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Hélène Bertheleu

À propos de l'étude des relations inter-ethniques et du racisme


en France
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 13 N°2. pp. 117-139.

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Bertheleu Hélène. À propos de l'étude des relations inter-ethniques et du racisme en France. In: Revue européenne de
migrations internationales. Vol. 13 N°2. pp. 117-139.

doi : 10.3406/remi.1997.1553

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1997_num_13_2_1553
Abstract
The Study of Interethnic Relations and Racism in France
Hélène BERTHELEU
French scientists who are studying migrations and interethnic relations, have noticed the lack of link
between their works and those focused on racism. There are, in fact, two academic traditions which
have lead to develop their own theories and problematic. These two fields have not the same state of
full maturation.
The sociology of interethnic relation uses to often definitions coming from common knowledge and
ideology whereas studies on racism present many theoretical essays. Therefore, it seems very
important to remind the specificity's of these two fields.
We can notice that sociology of racism and sociology of interethnic relation have the same theoretical
background, both deal with the same categorisation process and both reject essentialism. However, it is
important to maintain a distinction between interethnic relations and racial relations.
The processes involved in the social construction of race and the social construction of ethnicity are
distinct. A lack of differentiation between them could lead to a dangerous "banalization" of racism and a
misunderstanding of the complexity of ethnicity.

Resumen
El estudio de las relaciones inter-étnicas y del racismo en Francia
Hélène BERTHELEU
Los investigadores franceses que estudian las migraciones y las relaciones inter-étnicas pueden
verificar la escasa articulación de sus trabajos con los realizados en torno al tema del racismo. He ahí
dos objetos, dos tradiciones disciplinarias que, con sus referencias teóricas y sus problemáticas
diferentes, se han desarrollado por separado. Esos dos campos de investigación no han adquirido la
misma madurez : mientras que los trabajos sobre el racismo dan pie a numerosos ensayos teóricos, la
sociología de las relaciones inter-étnicas sigue, demasiado a menudo, prisionera de una definición
espontánea e ideológica. Por fin, es importante recordar lo que constituye la perspectiva y el objeto
propio de este tema. Se observa entonces que la sociología del racismo y la de las relaciones inter-
étnicas tienen un importante parentezco teórico (las dos aluden al mismo proceso de categorización y,
por otra parte, se defienden contra el mismo esencialismo) aunque sea conveniente mantener una
distinción entre relaciones inter-étnicas y relaciones raciales. Los procesos que obran en la
construcción social de la raza y en la de la etnicidad no son los mismos y deben distinguirse so pena de
una imprudente "trivialización" del racismo y de un desconocimiento de los resortes complejos de la
etnicidad.

Résumé
L'étude des relations inter-ethniques et du racisme en France
Hélène BERTHELEU
Les chercheurs français qui étudient les migrations et les relations inter-ethniques, peuvent constater le
peu d'articulation de leurs travaux avec ceux réalisés autour du thème du racisme. On a là deux objets,
deux traditions disciplinaires qui, avec leurs références théoriques et leurs problématiques différentes
se sont développés séparément. Ces deux champs de recherche n'ont pas acquis la même maturité :
tandis que les travaux sur le racisme donnent lieu à de nombreux essais théoriques, la sociologie des
relations inter-ethniques reste trop souvent prisonnière d'une définition spontanée et idéologique. Aussi
est-il important de rappeler ce qui constitue la perspective et l'objet propre de ce domaine. On s'aperçoit
alors que la sociologie du racisme et celle des relations inter-ethniques ont une importante parenté
théorique (les deux renvoient à un même processus de catégorisation et, par ailleurs, se défendent du
même essentialisme) même s'il convient de maintenir une distinction entre relations inter-ethniques et
relations raciales. Les processus à l'oeuvre dans la construction sociale de la race et dans celle de
l'ethnicité ne sont pas les mêmes et doivent être distingués sous peine d'une imprudente banalisation
du racisme et d'une méconnaissance des ressorts complexes de l'ethnicité.
Va
Revue Européenne des Migrations Internationales, 1 997 ( 1 3) 2 pp. 1 1 7- 1 39 117

A propos de l'étude des relations

inter-ethniques et du racisme en France

Hélène BERTHELEU

DEUX TRADITIONS, DEUX OBJETS

Peut-on envisager le racisme à travers la perspective théorique et les concepts


de la sociologie des relations inter-ethniques ? La question paraît presque incongrue en
France, tant est profond aujourd'hui le fossé qui sépare ces deux domaines de
recherche que constituent d'un côté les travaux sur le racisme et, de l'autre, les études
consacrées aux rapports sociaux ethniques, plus communément aux migrants, aux
migrations, à l'immigration. Pourtant, un précurseur comme Roger Bastide reliait bien
ces deux domaines.

On constate néanmoins à l'heure actuelle qu'une grande partie des travaux


français sur le racisme sont réalisés dans un cadre qui n'est pas celui qui préside aux
recherches relatives à l'immigration. Ce fossé est en partie disciplinaire. Ce sont moins
des sociologues que des historiens, anthropologues, philosophes et spécialistes des
sciences politiques qui s'y consacrent, publiant de nombreux essais et travaux
théoriques, souvent dominés par la référence à l'antisémitisme nazi. Origine et histoire
du racisme et de l'antisémitisme, controverses autour de la définition du concept de
race, genèse et analyse du préjugé racial, digressions autour de la notion d'altérité,
histoire et fonctionnements de l'idéologie raciste, le racisme comme projet politique,
les rapports entre racisme et nationalisme, ou encore entre racisme et classe sociale, ce
sont là les principaux sujets ou problématiques que l'on trouve traités.1

* Maître de Conférences en sociologie à 1' Université de Tours, 3 rue des Tanneurs 37 000 Tours.
CERIEM, Université de Haute Bretagne, Rennes II.
1 (Poliakov, 1955 à 1977 ; Guillaumin, 1972 ; Taguieff, 1988 ; Balibar et Wallerstein, 1989 ;
Todorov, 1989)
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L'ambition théorique de la plupart de ces travaux sur le racisme est à la mesure


souvent de leur faiblesse empirique. Ils contrastent ainsi nettement avec l'éparpillement
et la modestie des études consacrées à l'immigration et aux relations inter-ethniques.
On a là deux domaines qui paraissent presque hermétiques l'un à l'autre. Repris par des
disciplines différentes, les questions que suscitent les deux grands thèmes du racisme et
de l'immigration se sont, jusqu'à maintenant, assez peu croisées. Quand les sciences
politiques se soucient du fonctionnement le plus harmonieux de la démocratie,
envisageant le racisme comme une force susceptible d'être à cet égard menaçante, les
rares sociologues qui se sont consacrés au racisme ou aux relations inter-ethniques y
voient une anthropologie générale du rapport à l'Autre, ou une entrée vers une théorie
plus générale de la hiérarchisation sociale.2

Il s'agit là d'un constat français. La sociologie américaine, bien au contraire et


dès ses débuts, a considéré la question raciale, les relations ethniques et l'immigration
comme des sujets connexes et rattachés au même corpus de concepts. De même, en
Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale comme la France, relations raciales et
relations inter-ethniques réfèrent aux mêmes problématiques sociologiques. Quelles
sont donc les raisons, en France, d'un tel partage, d'une telle distinction ?

Nous voudrions contribuer, dans cet article, à repenser conjointement ces deux
axes de recherche. Pour y parvenir, on rappellera la marginalisation dont a souffert le
champ des relations inter-ethniques pendant des décennies en France, alors même qu'il
se développait considérablement ailleurs. On mesurera ensuite, les conséquences de ce
retrait : les carences théoriques ont laissé le champ libre à une sociologie peu distancée
du discours dominant sur « l'étranger » puis « l'immigré », loin des efforts théoriques
qui auraient pu faire émerger des passerelles vers la question du racisme. Aussi sera-t-il
nécessaire, dans un second temps, de revenir sur le regard singulier que propose la
perspective des relations inter-ethniques et montrer le type d'analyse qu'elle permet.
Nous aurons alors les éléments qui permettent d'envisager la parenté théorique entre
l'étude des relations raciales et celle des relations inter-ethniques : le corpus de
concepts qu'elles ont en commun en témoigne. On réfléchira cependant, au terme de
notre propos, à la nécessité de maintenir une distinction entre relations raciales et
relations ethniques. Les processus à l'oeuvre dans la construction sociale de la race et
de l'ethnicité ne sont pas les mêmes et doivent être distingués sous peine d'une
imprudente banalisation du racisme et d'une méconnaissance des ressorts complexes de
l'ethnicité.

2 Seuls les récents travaux de Michel Wieviorka et, plus largement, de l'équipe du CADIS,
nuancent ce constat. Dans la sociologie des mouvements sociaux, racisme et ethnicité sont
appréhendés conjointement. Cela n'invalide pas, toutefois, ce constat qui pèse encore
lourdement sur les travaux en cours de part et d'autre.

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Un champ de recherche encore marginal en France : les relations


inter-ethniques

Commençons par rappeler que, historiquement, les conflits ethniques et


raciaux n'ont pas eu, en France, la résonance et l'acuité qu'y ont pris les conflits de
classe. Bien que la France constitue, au début du vingtième siècle, une importante terre
d'immigration, ses gouvernements successifs parviennent, sans heurt majeur, à imposer
une politique assimilationniste aussi bien aux nouveaux venus qu'aux minoritaires de
l'intérieur que sont alors les Bretons, les Basques, les Corses, etc. L'antisémitisme
latent mais aussi parfois virulent en période de crise comme à l'occasion de l'affaire
Dreyfus ou au cours de la seconde guerre mondiale, n'éveille pas réellement l'intérêt
des chercheurs en sciences sociales. Aucune contribution marquante3 ne précède
finalement la fin de la seconde guerre mondiale et les premiers signes de la
décolonisation. D'autres contextes nationaux sont, à cet égard, bien différents. C'est le
cas des Etats-Unis, par exemple, dont l'histoire est, on le sait, profondément marquée
par la centralité du « problème noir » ; en Grande-Bretagne, également, on note très tôt
la prégnance des catégories coloniales dans l'analyse des conflits sociaux (Miles,
1990).

L'histoire du développement des sciences sociales éclaire particulièrement


bien le contexte à la fois idéologique et académique qui, en France, a creusé le fossé
entre les travaux sur le racisme et ceux portant sur les relations inter-ethniques. Les
pères fondateurs de la sociologie qui, à la fin du siècle dernier, affirmaient les bases
d'une nouvelle discipline, ont été beaucoup moins intéressés par les relations entre les
groupes nationaux, ethniques ou raciaux, que par ce que l'on a appelé « la question
sociale ». Héritiers des questions soulevées par la Révolution française, la plupart
orientent leurs travaux vers la compréhension des profondes mutations sociales et
économiques de la société. Loin de cette perspective et de sa dimension de critique
sociale, on ne trouve de théorisation et de conceptualisation des races et des relations
raciales que chez les tenants, au contraire, d'une pensée conservatrice et réactionnaire.

Du côté des ethnologues et anthropologues, la pensée fut longtemps dominée


par l'évolutionnisme, le mythe rousseauiste du bon sauvage et l'intérêt pour les
cultures et les sociétés « primitives » en tant que telles, plus qu'aux relations
entretenues avec ou entre elles. Influencés, voire partie prenante de l'idéologie
coloniale, les chercheurs n'ont pas su voir ni analyser, avant que les colonisés eux-
mêmes ne commencent à se manifester, les rapports de domination et de subordination
et les processus destructeurs qui accompagnaient la « mission civilisatrice » de la
France.

L'orientation récente, depuis une trentaine d'années, de la recherche française


sur l'immigration est également significative. Il a fallu d'abord sortir de cette amnésie
historique que décrit G. Noiriel (1988), cet aveuglement des Français refusant en

3 II y eut certes le travail de Georges Mauco (1932).

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quelque sorte de considérer leur pays pour ce qu'il était : un des plus importants pays
d'immigration. Ce n'est qu'à partir des années 1970 que les sciences humaines
commencent à rendre compte des conditions de vie des immigrés. Il s'agissait alors,
selon une problématique macro-sociale, de montrer les inégalités sociales produites et
entretenues par le système, la société française et ses institutions. Il y a là, certes, un
pas important dans la prise de conscience, par le groupe majoritaire, de l'existence de
minorités en France. Ces travaux s'intéressent cependant assez peu aux immigrés eux-
mêmes : ils y apparaissent comme les plus démunis des démunis, et sont trop souvent
assignés au rôle passif de victimes du système. Les problématiques en termes de
rapports de classe et d'inégalités y sont centrales et donnent l'apparence d'épuiser le
sujet. Au cours des années 1980, cependant, les sujets d'étude se déplacent
progressivement et l'attention se porte davantage sur les individus, leurs pratiques et
leurs représentations en tant que migrants, avec notamment un vif intérêt pour les
interprétations en termes culturels et identitaires. Cette nouvelle tendance remplace la
précédente sans véritable accumulation ni tentative d'articulation, et les observateurs
continuent de constater le peu de consistance théorique de l'ensemble de ces
recherches (De Rudder, 1990 ; Dubet, 1989). Seuls quelques rares travaux introduisent
explicitement au domaine des relations inter-ethniques, notamment à travers l'étude du
rapport entre colonialisme et racisme (Simon, 1972 ; Gallissot, 1985).

Aujourd'hui, le champ suscite un intérêt grandissant et le nombre de


recherches se multiplie. Tandis qu'au cours des années 1970, on intégrait l'étude des
« Autres » dans celle du prolétariat, aujourd'hui, on retrouve les « immigrés » plutôt du
côté des problèmes dits urbains, au sein des fameuses « banlieues » qui cristallisent
l'attention médiatique.

Toujours plus nombreux au cours des années 1980 et 1990, les travaux
consacrés aux populations issues de l'immigration continuent néanmoins d'accuser
d'importantes lacunes théoriques. On a l'impression, en passant en revue cet
éparpillement d'études dites de terrain, qu'une bonne partie émane plus ou moins
directement de demandes de l'Etat ou de municipalités, de gestionnaires et
d'administrateurs locaux confrontés à des situations particulières difficiles et soucieux
d'en connaître les rouages pour mieux les maîtriser. Combien d'études, en effet, trop
rapidement réalisées sans doute, reprennent à leur compte les problèmes sociaux tels
que la société les définit, s' intéressant aux « immigrés » et aux « banlieues »
précisément parce que les préoccupations d'ordre public vont dans ce sens. A la
remorque des notions et représentations véhiculées dans les appels d'offre, beaucoup
trop de ces travaux confortent les décideurs du bien-fondé de leurs problématiques en
termes combinés de différences culturelles, d'exclusion sociale et de concentration
spatiale. Ce faisant, ils contribuent à la dispersion et à la faiblesse théorique du champ.

Pendant le même temps, le contexte idéologique n'a pas favorisé le


développement institutionnel de ce domaine de recherche. A l'université comme au
CNRS, sa présence et sa visibilité restent faibles. Tout se passe comme si la
minorisation dont sont l'objet les individus et les groupes issus de l'immigration, se
répercutait sur les chercheurs eux-mêmes, marginalisés au sein de leur propre
discipline. A. Sayad (1983,1991) a bien décrit ce processus de domination qui entraîne

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dans son sillage, sans distinction, l'objet dominé et ceux qui s'en préoccupent, faisant
de la sociologie de l'immigration et des relations inter-ethniques, un domaine peu
valorisé et peu valorisant.4 Le retrait conceptuel et la timidité théorique que l'on
constate toujours aujourd'hui malgré le développement numérique des travaux ne sont-
ils pas les symptômes d'un champ de recherche dont l'objet (questions et concepts
propres) reste insuffisamment connu ou reconnu ? Aussi réaffirmera-t-on, dans la
seconde partie, les fondements théoriques de la sociologie des relations inter-ethniques
trop souvent ignorés.

Il transparaît clairement, au-delà du nombre des travaux, que l'intérêt pour


l'Autre suscite aujourd'hui encore, bien des suspicions. Il gêne les idéologues d'une
France jacobine, et contrarie les défenseurs de l'unité et de l'homogénéité culturelle de
la France. Plus encore, c'est l'existence de collectivités ethniques voire de minorités
dans l'espace national français qui dérange une idéologie de l'individualisme
démocratique. Certes, la reconnaissance de la diversité culturelle de la France et d'une
certaine pluralité des populations entraîne inévitablement l'adoption d'une nouvelle
représentation politique et culturelle du pays mais ne justifie en rien les discours
alarmistes sur l'introduction jugée dangereuse de droits collectifs voire « ethniques »
et la soi-disant dérive « communautariste » de la société. Mais ce n'est pas le lieu
d'approfondir ce débat ; soulignons cependant que la marginalité5 et la faiblesse du
champ trouve ses racines dans de fortes résistances de nature idéologique et politique.

Il est significatif, d'ailleurs, que la population française, les « nationaux » pour


être plus précis, soient aussi peu conscients de constituer, en terme sociologique, un
groupe majoritaire : l'existence d'un rapport de domination dont ils seraient les
« bénéficiaires » n'a jamais vraiment été perçu comme tel. Les oeuvres et créations
culturelles, littéraires et cinématographiques, sont à cet égard révélatrices du silence ou
même de l'ignorance qui recouvrent ce type d'analyse. On a là, finalement, un bon
baromètre de la conscience d'implication de la société globale à l'égard des
populations immigrantes ou issues de l'immigration. C. Guillaumin (1972) signalait
une grande différence, de ce point de vue, entre la France et les Etats-Unis. L'Amérique
anglo-saxonne manifeste depuis longtemps une conscience beaucoup plus aiguë des
problèmes liés aux relations entre collectivités ethniques et cela contribue sans aucun
doute à les transformer, ou tout au moins à éclairer le rapport de force sous-jacent.6 Le

4 Ce contexte ne va pas sans inciter les apprentis sociologues les plus prometteurs pour la
profession, les plus « stratèges » pourrait-on dire, à orienter leurs recherches vers des
questions plus « nobles » et donc plus rémunératrices symboliquement et matériellement.
5 II ne s'agit pas de nier, ici, les progrès réalisés ces dernières années en matière de
reconnaissance et d'institutionnalisation du champ et des chercheurs en relations inter
ethniques. Le GDR « Migrations Internationales et relations inter-ethniques », reconnu par le
CNRS en 1995, rassemble une bonne partie des équipes françaises qui travaillent dans ce
domaine.
6 Ainsi, paradoxalement, aussi marqués soient-ils par la ségrégation et la discrimination
ethnique et raciale, les Etats-Unis n'en sont pas moins l'une des sociétés les moins aveugles
sur ses propres clivages. L'idée, par exemple, d'inégalités raciales entretenues par le système
— la notion de discrimination systémique notamment — y fait son chemin, ce qui, là encore,

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fait que les relations raciales et inter-ethniques constituent une importante


préoccupation des Américains, a notamment permis le développement de la recherche :
le statut de « problème social », aussi insatisfaisant soit-il, est une condition sine qua
non pour que la recherche soit financée. A travers ces relations raciales, les groupes
dominants américains se définissent eux-mêmes aussi explicitement qu'ils désignent
les « Autres ». Il est beaucoup plus difficile, en France, d'apercevoir le groupe
majoritaire autrement qu'« en creux » : «Etre majoritaire (appartenir à la majorité)
consiste d'abord à n'être pas (noir, femme, juif, homosexuel, colonisé, étranger, etc.).
Ce qui, dans la forme française ou italienne du racisme correspond exactement à la
conception raciste de sa propre appartenance sociale par le groupe dominant »
(Guillaumin, 1985 : 106).

Ce contexte à la fois idéologique et scientifique a donc été propice à


l'élargissement du fossé entre relations inter-ethniques et racisme. Les erreurs et les
insuffisances des travaux centrés sur l'immigration ont ici une part de responsabilité.
Pour combler ce fossé, il est impératif de sortir d'une construction de l'objet en terme
d'immigration et d'explorer les potentiels théoriques de la sociologie des relations
inter-ethniques.

De l'immigration aux relations inter-ethniques : la construction


progressive de l'objet de recherche

L'immigration est communément présentée en France comme un phénomène


socio-économique, comme un flux de populations que les pouvoirs publics seraient
simplement amenés à gérer. Son étude est largement tributaire des catégories juridico-
administratives élaborées avant tout pour « compter »7 et évaluer les mouvements des
populations non-nationales. De manière significative et en cohérence avec la définition
politique et administrative de l'immigration, la sociologie du même nom a longtemps
amputé le processus migratoire de sa partie la plus importante peut-être, à savoir
l'émigration et tout son contexte (Sayad, 1977) généralement celui d'une région ou
d'un pays anciennement colonisé.

L'usage du terme « immigré », central dans ce type d'approche, pose aussi un


certain nombre de questions. Il est devenu une catégorie souvent dévalorisante qui
comprend aussi bien des gens ayant effectivement migré que leurs enfants, pourtant nés

peut être interprété comme une reconnaissance, par le groupe majoritaire, de son implication
dans les rapports sociaux ethniques et raciaux existants. On peut cependant se demander si
cette lucidité n'échoue pas à profondément transformer le rapport de force. Elle ressemblerait
alors davantage à une soupape de sécurité qui entretiendrait finalement le statu quo, laissant
l'illusion aux minoritaires que, puisque l'oppression peut être dite et dénoncée (notamment par
des chercheurs issus eux-mêmes de groupes minoritaires), elle sera bientôt combattue et
vaincue.
7 Sur l'obsession du comptage en matière d'immigration, on peut lire l'article de Véronique de
Rudder (1992, p. 26).

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en France, mais considérés comme définitivement marqués par l'itinéraire de leurs


parents. Définis en termes culturel et générationnel, ils n'échappent pas au poids de
cette catégorie très chargée idéologiquement. A travers les thèmes plus ou moins
explicites d'appartenance nationale, d'exclusion sociale et de (non-) participation
citoyenne, le terme d'« immigré » semble maintenir sinon à l'extérieur, du moins en
marge de la société et sous prétexte de leur migration ou du passé migratoire de leurs
parents ou grands-parents, des hommes et des femmes qui en sont pourtant partie
prenante. Quelle que soit la diversité des statuts et des itinéraires observables dans la
réalité, l'immigré est d'emblée soupçonné de non-appartenance nationale française.
Notons, toutefois, qu'il n'est pas assimilé à n'importe quel migrant, et renvoie bien
plus sûrement à un ressortissant d'un pays anciennement colonisé (du Maghreb,
notamment) qu'à tout autre cas de figure migratoire, plus valorisé sans doute (Japonais
et Américains travaillant en France par exemple, ou même les réfugiés, « asiatiques »
notamment).

Certes, bien des chercheurs s'efforcent aujourd'hui de prendre de la distance


par rapport à ces représentations et stéréotypes, et multiplient les mises en garde quant
à un usage mal contrôlé du vocabulaire de l'immigration. On peut s'interroger,
cependant, sur les fruits d'une telle démarche qui, tout en en dénonçant les limites et
les travers, n'en continue pas moins à se réclamer d'une sociologie de l'immigration.8

On ne sacrifie pas, ici, à une simple querelle de mots. Les mots, les notions
qu'on utilise et leur définition ne sont pas innocents : ils renseignent implicitement sur
les enjeux et les rapports de pouvoir. Or, il apparaît nettement que la sociologie de
« l'immigration », en tant que telle, est prisonnière de ces représentations et définitions
communément admises au sein du groupe majoritaire français (notamment chez ses
porte-parole du monde politique et médiatique). On retrouve ce même biais dans les
travaux qui se réclament d'une sociologie de « l'intégration » ou de « l'assimilation » :
ils ne traitent que des questions qui, finalement, intéressent (voire consolident) la
société (la nation) française. Sous couvert de concepts pseudo-scientifiques, le
sociologue contribue ici à véhiculer, à utiliser et à légitimer des notions qui nourrissent
et consolident implicitement un processus d'inclusion-exclusion.

De plus en plus conscients de cette mauvaise et insuffisante construction de


l'objet, beaucoup de chercheurs affirment aujourd'hui la nécessité d'étudier non plus
seulement les immigrés et les populations issues de l'immigration mais aussi et surtout
les relations inégales que les uns et les autres entretiennent avec les membres de la
« société d'accueil ». Le concept de relation est central en ce qu'il permet une analyse
à la fois dynamique et non-naturalisante, nous y reviendrons. Mais l'adjectif
« inégale » que nous lui accolons, est aussi extrêmement important. Certains l'oublient
comme c'est le cas dans la mouvance des travaux appelés interculturels qui, s'ils
insistent bien sur le relationnel, laissent planer l'illusion d'un égal traitement des

8 On ne remet pas en cause, ici, l'intérêt et l'utilité de l'étude des flux migratoires notamment
lorsqu'elle décrit et tente d'expliquer les nouveaux mouvements migratoires qui se dessinent
actuellement ; mais elle ne constitue qu'une facette d'une question beaucoup plus large.

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cultures en contact. Ce courant, parfois qualifié de « culturaliste » en Amérique du


Nord, pour son parti pris de s'intéresser aux cultures, mérite diverses réserves.

Cette perspective favorise d'abord, explicitement ou non, la réintroduction


d'un raisonnement en termes de « distance » culturelle. V. de Rudder (1986 : 175-196)
a bien montré les dangers de cette notion qui entretient l'idée d'un intervalle mesurable
entre les cultures dont le réfèrent — même, ou peut-être surtout, lorsqu'il n'est pas
mentionné — ne peut être que les normes culturelles de la « société d'accueil » — si
tant est que ces normes communes soient identifiables. De manière plus générale, en
mettant a priori l'accent sur les cultures, sur les différences culturelles, le sociologue
est tenté d'en faire le principal facteur explicatif des rapports sociaux. Dans cette
perspective, en effet, tout rapport entre groupes ou individus s'explique par les
appartenances culturelles. Positives, ces relations sont analysées en termes
d' « échanges » et de « rencontres » particulièrement enrichissantes culturellement.
Enrichissantes pour qui ? devrait-on toujours se demander afin de rendre visible le
rapport de domination occulté ; négatives ou conflictuelles, les relations interculturelles
sont plutôt analysées comme des problèmes de compréhension entre les cultures,
comme la conséquence d'un défaut de sensibilisation des uns et des autres. Qu'elles
soient positives ou négatives, les relations interculturelles sont finalement renvoyées à
une question de compréhension réciproque, améliorables par l'apprentissage des
valeurs de l'autre, par exemple, ou par la simple bonne volonté pourvu qu'elle soit
partagée. Ni victime, ni oppresseur, ni dominant, ni dominé, le rapport de forces est
évacué et les relations dépolitisées. Les conditions matérielles qui pourraient expliquer
l'inégalité des rapports sociaux tels qu'ils se sont établis dans une situation donnée,
sont tout autant ignorées au profit d'une vision des choses à la fois naïve et dominante
— mais qui s'ignore comme telle.

Au-delà des omissions et de la naïveté qui apparaît, à tort peut-être, comme un


moindre mal, cette vision « interculturelle » s'avère finalement aussi dangereuse
qu'insatisfaisante. On en arrive, en effet, à rechercher l'explication (que ce soit de
conflits ou au contraire d'une cohabitation « harmonieuse ») à travers les attributs
culturels (voire naturels) des uns et des autres, surtout des « autres ». G. Myrdal (1962)
dénonçait ce type d'explication, il y a déjà plusieurs décennies, à propos du « problème
noir» des Américains, montrant qu'il relevait moins des Noirs eux-mêmes, que du
rapport constitutif entretenu avec la majorité blanche. Plus récemment mais de manière
similaire, les spécialistes des rapports de sexe se montraient soucieuses de ne pas être
prises au piège de la « question féminine » selon laquelle, finalement, il ne fait pas de
doute que ce sont les femmes (i.e. le groupe minoritaire) qui posent problème, et non
leurs partenaires masculins. On retrouve, enfin, à propos par exemple des minorités
amérindiennes du Canada, le même danger de glissement à partir du terme
apparemment anodin de « problème » : « Du problème autochtone, on passe
rapidement à l'idée des Autochtones qui ont un problème, qui sont un problème, qui
causent un problème, à cause de caractéristiques personnelles et quelquefois sociales ».
(Juteau, 1992). C'est le groupe minoritaire qui, en dernière instance, est soupçonné de
créer le problème, par sa simple présence ou, plus souvent, par les caractéristiques qui
lui sont propres.

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VERS UNE SOCIOLOGIE DES RELATIONS INTER


ETHNIQUES

La sociologie des relations inter-ethniques, telle qu'elle se constitue


progressivement, tente d'éviter les différents pièges que nous venons d'envisager.

Les concepts de groupe ethnique et d'ethnicité sont au coeur de cette


sociologie : leur définition fait appel à une perspective dynamique ou constructiviste
qui insiste sur les rapports socio-historiques en tant qu'ils sont créateurs d'entités
collectives. Les réticences françaises à l'égard de ces concepts contraint, dans leur
emploi, à une extrême vigilance. Etudier les relations inter-ethniques ne signifie pas, en
effet, focaliser son attention sur les « ethniques ».9 Nous n'avons pas remis en cause
l'usage peu objectif de la notion d'« immigré » pour retomber aussitôt, par le biais d'un
adjectif substantive, dans une catégorie similaire, celle des « ethniques » qu'un effet de
mode aurait soudainement introduit dans le vocabulaire de la sociologie française. La
tentation serait grande de considérer alors le groupe ethnique comme un concept
simplement substitutif de l'ethnie ou de la race et l'ethnicité comme un a priori,
comme un attribut inhérent à la nature même de l'immigré ou de l'immigrant, voire aux
générations qui en sont issues.10 Il s'agit donc d'avoir un regard critique sur cette
vision essentialiste de l'ethnicité et d'adopter une conception dynamique, c'est-à-dire
la concevoir comme une construction sociale à la fois objective et subjective,
étroitement liée à un cadre historique, politique et idéologique précis.

Contrairement à la sociologie de l'immigration qui renvoie à un secteur de


l'activité sociale et donc à un pré-découpage idéologique de la réalité, la sociologie des
relations inter-ethniques est le fruit d'une perspective théorique sur le social. Son objet
ne correspond pas à un domaine empiriquement délimité mais à une perspective
théoriquement construite. Une de ses particularités est d'être transversale (Simon,
1983), c'est-à-dire qu'elle traverse différents domaines de la réalité auxquels sont
généralement consacrés des sociologies particulières comme la sociologie du travail, la
sociologie des organisations, de la famille, des loisirs, etc. Elle traverse également, par
l'intermédiaire de l'expérience des individus, des espaces sociaux différenciés, des
« situations » qui méritent chacune une analyse particulière.

9 Voir notamment, le bilan réalisé par Bruno Ramirez, à propos des études ethniques
canadiennes (1991).
10 Le concept de « communauté » culturelle présente à cet égard de sérieux inconvénients. En
évoquant l'idée d'un regroupement cohésif et de relations d'interdépendance et de solidarité,
ce concept est propice à une naturalisation du groupe dont on imagine facilement la clôture,
les frontières infranchissables sans procédures strictes, comme c'est le cas dans une
communauté religieuse ou familiale. Cette idée d'un regroupement « naturel » — chère à
F. Tonnies qui 1' opposait au concept de « société » — oblige à une grande vigilance quant à
son emploi en sociologie. Le concept de groupe ethnique, au contraire, oblige à admettre le
caractère « artificiel » du groupement, en dehors de dispositions naturelles quelles qu'elles
soient ou de pré-dispositions psychologiques collectivement partagées.

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126 Hélène BERTHELEU

Ce degré de généralité permet d'envisager comme phénomènes ethniques des


situations très diverses qui vont bien au-delà de l'étude de l'immigration. Elle permet
en effet d'appréhender aussi bien le devenir — individuel et collectif — de migrants
que celui de minorités dites régionales au sein d'un Etat-nation, ou encore celui de
minorités raciales qu'elles aient ou non un passé migratoire. Elle s'intéresse aussi, sans
les confondre avec les migrants, aux minorités ethniques ou ethnicisées que
constituent, en France par exemple, les générations issues de l'immigration.

La perspective des relations inter-ethniques suppose d'autre part une


méthodologie appropriée, attentive au caractère dynamique et total de tout phénomène
relationnel. En se centrant sur les relations et les rapports sociaux, c'est-à-dire sur ce
qui se passe entre des groupes en contact, on laisse de côté les explications
essentialistes ou naturalistes qui cherchent dans les groupes minoritaires eux-mêmes la
raison de leur inégalité. C'est le contexte et l'enracinement socio-historique de la
situation qui retiendront plutôt l'attention, qui seront décrits et analysés afin de mettre à
jour la dynamique sociale de cette dernière. De cette façon, la sociologie des relations
inter-ethniques est résolument une sociologie du changement, du désordre, qui
s'attache à décrire et comprendre la construction, la déconstruction ou la reproduction
des frontières ethniques, au-delà des discours souvent a-historiques que les groupes,
pour renforcer leur légitimité, ont coutume de tenir sur eux-mêmes.

Ce sont là des considérations aussi banales que peu reconnues : combien


d'études les déclinent en préalable, pour les abandonner ensuite au profit de l'étude, de
telle ou telle « communauté », appréhendée seule, en dehors de l'environnement qui
contribue à la produire. Dire sociologie dynamique ne signifie pas, toutefois, rester
aveugle aux permanences, aux ethnicités qui perdurent, mais bien au contraire
interroger et comprendre ce qui se maintient et se renouvelle. C'est aussi décrire la
dynamique qui permet à certaines frontières ethniques de résister aux forces du
changement.

L'exigence d'une approche dynamique va de pair avec le parti pris de totalité,


avec la nécessité de resituer un phénomène relationnel dans la multiplicité de ses
dimensions (économique, politique, culturel, idéologique, mais aussi, à un autre
niveau, objective et subjective). Cette méthode, particulièrement féconde dans le
domaine des relations inter-ethniques, encourage à restituer toute la complexité de ces
rapports et de leur contexte.

Cette perspective contribue finalement à fournir une connaissance synthétique


et articulée du social tout entier. Au-delà de la diversité ethnique et de l'ethnicité, c'est
de l'ordre social qu'il s'agit, et de son changement, des classements sociaux qui se font
au nom de l'appartenance ethnique, nationale, raciale et de leur contestation. On a là un
mode de différenciation et de hiérarchisation qui se combine à d'autres que sont la
classe, le sexe, l'âge. Seuls quelques rares travaux tentent véritablement d'articuler ces
différents modes de différenciation et de hiérarchisation sociales (Simon 1991,
Guillaumin 1992, Juteau 1994). On tente alors de comprendre comment ces
classements se conjuguent au niveau de l'individu et de son identité sociale, au niveau

REMI 1997 (13) 2 pp. 117-139


Etude des relations inter-ethniques et du racisme en France 127

du groupe et de sa mobilisation, au niveau enfin des structures sociales telles qu'elles


s'imposent aux individus.

Relations ethniques et relations raciales : parenté théorique et


corpus conceptuel commun

Cette perspective sur le social est suffisamment générale et théorique pour


qu'on envisage à sa lumière le racisme et, plus largement, les relations raciales.

Signalons d'abord que les termes de relations raciales sont peu usités en
France. Ils nous renvoient plutôt aux sociologies américaine et anglaise où l'expression
est soumise à controverse. R. Miles (1990) par exemple, souligne les effets pervers de
l'usage, même sociologique, de ces termes, faisant remarquer que la notion de race
continue ainsi d'être véhiculée, placée au centre du questionnement comme si elle était
en elle-même la cause et le facteur d'explication de tous les maux. Sans doute est-il
nécessaire de ne pas cesser de souligner le caractère social et construit du concept
sociologique de race et parler de « race sociale » pour éviter tout retour à un concept
biologisant. Aussi, pour contourner cette question de la race, beaucoup de chercheurs
préfèrent parler de racisme plutôt que de relations raciales.11 L'expression « relations
raciales » comme celle de relations inter-ethniques a pourtant l'intérêt de souligner
qu'il y a toujours deux pôles dans une relation et qu'il est réducteur de ne s'intéresser
qu'à l'un d'eux, que ce soit le racisant ou le racisé.

Alors que le domaine des relations ethniques est menacé par la dérive de
travaux qui, centrés sur l'Autre, l'isole et l'essentialise, les travaux français sur le
racisme semblent souffrir du défaut inverse, puisque seul le groupe dominant — ou la
« société », considérée comme construite à son image est véritablement étudié.
L'observation concrète des relations entre les uns et les autres, n'a pas fait l'objet,
jusqu'à aujourd'hui, de recherches approfondies. Parler de relations raciales, dans un
tel contexte, c'est refuser cette double tendance qui, en France actuellement, tend à
faire du racisme le lieu privilégié d'étude de la société française et, à l'inverse, des
relations inter-ethniques, le lieu privilégié de l'étude de l'Autre dans cette même
société.

Notre souci sera donc ici d'insister sur l'analyse d'un système de relations où
majoritaires et minoritaires — qu'ils soient minorisés sur la base de leur race ou de leur
ethnicité — sont liés dans un même ordre social, à la fois matériel et symbolique. Les
groupes en présence ne sont pas en situation de juxtaposition plus ou moins fortuite. Il
est important au contraire de montrer — et non seulement de postuler — l'implication
réciproque des groupes en présence et refuser, ce faisant, de s'engager dans une
recherche qui ne s'intéresserait qu'au groupe minorisé et qu'à lui seul. Cette réciprocité
de la relation n'implique pas, toutefois, sa symétrie : la preuve en est que s'il est
relativement facile de définir un groupe minoritaire par des traits sociaux objectifs

1 1 C'est le cas, par exemple, des travaux réalisés par Michel Wieviorka ( 1991 , 1992, 1994).

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128 Hélène BERTHELEU

(historiques, matériels, structurels) délimitant une collectivité particulière, la tâche est


plus ardue pour le groupe majoritaire qui n'est saisissable, lui, que dans la relation,
changeant de visage selon les situations et les groupes partenaires. Ce qui le caractérise
reste plutôt abstrait et éminemment relationnel à savoir la disposition d'une liberté, de
droits, d'un pouvoir matériel et politique supérieurs à celui d'autres groupes, et
s 'exerçant sur ou aux dépens de ces dits groupes (Guillaumin, 1972).

La relation de domination qui unit les groupes minoritaires au groupe


majoritaire est donc centrale. Elle ne doit pas, cependant, empêcher le sociologue
d'envisager les relations, parfois déterminantes, qui s'établissent entre les groupes
minoritaires eux-mêmes. C'est l'ensemble de la dynamique sociale qui nous intéresse,
l'ensemble des processus d'inclusion et d'exclusion. Ce n'est donc pas la race mais les
relations racialement construites qui retiennent l'attention du sociologue des relations
inter-ethniques.

Nous allons maintenant envisager trois processus dans la double optique des
relations inter-ethniques et des relations raciales. Nous les avons choisis pour leur
centralité, leur intérêt théorique et pour leur capacité à montrer la parenté non
seulement des deux types de phénomènes mais aussi de l'analyse qui peut en être faite.
Nous examinerons successivement le processus de différenciation et le concept de
différence, le processus de catégorisation, et enfin le processus de minorisation ou la
relation minorité-majorité.

Sur le terrain, que l'on soit amené à étudier les relations ethniques ou les
relations raciales, c'est chaque fois la construction-déconstruction de frontières que
l'on observe, la transformation, l'effritement ou le renforcement de frontières ethniques
ou raciales. Il y a dans tous les cas le constat de « différences évidentes », en fait un
processus de différenciation à l'œuvre entre des groupes.

Le concept de différence est particulièrement approprié pour montrer la


proximité théorique des concepts de race et d'ethnicité. Les différences, dites
culturelles ou raciales, sont, on le sait, moins des différences objectives que des
différences subjectivement pointées soit par le groupe dominant au cours d'un
processus de catégorisation des groupes disposant d'un moindre pouvoir, soit par le
groupe minoritaire désireux, dans une situation de contact, de mettre en avant les traits
qui lui semblent les plus signifiants de sa culture. Ainsi, dans les relations inte
rethniques, certains traits culturels sont utilisés comme les signaux ou les emblèmes de
différences, comme la marque même de l'altérité. Dans le même temps et sans que l'on
s'en aperçoive, d'autres traits, d'autres pratiques sont ignorés, jugés non- significatifs et
donc impropres à signifier l'appartenance à une catégorie ethnique. Ils n'ont pas été
jugés pertinents socialement et ne permettent donc ni de classer l'autre ni de se classer
soi-même.

La différence invoquée pour désigner l'ethnicité est donc une construction


sociale reposant sur la perception de l'existence d'un caractère culturel distinctif,
perception qui permet en fait à un groupe de se définir par rapport à un autre groupe.
En tant que constructions sociales liées à des situations socio-historiques particulières,

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Etude des relations inter-ethniques et du racisme en France 129

les différences dites raciales comme les différences culturelles ne sont jamais
préalables au rapport social : elles en sont plutôt le résultat. Contrairement à ce qu'en
pensent les groupes concernés, elles ne sont donc pas données une fois pour toutes et
sont d'ailleurs, historiquement, souvent reconstruites par les groupes de part et d'autre,
à la faveur des transformations du rapport de force qui les lie. Plus que le degré de
réalité de la dite caractéristique culturelle ou raciale, c'est sa signification sociale qui
importe puisqu'elle contribue alors à structurer les relations entre des groupes humains.

On peut tenter d'approfondir ce rapport à l'autre par l'examen du processus de


catégorisation. Catégoriser est un acte de connaissance et de reconnaissance. Lorsqu'un
groupe majoritaire, pour désigner un groupe minoritaire, crée une catégorie spécifique,
il manifeste sa prise de conscience de l'existence de ce groupe et d'un certain nombre
de faits sociaux qui s'y rapportent. En ce sens, la catégorisation est un moyen
d'appréhender l'altérité et peut constituer, simplement, une réponse à la présence ou la
revendication d'un groupe jusqu'ici ignoré.

Au-delà de cette simple activité de connaissance, la catégorisation manifeste


généralement l'établissement d'un rapport de pouvoir. En effet, lorsqu'il est exercé par
une autorité reconnue, l'acte de catégoriser exerce un pouvoir qui s'impose à ceux qui
sont ainsi désignés. Le groupe dominant, qui catégorise, va donc bien au-delà du
simple constat de l'existence de l'Autre. Simultanément, il situe, classe et hiérarchise,
imposant ses perceptions aux autres groupes qui sont contraints d'être ou de devenir ce
que le groupe dominant a « décidé » de voir en eux. C'est pourquoi une catégorie,
même lorsqu'elle se révèle pour une part laudative, est toujours réductrice et oppressive
ne serait-ce que par le fait qu'elle fige le catégorisé dans une définition qui se voudrait
stable. Et c'est précisément cette stabilité qui procure à la catégorie toute son efficacité
à « définir » l'autre. « Stable » et « figé », c'est bien peu dire lorsque, dans les relations
dites raciales, le somatique est convié à garantir la clôture et l'irréversibilité de la
catégorie. C. Guillaumin (1972) souligne à ce propos que, même si la catégorie
n'implique pas en elle-même un sens biologique, « toute constitution en catégorie close
et irréversible ramène le sens biologique ». L'acte de catégoriser devient central. Le
biologique ne sert que de garantie (symbolique) en dernière instance et supporte
l'irréversibilité par laquelle est consolidée la catégorie.

Par le processus de catégorisation, le groupe majoritaire assoit finalement sa


puissance au regard des autres groupes : il en fait des minorités qu'il définit
explicitement par des caractéristiques (phénotypiques ou culturelles) supposées
objectives. En réalité, c'est bien davantage la disposition d'un moindre pouvoir, dans
des domaines de la vie sociale, qui maintient un groupe en situation minoritaire. Dans
les relations interindividuelles, la minorisation consiste pour une part à renvoyer
constamment l'individu minoritaire à son collectif de référence, son groupe ethnique
ou racial qui est censé l'exprimer et auquel on l'identifie entièrement. A cette définition
collective du minoritaire, s'oppose « l'individualisme » du majoritaire : celui dont on
voit et respecte l'individualité et la personnalité, ne peut être que dominant.

Le processus de minorisation, enfin, ou la « mise en minorité » est une relation


dont il faut souligner à la fois l'inégalité et la réciprocité : c'est une relation-miroir où

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130 Hélène BERTHELEU

les deux partenaires se fondent réciproquement dans leurs statuts respectifs. Le


« miroir » est particulièrement perceptible dans le partage, par les partenaires de la
relation, des mêmes catégories de pensée : c'est ce phénomène qui amène par exemple
le minoritaire à s'essentialiser tout en affirmant son existence, reprenant finalement des
catégories dominantes qui lui sont implicitement imposées. Des mouvements célèbres
comme ceux du Black Power, du féminisme, de la négritude et bien d'autres qui sont
restés dans l'ombre, relèvent de ce processus. S'imposant comme les seules possibles
dans une situation donnée, ces catégories n'en sont pas moins discutées, négociées,
réappropriées. La race, comme l'ethnicité sont toujours le lieu de nouvelles
significations, de réinventions symboliques susceptibles de cristalliser la solidarité des
minorisés. Ces reconstructions et ces réappropriations, dans la mesure ow elles
échappent au groupe dominant, constituent des réponses collectives à la situation, et
contribuent parfois à l'élaboration de véritables systèmes d'opposition visant à
transformer le rapport de pouvoir.

On constate ici combien le concept de relation et l'idée de réciprocité


asymétrique sont toujours au coeur de l'analyse et permettent de comprendre comment
se construisent mutuellement les partenaires d'un même rapport social. C.Guillaumin
(1972) le montre bien lorsqu'elle remarque que l'aliénation n'est pas le seul fait du
minoritaire. On oublie souvent, dit-elle, l'aliénation du dominant dans la situation
d'oppression ; le majoritaire s'ignore en effet comme le créateur de la particularité de
l'autre et ne se perçoit pas comme se définissant lui-même dans ce rapport à l'autre. Si
l'altérité définit la condition de la minorité au sein de la société globale, elle permet en
retour au groupe majoritaire de mener à bien un processus d'identification collective,
producteur de cohésion sociale.

Majoritaires et minoritaires sont liés en définitive dans un même ordre social,


à la fois matériel et symbolique. Qu'on soit en présence de relations inter-ethniques ou
de relations raciales, on est chaque fois renvoyé à la question du pouvoir inégalement
partagé. Pouvoir matériel qui garantit une vie « libre », sans dépendance ou dans une
moindre dépendance matérielle que les autres groupes, pouvoir symbolique qui permet
d'affirmer ses propres valeurs, de les concevoir comme universelles en reléguant celles
des autres comme particulières ou barbares.

Parler ainsi en termes d'inégalité et de rapports de pouvoir, c'est aussi accepter


que le conflit fasse partie du déroulement normal de l'histoire des relations inte
rethniques et raciales. Plutôt que d'y voir un signe pathologique, une phase
particulièrement anomique du devenir d'une société, le chercheur devrait y être attentif
car il est particulièrement riche d'enseignements : l'avènement du conflit, comme ce
fut le cas dans les ex-colonies d'Afrique et d'Asie, est généralement le signe de l'accès
à l'existence d'un groupe jusque là invisible et nié. Il manifeste alors souvent une
transformation, plus ou moins profonde, du rapport de pouvoir. L'interprétation
sociologique du conflit est, dans tous les cas de figure, centrale pour l'analyse. On peut
s'interroger, à cet égard, sur l'harmonie au nom de laquelle certains gouvernements
souhaitent ou prétendent « gérer » les relations inter-ethniques ou les relations raciales
de leur pays. Ainsi projetée comme une fin politique — qui ne manque pas de succès
d'un point de vue électoral — elle masque le caractère inégalitaire, par définition, des

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Etude des relations inter-ethniques et du racisme en France 131

relations inter-ethniques et raciales. Cette position politique permet, en toute


cohérence, de rejeter sur le minoritaire toute apparition de conflit tandis que le groupe
dominant plaide l'innocence de ses stratégies : « nous voulions la paix et l'harmonie
mais ils ont voulu le conflit : nous ne sommes pas responsables ». Bien des groupes
amérindiens du Canada ou des Etats-Unis ont souffert de ce discours sous-tendu par
l'harmonie prétendue potentielle des relations inter-ethniques ou raciales.

Compte tenu de l'inégalité inhérente à ces relations, « l'harmonie » constatée


d'une situation donnée trahit non pas une phase de recul de ces inégalités mais au
contraire l'absence de contestation, la non-remise en question, voire l'acceptation de la
domination. C'est le cas lorsque le dominé intériorise au plus profond de lui-même une
image négative de soi et de son groupe, se montrant ainsi entièrement soumis au statut
qui lui est réservé au sein de la société.

L'étude des relations inter-ethniques et celle des relations raciales amènent en


fait le chercheur à décrire les rapports sociaux sur lesquels repose une partie de l'ordre
social, ceux qui relèvent de la stratification ethnique et raciale d'une société donnée. La
race et l'ethnicité apparaissent comme des catégories sociales qui, au même titre que
les distinctions de classe, distribuent les individus et les groupes au sein de la structure
sociale. Elles peuvent devenir — et deviennent de fait, dans certaines situations — un
facteur de mobilisation pour la poursuite ou la défense d'intérêts collectifs. La
discrimination et la ségrégation sont des moyens dont dispose, plus ou moins
consciemment, le groupe dominant pour maintenir au bas de l'échelle sociale, ou tout
au moins à une certaine distance sociale, les groupes minoritaires. Parler de relations
inter-ethniques et de relations raciales, c'est donc s'intéresser directement aux
fondements de l'organisation sociale et aux classements sociaux, au système social en
tant que producteur de conditions sociales objectives et de hiérarchies.

Ethnicité et race, ethnisme et racisme : une distinction nécessaire

Nous avons vu jusqu'à présent la pertinence et l'intérêt de considérer les


relations ethniques et les relations raciales comme relevant d'un même champ et du
même cadre théorique et conceptuel. Dans cette perspective, le racisme renvoie à un
système particulier de relations entre groupes inégaux et antagoniques. Dans quelles
circonstances le groupe dominé sera-t-il étiqueté, désigné, nommé en terme de race
plutôt qu'en terme d' ethnicité ? En quoi un système de relations raciales diffère-t-il du
système de relations inter-ethniques ?

La parenté théorique sur laquelle nous venons d'insister, n'implique pas une
confusion des concepts de race et d'ethnicité comme cela semble être la tendance
actuellement. Certains sociologues des relations ethniques pensent en effet que les
apports de la sociologie constructiviste ont rendu caduque la distinction entre relations
raciales et relations ethniques. Inutile, cette distinction serait même suspecte, dans la
mesure où elle trahirait un usage non contrôlé du concept de race. Continuer à parler de
relations raciales, ce serait finalement reprendre à son compte et sans distance, une
catégorie populaire scientifiquement non valide.

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132 Hélène BERTHELEU

M. Martiniello dans un court chapitre consacré aux deux concepts de race et


d'ethnicité, adopte ce point de vue tout en le nuançant. La « race », conçue comme la
construction sociale des différences phénotypiques, n'est pour lui qu'un aspect (certes
important) du phénomène historique et culturel plus large de l'ethnicité. Le phénotype
serait un élément parmi d'autres dans le répertoire des marqueurs des frontières
ethniques. Cette tendance à considérer les relations raciales comme une simple forme,
éventuellement plus poussée, de relations ethniques peut se comprendre car elle
constitue, en quelque sorte, le prévisible (mais non forcément juste) retour du balancier
dans un champ de connaissances qui a été longtemps soumis à une conception
objectiviste ou « naturaliste » (au sens de « la nature des choses ») de la réalité sociale.
Cette tendance se nourrit au contraire d'un constructivisme (artificialisme) fondé : on
ne considère plus que ce sont des différences physiques réelles, objectives, qui
caractérisent les faits de relations raciales. Raisonnant en termes de représentations
collectives de ces différences, on en vient logiquement à se demander s'il y a lieu de
considérer à part les faits raciaux. La question est bien là et cette distinction entre les
relations ethniques et les relations raciales reste précisément, à notre avis, utile.

Il ne s'agit pas de faire « machine arrière » et de prendre en considération les


conceptions douteuses qui justifient, parfois, la même dissociation entre relations
ethniques et racisme. En Grande-Bretagne, par exemple, A.D. Smith (1986) voit une
profonde différence épistémologique entre les deux concepts de race et d'ethnicité. Sa
position s'explique en fait par la définition, en quelque sorte « raciste » de la race, qu'il
adopte, puisqu'il y voit une catégorie physique ou biologique fondée sur un ensemble
de traits phénotypiques héréditaires. La race est donc, à ses yeux, une catégorie
radicalement différente de l'ethnicité, dont il donne, au contraire, une définition surtout
subjective (sentiment d'appartenance et croyance subjective en un héritage culturel
commun), insistant sur le caractère parfois latent, changeant et situationnel de
l'ethnicité.

Il n'est pas juste, non plus, de poser la distinction en termes de différences


phénotypiques versus différences socioculturelles. Telle que posée, cette distinction
entérine encore l'idée que ce sont les caractéristiques physiques elles-mêmes qui
fondent les relations raciales, qu'il y a là un attribut dont la nature même engendre un
type particulier de relations. Même si elle ne succombe pas directement aux mirages de
la « race », cette vision des choses n'en naturalise pas moins les caractéristiques
physiques, leur accordant, par le biais de la perception des individus et des groupes,
une valeur explicative. On oublie, avec une telle perspective, que les variations
phénotypiques sont, comme les différences culturelles, socialement et historiquement
construites, n'ayant aucune valeur explicative par elles-mêmes. Faut-il en conclure que
rien ne distingue (si ne n'est un choix arbitraire entre diverses « marques » d'altérité) la
catégorisation raciale de la catégorisation ethnique ? Peut-on considérer le racisme
comme une simple forme, parmi d'autres, de relations ethniques ?

Dans le souci, louable, d'objectiver les dérives idéologiques dont souffrent ces
concepts et par sa volonté d'affirmer une définition sociologique de la race, cette
perspective risque de banaliser les relations raciales. Ainsi englobées dans les relations
ethniques, elles perdent toute spécificité alors même que les faits sociaux démentent

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Etude des relations inter-ethniques et du racisme en France 133

une telle superposition. Comment ne pas prendre acte des conséquences — dans le
passé aussi bien que dans le présent — pour le moins « particulières » de la
catégorisation raciale aux Etats-Unis par exemple, en Afrique du Sud ou en Europe
durant le régime nazi ? La question n'est pas celle du degré de violence : les relations
ethniques peuvent être, en cas de conflit, tout aussi meurtrières que les relations
raciales et plusieurs exemples récents (ex- Yougoslavie, Rwanda) nous le montrent. Le
racisme n'est donc pas une forme violente ou exacerbée de relations ethniques.

La nécessaire distinction entre relations inter-ethniques et relations raciales


repose sur trois éléments que l'on développe ici par ordre d'importance.

L'élément central de cette distinction théorique est la question de la plus ou


moins grande immuabilité des différences et des frontières érigées entre les groupes en
présence. Le rapport social se construit-il sur l'appréhension de l'altérité ou sur celle de
l'hétérogénéité ? La différence est-elle relative ou radicale ? Quelle est la nature du
garant invoqué ? Lorsque survient le conflit et que se met en place une logique
d'exclusion, sur quoi se fonde le rejet ? L'Autre est-il à tout jamais différent et
inférieur, par essence, par nature et de manière héréditaire ? La barrière entre « eux » et
« nous » reste, elle, au fil du temps et des générations, infranchissable ? Si tel est le cas,
on a affaire à un système de relations raciales et seul le contexte politique et
idéologique (colonial, post-colonial, nationaliste, capitaliste), peut en expliquer
l'émergence. La logique d'exclusion, lorsqu'elle s'opère et aboutit, a paradoxalement
pour effet de maintenir les différences, par la ségrégation, par exemple, la
discrimination, l'exploitation ou la domination quelle que soit sa forme. Dans les
relations inter-ethniques, les pratiques d'exclusion aboutissent plutôt à la disparition de
la différence par l'expulsion de ceux qui en porte la marque ou par l'assimilation plus
ou moins forcée.

Avant l'invention du racisme, ce qui était en cause, dans les contacts ou les
relations entre groupes culturels, c'était l'étrangeté de l'autre, sa différence
socioculturelle, son altérité. La plupart des écrits sur la question s'accordent pour y voir
un type de relations extrêmement répandu dans le temps comme dans l'espace.
Corollaire de l'ethnocentrisme, ce rapport à l'autre a probablement toujours existé, un
peu partout dans le monde où des groupes culturellement distincts étaient amenés à se
rencontrer. C'est en référence à cet ensemble de phénomènes que P.-J. Simon parle
d'ethnisme (1970, 1994). Quel que soit le choix conceptuel — pourvu qu'il réfère de
près ou de loin à l'ethnicité — l'erreur serait de parler ici de racisme, comme le font
pourtant certains, tel par exemple T.Todorov (1989 : 114) : « Le racisme est un
comportement ancien et d'extension probablement universelle ». Il conçoit toutefois la
nécessité de le distinguer des théories raciales telles qu'elles ont été élaborées au 19e et
réserve donc au racisme doctrinal une autre terminologie, le « racialisme » — dont il ne
justifie pas clairement le choix : « Le racialisme est un mouvement d'idées né en
Europe occidentale, dont la grande période va du milieu du 18e au milieu du 20e ». Ces
choix terminologiques dont on ne nous livre pas les fondements, introduisent une
confusion préjudiciable à la compréhension des phénomènes étudiés. Les
connaissances historiques et sociologiques consacrées aux théories racistes et au

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134 Hélène BERTHELEU

concept de race autorisent au contraire à parler de race et de racisme à partir du


développement de l'argumentation dite iscientifîqueî sur la question.

C'est l'idéologie et la perception proprement « racistes » qui ont introduit la


notion de différence radicale. Cette différence ne se situe plus dans l'étrangeté de celui
qu'on dit Autre mais dans son hétérogénéité par rapport à Ego. Le racisé est renvoyé à
une identité originelle, voire à une supposition de non-identité. La race introduit une
clôture définitive entre les différents groupes. La barrière est alors infranchissable, on
ne peut plus passer d'une culture à l'autre par la conversion ou l'assimilation. Le
passage, historique, de l' antijudaïsme à l'antisémitisme, en donne un bon exemple. Le
Juif, à qui l'on reprochait ses convictions religieuses et ses pratiques culturelles est
progressivement rejeté dans une catégorie a-historique, constituée de traits physiques et
mentaux héréditaires auxquels le temps ne pourra donc rien changer, une catégorie
close et irréversible, garantie par la biologisation.

Il nous apparaît encore nécessaire de faire cette distinction entre relations


inter-ethniques et relations raciales pour des raisons historiques. Les représentations en
termes de race n'apparaissent pas n'importe quand ni n'importe comment et ne
constituent pas un phénomène universel, sauf à les confondre avec les relations inte
rethniques. Le plus judicieux, pour saisir la construction et la signification sociales de la
race, est d'interroger chaque situation et son contexte idéologique, économique et
politique, afin d'y repérer ce qui favorise, ce qui rend possible et émergente l'idée
même de différences physiques significatives. On sait, dans une perspective plus
générale, que l'apparition des relations raciales est étroitement corrélée à l'histoire
moderne de l'Europe, au développement du capitalisme et du colonialisme d'une part,
à celui du nationalisme d'autre part. Durant ce développement, le travail de théorisation
pseudo- scientifique autour du concept de race fut important. Ces théories apportèrent à
l'entreprise coloniale les justifications dont elle avait besoin, tandis que d'autres y
puisèrent la légitimité de leur domination culturelle ou de l'exploitation matérielle de
groupes et peuples minorisés.

La confusion des relations raciales et des relations ethniques pose enfin un


autre problème. Nous voudrions insister ici sur les ressorts complexes de l'ethnicité.
Les frontières ethniques sont autant le fruit de la catégorisation sociale (dominante) que
l'oeuvre toujours renouvelée des groupes eux-mêmes, soucieux de se définir, de se
différencier pour exister, bref, d'affirmer leur culture et leur identité. De nombreux
travaux montrent comment l'ethnicité se construit dans la réciprocité des perceptions et
des représentations, qu'il y a, en quelque sorte, une relation à double sens. Dans le cas
de relations raciales, la réciprocité n'est ni première ni centrale. En fait,
historiquement, les relations de type racial sont toujours d'abord à l'initiative de
groupes puissants : elles ont ainsi été imposées par les Blancs d'Europe et d'Amérique
à des groupes non-blancs qui ne les avaient jamais pratiquées auparavant (la notion
même de race leur était inconnue). Les relations de type racial fonctionnent d'abord à
sens unique, au bénéfice des uns et au détriment des autres. Bien souvent, le groupe
dominant crée de toutes pièces, une race, une collectivité dite raciale dont les membres
peuvent n'avoir, entre eux, d'autres points commun que cette désignation catégorielle.
Ce qui n'empêche pas, dans un second temps, que la collectivité racisée se constitue en

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Etude des relations inter-ethniques et du racisme en France 1 35

groupe, réagisse à la minorisation et s'organise, répondant activement à la racisation en


construisant, à partir d'une dynamique interne, ses propres frontières et sa propre
ethnicité, sa propre « racité » en fait, dans la mesure où les catégories dominantes — en
termes de race — sont généralement reprises par les dominés. On assiste alors à un
processus de retournement du stigmate et le groupe, en termes valorisants cette fois
mais non moins raciaux, voire racistes, s'approprie la catégorie.

Dans les relations ethniques, l'ethnicité n'est pas le fruit de la seule imposition
dominante. Processus historique, fruit des contacts et des rapports sociaux s'établissant
entre des collectivités distinctes, elle se développe et se mobilise de part et d'autre de la
frontière sociale, aussi bien du côté du groupe majoritaire (même si celui-ci préfère se
percevoir en termes d'universalité) que du côté du groupe minoritaire. Elle répond en
effet autant à un processus d' auto-définition de soi qu'à une désignation extérieure.
Autrement dit, la frontière ethnique est munie de deux versants, l'un externe, l'autre
interne, qui se construisent simultanément dans un contexte de rapports sociaux
toujours inégaux. Les relations ethniques, à la différence des relations raciales,
fonctionnent d'emblée à double sens et ne peuvent, en cela non plus, être confondues.

L'évolution actuelle des recherches sur l'ethnicité aux Etats-Unis est, à cet
égard, significative. « Inventée », « créée », « imaginée », « choisie », l'ethnicité est
présentée de plus en plus souvent comme un phénomène subjectif dépendant d'un
processus d'identification volontaire, plutôt individuel que collectif. Le danger, ici, est
de verser dans un hyper- subjectivisme qui fait perdre au concept d' ethnicité tout son
intérêt. Au-delà, il est intéressant de constater qu'un tel vocabulaire est mal adapté pour
éclairer des relations raciales. Les travaux qui y sont consacrés ne cessent au contraire
de souligner la force de l'imputation raciale et l'irréversibilité de la catégorie, bien plus
que les phénomènes identificatoires essentiellement réactifs aux conditions
symboliques et matérielles imposées.

Il ne faudrait pas, au terme de cet article, qu'on se méprenne sur le point de


vue exposé ici. Alertée par le constat d'un fossé théorique et disciplinaire propre au
contexte français, nous avons fait l'hypothèse que, au-delà des réticences idéologiques,
ce sont les carences et la faiblesse conceptuelle de la sociologie de l'immigration qui
découragent et empêchent les passerelles possibles avec la question du racisme. La
perspective des relations inter-ethniques permet au contraire de penser les relations
raciales avec des concepts et un cadre théorique commun adéquats : quelques concepts
et processus ont été rappelés dans cette optique. Mais cette parenté théorique ne justifie
pas la confusion des relations inter-ethniques et des relations raciales. La distinction
reste d'autant plus pertinente et imperative que les acteurs sociaux, créatifs et novateurs
dans ce domaine comme dans d'autres, s'en jouent.

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136 Hélène BERTHELEU

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RESUME - ABSTRACT - RESUMEN 138

L'étude des relations inter-ethniques et du racisme en France

Hélène BERTHELEU

Les chercheurs français qui étudient les migrations et les relations inter-ethniques,
peuvent constater le peu d'articulation de leurs travaux avec ceux réalisés autour du thème du
racisme. On a là deux objets, deux traditions disciplinaires qui, avec leurs références théoriques
et leurs problématiques différentes se sont développés séparément. Ces deux champs de
recherche n'ont pas acquis la même maturité : tandis que les travaux sur le racisme donnent lieu
à de nombreux essais théoriques, la sociologie des relations inter-ethniques reste trop souvent
prisonnière d'une définition spontanée et idéologique. Aussi est-il important de rappeler ce qui
constitue la perspective et l'objet propre de ce domaine. On s'aperçoit alors que la sociologie du
racisme et celle des relations inter-ethniques ont une importante parenté théorique (les deux
renvoient à un même processus de catégorisation et, par ailleurs, se défendent du même
essentialisme) même s'il convient de maintenir une distinction entre relations inter-ethniques et
relations raciales. Les processus à l'oeuvre dans la construction sociale de la race et dans celle de
l'ethnicité ne sont pas les mêmes et doivent être distingués sous peine d'une imprudente
banalisation du racisme et d'une méconnaissance des ressorts complexes de l'ethnicité.

The Study of Interethnic Relations and Racism in France

Hélène BERTHELEU

French scientists who are studying migrations and interethnic relations, have noticed
the lack of link between their works and those focused on racism. There are, in fact, two
academic traditions which have lead to develop their own theories and problematic. These two
fields have not the same state of full maturation.
The sociology of interethnic relation uses to often definitions coming from common
knowledge and ideology whereas studies on racism present many theoretical essays. Therefore, it
seems very important to remind the specificity's of these two fields.
We can notice that sociology of racism and sociology of interethnic relation have the
same theoretical background, both deal with the same categorisation process and both reject
essentialism. However, it is important to maintain a distinction between interethnic relations and
racial relations.
The processes involved in the social construction of race and the social construction of
ethnicity are distinct. A lack of differentiation between them could lead to a dangerous
"banalization" of racism and a misunderstanding of the complexity of ethnicity.

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Etude des relations inter-ethniques et du racisme en France 139

El estudio de las relaciones inter-étnicas y del racismo en Francia

Hélène BERTHELEU

Los investigadores franceses que estudian las migraciones y las relaciones inter-étnicas
pueden verificar la escasa articulaciôn de sus trabajos con los realizados en torno al tema del
racismo. He ahi dos objetos, dos tradiciones disciplinarias que, con sus referencias teôricas y sus
problemâticas diferentes, se han desarrollado por separado. Esos dos campos de investigation no
han adquirido la misma madurez : mientras que los trabajos sobre el racismo dan pie a
numerosos ensayos teôricos, la sociologîa de las relaciones inter-étnicas sigue, demasiado a
menudo, prisionera de una definiciôn espontânea e ideolôgica. Por fin, es importante recordar lo
que constituye la perspectiva y el objeto propio de este tema. Se observa entonces que la
sociologîa del racismo y la de las relaciones inter-étnicas tienen un importante parentezco teôrico
(las dos aluden al mismo proceso de categorizaciôn y, por otra parte, se defienden contra el
mismo esencialismo) aunque sea conveniente mantener una distinciôn entre relaciones inter-
étnicas y relaciones raciales. Los procesos que obran en la construcciôn social de la raza y en la
de la etnicidad no son los mismos y deben distinguirse so pena de una imprudente
"trivializaciôn" del racismo y de un desconocimiento de los resortes complejos de la etnicidad.

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