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MISES AU POINT

Aspects Génétiques
des Valvulopathies
F. Kyndt1, S. Le Scouarnec2, Summary
P. Jaafar2, J.-P. Gueffet2, Genetic aspects of valvulopathies
A. Legendre3, J.-N. Trochu2,
V. Jousseaume4, A. Chaventré5, Valvular dystrophies due to myxoid degeneration are common and potentially
J.-J. Schott2, H. Le Marec2 serious cardiac pathologies. They constitute a heterogeneous group of which the
most usual is idiopathic mitral valvular prolapse (Barlow’s disease).
et V Probst2.
The majority of mitral valvular prolapses are sporadic, but there are several fami-
lial forms. Transmission is usually autosomal dominant with incomplete penetrance
and variable expression. The first chromosomal location to be identified was on the
16p11-13 chromosome. Since then, two other loci have been identified on the
11p15.4 and 13q31-32 chromosomes. Our team has recently identified the first
gene responsible for myxoid valvulopathy linked to the X chromosome, from a large
family of 318 members. This is the gene that codes for filamin A, which is a cytoske-
leton protein. The frequency of mutations in this gene is still unknown, but out of 7
families in which transmission was compatible with X-linked transmission, muta-
tions were discovered in 4 of the families.
Thanks to a genetic epidemiological approach, we have also demonstrated that
there are familial forms of aortic stenosis, which are probably common. Identifica-
tion of the genes implicated in these common forms of valvular pathology is impor-
tant, as it will allow a better understanding of the pathophysiology of these valvular
disorders and could lead to better therapeutic management in the future.

Résumé
Les dystrophies valvulaires par dégénérescence myxoïde sont des pathologies
cardiaques fréquentes et potentiellement graves. Elles constituent un groupe
hétérogène dont la forme la plus répandue est le prolapsus valvulaire mitral idio-
pathique (maladie de Barlow).
La plupart des prolapsus valvulaires mitraux sont sporadiques cependant il
existe de nombreuses formes familiales. Le plus souvent la transmission est auto-
somique dominante avec une pénétrance incomplète et une expressivité variable.
La première localisation chromosomique portait sur le chromosome 16p11-13.
1
Institut du thorax, Institut de bio- Depuis, deux autres locus ont été identifiés sur le chromosome 11p15.4 et 13q31-
logie, INSERM U533, Université de 32. Notre équipe a pu récemment identifier, à partir d’une grande famille de
Nantes et CHU Nantes. 318 membres, le premier gène responsable de valvulopathie myxoïde lié au chro-
2
mosome X. Il s’agit du gène qui code pour la filamine A qui est une protéine du
Institut du thorax, CIC de Nantes, Uni- cytosquelette. La fréquence des mutations dans ce gène n’est pas encore connue
versité de Nantes, INSERM U533 et mais parmi les 7sept familles dans lesquelles la transmission de la maladie était
CHU Nantes. compatible avec une transmission liée au chromosome X, des mutations ont été
3
Service de cardiologie, CHU de Tours. retrouvées chez quatre de ces familles.
4 CNRS CESTAN, Nantes.
Nous avons également démontré grâce à une approche d’épidémiologie géné-
tique qu’il existe des formes familiales de rétrécissement aortique et que ces
5Laboratoire d’étude de génétique des formes sont probablement fréquentes. L’identification des gènes impliqués dans
populations, Université de Bordeaux. ces formes fréquentes de pathologies valvulaires est importante car elle va per-
mettre une meilleure compréhension de la physiopathologie de ces atteintes val-
Présentation au XVes Journées vulaires et peut être une meilleure prise en charge thérapeutique dans l’avenir.
européennes de la Société française
de cardiologie, janveir 2007.
Article reçu en février et accepté en
mars 2007.
INTRODUCTION évidence. Ces atteintes géné-
Tirés à part : Pr Vincent Probst tiques sont maintenant bien défi-
Service de cardiologie Au cours de ces dernières nies et recherchées dans des car-
Bd Jacques Monod
44093 Nantes. années, le rôle des facteurs géné- diopathies morphologiques telles
vincent.probst@chu-nantes.fr tiques dans la survenue de diffé- que la cardiomyopathie hypertro-
rentes cardiopathies a été mis en phique ou les troubles du rythme

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tels que le syndrome du QT long. Dans ces patholo- forme sévère de la maladie tandis que d’autres ont
gies, l’analyse moléculaire fait partie de la stratégie une atteinte faible). La pénétrance est faible dans l’en-
diagnostique et peut même, dans certains cas, fance (8 %), et plus faible chez les hommes (19 %)
aider à la prise en charge thérapeutique. que chez les femmes (41 %).

Le rôle des facteurs génétiques dans la survenue de A ce jour les connaissances des bases moléculaires
valvulopathie a été plus récemment décrit et reste à l’origine des valvulopathies myxoïdes sont encore
actuellement moins connu. Les formes génétiques de très incomplètes. La première localisation chromo-
ces valvulopathies ne sont pourtant probablement pas somique (locus) de prolapsus valvulaire mitral a été
rares et il est important de savoir les reconnaître afin décrit en 1999 par l’équipe de Xavier Jeunemaitre
de pouvoir mettre en place un dépistage familial. [4]. La réalisation systématique d’une échocardio-
graphie aux apparentés de 17 patients opérés de
Dans cet article, nous développerons tout d’abord prolapsus valvulaire mitral, avait permis de recruter
les connaissances actuelles sur les facteurs génétiques quatre familles avec une transmission autosomique
impliqués dans la survenue de valvulopathies myxoïdes dominante de la maladie. L’analyse de liaison géné-
principalement mitrales mais également parfois aor- tique avait isolé un locus en 16p11-13 dans deux de
tiques puis la deuxième partie de cet article sera ces familles. Deux autres locus ont été récemment
consacrée aux données récentes sur les aspects géné- identifiés sur le chromosome 11p15.4 [5] et sur le
tiques du rétrécissement aortique. chromosome 13q31-32 [6]. Par ailleurs, des associa-
tions sont décrites entre le risque de prolapsus val-
vulaire mitral et des polymorphismes dans le gène
LES VALVULOPATHIES MYXOÏDES MITRALES de la fibrilline (gène impliqué dans le syndrome de
ET AORTIQUES Marfan) [7].
Les dystrophies valvulaires par dégénérescence Une dystrophie valvulaire familiale avec une trans-
myxoïde sont des pathologies cardiaques fréquentes mission liée au chromosome X, forme plus rare de
et potentiellement graves. Elles constituent un groupe cette pathologie fréquente, avait été également
hétérogène dont la forme la plus répandue est le pro- décrite ce qui montre que ces formes familiales de
lapsus valvulaire mitral idiopathique (maladie de Bar- prolapsus valvulaire mitral sont génétiquement hété-
low), dont la fréquence est estimée entre 2 et 7 % de rogènes [8].
la population générale [1, 2]. Le prolapsus valvulaire
existe le plus souvent de façon isolée parfois au cours
d’atteintes multivalvulaires ou encore dans des IDENTIFICATION DU PREMIER GÈNE
désordres syndromiques, notamment des pathologies DE VALVULOPATHIE MYXOÏDE
héréditaires du tissu conjonctif (syndrome d’Ehlers-
Danlos, syndrome de Marfan, pseudoxanthome élas- C’est à l’occasion de l’hospitalisation à quelques
tique, ostéogenèse imparfaite) [3]. semaines d’intervalle de deux cousins tous deux âgés
d’une vingtaine d’années, l’un opéré d’une plastie
Macroscopiquement, la dégénérescence myxoïde mitrale et l’autre d’un remplacement valvulaire aortique
se traduit par une exubérance tissulaire diffuse ou que notre équipe a pu identifier une grande famille
localisée. Les feuillets de la valve mitrale sont épaissis atteinte d’une forme héréditaire de valvulopathie
avec un aspect distendu et s’accompagnent d’une myxoïde (fig. 1). Une large enquête familiale, nous a
élongation des cordages. Les sigmoïdes de la valve permis d’identifier une grande famille de 318 membres
aortique peuvent aussi être épaissies. Deux caracté- dans laquelle l’atteinte valvulaire était associée à une
ristiques principales se dégagent à l’examen anato- hémophilie A mineure. Dans cette famille, l’atteinte val-
mopathologique : l’absence de processus inflamma- vulaire était localisée sur le chromosome X [9, 10]. Les
toire, et la dégénérescence de la valve avec des hommes atteints avaient une dégénérescence myxoïde
altérations non spécifiques du collagène et de l’élas- plurivalvulaire avec une expression constante et pré-
tine ainsi qu’une accumulation de protéoglycanes. La coce, tandis que les femmes hétérozygotes avaient une
dégénérescence de la valve est dite myxoïde en rai- atteinte valvulaire mineure et inconstante. La présence
son de l’imbibition du tissu conjonctif valvulaire par d’une hémophilie A mineure associée à la valvulopathie
ces protéoglycanes. C’est cet aspect de valve myxoïde nous a permis de rapidement localiser le gène en Xq28.
qui est retrouvé dans la forme classique du prolapsus Afin de réduire le nombre de gènes potentiellement
valvulaire mitral. impliqués nous avons cherché à réduire la taille de la
zone de chromosome lié à la valvulopathie. Ainsi, nous
La plupart des cas de prolapsus valvulaire mitral avons couplé le fichier des patients opérés au CHU de
sont sporadiques cependant il existe de nombreuses Nantes d’une dystrophie valvulaire avec le registre
descriptions de formes familiales de la maladie. Le régional des patients hémophiles, ce qui nous a permis
plus souvent la transmission est autosomique domi- d’identifier plusieurs individus soient atteints de valvulo-
nante avec une pénétrance incomplète (tous les pathie soient atteints d’hémophilie A mineure soient les
patients porteurs de l’anomalie génétique ne sont pas deux et provenant de la même région de Vendée. L’en-
atteints de la maladie) et une expressivité variable en quête généalogique ascendante a montré une liaison
fonction de l’âge et du sexe (certains sujets ont une entre ces différentes branches familiales avec un

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GÉNÉTIQUE ET VALVULOPATHIES

ancêtre commun né au XVIIIe siècle. Des recombinaisons famille, et absente chez les patients non atteints de la
génétiques ont été mises en évidence ce qui nous a per- famille et chez 300 contrôles sains (fig. 2).
mis de diminuer l’intervalle de liaison pour le réduire à
4 cM. Ainsi, le nombre de gènes présents dans cet Nous disposions de six autres familles atteintes de
intervalle de liaison devenait moins important et il deve- valvulopathies myxoides potentiellement liées au chro-
nait alors envisageable de les séquencer directement mosome X au total. Parmi ces six familles, trois étaient
pour chercher à identifier la mutation (fig. 1). porteuses d’une mutation dans la filamine A (p.Gly
288Arg, p.Val711Asp et une délétion de 546 acides
Le gène codant pour la filamine A (FLNA) pouvait aminés) [12].
être considéré comme un bon candidat puisqu’il a été
montré que des mutations dans ce gène pouvaient La filamine est donc le premier gène de valvulopathie
être responsables de maladies syndromiques asso- non syndromique. Elle module l’organisation du cytos-
ciées à des prolapsus valvulaires mitraux [11]. Le quelette d’actine en réseaux parallèles ou orthogonaux.
séquençage de la région codante pour la filamine A a Elle joue un rôle dans l’interaction entre les réseaux
permis d’identifier une mutation faux sens C→A en d’actine et les récepteurs transmembranaires, et
position 1910 dans l’exon 13 ce qui entraîne le rempla- module ainsi les signaux de transduction de cellule à
cement d’une proline par une glutamine au niveau de cellule, entre les cellules et la matrice, mais aussi la
l’acide aminé 637 (FLNA p.Pro637Gln). Cette mutation transduction du signal intracytoplasmique. On peut
était retrouvée chez tous les patients atteints de la donc penser que les mutations retrouvées dans ce

A
I
II
+/m

III
m m m m m m m m

IV
m m m m m m m m m m m m m m m

V
m m m m m m m

Ancêtre
B C D commun

22
23
24
25
26 Famille
Famille Famille D. Famille
XMVD V. G. R.
27
FVIII Dystrophie valvulaire
28 Hemophilie
+
X 25050 Hemophilie

FIG. 1 – A. Famille initiale identifiée à partir de deux individus hospitalisés pour chirurgie valvulaire aortique et mitral. Les carrés représentent les
hommes, les ronds les femmes. Les individus en noir sont atteints de la valvulopathie, les individus en blanc ne sont pas atteints de la valvulo-
pathie, les individus avec un demi symbole noir ont une atteinte modérée, les femmes marquées avec un rond et un point au milieu sont transmet-
trices obligatoires. B. Echographie cardiaque en parasternal gauche grand axe montrant une valve mitrale épaissie. C. Locus de la valvulopathie
myxoïde progressivement réduit de 8 cM (250 gènes) à 4 cM (cinquante gènes). D. Grâce à l’identification de nouvelles branches familiales
atteintes de valvulopathie myxoïde ou d’hémophilie A mineure, toutes ces familles sont reliées au même ancêtre commun né au XVIIIe siécle.
FIG. 1 – A Family initially identified from 2 individuals admitted for aortic and mitral valvular surgery. The squares represent the males, the circles the
females. Individuals in black are affected by valvulopathy, the individuals in white are not. The individuals with half a black symbol have a mild
disorder, the females marked with a circle with a dot in the middle are obligatory carriers. B Long axis left parasternal echocardiography showing a
thickened mitral valve. C The locus for myxoid valvulopathy is progressively reduced from 8cM (250 genes) to 4 cM (50 genes) D Identification of
new family branches affected by myxoid valvulopathy, or minor hemophila A, allowed all of these families to be traced to a common ancestor born
in the 18th century.

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1 2
+/m

1
m

V711D
1 2
G288R Del 761-943

1 2 3
+/+

P637Q
1
+
2
+/m
3
Famille V 1 2
+/m

1
m 1 2
m m

FIG. 2 – Localisation des quatre mutations différentes retrouvées dans la filamine A chez quatre familles atteintes d’une forme liée à l’X de valvu-
lopathie myxoïde.
FIG. 2 – Localisation of the 4 different mutations found for filamin A in 4 families affected with an X-linked form of myxoid valvulopathy.

gène pourraient être responsables d’une anomalie de tion du sternum, palais ogival) et de nombreuses ano-
transmission des forces entre le milieu extérieur le malies cardiaques (tronc artériel commun, communi-
cytoplasme ce qui pourrait expliquer l’apparition pro- cations interventriculaire et interauriculaire, dystro-
gressive de l’épaississement valvulaire au cours du phie valvulaire).
temps et plus particulièrement sur les valves soumises
à d’importants étirements (les valves du cœur gauche). Un second modèle de souris a été réalisé par KO
conditionnel par la méthode Cre-loxP qui a permis de
Deux modèles de souris déficientes en filamine A déléter les exons 3 à 7 du gène de la FLNA [14]. Cette
ont été produits. Le premier produit par Hart est por- délétion entraîne une protéine tronquée à partir de
teur d’une transition c.7164T>A dans l’exon 44 du l’acide aminé 121 de la protéine. Ces souris présentent
gène FLNA qui entraîne le remplacement d’une Tyro- le même phénotype cardiovasculaire que le modèle
sine en 2388 par un codon stop [13]. Cette mutation précédent et confirment l’absence d’anomalies de
se traduit par la formation d’une protéine tronquée à migration et de locomotion des cellules mutantes. Ils
partir du 22e domaine répété et dépourvue des 260 ont également mis en évidence une désorganisation
derniers acides aminés de la protéine qui compren- des cellules endothéliales et des anomalies des jonc-
nent le domaine de dimérisation et plusieurs tions adhérentes inter-cellulaires.
domaines nécessaires aux interactions avec des parte-
naires protéiques. Si les mutations du gène de la filamine A semblent
jouer un rôle important dans la survenue de valvulopa-
L’étude des fibroblastes embryonnaires de ces sou- thies myxoïdes liées au chromosome X, la fréquence de
ris montre qu’il n’y a pas de changement de distribu- ces mutations dans les formes sporadiques de la mala-
tion du réseau d’actine, ni de leur capacité à migrer et die n’est pas encore connue. Il est cependant probable
qu’il n’y a pas de différence de morphologie avec des que ces mutations ne concernent qu’une part relative-
cellules sauvages. Les embryons mâles meurent avant ment faible de l’ensemble des patients atteints de ce
le stade E15.5 en présentant des œdèmes, des type de valvulopathies. L’identification de ce premier
hémorragies, des anomalies squelettiques (déforma- gène est cependant importante car elle peut per-

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GÉNÉTIQUE ET VALVULOPATHIES

mettre une meilleure compréhension de la physiopa- myxoïde mitrale), nous nous sommes intéressés aux
thologie de ces atteintes valvulaires. De plus, il est pro- aspects génétiques du rétrécissement aortique [22-24].
bable, en recherchant la présence de mutations dans
des gènes dont les fonctions sont proches de celles de Pour cela nous avons bénéficié de deux atouts
la filamine ou qui interagissent avec la filamine, qu’il importants. Tout d’abord, l’ensemble des patients de
soit maintenant possible d’identifier les autres gènes notre région devant être opérés de rétrécissement
impliqués dans la survenue de ces valvulopathies. aortique l’étaient dans notre établissement et ensuite
la mobilité géographique des habitants de notre
région est faible.
GENÉTIQUE DU RÉTRÉCISSEMENT AORTIQUE
Ainsi, en utilisant notre fichier hospitalier de
Le rétrécissement encore appelé sténose aortique patients opérés d’un rétrécissement aortique au cours
est une pathologie fréquente puisqu’elle touche envi- des dix dernières années et le numéro INSEE contenu
ron 3 % des sujets âgés et sa fréquence est en dans le numéro de sécurité sociale de ces patients,
constante augmentation du fait du vieillissement de la nous avons pu identifier leur commune de naissance.
population. Elle est relativement simple à détecter. Nous avons rapporté le nombre de patients opérés
d’un rétrécissement aortique à la population des diffé-
Elle est liée à une accumulation progressive de rentes communes correspondant aux années de nais-
dépôts calciques au niveau des valves aortiques qui sance des patients opérés.
aboutit à une diminution de l’orifice aortique. Il
n’existe pas actuellement de traitement spécifique Nous avons pu ainsi dresser la carte régionale de la
médical et la seule solution thérapeutique reste le prévalence du rétrécissement aortique opéré dans
remplacement valvulaire lorsque les symptômes appa- notre région (fig. 3). La répartition du rétrécissement
raissent [15]. aortique opéré dans notre région est très hétérogène
avec des variations allant de un à cent et avec une pré-
Sa physiopathologie reste mal connue. Des données valence très augmentée dans certaines communes
cliniques et histopathologiques ont montré qu’il s’agis- rurales. Notre hypothèse était alors que comme la
sait d’un processus actif de remodelage tissulaire de la mobilité de la population est faible dans cette région,
même façon que dans l’athérosclérose avec dépôts de si un ancêtre était atteint d’une forme génétique du
lipoprotéines, inflammation et calcification des valves. Au rétrécissement aortique, il avait pu la transmettre à
niveau histologique dans les valves explantées ont été sa descendance, ce qui en raison de la faible mobilité
mises en évidence des cellules à différenciation ostéo- géographique avait concentré la maladie dans un cer-
blastique, des protéines spécifiques de la matrice extra- tain nombre de communes. Pour vérifier cette hypo-
cellulaire osseuse et des facteurs d’ostéogénèse [16]. thèse, nous avons recherché la présence de forme
familiale de rétrécissement aortique dans les com-
Certaines études récentes ont montré l’influence de munes où la prévalence du rétrécissement aortique
facteurs génétiques dans le rétrécissement aortique était la plus élevée. Nous avons pu ainsi identifier cinq
calcifié mais les données restent encore très limitées. familles avec au moins trois membres de la fratrie
Dans une étude cas-contrôle, Ortlepp, et al. ont étudié atteints de rétrécissement aortique. Une de ces
la distribution d’un polymorphisme sur le gène du familles était particulièrement intéressante car elle
récepteur de la vitamine D chez cent patients atteints provenait de la commune où le taux de rétrécissement
ou non de rétrécissement aortique et ont trouvé une aortique était le deuxième plus élevé de la région et
prévalence élevée de l’un des allèles chez les patients parce que dans cette famille qui se compose de 235
atteints de rétrécissement aortique [17]. Le rôle de membres, 83 étaient toujours vivants. Parmi ces indi-
polymorphismes dans le gène de l’apolipoprotéine E4 vidus, treize étaient atteints d’une forme typique de
comme facteur prédictif de rétrécissement aortique rétrécissement aortique dont huit avaient été opérés.
reste controversé [18, 19]. Des mutations dans le L’âge moyen du remplacement valvulaire aortique
gène NOTCH1, un facteur de transcription, ont été était de 73 ± 8 ans.
retrouvées chez deux familles et plusieurs cas spora-
diques atteints d’une forme particulière de rétrécisse- Afin d’augmenter la taille de cette famille pour la
ment aortique congénital associée à une bicuspidie rendre suffisamment grande pour être informative au
aortique et à d’autres malformations cardiaques [20, plan génétique, nous avons réalisé un dépistage du
21]. Bien que cette forme de rétrécissement aortique rétrécissement aortique chez les personnes âgées de
soit assez éloignée de la forme communément retrou- plus de soixante ans et originaires de cette commune
vée, l’identification de cette première mutation ou des communes avoisinantes. Nous avons ainsi pu
montre que des anomalies génétiques peuvent-être à réaliser ce dépistage chez 199 individus supplémen-
l’origine de valvulopathie aortique [20]. taires qui nous a permis de mettre en évidence une
auscultation anormale chez 53 individus. Une écho-
Pour la première fois notre équipe a montré récem- graphie cardiaque a été proposée à tous ces individus
ment des formes familiales de rétrécissement aortique. et acceptée par quarante ce qui nous a permis finale-
À la suite des différents travaux que nous avions réali- ment d’identifier un rétrécissement aortique serré
sés sur la génétique de différentes pathologies dégéné- chez vingt individus. Une analyse généalogique réalisée
ratives (bloc auriculo-ventriculaire ou valvulopathie à partir de l’ensemble de ces individus, nous a permis

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FIG. 3 – Carte régionale de la répartition du rétrécissement aortique calcifié opéré. Cette carte montre une répartition hétérogène du RAC avec
une fréquence faible dans les grandes agglomérations alors que certaines communes ont un taux particulièrement élevé de RAC. La fréquence
est particulièrement élevée dans la commune de Pont-Saint Martin et dans les communes avoisinantes d’où provient la grande famille présentée
en figure 4.
FIG. 3 – Regional map showing the distribution of surgically corrected calcified aortic stenosis. This map shows a heterogeneous distribution of calcified
aortic stenosis, with a low frequency in the large conglomerations, while certain communities have a particularly raised rate. The frequency is espe-
cially high in the community of Pont-Saint Martin and its neighbouring communities, which is where the large family presented in figure 4 comes from.

de les relier à un même ancêtre commun né en 1650, seule génération (les patients âgés de plus de 65 ans)
treize générations plus tôt. Sur cette grande famille, peut être utilisée pour l’analyse génétique car les
nous avons finalement pu identifier 48 individus patients plus jeunes n’ont pas encore développés la
atteints d’une forme sévère de rétrécissement aor- maladie. Nous avons cependant retrouvé chez les
tique et tous reliés au même ancêtre commun. Des patients âgés de moins de 65 ans et descendants d’in-
polymorphismes dans les gènes codant pour la vita- dividus atteints de rétrécissement aortique, une fré-
mine D et le gène de l’Apo E avaient été rapportés quence plus élevée d’anomalies mineures de la valve
comme pouvant favoriser la survenue de rétrécisse- aortique (sclérose aortique, insuffisance aortique)
ment aortique. La recherche de ces polymorphismes (fig. 4).
dans la famille a été négative [17, 19].
Très récemment une étude sur génome entier réali-
La transmission de la maladie dans cette famille se sée sur des petites familles atteintes de rétrécissement
fait sur le mode autosomique dominant. Nous réali- aortique issues de l’étude HyperGen a permis de
sons actuellement une analyse de liaison sur l’en- mettre en évidence plusieurs locus potentiels dont un
semble du génome dans cette famille. L’analyse géné- majoritaire sur le chromosome 16q22 et d’autres moins
tique de cette famille est cependant complexe car une significatifs sur les chromosomes 1, 2, 13 et 19 [25].

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GÉNÉTIQUE ET VALVULOPATHIES

CONCLUSION gènes identifiés sont encore trop peu nombreux. Il est,


en revanche, dès maintenant souhaitable, lorsqu’une
Ces différents travaux démontrent qu’il existe des forme familiale claire de ces pathologies est identifiée,
formes familiales et héréditaires de valvulopathies. La de proposer la réalisation d’un prélèvement génétique
fréquence de ce type d’atteintes reste à déterminer aux membres de la famille afin de pouvoir, dans un
mais dans notre expérience, les formes familiales de avenir certainement proche, lorsque les différents
valvulopathie ne sont pas rares. gènes impliqués seront authentifiés, proposer ces
analyses moléculaires.
Il apparaît donc important, dès maintenant, d’inter-
roger les patients atteints de valvulopathies myxoïdes
(prolapsus mitral ou insuffisance aortique) ou de REMERCIEMENTS
rétrécissement aortique sur la présence d’autres
membres de leur famille atteints de cette pathologie. Nous remercions Régine Valéro et Monique Dupas
(infirmières de recherche) pour leur apport essentiel
La recherche systématique d’un prolapsus valvulaire dans ce travail ainsi que les membres des différentes
mitral chez les apparentés du premier degré (parents, familles pour leur participation.
enfants, frères et sœurs) fait d’ailleurs partie des
recommandations américaines sur la prise en charge
de ces pathologies [26]. FINANCEMENTS
PHRC BRD 02/4-Q, Fondation de France, Fédération
Actuellement, il est encore trop tôt pour proposer la française de cardiologie et AFM (Association française
réalisation d’analyse génétique systématique car les contre les myopathies), GIS-Longévité.

II
Ancêtre commun né en 1650

III

IV

VI

VII

VIII

IX

XI
1
* *

XII
1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 2 2 2 2
* * * * * 1 2 *3
0 * * * 4 5* 6 7 *
8 *9 *
0 1 2 *
3 4 *

XIII
1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 2
* * 0 *
1 2 * * 4
3 *
5 6 7 8* 9 0 *1

FIG. 4 – Arbre généalogique de la famille atteinte d’une forme familiale de rétrécissement aortique. Les hommes sont représentés par des carrés,
les femmes par des ronds. Les individus en noir sont atteints d’une forme sévère de RAC (surface aortique < 1,2 cm2), les individus en hachurés
n’ont pas de valvulopathie. Tous les individus atteints de rétrécissement provenant de cette région sont reliés au même ancêtre commun né en
1650.
FIG. 4 – Genealogical tree for the family affected by a familial form of aortic stenosis. The males are represented by the squares, the females by the
circles. The individuals in black are affected by a severe form of calcified aortic stenosis (aortic area <1.2 cm?), the cross-hatched individuals do not
have valvulopathy. All of the individuals affected by stenosis in this region are linked to the same common ancestor born in 1650.

ARCHIVES DES MALADIES DU CŒUR ET DES VAISSEAUX, tome 100, n° 12, décembre 2007 1019

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F. KYNDT ET COLLABORATEURS

MOTS CLÉS : Valvulopathies, génétique, rétrécissement aortique, prolapsus mitral, valve mitrale.

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