « cette manifestation franche, cordiale, populaire – explique
le sous-préfet de Puget-Théniers – sera la consécration vivante du vote
de l’annexion » 111. C’est également de cette façon que la presse présen-
te l’événement à ses lecteurs: « il va nous être permis, par l’expression de
nos sentiments, de donner une consécration nouvelle au vote populaire
du 15 et du 16 avril » 112. Aussi, l’enthousiasme de la population – certes
parfaitement organisé par les autorités – apparaît comme une preuve
supplémentaire de l’adhésion des Niçois et clôt le processus de légiti-
mation populaire de l’annexion de Nice à la France.
Ces exemples suffisent à montrer qu’en utilisant le plébiscite à des
fins de légitimation, s’opère une évolution de la signification de la
consultation électorale, en tous cas telle qu’on la présente et telle qu’el-
le est perçue par les Niçois.
En effet, dans le discours qui suit la votation, ce qui n’est, au sens
juridique, qu’un “plébiscite de confirmation” 113 ou de “ratification” 114,
a tendance à acquérir la valeur d’un “plébiscite d’autorisation”.
En d’autres termes, dans l’esprit des contemporains, la lecture po-
litique des événements tend à occulter sa réalité juridique en accentuant
une conception volontariste de l’annexion et en échafaudant déjà le
mythe du plébiscite fondateur.
Ce glissement sémantique est évidemment de nature à renforcer la
fonction de légitimation du plébiscite puisqu’il n’apparaît plus comme
la simple confirmation d’une annexion déjà actée, mais comme libre ex-
Torino, 2016
Finito di stampare
presso la s.r.l. - Stabilimento Tipografico - Cuneo
nel mese di novembre 2016
ISBN 978-88-97866-19-0