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Canadian Cultural Exchange / Échanges culturels au Canada: Translation and Transculturation / traduction et transculturation
Canadian Cultural Exchange / Échanges culturels au Canada: Translation and Transculturation / traduction et transculturation
Canadian Cultural Exchange / Échanges culturels au Canada: Translation and Transculturation / traduction et transculturation
Ebook746 pages10 hours

Canadian Cultural Exchange / Échanges culturels au Canada: Translation and Transculturation / traduction et transculturation

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About this ebook

The essays in Canadian Cultural Exchange / Échanges culturels au Canada provide a nuanced view of Canadian transcultural experience. Rather than considering Canada as a bicultural dichotomy of colonizer/colonized, this book examines a field of many cultures and the creative interactions among them. This study discusses, from various perspectives, Canadian cultural space as being in process of continual translation of both the other and oneself.

Les articles réunis dans Canadian Cultural Exchange / Échanges culturels au Canada donnent de l’expérience transculturelle canadienne une image nuancée. Plutôt que dans les termes d’une dichotomie biculturelle entre colonisateur et colonisé, le Canada y est vu comme champ où plusieurs cultures interagissent de manière créative. Cette étude présente sous de multiples aspects le processus continu de traduction d’autrui et de soi-même auquel l’espace culturel canadien sert de théâtre.

LanguageEnglish
Release dateApr 7, 2011
ISBN9781554586561
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    Canadian Cultural Exchange / Échanges culturels au Canada - Wilfrid Laurier University Press

    90–135.

    I

    TRANSITIVE CANADA (1): FROM WHERE TO HERE? / UN CANADA TRANSITIF (1). EN AMONT

    ALEXANDRA KINGE ET ALAN MACDONELL

    La voix de l’Autre dans certains récits de voyages de l’Ouest canadien au temps de la Nouvelle-France

    La mentalité des explorateurs de l’Ouest canadien n’est sans doute pas celle des premiers découvreurs du Canada¹. Leur perception de l’Autre, de l’Autochtone, manifeste une certaine familiarité – l’Autochtone est pour eux connu – mais en même temps une reconnaissance du pouvoir de l’Autre : il n’est ni le « sauvage » des Jésuites à convertir, ni le fournisseur de fourrures à exploiter, ni même le guerrier redoutable qui menace la survie de la colonie. Les explorateurs de l’Ouest voient l’Autochtone selon deux optiques : celle des voyageurs qui ne peuvent se passer des indigènes pour les guider et leur donner les moyens de parvenir à destination; et celle des capitalistes qui doivent financer leurs découvertes et qui, par conséquent, comptent sur l’Autochtone pour la traite des fourrures – une traite qui leur sert non pas à s’enrichir, mais plutôt à payer les frais de leurs voyages car, ironie capitaliste par excellence, ceux-ci étaient rendus plus coûteux précisément à cause de la nécessité de faire de la traite. Dans ces conditions, les discours des explorateurs rapportés dans des journaux et récits de voyage doivent tenir compte de la parole de l’Autre : pour la traite, pour les conseils de guerre, pour la récolte du riz sauvage, pour la chasse, pour les cartes, si fantaisistes soient-elles, les explorateurs de l’Ouest n’ont d’autre choix que de se fier aux Autochtones et de traiter avec eux d’égal à égal. Ces explorateurs ont donc une manière particulière de rapporter la parole de l’Autre : car même en déformant celle-ci pour essayer de la rendre conforme à leur vision du monde et à leur désir de découverte, ils ne peuvent taire son potentiel de vérité, vérité des Autochtones d’une part, et vérité des explorateurs d’autre part.

    Le récit de voyage qui parle du Nouveau Monde présente, en tant que genre, un intérêt tout particulier parce qu’il se situe au croisement de différents récits. Souvent, en effet, il est à la fois récit littéraire, anthropologique, économique et historique. En cela, il est souvent malaisé de le définir. Notre analyse ne prétend d’ailleurs pas examiner tous ces types de récits. Nous examinerons plutôt la question de l’appréhension d’autrui à travers la parole qu’il prononce. Car si l’explorateur témoigne de ce qu’il a vu d’autrui, il l’a aussi entendu. Or, la vue de l’Autre constitue la matière même des récits d’exploration, tandis que la parole de l’Autre est assez rarement entendue et souvent mal comprise. Le découvreur transcrit méthodiquement ce qu’il observe chez ceux qu’il rencontre; ce faisant, il va parfois jusqu’à rapporter leurs mots. L’Autre devient ainsi partie intégrante du discours de l’explorateur, participant de façon indirecte ou directe au récit. En donnant la parole aux Autochtones, les explorateurs, marchands ou missionnaires venus en mission dans l’Ouest canadien nous offrent un aperçu différent de l’étranger qu’ils rencontrent sur leur chemin ou avec lequel ils vivent. Ainsi, leur discours n’est plus univoque, car même s’il encadre le discours de l’Autre de multiples précautions oratoires, politiques et autres, l’Européen inclut ce discours dans le sien propre. Ce discours de l’Autre est présent sous plusieurs formes dans le récit : il peut être repris simplement de façon indirecte et donc porté au compte du narrateur ou bien, et c’est là le sujet de notre recherche, il peut être transcrit de façon directe. On peut alors s’interroger sur la portée d’un tel discours. Cette prise de parole est-elle « naïvement » transcrite par le narrateur, ou est-elle plutôt utilisée à des fins idéologiques ou politiques? Nous nous proposerons dans cette analyse de montrer comment l’auteur du récit cherche à maîtriser la parole directe de l’Autre pour remplir sa mission impérialiste qui vise à contrôler et à assimiler l’étranger, et comment cette démarche est souvent trahie par les paroles de l’Autre qui ne se laissent pas apprivoiser par le discours européen et arrivent même à leur tour à encadrer celui-ci, subordonnant les visées européennes à une intentionnalité autochtone.

    Avant de passer à des exemples concrets de la parole de l’Autre, précisons que l’intérêt de notre discussion est théorique aussi bien que pragmatique. En effet, si nous acceptons dans ses grandes lignes l’observation de Todorov sur la parole de l’Autre et sur l’expérience de l’altérité, nous croyons possible d’y apporter des nuances en vertu des rapports uniques établis avec les Autochtones par les explorateurs et colonisateurs français dans l’Ouest canadien. Todorov conclut à la dichotomie fondamentale établie par l’Européen entre sa propre parole et celle de l’Autre :

    Colon méconnaît … la diversité des langues, ce qui ne lui laisse, face à une langue étrangère, que deux comportements possibles, et complémentaires : reconnaître que c’est une langue mais refuser de croire qu’elle est différente; ou reconnaître sa différence mais refuser d’admettre que c’est une langue. (43)

    Cette observation, généralisée peut-être à outrance, conduit à distinguer deux composantes essentielles dans le comportement de tout explorateur et colonisateur face à l’Autre :

    Ou bien il pense les Indiens (sans pour autant se servir de ces termes) comme des êtres humains à part entière, ayant les mêmes droits que lui, mais alors il les voit comme non seulement égaux mais aussi identiques, et ce comportement aboutit à l’assimilationnisme, à la projection de ses propres valeurs sur les autres. Ou bien il part de la différence; mais celle-ci est immédiatement traduite en termes de supériorité et d’infériorité. Ces deux figures élémentaires de l’expérience de l’altérité reposent toutes deux sur l’égocentrisme, sur l’identification de ses valeurs propres avec les valeurs en général, de son je avec l’univers; sur la conviction que le monde est un. (58)

    Cette vision dualiste de la perception d’autrui convient mieux à la colonisation du Mexique par les Conquistadors qu’à l’exploration de l’Ouest canadien par les explorateurs français. Un exemple tiré des journaux et lettres de La Vérendrye montre ce pouvoir du discours de l’Autre qui oblige l’Européen à se remettre en question. Après le massacre de son fils aîné, du Père Aulneau et de vingt voyageurs sur une île du lac des Bois, le premier mouvement de La Vérendrye est de chercher à se venger. Le gouverneur Beauharnois à Québec et le ministre de la Marine Vaudreuil à Versailles s’y opposent farouchement : il faut maintenir à tout prix la politique française et apporter la paix aux nations autochtones afin de favoriser la traite et l’exploration. La Vérendrye doit donc « se faire une raison », accepter de refouler le désir, naturel chez un père qui a perdu son enfant, de se venger. Mais la situation se corse, car La Colle, grand chef monsoni de l’époque, suivant en cela une politique de guerre contre les Sioux vieille d’un siècle, veut aider La Vérendrye à se venger contre les auteurs du massacre. Celui-ci est donc confronté à un dilemme angoissant : non seulement est-il déchiré entre le désir de vengeance et la nécessité de respecter la politique de Versailles, mais il se voit aussi remis en question en tant qu’homme : pourquoi refuse-t-il de suivre le penchant naturel de tout guerrier valeureux? Il faut en effet souligner que, si La Vérendrye est respecté des Autochtones, c’est en grande partie pour son courage dont témoignent les blessures reçues à Malplaquet et dont il exhibe les cicatrices aux Autochtones afin de prouver sa bravoure. Cela n’empêche pas La Colle, en fin stratège et grand chef, de s’étonner de la conduite paradoxale de La Vérendrye dans le but d’engager les Français comme alliés contre les Sioux.

    Le discours de l’Autochtone ne présente pas toujours ce genre de drame à la fois existentiel et politique. Mais il conteste le discours européen et va parfois jusqu’à faire intrusion dans la conscience européenne. Laisser parler l’Autre, c’est jusqu’à un certain point le reconnaître et l’accepter. À partir du moment où il y a un dialogue, il y a reconnaissance d’autrui. En cela, le discours direct des récits de voyage est une manière de rendre à l’Autre sa parole. Mais peut-on avancer pour autant que l’on est en présence d’un véritable échange? Dans le discours direct, transcrit avec l’usage de guillemets et sans commentaires, un dialogue se forme entre les Autochtones et le narrateur. L’Autre se fait alors interlocuteur direct du narrateur et, par l’intermédiaire de ce dernier, du lecteur. La transcription directe donne la parole à un peuple chez qui la tradition discursive est orale, et marque alors la reconnaissance d’une langue (parfois parlée par le narrateur ou comprise par le truchement d’interprètes), mais aussi d’un mode de pensée qui diffèrent de ceux des Européens. La parole dénote une façon particulière d’appréhender l’altérité. Par la parole, l’Autochtone prend visage humain; à travers ses mots, le lecteur est à même de reconnaître un esprit, une façon de penser et de raisonner diffé-rents. Ce statut privilégié accordé à la parole autochtone est particulièrement frappant chez l’explorateur La Vérendrye. D’un point de vue historique, cette nouvelle perspective dans le récit est le résultat de l’évolution des rapports avec les Autochtones. Dans le cas de La Vérendrye, il devient vital de s’entendre et de chercher à se comprendre pour pouvoir rester dans la région, y continuer la traite et surtout progresser dans la découverte de la mer de l’Ouest, passage mythique qui donnerait accès au Pacifique.

    Car si la connaissance passe par le langage, il en va de même pour la conscience de l’Autre. Dans les récits de La Vérendrye, l’Autre parle et prend un nouveau visage. On découvre un être qui n’est pas simple présence physique, mais est capable de paroles et de pensées. Si l’explorateur a choisi de transcrire de façon directe le discours des Autochtones, c’est sans doute par souci de faire comprendre leur volonté, dans le but d’améliorer les relations avec eux et de renforcer les alliances. En effet, dans ces récits, le « Sauvage » parle et donne son avis. Sa parole est rapportée souvent sous la forme d’une harangue tenue par les Autochtones. La Vérendrye ponctue son récit de dialogues qu’il a eus avec des chefs de nations : la harangue se présente comme un cérémonial très étudié et ritualisé dans lequel l’explorateur ou un chef prend la parole pour exposer ses doléances. En voici un exemple :

    J’adressai ensuite la parole au chef cri qui m’avait accompagné, et lui dis de parler au nom de sa nation et de faire connaître ses sentiments à toute l’assemblée. Il se leva, présenta une brasse de tabac … et adressant la parole à tous, il dit : « Mes frères, pensez-vous à ce que vous allez faire? Les Sauteux et Sioux sont nos alliés, et enfants du même Père. Pourquoi un tel, en parlant au chef de guerre, as-tu le coeur si mauvais, que de vouloir tuer tes parents? Songe aux paroles que nous avons envoyées à notre Père et ne nous fais pas mentir … Je te dis au nom de notre nation que tu aies à écouter la parole de notre Père qui nous donne de l’esprit … » (La Mer de l’Ouest 54, 56)

    Comme le montre toutefois ce passage, la parole directe s’insère dans le récit de l’explorateur et permet à l’Autre de prendre la parole, mais cette parole n’est pas toujours transcrite innocemment.

    Elle est en effet utilisée à des fins idéologiques précises; dans cet exemple, on y recourt dans le but de renforcer les paroles du gouverneur de la Nouvelle-France, sans doute transmises par La Vérendrye aux Autochtones. Elle sert en l’occurrence les intérêts idéologiques de l’exploration. Ce discours est efficace dans la mesure où il ne fait que valoriser et renforcer les idées de l’Européen. Ainsi, le dialogue est manipulé par le narrateur, alors même qu’il se présente comme direct. Le discours de l’Autre peut donc être utilisé pour satisfaire les attentes du lecteur officiel, ministre de France ou gouverneur de la Nouvelle-France. Il est d’ailleurs assez difficile de faire la part de ce qui est l’expression du point de vue des Autochtones et de ce qui est dit pour plaire, ou parfois pour déplaire. Comme l’affirme Todorov, « le destinataire est aussi responsable du contenu que son auteur » (232). Ainsi, les paroles des Autochtones sont le plus souvent utilisées à propos, dans la mesure où elles servent les intérêts de l’exploration et de la colonisation. Même si le discours de l’Autre lui confère un rôle dynamique en tant que personnage, comme l’explique Gilles Thérien (355), dans ce dialogue, le discours est finalement toujours entre les mains du Blanc. Le narrateur cherche toujours à maîtriser le discours, tout comme il cherche à maîtriser la situation décrite. En comprenant la langue et en la traduisant pour la transcrire, l’explorateur cherche aussi à assimiler autrui et à convaincre du bien-fondé de ses propres entreprises. Le discours de l’Autre rend plus crédible le récit, mais il est utilisé à des fins rhétoriques pour convaincre, pour confirmer la réussite des explorations, de la traite et de la colonisation françaises, sans doute pour masquer tant bien que mal une réalité politique évidente : l’échec des ententes et alliances avec les Autochtones. Mais l’idéologisation du discours de l’Autre est souvent trahie par l’intrusion de ce discours dans celui de l’explorateur.

    Idéologisation du discours de l’Autre

    Le « je » du discours de l’explorateur l’emporte souvent sur le « ils » des Autochtones, non seulement dans le discours direct, mais aussi dans la reprise du discours de l’Autre ou dans l’insertion de commentaires et de précisions. Au-delà du discours propre, l’agencement des mots ou des idées effectue une véritable mainmise idéologique sur le discours d’autrui. La rhétorique est soigneusement utilisée au profit de l’emprise idéologique de l’Ancien Monde. À tel point que ce discours proclame un préjugé fondamental propre à la colonisation en général, et bien exprimé par Albert Memmi : « Les Européens ont conquis le monde parce que leur nature les y prédisposait, les non-Européens furent colonisés parce que leur nature les y condamnait » (132). C’est la supériorité de l’Europe qui est exprimée dans le discours direct des Autochtones. La rencontre entre deux cultures différentes, l’une ne pouvant s’empêcher d’exprimer son emprise sur l’autre, se trouve parfaitement illustrée dans ce discours. Si bien qu’à travers les paroles des Autochtones, ce que les Français expriment est ce qui est bon pour eux-mêmes. Edward Saïd explique cela à propos de la domination anglaise en Égypte. Se mettant dans la position du dominateur anglais, il écrit :

    he does speak for them in the sense that what they might have to say, were they to be asked and might they be able to answer, would somewhat uselessly confirm what is already evident : that they are a subject race, dominated by a race that knows them and what is good for them better than they could possibly know themselves. (35)

    Il s’agit en fait de convertir à l’idéologie et aux intérêts de la France par le discours, même si ce discours est celui qu’on tient soi-même. On fait donc dire aux Autochtones qu’ils ont besoin que les Français prennent soin d’eux. Il n’est pas rare, dans les harangues transcrites par La Vérendrye, qu’un chef indien commence par remercier La Vérendrye de leur apporter ce dont les Autochtones ont besoin : « Mon Père, nous te remercions de ce que tu as bien parlé là-bas à notre Père pour nous. Nous connaissons aujourd’hui qu’il a pitié de nous en nous envoyant des Français sur nos terres pour nous apporter nos besoins … » (Mer de l’Ouest 96) lui dit un chef monsoni. Que ces paroles aient été véritablement prononcées ou non importe peu. Il s’agit de voir qu’elles sont utilisées dans un but précis et qu’elles véhiculent un message qui pose l’Européen comme le bienfaiteur des Autochtones. Dans L’Empire des signes, Roland Barthes recourt à une analogie on ne peut plus pertinente pour notre propos entre l’idéologisation du langage et le baptême forcé des populations autochtones : « L’Occident humecte toute chose de sens, à la manière d’une religion autoritaire qui impose le baptême par populations; les objets de langage (faits avec la parole) sont évidemment des convertis de droit » (92–93).

    La parole attribuée aux Autochtones est modifiée pour servir les intérêts idéologiques et culturels des Français. Ainsi, les Anglais, ennemis des Français pour la traite des fourrures dans la région, deviennent également ennemis dans le discours de l’Autre. La parole des Autochtones exprime une opinion qui est surtout celle des Français. Lorsque le Père Silvy, alors en mission avec d’Iberville dans la baie d’Hudson, relate dans son Journal du Père Silvy Depuis Bell’Isle jusqu’à PortNelson qu’il a été informé par les Autochtones d’une présence anglaise dans la région, les mots des « Sauvages » qu’il rapporte pour parler des Anglais sont loin d’être innocents. Dans les deux occurrences suivantes, les Anglais sont des « meschants François » : «… on revint avec deux canots de sauvages qui avoient traitté avec nos François, et qui n’alloient point aux Anglois qu’ils appellent avec raison meschants François » (xlvi).

    Il renchérit plus loin dans son récit, cette fois en transcrivant directement des paroles d’Autochtones : « Quelques sauvages qui ne faisoient que d’en venir, vinrent me dire tout emûs. Viens voir, viens voir les meschants François qui traversent et qui vont piller les François » (lv).

    De même, dans Relation du détroit et de la baie d’Hudson de Monsieur Jérémie, lorsqu’il s’agit de décrire le pillage d’un fort par des Autochtones affamés, ceux-ci deviennent naturellement des cannibales, mais comble d’ironie, même dans la description de leur cannibalisme le narrateur trouve le moyen de promouvoir une certaine forme de morale chrétienne par laquelle le Sauvage cannibale reconnaît sa propre culpabilité. Or, Monsieur Jérémie présente ce passage comme la simple transcription de ce que lui aurait expliqué un père de famille présenté comme un cannibale; il se dissocie de l’explication de ce dernier par l’introduction d’italiques :

    "J’en ai vû un qui, après avoir dévoré sa femme & six enfans qu’ils avoient, disoit n’avoir été attendri qu’au dernier qu’il avoit mangé parce qu’il l’aimoit plus que les autres, & qu’en ouvrant la tête pour en manger la cervelle, il s’étoit senti touché du naturel qu’un père doit avoir pour ses enfants, & qu’il n’avoit pas û la force de lui casser les os pour en sucer la moëlle." (36)

    Dans la recherche de la maîtrise du terrain, on peut noter cette même volonté de toujours maîtriser le discours de l’Autre. On connaît l’importance du rôle des Autochtones dans l’orientation topographique des explorateurs. Bien évidemment, lorsqu’il est nécessaire de reconnaître le terrain, les Autochtones ont leur mot à dire, mais le narrateur ne peut pas leur donner la parole sans prendre part lui aussi au récit en précisant les informations reçues, comme le montre cet extrait du journal de Monsieur Jérémie :

    Les Sauvages disent, qu’après avoir marché plusieurs mois à l’Oüest-Sudoüest, ils ont trouvé la Mer sur laquelle ils ont vu de grands Canots (ce sont des Navires) avec des hommes qui ont de la barbe et des bonnets, qui ramassent de l’Or sur le bord de la Mer (c’est-à-dire, à l’embouchure des Rivières). (12)

    Le narrateur inclut ses commentaires sous la forme de parenthèses qui ren-ferment l’information réelle, par comparaison avec celle énoncée par les Autochtones. Là encore, ce discours témoigne du conflit de deux cultures aux référents distincts. Les parenthèses viennent rappeler qu’il y a un seul discours compréhensible et accessible, le discours dominateur des Français. La reprise du discours de l’Autre semble dans ce cas ne pas pouvoir se passer d’un commentaire de l’auteur qui viendrait corriger les informations pour certifier leur authenticité et en reprendre à son compte les paroles. Car il s’agit bel et bien de maîtriser la parole de l’Autre, au même titre que les explorateurs tentent de maîtriser le pays et ses habitants. Comme l’explique Todorov à propos des textes qui expriment le point de vue des Autochtones, il ne faut pas les lire « comme des énoncés transparents, mais [il s’agit] d’essayer en même temps de tenir compte de l’acte et des circonstances de leur énonciation » (59). L’explorateur, par exemple, exprime sa supériorité en faisant siennes les découvertes faites par les Autochtones. Il faut convaincre de l’intérêt des explorations, de l’installation de postes de traite, mais aussi de la maîtrise du pays par ceux qui s’y sont nouvellement installés. Pour faire plus vraisemblable, on se sert donc des paroles des Autochtones que l’on transcrit, mais toujours dans le sens de l’exploration, de la traite ou de l’évangélisation. Cette parole sert à assimiler en faisant proférer aux Autochtones des paroles qui pourraient être celles d’un explorateur ou d’un missionnaire.

    La parole est un outil idéologique qui concerne ce qui ne peut être dit et pourtant transparaît dans le récit : l’échec croissant des missions, du main-tien du commerce, des alliances, et les rapports avec les Anglais et les Autoch-tones. On fait dire ce qu’on veut aux Autochtones pour se dispenser d’avouer l’échec. Le discours de l’Autre est codifié et utilisé pour justifier et légitimer. Les Anglais sont méchants, les Autochtones qui ne prennent pas part à la traite des fourrures sont des cannibales, ceux qui au contraire y participent ont « de l’esprit » et deviennent les «enfants » de la France; les Autochtones non convertis sont de mauvais chrétiens et des barbares; à l’inverse, ceux qui acceptent les lois morales sont de bonnes âmes. Au sein même du discours de l’Autre, on retrouve un dualisme dans l’image des Autochtones qui alimente le récit de voyage. Le « Sauvage » est bon ou mauvais, mais il n’est jamais tout à fait ce que l’explorateur voudrait qu’il soit.

    Retour de l’Autre

    Impossible donc de limiter notre analyse du discours de l’Autre à une simple considération de l’emprise idéologique de l’explorateur européen. Les textes d’explorateurs montrent aussi que la parole ne peut pas être systématiquement contrôlée par le narrateur. Parfois, en transcrivant le discours des Autochtones, l’explorateur laisse percevoir sa perte de contrôle du discours de l’Autre et, par extension, de l’Autre lui-même. Ainsi, l’Autre peut prendre la parole au sens littéral du terme, plutôt que de se la faire donner par le narrateur. En effet, le discours, même s’il reste entre les mains du narrateur, peut parfois lui échapper. On peut trouver un exemple frappant de cela dans un journal de La Vérendrye daté de 1734. Alors que la situation des alliances se dégrade entre les Français et certaines nations autochtones, un chef monsoni vient rencontrer La Vérendrye pour exprimer son opinion sur la guerre :

    « Mon Père, nous sommes venus te trouver, espérant que tu auras pitié de nous, puisque nous obéissons à ta parole. Nous voilà rendus chez toi, sur qui frapperons-nous? » Et avant ma réponse il continua : « Si tu veux je dirai la pensée de nos guerriers, je suis chef, il est vrai, mais je ne suis pas toujours maître de leur volonté. Si tu veux nous accorder ton fils pour venir avec nous, nous irons droit où tu nous as dit d’aller, mais si tu nous refuses, je ne saurais répondre du coup qui va se faire. Je ne doute pas que tu ne saches la pensée de nos parents les Cris, mais je ne te cache pas, mon Père, qu’il y a plusieurs chefs parmi nous qui ont le coeur mal fait contre le Sioux et le Sauteux … Pense à ce que tu as à faire. » (Mer de l’Ouest 56)

    Alors que le discours commence par la reconnaissance du rapport de soumission qui existe entre l’explorateur et les Monsonis, comme l’expriment les mots « puisque nous obéissons à ta parole », la suite du discours montre l’absence de pouvoir du chef et, par extension, de l’explorateur. Le discours transcrit montre que le narrateur n’arrive pas à prendre la parole lors du discours du chef monsoni. La Vérendrye écrit, d’ailleurs : « Et avant ma réponse il continua ». Dans cet exemple, c’est le chef qui prend le dessus dans le discours et il le termine même par un impératif : « Pense à ce que tu as à faire », qui peut être compris comme un ultimatum. Pourquoi l’explorateur a-t-il choisi de transcrire un discours qui exprime une menace du chef monsoni, introduite par des « si » contre le pouvoir français? Pourquoi l’explorateur a-t-il tenu à garder ce discours dans sa narration dans laquelle il n’exprime en rien son point de vue sur le problème soulevé par le chef monsoni et où il ne cherche pas à prendre le dessus sur le discours de l’Autre? Est-ce pour montrer la mauvaise volonté des Autochtones et leur soif de guerre? Ce genre de prise de parole manifeste la complexité des alliances qui réglaient les rapports intertribaux, de même que les rapports entre Français et Autochtones. On pourrait alors avancer que l’explorateur cherche à rejeter la faute sur les Autochtones pour les échecs qui s’annoncent; il s’agirait de montrer que les guerres prennent des proportions incontrôlables certes, mais que la responsabilité en revient aux Autochtones.

    D’un point de vue historique, cette perte de contrôle met très bien en relief la perte de pouvoir des explorateurs français sur les Autochtones et l’échec des ententes et de la présence française dans la région. Le discours utilisé dans une optique idéologique de démonstration de supériorité ne semble pas pouvoir masquer ce qui ne peut se dire, mais qui transparaît clairement à travers l’utilisation du discours de l’Autre : l’emprise que ce discours exerce sur le discours européen. En reconnaissant la pertinence des opinions des Autochtones, qui peuvent parfois aller à l’encontre de celles de l’explorateur et, à plus grande échelle, de celles du gouvernement de la Nouvelle-France, un dialogue certain est créé dans lequel les deux parties ont leur mot à dire. En cela, les textes de La Vérendrye sont remarquables puisqu’ils montrent toutes les complexités de l’appréhension d’autrui et de son acceptation. La conquête matérielle n’explique qu’à moitié l’expérience de l’explorateur, car la face cachée des transformations qu’il impose aux nations et aux territoires conquis, c’est le contact opiniâtre des Autochtones. La meilleure illustration de cela est sans doute la suite et fin de cette requête faite à La Vérendrye par le chef cri. L’explorateur nous dit :

    J’étais agité, il faut l’avouer, de différentes pensées qui me tourmentaient cruellement, mais je faisais le brave et ne m’en vantais pas. D’un côté, comment mettre mon fils aîné entre les mains des barbares que je ne connais pas et dont à peine sais-je le nom, pour aller en guerre contre d’autres barbares dont je ne connais ni le nom ni les forces. Qui sait si mon fils en reviendra, et s’il ne tombera pas entre les mains des Maskoutins Pouanes ou Pouannes, ennemis jurés des Cris et Monsonis qui me le demandent? D’un autre côté, si je leur refuse, je crains avec fondement qu’ils n’attribuent mon refus à la peur, qu’ils ne prennent les Français pour des lâches, et qu’ils ne secouent le joug français … (Mer de l’Ouest 58)

    Les conséquences de la décision de La Vérendrye de permettre à son fils de partir en guerre avec les Cris se font sentir à long terme. Par la suite, en 1736, des guerriers sioux, évoquant parmi d’autres griefs la présence du fils de La Vérendrye dans un parti de guerre qui les avait attaqués, massacrent ce fils, le Père Aulneaux et des voyageurs sur le lac des Bois. Pendant toute l’année 1737, La Vérendrye, suivant en cela la politique de Versailles et de Québec, essaie de calmer le désir de vengeance de ses alliés cris et assiniboines. On peut donc dire que cette perte humaine représente aussi une remise en question pour plusieurs années de la mission de découverte de La Vérendrye.

    Mais l’analyse de la parole de l’Autochtone ne devrait pas s’arrêter à ces conséquences humaines et politiques. N’oublions pas que l’aventure de la découverte chez La Vérendrye commence par la parole de l’Autochtone, telle qu’interprétée par l’explorateur et le Père Gonnor, et que cette entreprise a donc des origines ambiguës. En effet, La Vérendrye est simple traiteur sur le lac Nipigon quand lui et le Père Gonnor font la rencontre de Pako, un Autochtone qui leur parle d’un grand fleuve qui va droit vers le couchant et qui débouche sur une mer ayant un flux et reflux et dont l’eau n’est pas bonne à boire :

    Ce n’est pas qu’il n’y ait toujours à se défier des Sauvages qui, étant fort oisifs et ne sachant à quoi passer le temps, l’emploient assez souvent à inventer des faussetés qu’ils racontent ensuite comme les plus grandes vérités avec la dernière effronterie. On les écoute et on ne leur dit jamais non, parce qu’on serait méprisé si on le faisait et on passerait pour n’avoir point d’esprit, mais on ne les croit pas pour cela. On a raison en bien des rencontres, mais aussi quelquefois on a tort, parce que les Sauvages, même les plus grands menteurs, disent vrai quelquefois. Or, il semble que ce soit ici une de ces occasions où on ne puisse les soupçonner de tromper sans se faire soupçonner soi-même d’incrédulité excessive et d’aveuglement outré. (Mer de l’Ouest 34)

    Aux origines de la découverte de l’Ouest se trouve donc un quiproquo fondé sur la dépendance envers la parole de l’Autre, sur une tendance irrésistible à l’interpréter selon les nécessités de l’exploration (dans ce cas, le besoin impérieux de voir dans le lac Winnipeg la mer de l’Ouest) et les vingt années de travail et de sacrifices qui ont mené, malgré tout, à la découverte de l’Ouest canadien.

    L’étude du discours de l’Autre révèle donc des changements subis par l’explorateur à son insu. Il semble que La Vérendrye, qui dépend de la traite et donc des Autochtones pour mener à bien ses explorations, n’ait d’autre choix que de dialoguer avec eux pour assurer la poursuite de la découverte de la mer de l’Ouest. À la lecture de récits d’explorateurs, on est sensible d’abord à la tentative de masquer la découverte de l’altérité par le discours dominateur du colonisateur. Pourtant, comme nous avons tenté de le montrer, le dialogue avec l’Autre peut être présent, et la situation de domination par le discours européen peut même s’inverser. L’expérience de l’altérité se révèle par le langage, car, lorsqu’il prend la parole, l’Autre est reconnu par l’effet que cela produit sur l’Européen. Il ne s’agit plus alors pour le narrateur de relater uniquement ce qui lui convient, mais aussi ce qui lui déplaît ou ce qui le compromet dans ses certitudes. Les textes de La Vérendrye en particulier nous présentent cette remise en question de l’idéologie dominatrice de la colonisation, ne serait-ce que par ces failles du discours où perce le discours de l’Autre.

    Note

    1 Olive Dickason (The Myth of the Savage) soulève le problème de la véracité des premiers rapports du discours autochtone. Elle cite entre autres l’exemple du cosmographe Thevet : « Thevet’s version of his first visit to New France was a compound of fact and fancy : "On my first voyage, returning from the southern lands, we had difficulty meeting barbarians. A kinglet in animal skins, accompanied by several persons, thinking that we were worried and that we feared them, spoke to us in a friendly manner in his language ‘Come, come my brothers and friends. Come and drink of what we have. We swear to you by the heavens, by the earth, by the moon and by the stars, that you will suffer no more harm than we ourselves.’ Seeing the goodwill and the affection of this old man, we stayed with him the whole day, and the next took the route of the Gulf of Canada." On the other hand one could also wonder if this was Donnacona’s version of his first encounter with Cartier. Thevet met Donnacona in France; it could well be that the cosmographer could not tell the chief’s own story as his own » (176–77).

    Bibliographie

    À la recherche de la mer de l’Ouest/In Search of the Western Sea, dir. Denis Combet, Winnipeg, Éditions du blé/Great Plains Publications, 2001.

    Barthes, Roland. L’Empire des signes, Genève, Albert Skira Éditeur, 1970.

    Dickason, Olive P. The Myth of the Savage, Edmonton, University of Alberta Press, 1997.

    Memmi, Albert. Portrait du colonisé, Paris, Gallimard, 1957.

    Monsieur Jérémie. « Relation du détroit et de la baie d’Hudson à Monsieur ** », dans Recueil d’arrests et autres pièces pour l’établissement de la Compagnie d’Occident, Amsterdam, 1720.

    Père Silvy. « Journal du Père Silvy depuis Bell’Isle jusqu’à Port Nelson, 1685 ». Documents Relating to the Early History of Hudson Bay, éd. par J.B. Tyrell, Toronto, Champlain History Publication XVIII, 1930.

    Saïd, Edward. Orientalism, New York, Vintage Books, 1979.

    Thérien, Gilles. « L’Indien du discours », dans Figures de l’Indien, dir. par Gilles Thérien, Montréal, Université du Québec à Montréal, 1988.

    Todorov, Tzvetan. La Conquête de l’Amérique : la question de l’autre, Paris, Seuil, 1982.

    ALBERT BRAZ

    The Creative Translator: Textual Additions and Deletions in A Martyr’s Folly

    [I]t is impossible to do a good translation unless there is creative intervention by the translator. (Iren Kiss)

    One of the most common refrains in the discourse on translation is the lament about the invisibility of the individual who makes the enterprise possible, the translator. Newspaper critics are particularly notorious for reviewing translations as if they were source texts. However, critics are often abetted in their practice by publishers, who deliberately camouflage the fact a given work appears in a language other than the one in which it was first written. The English version of Anne Hébert’s celebrated 1970 novel Kamouraska is a case in point, as only the most recent edition (2000) openly acknowledges that there is a linguistic mediator between Hébert’s words and the reader.¹ Although far more rare, the reverse has also been known to occur. Because of national chauvinism, the local celebrity of the translator, or perhaps in an attempt to avoid paying royalties, texts sometimes bear only the translator’s name. An example of this phenomenon is the first New Canadian Library edition of Canadians of Old, whose cover presents Charles G.D. Roberts as the work’s author, not the translator of Philippe Aubert de Gaspé’s Les anciens Canadiens, as the title page indicates (Aubert de Gaspé n.p.). Since its translator’s name does not appear anywhere in the text, A Martyr’s Folly would seem to fall into the first tradition, that of deliberately effacing the translator. Yet, despite his or her ostensible absence, the anonymous scribe transforms the work in fundamental ways. A Martyr’s Folly is the Canadian translation of Maurice Constantin-Weyer’s La bourrasque, a 1925 French historical novel very loosely modelled on Louis Riel. It was published in Toronto in 1930, the same year that another edition appeared in New York bearing the title The Half-breed. The two works are remarkably similar, conveying the impression that they are (largely) the labour of the same individual. The notable exceptions are scenes involving Riel’s still controversial trial, where the U.S. version tends to be faithful to the French original but the Canadian one does not. As well, the Canadian text deletes two sections of Constantin-Weyer’s novel on the politics of the trial and replaces them with two new ones. Indeed, as I will contend in my essay, so creative a translation is A Martyr’s Folly that, at times, it becomes completely distinct from its putative source.

    La bourrasque remains a polemical text, one that elicits rather conflicting assessments. Some critics consider it a mediocre work and, except as archival material, deservedly forgotten today (Knutson 257). Others, in contrast, claim the novel is full of insights and the only reason there have been such cris de protestation against it in Canada is that elle choque le bon goût (Motut 136). The same divided response has greeted the work’s Canadian English translation. Around the time of its publication, A Martyr’s Folly was given a generally positive reception. For example, an anonymous critic for The Canadian Historical Review praises it for containing an excellent picture of the Métis and of the wilds of the Canadian north west (Anonymous 227). In his introduction to the novel, Pelham Edgar is even more complimentary, describing it as an admirable study of honest and ignorant ineffectiveness at grips with a somewhat blundering efficiency (vi).² But the situation has changed dramatically in the last few decades. Constantin-Weyer’s sardonic treatment of Riel and his people has become especially problematic, since it se situe aux antipodes de l’image que veut projeter la nation métisse (Saint-Pierre 11). In fact, so widely condemned is the novel that the city of Winnipeg banned it from its public libraries in the 1970s and the author’s own daughter refuses to allow its republication (Frémont 58–59; Saint-Pierre 12).

    Whatever its literary merits or failings, though, A Martyr’s Folly does exemplify some of the most critical problems in the contemporary theory of translation, notably those reflecting the anxiety about the status of the translator. For theorists like Alexis Nouss and Lawrence Venuti, the factor most responsible for the current marginality of translation is its offense against the prevailing concept of authorship, in which a translation is seen as derivative, an imitation of another text (Venuti 31). Nouss finds the poststructuralist concept of the death of the author liberating precisely because it authorizes the birth of the translator, who becomes equal to the author. In his words, "[t]he disappearance of the authorial burden, the move from work (l’oeuvre) to text (texte) both gives the translator the freedom of creativity and legitimizes his/her status, as no longer secondary but on par with that of the author (1352). However, in terms of both translation and transculturation, there seems to be a major contradiction in the argument that the translator is really an author. If one accepts that a text can become part of world literature only when it enters a culture other than the one that produced it, then, unless it is written in an imperial language, it must be translated (Damrosch 4–6). In order for this linguistic metamorphosis to be possible, of course, the text must exist prior to the act of translation. Similarly, transculturation can occur only if different cultures come into contact with each other and undergo some disadjustment and readjustment in the process (Ortiz 98). That is, for linguistic as well as cultural reasons, there appear to be concrete limits to the freedom of the translator. As Frank Scott asserts in his famous dialogue with Hébert, the translator is given an external criterion of the appropriateness of his writing, in the poem to be translated. He writes, as it were, to order, yet must create while obeying the order (Hébert and Scott 56). Therefore, if the translator becomes creative to the point of ignoring the original work, no cultural exchange—that is, no translation—can take place. Or, to phrase it differently, on a profound level, translation precludes authorship. This is likely what leads Isaac D’Israeli to maintain that a translator must only copy, not compose. Whenever he trespasses on his limits, he ceases to be a Translator, and becomes an Author" (228). But such intrusion into authorship is what happens frequently in A Martyr’s Folly, which stops being the translation of a text from another linguistic and cultural tradition and becomes a new, domestic creation.

    As mentioned above, A Martyr’s Folly is the Canadian translation of La bourrasque, by Maurice Constantin-Weyer (1881–1964). Since the author has fallen out of fashion these days, it may be useful to provide a brief introduction to him before proceeding to analyze the translation. Constantin-Weyer³ was a Frenchman who farmed in southern Manitoba for about ten years in the early part of the 20th century. Following the outbreak of the First World War, he returned to France, where he was later joined by his children but not by their Métis mother, whom he allegedly abandoned (Frémont 32). Constantin-Weyer is now best known for his Canadian writings, which are credited with having introduced the Canadian West into French literature. Known collectively as l’Epopée canadienne, his fifteen historical and adventure novels were instrumental in helping to transform the European image of Canada from a country of snow and ice into that of an exotic and beautiful land (Knutson 260). They were also extremely well received in France, one being awarded the Prix Goncourt in 1928, and led to his being known as the French Jack London (Motut 98–100). Still, even though Constantin-Weyer is considered a great champion of Canada, driven by a desire to expose France to what he called a véritable pays d’Epopée (quoted in Motut 92), he was given a rather different treatment in his adoptive land. This is particularly true of La bourrasque, a novel that many Métis and French-speaking Canadians have deemed irreverent to the point of being racist.

    The main explanation usually offered for the Métis and French-Canadian antagonism toward La bourrasque is the author’s cavalier attitude toward la vérité historique (Motut 106), a charge that is difficult to dispute. Constantin-Weyer’s casualness about history is particularly conspicuous in his decision to portray Riel as a lover. The Métis leader is often seen as the Prophet of the New World and a founding father of Manitoba, but not exactly its Golden Boy, a Prairie Don Juan. As several scholars have remarked, when it comes to women, not even his enemies could make out a case against him (Howard 147; Motut 123). Yet for Constantin-Weyer, Riel is first and foremost a frontier bon-vivant, a good old boy more interested in romantic conquests than in the welfare of his people. While the Riel of La bourrasque has sexual liaisons with a large segment of Red River’s female populace, his great love is a certain (and fictitious) Mrs. Hamarstyne.⁴ The mixed-race wife of a prominent white merchant, Mrs. Hamarstyne is a pious Presbyterian who considers her dalliance with an ungodly Catholic une grande honte that is bound to bring about her eternal damnation (Bourrasque 71). But so intense is their sexual relationship that the two lovers are willing to risk anything over it, including her marriage and the Métis cause (Bourrasque 183).

    There are other reasons, though, why Constantin-Weyer’s novel has so deeply offended some people in Canada. In addition to presenting Riel as an inveterate womanizer controlled by his libido, the novelist depicts his protagonist as being threatened not only by English Canadians but also by Catholic priests and French Canadians. According to Constantin-Weyer, most Métis are descended from Aboriginal mothers and French, not French-Canadian, fathers. As he describes the genesis of Riel’s people, with his typical nonchalance, it is not clear if the French monopoly that controlled the fur trade in Canada in the early part of the eighteenth century vendit ses employés à la Compagnie anglaise, ou si elle les oublia, en s’en allant. In any case, those abandonnés married Aboriginal women and from those unions emerged the Métis, who furent pétris des défauts des deux races, mais ils joignirent souvent à la fougue française toute l’énergique endurance indienne (Bourrasque 16–17). Constantin-Weyer clearly betrays considerable ambivalence about both the French and the Métis. As he writes, for the Anglo-Protestant half-breeds, les métis français étaient issus de deux races vaincues. Or, chez le métis, ce n’est pas le sang indien qui fait le sauvage, mais bien le sang français (168–69). No less significant, in order to link the Métis to the French, Constantin-Weyer has to dissociate them from the French Canadians. He does so by stressing Quebec’s reputed antagonism toward the Métis. Thus, in the first North-West conflict in 1869–70, he shows French Canadians as either patronizing toward the Métis or self-involved, as Riel discovers when he meets with the Archbishop of Saint Boniface in an office filled with nothing but ouvrages de théologie, ou des monographies de familles catholiques du Bas-Canada (87). In the second conflict in 1885, he has them playing an even more nefarious role. The curés du Bas-Canada preach across "Québec la croisade contre l’hérésiarque Riel and the province itself sends a bataillon de Canadiens-Français" to Red River, not to fight alongside the Métis, but against them (226).

    One last factor that may account for the resentment by the Métis and French-speaking Canadians toward Constantin-Weyer is his celebration of Anglo-Protestant achievement, what he terms l’étonnant poème de la réussite anglo-saxonne (193). Insofar as La bourrasque has a character who is portrayed favourably throughout the text, it is not a Métis, French Canadian, or Frenchman but Donald A. Smith, the Scottish-born industrialist who became the head of the Hudson’s Bay Company and the future Lord Strathcona (Braz 126–28). As the French expatriate historian Auguste-Henri de Trémaudan bemoans, the author reserves the whole of his admiration for the conqueror (258). But, like his anti-clericalism, Constantin-Weyer’s exaltation of Anglo-Protestant culture is more complex than his critics care to acknowledge, again underscoring the utter Frenchness of his novel. As one reads La bourrasque, one cannot help but notice that it is always addressed to the people of France. The novelist seems especially determined to remind his compatriots why they have squandered North America. Constantin-Weyer asserts that at one point France controlled much of the continent, from Quebec to Louisiana, with the mighty Mississippi being a fleuve au cours tout entier français (Bourrasque 16). But France has lost most of its possessions in North America, and the author places the blame squarely on its culture. More specifically, he faults the country’s Catholicism, which he tends to equate with the New Testament, with its puerile love-thy-brother fantasies, as opposed to the Old Testament’s enseignements virils favoured by the British (149).

    Constantin-Weyer’s Anglophilia, his apparent Orange bias (Edgar vi), would seem to reflect his desire to prove to the people of France that they had to emulate the British if they were ever again to become a dominant culture. But his frequent praises of the Protestant ethic also make it puzzling why his English-Canadian translator and/or publisher felt compelled to change the text so radically. Trémaudan, for one, was so disgusted by the novelist’s disparagement of the true character of Riel (257) that he was certain or perhaps hopeful that a sophisticated people such as English Canadians would never wish to have works like La bourrasque rendered into their own language. As he mused, who would take the trouble of translating them for the English reader, knowing how little he is interested by gossip and tittle-tattle? (259). Needless to say, like other commentators before him, Trémaudan seriously misjudged the magnitude of the appetite for the scurrilous. In 1930, there appeared not one but two English translations of Constantin-Weyer’s novel: A Martyr’s Folly in Toronto and The Half-breed, in New York.

    The translations, both of which are anonymous, are similar but not identical.⁵ The U.S. version, The Half-breed, is generally faithful to the source text. A Martyr’s Folly also tends to be close to the original, except at critical points, usually dealing with political figures or institutions. For instance, one of the highlights in Constantin-Weyer’s novel occurs when Riel’s lover Mrs. Hamarstyne publicly horsewhips the Ontario poet Charles Mair (Bourrasque 32; Martyr’s Folly 32). The episode is based on a historical incident involving Mair and a prominent English-speaking Métis woman named Annie Bannatyne—not Hamarstyne—who had felt slighted by some comments Mair had written for eastern newspapers about the rivalries between mixed-race and white women at Red River (Braz 124–25). But probably because the event had become such a source of humiliation for Mair, who was still a respected figure in both literary and political circles, the translator alters his name to Blair (Bourrasque 21ff; Martyr’s Folly 17ff.). To be fair to the Canadian translator, Constantin-Weyer had provided a precedent with his rather casual attitude about names; the novelist changes not only Annie Bannatyne’s surname to Hamarstyne but also the first name of Riel’s nemesis Tom Scott to Billy (Bourrasque 124), and General Frederick Middleton’s surname to Littletown (227, 228). Incidentally, both translators reinsert Middleton’s real name (Martyr’s Folly 282, 283; Half-breed 282, 283). Also, when Constantin-Weyer suddenly refers to Scott by his real first name, Thomas (Bourrasque 179), the two translators opt for English consistency and call him William (Martyr’s Folly 225; Half-breed 225).

    Other major differences between A Martyr’s Folly and La bourrasque—as well as The Half-breed— pertain to legal terms. For example, the Canadian translation renders Constantin-Weyer’s le mannequin-chef (Bourrasque 236) as the stipendiary magistrate-judge (Martyr’s Folly 294) and les mannequins judiciaires (Bourrasque 240) as the court (Martyr’s Folly 299).⁶ But the most blatant discrepancy between A Martyr’s Folly and La bourrasque concerns the deletion of whole paragraphs and the insertion of new ones. Toward the end of his novel, Constantin-Weyer relates what happens when Riel finally appears before what the author obviously considers some kind of kangaroo court. The now traumatized prisoner is visited by a Catholic priest named Father Ernest who assures him that his souffrances étaient agréables au Seigneur qui les réservait à ses élus de choix (Bourrasque 240). The intervention by the Machiavellian if not evil clergyman⁷ does not exactly help Riel to attain peace of mind, and I will reproduce the entire section to give a sense of why it might have been excised from A Martyr’s Folly:

    Cette consolation n’avait pas empêché Riel d’avoir, pendant deux ou trois jours de la semaine précédente, manifesté une agitation telle, que ses défenseurs, Greenshields, Lemieux et Fritz Patrick avaient jugé habile de le faire examiner par les médecins légistes. Malheureusement, ceux-ci, au nombre de deux, appartenaient l’un et l’autre à la loge orangiste de Régina, et leurs conclusions mettaient à néant ce suprême espoir de la défense…

    On savait, en effet, que les noms des témoins à charge remplissaient une longue liste, dans laquelle les militaires se trouvaient en nombre imposant.

    Christophe Robinson, l’avocat de la Couronne, était un psychologue averti, et il savait qu’un militaire de carrière hésite rarement à mettre en évidence les périls et les difficultés des opérations auxquelles il a pris part. Il s’agissait pour le général Littletown et pour ses subordonnés, de croix, d’avancement, d’honneurs, de gloire même, tous avantages appréciables et qu’il est inhumain de dédaigner.

    As the author concludes, Riel était trop intelligent pour ne pas comprendre que la sentence était rendue d’avance, et qu’il était inutile de chicaner sa vie (Bourrasque 240–41).

    Another segment not included in A Martyr’s Folly, a rather lengthy one at some five pages, deals with what Constantin-Weyer calls l’ère des pétitions (Bourrasque 242). Even though Riel’s sentence is not unexpected, it still unleashes a passionate campaign on his behalf. From across Canada and the United States, people of all sorts of ethnic backgrounds bombard the Governor General with petitions demanding that the Marquis of Lansdowne spare the Métis leader’s life. Lansdowne is sympathetic to the grievances. However, Orange lodges, especially those from Ontario, promptly begin to remind Canadians of Riel’s role in the death of the Tom Scott at Red River in which the Métis government not only executed the Orangeman for tenuous reasons but also never returned his body for proper burial (Bumsted 3–4, 10). The lodges warn the country that if the sentence against Riel is

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