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Abstract
This essay attempts to verify the coherence of the chapter of the Phenomenology of Mind entitled « Independence and
Dependence of Self-consciousness ». The problem of the articulation of the phenomenological development of self-
consciousness with the dialectic of domination and of servitude amounts to examining the becoming of self-consciousness
which passes through recognition. The author here applies himself to unfolding the structural stages of this becoming.
Résumé
Le présent essai tente de vérifier la cohérence du chapitre de la Phénoménologie de l'esprit intitulé « Indépendance et
dépendance de la conscience de soi ». Le problème de l'articulation du développement phénoménologique de la conscience de
soi avec la dialectique de domination et de servitude revient à examiner le devenir de la conscience de soi qui passe par la
reconnaissance. L'auteur s'attache ici à déployer les moments structurels de ce devenir.
Klein Ytshaq. Conscience de soi et reconnaissance. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 73, n°18,
1975. pp. 294-303;
doi : https://doi.org/10.3406/phlou.1975.5838
https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1975_num_73_18_5838
(*) R. Haym, Hegel und seine Zeit, Berlin, Gaertner, 1857, p. 243.
(2) Hegel, Phénoménologie de Vesprit, trad. Hyppolite, Paris, Aubier-Montaigne,
tome 1, pp. 155-166.
(3) Ibid, p. 155.
(4) Ibid., p. 158.
(5) A. Kojève, Introduction à la lecture de Hegel, Paris, Gallimard, 1947.
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(6) Cf. G.A. Kelly, Notes on Hegel's « Lordship and bondage », The Review of
Metaphysics, juin 1966, pp. 780-802.
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2. « Conscience » et « Objet ».
conscience de soi est toujours une espèce de conscience. Ceci veut dire
qu'il y a «objet» distingué du sujet, qu'il y a rapport à un autre.
Étant une espèce de conscience, la conscience de soi ne saurait abolir la
différence entre sujet et objet. La conscience de soi ne doit pas être
conçue comme identité absolue et immédiate. On connaît la critique
de Hegel envers la philosophie schellingienne de l'identité. La
neutralisation de toute différence entre sujet et objet — la recherche du point
de vue de l'indifférence — nous mènera à la « nuit où toutes les vaches
sont noires ». Hegel, lui, est prêt à accorder à la conscience toute son
importance.
Au demeurant, aussi longtemps que la « conscience » n'est pas
dépassée, il n'y a pas conscience de soi. Être uniquement conscience,
c'est faire abstraction du « voir » de la conscience. La différence entre
le « voir » et le « vu » y est posée comme totale. Pour qu'il y ait
conscience de soi, ce hiatus doit être comblé. C'est la conscience de soi qui
doit devenir son propre objet, objet qui doit être saisi comme soi-même.
Il est évident que la conscience de soi implique une contradiction :
elle est conscience et ne l'est pas à la fois. La conscience ne saurait
demeurer dans la conscience de soi que comme « surpassée » (aufge-
hoben). Les notions de «conscience» et d'« objet» doivent être
refondues, être et ne pas être ce qu'elles ont été (8).
1. La conscience doit devenir objet. Or, être objet, c'est être-pour-
un-autre. Pour devenir conscience de soi, la conscience doit donc
devenir être-pour-un-autre. Bien entendu, par ce fait elle n'aboutit
pas encore à la conscience de soi, car elle n'est pas encore pour-soi.
Pourtant, il est indispensable que la conscience s'incarne dans son
opposé, que le « voir » devienne « vu ».
Cette objectivation de la conscience se produit dans la figure du
Serviteur. La signification de celui-ci est la constitution de la
conscience comme être-pour-un-autre. Dans le Service, il existe pour le
Maître. Dans le Travail, il se présente à soi-même comme n'étant pas
conscience.
Pourtant, en reconnaissant le maître comme maître, le serviteur
est la conscience du maître. C'est donc le maître qui est pour lui, non
pas lui pour le maître. En se voulant objet, la conscience redevient
sujet.
2. La transformation de Yobjet doit être inverse. Afin d'être
reconnu, l'objet doit se manifester comme n'étant pas objet (9). Une
conscience de soi ne saurait être reconnue qu'à condition de pouvoir
montrer objectivement qu'elle n'est pas objet. La conscience de soi ne
peut devenir son propre « objet » que par le truchement d'une action
négatrice.
Un être qui s'engage dans une pareille action négatrice en vue de
la conscience de soi est un être historique. L'historicité est donc l'une
des conditions de la conscience de soi. Un objet naturel peut être
seulement connu, non pas reconnu. Pour être reconnu — finalement,
pour se retrouver comme conscience de soi — il faut se nier en tant que
nature. C'est dans l'histoire que l'objet s'avère comme sujet, comme
esprit.
La reconnaissance n'est donc pas un phénomène uniquement
théorique. Il ne consiste pas dans un pur rapport — un « regard », s'il
en fût — entre deux consciences. On n'arrive à reconnaître autrui ni
par pure observation empirique, ni par raisonnement. L'accès à autrui
— et à soi-même — implique toujours un élément pratique.
C'est avec le maître que démarre ce processus de révélation de
l'objet comme sujet. Un nouvel élément est intervenu grâce au maître,
celui de la Négation. Le maître est devenu tel grâce à son détachement
de son propre être, qu'il s'agisse de son corps, de son monde ambiant,
de ses instincts vitaux ou de sa nature. La négation est dirigée contre
la vie. Le maître ne poursuit pas la vie, comme tous les êtres naturels,
mais la mort, la mort de soi-même et d'autrui (10).
Cependant, la négation du maître est une négation abstraite. Or,
une véritable négation doit être, d'après Hegel, de nature concrète,
quitte à se convertir en son contraire. Et, en fait, une telle conversion
s'est produite dans la conscience du maître. La conscience du maître
ne comporte la négativité qu'en soi, non pas pour soi. Le maître
n'aboutit nullement à la conscience de soi, bien que ce soit son seul but.
Seule la conscience du serviteur le conçoit comme maître.
Le maître poursuit la mort. Or, par la mort, il est transformé
définitivement en chose. La vie et la conscience de soi — ses deux
possibilités — disparaissent avec la mort. Mourir c'est devenir pure
chose, pur être-pour-autrui (u). Achille mort n'est plus Achille vivant ;
désormais il n'est que pour Ulysse ou bien pour Homère et ses lecteurs.
(9) Ibid., p. 159.
(10) Ibid., pp. 159-160.
(u) Ibid., p. 160.
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4. Identité et Différence.
Ce rapport étroit entre conscience de soi et reconnaissance est
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(12) Pour Fichte, cf. Dieter H enrich, Fichtes urspriïngliche Einsicht, Frankfurt
a. M., Klostermann, 1967.
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