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r
s
T WL M P H I JWí E RE
SANGLANT
OV SONT REPRÉSENTÉES
PLVS/IEVRS ACTIONS
Tragiques de nostre temps.
Par I. P. C. EVESQVE
de Belley.
A PARIS,
Chez Ioseph CottereaAt , rue
S . ! acqu es à i a P i u d c tïcç.
. ; ~ M. DC x x xT
- t^fnw Primitée du Moy* ^
f f f Ifsf f f f f¥f
L'AVTHEVR
AV LECTEVR.
DES HISTOIRES,
LIVRE PREMIER.
I. T- 'Auare infortuné. i
II. JL/ L 'infidéle chastic. 16
III. La sanglante Chasteté. 3$
IV. Les iniustes Parens. 50
V. La Fin miserable. 66
VI. L Innocente Egyptienne- 8f
VII. La Confesion reuelee. 106
VIII. Le faux Amy. 116
/X. Le Parricide mal-heureux. 129
X- Le Punnt Concubinaire. I48
XI. La Tardiue Repentance. 162.
XII. LaCoustilìade. 178
XIII. La Iujìe Douleur. ' 191
•^X IV. L'inconstant Attrapé. 204
XV. Le Vert Maudissant. 217
XV J. £ Amant Desefyeré. 218
XVII. La trahison Remersée. 241
LIVRE DEVX1ESME.
I. f 'inepte Vanterie. M5
II- Ìl^L'Esprit Partagé. 2.70
III. Le 1 Miijjeuv Ingrat. 2.81
1 V. La Princesse la.uufe. 197
V. Lk funeste Superíherie. 3 10
VI. La Genére .se ^enp-eance. ^9
VI I. Le Tesmoignage du Sang. 32.8
VIII- L'Intempérance Precipitée. 337
IX. La Mortelle ^mour. 34?
X- L' Enfant Desbauche. 36°
XI. L'Impudent adultére. 3? 2
XII. Le Deftit Inconsideré. 4o2,
X III. La Belle Mort d'^ne Beauté. 42.2,
X IV. Les Deux Poisons. 43°
X. L* Fortune Infortunée" 437
X VU La Promte Crédulité. 4\z
XVII. Le Violentent. 467
XVIII. L'Intrigue Funeste. 4*4
AMPHI
A AMPHITHEATRE
SANGLANT
LIVRE PREMIER.
VAuare Infortuné.
HISTOIRE I.
VInfidele Chaflié*
HISTOIRE IL
N
L'Infidtle ChastU. 17
Roy à qui cllc representa naïfuemenç
par quel mouuement elle estoit pous
see à luy demander cette faueur,luy
racontant sommairement l'histoirc
de la disgrace de Mandalis & de la le
gerete' de Formose. Le Roy qui auoit
quelquefois veu Mandalis à la Cour à
la fuitte de la Princesse admira eette
prodigieuse courtoisie & desira par
ler à cette Damoiselle pour sçauoir
plus particulierement d'elle quel
estoit le ressentiment de son cœur, il
reeonnust à ses discours & à ses larmes »
que la veritable amour quelle auoit
tousioure portee à cet ingrat Gentil
homme n'auoit pû s'esteindre parmi
les eaux de tant d'outrages, & qu'elle
demandoit fa vie aucc autant d'in
stance <jue si elle en eust tousiours esté
bien traictee, le Roy qui estoit d'vn
naturel fort humain fut touché de pi-
tic & dit à cette infortunee Damoi
selle qu'il donnoit la vie de Formosc
1$ L Infidele Çhastiê.
à son amour, & qu'il voulqìc qqç çç
Gentil homme luy en fut redeuable,
ôt ordonna qu'il fie autant de part de
ses biens à l'enfant qu'il auoit eu d'el
le qu'à aucun de ceux qui naistroiçnc
de Triphile,puis qu'ilaùoit estécon-
ceu sous vnc promesse qui deuoit
elire inuiolable. Representez- vous
l'csto.nnemçnt de Formose quand il
se vid secouru ôc sauuépar celle qu'il
auo.it ruinee d'h.on n eur& qu'il tenoir
deuoir estre sa plus mortelle ennemie.
Que fa malice luy parut noire aupres
de la candeur de Mandalis, que de re
grets deuorerent son cœur, par corn-
bien de pleurs & de souspirs tçsmoi-
<nia-t'ille desplaisir de son ingratitu
de, combien volontiers se fust-il atta
ché à p' le s'il n'eust point esté lie autre-
part, il fau iroit trop deparolles pouj
exprimer l'estatdeson esprit en cette
rencontre, ll fut mené sur les liety*
pour fa,ire entheriner fa grace p$g Ir
VInfidtlt Ckaftíf. 29
Parlement ou s'estoit faicte la rebel
lion. Maislalusticc fans auoir efgard
à cette grace tiree de la clemence du
Roy par les pleurs d'vne fille qui l'a-
uoientattendri , & considerant com
bien cette reuolte eust cauíe de feux,
desang& de carnage dans laProuin-
ee fila trame n'eust este deícouuercci
deelara Formose & deux de ses com
pliees attaints & conuaincus de crime
de leze Maiesté au premier Chef, &
fans auoir efgard à leurs graces leu r fit
à tous trois trancher la teste. Quand
cetArrestfut prononcé à Formose il
reeonnust alors la main de Dieu fur
luy , ses yeux furent ouuers fur son in
fidelité & fermez à toutes les preten
dons du monde, il se rangea à la peni-,
tence & se conuertità Dieu detour
son cœur faisant vnc fin tres Chrc-
stienne, il protesta hautement meímc
íurl'escharaut que l'ambition l'auoit
aucuglc, qu'il meritoit la mort pour
3ô L'Injidtle Chafiie.
s'estrereuolté contre son Prince , re
merciant mcssme les luges qui l'a-
uoient condamné, louant leur equite
& benissant Dieu qui le preparoit à,
receuóir des effects de fa misericorde
parles rigueurs de fa lustice,il recon-
nust que quand il n'y auroit autre íu-
iet de le faire mourir que Vinfidelitc
qu'il auoit commise enuers Mandalis
il estoit assez , suffisant , demandant
mille pardons à cette Damoiselle, à
qui sous le bon plaisir du Roy il don
na tousses biens & à Pensant qu'elle
auoit de luy ( car de Triphile il n'en
cuíl point) & iusques aux derniers
traicts de la mort il eust son nom dans
la bouche. En montant mefme fur
l'cschafaut où il alloit sacrifier fa vie
pour l'expiation de ses fautes il s'eferia
Jha ! Mandalis, Mandalis. Et puis ayant
demandé pardon à Dieu, au Roy, à la
lustice & à cette Damoiselle , il donna
courageusement fa teste à Kexecuteur
L' Infidtle Chafìié. jt
qui l'enleua de dessus ses espaules. Lc
Roy sçachant cette execution fut
marry quesa clemence n'eust rrouuc
plus de douceur parmi ceux qui exer-
çoientsaIustice,& remettant la con
fiscation des biens de Formoíc en fa-
ucurdeMandalis&deson enfant, il
restitua cette pauure csplorec en son
honneur, & voulut que son fils succe
dait au nom, aux armes, àla qualité
& aux biens de son perc comme legi
time. Depuis Almansor fit sa paix à
loisir par le moyen du Roy de Nauar-
re. Les grands ont des resources qui
manquent aux petits, & ils se sauuent
ou les autres perissent , ceux-là font
mal conseillez qui se fient à eux puis
qu'ils se seruent des hommes comme
de pelotes pour s'en ioiier. Leur gran
deur qui deuroit aggrandir leurs fau
tes les rend moindres, 6c ce quine
leur est que icu est vn grand crime à
ceux qui sont dans yne fortune plus
ji LInfidele Chàstié.
basse. C'est s'appuyer fur desbastons
de roseau que de se reposer sur eiix,
ils laissent ordinairement au besoin
ceux qui se sont embarquez dans leurs
menees, & quand lc vaisseau de leur
dessein vient à faire naufrage ils ont
touíîours quelque esquispour se sau-
uer, & laissent noyer les autres detíant
leurs yeux. Sage celuy qui a pour ma
xime ce mot du Roy Prophete , ne
vous confiez point aux Princes, car il
n'y a point de íeureté , ny de salut
en eux.
Là sanglantt Chasteté. 33
La sanglante Chafieté,
HISTOIRE III.
HISTOIRE IV.
HISTOIRE V.
LïInnocente Egyptienne.
HISTOIRE VI.
r
V Innocente Egyptienne. 97
retirée c'estoit pour s'entretenir auec-
que les demons, & vacquer à íes sorti
lèges, íi quclqu'vn deuenoit amou
reux d'elle aufli-tost cllc luy auoit
donné quelque brcuuage, ou souf
flé en la face , ou fait quelque
charme pour acquerir son amour.
Toutes ces impostures ie faisoient
auecque tant d'art qu'Auoye estoit
fort tentee d'y prestrer (a creance , les
villageois aisez à persuader tenoient
tout cela pour certain. Mais lors que
d'autre costésa Maistrcsse consideroic
ses deportemens , fa diligence , sa mo
destie, son honnestete, fa pieté, elle
tenoit tout cela pour des calomnies
& la con'eruoit en son amitié & en sa
protection, llauinten fin par le mal
heur de cette chetiue ereature que
Leon fils d'AUoyc ieune Gentil
homme de vingt ans tróuua quelque
chose en Oliue qui luy plut , &
croyant cette place de facile conque
93 U Innocente Egyptienne.
stc il commença à l'assieger& à fai
re ses approches tant à deícouuert,
qu'Oliuc eust eu trop peu d'esprit
pour ne deuiner pas ses pretenfions»
Elle ferma les oreilles à ses caiolleries
& par des fuittes estudiecs elle cuitoit
si soigneusement fa rencontre que si
ces difficultez n'eussent point acereu
la flamme de Leon cette froideur eust
esté capable de l'esteindrc. Cette hon-
nesteté le picqua, òc cette resistance
luy fit appliquer tout son esprit à
vaincre celle qui opposoit tant d'ar
tifices à ses desirs . Comme il la presse
& que des prieres il vient aux mena
ces, & des menaces à la violence.
Oliuc nesçachant plus comme resi
ster à cette force auertit Auoye des
fureurs de son fils, afîìn quelle y ap
portait du remede & luy seruit de
protection. Leoncachoit si peu son
icu & manifestoit tellement son feu
que sa merc s'en estoit assez apper*
VInnoeente Egyptienne. $$
ceué')& comme elle cstoitsurlepoint
de luy en faire des reprimendes, les
plaintes d'Oliue l'animerent; dauan-
tage à la correction. Elle laue donc
la relie à son fris d'vne lexiuc si forte
que cela changea en despit l'amour
qu'il auoit pour Oliue , & perdant
leípoir de la posseder il prit le desir de
sevangerd elle, mais d'vne solemn el
le vengeancé. De là à quelques iours
il s'auifa de renouueler encore les
bruits de l'imaginairc magie d" O liuc*
d'en faire murmurer les villageois &c
auísi les domestiques de fa mere, il
suseite des aceusateurs , & entr'autres
vne mere qui ayant son enfant ethi
que crioittout haut que l'Egyptien-
ne l'auoit ensorcelé. Leon hiesme íe
plaignit à sa mere qu'il estoit comme
force d'aymer Oliue, & qu'il croyoit
quelle luy eust donné par ses charmes
eette pastìon, & quç pour n'estre plus
tourmenté des inquietudes quiriû
G iî
ioo Innocente Egyptienne.
trauailloienc la nuiet &leiour auec-
quc ie ne sçay quels fantosraes qu'il
feignoitle troubler , il protesta qu'il
se retireroit si sa merc ne chassoit cet te
sorciere, &c cependant son dessein
i estoit de l'enleuer & mesme de la vio
ler s'il la voyoit ainsi abandonnee,
comme Auoye à quiles larmes d'O li -
ue faisoient picic marchandoit à la
renuoyer, cette fille esperdue ne sça-
chant au sortir de là ou se mettre à l'a-
bry. Lcons'auisa d'vne insigne mes-
chancete, il sçauoitou sa merc auoit
serré la bourec des cent pistoles d'G-
liue, il crocheta le coffre & le referma
auíïi bien que s'il n'eust point esté ou-
yert, il prend les cent pistoles &met
en leur placecent fueilles de chesne,&
puis s'en va à Paris passer son temps
tant que cette somme dureroit.
Estant party sa merc qui crût qu'il ne
reuiendroit point à la maison qu'Oli-
ue n'en fut dehors , se resolut de l'en
L Innocente Egyptienne. 101
faire sortir , & luy ayant trouuc vne
autre maistresse, comme elle eut plié
ses hardes Auoye luy voulut rendre
fa bource & ses cent pistoles , &
n'ayant trouué que ces cent fueilles
de cheíne ce fut lors que toutes les
mauuaises opinions qu'elle auoit ia-
mais conecués d'ellese representerent
à son esprit comme des veritC7,& que
toutes les calomnies & les murmures
qu'on auoitfaits contr'elle luy paru
rent autant d'oracles. El le passe en sa
ereance & samercaussi pour sorciere,
pour larronnessc , pour hyppocritc,
pour meschante, en vn mot pour
Egyptienne, elle se repent des bons
offices quelle luy a rendus, ne parle
plus de recompenser ses seruices, mais,
de faire punir ses crimes par le fer &
le feu, elle fait venir les officiers de fa
Iustice pour luy faire son proces , tout
1c village s'assemble, les domestiques
aussi , la bource est produitte auecque
G iij
jot Llrmoccntt "Egyptienne.
les oent fucilles de chcíiie , qu'est il
besoin de tesmoins ny de torture, el
le est tenue pour attainte & conuain-
cuë de sorcellerie, on la veut mettre
en prison en attendant qu'on prepare
son supplice, la pauureOliué pleure,
inuoeque Dieu, proteste de son inno
cence , le peuple s'anime , le bourg
estoit grosses enuieux & murmura
teurs en grand nombre, lesdomesti-
ques soufflent le feu dans les cœurs de
cette multitude ,on envient aux cla
meurs , de là aux forceneries , à la vio
lence, on l'arraclie des mains de la lu-
stice, on court aux pierres, aux ba
ttons, aux especs, chacun luy donne
vncoup, elle est assommee, accablee,
foulee aux pieds, mise en pieces tant
c'est vn torrent impetueux qu'vne
emotion populaire, ainsi l'execution
deuança la condamnation , le corps
deschiré , fut iettéà la voirie, & expo
se aux chiens, voila comme le iuste
LîInnoeente Egyptienne. ioj
souffre, & nul nefait reflexion sursa
more, tous sont arrosez de son sang
&nulneeroit en estre coupable. Au
contraire il n'y a ecluy qui n'estime
auoir fait vne bonne œuure, & offert
vn sacrifice à Dieu. Depoursuitteny
de chastimentil n'en faut point par
ler, la quantite des criminels fait
qu'on ne íçait à qui s'en prendre, &
puis les luges mefmes trouuent de
î'equité en cette punition. La nouucl-
le en vint à Leon qui la receut tout
d' vne autre façon qu'il nfi.s'imagi-
noití car il ne croyois pas qu'on d'eust
aller si promptement en besoigne, ny
proceder fi eruellement & si crimi
nellement cotre Oliue. 1l reuint en la
maison desamere, & par permission
de Dieu pour des-abuserle monde &
rendre la bonne renommee àla me
moire d'Qliue, il auoiia qu'il auoit
mis les centfueilles de chefnc dans la
bourceau lieu des cent pistoles dont
G iiij
io4 l- Innocente Egyptienne.
il en monstra encore plusieurs de re
ste, protesta que cetre fille estoitiru
nocente , &quc fa vertueuse vie me-
ritoitvnplus fauorable destin. Cette
verité defcouuerte fut vn coup de
couteau dans le sein d'Auoye , qui
rappelant en sa memoire la douceur^
la fidelité, la pieté, & tant d'autres
graces du ciel qui estoient visibles en
Oliue , coneeut vh fi violent regret
d'auoir este cause de fa mort , qu'elle
n'eust depuis vne feule heure de ioye
ny de santé, tousionrs cette' sanglante
image fe prefentoit à fes yeux , &: ce
sang iuste comme celuy d'Abel luy
sembloit demander vengeance au
ciel contr'elle. Vne grosse fiebure
l'accucillitquiluy donna assignation
au tombeau, elle s'y disposa parla pe
nitence, enioignantà son fils de don
ner les cent pistoles à TEglife, & elle
mcsmey adiousta vne notable som
me pour faire vne fondation affin do
>
I ,
Vlnnoeenie Egyptienne. 105
prier Dieu pour Tamiris & Oliueà
perpetuité, apres elle fut saisie dercs-
uerics extrauagantes qui agiterent
son esprit iusques à ce qu'il fuit separe
de son eorps. Apres fa mort Leon
negligea d'executer la volonté & le
testament de fa mere, & se rnocqua
de la restitution des cent pistoles qu'il
auoit consommees en deibauehes &
en despences inutiles, mais il ne por
ta pas loin la peine de fa faute; car de
la à quelque temps il fut tué en trahi
son par vnmaryialoux de qui on te-
noit qu'il sollicitoitlaícmme. Fune
ste auanturc de lmnocence, & qui
fait voir fa malice & la precipitation,
l'enuie &la calomnie, les derEances
& les soupçons en diuers lustres. Et
ee qui est de plus cmerucillable c'est
d'y rencontrer des diamans dans vn
fumier, & des personnes vertueuses
parmy des compagnies de personnes
ramaAtos qui font comme l'esgoust
i o6 L' Innocente Egyptienne.
& la sentinc de toutes sortes de vi
ces : personnes qui sont comme au
tant de meres perles au milieu de la
mer. Et comme des lampes ardantes
en des lieux obscurs, Sc ou ne se pra
tiquent que des oeuutes de tenebres.
La Confepon reuelee.
HISTOIRE VII.
Le faux Ami.
HISTOIRE VIÏL
\
Le Parritide Mdl -heureux. 119
LeTarricide Aíal-beureux*
HISTOIRE IX.
1
Lt Parricide Malheureux. 147
Dieu, en la punition du Perc & du
fils, l'vn & l'autre se trouuans fru
strez de ce qu'ils auoiené desire auec-
que des passions si demesurees.
Tl • I
Bien- heureux celuy la raison
& le iugenient pour Aie dans le la
byrinthe de tant d'humaines er
reurs , celuy-là sortira de rembar
ras où les autres demeurent enue-
lopez, & fera vainqueur des mon
stres qui deuorent les autres . Si
nous suiuons cette claire & seurc
guide nous ne nous clgarerons ny
perdrons iamais.
K ij
148 Le suant Concubìnaire.
Le puant Concubinaire'
HISTOIRE X.
Àmph. Sanglant* L
i6t L* tardiue T^epenrancc.
La tardiue Refenfance.
HISTOIRE XI.
,
170 La tardiue ïïjpentance.
que pour l'cspouíer il promet de quit
ter Dieu, sa Religion ,& son Ordre.
Lc Consistoire haussa la dotte de cet
te Ruth qui auoit mis en rut nostre
Moyne, & la loua <_omme vne ludith
qui auoic mis de la contusion en la
maison de Nabuchodonosor, & con-
uertyparses beaux yeux plustost que
par íes bonnes raisons le Prcdicateur
desPapistes. lis firent de grands tro
phees de la conqueste de ce desuoyc
des- a descrié parmy les Catholiques
pour ses mœurs scandaleuses, & parce
qu'il auoir bien estudie, & grand ta-
lantjjour parler en public, ìaint que
de nos plus meschans Apostats ils en
font leurs plus saincts Apostres, aussi-
tost il fe porta au ministere, & il y fut
admis apres auoir fait profession à la
façon ministrale entre les bras de fa
belle Ruth, dont il deuintlcBoosou
le Bœuf. 11 demeura quinte ou feize
ans en cette miserable vie, preschant
La tardiucRepentaftct, 17I
continuellement contre sa conscien
ce & conrre les sentimens veritables
de son amejainsi qu'il auoiia plusieurs
fois, mais en seeret à quelques Reli
ques Religieux qui par rençonrre
confererent auecque luy , aussi pres-
choit il le moins qu'il pouuoit des
Controuerscs, & ne traittant que des
choses morales qu'il trouuoit toutes
digerecs dans les sermons des Predi
cateurs Catholiques. Il fut Ministre
durant dix ou douze ans en vue bour
gade de Berry od il y auoit vn Cure
assez habile homme, & assez pres de
là vn Abbé fort riche & signalé en pic-
té, ces deux personnages entreprin-
drent de voir çc Ministre, & parla
douceur de leur conuersaríon le remi
rent aux termes de se rangera son de-
uoir, & de reuenir au sein de TEglise
Catholique. Il n'y auoit que les liens
de la chair & du sang qui le rete
naient : car il auoit quatre enfans,
ijí La tardîue Repentanee.
trois mafles & vnc femelle de cette
Ruth, cause de sa cheute. L'Abbé qui
estoit homme zelé& de moyens luy
promit de loger tous ses enfans &de
faire en sorte que cette femme seroit
tiree de la necessité (carde la conuer-
tiril n'y auoit aucune apparence) &
parce que Valfroy ne vouloir pas re
tourner en son Qrdre,il luy offrit vne
place de Religieux en fa maison, sas-
seurant d'obtenir de Rome cette dis
pense , & de le traitter auecquetant
d humanite & de courtoisie, qu'il luy
feroitcognoistrequele veau gras ne
fc tuoit que pour les prodigues. Sous
ces conditions il leur promet de reco-
gnoistre son deuoir & de quitter le
ministere, mais il diffcroit tousiours
de temps en temps sous diuers pre
textes de íè declarer. Durant ces de
lais il f ut saisi d'vnc fieurc ardante qui
cn pe udeioursle mit fort bas. L'Ab
bé oy ant cette aouuçlle aecourt & le
La tardiue Repentance. if$
va voir auecquc le Curé du lieu, & le
somme d accomplir sa promesse Cc
pauurc homme pensant guerir les
coniure de ne manisester point ce
qu'il leur auoit promis , que cela fe-
roit trop d'eclat, & qu'il n'y manque -
roitpas auílì-tost qu'il auroit donné
ordre à ses affaires. Comment à vos
affaires, reprit l'Abbé, la plus impor
tante de toutes est de penser au salut
de vostre ame,car les Medecins que
nous auons confultez vous condam
nent à la mort, & à finir dans les res-
ueritsd'vne íìcure chaude , pensez à
vous tandis que vous auez encore
l'eíprit sain. Soit que la terreur de la
mort Sc du iugement des Medecins
luy frappast fur le champ l'imagina-
tion, soit que l'ardeurde lafìeure fuíl
arriuec au point d'enuoyer des va
peurs aucerueau, il entra en trouble
d'esprit, & dit à l'Abbé & au Curé,
Messieurs, vous estes venus trop tard.
174 La tardìue Repentante.
*Nes(io wos, ce sont ses mesmes ter
mes, comme ils le veulent presser il
entre en extrauagance, & dit les plus
crotesques choses du mónde , &: toUf-
ioun pour son refrein, c'est trop tard.
*Nesao n.'os.V Abbé óc le CureYestans
retirez, les Huguenots auettis de cette
visite firent aussi tort venir vn autre
Ministre pour assister cestui-cy . Val-
froy ne luy respondit que parextra-
uagances, & au bout du conte il finis-
soit par ces parolles, vous venez trop
tard. Wf/tjo vos. Comment, luy di-
soit le Ministre n'estes vous pas nostre
confrere au Seigneur, à cela Valfroy.
Nefeiovos. Ne voulez vous pas mou
rit en la Religion R cformee que vous
auez enseignee depuis quinze ou sei
ze ans , à cela Valfroy. ^leseio \os. Re-
cognoissez-moy, disoit !c Ministre, ie
ncsuispasl'Abbéd'vn tel lieu , ny le
Cure d'icy, ic le voy bien , dissoit Val
froy. Vous estes Monsieur tel , & i*
La tardiue Repentance. 175
vous dyquc vous venez trop tard, &:
que Nesao vos. Nc voulez - vous pas
mourir en I'vnion de nostre Eglise,
dissoit le Ministre , nullement rcpli-
quoit Valfroy, Nesao njos . Quoy
donc voulez-vous mourir Papiste, rc-
partoit le Ministre, & Valfroy . Nef
eiovos. L'Abbé & le Curéayans appris
ces responses qu'il auoit faittes au M i-
nistre , & appuyez de la lustice du lieu
se donnent entree en sa maison, & en
la presence' du mesme Ministre le
font reísouuenir de ses promesses.
Valfroy respond *Nefeio v<w. Le Mi
nistre conteste & dit qu'il se plaindra
de ce qu'on veut seduire son Confre
re, & le voulant exhorter d'estre fer
me en la foy Pretendue Reformee il
entend le rneíme refrain. Nescto.njos.
Si est-ce,dit lc Ministre, qu'il faut que
vous mouriez en quelqu'vne des
deux Religions qui sont en France,
earia raison d'Estat n'en souffre pas
iy6 La tardiue Repentante.
trois, à cela Valfroy, Neseio ios. On
le somme de dire où il vouloit cstre
enterrera quoy ìlrcspond, Nescio Vos.
Sa femme s'approche & le prie de
dire seulement qu'il veut estre ense-
ueli auecque ceux de leur R eligion, il
luy replique fernmej Neseio vos. Et
apres cela la frenaisiele saisit, & luy
fit faire faire & dire les plus grandes
folies qui puiísent tomber dans l'ima-
gination, & tousiours il reuenoità
*Ncfeio vos , qu'il disoit tantost cent
fois tout de íuittej tantost en musi
que, tantost en souspirant , tantost en
battant des mains, tantost cn riantà
pleine gorge, ôe quoy qu'on luy dit,
& quiconque luy parlast, il n'auoic
autre chose en la bouche que Ne/ao
njos. Il expira de cette façon Tans pen
ser, ny à Dieu, n'y à soy> & Dieu veille
qu'apres sa mort il n'ait point enten
du l'iiorrible Neseio ojos > qui fut dit
aux Vierges folles. Comme il n'auoic
La tarditte Repentante. 177
donne aucun signe deconuersion: les
Catholiques ne firent point d'instan
ce d'auoir son corps pour le ranger au
Cimetiere, mais les Huguenots qui
mettent toute pierre en œuurc &s'en
seruentauhazardà tous bons vfages
luy donnerent sepulture au pied d'vn
arbre dans vn iardin , od peut estre il
causera plus de fruict apres fa mort
qu'il n'auoit fait durant fa vie. Peut-
çstre qu'on iugera cette Histoire n'e-
stre pas assez Tragicque pour estre
rangee en cet Amphitheatre San<-
glanr,mais qui considerera que cette
tin qui rega.rde la perte eternelle d'v-
ne ame merite d'estre pleuree auec-
quedes larmesdefartg,changerad a-
ùis, 6c auoiiera que la mort féconde
est la plus funeste & la plus horribU
de toutes les morts,
». . . . -. ;• ' ;*
Amph. Sanglant. M
178 La Couflilladc.
La Couftillade.
HISTOIRE XII.
La iufie Douleur.
HISTOIRE X 1 1 F. -
L'Inconfiant Attrapé.
HISTOIRE XIV.
I souuent le papillon
donne des attaintes à la
flamme, qu'à la fin il y
bruílc ses aifles , & la
nauirc aprcs beaucoup de voyages
& de courses donne en fin dans les
cscuei's, & fait vn triste naufrage.
Hierusalem, dit vn Prophete, a com
mis de grands pechez, à raison de-
quoy clic' a este rendue instable,
òc eette instabilite fera cause de sa
ruine. Ccluy cjui loge par tout nc
demeure en aucun lieu, & celuy qui
aime en beaucoup de lieux n'aime ve
ritablement nulle part. Ccluy qui
donne fa foy à plusieurs nc la garde à
personne, & à la sin voulant surpren•
L Inconstant attrÂpé. 2.05
drc, il sc trouue pris, ainsi que vous
allez voir en l'occurrence qui fuit.
Hircan vraye image de l'inconstance
& l'vne des volages humeurs qui se
puisse imaginer, cstant né de comple
xion amoureuse rcííembloit à vne
matiere premiere, susceptible çle tou
tes sortes de formes. C'estoit vn mi
roir que son cœur, où les obiects des
beautez estoient austi-tost effacez
que promptement empraints. C'e
stoit vn poulpe receuant toutes les
couleurs des lieux où il s'attachoit. Ie
n'aurois iamais faict si ie voulois
representer feschangemens, à leur
comparaison les gyroiiettes se
peuuent dire constantes. Mais ie
viens feulement aux plus notables, &
a ceux qui le porterentà cette fin tra-
gicque qui luy donnera lieu dans ces
Amphitheatre de sang. Les graces
d'Asterie fille de mediocre condition
attesterent ses pensees plus long
io6 iJIncanHant attrape.
temps que de coustume, &ne poll
uant l'oíter de fa fantaisie, ny la pos
seder, parce qu'elle estóit fort ver
tueuse, que par la loy d'Hymen, il sc
resolut à ce ioug pour amuer à eette
jouissance oùil metfoit fa felicite. Sa
mere (car son pere estoitmorr)s*aper-
ccuant de cette passion , & du but où
cile tendoit, ne iugea point qu'il y
eust de plus subtil, ny de plus fort
moyen de l'en diuertir que de luy
proposer le voyage d'Italie. Cet es
prit léger fut austi tost persuadé sur
s'esperance qu'il auoit de rencontrer
en eette belle contree quantité de
ceschoscs qu'il aimoit le plus, & que
Ja facilité desconquestes luy osteroit
de dessus les csspaulesle ioug tyranni
que d'vnepaííion particuliere. Lors
donc qu'Asterie à qui il auoit dcs-ia
donné autant d'esperances , que tes-
moigné d'amour pensoit rencontrer
rcssectdeseàpromcíscs par 1c maria
U Inconstant attrapé. 107
gc,monhommediíparoist &s'en va
en Italie. Cc fut là oú il trouua ces
beaux escucilsde marbrG blanc où il
prenoit plaisir à faire naufrage.; Mais
apres auoirbeaucoup roulé par l'Italie
le íeiour de Sienne luy plut fur tous
les autres. Auííl est-ce vne citéouàla
pureté de la langue la beauté des ba-
íHmens, & la ciuilité & gentillesse de
ceux qui l'habitent , apporte tant
d áuantagesquela demeure n'en peut
estre que fort agreable , principale
ment aux estrangers qui y font auíïì
courtoisement receus qu'en aucune
âutre ville d'Italie, Ce fut laque Hir-
can se resolut de passer son temps'aux
exercices, &e à l'occupatioh des per
sonnes oysiues quicltl'amour. II en
receut pour pluíieurs suiects , 8c en
rendit susceptibles plusieurs autres,
mais il ne trouua , ny tant de franchi-
fc^ny tant de bien-veil lance en aucun
lieu qu'en la maison de Porcia ieunc
i o8 U Inconjìant attrait.
vefue, qui ayant appris dans le ma
riage les secrets de plaire aux hom
mes, sceut bien par ses attraicts met
tre en arrest la volage humeur-de no-
urre François. Et certes fi le grand
Stoïquea dit que les bien-faicts sont
les chaiínes des eccurs . Hircan fut
comblé de tant de faueurs, mais ic dis
faucurs solides, & de tant de riches
presens par cette vefuc qui s'estoit es-
perdument elprise de luy qu'il fut
contrainct de se rendre à clie, & de
luy donner toutes fes affections. Elle
le gaigna donc iusques à ce point
quelle l'espousa fecrettement , ôc de
cette forte Hircan demeura plus d'vn
an aupres d'elle, disposant de son bien
à sa fantaisie auííi bien que de son
corps. Les esprits Italiens ont cela
que comme ils haïssent, ils aiment
aussi à lextremitê, & quand ils ont
employé tous leurs biens pour leícr-
uiccdccc qu'ils ayment , ils pensent
n'auoir
L' Inconstant attrape. 109
n'auoir rien fait. Tcile estoit l'hu-
meur de Porcia qui se fust ruinetí
pour Hircàn , sans penser faire aucre
chose que son deuoir en seruant cec
ingrat à qui elle s'estoit donnee fans
reserue . Que i'ay de regrec qu'vn
homme de nostre nation aille com
mettre l'ingratitude que ic deduiray
tantost. Apres que l'inconstant cuit
rassasié ses desirs des embrassemens
de Porcia, le desir de reuoir fa Patrie,
ou peut-estrede se faire quitte de cet
te infortunee, le íaisit, elJeabeau le
coniurer, ou de retarder son voyage,
ou de Temmener auec tuy, ses prieres
sont inutiles,& c'est ícmer fur le fable.
Ilfefertdeíes fermens pour trompe*
fous vne plus belleapparenre,& pour
colorer fa perfidie. -Il proteste í com
me vn autre Demophoon a Phillis)
qu'il ne va que pour donner-ordre a
ses affaires domestiques pour reuenir
auffi-tolt, & l'espouser solemrkelle-
Amph. Sanglant. O
no L'inconjlant attrape.
ment à son recour, tout cela sont des
piperies,que l'amour extreme de Por-
cia faitcouler facilementen sa erean
ce, n'y ayant rien qui nous face plu-
stost croire que le defir, & íourlranc
ce qu'elle ne pouuoitempefther, elle
permet qu'il ía laisse apres mille fer-
mens d'amoureux (qui s'cfcriuenten
l'air) qu'il reuiendra dans vn terme
qu'il fait fort court pour tromper la
eredulité de cette femme Elle faillste
d'argent & d'equipage, & luy fait de
beaux preseris à ion depart pour obli
ger ce perfide à fe souuenir d'e!le,mais
ce qui n'estoit plus deuant íès yeux
s'escartoit auílì tostde son souuenir,
en quoy le grand Stoïquc met le der
nier degré de l'ingratitude . Il n'est
pas si tost arriué en France que toute
l'Italic disparoiíì: de fa memoire, 5c
quand il reuit Asterie, ce fut comme
vne personne qu'il n'eust iamais ycuc
tant il le crouua desgage de ses liens.
U Inconstant attrape, ut
Cela plue fort à sa merc qui Ic vit gue
ri d'vne maladie dont elle craignoit la
recheute, mais il n'est pas homme à
garder longuement fa liberté, il faut
quelle s'engage en que'que pratique.
Zamaris vne autre Damoiselle qui
n'estoit gueres plus riche qu'Asterie^
fut le fiiet où il donna, & s'y embar-
raííà de telle forte qu'il n'cnpouuoic
trouuerl'issuëque par le mariage , ce
que fa mere ne redoutoit pas moins
que le premier engagement. Quel re
mede à ce desastre, la fortune l offriÈ
lors qu'on y pensoit le moins. 11 euc
pourriual en cette amour vn ancien
Gentil-homme appelé Eucer , qui
estoit beaucoup plus riche que luy^
homme d'aagc auancé, & d'authorité
dans le pais; Encore que Zamaris
cust beaucoup plus d'inclinatiost
pour Hircan , que pour ce vieillard,
ícs parens ne furent pas de mefme
auis , mais ayans donne leur parolle à
O ij
tii &ineonstant attrape.
Euccr, ils la contraignirent de se don
ner à ce vieil amoureux qui auoit
comme le mont- y£tna des feux par-
myla nege. En meíme temps par vne
rencontre merueilleuse, vne Dame
fort riche que nous appelerons Tu-
rianne souhaitta pour gendre Hircan,
niais fa fille cíloit íì laide, & d' vne
taille si gastec que ce ieune tendron
nourri dans les delicatesses & les mor
ceaux friands, ne se pût iamais resou
dre de mettre à sescostez pour toute
fa vie vne femme qui ne luy eust en
gendre que des monstres . Mais
voyez comme vne petite estincclle
iettec à l'auanture excite vn grand
embrasement, Turianncqui appro-
choit les cinquante ans, & qui de
puis la mort de son mary n'auoit au
cunement penséau mariage, s'y sen
tit portee tout à coup sur ce qu'on luy
rapporta qu'Hircan auoit dit qu'il
eust mieux aimé la mere que la nllfc
L Inconstant attrapé. nj
Cette Dame auoic esté belle en son
temps, & auoic encore des restes de
fraiícheur& de beauté qui n'estoient
pas mesprisàbles, ce mot dit par ha-
?ard luy fit reprendre le desir des
nopecs, & la consultation quelle fit
auecque son miroir luy persuada
quelle estoit encore assez agreable
pour donner de l'amour à vn ieune
mary, elle fait sonder 1 esprit d'Hir-
can la dessus & luy offrit de si grands
auátages , qu'eíblouy de tan t de biens
il consentit à la prendre pour femme:
le mariage fut plustost fait qu'on ne
s'apperceut de ia recherche, ce qui
remplit de diuers discours tout le
voysinage. Mais l'inconstant Hircan
n'estoit pas homme à se tenir long
temps attaché à vne vieille , il reprend
le train de ses anciennes Iibertez , &c
cherche ailleurs que dans son lict de-
quoy contenter son appetit desor
donne. Ce qui alluma de si furieuses
O iij
«,14 UInconstant attrapé. _
ialouficsdans i'espritdeTurianne, &
fit naistre entr'elle & Hircan vn si
mauuais meíhage,que s'estant sepa
ree de corps d'auecquc luy , elle ob
tint encore separation de biens pat
authorité de la Justice. Ce qui nous
monstrecombien rarement sont heu
reux les mariages qui se font entre
des parties trop inesgales en aage.
Apres beaucoup de lettres fans res-
ponce,& trois ans de patience, Por-
cia se resolut de iouër de son reste, &
de venir chercher en France son infi
dele, eliearriue donc auecque sa pro
messe de mariage, & se presente de-
uant Hircan separé de Turianne, il se
mocqua d'elle, & des- auoiia son pro
pre eíçrit, cllc le fait appeler en Iusti-
çe, mais qui est le luge qui garde 1g
, droict à l'estranger au defauantage
du regnicole. La pauure Porçia fut
bafïòuce de tous costez , reclamant la
justice diuine puisque l'humainç luy
L'Inconfiant attrapé. 115
deffailloit, aussi fust- elle exaucee, car
auant quelle se retirast en Italie ,clle
eut cette satisfaction de voir la ven
geance fur la teste de 1 inconstant, de
delauer ses mains dans le sang du pe
cheur. Zamaris ayant esté mariee par
force au vieillard Eucer, n'osta poinc
de son esprit les impressions de Ta-
mour qu'elle auoit eues pour Hircan,
& lasse de ce bon homme elle rendit
destesmoignages à cet inconstant,
3ue ses vihtes ne luy seroient point
es- agreables. Luy qui estoit de na-
phtheàce feu ralluma soudain de cet
te bluette despoir ses anciennes
flammes, & sans m'engager dans le
recit des particularisez de cette ac
cointance, il entra en telle familiarite
auec Zamaris que le bon Eucer s'ap-
perecut bien que trop tard de leur in
fame pratique. Turiannemefme qui
ne laissoit pas d'estre ialousse , quoy
que separee est auertit Eitcei" qui n'en
O iiij
í!6 L'inconstant attrapé.
içauoit que plus qu il n'eust voulu, il
ne luy restoit que de les surprendre
pour leur faire porter la peine de leur
adultere. Cela luy fut aisé ayant des-
couucrr parle moyen d'vne íeruante
la cabale de leurs secrettes entreueués.
Il se fait bien accompagner , & estant
bien armé il se cache dans le boccage
d'vn iardin, ou durant la nuict Za-
maris & Hircan se donnoient des
rendez vous. Qu'est il besoin de ti
rer en longueur cette expedition.
Comme ces miserables s'embras-
soient ils furent percez d'vne iakc
d'harquebuzades qui grefla fur eux,
& qui les enuoya raire l'amour aux
champs Elisees. Ainsi fut attrapé l'in-
constant & surpris en sasinefleceluy
qui vouloir tromper les autres. N ota
ble punition de l'instabilité , & de la
perfidie qui soulagea l'esprit irrité &
defesperé de la trop loyale Porcia, qui
se vid plustpst vefuc que mariee, &
V Ineonstant attrapé. tiy
qui reconnut par cc coup du ciel que
le Dieu des vengeances auoir pris fa
eause en main , & chastiél'ingratitude
dceedcíloyal quelle auoittrop aymé
pour en estre silaschement trahie.
Le Tere maudissant.
HISTOIRE XV.
p ;j
VAmant àtsefytrt.
LAmant desefyerc.
HISTOIRE XVI.
j
l
Là Trahison renuerjce. 1 41
La Trahison renuersee.
HISTOIRE XVII.
•
AMPHITHEATRE
SANGLANT.
LIVRE DEVXIESME.
■
Dïnepte ganterie.
,
HISTOIRE L
, ' I
Vrant les dernieres an
nees du memotable re
gne du grand Henry,
Pere & Restaurateur de
la France, le calme estoit fi profond
en cet Estat que c'estoit le vrayseiour
de l'amour & des delices. La Nobles
se Voyant ses armes inutiles, & fans
î56 L' Inepte atanterie.
employ , n'auoit point d'autre occu
pation que celle des personnes oysi-
ucSjles ieux & les passe-temps. Temps
heureux! traueríc depuis de tant d'o
rages, qu'à peine sçauous nous cc
que c'est que tranquilité. Cc n'est pas
que l'inuincible & tousiours victo
rieux Louys digne reietton de ce glo
rieux tige ne trauaille tous les iours,
& par son soin, & parla lumiere de sa
Vie, & de son exemple * & paria va
leur, à restablir cette Monarchie cn
son ancien lustre, mais l'hidre de la
Rebellion à tant de testes, que pour
les dompter il semble que cet Hercu
le doitauoir autant de mains que les
Poètes en donnent àBriaree. Et en
core qu'il soit le Roy des vertus & des
miracles, il a tant de difficultez, & de
dans & dehors à surmonter , que si
Dieu ne letenoit manifestement par
la droitte, & ne luy soustenoit le cou-
tage, il feroit impossible que seul il
Pust
L' Inepte <vanterie. ty}
pust supporter tant & de fi continucU
les fatigues. Mais puisque le Sage
nous conseille auxiours nubileux de
nous souúenir des serains, il me sem
ble que i'ay raison durant tant d'agi
tations qui tourmantent le vaisseau
de cette Monarchie de rappeler en
ma memoire la belle saison de sa bo -
nace sous le sceptre & la conduitte du
triomphant Henry . Ce fut en ce
temps là' que dans la Prouince des
Cenomaries Triphon Gentil hom
me de merite, & qui auoit beaucoup
de nom à la Cour de ce grand Mo
narque, s'estant retiré en fa maison
pour iouïr en la conuersation de ses
voisins de la douceur de la campagne
rencontra les yeux de Stactee , ou
comme à deux flambeaux ardans il
bruíla les aides de ses desirs, volti-
geansauparauant fur les rieurs desdi:-
uerses beautez, comme des simples
papillons , auec autant de legeretê
Amph. Sanglant. K
ij8 V Inepte <vanterìe.
qucdmdifference. Vne plumo moins
occupee & qui auroic moins de ma
tieres à deuider s'arresteroit ici àdes-
peindre la naissance & le progrez de
cette affection qui ne peut estre blas-
mec que par des ames sauuagcs, puis
quelle auoit poyr visee cesainctlien
qui nous met en naissant l'honneur
fur le front, puisque ceux qui naissent
hors de ce lien portent fur le leur la
honteuse marque de l'intemperancc
de ceux qui les engendrent. C'est as
sez pour mon suiet que ic die que cet
te amour fut reciproque, & autant
aggree par les communs parens com
me par les parties. Dans ces accords
si pleins d'harmonie & de bonnes vo-
lontez il ne restoit que de sceller le
tout par vn mariage, & d'allier deux
maisons assez voisines toutes deux
nobles, ôc des principales du pais:
Mais Triphon qui eroyois que les
liens d'Hymen appeloient à la retrait-
!
V Inepte ajantéru' ^ 159
te , ayant quelques pretentions à li
Cour qui luy pouuoient estreauanta-
gcuses , estima auparauant que de íc
confiner dans fa maison, & manger
son pain sous son figuier & sous fa vi
gne, qu'il luy estoit necessaire d'arri-
uerà v ne charge où il aspiroit , & ou
la faueur, outre la porte dorce , estoit
entierement necessaire. Cette char
ge le deuoit efleuer vn peu , & lc
mettre hors du pair de la commune
Noblesse* & le rendre considerable^
& à ses voisins, & aupres du Roy. Par
le conseil de tous íes amis & le desir
mesme de Stactee ( car i'ambition re
gne puiíïàmment dans les esprits de
biles ) il entreprend vn voyage à la
Cour pour venir à bout de cette affai
re auant son mariage. Oû allez- vous
Triphon.vous ruinez vostre fortune
&~vostrc amour, par ou vous voulez
establir l'vne 8c l'autre ; O prudence
humaine que ta lumiere est foiblc
M
l6 o & Inepte wanterìe.
parmi lestenebres palpables qui nous
enuironnent: Les affaires du monde
font embarrassees de tant d'intrigues,
que c'est entrer dans vn labyrinthe
que d'entreprendre d'en desmester
quclqu'vne, on s'y esgare tant il y a
dctours & de destours, quand vous
pensez entrer vous sortez , quand
vous croyez en sortir vous entrez. De
dale inexplicable. Triphon trouua
tantdedifficultezàsurmonter,& tant
d'obstacles à son dessein , qu'encore
qu il fust excellent Courtisan il y per
dit toute sa finesse. Semblable à ces
bons nautonniers qui dans vne fu
rieuse tourmente perdent leur scien
ce, la violence de la tempeste estant
plus forte pour attaquer leur vais
seau, que leur art n'est subtil pour se
dessendredes vagues. Il en est des af
faires comme des nasses , l'entrce en
est facile, l'issuë mal aisee. Cependant
Triphon s'opiniastrc à la pourfuitte,
U Inepte WAnttrU. 2.61
& s'engage dans la despence , ressem
blant à ces ioúeurs qui perdent touc
sous l'cspoir de se racquiter. II croie
qu'il y va de son honneur s'il ne vient
à bout de ce qu'il a entrepris, & ce
pendant l'ombre d'honneur qu'il re
cherche le fuit, plus il la fuit, & lors
qu'il la pense tenir elle s'eschape. Il
coula plus d'vn an en ce fascheux
exercice, se repentant assez de fois
d'auoir quitté le port pour monter
fur vnc mersi pleine d'inconstance.
Representez-vous les impatiences de
Stactee qui se fasche que l'ambition
enl'eípritde Triphon ait Tascendant
fur l'amour. Elle est bien marric.de
l'auoir engagé par son eonseil en cette
poursiiitte, elle a beau le rappeler par
ses lettres , il ne reuient point, & pour
toutes responceselle n'a que des de-
lais &: des excuses. Encore s'il prenoit
vn terme asseuré, mais cela ne se peut
par celuy qui poursuit vne assairc
K iij
%6i VInepte <v'amer te.
dont l'euenement despend des vo-
lontezd'autruy. Durant ces languis
santes longueurs voici Kambition qui
vient à la trauerse attaquer Stactec, &
qui luy fait commettre ce qu'elle a
tant blasmé en Triphon , quelle a
plusieurs fois appele par iniure plus
ambitieux qu'amoureux. Phílostrat
grand Seigneur & de toute autre
marque que Triphon , ayant ittté les
yeux fur le visage de Stactce y trouua
des graces qui le captiuerent d'entrer
dans cette place que par la porte de
l'Eglisse , il n'y auoit point d'autre
moyen , l'abfencc de Triphon auoit
esté si longue que presque on auoit
publié sa recherche, le tçmpsmefme
de son rçtour estoit si incertain qu'on
eroyòiç qu'il eust pris racine à la
Cour, & qu'il ne s'en deust iamais
arracher. Çenouuclamantiette tant
d'esclat, & partsa qualité , & par ses ri
chesses , que ces rayons qui l'enuiron
VInepte evantme. iíj
ncnt cíblouïílent les yeux delambi-
tieuse Stactce, & pour auoir part à
eettegrandeur luy font mettre en ou-
bly fa premiere foy. Les parensmef-
mes contribuent à son humeur, & luy
donnent des libertez, & àPhilostrat
des licences qui furent cause de la rui
ne de cette imprudente. Ce ieunc Sei
gneur dont le pere estoit encor en vie,
Se Lieutenant de Roy en vne Prouin-
ee que ic ne veux pas nommer, & luy
mefme aspirant à lamesrae charge se
metàcaiollerStactee,&àla tenir de si
pres, qu'en fin la proyc tomba dans
ses filets sous vne promesse de maria
ge, mettant la consommation deuant
la publication , qu'il remettoit ou
apres la mort de son pere, ou lors qu'il
luy auroit fait trouuer bonne cette al
liance. Tandis que le temps se passe
de la sorte, & que Philostrat possede
íeerettement celle qui le reçoit en son
sein en qualité de Mary , cette prati
R iiij
VInepte <vanterie.
que ne pufl: estre si cachee que les
amis de Triphon ne s'en apperceuss-
sent,qui aussi- tost luy donnerent auis
que samaistresíe estoit muguerce par
vngaland. Cet aiguillon le picquant
viuement luy fit abandonner la Cour
pour escarter par ía presence Toragc
qui le menaçoit. Comme il est aupres
de Stactee, il recognoíst bien à ses
discours quelle a change d'humeur &
d'affection pour luy,& que la gran
deur de Philostrat l'auoit aueuglee,
il espie fi bien tous ses deportemens
( & ou ne penetre l'ocil de la ialousic)
qu'il descouure lamesche, & reco-
gnoist qu'il est trahi. 11 caiollesi bien
Stactee, faisant semblant de flatter sa
nouuelle election, & de vouloir l'ai-
der à la conqueste de. cetre bonne
fortune, que cette fille simple & niai
se se voulant excuser enuers luy dm-
fîdelité sous quelque image de force,
tant de la part de ses parens, que de
&Inepte rvanterie. 165
Philostrat , clic s'accusa assez d euant
Triphon qui deuiaa bien le reste . H
continue neantmoins , mais sainte
ment à l'honorer & à la seruir, Philo
stratle souffrant sans ialousie , parce
que cela couuroit mieux son ieu , &
faisoit paroistre qu'il n'auoit point de
part, ny de pretensions en Staòtee.
Cette Damoiselle mesme aide à cela
par le conseil de Philostrat, & luy fait
des accueils deuant le monde tels
quelle deuoit faire à vn homme
qu'on tenoit pour son accorde'. Tri-
phon-obtient d'elle des particuliers
entretiens, & mesme de parler à elle
durant la nuictà des fenestres escar-
tecs. lien vint siauant que Philostrat
mesme en entra en ombrage, & se
repentit d'auoir permis à Sractee d'v-
serde ces feintes , qu'il craignoit en
fin deuoir se terminer en de verita
bles faueurs. Triphon s'estant apper-
ceu qu'il en entroit en ialousie prie
%66 L'Inepte aranteriel
plaisir à luy augmenter cette humeurs
&mesme outre les contenances qu'il
tenoitenla presence de Stactec & de
Philostrat , son inconsideration le
portaà des ineptes vanteries, se glo
rifiant d'auoit auecque Stactee des
priuautez qu'il ne possedoit nulle
ment- Cela mit Philostrat en vne tel
le colère qu'il fit appeler Triphon
pour se battre en duel , ils se battent
auecque chacun vn second . Dés la
seconde passee, Triphon qui estoic
fort adroict au maniement des ar
mes, & vn des gentils Cheualicrs de
la Cour perce Philostrat au bras de
rcípcejle met hors de combat, & l'o-
blige à luy rendre les armes, & à luy
demander la vie,comme il vient selon
lacoustume ayderson second , voila
que des gens de la suitte de Philostrat
quile cherehoientpar tout arriuent,
voyant leur maistre en cet equipage
ils se|voulurentruër fur Triphon , &
VInepte *vanterte. %6j
1c sacrifier à leur colere, quoy que
Philostrat leur criast,& leur defíçn-
dit de luy nuire comme à vn braue
Cheualier & de qui il renoit la vie.
Ces brutaux se mettent en deuoirde
l'ostencer ,& voila austi-tost les deux
seconds qui s'accordent , & qui se ioi-
gnans à Triphon le deffendent con
tre cinq ou six assaillans . Philostrat
s'estantietté à corps perdu dans cette
meílecempcscha parsonauthorité &
pat sa presence qu'ils n'acheuassent
Triphon qu'ils auoient des ja blecé.
lis se separerent de la sorte, Philostrat
blasmant la supercherie des siens &
iurant d'en faire vn chastiment exem
plaire. Ce qu'il fitj les escartant de tel
le sorte d'aupres de soy que nul n'en
psa approcher. Cependant Stactec
n'est pas satisfaictc entierement des
mesdifantes vanteries de Triphon,
qui battent tout a fait à la ruine de fa
fortune. Elleerut ne pouuoir guerir
x6Z IJ Inepte *vanterïcl
l'csprit de Philostrat descs soupçons
qu'en extermihant celuy quienestoit
la cause. Elle se sert de ceux là mesme
qui I'auoient des- ja pensé tuer, & que
Philostrat auoit chassez de son serui-
- ce, adioustant quelques presens &
quelques persuasions à leur colere ils
entreprennent d'assassiner Triphon,
ce qu'ils sont long tempsa executer,
parce que ce Gentil homme n'alloit
que bien accompagné . Cependant
.Stactce presse Philostrat de l'espouíer
solemnellement , il ne s'excuse plus
fur la crainte de son pere, mais fur la
priuauté qu'elle a eue auecque Tri
phon, qui s'estant reconcilié auecque
Philostrat donnoit d'elle les plus sini
stres impressions qu'il pouuoit à ec
ieune Seigneur . II continue en fes
gausseries contre Stactce,voulant pat
vengeance ruiner d'honneur celle qui
luyauoitestéinfidelle. Mais cette re-
melleirritec luyauoic dressé vnpiege
L' Inepte rvantcrie. 169
où il fut attrapé, car en fin ceux quel-
leauoit portezàfaire le coup guet
terent tant qu'ayans trouué Try-
phon à leur auantage ils lassasfine-
rent miserablement. Apres ce coup
touts'escarterent,ily en eut vn mal
heureux qui fut pris, &qui descou-
urit tout le mistere , accusant Sta-
ctee comme celle qui auoit este la
principale cause de ce meurtre. Phi-
lostrat prit cette occasion aux che-
ueux pouríe defïaire de cette mau-
uaise beste,6cau lieu d'accomplir fa
promessedemariage,il sollicita cotre
elleauecque les parensde Triphon,
& fit tant qu'il la fit condamner à
perdre la teste. L'inconstancejl'am-
bitidn, la sotte vanterie,la ialouíie,
la vengeance, la tromperie, Ingra
titude, l'aueuglement, lacolere, &
tant de passions viennent en foule
fur le theatre de cette sanglante re
presentation , que pour les conside
170 &Inepte ruanttrie.
rer parle menu il faudroit que ie
passasse la brieueté que ie me luis
prescripte en la narration de ces tra-
gicques euenemens.
L Esprit fartage.
HISTOIRE II.
Le Rauijseur ingrat.
HISTOIRE II r, •
N Marchand Prouençal
que nous nommerons
Eupelome ( ic n'ay pas
appris distinctement en
quelle ville il faissoit fa demeure) auoit
en sa tutelle vndeses neueux appele
Arcesilassils del'vne de ses sœurs, qui
estoit morte fans autre heritier. 1 l l'cs-
leuoit auecque ses enfans d'vn soin
tout paternel. W se seruoit de luy en
son trafic, & screposoit entierement
sur sa fidelité , tant pour les affaires
domestiques, que pour le commerce
estranger . Il tranquoit d'ordinaire
c81 Le T^attijfiur ingrat,
en Espagne où ii auoit intelligence
pour le regard du negoce auccque
des Marchands de Catalogne & de
Valence, & principalement aucc vn
Marchand de Barcelone fort hono
rable à qui nous donnerons le nom
de Philende. Tandis qu'Acefilas s'a-
uançoit ainsi aupres de Ion oncle qui
luy donnoit part & profit en ses nc-
gotiations.il defira le pouruoir & se
descharger de sa tutelle , luy estant
auis que deformais il estoit capable d«
se eonduire & de gouuerner son pro
pre bien. 1l luy trouuavn parti assez
conuenable selon son iugement , &
qu'AcefiIasmcsme eut à gré. Cc fut
Marine honneste fille d'vn autre
Marchand à qui le pere faisoit des
auantages raisonnables, & propor
tionnez aux facultez d'Acesilas. Ceux
qui fçauent combien l'Espagnc est
íuiette aux deíbauches qui corrom
pent le plus l'cfprit &4c corps de la
Le Rautfjeur ingrat. iSj
icunesse,ne trouueront pas estrange
siiedi que nostre Prouençal à force
de frequenter parmi cecte nation y
laissa alterer ses mœurs , s'addonnant
aux vices qui regnent le plus en ces.
contrees. 11 faudroit n'auoir iamais
estéa Valence pour ignorer que c'est
" le Naples de TEspagnc , ôc le seiour
des delices & de la licence. A ecfííasne
se contentant pas de ces Sirenes c^ui
font fur ce beau riuage, & qui en
chantent les plus habiles , aiguisant
son esprit par la resistance & la diffi
culté, deuint passionné pour Cratec
fille d'vn Marchand auec qui trafic -
quoit son oncle, &c que nous nom-
meronsluigo. lltrouua de la corres
pondance en cette fille, qui rencon
trant dans l'air François de nostre
Aceíllas ie ne sçay quoy de plus
agreable que fur les visages bazanez
de ces demi-mores qui habiter, çes co-
trxcs, m deuint si fort touchee qu'il
184 Le RÁuiJseur ingrAt.
1 uy Fut aiíe de conduire sa trahison au
point que vous entendrez. Une man-
quoit point tous les ans de faire vn
voyage en Catalogne & en Valence,
ou comme facteur & nepueu d'Eu-
pelome, il estoit receu & logé dans les
maisons de Philende & d'inigo tant
que duroient ses affaires , &là traitte
auecque toutes les courtoisies dont
on a de coustufne d'assaisonner vnc
amiable hospitalité . Ayant donc cet
accez chez Inigo , & cette entree dans
les affections de Crateesa fille, il cust
bien volontiers tente de la demander
pour femme, mais deux choses s'op-
po soient à cette temerite, l'vne qu'il
n'estoitpas assez riche pour aspirera
ce parti, l'autre quelle estoit recher
chee par Idelphonse icune Valentin
defortbóne maison qui en estoit ex
tremement picqué, & à qui le perc U
destinoit pour femme. Encore que
Cratee n' eust pas beaucoup d'inclinap
Le Ramjseur ingrat. 185
tion pour ldelphoníe , son cspric
estant fout occupé des perfections
quelle s'imaginoit en Acesilas , si est-
ce quelle cftoit comme contrainte de
suiure la loy de l'obeïssance qui luy
estoit commenecessaire. Sur le deses
poir de la conquerir Acesilas s'en re
tourna en France, laiísant autant de
douleurs de son efloignement à Cra-
tec, qu'il en emportoít de la quitter.
Voyez ie vous prie si vne si rare con
stance que celle de cette fille meritoic
destre recompensee d'vne ingratitu
de & d' vne infidelite' pareilles à celles
que ie vous feray tantost voir en cet
indigne François. Tant s'en faut que
l'absence efsaçast de la memoire de
Cratee l'idec d' Acesilas , qu'au re
bours elle la representoit à tous mo-
mens à son souuenir en Vne siauanta-
gcuse forme qu'elle ne fut plus susce
ptible d'aucune autre impression.
Elleauoit iuré à Acesilas lors qu'il prit
i86 Le 2{auijseíir ingrat.
congé d'elle de luy estresi ridelle que
tant qu'il viuroit il ne seroic pas au
pouuoir de ses parens de luy faire
prendre vn autre homme pour mary,
& Acesilasdesoncosté luy auoit pro
mis vne fidelite' inuiolable ,nous ver
rons bien-tost qui íeralepariure , &
de quelle part la fermeté demeura.
Accfilas,soit par desespoir de pouuoir
conquerir Cratee, soit par legereté,
soit pour trouuer plus de charmes fur
le viiàge de Marine, que fur celuy de
Cratee , oubliant ses fermens Espa
gnols se laissa aller aux conseils de son
onde qui luy perfuadoit de prendre
Marine. Durant cette recherenc il rc-
ceuoit tous les iours des nouuellesde
Cratee, par où il apprenoit les ri
gueurs quelle faissoit sentir a ldel:
phonse, pour le rebutter, & luy faire
par le deípit perdre son amour . Sa
constance à resister à ses parens por
tez à eette alliance, ce qui partageoit
Le Rnuijfeur ingrat. itj
írtcrUeilleusement l'cspric de nostre
irresolu, qui estoic comme vn fer en
tre deux aimans , Cracec qui auoit
moins de beaute' que Marine auoit
auífi plus de richeítes & de paillon
pourluy, & Marine qui auoit moins
de moyens lerauilToitpar ses graces.
La facilite de conquerir celle- cy l'at-
tiroit, mais il estoit encore plus pic -
que par la difficulté de lá conquesle
del'autre. Voyezàquoy se determina
cet esprit double, & comme sa dupli
cité fut cause de son malheur. 11 prend
Marine pour accordee . Apres auoir
tire en langueur cette conclusion, Sc r
h temps arriuant de son ordinaire
voyage en Espagne il remet les fian
çailles & les n opees à son retour, s'i-
maginant que s'il pouuoit acquerir
Crateeilauroit vne meilleure fortu
ne , & que son pis aller seroit Marine.
L'Archer qui vise à deux buts en mes-
rne temps n'en peut attaindre aucun,
i88 Le Rauijfeur ingrat.
vous l'allez voir par experience.
Estant arriué à Valence iugez de la
ioyc de Cratee rcuoyant celuy quel
le auoic tant desiré, iugez du conten
tement d'Aecfilas voyant tant de
disposition en Cratec de faire pour
luy complaire tout ce qu'il trouueroit
à propos. Cela luy haussa le courage
& fit qu'il se resolut de demander
cette fille pour espouse à son perc,
Cratec luy promettant de declarer à
Inigo quelle n'auroit iamais d'autre
mari que luy. Cette resolution prise
fut executee,& Inigo iugeant par cet
te demande d'Acesilas que leur seeret-
te affection auoit esté la remore qui
auoit iusqu'alors empesché l'obcïssan-
ce qu'il esperoit trouuer en sa fille
comme personnage plein de pruden
ce, iugea que de s'opposer de droict
fil à ce torrent ce seroit pour le rendre
plus enflé & plus furieux , mais qu'il
falloit luy oster fa force en biaisant.
C*
Le 7(auìjseur ingrat. aîp
qu'il fit aucc assez de dexterité, entre
tenant Accsilas de complimens & de
belles parolles, & protestant qu'il
estoit extremement marry d'estre en-
gagédeparolle aucc Idelphonse, &c
que s'il luy en eust parle le premier il
luy eust donné toute sorte de conten
tement , mais que s'il pouuoit la reti
rer, ou faire en sorte qu'Idelphonse
quittast le desir d'eípousser fa fille il
deuoit esperer de luy toute satisfa
ction. Ces termes que la fageife hu
maine tira de la bouche d'inigo fu
rent de l'huilefur lefeudesesamansi
quiflattans leurs esperances d'vn fa-
eilc pardon , s'ils passoient outre, ou
par vnefuitte, où par vn secret Hy-
mence prirent le parti de leur pastìon
qui leur dicta l'vn & l'autre. Cratee
s'estant donc chargee de ce qu'elle
auoit de plus precieux, s'estant remise
durant les tenebres de la nuict à U
eonduitted'Acehlasgaigna vne bar-
Amph. Sanglant. T
i 9o Le-Rauíjfeur ingrat.
que qu'il auoit loiìec expres, & cin
glent au ssicost du costé de Barccllo-
ne, ses amans s'estans donné la foy
consommerent leur mariage Air l'E-
lementmesmequia donne naissanee
a Venus selon l'imagination des Poe
tes: mais les vents qui auoient secon
dé leurs desirs au commencement se
reuolterent, & chano-eans de costé les
repousserent malgré qu'en eussent les
nochers à la coste de Valence où ils
gaignerent la terre auec resolution
de ne se commettre plus à l'incon-
stance d'vn clement qui leur auoic
donné tant de frayeur.lnigo sçaehanc
la fuitte de sa fille met en campagne
tous les Archers qu'il pust ramasser,
& fit monter fur mer quelques mate
lots pour aller apres les fuyards, qui
en fin descouuerts en la terre furent
saisissur le territoire du Royaume de
Valenee tirant vers Barcelonnc , &
eomme on les vouloit r amener au
LeRauifseur ingrat. i 91
lieu d'où ils est; oient partis, les prcssenS
qui ielonleproucrbe Espagnol rom
pent les rochers, eurent tant de pou-
uoir fur les cœurs des Archers que
Cratec obtint la liberte de celuy quel
le tenoit pour son espoux , se promet
tant de faire aisement sa paix quand-
clleseroit deuant son pere. L'ingrac
Aeesilas que cette fille auoit obligq
tout autant qu'vne fille peut obliger
vn homme, ne fut pas plustost hors
du peril ousonraptl'expossoit, &de
retour en Prouence qu'oubliant sa
parolle & les faueurs qu'il auoit re-
eeues de Cratee il se resout de fiancer
Marine , & de l'cípouíer auíïì tost^
mais cela ne pust estre conduitauee-
cjuc tant de promptitude quínigo ne
onnastauparauant des nouuelles à
Eupoleme du rapt que son nepueu
auoit fait de fa fille , luy en raconrant
l'hiïloire tout au long en la façon que
nous l'auons recitee. Eupolemc qui
, Ti,
i91 Rauifjiear ingrát.
estoit homme d honneur & de foy
trouua cette action si mauuaise qu'il
iura qu'Acesilas en feroit la repara
tion, à raison dequoy il s'opposa ou-
uertement au mariage de Marine &
deluy. Les parens de Marine auertis
de cette double lascheté qu'il vouloit
commettre en espousant leur fille
apres auoir abusé Cratee,conceurent
vne telle haine contre luy qu'ils rom
pirent le traitte là dessus. Viennent
d'autres lettresdela part d'Inigo ap
portees par son facteur quipromet-
toientà Acesilas tout bon traittemét,
& vne tres grande somme , pourucu
qu'en espousant Cratee il erfaçast la
tache qu'il auoit imprimee sur l'hon-
neur de sa maison . Eupoleme iu-
geanteet císcct plus que raisonna
bles, & Aecsilas se voyant rebuté du
costc de Marine crût que sa faute fe
roit son bonheur, & qu'il ne pouuoit
mieux choisir que d'embrasser Ic par
Le Rauijseur ingrat. 1 93
ti qu'Inigo luy proposoit, mais il nc
voyoit pas l'ameçon caché sous l'ap-
past, ny le picge qu'on luy dressoit , il
arriuc à Valence auecque le facteur
d'Inigo, qui le reçoit à bras ouuerrs
comme gendre. Considerez ic vous
prie comme l'excés de l'amour cache
tous les deífauts du fuiet aymê,encorc
que Cratee eust toutes les occasions
de haïr Acesiíaspourla trahison qu'il
luy brassoit en voulant csspousser Ma
rine apres l'auoir enleuee & deshono
ree, si est-ce quelle estoit autanrpaf-
sionce deluy que iamais, & tant s'en
faut quelle le regardait eomme des
loyal, qu'elle le considerois commeí
vn tresor retrouué.D'autrc costé Idel-
phonsc pourtant de legeretez & de
honteuses inconsiderations deCrarcc
n'auoit point esteint le brasier qui le
costfumoitpourclle,&touteinfidelle
quelle estoit il en estoit efperdumenç-
amoureux. Iufqucs à offrir à Inigo
T iij
i94 Le T^autffeur ingrat.
d'espouser fa fille comme vefued'A-
çcsilas , si apres qu'il l'auroic espousee
illuy faisoit trancher la teste commeà
vn rauisseur, sur cette parole lnigo rc-
solut de satisfaire à fa vengeance en
lauant son honneur dans le sang d' A-
cesilas,• & apres de donner fa fille à
Idelphonfe . Mais les mauuais des
seins n'ont iamais d'heureuíe issue.
Inigo donne vne dotte immense à sa
fille furquoy Aecfilas lespouse, mais
il fut bien estonné quand le soir au
lieu de venir entre les bras de fa fem
me on le.-fit descendre dans vn cachot
pù il feiourna iusques à ce que son
proces fut iugé , & n'en fut tiré que
pour estre conduit au supplice, citant
condamné à auoir la teste tranchee
par derriere , maniere de punition,
pratiquee en Espagne contre lestrai-
stres. Vouscognoistrez les regrets &
les douleurs de la trop fidelle Ctatee
par cc qu'elle fit depuis. Ellç íçcuc quç.
Le RAUfJscurtngrat. 19 j
íbn Acesilas auoit estié osté du nom
bre des viuans à la sollicitation d'idel-
phonse qui desiroit cette expiation
auant que de l'eípouser, & d'effeéfc
on luy proposa ce mariage peu de
ioursapres cette expedition. Au lieu
de le reietter scion le veritable |senti-
ment de son cœur elle y preste Toreil-
le, se frayant par là lechemin àla ven
geance qu'elle proiettoit, en peu de
iours il fut conclu. Qui croira la fu
reur de cette femelle irritee contre
celuy qui l'aimeauecque tant de pas
sion apres s'estre laissee aller entre les
bras d'vn autre. Elle mefia le propre
iour de ses nopees de la poison dans
le pain & le vin qu'on fait prendre
aux eípousez selon l'ancienne cere
monie de l'Eglisc. Poison si violent
que l'ayant elle mesmepris aussi bien
qu'Idelphonsc ils furent morts auant
que l'heure de se coucher fust arriuec,
de sorte qu'il fallut changer leurlict
T iiij
196 Le Rautjseur ingrat.
en vn cercueil. Qui nous estonnera
ici d'auantage ou l'inconstance & Tin-
fidelite' d'Acesilas, oû la constante fi
delite deCratee, oul'extreme amour
de Cracce ôc dldelphonse pour des
infidelles. A quels excés ne se porte
Vesprit humain agiti de ces furieux
demons, ["amour & le desespoir . De
moyiene puis rien conclurrcde tout
cecy, si ce n'est que ces passions aueu-
glestrainent tousiours ceux qui les
íuiuent en des precipices horribles, &
les portent à des fins tragicques &
miserables. Quiconque se peut exem
pter de leur tyrannie meine vne vie
douce, & coule ses iours heureuse
ment , dressant ses pas aux sentiers de
la paix.
•
o Lt Princesse idousc. 197
La Princesse ialoufi,
HISTOIRE IV, \
La funeste supercherie.
4
HISTOIRE V.
A prudence de la chaisj
dict le grand Apostre,
c'est vne mort , vousl'al-
Iez voir en cette histoire
pu vn perc tout au tebours de íòn
intention void rcùílir en mal vn
conseil qu'il auoit pris pour íc bien de
celuy qu'il auoit mis au monde. Poli-
crates Seigneur de marque en j\qui
Lafuncfíe supercherie. 311
taine voyant Almain son fils embar
qué dans l'alFcction d'Aristec , Da
moiselle de peu de moyens & d'vne
assez basse noblesse en estoit en la faf-
cherie commune aux peres qui ont
des enfans volontaires , & qui defe
rent peuauiugement de ceux qui les
ont engendrez. Angoisse à la verité
qui ne peut eítre bien connue que
de ceux qui ne demandans autre re-
cognoissance des trauaux qu'ils ont
pris pour auancer des tnfans , que
leur obeissance, s'en voyent frustrez
par leur rebellion, caufee par quelque
violente paillon qui leur fait oublier
leur deuoir. Cette Aristec qui fut le
centre des desirs d'Almain,& des de
plaisirs de Policrates, auant qu'estre
adoree par ce ieune Seigneur auoit
esté seruie assez long temps par vn
Gentil-homme de son voisinage &
de fa condition appelé Cyrus , elle
auoit correspondu si auant à ses asse
V iiij
jij, Lafunefiesupercherie.
ctions qu'on tenoit tout a (feu ré que
le mariage suiuroit cette recherche à
cause de leur égalité. Mais au'sti rofl:
qu'Almain parut fur les rangs à íà feu
le veuë Cyrus fut desarçonné, & le
coungç d'Aristee deuint si grand que
son premier feruiteur disparue en son
fouuenir, & de telle sorte qu'il sem-
bloit qu'il n'eust iamais eu de part en
ses bonnes graces. C'est ainsi que les
passions fe destruisen.t l'vne l'autre , la
plus forte aneantiísant tousiours la
plus foible; car si l'amour est plus for
te que l'ambition elle raualtra les plus
grands à des obiects indignes de leur
qualité, & si l'ambition domine elle
effacera ausl] tost de l'esprit lasse-
ction qu'on, aura eue pour vn obiect
mediocre, affin de la transporter vers
vn plusefleué. Cette ingratitude fut
«xtrememçnt sensible à Cyrus , mais
qu'eust-il fait sinon accuser vne fille
4'estre fille, c'est à dire, la pure fui?
La, sHfiefìesupercherie. 31 j
stance de la legereté . Tandis qu'il
souspire sur l'inconstanec d'Aristee
& que les vents emportent ses sous-
pirs Almain gaigne païs dans lamine
de cette volage, qui glorieuse de íc
voir aimee par vn homme qui luy fai-
soic csperer vne bonne fortune par
son alliance, auoit à desdain les vul
gaires obiects & les hommes de con-
dition mediocre. Et certes Almain( sç
rendoit fi fort opiniastre à cette
amour qu'il est à eroire qu'il se fust
terminé dans l'Hymen, fi Policratçs
apres auoir en vain employé les def-
fences & \cs menaces pour rompre
ce coup ne se fustauiséd'vn stratage
me qui n'aura pas la fin qu'il se pro
pose. Il va à la Gour & y meine son
filsauecque soy pourtascherdele di-
uertirpar d'autçes obiects dont Iç
grand theatre de la France n'est pas
moins esclattant quç le ciel par le
brillement de ses estoiles . Mais il a
314 La funeste supercherie.
beau faire voir à Al main diuerscs
compagnies, il porte par tout le trait
qu'il a dans le flanc, &c il ne trouuc
point de dictame qui l'en face sortir,
bon cœur frotté d'vn aiman qui est
en Aquitaine se retourne tousiours
deeccosté là comme vers fou Nort.
Et comme si Paris & la Cour luy eus-
senteste des sciours ennuyeux il deli'
berc d'y laisser son pere dans les affai
res qui l'y auoient amené, & de s'en
retourneraupres de celle qui estoit en
inesme temps son repos Se ses douces
inquietudes . Le rusé vieillard pout
rompre cette intelligence s'auisad'v-
ne telle supercheries! trouua vn hom
me qui sçauoit parfaictement bien
contrefaire diuerses escriturcs , il luy
fait voir de celle d'Almain,en moins
de rien il l'imita si naïfuement qu'Ai-
main mefmes y cust esté surpris, il luy
f fie escrire vne lettre à Ariftee,OÙilluy
mandoit qu'ayanc este comme con
Là fu nefie supercherie. 3 15
trainct par raison d'EOat , & son perc
l'y ayant oblige par les prieres d vn
Prince qui auoic vn pouuoir absolu
sur ses volontez, de donner sa foy à
vne Damoiselle de grande maison, il
estoit extremement marry de ne luy
pouuoir tenir la parolle qu'il luy
auoit donnee accompagnee de tant
de sermens , & qu'il la coníuroít de
prendre cette priuation en patience,
auec protestation qu'il auoit grande
partau deplaisir, & que toute fa vieil
Phonoreroit & la cneriroit comme
vne perle de vertu, & comme vne
personne accomplie. Ce congé artifi
cieux baille à Aristee luy fut prcíentc »
par Cyrus ( Polierates Payant ainsi
concerté auecque ce Gentil- homme.)
En mesnac temps on met ordre que
nulle lettre d'Almain ne soit rendue
\ Aristee, 6ç que nulle de cette fille ne
vienne entre les mains óVAlmain. Cy
rus cjui estoit passionné pour cette
316 La funestesupercherie.
fille mesnagea si biencecte occasion
aupres des parensd' Anstee,leur ayant
communiqué l'alliance controuucc
d'Almin , & le refus qu'il faisoic de
leur fille, que donnans foy à ce rap
port ils la luy accorderent en mariage.
Mais il n'est pas où il pense, car cettç
courageuse fille se voyant descheué'
de ses hautes pretentions en la terre
les cílcua vers ie ciel, & iura de n'estre
ia mais à aucun homme puis qu'Al-
main de qui elle estimoit la foy in-
uiolable luy auoit manqué. Non loin
de la maison de son pere estoit vn
ancien Monastere de Benedictines
où elle auoit vne tante, &c où elle
auoit este eílcuee estant petite, çe fut
là qu'elle proietta fa retraitte, & com
me elle íè vid pressee par ses parens
d'entendre à l'alliance de Cy ras elle
leur fit sçauo.ir fa volonté qui estoiï
d'cílrc Religieuse, volonté qu'elle ef
fectua se ietta.stt dans çc Cloistre &
Lasuneftejupercherie. 317
en prenant levoile, ayant este quel
que temps fans reecuoirdes nouucl-
les d'Almain de qui elle s'estimoit ou -
bliee. Cette, retraitte d'Ariltee vint
auíïi tost àîacôgnoissance d'Almain
qui s'estonnant d'vn changement fi
soudain ne put estre retenu parle res
pect, ny par la deffence de son pere,
qu'il ne prit la poste pour aller voir
sur les lieux íl ce qu'on luy en auoit
escrit estoit veritable, il ne le trouua
que trop vray. 11 abboucha Áristec
de qui il apprit comme tout s'estoit
passé, elle luymcnstra sa lettre qu'il
recognut estre de fa main auant que
l'auoir l'ecië, mais il la desauoiia auííi-
tost qu'il en eust veu le sens. Il iura
qu'il auoit esté trahi, & qu'il y auoic
de la supercherie. A ristee luy dit quel
le l'auoit eue pat l'entremisc de Cy-
rus, surquoy Almain se douta qu'e
stant amoureux d'Aristec il s'estoic
serui de ect artifice pour le supplan
>l8 Lafutiefle/ùptreberie.
ter en son absence. Et là dessus en
trant en vnc extreme colere il crut
qu'vne telle ossencenc sepouuoit h-
uer qucparle sang,ilfit appeler Cy-
rus, qui estant brade & determiné re-
ceutledeffi, & s'estanttrouuéau lieu
du combat mena si rudement Al-
« main qu'apres l'auoir percé en diuers
lieux il luy osta les armes , & luy sit des
plaves dont il mourut trois iours
apres, ayant appris auantque mourir
que son propre pere cstoit l'authcur
de cette supercherie, & auoitsait es-;
erircla Fausse lettre quiestoit cause de
sa mort, Cyrus ayant fur les bras vne
si forte partie que Polierates nc vui-
da pas seulement lepaïs,mais se ban
nie volontairement de la France, &se
relégua en Flandres, theatre des guer-
riers,pour y trouuer dans les armes vn
honorable tombeau. Et Policrates
s'auisa, mais trop tard, de la faute qu'il
auoit faitte en faisane contrefaire la
La suneftesupercherie. 519
lettre de son fils, & apprit à ses deí-
pcnjsJa verite de cet ancien prouerbe,
que le mauuais conseil est; pire à son
aufcheur qua aucun autre.
La genereuse 'vengeance.
HISTOIRE VI.
X iíij
par le sang qui sortoit en leur presen
ce des playes des meurtris. Les eseri-
uains en rendent diuerses raisons que
iepourrois rapporter icy , mais pour
ne ranger parmi les euenemens parti
culiers des discours de Philosophie
Naturelle ou Morale, ic me conten-
teray de representer en ce lieu vn ma
nifeste iugement du çiel sur vn sem
blable tesmoignage , d'où nous ap-
prendrós que la peine n'est pas moins
L( tesmoìgnage du sang. 3 1.9
inseparable de la coulpe que sombre
du corps , & que le criminel ne peulc
iamaisestre àl'abry delalustice diui-
ne , ny mesme^del'humaine, ny par
l'cíloignement des lieux, ny par la du -
rée des temps. EnlSmedes Vniuerfi-
tez de Flandres ( ie ne veux point dire
laquelle ) vn ieune homme de la Du
ché de Gueldres fut enuoyé pour
estudier aux loix , & comme il n'y a
point daage qui y soit moins subiec
que celuy que l'on coule en leur ap
prentissage les esprits eílans defrei-
glez & iniustes lors qu'ils se meublent
deceste science qui apprend à distri
buer la ïustice, il auint que ce Gucl-
drois que nous nommerons Apion,
violant les loix de l'hoípitalité entre
prit par mugueteries & caiollerics à
reduire Aimée fille de son hosteííeà
lesdeshonnestes volontez. Ceste fil
le aussi (impie que l'autre estoit mali
cieux se voyant caressée par vn enfant
35 o Lcttfmoìgnagcdtt sang.
d'assez bonne maison & qui parmi les
flatteries dont il amplissoit ícs oreilles
mefloit des discours & des souhaits
de mariage ; laissa tellement aller sa
ereance aces fausses promesses, pipée
elle mesme de sa propre inclination
& desaffection quelle conecut pour
ce trompeur qu'ayant laissé empri
sonner ion cœur par l'ouye, &beu le
venim cache sous les parolles emmiel
lées de ce discoureur, elle deuint en
peu de téps la proye de íes sales desirs
par la mauuaiíe accointance qu'elle
eut auecque luy . Encore que ceste
pratique fust assez secrette comme se
passant sous vn mesme toict & estant:
aisé à ces miserables Amans d'eíblouir
les yeux d'vne bonne femme de Merc
plus attentiue à son mesnage qu'aux
deportemens de fa fille, fi est-ce que
Caride la semante s'en appereeut, &
au commencement en fit des grandes
reprimendesà Ayméc: Mais quene
t
Le ttstAoiùnagt du /atig. jji
peut la poudre d'or en des esprits ser-
uiles, elle' altera tellement l'esprit de
Caride que de furueillante elle deuinc
complice , òe au lieu de descouurirà la
Mere sa maistresse le defuoyement
de sa fille elle seruoit de voile à ces lar
cins & elleconcribuoit à ceste trom
perie autant quelle pouuoit- Ce train
ne dura pas long temps fans se faire
cognoistre par ses marques, les che
mins íe frayent à force de marcher, &
quoy que le Sage die des traces de
l'homme imperceptibles en vne ado
lescente, celles d'Apion ne se rendi
rent en fin que trop sensibles à A ìméc.
Vous entendez bien ce que ie veux
dire auecque cet honnelte defguise-
ment. Or voyezeombien sont folles
ces inconsiderces qui commettent
leur honneur far vne mer si perfide
que celle des sermens d'vn ieune ho
me quicroit que lesprotestatiós d'vn
Amant font autant d'accens inutiles
532- Le tefmo'ignage du sang.'
dont la memoire peritauecquele son.
Cette tumeur d' A iméc np fut pas plu-
stost venue à la connoissance d'Apion
que fans se louuenir de sa foy tant de
fois ìurée , & de ceste amitié qu'il
auoit depeinte immortelle craignant
le vacarme & la iusticc des lieux, il
deílogc secrettement & s'enfuit en
son pa*ïs(ànsprçndrc eongé ni de son
hostesse ni de sa fille qu'il auoit mal
heureusement deshonoree , Rcprc-
jfentez-vous les regrets , les douleurs
& les desespoirs de cette fille aban
donnee, qui pour euiter l'infamie se
fust volontiers cachee à ses propres
yeux, & qui eust choisi la poiíbn on
les precipices, si elle n'euâ esté rete
nue" par Caride , qui la destournoic
de ces sanglans desseins , la nour
rissant d'esperance x & luy faisant
croire que la peur plustost que l'in-
fideiité auoit fait eí carter A pion , &
qu<? sans doute ii luy tiendroit parole
L*e testnoigpage dufang. 353
& laJt-ireroit de la misere où il l'auoit
plongee. Tandis qu'es e l'amuse de
cette façon, la mere estonnee de la
fuitteidu Gueldrois, & voyant la tri
stesse de sa fille entra en des soupçons
qu'à la fin elle ne trouua que trop
veritables, & torame elle vouloir
tempester autour de cette fille , Cari-
de Tappaisa , luy faisant entendre
qu'A pi on auoit promis à Aimée de
lespouses, & quelle n'eust pas esté
sage íl elle eust refuse vne si bonne
fortune. De cette façon la tourmen
te fut accoisee , & la mere mise en son
ealme. Cependant on cache la gros
sesse d'Aimee tant que l'on peut, &
Caride se charge de porter le fruict à
Apion,& de le conuier par ce gage
à s'acquiter de fa promesse, & à dis
poser ses parens de consentir à son
mariage auccAimee. La bonne mere
se laisse aisement persuader ce qu'elle
desire, Aimee accouche d'vne fille as
334 Letesmoignagedusanjt.
sezsecrettement. Candese charge de
la porter en Gueldrcsà Apion , mais
encre elle & Airocc il y auoit' bien
vne autre intelligence , c'eltpit de
suffoequer ce íruict & de l'enterrer
au pied d' vn arbre, sur )cs nouuelles
quelles eurent que le Gueldrois estoxt
allé en Allemagne, & quec'estoit vne
folie d'esperer qu'il espousast. cette
sille qu'il auoit deíbauehce Ce mal
heureux dessein fut executé, vne ab
senee de quelques iours fit croire à la
mère que Caride auoit porté cet en
fant à son pere de qui elle rapporta de
nouuellei promesles qu'elle auoit in-
uentees, la chose se passa ainsi sans
beaucoup de bruict, n'y ayant que la
mere d'Aimee, la Sage femme ôc Ca-
ride qui sceussent cet enfantement.
La mere ne voyant point venir lc
Gueldrojs nc se put tenir de se plain-
dreà quelques-vns desesparent.es, di
sant tout haut qu'il auoit deíbauche
Lettsm&ignagedusang. 3*5
sa fille sous promesse de mariage, &
donnant à iuger par ses discours le
reste de ce qui s'estoit íuiui. 1l arriua
en fin au bout de deux ans que le
louage de la maison ou cette femme
tenojt des Pensionnaires estant fini le
maistrey logea vn autre mesnage. Et
:ommc oncultiuoitle iardin au pied
i'vn petit arbre le corps de cet enfant
i'Apion & d'Aimee fut descouuert
aussi frais & entier que s'il n'y eust esté
mis que depuis trois iours, grande ru -
meur en la maison, Aimee & sa mere
sont appeleesà ce spectacle, & voila
:hosc estrange qu'en la presence d'Ai
mee (quiteímoignoit à la palleur de
son visage, ôe à ses tremblemens l'e-
motion de son cœur ) ce petit corps
rendit par la bouche & le nez, & meí-
mc par les yeux beaucoup de sang
bouillant & vermeil . La Iustice ap
pelee, & voyant ce signe scíâisit de
la mere Ôe de la fille, celle-là fraya
$$6 Lttesmotgnagedusang.
le chemin à la confession de cclle-cyí
car cllc dit franchement quil y auoit
assez }ong temps qu'vn Escolier Gel-
drois nomme Apion auoit deíbauché
fa fille, & qu'elle auoit esté grosse de
son fait: mais quel'enfant auoit este
enuoyé au pere par Caride , & cette
bonne femme diíoiteela comme vne
verité quelle croyoit , & pour def-
charger fa fille. Mais Aimee pensant
reietter fa faute fur Caride donna ou
uerturc à ía propre condamnation.
Elle accusa la seruante de ce meurtre,
il y auoit vn an quelle aiioir quitte
son seruioc pour aller seruir en vne
autre ville qui estóit à sept lieues de là,
on i'enuoye saisir, & auíïì-tost Cari
de renuoya la faute sur Aimce quelle
accusa d'auoir estrang'é son enfant,
cllenc l'ayant qu'enterre. Ainsi la ve
rite cachee deuxanssous la terre rcuit
le Soleil, & sortit du puis de Dcmo-
criteà la confusion de ces deux mise
rable*
Le tefmoìgnage du sang. 537
fables ereatures, Aimec , & Caride,
qui furent toutes deux condamnees
à la mort & executees publiquement,
Dieu reiettant leur honte sur leur vi
sages mettant à la lumiere du iour
ce qui cestoit pratique parmy les te
nebres.
_
LïIntemperance Précipites.
L en est de la colerë
& de l'amour com
me des chiennes, cel
les- cy preduisét leurs
petits aueugles , &
ces passions ne font
leurs actes qu'àuec aueuglement. Que
si selon cet Ancien, tout vice est pre
cipité, ceux-cy le font sur tous les au
tres. Vousallez voir cette preuuc par
Amph, Sanglant. Y
338 V Intemperanee precipitee.
les effects enJ'Histoirc tragicque &
scandaleuse qui va suiure. Hermio-
nc Iamerueille des yeux qui la consi-
deroient estoit vne fleur de beauté
qui auoit pris naissance en l'vnc de
ces contrees de nostre France qui sont
en leurs riaages baignees de l'Ocean.
Elle fut l'enuie de plusieurs, & les-
perance depeu . Ce courage auílì re-
uesche que son visage estoitattraianr,
ressembloit d'vncoltéà Taymanfnoir
qui attire, & de l'autre au blanc qui
quireiettele fer. Que de desirs & de
desespoirs faifòit elle naistre dans les
ames,mere & marastre tout ensemble
desaffections dont elleestoitla belle
cause, à trauers tous ses desdains plus
fascheux à supporter que les plus
cruels supplices. Paciam & Lahceílas
Gentils-hommes de merite 5e de va
leur maintindrent leur amour pout
elle en la mesme façon que sur le
mont-i£tna , la flamme sc conseruc
V intemperance preeipitee. 539
parmi les neges & les glaces. Il n'y
auoit rien de íì froid que cette source
de tant de feux, rien de moins susce
ptible d amour que celle qui embra-
ioit tant de poitrines. Ne vous ima
ginez pas que tous les respects, ny les
íèruiccs, ny les soins, ny les complai
sanees , ny les assiduitez, ny tout ce
qui peut flechir lame la plus Barbare
luy donnassent plus d'inclination
pour Paciam que pour Lanccílas,rous
les hommes luy estoient autant iri-
disscrens que si elle eust este d'vri
mesme sexe $ & la statue qu'a^ha Pig-,
malion eust esté plus Facile à esmou-
uoir, que cette insensible à reìçeuoir
les impressions de la bien - vril'ancc
qui ont tant de force fut les plus puifc
íàns esprits. Mais comme l on dit cjuç
le diamant la plus dure de toutes les-
pierresncíe casse iamais qu'il ne se
reduise en poudre , & comme le
plomb qui est si froid íe font tout àr
340 L'Intemperaftcepucìpítee.
coup; aussi verrez vous dissiper en vn
instant toute cette glace, & fendre
cette dureté , non tant pat l'essort de
l'amour que par ecluy du courroux
dont cette ame superbe & desdai-
gneuse estoit plustost touchee . Il
vaut mieux dire quelle mesprisoit
egalement ces deux Cheualiers que
nous auons nommez, que dasseurer
quelle les aimait auecesgalité. llss'o-
piniastrerent neantmoins à cette re
cherche , non tant pour esperance
qu'ils eussent de flechir ce cœur im
pitoyable , que par le mouuement de
la vanite', chacun d'eux sefaschant de
ceder la place à son Riual,& d'estre
erû moins amoureux ou genereux
que l'autre . Comme ils se consu-
moient en vain aupres cet obiect: qui
ícrioit de leurs peines, llauintpar les
fausses lunettes de cette lunatique
passion, qui s'appele ialoufic , que
Lanceflas s'imagina qu'Hcrmione rc
L'sntemperaneeprecipittc. 341
gardoitson Competiteur plus fauo-
rablement que luy, & prestoit plus
volontiers l'orcillc à ses entretiens.
Là-dessus que de discours en fa pen
see, que de pensees en son ame, que
de fureurs saisirent son esprit. 11 sc
laissa si auant aller à cette passion que
sc reiettant par le despit à l'autre ex
tremité opposee à l' Amour ilneson-
geoit qu'aux moyens desevangerde
celle dont il estimoit receuoir des ou
trages pour recompenses de fesserui-
ces. L'espee qu'il employa contre elle
ce fut fa langue dont les coups ne sont
pas moins sensibles ni moins dange
reux que de celle là puis qu'ils vontà
la ruine de la reputation , chose que
les grands courages prisent plus que
leur vie . Il se met donc à mefdire
d'Hermione tout ouuertement & à la
blasmer de certaines actions d'autant
plus odieuses à cette fille quelles estoi-
ent faussement ïhuentecs. Et c'est en
Y iij
341 V intemperance preeipitee.
cela que la calomnie est plusmeschá-
te &: moins fupportable que la (im
pie mesdisance, parce que celle-cy a
quelque fondement en la vérité, de
sorte que ceux qui sont atteints de
quelque deTault laprénent pourvne
iuste reprehension, mais l'autre char
geant les innoeens de crimes qui ne
sont pas met horrdes termes de la pa
tience les plus endurans & les plus
fermes esprits. Hermi'one qui auoir
le cœur hautain se voyant touchee en
la prunelle del'œil estoit çn vne rage
çlesmesuree , ôc en ceste humeur ne
mesditoit que des vengeances contre
Laneeflas. La premiere occasion qui
s'en offrit fut receue d'elle les bras ou-
uerts 8c saisie aux cheueux tant elle
apprehendoit qu'elle ne luy eschap-
paft. Paciam la venant voir & l'entre-
nant de ses passions ordinaires; Com
ment, luy dit-clle , me voulez vous
faire croire que vous m'aimez çndii-
Llntemperance precipitee. 343
rantsilaschementqucLanceflas des-
chirc ma renommee auecque sa lan
gue de serpent, la prcuue delavrayc
amitié est le soustien de ceux qu'on
aime. Alors Paciam luy repartit que cç
n'estoit ny manque d'Amour ny dç
courage, mais vn pur meíprisqui le
rctenoit, sçachant que Icsmesdisan-
ces de Lanccílas ne faisoient autre im
pression dans les ames que de se faire
tenir pour vninsigne calomniateur,
disant des choies fi cíloignecs d'appa
rence que pour le croire il eust fallu
cstre^efpourueu deiugement. C'est
tout yn reprit l'irritée Hermionc, ic
ne tiendray iamais pour ami celuy qui
prendra si peu de part en mes inte-
rests,& vous me faictescognoistreà
vostre patience que vous auez peu de
passion pourmoy. Si vous me vou
lez du bien vous me vangerez &luy
ferez rentrer fa calomnie dans la gor
ge autrement ne vous presentez plus
Y iiij
344 L'Intemperanee precipites.
deuantmoy. Que si vous lauez dans
son sangl'opprobre qu'il veulcietter
sur ma renommée , iencseray iamais
ingrate d'vn tel seruice & vostrc re
compense seramoy mesme, car iene
penserois pas me pouuoir descharger
d'vnc telle obligation que par ce pris-
là, sous le lien toutefois d'vn legitime
mariage. Iamais celte orgueilleuse
beauté n'auoit esté si auant ny parlé si
ouuertement à Paciamquifut si raui
de ce langage que s'il eust eu dix mille
vies il les eust exposées au hasard pour
faire laconqueste des bonnes graees
de ceste fille. Iliugeoitbien que c'e-
stoitplustost l'animosité quelle auoif
coneeuë contre Lanceflas qu'aucune
Amour qu'elle cust pour luy quiluy
auoit tiré ces paroles de la bouche,
mais que luy importe t'il par quelle
voy e il arriuc à son but Sc à ceste pos
session tant desirée. Se voyant donc
vnc si iustç cause en main vnc si de
Vlntemperaneepreeipitee. 345
íìrable recópensc deuant les yeux, ces
deux esperons picquerent ion cou
rage & le porterent aussi tost à faire
appeler Lanceílas qui ne manqua pas
de se trouuer au lieu astìgné où il fit
tout ce qu'vn braue homme peut fai
re pour disputer sa vie. Mais cnfinle
fort des armes se trouua du bon costé,
& pour chastiment de ses calomnies il
tomba sous t'espeede son aduersairç
apres auoir confessé que tout ce qu'il
auoit dit d'Hermionc estoit faux &
public l'innocence de cette fille aux
derniers abois de la mort. Cette vi
ctoire fut glorieuse à Paciam,mais el
le luy fut cherement vendué,car il de
meura atteint de trois blesseures dont
il y en auoit vne assez legere , mais
deux dangereuses, neantmoins il fut
paníe auecquetant de soin que dans
peu de íoursles Chirurgiens asseure-
rcrit de fa vie pourueu qu'il se mesna-
geast selon lçurs preceptes, & qu'il ne
3 46 L'Intemperanceprecipitee.
precipitait point sa conualescenee]
D'autre coílé Hermione fut telle
ment transportée d'aise d'vne si so-
lemnclle vengeance que n'ayanr plus
de colere contre vn homme qui auoit
accru le nombre des morts, elle fut
touchee tout à coup d'vne Amour ex
traordinaire pour Paciam qui auoit
si genereusement respandu son sang
pour purger sa renommée de tou
te tache. Elle ne pût dissimuler eet
exeés , elle l'alla voir , se ietta à son
col , pleura íur son vidage , & ses
larmes furent autant de brandons
dans Ic cœur du blecé,clle luy iure vne
amour inuiolable de n'auoir iamais
d'autre mary, luy tend la main, luy
donne la foy d'Hymen, que ce mala
de receutauecque des transportsqui
ne se peuuent comprendre , mais
trop dangereux en lestat où il estoit.
Elle ne le void pas assez àsongrç,elle
endeuientsicíperduëquellene í?0UrJ
V Intemperance precipitee. 347
gc du cheuetde son lict, elle passe au •
pres de luy les iours entiers , & vne
partie des nuicts, qu'est- il besoin d'en
dire dauantage, vous estonnez vous
si le feupritàde lapaille qui en estoit
si voisine, ils se iurent la foy recipro
que, & sur ces asseurances Hermio-
ne auparauant farouche & intraitta-
ble deuient si priuec&si domestique
quelle prend vne partie du lict du
malade, qui perdu d'amour pour cet
te ereature, & sans soncer à l'estat où
il se trouuoit , voulut consommer
son mariage auec elle, mais il le con
somma de tellesorte que les premices
deeetteamourfurent la fin de fa vie,
de le lict de ses nopees luy feruit de
cercueil, carfes playes s'estans deíban-
decs & oúuertes il mourut dans les
embrassemens de cette nouuelle es:
pouse, qui d'ardant qu'il estoit deuint
de glace en ses bras , & son ame s'en
estant allee son corps sanglant &c
L'Intemperanceprecipitee.
froid demeura immobile aupres de
cette amante. De dire soneftioy, fa
douleur, ses regrets , il ne seroit pas
possible, mais Ion plus grand mal cc
fut le scandale public qui la rendit la
fable, la mocqueric, & l'horreurdc
tout le monde , comme ayant cause
par son intemperance precipitee la
mortàce pauurc Gentil-homme qui
l'auoit aimee auecque des passions
incroyables . Cc fut lors que cette
reputation dont elle auoit esté siia-
louscfut deschircc de toutes les lan
gues^ que cette superbe fille sevit
raualee au dernier point du mesptis
de l'opprobrc, & de l humiliation ou
vne personne puisse estre reduitte,
chastiec-iustement & dignement par
où elle auoit offencé. Cette vergoine
luy fut si sensible & ncantmoins si sa
lutaire que Dieu qui tire le bien du
mal , & la lumiere des tenebres luy cn
fit concouoir vnc horreur du monde
UIntemperanteprecipiter. $49
oh deformais elle ne pouuoit plus vi*
ure qu'aucc ignominie & reproche.
Elle íe ietta donc dans vn C bistre
s'enfeuelissant ainsi dans le tombeau
des personnes viuantes, & cachant
sous vn Yoile,&sahonte,& cette in
solente beauté cause detant de fune
stes accidens.
La Mortelle Amour.
U'Enfant desbauché.
HISTOIRE X.
Ictoric Seigneurdes
plus nobles dfJ'A-
quitaine n auoitçjue
trois mastes de ion
mariage , & paree
que les Cadets en
ceste cóntrée-là n'ont presque autre
partage que la cappe & l'espec , les
aisnez emportant tout le bien de la
succession, il tascha de mettre les siens
à i'abry de la necessité en les ietrant
V Enfant desbáuchè. 561
dansl'Estat Ecclesiastique. Lc second
suc chargé de quelques benefices qui
estoient de longue main 2c comme
hereditaires en sa maison , le dernier
eut pour sa parc vne Croix de Malte
qu'on luy fit porter presque dés son
enfance. Le second quenousappel-
leronsProcope & quifaiòtleperíon-
nage principal en cette Histoire estât
destiné à î'hgliíe fut aussi rangé aux
lieux où il pouuoit estre instruit des
choses qui Iepouuoient rendre accó-
pli en cette profession. le veux dire
qu'il fut eíleué dans l'estude & les let
tres^ sous la discipline de ceste sainte
& fameuse Compagnie qui ioint
auectant de iugement & d'industrie
la science auecque la Pieté. II auoii;
lesprit si bon qu'il faiíoit vn grand
progrés dans la connoissance des arts
& des liures, & esperoiton vn heu
reux succès de tant detrauaux & qu'il
rcufliroit auantageusement en la
3 6 z, JL' Enfant desbauebê.
profession qu'il auoit embrassee plu-
stost par la volonté desesparens que
de fa propre inclination. Desia il auoit
meublé son- esprit de l'intelligenee
des langues & de la Philosophie, & il
commençoit à saluer les portiques de
la Reine des Sciences, la Theologie
lors que son aiíhé surpris d'vne mala
die qui nc le tint que huictiours ren
dit au tombeau ce que tous les hom
mes luy doiuent;. L'heritage de Vi-
ctoric estoit si grand & fa succession si
auantageuse , que les benefiees de
Procope n'estaient pas v n ay man as
sez fort pour le tenir dauantage atta
ché à vne profession où il nc se por-
toit que par des considerations pure
ment humaines. Il mit bas au sii fran
chement que promptement cette
soutane Ecclesiastique qu'il nc trai-
noit qu'auecque peine , & en fie vn
present à son Cadet auecque ses bene
fices qu'il luy resigna dont l'autre fe
L' Enfant desbauehê. 36$
tint plus content que de la Croix qui
l'pbligeoit àvne pauureté perilleuse.
Et comme il arriue assez ordinaire
ment que Icsftìles qui ont esté efleuecs
soqs vnc çonduittç fart contrainte
deuiennent femmes lieentieuíes aussi
tost que par le mariage elles sont mi
ses en quelque sorte de liberté, aussi
Procope ayant depuis son aage plus
tendre porté à regret le ioug'ti'vne vie
pjusgefnée qu'il n'euss desiré se voy
ant dans vnc condition plus libre paf
fa aussi tost en des licences qui le por
terent au precipice desdeíbauches ôc
des desordres. Son Perc qui le desi
rait rendre accomply en la profession
desarmes, & luy faire prendre l'air du
Monde, fit dessein dç le depayser , ôc
del'enuoyer en Italie pour y polir son
esprit dans la souppleste naturelle à
cesse nation, & afËn qu'il s'ydressast
aux exercices conuenables à vn Gen
tilhomme , il le mit en bon equipage
V Enfant desbauehé.
& luy donna vn Gouuerneurpour
l'accompagncr en cc voyage qui a be
soin eTvnc guide seuere quand il se
faict envne verte ieunesse. Cc fut le
manquemenc que fit Victoric, caril
luy donna vn ieune homme appelé
Baldomanc pourle conduire qui luy
mesme en euíí: eu besoin d'vn condu
cteur, qui au lieu de retirer Procopc
de ses videuses inclinations , luy don-
noit exemple de dissolution , & qui
n'ayant pas assez de vigueur pourle
faire craindre fut aussi tost mesprife
parce ieune Gentilhomme à quinon
seulement il laissoit la bride sur le eol,
& luy estoit indulgent , mais le pous
soir quelquefois au mat &: l'y tenoit
compagnie. II ne faut donc pas s'e-
stonner s'il se trouua dans les dangers
ou nous verrons que le porterent ses
diuerses folies. A pres qu'il eut trauer-
se les Alpes, passé la Lombardic & la
Toscane , & faict quelque sciour à
U Enfant desbauebè. 365
Rome il passa iufques à Naples où il
fit estat de frequenter les Academies
qui y sont en grand nombre, & d'ap
prendre en ces fameuses efcoles de
Noblesse ce qui lepourroit rendre si
gnale quand il seroit tic retour en son
pais. 1l se logea pour cefuietehez vn
Eseuyer appelé Horace qui auoit
beaucoup de ieuncs Gentilshommes
dans fa maison , qui outre l'exercice
du cheuai en apprenoient encores
plusieurs autres. Chacun fçait la fa
çon de viurc des Italiens , ôc que la
ialousie leur est íi particuliere que
parmi eux ce n'est pas tant vn vi
ce que leurnaturcl. Ec fhistóire des
Vcípres Siciliennes faitassezconnoi-
ike que les François qui voulurent à
Naples & en Sicile vser de la siberre
de leur mœurs n'eurent pas deiuge-
ment en leur conduitte, & que s'ils
auoient eu assez de valeur & de cou
rage pour conquerir ils manquoient
$66 L' Enfant desíauehí.
de prudence pour se conseiller. Horá-
ce en vn aagc assez auancé auoit pris
vne femme assez ieunc & fore belle
qu'il cenoit enfermée siestroittemenr
qu'à peine pouuoitelle estre veuédes
rayons du Soleil . Son departement
estoit plus clos que n'eult esté vn Mo
nastere, car il estoitfans veue &sins
parloir , & moins penetrable que le
Serail du grand Seigneur. Les Gen
tilshommes Italiens qui logeoient
chez Horace eíleuezen eeste humeur
ne s'estonnoient point de cette forte
de vie, & sans donner des ombrages
à ce ialoux Escuyer ils ne manquoient
pas dediuertissemens dans la ville de
Naples ( l'vne des plus licentieuses du
monde) pour passer leur temps selon
leur fantaisies i li n'y eutque nostre
François quipiequé de curiosité vou
lut voir par occasion cette belle pri
sonniere, & par malheur illatrouua
si agreable qu'il en deuint passionne.
Il Enfant desbáuehé.
La difficulté de l'aborder nc le rebutta
point de son entreprise , au contraire
Topposition picqua son desir, & la
vanité se meílant dans son Amour il
crut que s'ilpouuoit venir à bout de
son defir il y auroitautant de gloire
que de plaisir en saeonqueste. L'art
de prendre les villes, disent les inge
nieurs , cil plus grand que celuy de les
garder, & le feu des Amans est" plus
íùbtil que toute la finesse des ialoux.
Procope fit tant par ies artifices que
non seulement il vid ceste femme;
mais encore il luy parla , & parla de
telle sorte qu'il la rendit susceptible
desapaíììon. Depuis ce temps là
leurs flammes reciproques leur firent
trouucr des inuentions secrettes pour
continuer leur commerce que ie laisse
dans Tobscurité du silence puis que
cela ne pouuoit se terminer qu'en des
oeuures de tenebres. Rien de si clos
qui ne s'efuente. Ccspracìkques n«
368 Ll Enfant deshauchè.
peurent estre cachées long temps,
î'ceil penetrant de la iàlousic s'en
apperceut, óe confme !c limier ayant
rencontré la moindre fumee ne ees
se de tirer le traict qu'il n'ait con
duit le Chasseur iusques au repaire de
Ja besteì Auííi l'cspritpicquédeialou-
íìe n'a pas fi tostappereeu la moindre
estincelle d'apparence qu'il n'a aueun
repos iusques à ce qu'il le soie entiere ^
ment esclairci de la verité. Horaee qui
estoit vn vieux routier dans les rúfa
de cette paílion qui subtilise les es
prits, veilla de tant de façons qu'il
rencontra les certitudes de ses douces.
Que de rages le saisirent íe voyant
trompé & se croyant trahi . Noítre
François trop peu diííimulé pour ea
cher fa paillon neluy en donnoirque
trop de marques, mais fa femme sça-
uoit si bien cacher son feu sous la cen
dre de la feinte, qu'encore quelle fust
toute de flamme pour Proeope elle
U Enfant dtsbauché. • ' $69
B b iiij
39*r VImpudent Adultere.
UImpudent Adultere.
HISTOIRE XI.
L y a des hommes íi
brutaux ôc si desespe
rez en leur meschaneere
que s'ils ne combloient
ta mesure de leurs fautes & ne fai-
soient arriuer leurs pechez iusques au
dernier point ils ne seroient passacis-
faicts. Si bien que non contens de
faillir selon le train commun ils ae
compagnent leurs malices de eir
constances fi noires & fi extraordi
naires qu'il semble qué mettans l'hó-
neur dans Tinfamie ils se vucillent
rendre signalez par l'exccs de leurs
crimes . L'Escriture appele cela met
tre sa gloire dás fa propre confusion.
L' Impudent Adultere. 39$
Maerobc principal suiet de cette Hi
stoire fera voir cette humeur en ses
deportemens : Car non content de
craicter fa femme Gondene , quoy
que sage & vertueuse auecque toute
les indignitez qu'il luy eust pû faire
sentir fi elle n'eustpas esté honneste,
luy mefme luy donnoit occasion de
sc perdre en l imitant en ses dcíbau'
ches & dissolutions. Les mcsspris &c
les violences qui aigrissent les plus
chastes & les portent à des actions
dcípitées qu'elles ne edmmeteroient
iamaiï si leur esprit n'estoìc point irri
re parle desespoir, n'eurent point as
sez de force pour mettre le sien en de
sordre, & iamais cette pensée ny en
tra de se vanger des outrages de son
mari par la propre infamie estât fem
me d'honneur & ialouse de sa reputa
tion , elle' sçauoit que l'infídelité de
son mari n'eust pas excusé sa sienne,
§c que selon le iugemenr du monde
394 U Impudent Adultere.
celle d'vne femme est tenue bien plus
grande que celle de l'homme eneore
que deuant Dieu elle soie csgale à eau
se de la deffence qui est sans distin
ction. Refolue dondde souffrir toute
sorte d'extremitez plustost que de
perdre la qualité qui la faissoit mar
cher fans rougir, & la teste leuée dc-
uantlemonde, elle en vintiusques-
là de fermer les yeux à toutes les es-
chapéesdeson mary, & voyant que
lesialousies quelles luyauoit tefoioi-
gnees au commencement estoient
cause dumauuais traictement quelle
enauoitreceu. Macrobenepouuam
endurer quelle luy reprochast ses ma-
quemens defoy , clic se fit quitte de
cette humeur & fans se soucier deee
qu'il faisoit ny de s'en querir de so
passions elle pensoit acquerir la paix
cn l uy laissant la liberte toute cntieic,
fans controller aucune de ses folies:
Mais soit que Macrojbç nç voulust
L'Impudent Adultere. 395
point cueillir de roses sans espincs ny
courir fans contredit apres des illicites
voluptez , soit qu'il voulust par vne
humeur maligne estre mauuais à fa
femme, en cela mesm_e enquoy elle
luy tçfmojgnoit trop de bonté, non
content d'entretenir à la veué' de tout
le monde vne. autre femme dont il
estoit esperdu & au scandale de toute
la ville où il faissoit fa demeure non
trop cíloignée des riuesde Lizerc, il
l'amene dans sa propre maison ou
fur le visage de fa femme il viuoit
auec elle en vn concubinage non
moins abominable qu'impudent. Cc
fut icy ou toute la sagesse de Gonde-
nc futdeuorée, & que la prouision de
patience qu'elle auoit faicte se trou-
ua trop courte pour soustenir vn si
long siege & vn íì violent assault.
Quand l'obietdu deplaisir est absent
les traits en sont plusmoutscs, mais
la presence en aiguise la pointe & les
jk 396 U Impudent zAdulterc.
rend plus penetrans. Cela fut cause
que des murmures elle en vint aux
plaintes ôc des plaintes particulieres
aux publiques, ôeiufques aux mena
ces de faire leuer ce scandale & ce de
sordre par les mains delalusticcpuis
que les siennes estoient trop foibles
pour repousser vn si cruel outrage.
Mais tan t s'en fault qu'elle efloignast
ce fleau de son tabernacle par ces op-,
positions qu'au contraire la flamme
de Macrobe s'augmentant pour íà
concubine parle vent dessouspirsde
fa femme legitime , il vintiufqucs à
vn tel degré d'esfronteric decóman-
der à - iluanc ( ce sera icy le nom de
eeste infame qu'il entretenois) de fai
re tous les affronts à Gondenc dont
elle se pourroit auiser , I'asseurant
qu'en tout ce quelle ferait contre clle,
nonseulemét illasupporteroit, mais
qu'il s'en tiendroit son oblige . C'est
lepropre des personnes impudicqucJ
L*Impudent Adultere. 397
d'estre ordinairement impudentes ôc
de se plaire à des insolences par ou el
les tefmoignent quelles ont perdu
toute sorte de respect. Ce comman
dement fit tellement enfler le cœur
naturellement arrogant de cette vi
laine qu'elle commença à mespriser,
& puis à se mocquer de Gondene,
apresàlagourmander, de là à la me-
•nacér, & en fin venant des brauades,
Le defyit inconjideré.
HISTOIRE XII.
HISTOIRE XIII.
HISTOIRE XIV.
Lafortune Infortunée,
HISTOIRE XV-.
_
La Fortune infortunée. 439
meuroit le trouua si agreable & sì
gentil qu'il eut la curiosité de sçauoir
q tu il estoit, & il n'en apprit autre
chose que ce que nousenauons dir,
Priuat son perc nourricier n'en sça-
chant pas dauantage. Alors Macrin
(c'est le nom de ce Seigneur,' presse
da desir de voir à quoy íc termineroit
la bonne ou mauuaiíe fortune de cet
enfant, qui auoit ic ne sçay quoy de
grand & d'asseuré dans le front, fit
resolution de l'emmener en vncPío-
utnee voisine où estoit fa demeure.
Niuian pouuoit auoir treize ou qua
torze ans , il le donna pour Page à
Abondante fa femme, qui le receut
comme vn present precieux:Elle estu-
dioit les actions, & le regardoit com
me vn modele de gentillesse & de
perfection, Elle l'ayma auísi tost de
telle sorte qucMacrin se repentit pres
que de luy auoir baille , parce qu'il
Ccm.bJoit que depuis la venue' de cc
440 La Fortune infortuné*.
Page cllc n'eut plus tant de soin ny
d'amour pour ses propres enfaos, fai
sant de ce beau fils son idole. Elle le
faisoit si braue que cette pompe allois
à l'exccs. Et Niuian se rendoit si sou
ple à íes volontez & si complaisant,
qu'il estoit le charme de son esprit &
le paradis de ses yeux. Quiconque
touchoit ce Page l'offençoit estran-
gement, & s'il eust esté moins enfant
lans doute Macrin eust eu íuiet d'en
coneeuoir de la ialousie. II vëseut
quelques an n ees en cette condition,
çroiíïant tous les iours en beauté, en
grace, en adresse, & se faisant mesme
ay mer de son Maistrc, mais non pas
tant que de fa Maistrcsse,qui en estoit
plus folle qu'vneíìlle n'est de sa pou
pee. Elle le faisoit friser, poudrer &
' parfumer comme sUl eust esté vne
fille ; & s'il se trouuoit mal elle le scr-
uoit auec des soins & des aílìduitez
incroyables. Macrin alloit souuent \
' 9
« V -
La Fortune infortunée. 441
la Cour, mais la Cour de fa femme
estoit autour de son Page. Estant à la
Cour il se trouua engagé en vne que
relle oû il fut tellement blesse qu'il en
mourut au bout de trois iours,laissant
Abondante vefue à laage de quaran
te-deux ans. Niuian en pouuoit auqir
dix-huict, & estoit en vne fleur de
beauté digne d oecuper tous les pin
eeaux des Peintres Abondante, que
le respect du mariage auoit retenue
dans le deuoir 8c dans les termes de
lhonncstetc,.ayant par le temps sei
ehe les larmes qui penserent noyer ses
yeux en la mort de son mary, com
mença à ietter sur le viíage de Niuian
des regards autres qu'aúparauant ; &
des eaux de ses pleurs sortirent des
flammes qui embraserent son cœur.
Elle luy faict quitter la casaque, &
dans l'habit de deuil où elle s'estoic
enfermee, & qu'elle fit prendre à rous
ceux de fa maison clic trouua des gra-
44* La "Fortune infortunée.
ces nouuel'cs cn Nmian , comme si
cllc cust rencontré des charbons ar-
dans fous des cendres. Pourquoy
m'arrestay-ie contre le dessin de la
bricueté à depeindre la naissance & le
progrcs de cer Amour ? elle bruíle
pour Niuian, & eette passion àqui on
met vn bandeau fur les yeux, fermanc
les siens, à ce qui la pouuoit retirer de
eette affection, elle ne les ouurc que
íùr l'agreable frontispice de ce palais
enchanté. St quelque fois la raison luy
darde íes rayons à trauerslesnuags
qui offusquent son esprit , & luy re
presente que c'est vn garçon dont la
naissance est inconnue, elleprend de
là occasion de croire que c'est le fils de
quelque grand Seigneur, & qu'il a
trop bonne mine pour estrcd'vn sang
ignoble. Si elle pense que c'est vn va
let, elle adiouste qu'il luy vaut mieux
espouíer vn feruiteur quvn maistre,
&c qu auec le plaisir du mariage çllo
La Fortude infortunee. 445
.aura encore ccluyde commander, &:
de s'exempter de íubiection. Si cllc
Kgarde la disposition de l'aage,elle
appelle à lïncertitude de la mort, qui
faict: que les ieuncs gens sont auíïì peu
asseurez de viure que les personnes
vieilles. Elle alloit à grand pas au ma
riage par ce chemin, mais le remord
de l'interest l'empeíeha de cmgjer à
pleines voiles ou elle desiroit. Ella
cust perdu la tutelle ou garde noble
de ses enfans en se remariant; & re
duite au petit pied de son douaire, elle
n'eust pas eu le moyen de soustenir le
grand vol cju elle auoitpris. Deplus»
elle se fust rendue' la risce & la fable
de toute la contree, & tant sesparens
propres que ceux de son mary eussent
faict des efforts pour rompre son des
sein. Elleremetau temps l'accommo
dement de toutes choses, cependant
la conuoitisc la presse,l'obiect est pre
sent & en sa puissance, ne vous estorç-.
4 44 £4 Fortune'infortunée.
nezpasdesacheute. Elle trouua son
Adonis assez dispoíc à luy complaire.
1l estoit ieune,clle estoit artificieuse,
elle luy perfuada ce qu'elle voulut i
çlle cíbloiiit les yeux de eet adoles
cent de presens & de belles promes
ses, elle luy fait voir que fa fortune est
en ses mains, qu'elle le rendra riche &
heureux s'il s'accommode à ses desirs:
ilserédàscs voiontez,& elle ioùitàla
íourdinc deceiuy qu'elleaymoitdesi
lógue main, & dót clic estoit idolatre
Elle luy raid voir quelle ne le peut
espouserouuertement sans ruiner ses
affaires, mais quelle ny manquera pas
en sa saisson , cependant elle luy pro
met ce quelle veult , & se faict pro
mettre de luy ce qui luy plaist sur ees
simples formalisez qui sont assez peu
considerables en iugement, ils viuent
auecque la liberté d vn raary & d'vne
femme nepenfans point commettre
d oírenee, & Abondante se promet-
La Fortenc infortunée. 445
tant que ce commerce venant a se des-
eouurit clic mettroit aussi tost son
honneur à l'abry par le mariage. Elle
vescut trois ou quatre ans dans ces de-
lites , mais l'autoritéquc prenoit Ni-
uian dans sa maison & dans le gou-
uemement quelle luy donnoit deses
affaires , iointe aux priuautez & fami-
liaritez excessiucs qui paroissoient en
tre cllc S>c luy d'vn murmure domesti
que firent incontinent vn bruiótpu-
dÌìc qui croissant par son progrés co
rne les fleuuespar leur cours prescha
sur les toits cc qui se faisoit dans les
chambres, & manisesta la cachette
des obscuritez.Cela pourtant nc preC-
sa point Abondante à espouser Ni-
uian pour ne perdre le maniment du
bien de ses en fans dont elle souste-
noit 1 e lustre de sa vanité. O r vo9 sçau-
rez que Niuian estoit fils d'vn Sei
gneur de marque à qui nous donne
rons le nom de Lambert qui en ses
446 La Fortune insoetunee.
icunes ans & du viuant de son perc
auoit espousc clandestinement vne
fille d assez basse qualité de qui Ní-
uian auoit pris naiíîance. Cette fille
estant morte quelques ánriees apres
auoir mis Niuian au monde laissa
Lambert en la liberté de prendre vn
autre party. lleípousadoncRogelle
fille de fa qualité de qui il n'eut que
deux filles. Estant l'aisnéde íà maison
& en possedant les fiefs qui estoienr
substituez à des mafles à l'exclusion
des femelles , il auoit vn extreme des-
plaisir de voir ses filles frustrees de son
heritage qui deuoit passer à ses nc-
úeux. De longue main il auoit esté at-
tacqué de Indisposition de la pierre,•
& s'en voyant presse iusques à vne ex
tremite si grande qu'il aimoit autaní
la motr que de viure en de si rudes &
continuelles douleurs , il se resolut de
se faire tailler,& parce qu il preuoyoil
lc hasard où il se raettoic il voulut dis-
Lu Fortune infortunée. 44^
poser de ses biens & puis mettre son
ame en estat decomparoistre deuanc
le tribunal de Dieu. Ce fut icy que la
nature fit son effect, & que rappelant
cn sa memoire celuy qu'il auoit ou
blié par l'eípacc devingt-deux ans, il
faict chercher Niuian pour l'appeler à
sasucceflion & le rendre heritier de
son nom & de ses armes. L'homme
qui l'auoit remis à Pnuat estoitmort
& Priuat aulli , mais la belle fille de
Priuat qui l'auoit nourry estant enco -
re en vie donna de celles enseignes
qu'en fin il fut trouué en la maison
d'Abondante où il auoit esté esteuede
la sorte que nous auó s reprefenté. Ces
nouuelles n'apporterent pas moins
d'estonnement à Niuian qUedeioye
a Abondátequi crût lors que ses sou
haits seroient glorieusement accom
plis , & que son second mariage aucc-
que son beau Medor seroit plus ho
norable que le premier. Niuian mote
448 La Fortune idfortunee.
acheual & part promptement pour
aller recucilir vne si bonne fortune;
son pere raui d'aise de le voir si beau
& siaccompli benit Dieu de luy auoir
conferué vn tel heritier : Il declare
son premier mariage & le public &
reconnoisl Niuían pour son fils le
gitime qu'il institué son heritier, &
de ceste façon se mit à lataille . Cette
cure ne reussissant pas & la gangrene
s'estant mise à la playe il fallut mourir
& Niniatì se vid presque aussi tost pri-
ué de son perc que reconnu pourson
enfanti llíe trouueneantmoins en la
possession des biens ou Lambert l'a-
uoit mis en luy recommandant Rd-
gelle ta seconde femme &e ses sœurs.
Les neueux de Lambert qui abboy-
oient 'l y auoi t long temps apres ceste
succession s'envoyans frussez parla
venue inopinee d~ Niuianentrenten
des desespoirs & en des fureurs deme
surees: lis le veulent mettre en proees
&dc
La Foftune infortunée. 449
6c debatre les heritages qu'ils croyent
leur appartenir, faisant declarer nul
comme clandestin lepremier mariage
de Lambert. Abondante suruint là
dessus, & fassantsouuenirNíuian des
bons offiees qu cllc Juy auoit rendus,
& des promesses qu'il luy auoit faictes
de í'çspouser, le íòmme de les accom
plir, & de la prendre pour fa femme.
Niuian, ou aucu.gle de fa prosperité
nouuelle,ou las des embrassemens
d'Abondante, que laage auance ren-
doit moins agreable, luy rcípondit
aucc non moins de discourtoisie que
d'ingraritude, que comme elle auoit
meipníe de lelpousser lors qu'elle
peníoit estre plus que luy, il iuyren-
doit son change se voyant estre plus
qu'elle ',> au reste, que de mille ferraeni
amoureux on n'en feroic pas vnc
bone obligation Abondante si hon
teusement rebuetee, & se voyant-per
due d'honneur & de reputation;, eon-
Amph. Sanglant. Ff
4 {o LaFortune infortunée.
ceut vn tel regret de la mesconnois-
jfàiîcedeceluy qu'elle auoitayméplus
qu'elle mesrae : qu'estant de retour
elle sc mit au lict, d'où elle ne íorric
que pour estre mise dans le cercueil.
Niuian coupable de cette mort n'en
porta pas loin la punition: car ses cou
sins impatiens des longueurs de la Ju
stice, & faisans à la mode de nostre
Noblesse, qui en ce temps- là sc faisoit
iusticc à elle mesme par l'abominable
vsagedes duels, l'ayant faict appeller
pour remettre la decision de leur dif
ferent au sort des armes. Niuian se
trouuaaulieuassigneauec vn second,
& comme il auoit esté efleué par A-
bondanteplustost en Paris qu'en He
ctor, &c en Adonis qu'en Achille, il
tomba fous l'espee de l'aisnc de ses
cousins,qui luy fit perdre furie champ
la vie & 1 heritage. Telle fut la For-
tune infortunee de Niuian, qui vif
comme vn esclair naistre & mourir
Là Fortune insortu née. 451
son bon heur en peu de iours, con-
rioissant par experience que la felieite
de cette vie. est ,vn court songe, ou
plustostl'ombred vn songe, & sem
blables à ces debiles vapeurs, qui s'ab-
battenc presque auílitost qu'elles s'e-
leuetit. Ce n'est pas à nous de sonder
les secrets de l'abyfme de la Prouiden-
ce; car qui a iamaisesté au conseil de
Dieu ? mais íî on peut donner fans te
merité quelque those à la coniecture:
il me semble que l'ingraritude dont il
auoit-indignement payé tant de bons
offices qu'il auoit receus d'Abondan
te, le rendoit indigne de ioiiir long
temps du bon heur qui luy estoitar-
riué. .j
*f ij
4 5 2- La prompte Credulité.
La prompte Credulité.
HISTOIRE X V I.
Le ViolemenP.' ú >
1 1. "' ... ni 1, ne.1 '.; .
H ISTO IRE) r XVII.
h . • fìi': ,: •
A. .
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4Í«4 VJntrìgmfuneste.
,
L'Intriguefunefte.
HISTOIRE XVIII.
DE LA R.EBERTIER.E.