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Grumel Venance. Le problème de la date pascale aux IIIe et IVe siècles. L'origine du conflit : le nouveau cadre du comput juif.
In: Revue des études byzantines, tome 18, 1960. pp. 163-178.
doi : 10.3406/rebyz.1960.1226
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1960_num_18_1_1226
LE PROBLÈME DE LA DATE PASCALE
AUX IIIe ET IVe SIÈCLES
(1) Livre des Jubilés, vi, 23-32; xlix, 7-23. Traduction anglaise de R. H. Charles, The
Apocrypha and Pseudepigrapha of the Old Testament, il, 22-23 et 80-81; A. Jaubert, Le
calendrier des jubilés de la secte de Qumrân. Ses origines bibliques, dans Vêtus Testamentum,
m (1953), 250-264; Le calendrier des jubilés et les jours liturgiques de la semaine, ibid., vu
(1957), 35-61.
(2) M. Chaîne, La chronologie des temps chrétiens de l'Egypte et de Γ Ethiopie, 40.
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(3) On doit à Eusèbe, à part une ou deux précisions, tout ce que l'on sait sur Anatole de
Laodicée Hist, eccl., vu, 32; P. G., xx, 724-732; éd. Schwartz, π, 718-728. Cf. Notices
principales : Real-Encycl. Pauly-Wissowa, i, 2073-2074, n° 15); DHGE, π, 1493-1494;
A. Harnack, Die Chronologie der allchristl. Literatur, n, 75-79; O. Bardenhewer, Ge
schichte der altchristl. Literatur, η, 191-195.
(4) Hist, eccl., vu, 32 : P. G., xx, 728-729; éd. E. Schwartz, π, 722-726.
(5) Chronicon Paschale, éd. Bonn, i, 4-9 {P. G., xcn, 69-75).
(6) Ce Trekentios serait-il le même personnage que Kreskentios que saint Épiphane
(P. G., xlii, 356) nous montre en controverse avec Alexandre, successeur de Pierre d'Alexand
rie? L. Duchesne l'indique comme possible (Rev. des quest, hist., xxviii (1880), 31, n° 1.
(6) Chronicon Paschale, éd. Bonn, i, 7; P. G., xcn, 73.
(7) Ibid., éd. Bonn, 7-8; P. G., xcn, 73-76.
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(8) Eutychii patriarchae Annales, dans GSCO, Scriptores arabici, series m, t. vi, 104
(texte arabe). Cf. P. G., cxi, 989. — Textes liturgiques éthiopiens cités dans P. Mauro da
Leonessa, Cronologia e calendario etiopico, Tivoli, 1934, 46-49.
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commence (313 là où finit le laterculus d'Augustalis (312), conclut que ce laterculus fut réell
ement employé par les Romains. Il est difficile de ne pas l'admettre. On ne saurait dire quand
ils l'adoptèrent et par suite pendant combien de temps ils s'en servirent. Il semble bien que
durant ce temps la règle du XVI lunae pour la célébration de Pâques ait subi une éclipse.
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(14) Lettre de Constantin aux Églises : Eusèbe, Vita Constantini, m, 18 : P. G., xx,
1076 B.
(15) L. Duchesne, La question de la Pâque au concile de Nicée, dans Rev. des quest, hist.,
xxviii (1880), 22-26. Tillemont, lui aussi, expliquait la question de la Pâque au concile de
Nicée sans y mêler les quartodécimans (Mémoires, ..., vi, 665-666).
(16) Can. I : Primo loco de observaûone paschae Domini, ut uno die, et uno tempore per
omnem orbem a nobis obsercetur et juxta consuetudinem litteras ad omnes dirigas (Hefelé-
Leclercq, i, 280.
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(19) Voir la liste des Pâques romaines réelles après le concile de Nicée dans E. Schwartz,
Christliche und jüdische Ostertafeln, 46-49. Cet auteur tient compte de la liste des Pâques
historiques du Calendrier de 354, allant de 312 à 354. On a remarqué qu'aucune de celles-ci
ne sont au-dessous du 25 mars, l'équinoxe des Romains.
(20) Voir la liste des Pâques de saint Athanase, dans E. Schwartz, ibid., 24-25.
(21) E. Schwartz, ibid., 122-123.
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(22) Voir même liste, aux années 329, 353, 363, 373.
(23) On voit une nette opposition chez le Ps.-Cyprien au nouveau comput des Juifs
contemporains, qu'il traite de caecos et hebetes et auxquels il oppose les anciens Juifs,
spiritu Dei edocti (De pascha computus, CSEL, m, 249, 1. 2 et 252, 1. 13). Il identifie avec
une candide assurance le comput de ces derniers avec le cycle de 16 ans( le sien), mais ne dit
rien qui puisse nous éclairer sur celui des Juifs, ses contemporains.
(24) Lettre du concile : Socrate, i, 9 : P. G., lxvii, 81-84; Lettre de Constantin, loc. cit.,
1077; saint Athanase, De synodis, 5; Epist. ad Afros, 2.
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les chrétiens qui étaient par tradition attachés à leur comput purent
continuer et continuèrent à avoir des Pâques prééquinoxiales.
Nous ne savons pas au juste quand les Juifs opérèrent ce rem
placement de leur cycle. Peut-être dans le cours ou à la fin de la pre
mière ennéadécaétéride d'Anatole ou, encore plus probablement, à
la suite des Alexandrins qui commencèrent la leur en 304. En tout cas,
on la voit pratiquée dès après le concile de Nicée, comme nous l'apprend
un précieux document découvert dans les premières années du siècle
par E. Schwartz (25). Ce document, transmis en texte latin parmi les
pièces du concile de Sardique, mais émanant en fait du concile diss
ident de Philippopoli, contient une liste de 16 Pâques juives, dont les
dates correspondent justement à un cyle de dix-neuf ans ( il en manque
trois, qu'on peut et qu'on doit suppléer pour pouvoir fermer et recom
mencer le cycle). Ces dates supposent la correction de l'équinoxe
vernal, transporté au 21 mars, et ont été constituées en fonction de
cette correction qui entraînait le 1er Tisri de la première année du
cycle au 24 septembre (26).
Cette liste des Pâques juives va de 328 à 343. Le cycle qui y est
employé commence en 326. Il y a ceci de frappant que toutes les
dates pascales de cette liste sont enfermées dans le mois de mars.
Le mois de mars est ici compréhensible, plutôt que celui de Phamenoth,
car nous ne sommes plus en Egypte, et partout ailleurs qu'en Egypte,
où le calendrier national continue à être employé officiellement,
c'est le calendrier romain qui, seul parmi les calendriers solaires,
peut faire l'unité dans la célébration du culte entre les communautés
juives, séparées qu'elles étaient sur le plan civil par des calendriers
divers selon villes et contrées. Son emploi est encore plus naturel
et plus facile, s'il s'agit de la Syrie, où le calendrier d'Antioche, le
principal et le plus connu (Antioche étant la plus grande ville et le
centre du diocèse d'Orient), est exactement calqué, quant au début
et à la durée des mois, sur le calendrier romain. Pour ce qui concerne
notre sujet, le mois de Dystros se superpose sur celui de mars. Et de
fait, que le comput pascal inscrit dans la liste susdite fût général,
au moins pour les Juifs d'Orient (à l'exception peut-être de ceux
d'Egypte), nous en avons un indice en ceci que le document qui
contient cette liste la donne tout uniment comme celle des Juifs et
que le concile d'où il provient est formé d'évêques de toutes les pro-
Nota. Les trois dernières Pâques juives, 344, 345, 346, marquées en
italique, ne pouvaient figurer dans le document, daté de 343 ; elles sont
déduites du cycle observé, le saltus lunae étant placé à la XIIe année
du cycle d'Anatole, comme dans le cycle de Constantinople, année I
Κατά φύσιν (voir V. Grumel, La Chronologie., p. 41-48).
(27) CSEL, vol. LXV. »S1. Hilarii Pictaviensis opera, pars iv, 48-49.
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celui que nous avons dégagé plus haut. Au lieu que dans ce dernier il
restait trois dates sur huit en Pharmouthi, il n'y en a plus ici que
trois sur dix-neuf (27, 29, 30 mars = 1er, 3, 4, Pharmouthi); quant à
Féquinoxe, au lieu que dans le précédent il y avait trois dates sur
huit qui lui étaient antérieures, il y en a ici douze sur dix-neuf (voir
tableau p. 175).
Nous ne savons pas si ce système était déjà employé avant le concile
de Nicée. La chose est bien possible, car la première année de l'ennéadé-
caétéride alexandrine ayant commencé en 304 avec correction de l'équi-
noxe, les Juifs ont pu commencer la leur en 307 (on sait qu'il y a une
différence de trois ans entre les deux cycles). S'il en était ainsi, la
division entre les chrétiens sur la date de la Pâque se serait cons
idérablement aggravée. On s'expliquerait ainsi beaucoup mieux tant la
nécessité et l'urgence d'une décision au concile œcuménique projeté
que la forte coloration antijuive du règlement qui y fut porté.
Le concile de Nicée ne réussit pas complètement à éliminer la
coutume des Pâques célébrées en dépendance du comput juif. Nous
voyons en effet que, seize ans plus tard, le concile d'Antioche (341),
en son premier canon, menace de peines ecclésiastiques tous ceux,
soit fidèles, soit évêques, prêtres ou diacres, qui osent enfreindre le
décret du concile de Nicée sur la Pâque et la célèbrent avec les Juifs (28).
Parmi ceux qui étaient visés il devait y avoir les Audiens qui, au témoi
gnage de saint Épiphane, ajoutaient à leurs erreurs de blâmer le
décret du concile de Nicée sur la Pâque, comme ayant été porté pour
complaire à Constantin, et se réglaient sur le comput pascal des
Juifs. Les Audiens étaient en Mésopotamie, qui faisait partie du
diocèse d'Antioche (29).
La dissidence pascale se dissipa peu à peu. Y aidèrent sans nul doute
l'accord conclu entre Rome et Alexandrie, qui fixait la date de Pâques
pour chaque année d'une période de cinquante ans (343-392) (30),
l'autorité croissante du concile de Nicée et du prestige de Constantin
avec le recul du temps, peut-être aussi le cycle de dix-neuf ans de
Constantinople établi par l'empereur Constance en 353 (31), et enfin
la table pascale de Théophile d'Alexandrie sanctionnée par l'empe-
(28) Fr. Lauchert, Die Canones der wichtigsten altkirchlichen Concilien, Freiburg, 1896,
43.
(29) S. Épiphane, Adversus Haereses, ixx : P. G., xlii, 348, 353, 372; éd. Holl, m, 233,
241, 248.
(30) P. G., xxvi, 1354.
(31) Cf. V. Grumel, Chronologie, p. 44-45.
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tiens qui, pires en cela que les hérétiques, sont en dissension avec
tous sur la célébration de la Pâque (37). On n'indique pas ici la nature
de cette dissension; il n'est donc pas sûr qu'il s'agisse du comput
précoce des Juifs. Le fait que ces chrétiens sont nommés à la suite
des Pépyzites pourrait bien signifier qu'ils pratiquaient leur méthode
de célébrer la Pâque. Les Pépyzites (ou Pépoiizites selon Sozomène),
autre nom qu'on donnait aux Montanistes, au moins ceux de Phrygie,
observaient pour la Pâque le xive jour, non de la lune, mais du pre
mier mois solaire de l'année qu'ils faisaient commencer avec l'équinoxe
de printemps, pour eux le 24 mars, ce qui portait le xive jour au
6 avril. Ils célébraient la fête à ce jour, quand il tombait un dimanche,
mais la reportaient au dimanche suivant dans les cas contraires (38).
Cette loi de Théodose II est datée du 8 juin 423, par où l'on voit que
l'unification de la fête de Pâques chez les orthodoxes eux-mêmes
n'était pas encore, un siècle après Nicée, complètement achevée.
Nous terminons ici cette enquête de la question pascale au ine siècle
avec ses suites au ive. Nous espérons avoir mis en meilleure lumière
la nature des divergences qui divisaient les chrétiens à ce sujet, et
par suite les circonstances dans lesquelles Anatole de Laodicée com
posa et proposa son célèbre canon pascal.
V. Grumel.