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Paris, Sciences de la Terre et des planètes / Earth and Planetary Sciences 331 (2000) 763–773
© 2000 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés
S1251805000014956/REV
Géochimie / Geochemistry
LE POINT SUR...
CONCISE REVIEW PAPER
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superficielle des adsorbants, qui n’était pas possible avec les méthodes conventionnelles
de volumétrie d’adsorption de gaz. Il est alors possible, si l’on choisit judicieusement cas
par cas l’adsorbat utilisé comme sonde, de caractériser les propriétés d’échange des soli-
des, telles, par exemple, l’origine de la capacité d’échange cationique de la kaolinite ou
encore l’origine de la rétention de molécules polluantes, comme le phénol, par les char-
bons actifs. © 2000 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier
SAS
solides / adsorption / structure / texture / kaolinite / charbons actifs / environnement
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3.2. Phenol adsorption on activated carbons orbed phenol is the same as that of pure phenol. Phe-
nol desorption can then be approached simply by the
The adsorption of organic micropollutants on acti- evolution with temperature of the derivative of the
vated carbons is generally treated using Freundlich’s intensity of the mass 94 (figure 4). Phenol desorption
equation that allows prediction of the maximal occurs up to 600 °C, with curves shifting to higher tem-
adsorbed amount for a given molecule. However, this peratures, i.e. higher adsorption energies for decreasing
model does not yield any precise information about adsorbed amounts. A more precise analysis of the
retention mechanisms. Furthermore, in the case of acti- nature of adsorption sites can be derived from applying
vated carbons spectroscopic techniques such as IR, the DIS method to argon adsorption on activated car-
XPS, NMR... classically used to obtain information at the bons loaded with increasing phenol amounts (figure 5).
molecular level on the organization and location of The bare activated carbon appears highly heteroge-
adsorbed organics can generally not be applied. For neous with 4 high energy domain corresponding to
this reason, we developed a new indirect strategy: acti- micropores, one medium energy domain corresponding
vated carbon samples were first preloaded with organic to larger micropores and one low energy domain
molecules and subsequently analysed using controlled assigned to external surfaces and mesopores. Adsorp-
transformation rate thermal analysis coupled with mass tion of low phenol amounts mainly affects micropores
spectrometry (CTRTA–MS) [33] and low pressure argon filled by argon for –12 < ln (P/P0) < –7. The increase in
adsorption. Such an approach will be illustrated here the amount of phenol adsorbed then blocks larger
by the system phenol / activated carbon TK [29]. CTRTA micropores and finally, for the highest adsorbed quan-
profiles obtained on bare activated carbons and acti- tity, the whole porous surface of the carbon. The com-
vated carbons loaded with various amounts of phenol bination CTRTA-MS and DIS then appears as a very
reveal that: (i) phenol is desorbed from the structure fruitful tool for a precise identification of adsorption
for temperatures ≥ 90°C; (ii) the mass spectra of des- sites in activated carbons.
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nauer, Emmet et Teller [4] généralisent, sur une surface nature. Leur synthèse est délicate. On peut les obtenir
énergétiquement homogène, la théorie de Langmuir par exfoliation du graphite [38] ou par synthèse de cris-
[24] à l’adsorption multimoléculaire et donnent le taux d’halogénures à structure lamellaire pour éliminer
moyen d’accéder à la mesure de la surface spécifique les effets des faces latérales [25]. Les surfaces des miné-
des solides par la connaissance de la quantité adsorbée raux naturels sont hétérogènes par suite de la distribu-
à la monocouche, ainsi qu’à l’énergie molaire d’interac- tion superficielle des ions composant les faces, la pré-
tion adsorbat–adsorbant. Dans le cas de l’azote à 77 K, sence de défauts cristallins, de dislocations, de marches
le domaine des pressions relatives permettant ces mesu- et de rugosité ou encore de substances étrangères. Pour
res est compris entre 0,05 et 0,25. Par ailleurs, l’appli- décrire la distribution énergétique des sites d’adsorption,
cation de nombreux travaux permet d’évaluer les para- deux modèles extrêmes de distribution sont utilisés. Le
mètres caractéristiques de la texture de l’échantillon, à premier est le modèle de distribution en domaines
savoir la surface spécifique et la porosité (volume et dis- homogènes [31]. Ce modèle est utilisable avec succès
tribution). Ainsi, les méthodes de Dubinin [15] et dans le cas de la condensation bidimensionnelle de
Horwath et Kawazoé [21] permettent d’accéder respec- l’adsorbant (liaisons latérales fortes dans la couche
tivement au volume et à la distribution des micropores à adsorbée) [8]. Ainsi, les tensioactifs cationiques ont pu
partir de l’isotherme d’adsorption (diamètre d’ouverture être utilisés comme sonde pour la connaissance de
2 nm). Les méthodes dite de l’α-plot [36] ou du t-plot l’hétérogénéité superficielle des argiles et la détermina-
[12] donnent accès, à partir des isothermes d’adsorp- tion sans ambiguïté des différents type de surfaces (laté-
tion, au volume des micropores, aux valeurs de surfaces rales et basales) [10]. Le second est le modèle de distri-
spécifiques totale et externe. La connaissance de la dis- bution aléatoire des sites d’adsorption [22, 34].
tribution des mésopores (diamètre d’ouverture compris L’étude de l’hétérogénéité énergétique superficielle
entre 2 et 50 nm) par la méthode de Barret, Joyner et des solides en utilisant le modèle de distribution aléa-
Halenda [3] est possible à partir des isothermes de toire et à partir des isothermes d’adsorption de gaz est
désorption dans le domaine des pressions relatives com- réalisée en considérant l’équation générale d’une iso-
prises entre 0,4 et 1. therme d’adsorption sur une face hétérogène θi t :
Les surfaces n’étant pas homogènes du point de vue
énergétique, mais hétérogènes, depuis une vingtaine
d’années, l’effort de créativité a porté sur l’élaboration
θi t = 兰Ω
θi共 ε 兲 χi共 ε 兲 dε (1)
de nouveaux modèles d’étude de l’hétérogénéité éner- où θi est appelée l’isotherme locale, c’est l’équation qui
gétique superficielle, qui nécessite un tracé haute réso- décrit l’adsorption sur une surface homogène d’énergie
lution des isothermes d’adsorption ou des courbes calo- ε, et χi est la fonction de distribution énergétique,
rimétriques. Ceci a été possible grâce aux rapides décrite sur le domaine Ω. Pour déterminer la fonction
développements technologiques dans les domaines de de distribution énergétique, il faut donc inverser l’équa-
la mesure des pressions aux très faibles valeurs et de tion (1) en se donnant, a priori, une expression de l’iso-
l’acquisition informatisée des données, ainsi qu’au therme locale. De nombreuses méthodes sont proposées
développement, durant la même période, de nouvelles dans la littérature pour atteindre ce but, à l’aide d’une
méthodes, telles notamment la volumétrie d’adsorption trentaine de points expérimentaux dans le domaine
en quasi-équilibre et la microcalorimétrie isotherme d’adsorption de la première couche de gaz.
basse température [32]. En effet, l’adsorption d’une Cependant, l’équation (1) ne peut, en toute rigueur,
molécule de gaz aux très faibles pressions relatives être applicable dans le cas des minéraux. En effet, cette
(sous-saturations comprises entre –18 et –4 kT) est forte- équation doit être écrite autant de fois qu’il y a de faces
ment influencée par l’hétérogénéité énergétique superfi- cristallines différentes, soit :
cielle de l’adsorbant. Les premières molécules en
i=n
contact avec une surface nue se fixent sur les sites pour
lesquelles elles ont le plus d’affinité (liaisons normales
θt = 兺χ θ
i=1
i it (2)
fortes) et les molécules suivantes sur les sites pour les- où i est le nombre de faces et χi la quantité relative de
quelles les affinités sont décroissantes. La réalisation faces i. L’inversion de l’équation (2) est plus complexe,
d’isothermes aux très faibles pressions relatives permet car il faut alors prendre en considération une double
donc de déterminer l’empreinte énergétique superfi- sommation, ce qui rend toutes les méthodes de calcul
cielle du solide pour un gaz donné. La modélisation des faisant appel à l’équation (1) inapplicables. Pour élimi-
courbes expérimentales permet de quantifier les quanti- ner cette difficulté, il est nécessaire de disposer d’iso-
tés de gaz fixés sur les différents domaines d’adsorption. thermes plus précises et plus complètes. Ceci a été
résolu à l’aide de la volumétrie de quasi-équilibre qui
2.1. Les modèles
donne accès aux très faibles pressions relatives à la des-
Une surface est considérée comme homogène du cription complète du remplissage de la première cou-
point de vue énergétique lorsque l’interaction normale che.
adsorbat–adsorbant est la même pour tous les sites La méthode DIS (Derivative Isotherm Sommation)
d’adsorption. De telles surfaces n’existent pas dans la [39] permet alors d’analyser les propriétés texturales
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complètes des solides. En effet, la modélisation des iso- 2.2. La volumétrie d’adsorption de quasi-équilibre
thermes d’adsorption a été développée en considérant,
pas à pas, les informations à déduire des isothermes L’acquisition d’isothermes précises dans une large
expérimentales. Dans un premier temps, il est néces- gamme d’énergie d’adsorption est obtenue par volumé-
saire de séparer la contribution de chaque face à l’iso- trie de quasi-équilibre [27, 32]. L’utilisation d’une
therme totale (équation (2)). Ceci a été réalisé en consi- microfuite de très faible débit permet de réaliser
l’adsorption de la première couche de gaz en plus de
dérant les différentes faces à prendre en compte comme
10 h. L’utilisation de capteurs de pression différentielle
étant homogènes. Ainsi, dans l’équation (1), l’isotherme
0–0,1 torr et 0–10 torrs donne accès aux très faibles
totale θi t se confond avec l’isotherme locale θi. Il suffit
pressions relatives. L’acquisition informatisée contrôle la
alors, pour résoudre l’équation (2), de décomposer l’iso-
fréquence de mesure en fonction de la dérivée de la
therme dérivée expérimentale à l’aide d’un faible nom-
pression par rapport au temps. Ceci permet de mesurer
bre d’isothermes d’adsorption dérivées sur surface
entre 50 et 200 points par unité ln P, soit au minimum
homogène : isothermes BET et Langmuir (avec leur
2 500 points expérimentaux pour décrire l’adsorption de
extension pour prendre en compte les liaisons latérales
la première couche de gaz, ce qui est un gain considé-
entre molécules adsorbées).
rable par rapport aux techniques de volumétrie point
Des travaux ultérieurs engagés sur les points théori- par point habituellement utilisée (30 points au maxi-
ques ont permis de considérer l’hétérogénéité des diffé- mum habituellement). Le grand nombre de points expé-
rentes faces cristallines. En effet, si l’hypothèse proposée rimentaux permet de calculer précisément la dérivée de
en 1992 pour développer la méthode DIS n’a pas l’isotherme d’adsorption par rapport à l’axe énergétique
d’incidence sur la quantification des différentes faces (logarithme de la pression relative ou de la sous-
cristallines, il ne faut pas perdre de vue que ces faces saturation). Cette nouvelle représentation [8, 9] permet
sont naturellement hétérogènes. Villiéras et al. [40] ont d’augmenter considérablement la résolution sur les dif-
proposé une solution analytique à l’équation (1), qui férents domaines de l’isotherme d’adsorption et donc
d’envisager la modélisation dans de bonnes conditions.
prend en compte l’influence de la forme de la fonction
de distribution énergétique χi. Ainsi, il est maintenant
possible d’attribuer un facteur d’hétérogénéité aux diffé- 3. Applications
rentes faces, tout en conservant les concepts de la
méthode DIS. Ces équations posent cependant quelques
3.1. Origine de la capacité d’échange des argiles
problèmes quand il s’agit de remonter aux mécanismes kaoliniques
d’adsorption [1]. Cette méthode a permis néanmoins :
1) pour les matériaux argileux, la quantification des sur- La kaolinite est un phyllosilicate dioctaédrique du
faces basales et latérales, et donc la détermination de la groupe 1:1, de formule structurale Si4O10(Al(OH)2)4. Les
surface totale, la connaissance de la distribution des feuillets élémentaires d’épaisseur 0,71 nm sont formés
volumes microporeux et la mesure des surfaces externes de l’empilement d’une couche de tétraèdres de silice et
[2, 30, 41] ; 2) la détermination de l’origine de l’hydro- d’une couche d’octaèdres d’hydroxyde d’aluminium.
phobie des talcs [28] ; 3) la nature de l’hétérogénéité Les faces basales sont donc de deux types, constituées,
superficielle de la calcite, d’une apatite [44] et de car- soit d’ions oxygène organisés en réseau hexagonal, soit
bosils [42]. d’ions OH– en assemblage compact. La morphologie
des cristaux formés de l’empilement de feuillets est
Outre les aspects quantitatifs décrits ci-dessus, on assez régulière. Ceux-ci se présentent sous la forme de
peut noter que la méthode DIS permet de décrire l’hété- plaquettes hexagonales, parfois allongées ou réduites à
rogénéité de surface des solides et son incidence sur de simples losanges, délimitées par les faces basales
l’adsorption à l’aide d’un nombre réduit d’équations (001) et les faces latérales (110), (11fl 0) et (020). Les
analytiques, nécessitant peu de paramètres descriptifs et dimensions des cristaux varient sensiblement, leur dia-
non d’une courbe de distribution sous forme de tableau mètre est compris entre 0,04 et 5 µm et leur épaisseur
de valeur. Les équations ont l’avantage de pouvoir être entre 10 et 200 nm. Les faces latérales portent des grou-
intégrées dans des codes de calcul complexes, comme pes –SiOH ou –AlOH, susceptibles de dissociation
cela est le cas dans des modèles de transport et amphotérique. Historiquement, on a tenté d’expliquer
d’échange dans les milieux poreux naturels ou indus- l’origine de la capacité d’échange cationique (CEC) de
triels (simulation des systèmes de séparation des gaz la kaolinite de plusieurs façons : 1) par des liaisons chi-
industriels et des gaz purs). Enfin, la validation indépen- miques insaturées résultant de la rupture de la maille au
dante des résultats de la méthode DIS en calculant, à niveau des bordures [19] ; 2) par la présence de substi-
partir du modèle, l’évolution de la chaleur isostérique tutions isomorphiques dans le réseau cristallin, soit en
différentielle en fonction du degré de recouvrement peut couche tétraédrique [23], soit en couche octaédrique
être obtenue en comparant les résultats obtenus à ceux [35] ; 3) par la présence sur l’ensemble des faces d’une
de microcalorimétrie d’adsorption basse température couche d’aluminium tétraédrique avec formation de
[40]. permutites [17] ; 4) par la présence de groupes ampho-
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ciés. On peut en effet écrire : 1,366 Sl = 0,594 Sl + X Sl, nombre de sites Al dissociés à cette valeur du pH sur les
où X représente la part de la pente correspondant à 14 charges négatives possibles portées par les sites alu-
l’évolution possible des divers motifs –AlOH. X prend la minium des différents motifs sur les trois types de faces
valeur 0,772 et correspond à un nombre de sites –AlOH considérées, soit 5 au maximum.
par Å2 de surfaces latérales égal à 0,0464. La relation de
Liétard [26] permet alors de connaître sans ambiguïté le
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On peut dire en conclusion qu’à pH 7, la charge por- isothermes d’adsorption de polluants en phase liquide
tée par les faces latérales de la kaolinite est principale- ont tout d’abord été obtenues. Après séparation solide/
ment responsable de la CEC. Les sites silanols sont res- liquide et séchage, les échantillons de charbons
ponsables de 64 % de la CEC et les sites aluminols de « recouverts » de polluant ont été analysés par
36 %. Ces derniers sites sont plus acides que ceux des ATCC–MS et par adsorption d’argon à basse pression
alumines, dont le point de charge nulle est voisin de pH relative. On décrira ci-dessous les principaux résultats
8,5 [37] : le champ de surface est donc, pour ces sites obtenus avec le système phénol (ou phénolate)–charbon
situés sur les faces latérales, plus élevé que sur les alu- actif TK [29].
mines de synthèse. La droite de régression présentée Il paraît nécessaire de rappeler brièvement le principe
permet de déterminer la part de la CEC attribuable à des de l’ATCC [33], qui permet, comme la thermogravimé-
remplacements isomorphiques en couche octaédrique trie conventionnelle, de déterminer les températures de
et/ou à la présence de smectites en faibles quantités. réaction et les pertes de masse s’y rapportant. Le prin-
Les méthodes modernes de volumétrie d’adsorption cipe de l’analyse thermique conventionnelle repose sur
de gaz permettent donc de connaître : 1) l’importance la montée linéaire de la température en fonction du
des faces latérales et donc de prévoir la part des échan- temps. Dans le cas de l’ATCC, c’est l’échantillon qui
ges minéral–solution d’origine électrostatique ; 2) contrôle la vitesse de montée en température, de telle
l’importance des faces basales hydroxyliques ; elles per- sorte que toute réaction de désorption d’espèces superfi-
mettent donc de prévoir la rétention de matières organi- cielles ou de décomposition du solide (déshydroxyla-
ques susceptibles de se fixer par liaisons hydrogène, par tion, décarbonatation...) ait lieu en condition de quasi-
exemple les tensioactifs non ioniques. équilibre. Les conditions de quasi-équilibre sont
obtenues en évacuant les gaz émis à débit constant par
3.2. Adsorption du phénol sur les charbons actifs l’intermédiaire d’une microfuite, tout en contrôlant et en
Ce travail s’inscrit dans l’ensemble des recherches maintenant constante la pression au-dessus de l’échan-
visant à optimiser l’efficacité des barrières de confine- tillon. Ainsi, lorsque la température augmente, l’émis-
ment vis-à-vis de micropolluants organiques non volatils sion de gaz provenant d’une réaction donnée entraîne
de type phénol, 4-chlorophénol et des phtalates [14, l’augmentation de la pression et la montée en tempéra-
29]. Les géomatériaux utilisés (Écosol) étaient constitués ture est arrêtée. Lorsque la réaction est terminée, la
de ciment, d’argile et de charbon actif. Des recherches montée en température est relancée jusqu’à ce qu’une
préalables ont montré que, dans ces matériaux, le char- nouvelle réaction soit rencontrée. Cette méthode permet
bon actif était le seul adsorbant efficace des polluants de mesurer des températures de réaction proches des
testés. L’adsorption d’un polluant donné peut donc être températures d’équilibre et d’analyser proprement les
prédite à partir de l’isotherme d’adsorption dans une températures de dégazage d’espèces adsorbées, comme
eau préalablement équilibrée avec de l’Écosol (pH les différents types d’eau de la sépiolite [18] et de l’atta-
11,5). En règle générale, de telles isothermes sont trai- pulgite [11]. Lorsqu’un unique gaz est émis (H2O ou
tées par des modèles de Langmuir ou de Freundlich, CO2), l’axe des temps peut être converti en degré
afin de pouvoir prédire les capacités de rétention vis-à- d’avancement de la réaction ou en perte de masse après
vis de différentes molécules organiques en traitement pesée de l’échantillon. L’utilisation d’un spectromètre de
des eaux. Or ces modèles (notamment celui de Freun- masse, à la sortie de la fuite, permet de caractériser les
dlich), s’ils prennent en compte implicitement l’hétéro- gaz émis de manières qualitative et quantitative [28]. La
généité énergétique de surface, ne permettent pas de sensibilité de cette méthode est telle qu’elle permet de
l’étudier et donc ne révèlent, ni les mécanismes de caractériser les molécules adsorbées et ce, même pour
rétention, ni la nature des sites de fixation des différen- des échantillons de faible surface spécifique.
tes molécules. Lorsqu’elles peuvent être utilisées, les L’analyse des profils de température et des spectres de
techniques spectroscopiques comme l’infrarouge en masse obtenus lors de l’analyse ATCC de trois échan-
réflexion, l’Esca, la RMN, l’Exafs... permettent d’obtenir tillons de charbon actif après adsorption préalable de
de telles informations, car elles renseignent, à l’échelle phénol à l’interface solide–liquide montre que : 1) le
moléculaire, sur l’organisation de l’adsorbat aux interfa- phénol n’est désorbé de la structure poreuse que pour
ces. Dans le cas des charbons actifs, de telles techni- des températures supérieures à 90 °C ; 2) le spectre de
ques ne sont pas applicables. Pour tenter de déterminer masse des produits désorbés correspond à celui de phé-
la nature des sites de fixation sur le charbon actif, nous nol pur obtenu dans les mêmes conditions, ce qui
avons donc été amenés à développer une stratégie origi- prouve que le mécanisme dominant de l’adsorption est
nale basée sur un « détournement » de deux techniques la physisorption, qui ne s’accompagne d’aucune modifi-
d’étude de l’hétérogénéité superficielle à l’interface cation de l’adsorbat. On peut donc analyser la désorp-
solide–gaz : l’analyse thermique à cinétique de transfor- tion du phénol en fonction de la température à partir de
mation contrôlée, couplée à la spectrométrie de masse la seule évolution de la dérivée de la masse 94
(ATCC–MS) et la décomposition par la méthode de som- (figure 4). Il apparaît que la désorption du phénol se
mation des isothermes dérivées (DIS), obtenues par produit jusqu’à des températures de l’ordre de 600 °C.
volumétrie d’adsorption de gaz en quasi-équilibre. Les Lorsque la quantité adsorbée décroît, les courbes brutes
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Figure 4. ATCC–MS : évolution de la température de début et de maximum de désorption du phénol en fonction de la quantité préalablement
adsorbée sur le charbon actif TK. a : non normées ; b : normées par rapport à l’intensité de la masse 94.
Figure 4. Evolution with temperature of the derivative of the integrated intensity of the mass 94 recorded during the controlled transforma-
tion rate analysis of active carbons loaded with increasing amounts of phenol. a: actual values; b: normalized values.
(figure 4a) et normalisées par rapport à la quantité totale micropores plus gros sont également affectés. Pour la
désorbée (figure 4b) se déplacent vers les fortes tempé- quantité de phénol maximale adsorbée (Qa = 1,15·10–3
ratures, c’est-à-dire vers les fortes énergies d’adsorption. mol·g–1), l’ensemble des pores du charbon sont remplis
Lorsque la quantité adsorbée est faible, les molécules de par du phénol, puisque seule une partie de la mésopo-
phénol sont donc fortement retenues dans la microporo- rosité et les surfaces externes restent accessibles aux
sité (pores les plus fins) du charbon (figure 4a). molécules d’argon.
De façon à analyser plus précisément la nature de ces La combinaison de l’ATCC–MS et de la méthode DIS
domaines d’adsorption, la méthode DIS a été appliquée apparaît donc comme un outil indirect puissant pour
après dégazage à température ambiante (soit à une tem- identifier précisément la nature des sites d’adsorption de
pérature inférieure aux températures de désorption du molécules organiques à l’interface solide–liquide,
phénol) sur le charbon actif initial, ainsi que sur les trois notamment dans des cas comme les charbons actifs,
échantillons obtenus après adsorption de phénol à pour lesquels les techniques spectroscopiques classi-
l’interface solide–liquide (figure 5). L’isotherme dérivée ques ne peuvent être utilisées. Dans ce cas précis, la
d’adsorption d’argon sur le charbon actif initial révèle connaissance du mécanisme de remplissage des char-
une forte hétérogénéité énergétique et au moins cinq bons actifs doit conduire à la synthèse d’adsorbants
domaines énergétiques (centrés sur ln P/P0 = –15,7, « intelligents », mieux adaptés à l’élimination de pol-
–14,4, –13,2, –10,8) correspondant à différents types de luants spécifiques. On constate en effet que les molécu-
micropores dans l’échantillon ou de mésopores (–6,5). les de polluants sont retenues de manière irréversible
Un domaine de faible énergie, correspondant à de gros dans un type de microporosité du charbon actif jusqu’à
mésopores et aux surfaces externes est observé autour des quantités voisine de 1,6·10–4 mol·g–1.
de ln P/P0 = –3. L’adsorption de quantités croissantes de
phénol dans la structure modifie l’adsorption de l’argon,
en bloquant son accès à certains pores. Il apparaît alors 4. Conclusions
que les premiers sites affectés (Qa = 1,56·10–4 mol·g–1)
sont les pores remplis par l’argon pour –12 < ln P/P0 < La connaissance des mécanismes d’adsorption ou de
–7. En termes quantitatifs, la diminution de volume rétention des adsorbats par les solides passe avant tout
poreux liquide correspond exactement au volume par une bonne connaissance des propriétés structurales
liquide de phénol adsorbé. Les sites d’adsorption les et texturales des adsorbants utilisés. De nouveaux
plus énergétiques pour le phénol peuvent donc être moyens expérimentaux (adsorption de gaz en quasi-
identifiés avec précision. Pour des quantités de phénol équilibre, ATCC couplées à la méthode DIS) permettent,
adsorbé plus importantes (Qa = 5,46·10–4 mol·g–1), les dans de bonnes conditions, d’accéder à l’hétérogénéité
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Figure 5. Analyse de l’évolution de l’hétérogénéité énergétique superficielle du charbon actif TK après adsorption de différentes quantités de
phénol dans l’eau équilibrée avec un Écosol, à l’aide de la méthode DIS et à partir de la dérivée de l’isotherme de volumétrie d’adsorption
d’argon de quasi-équilibre. Conditions : 25 °C ; 0,001 Pa.
Figure 5. Derivative argon adsorption isotherms and decomposition using the improved DIS method on bare active carbon and on active
carbon loaded with increasing amount of phenol. Outgassing conditions: 25 °C ; 0.001 Pa.
énergétique statistique des phases superficielles et de [5] Caillère S., Hénin S., Rautureau M., Minéralogie des argiles,
tome 1, 2e édition, Masson, Paris, 1982, 183 p.
distinguer les différents types de domaines et sites
[6] Calas G., Méthodes spectroscopiques appliquées aux minéraux,
d’adsorption ou de porosité. Leur utilisation est indis- Société française de minéralogie et cristallographie, Paris, 1986, 678 p.
pensable dans le cas où l’obtention de renseignements [7] Cases J.M., Point de charge nulle et structures des silicates,
représentatifs de l’ensemble de la phase solide serait J. Chim. Phys. 66 (1969) 1602–1611.
nécessaire et où les méthodes spectroscopiques sont [8] Cases J.M., Mutaftschiev B., Adsorption et condensation des
inutilisables. chlorhydrates d’alkylamine à l’interface solide–liquide, Surf. Sci. 9
(1968) 57–72.
[9] Cases J.M., Villiéras F., Thermodynamic model of ionic and
References nonionic surfactant adsorption–abstraction on heterogeneous surfaces,
Langmuir 8 (1992) 1251–1264.
[10] Cases J.M., Cunin P., Grillet Y., Poinsignon C., Yvon J., Method
[1] Bardot F., Les minéraux argileux et leur hétérogénéité superfi- of analysing morphology of kaolinites: relations between crystallogra-
cielle : influence de la nature du cations compensateur de l’illite sur les phic and morphological properties, Clay Minerals 21 (1986) 55–68.
mécanismes d’adsorption de gaz, thèse, INPL Nancy, 1998, 230 p. [11] Cases J.M., Grillet Y., François M., Michot L., Villiéras F.,
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