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1 Cette communication, qui comportait trois parties, a été présentée dans le cadre du
Congrès de la SCER en mai 1980. Elle s’inscrit à l’intérieur d’une recherche qui a débuté à
l’automne 1979 et qui porte sur la problématique Mariage-Famille dans des groupes
d’inspiration chrétienne du Québec.
2 Voir à ce sujet la bibliographie publiée par Marc Chabot dans le Bulletin de la Société de
Philosophie du Québec 5/2 (1979), 41-58.
a Au paLéolithique et au niolithique
On sait qu’au paleolithique, apr6s une migration asiatique, des statuettes
f6minines ayant des traits accentu6s de maternité sont introduites en
Europe orientale et occidentale. Bien qu’a partir du n6olithique les em-
blèmes phalliques aient ete plus repandus, le principe matemel incarne par
la d6esse-m6re garde la premi6re place en Asie occidentale, en Cr6te et en
Eg6ide. Le dieu masculin demeure donc subordonn6 a la d6esse-m~re. En
Egypte, 1’on trouvera des 1’epoque pr6-dynastique, des V6nus st6a-
topyges. Dans la premi6re Troie (3000-2750 avant notre ere), les fouilles ont
revele un bas-relief repr6sentant la Grande-D6esse.
La Crete deviendra vers 1’an 4000 avant notre ere, le berceau occiden-
tal du culte de la D6esse-m6re. Elle est Terre-m~re, montagne, mer,
maitresse des arbres ou des betes sauvages. La d6esse-m6re devient, dans
les repr6sentations minoennes, la personnification tres claire du principe
f6minin qui regoit un culte ou 1’on c6l6bre a la fois sa maternité et sa
virginite.
b Dans les civilisations du Proche-Orient ancien
La Mesopotamie va donner a la d6esse-vierge une place pr6dominante: elle
a quoi sert son corps ni a quoi sert le corps de 1’homme, et tout appelle
1’homme.... La virginite est donc un 6tat r6serv6 a ceux qui veulent mener
7
un combat contre eux-mêmes pour trouver la paix de Dieu. »7
Cette demière idee n’est pas nouvelle, les philosophes grecs et, en
particulier, les Pythagoriciens l’avaient souvent propos6e a ceux qui cher-
chaient la sagesse.
Le Traite de la virginité de Grégoire de Nysse est de tous le plus
c6l6bre. A son avis, c’est la virginite qui purifie le mieux les imes et il
ecrit:« La source de l’incorruptibilit6, N.S.J.C. lui-meme, n’est pas entr6
dans ce monde par un mariage, afin de montrer par le mode de son
incarnation ce grand mystere, que seule la puret6 est capable d’accueillir
Dieu quand il se pr6sente pour entrer ... » (i 1, 2).
Donc, la puret6 est la condition indispensable a la familiarite de
1’homme avec Dieu: ce qui nous permet de conclure que Marie a pu
engendrer Dieu seulement parce que vierge et chaste. La virginite permet
7 Basile d’Ancyre, De Vera virginitate, dans J.-P. Migne (éd.), Patrologia Graeca (Paris,
1857-1887), vol. 30, 669-810.
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aussi a qui la respecte de mener des ici-bas une vie supra-terrestre. Tels
furent les grands arguments d’ordre spirituel utilis6s par Gr6goire de
Nysse. Ce dernier voulut toutefois en proposer d’autres qui soient plus
convaincants et plus persuasifs pour des personnes aux prises avec des
soucis plus terre a terre.
Ainsi pour Gr6goire de Nysse, meme les mariages les plus heureux
sont pleins de peines et se vivent dans la hantise de la mort. Nous avons ici
encore, sous-jacente, l’id6e de mort li6e a celle de mariage. Or, le mariage
est g6n6ralement lie a l’id6e d’impuret6. Il y a, dit-il, les dangers de
1’accouchement-ceci était tres exact pour 1’epoque-les soucis de
1’education des enfants, les tribulations des jeunes veuves, etc. Le c6libat
consacr6 libère de tous ces maux et permet a celles qui l’ adoptent de
traverser la vie sans s’y attacher. Penchons-nous sur un passage exem-
plaire : « La virginite corporelle a 6t6 conrue a notre avantage afin de ...
tion contre les forces de la mort et leur purete, un retour a 1’etat primordial.
Ne pouvons-nous pas, sans nous tromper, mettre en parall6le les qualit6s
des Vierges-m6res et ce que les P~res demandaient et promettaient aux
vierges chr6tiennes ?
Des la fin du premier si6cle apr6s le Christ, il y avait eu des asc6tes et
des vierges qui se vouaient a Dieu et menaient une vie de chastet6 dans leur
famille ou dans des lieux isoles. Le Traitg de la virginité de Jean Chrysos-
tome est lie au grand mouvement monachiste du quatri6me siecle. Dans ce
trait6, saint Jean Chrysostome 6crit qu’il n’est pas 6tonnant que les Juifs
qui avaient trait6 avec ignominie le Christ lui-m~me, ne d’une vierge, se
refusent aussi a considerer les beaut6s de la virginite (I,1). Le meme auteur
donne cette definition de la vierge: « Pour ma part, j’appelle vierge celle
qui, ayant toute libert6 de se marier, s’y est refus6e » (x1,1). Et il ajoutait,
en parlant des vierges, ces propos: « si elles ne peuvent encore monter au
Ciel comme des Anges, car la chair les retient, du moins ont-elles d6s
ici-bas la grande consolation de recevoir le Maitre des Dieux en personne,
quand elles sont saintes de corps et d’esprit » (xI,1).
Le renoncement des vierges n’est pas, pense-t-il, improductif.
D’abord, elles sont 6pouses du Christ et ensuite leur 6tat est proche de celui
des Anges. Leur abn6gation sera bien r6compensee car, dit saint Jean-
Chrysostome : « Aux vierges de l’Eglise des biens magnifiques s’offriront
en foule, inaccessibles a 1’oreille, a 1’oeil, a 1’entendement humain »(XI, 1).
11 fera, par contre, un tableau horrifique du mariage et donnera la
raison de son m6pris pour cet 6tat: « Vois-tu quelle fut l’origine du
mariage ? 11 est la consequence de la desobeissance, de la malediction, de la
mort. Of est la mort la est le mariage: 6tez l’un et l’autre disparait. Tandis
que la virginite n’a pas cette escorte » (xII,6).
Si nous r6sumons les id6es 6nonc6es dans ces textes, nous voyons que
la d6sob6issance d’Adam et d’Eve leur a fait perdre leur purete, ce qui a
entrain6 pour eux la mort. Ceci nous permet de presenter les chaines
s6mantiques suivantes: d’une part, virginite puret6 immortalite et
= =
saint Ambroise et saint J6rbme. Les P6res latins ont subi 1’influence de la
pens6e des P~res grecs. Saint Ambroise a 6t6 appel6 le Docteur de la
Virginite: il lui a consacre cinq ecrits, trois livres sur la vierge, un trait6 de la
virginite et le dernier sur 1’6ducation d’une vierge et sur la perp6tuelle
virginite de la Vierge Marie. Pour lui, Marie est le modele des vierges.
Quelles 6taient ses qualites ? La candeur, Fhumilite, la douceur, la gravite
et la docilite. Marie était bonne pour tous, sans jalousie, travailleuse,
ob6issante a ses parents, modeste, pleine de decence, charitable et surtout
chaste. L’6num6ration est fort classique et bien famili6re aux oreilles
feminines. Elle priait sans cesse, ne sortait que pour aller au temple et avait
une d6marche pleine de pudeur. Elle était attentive a tout ce qu’elle faisait
comme si elle avait ete expos6e aux yeux de plusieurs censeurs. On devine
ais6ment que les censeurs n’etaient guère des femmes.
Marie est donc le prototype parfait de la vierge pure et f6conde,
soumise a la bont6 divine. En ceci, la vierge chr6tienne differe de la
Vierge-m6re qui avait l’initiative et n’6tait pas soumise a la volont6 du
dieu-male. L’attitude de saint Ambroise est paternaliste mais il ne fut
peut-etre pas aussi excessif que d’autres Pères de I’Eglise même s’il a, lui
aussi, c6d6 ~ la tentation de faire du mariage un tableau repoussant.
Mettons a son actif cette remarque: « Souvent nous accusons la femme
d’avoir ete la cause de notre perte et nous ne voyons pas qu’il serait
beaucoup plus juste de nous faire le reproche a nous-m~mes ».9
L’on retrouve souvent sous la plume de saint Ambroise l’id6e de
fecondite de la virginit6, fecondite mystique:
Demandez a I’Eglise d’Alexandrie, a celle d’Orient et 4 celle d’Afrique combien, chaque
annee, elles consacrent de vierges. Nous avons ici moins de naissances que ces Eglises n’ont
de cons6crations de vierges. L’exp6rience universelle prouve donc que la virginite n’est pas
inutile, d’autant plus que c’est d’une vierge qu’est venu le salut, pour la fecondite du monde
romain (de Virg., 36).
Conclusion
Cette analyse nous conduit a ne pas souscrire sans restriction a l’opinion
g6n6ralement avanc6e que le christianisme a oeuvre a la promotion de la
femme. Les 6crits qui font autorit6 dans 1’Eglise sont toujours de la main
des hommes. La pens6e des P6res, si fr6quemment pleine d’6motivit6 et
meme d’irrationalite quand il s’agit de la femme, trahit leur desir d’annihiler
sa puissance. La femme n’est pas une egale, on la sublimise ou bien on la
II L’enseignement de Vatican II
C’est donc en tant que M6re et toujours Vierge que la constitution dogma-
tique reconnait le role preeminent de Marie dans 1’Eglise et en fait le mod6le
de tous les chretiens, hommes et femmes. C’est la soumission, l’ob6issance
de Marie qui est avant tout exalt6e.
En acquiescant... a la divine parole, Marie fille d’Adam, est devenue M6re de Jesus, de plein
coeur, sans etre entrav6e par aucun peche, elle a embrass6 la volont6 salvatrice de Dieu et
s’est consacr6e totalement comme « Servante du Seigneur à la personne et a l’oeuvre de son
Fils, elle s’est vou6e, en sa dependance et avec lui, par la grace de Dieu Tout-Puissant au
mystere de la R6demption .17
Reprenant un parall6le maintes fois utilise par les P6res grecs, le
document conciliaire oppose l’ob6issance de Marie a la d6sob6issance
d’Eve. « La Mort par Eve, la vie par Marie ».18 Pour expliciter le role que
I’Eglise reconnait a Marie dans Feconomic du salut, la constitution dogma-
tique fait d’ailleurs usage de termes fort significatifs: « La Bienheureuse
Vierge fut, sur cette terre, par dessein de la Divine Providence, la bonne
...
Mere du Divin R6dempteur. (Elle fut) singulièrement plus que les autres,
I’associ6e g6n6reuse, et F humble servante du Seigneur »,19
C’est la fonction de « mere dans l’ordre de la grace » que le texte
conciliaire s’applique a mettre en evidence en d6crivant comment « de
mani6re tout a fait unique, par l’ob6issance, la foi, 1’esperance et par une
ardente charite, (Marie) a coopere a l’oeuvre du Sauveur et comment par
son matemel amour (elle continue de prendre) soin des fr6res de son Fils
encore en p6lerinage, ballot6s par les angoisses et les dangers >).20
Le texte rappelle 6videmment le caract6re « subordonn6 » de cette
fonction. Marie est le prototype de la cr6ature soumise a son Cr6ateur. Elle
est le prototype de 1’Eglise, appel6e aussi « M6re et Vierge ». Or, c’est « en
croyant et en obeissant ... qu’elle engendra sur la terre le Fils m~me du
P~re, et cela sans contact d’homme, ~ l’ombre de 1’Esprit-Saint, comme
1’Eve nouvelle, qui donne, non plus a 1’antique serpent, mais au messager
de Dieu, une foi que nul doute »21 ne peut alterer.
C’est pourquoi le Concile invite tous les fideles « a reconnaitre 1’excel-
lence de la M6re de Dieu », a t6moigner un « amour filial » envers Marie et
a imiter ses vertus. Pour les P~res de Vatican ii, rien ne semble plus naturel
en effet que cette image de la perfection feminine, toute bonte, maternite,
puret6, douceur,
soumission. Comme le Christ, homme-Dieu, la Vierge-
Marie, M6re de Dieu, rallie les contraires, resout les contradictions et
d6montre que pour Dieu rien n’est impossible.
Mais, comme le souligne avec raison Marina Warner,22 le mythe de
Marie Vierge et Mere, a la diff6rence du mythe de Jesus homme-Dieu, est
imm6diatement traduit en termes moraux. Pour imiter Marie, les femmes
devraient avoir des enfants sans connaitre les rapports sexuels. Cette
contradiction est typique de la doctrine catholique qui proclame la beaute
de la matemité mais recommande le renoncement sous la forme de la
virginite. Marina Warner y voit lh une faron de maintenir dans 1’Eglise un
pouvoir male incontest6 et incontestable.
La survie du mythe de Marie, Vierge et Mere, explicite la f6ministe
americaine, perp6tue en effet une conception mysogine du sexe et du p6ch6
et se pr6sente comme une fagon subtile de nier 1’egalite des sexes. La
Vierge-Marie, conclut-elle, ne saurait etre I’arch6type de la nature
feminine. Sa figure est davantage le r6sultat d’un raisonnement dynamique
de 1’Eglise catholique sur des structures sociales traditionnellement as-
simil6es a un code donn6 par Dieu.
3 Survie ou riappropriation d’un mythe ?
Il est clair que les P6res de Vatican ii, tout en affrmant le role pr66minent de
Marie dans 1’Eglise, ont tente de ramener a des proportions plus modestes,
un culte qui, dans les ann6es ’50, avait pris une importance accrue dans la
pi6t6 populaire. Serait-ce que les catholiques auraient eu tendance a faire
de Marie une M~re-d6esse ?
Le document conciliaire invite, tout au moins, « les th6ologiens et les
pr6dicateurs de la Parole divine a s’abstenir de toute superf6tation indue
comme des exc6s d’une mentalit6 restrictive lorsqu’ils traitent de la singu-
li6re dignit6 de la Theotokos » .23 En resituant, en fonction du Myst6re du
Christ et de 1’Eglise, le role exerce par Marie dans 1’6conomie du salut,
Vatican m ram6ne le culte marial a des dimensions plus acceptables pour
une religion de type patriarcal.
Nous nous trouvons de nouveau devant un discours male, un discours
de pouvoir, qui situe Marie comme 6tant « au premier plan, parmi les
humbles et les pauvres du Seigneur qui attendent et reroivent de lui le salut,
avec confiance ».24 Car c’est en raison de son ob6issance, de sa soumission
que Marie « reroit la charge et la dignit6 supr~mes d’etre la M6re du Fils de
Dieu et, en consequence, (la) fille de pr6dilection du P6re et (le) sanctuaire
de 1’ Esprit-Saint » .25
Ne voulant pas « proposer au sujet de Marie un expose doctrinal
complet, ni trancher les questions que le travail des th6ologiens n’a pas
encore compl6tement 6lucid6es »,26 le document conciliaire reprend, en les
situant par rapport a la vision chr6tienne du salut, des donn6es caract6ris-
22 Cf. Marina Warner,
Alone of All her Sex: The Myth and the Cult of the Virgin Mary (New
York: Alfred A. Knopf, 1976), 333-39.
23 Lumen Gentium, par. 67.
24 Ibid., par. 55.
25 Ibid., par. 53.
26 Ibid., par. 54.
411
En 6vacuant ce qui pouvait ~tre menarant dans les mythes des d6esses-
m6res et en les r6interpr6tant dans les perspectives propres a la tradition
jud6o-chr6tienne, la constitution dogmatique Lumen Gentium con- « »
Evolution de la fecondite,
province de Quibec, 1926-1973
soit d’abord au foyer ... une femme epouse et mere qui, sous pr6texte
d’independance, d’6galit6 de carriere quitterait la maison tous les matins
pour aller gagner un salaire, fait tort a elle-meme, a son foyer, a toute la
societe ».47
Les femmes qui n’optaient pas pour la vocation d’epouse et de mere
entraient nombreuses dans les communaut6s religieuses. Entre 1940 et
1950, il y avait au Qu6bec une religieuse pour cent onze catholiques, soit
probablement la proportion la plus 6lev6e de tout le monde catholique. 48
Ces femmes se conformaient d’autant mieux au modèle de la Vierge Marie
qu’elles devenaient des « r6v6rendes m6res » et des 6pouses du Christ tout
en restant vierges.
2 Culte marial et mariologie
En ces temps-1h, le culte marial va atteindre des sommets jamais egales. En
juin 1947, le Congr6s Marial d’Ottawa r6unira pendand cinq jours et cinq
nuits des milliers de personnes qui venaient se placer sous la protection de
la M6re des hommes ». L’ann6e mariale en 1954 sera marqu6e par des
«
TABLEAU 2
Les 6crits sur Marie se distinguent des autres 6crits par leur caract6re
po6tique. Tout en 6crivant a partir de themes qui rendent compte du
myst6re de Marie, le r6dacteur privil6gie la voie de 1’emotion, des senti-
ments plut6t que celle de la rationalite, pour communiquer son savoir sur
Marie: connaissance amoureuse ou le locuteur permet a son imaginaire de
s’6merveiller sur un objet qu’il est en train de fabriquer. Chaque 6nonc6
sert a d6montrer la diff6rence de Marie d’avec les autres femmes et 1’en-
semble du genre humain. Elle est la tout autre, la sans pareille. Sa force, sa
puret6, sa beaute la distinguent des autres femmes. Elle est dispensatrice
de vie, de lumiere. « La tres Sainte Vierge brille de puret6 dans son ime et
dans son corps, ses mains, ses levres, ses regards, ses gestes, sa sensibilite,
son coeur et son intelligence, tout cela, chez elle, baigne comme dans un
ocean de lumière »,54 nous dit le P6re Barab6.
A cette mere incomparable on veut opposer la mauvaise mere. Marie
concue sans p6ch6 a son antagoniste: Eve, celle par qui le mal est arrive sur
terre. Les modeles feminins se cristallisent dans deux poles contraires.
Cette cristallisation a eu pour effet d’obliger les femmes a choisir l’un ou
I’autre camp. Le recit du drame d’Aurore 1’enfant martyre a permis de
r6v6ler la mauvaise mere dans toute son horreur.
A Marie, la Mere de tous les vivants, s’oppose Melanie, la belle-m6re
d’Aurore qui n’a jamais donn6 la vie. Quand la Vierge a pour principale
fonction dêtre M6diatrice entre Dieu et les hommes, Melanie s’applique à
bousiller la relation d’Aurore avec son p6re. Marie projette l’image de la
« mere inlassable dans sa tendresse et sa
générosité »,55 Mélanie celle de la
femme 6galement inlassable mais dans son g6nie d’inventer de nouvelles
tortures pour 1’enfant. Alors que Marie est d6crite comme « un jardin aux
mille beaut6s »,56 celle qui a ramass6 « tous les plus beaux traits de
1’Homme-Dieu »,57 devant qui s’efface les « splendeurs de la terre et du
ciel »,s8 Melanie pr6sente un portrait repoussant, presque diabolique. Elle
est « autoritaire, cat6gorique »,59 avec un « sourire enjoleur qui montre ses
dents pointues comme des crocs »,60 elle a des « petits yeux noirs, infini-
ment cruels »,sl un app6tit animal, etc. Elle incarne a proprement parler le
mal.
Marie a donn6 la vie a un Dieu, Melanie met a mort une image de Dieu,
une enfant martyre. La Vierge a pris place au ciel, tandis que Melanie se
retrouve dans la g6henne des hommes, la prison.
Cette s6rie d’oppositions ne rend 6videmment pas compte de tout le
contenu des deux oeuvres mais elle indique comment, a un moment pr6cis
de 1’histoire, soit les ann6es 50, ont pu s’affirmer deux mod6les anti-
th6tiques de femmes: la creation de l’un suscitant la naissance de 1’autre.
Le mythe de la Vierge M6re secr6tant son antith6se, celui de la mauvaise
54 Barabé, Marie Notre Mère, 75.
55 Ibid., 208.
56 Ibid., 123.
57 Ibid., 125.
58 Ibid., 126.
59 Tessier, Le drame d’Aurore, 13.
60 Ibid., 19.
61 Ibid., 27.
418
M6re, 1’Eve des premiers temps. Comme le souligne a juste titre Marie
Couillard, ces arch6types d6finissent la femme non en fonction d’elle-
«
naire des m6res au service du « pouvoir male dominateur ». Il (faut) voir en quoi ce rote
r6pond aux latences bio-symboliques de la matemité et, a partir de li, essayer de comprendre
comment, le mythe de la Vierge ne les subsumant pas ou plus, leur d6ferlement expose des
masse f6minines aux manipulations les plus redoutables.ee