Passions de |’étre et affect d’ex-sister
Temploi du terme de passion pour évoquer le lien qu’Alex a entretenu tout un temps
avec le eu ne convient pas. Ca rest pas une passion mais un calcul, dont est attendu qu'il
réordonne l'ex-sistence. Si le sujet de Pinconscient se présente d'abord dans la dimension
du manque-3-étre les manifestations de sa passion (Vamour, a haine ou mémeLighorance)
lui laissene Vespoir de parvenir, peu ou prou, a se cramponner a un horizon de [tre Ce
Pourquoi Lacan a pu désigner ces trois affects comme autant de passions de l'étre.
En revanche, la mise en place des conditions appliquées au jeu vise a combattre non
seulement Pabsence de réponse de 'Autre mais surtout sa facticité. Lardeur redoublee 2
faire du jen un symptéme, un ce qui ne cese pas, est un effort pour persévérer dans Petre.
Cest un combat, certes bien inutile, contre ce que Lacan en est venu a désigner dans
«RS. », comme « affect d'ex-sister »*. La mention de cet affect vient renouveler le role
essentiel dans la clinique de la culpabilité comme réponse apportée & linexistence de
Autre. La conséquence se formule dela fagon suivante : [Autre nexstant pas, il ne me
reste quit prendre la faute sur Je.
Tun-toutseul est de nos jours convie& partager la croyance selon laquelle une présence
au monde pourrait sassurer contre l'imprévu selon les procédures d'un calcul généralisé
Gan'est pas tant une défense contre ennui ou la peur de la mort ~ comme on a tendanes
Ale penser— que la maniére dont se manifeste Paffect @’ex-siter aujourd hui, Si Pangoisse
& toujours été un moyen daccts au réel en ce quelle signale ce qui vient obturer le manque
du désir, la douleur d'exister ~ dont la culpabilité est le nom — pourrait bien savérer tree
Taffec de l'un-tout-seul,lorsquil se voit condamné & devoir prendre en charge le réc,
2 Lacan J, Le Séminaire, lve 2X, « RSL» egon du 21 janvier 1975, indie,
3. Toca + Subvenion da sje et dleiqe du desi dansinconcetfeuden Er Pt, eu, 1966p. 820,
DE LA MOROSITE AU BLUES
Omaira Meseguer
“est un état récurrent de morbsité qui la conduit & teprendre une analyse. Etre
une humeur morose lui colle la peau depuis 'adolescence. Marie voulait
continuer de rencontrer un analyste du fait de ce sentiment qui Penvahit et la
pétrifie. Elle connait par cccur cette sensation d’inappétence vitale, dangoisse
silencieuse qui la ronge. Tout a démarré par une anorexie & la puberté. Brillante aleve,
Pianiste disciplinée, petite fille irréprochable, Maric est restée enfermée pendant de
Tongues années dans la restriction alimentaire, Une certaine austérité fait trace de cette
Omaira Meseguer est psychanalyste, membre de I'Ecole de la Cause feudienne,
134période révolue, grace, dit-elle, I’éloignement de son milieu familial. Marie, aujour-
d’hui Agée de trente-deux ans, est résolument dans le contréle ; elle donne a son état la
couleur d'une « grisaille permanente ».
Les séances comme fil rouge
Avant de venir me rencontrer, elle avait entamé un travail avec une analyste avant
que celle-ci ne parte & 'étranger, C'est elle qui lui a donné mes coordonnées. Marie a
repris les entretiens immédiatement, sans intervalle, le changement de personne n’étant
pour elle qu’un détail. Ce qui primait était le temps et la continuité des séances. Un fil
rouge dans sa vie, qui l'aide a tenir.
Le travail analytique préalable lui avait permis de « se forger un tuteur », expression.
qui lui ese chere. « Avant j'étais comme une plante sans tuteur, une grande plante verte
qui ne renait pas debout. » Grice cette premiére tranche d’analyse, Marie a réussi 4 sériger
et & sortir d'une jouissance dévastatrice. Les bienfaits thérapeutiques sont indéniables. Fle
nfest plus dans le ravage qui sévissait alors. Elle a trouvé dans le métier de comédienne
une maniére pacifiée de supporter le regard et de donner une consistance & son corps. De
surcroit, elle y a trouvé une nomination. Cependant, Marie n’attive pas vraiment &
habiter cette place.
Clinique du vide
Un point précis est au coeur de sa difficulté de comédienne, quelle nomme « le vide
des sentiments ». Elle sait travailler sans répit, mais sil s'agit de « puiser dans les affects »
pour donner une étoffe aux personnages, elle rencontre un trou. Marie s'acharne &
resentir des émotions. Chaque audition, chaque nouveau réle constitue pour elle un enfer.
Nous avons pris ce vide de sentiments comme un signe clinique. Plus Marie cherche
a ressentir des émotions, plus sa morosité gagne en puissance. Dans son article « Gai
savoir et triste vérité »!, Serge Cottet souligne importance de la distinction entre clinique
du manque et clinique du vide. Marie est confrontée au vide et non au manque, la moro-
sité érant le signe discret de sa psychose. « En réalité, cette clinique du vide, qui inclut
le vide des sentiments, note S, Cottet, n'est ni plus ni moins que la clinique de la psychose
et notamment de la psychose mélancolique. »?
Cresta la lumitre de cette distinction entre manque et vide que nous avons pu extraire
Ia logique infernale qui conduit la patiente dans I'« eau nauséabonde et glauque »’ des
tristes de LEnfér tel que Dante les dépeint. Lorsqu’clle se confronte & ce vide des senti-
ments, Marie devient morose, s'accusant alors de son incapacité & avoir des sentiments.
En faute de sentiments, si l'on peut dire, elle est captive de cette logique infernale.
Morosité, vide et accusation sont ainsi articulés.
1. Cower S. « Gai savoir et eistesse», La Cause freudienne, n° 35, fever 1997, p. 33.
2. Ibid, p.34.
3. Regnault, F« Passions dantesques » La Cause freudienne n° 58, octobre 2004, p. 129.
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