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MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
MÉTHODOLOGIE DU MÉMOIRE
Titre :
I. Construisant la problématique
La vague mémorielle qui parcourt le monde depuis ces dix dernières années est un
phénomène sur lequel l'académie française porte aujourd'hui tout son intérêt 1 . Revendiqué
dans les discours socio-politiques comme « devoir de mémoire », ce phénomène pour lequel
les notions de mémoire, oubli, histoire et vérité sont mis à l'épreuve, trouve ses antécédents
dans le milieu des années 70 pour l'Europe et l'Afrique, en début des années 80 pour
l'Amérique latine et à partir des années 90 pour le reste du monde.
Aussi, nous constatons que les discours sur la mémoire ont favorisé la prolifération, ces
trois dernières décennies, des dénommées commissions de vérité, disséminées à présent sur
tous les continents et dans des pays ayant traversé, dans un passé plus ou moins récent, des
situations de guerre ou de dictature. Et le nombre de ces commissions ne cesse pas de croître
(Hayner, 2011 : s/n), en arrivant même au paroxysme d'en avoir des dizaines pour un même et
seul pays, tel que l'atteste le cas récent du Brésil.
1 Le I Colloque des Instituts Français de Recherche à l'étranger, Présences du passé. Mémoires et sociétés du
monde contemporain, a eu lieu entre novembre et décembre 2007 à Paris. On y constate que cette initiative,
provenant du Ministère des Affaires Étrangères et Européennes, fut activement relayé par la Fondation
Maison de Sciences de l'Homme en partenariat avec le CNRS.
sentent apaisés, bouleversés ou révoltés face aux mécanismes de réparations et réconciliation
proposés…
Au Pérou, « devoir de mémoire » et « devoir de vérité » sont deux thèmes récurrents qui
mobilisent une quantité considérable de ressources et que donnent suite à la matérialisation
des « lieux de mémoire », tel que des bâtiments mémoriels dont le contenu et l'usage ne font
pas toujours consensus.
Le 28 août 2003, la CVR péruvienne rendait publique son Rapport final dans neuf
volumes contenant 4 500 pages, rendant ainsi sa vulgarisation impraticable, malgré sa
disponibilité en ligne. Cependant, lors de la conférence de presse de présentation du rapport
final, relayé par tous les médias nationaux et un nombre important des médias internationaux,
les chiffres ahurissantes exposées figea dans la mémoire collective la dimension et nature de
la violence politique : presque 70 mille morts et plus de 13 mille disparus. Le trois quarts de
ces victimes étaient des paysans dont la langue maternelle était le quechua.
Mais la plus importante des conclusions de la CVR, et sur laquelle la version abrégée
publié en 2004 insista beaucoup, portait sur l'agent qui avait perpétré ces crimes :
« Contrairement à d'autres conflits armés en Amérique latine, où les agents d’État sont les
principaux responsables de la perte des vies humaines -notamment de civiles sans défense-,
dans le cas péruvien le responsable du plus grand nombre de victimes mortelles,
principalement des civiles, est le groupe subversif PCP-Sentier Lumineux. D'après les
témoignages reçus, le 54 % des morts rapportées à la CVR sont des victimes du PCP-SL »2 .
Ces résultats inversaient complètement les chiffres que d'autres organismes, rattachés ou
pas à l’État, avaient cumulé pendant plusieurs années dans leurs archives. Avant cela, les
2 Hatun Willakuy, Versión abreviada del Informe final de la Comisión de la Verdad y Reconciliación, Perú,
Lima, CVR, 2004, pp. 10.
agents de l’État étaient signalés comme les plus grands responsables des crimes de lèse
humanité, sans pour autant dédouaner le PCP-SL.
En effet, les chiffres obtenues par la CVR résultaient d'une extrapolation faite par une
méthode statistique qui a été aussi pratiqué pour le Guatemala et le Kosovo par le même
spécialiste, M. Patrick Ball. Ces manipulations des résultats sont encore aujourd'hui un passif
pour la CVR péruvienne.
Lors d'un séminaire sur la notion de Justice transitionnelle organisé en août 2013 à
Lima par trois institutions péruviennes de droit privé, très influentes au sein de la société
civile et de l'académie3 , plusieurs ex-membres de la CVR étaient invités en tant que
conférenciers. Ils exprimaient leurs regrets que dix ans après la remise du Rapport final, les
recommandations de la commission aient si peu d'impact sur les politiques publiques d’État
visant, d'un côté, à procurer des réparations aux familles des victimes des disparitions forcées,
des exécutions par des groupes paramilitaires ou des massacres, et d'autre côté, à amener
devant la justice les responsables prouvés de ces crimes de lèse humanité, outre les membres
de Sentier Lumineux.
3 « Politicas en Justicia Transicional. Diez años de verdad y memoria en el Peru : Miradas historicas y
comparativas sobre el legado de la CVR », séminaire international organisé par l'Instituto de Estudios
Peruanos (IEP), Instituto Democracia y Derechos Humanos de la Pontificia Universidad Catolica del Peru
(IDEHPUCP) et Movimiento Ciudadano « Para que no se repita », sous l'auspice de l'International Center
for Transitional Justice (ICTJ), du 20 au 22 août 2013, Lima. Toutes les séances sont disponibles en vidéo sur
le site web du ICTJ, mais pour cette affirmation suivre le lien proposé à cette adresse : http://www.ictj.org/es/
news/en-vivo-seminario-internacional-politicas-en-justicia-transicional-cvr10.
ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire et d’oubli » (Ricœur,
2003 : 37) ?
Nous sommes à présent en mesure présenter notre sujet de recherche. Il s'agit de mettre
ici en parallèle deux ouvrages ayant trait aux années de la violence politique des années 1980
à 2000, et les analyser en utilisant le paradigme de travail de mémoire. Ces ouvrages
imprimés, l'un contenant les planches dessinées de M. Jiménez et l'autre un récit
autobiographique de M. Gavilan, ont eu un succès éditoriale bien plus grand que le Rapport
final de la CVR.
Ces deux ouvrages sont actuellement édités par l'Institut d’Études Péruviennes (IEP), un
de plus prestigieux centres de recherche en sciences sociales, présent au pays depuis 1964 –la
maison vient de fêter son 50° anniversaire. En effet, l’IEP est le plus grand producteur
d’études sur le phénomène de la violence politique au Pérou et également le plus grand
éditeur des livres en sciences sociales, ce que lui confère une place fondamentale dans
l’orientation de la recherche dans le pays.
Quant à Lurgio Gavilán, il joignit le Sentier Lumineux en 1983, du haut de ses douze
ans, dans le but de rejoindre son grand frère, qu'il ne trouva finalement jamais. Plus tard, il
passe du côté de l’armée de manière involontaire : les militaires le capturent lors d'une
embuscade et le laissent, lui et un autre enfant, vivant. Dans l'armée, il participe avec le même
engagement qu'il avait eu auprès des guérilleros, pour finalement se consacrer, quatorze
années après, à l’ordre des pères franciscains en devenant un « soldat de Dieux ». Quelques
années après il évolua encore et abandonne la vie monastique pour se former à l'Université, où
il décida d’écrire ses mémoires, non pas d'une guerre qu'on lui aurait rapporté, mais que lui
même avait vécu.
C'est à l'Université de Huamanga, Ayacucho, qu'il fit connaissance avec Carlos Ivan
Degregori (1945 - 2011), membre proéminent de l'IEP -institution que nous avons évoqué
plus haut-, ex-membre de la CVR et rédacteur en chef de la rédaction du Rapport final,
6 M. Edilberto Jiménez est né en 1963 dans un petit village d'Ayacucho, ils est enfant d'une famille d'artisans
de culture populaire et fréquente très tôt l'école. M. Lurgio Gavilan est né au début des années 70, dans une
communauté reculée près de Chungui, enfant d'une famille paysanne pauvre et n'apprend l'espagnol qu'à l'âge
de 14 ans.
considéré dans le pays comme le référent théorique des études sur le groupe maoïste Sentier
Lumineux, les Forces Armées et la violence politique des trente dernières années. Pour
boucler le tout, M. Degregori a préfacé, avant sa disparition, les livres de l'un et l'autre.
Au delà de cette histoire incroyable que nous venons de résumer au risque de la réduire
à ce qu'elle a d'extraordinaire, nos motivations pour l'étude comparée de ces deux productions
sur papier ont trait au fait que le sujet qu'ils abordent est le même, c'est-à-dire, les mémoires
de la violence politique, mais vues dès une perspective exogène pour l'un et endogène pour
l'autre ; en deuxième lieu, parce que malgré que les deux auteurs sont locuteurs natifs du
quechua, ce qui est une donnée à prendre en compte car chaque langue encode une vision du
monde qu'influence ses locuteurs (Lee Whorf, 1956 : s/n), ils sont tous les deux bilingues. Et
en troisième lieu, parce que le fait d'avoir été sous l'égide d'un intellectuel du plus influent
think tank péruvien en sciences sociales, outre avoir tous les deux été formés
professionnellement dans un centre d'enseignement supérieur, chose plutôt rare surtout pour
Lurgio Gavilan, nous permettra aussi d'avoir un aperçu du rôle des intellectuels dans la
formation de la mémoire et la création des discours sur la mémoire.
BIBLIOGRAPHIE
Corpus bibliographique
AGUIRRE, Carlos : « ¿De quién son estas memorias ? El archivo de la Comisión de la verdad
y reconciliación del Perú », in Jahrbuch für Geschichte Lateinamerikas 46,
Böhlau Verlag Köln, Weimar, WIEN, 2009, pp. 135 – 166.
BALL, Patrick y otros : Violencia institucional en Guatemala, 1960 a 1996 : una reflexión
cuantitativa, Washington, D.C., AAAS, CIIDH, 1999.
HAYNER, Priscilla B. : Unspeakable Truths: Transitional Justice and the Challenge of Truth
Commissions, New York, Routledge, 2011.
LEE WHORF, Benjamin : Language, Thought, and Reality: Selected Writings of Benjamin
Lee Whorf, John Carroll Ed., –, MIT Press, 1956.
MENDEZ GASTELUMENDI, Cecilia : « ¿Como llamarlo ? El periodo de la violencia como
una guerra civil en perspectiva historica », in Politicas en Justicia
Transicional. Diez años de verdad y memoria en el Peru: Miradas
historicas y comparativas sobre el legado de la CVR, seminario
internacional organizado por el IEP, IDEHPUCP y otro, Lima, ICTJ, 2013.