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« Chrétien et moderne » de Philippe

d’Iribarne
Dominique Greiner, le 09/06/2016 à 8h57

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ESSAI. La rencontre entre le christianisme et la culture moderne peut se


révéler profitable pour les deux, à condition que l’un et l’autre renoncent au
fantasme de la toute-puissance.

ZOOM

Jour de soldes au centre commercial Val d’Europe (Seine-et-Marne) / Julie


Guiches/Picturetank

• Chrétien et moderne, Philippe d’Iribarne Gallimard, 240 p., 20 euros

Est-il possible de dépasser le contentieux entre le christianisme et la


modernité ? Oui, estime Philippe d’Iribarne, observateur de longue date des
mouvements culturels, et depuis longtemps convaincu que la religion
chrétienne a encore un rôle à jouer dans le monde moderne.

Modernité et christianisme n’ont pas à être renvoyés dos à dos. Tous les deux
doivent convenir que leur histoire et leur sort sont intimement liés. Ils ne
peuvent faire autrement que de continuer à avancer de concert, dans un
rapport critique réciproque.

C’est donc dans un double travail de discernement, parfois ardu, que Philippe
d’Iribarne entraîne le lecteur, pour évaluer les failles du projet moderne d’une
part, et les infidélités de la tradition chrétienne à son propre message d’autre
part.

Concernant le projet moderne, le constat s’impose d’un échec puisqu’il n’a


pas débouché sur le monde meilleur promis et n’a pas réussi, en dépit de sa
prétention universelle, à prendre racine sur une bonne partie de la planète.

D’où vient la faille ? De ce que l’idéal d’une société nouvelle a été élaboré sur
une conception abstraite de l’homme, sans lieu, sans condition, sans
enracinement. « Sa mise en œuvre ne suppose aucun prérequis concernant la
culture ou la religion de ceux qu’il s’agit de faire vivre ensemble », écrit
d’Iribarne.

Mais c’est déjà avoir perdu de vue qu’un tel projet est apparu dans un contexte
chrétien qui a contribué à la création d’un environnement culturel favorable
aux revendications des libertés démocratiques et « à la possibilité de les vivre
sans que la société se déchire ».

C’est là que le christianisme peut venir au secours de la modernité en


manifestant par ses manières de vivre qu’il n’y a pas de corps politique sans
corps social : la vie passe par des « rencontres réelles entre des personnes
concrètes » ; la fraternité n’est pas seulement une valeur mais une pratique qui
fait « plonger dans la complexité des rapports entre le fonctionnement social
et l’être intérieur des membres de la société ».

De même, le regard que le christianisme porte sur « ceux qui ne sont pas à la
hauteur de la figure de l’homme pleinement émancipé » doit pousser la
modernité à reprendre à bras-le-corps la question de la pauvreté en des termes
autres que l’accomplissement de l’homme radicalement autonome.

Mais le dépassement du contentieux entre christianisme et modernité passe


aussi par l’examen de conscience du monde chrétien. Tandis que le projet
intellectuel de la modernité a cru pouvoir se développer « hors sol », le
christianisme, observe Philippe d’Iribarne, a été tenté de se barricader derrière
« un rempart de certitude », élaborant « un système conceptuel dont chaque
fidèle n’aurait qu’à proclamer qu’il y adhère pour être avec certitude dans la
lumière ».

Cette volonté de maîtriser le monde par la pensée, de « mettre Dieu en


formule », est pourtant loin de l’exigence évangélique d’humilité.

C’est là que le geste critique moderne peut aider le christianisme à être


pleinement lui-même. La modernité lui a permis de renouveler son approche
des Écritures, mais ce travail critique, estime Philippe d’Iribarne,« a besoin
d’être repris, courageusement, à propos des enseignements du magistère, des
dogmes, en faisant là aussi la part de ce que en quoi ils ouvrent au message
du Christ et ce en quoi, constructions humaines marquées par une époque,
une culture, un désir de certitude, ils sont plutôt un obstacle dans l’accès à ce
message ».

Philippe d’Iribarne ne cache pas que cette exigence critique peut se révéler
douloureuse pour les chrétiens. Elle l’est aussi pour ceux qui se veulent les
héritiers des Lumières. Les uns et les autres ont tout à gagner à s’interpeller et
à s’épauler mutuellement dans la promotion du bien commun, dans une
démarche dialectique plus que concurrentielle.

Dominique Greiner

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