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LA VIE DE S. PHILARETE INTRODUCTION I. Le Texte. Le texte de la Vie de S. Philaréfe a été édité pour la pre- mire fois en 1900 par M. A. A. Vasiliev d’aprés le manus- crit grec 1510 de la Bibliotheque Nationale de Paris, dans le Bulletin de U Institut archéologique russe & Constantinople (1). Quelques années auparavant, dans les Bufavcwé Xoorixd, Ch. Loparev avait déja signalé V'intérét de ce texte et en avait donné quelques extraits d’aprés le manuscrit 1594 du Mont Athos (), En 1901, G. Cugnoni publiait 4 Rome une traduction italienne de la Vie d’aprés le texte du manuscrit grec R. VII. 51 de la Bibliothéque Chigi @). Des 1913, Ch. Loparev se remettant a l'étude des textes hagiographiques des vine et 1x® siécles, commencait la publication dans les Bulavtwa Xoovnd d'une série darticles (#) qui furent éga- lement réunis en un volume (*); il y faisait part de sa dé- (1) Izvéstija russkago arheologiéeskago Instituta v Konstantinopolé, t. V (1900), p. 49-63: introduction ; p. 64-86 : texte. (2) Vizantijskij Vremennik, t. IV (1897), p. 348-352. (3) La vita € le geste del beato Filarete recate di greco in volgare, Roma, 1901. (4) Vizantijskij Vremennik, t. XVII (1910), p. 1-224; t. XVIII (1911), p. 1-147; t. XIX (1912), p. 1-151. Signalons les comptes rendus détaillés que M. L. Bréarer a donnés de ces différents ar- ticles dans le Journal des Savants de 1916 (Nouvelle série, t. XIV, p. 358-367 et 450-465) et de 1917 (Nouvelle série, t. XV, p. 13-25). (5) Greveskija zitija svjatyh VIII i 1X vékov, 1. Sovremennyja 86 M.-H. FOURMY ET M. LEROY couverte & Genes d’un manuscrit de la Vie de S. Philaréte, dont le texte, légérement différent de celui édité par M. Vasi- liev, lui paraissait meilleur ('). Et en effet, l’étude du Genuensis 34 nous a révélé un texte incontestablement plus ancien que celui du Parisinus 1510 et que — pour les raisons que nous exposerons plus loin — nous pouvons considérer comme beaucoup plus prés de Yoriginal, sinon copié sur le manuscrit méme de l’auteur. Cette circonstance nous a paru justifier une nouvelle édition de la Vie de S. Philaréte, bien que, parmi les nombreux codi- ces qui nous l’ont transmise — la liste que nous avons dressée comprend jusqu’a présent plus de quarante numéros — nous n’en ayons consulté encore qu'un petit nombre: huit, qui ont été collationnés soit sur place (ceux de Paris), soit daprés des photographies (ceux d’Italie) généreusement of- fertes par l'Institut de Philologie et d’Histoire Orientales de TUniversité Libre de Bruxelles. En voici la liste : 1) Genuensis 34 (f. 2167-236"), xr° s. @) [= G] 2) Parisinus gr. 1608 (f. 109¥-137%), x1ve s. @) [=P] 3) Parisinus gr. 1510 (f, 250-259"), xu® s, (1162) (*) [=V] 4) Palatinus 17 (f. 1349-154), x1° s. (). 5) Chisianus R. VII. 51 (f. 167°-189"), x11° s. (*) Bitija (Vies grecques de saints des VIII* et IX® siécles. I. Vies con- temporaines), Petrograd, 1914. (1) Vizantijskij Vremennik, t. XIX (1912), p. 70. (2) Avs, Ennnann, Zur Catalogisierung der kleineren Bestdnde grie- chischer Handschriften in Italien, 1. Genova (dans Centralblatt fiir Bibliothekswesen, t. X, 1893), p. 210-211. Mgr. Ehrhard voyait dans ce manuscrit une Vie de S. Philaréte le jeune (moine de Calabre mort en 1070, honoré Je 8 avril); il écrivait en effet : Die Vita in Act. SS. April. I, 605 ist davon verschieden ; c'est Loparev qui y a reconnu la Vie de Philaréte d’Amnia. (3) Hacrocnarmict Boutanpranr et H. Omon7, Catalogus cod. hag. graec. Biblioth. Nation. Parisiensis (Bruxelles et Paris, 1896), p. 278, (A) Ibid., p. 200. (5) Hactoorapatcr BoLLanpiant et Francit DE’ CAVALIERI, Ca- talogus cod. hag. graec, Biblioth. Vaticanae (Bruxelles, 1899), p. 207. (6) Catalogus cod. hag. graec. Bidlioth. Chisianae de Urbe (dans Analecta Bollandiana, t. XVI, 1897), p. 310. LA VIE DE S. PHILARETE 87 6) Parisinus suppl. gr. 162 (f. 27-60"), xiv? s. () 7) Parisinus gr. 1632 (f, 217-50"), xvi® s. (2) 8) Parisinus suppl. gr. 700 (f. 301¥-339"), xvi? s. (1630) @) Dans son édition de 1900 (*), M. Vasiliev signalait les deux manuscrits suivants (*) : 9) Londiniensis addit. 34 554 (f. 6-21"), xvi s. (°). 10) Vaticanus 1190 (f, 982-993"), xvi s. ("). ‘A ceux-la, nous ajouterons : 11) Marcianus 362 (f. 2547-270"), xu s. (1279) () 12) Holkhamiensis 90 (f. 77-96"), xv° s. (*). 13) Barberinianus V. 49 (f. 67-74"), xvu® s. () (1) Catal. cod. hag. graee. Bibl. Nat. Parisiensis, p. 327. (2) Ibid., p. 284. (3) Ibid., p. 335. 4) P. 49, 1 (5) Et deux autres encore: 1°) le manuserit 180 de Turin (Pa- swxt, Gr. 201), xmm® s.; mais il a été fortement endommagé dans Vincendie de 1904 et est devenu inutilisable; cf, Atv. SoRBELLI, Inventari dei Manoseritti delle Biblioteche a’Italia, t. XXVIII, Torino (Florence, 1922), p. 23. t 2°) un manuserit du couvent du S, Sauveur de Messine; M. Vasiliev se référait pour ce dernier 4 V'Inventaire des manuscrits [grees] du S. Sauveur de Messine, pu- blié par Mgr BatirFoL en appendice (le X*) a son ouvrage L’ Abbaye de Rossano (Paris, 1891), dont il remplit les p. 128 a 142, et oa nous voyons figurer dans le codex 149 une Vita sancti Philaretis [sic] misericordis (p. 142); mais cet inventaire est celui qui fut dressé en 1563 par le P. Francesco di Napoli; or, dans le t. XXIII (1904) des Analecta Bollandiana, p. 19-75, le P. H. DELEHAYE a publié un Catalogus cod. hag. grave, monasterii S. Salvatoris nune Biblioth. Universitatis Messanensis ; parmi ces manuscrits, qui ne sont plus qu’au nombre de 97 (il y en avait 150 dans ’inventaire du P. Fran- cesco) ne figure plus le codex correspondant au n° 149 de Batiffol. (6) C. VAN DE Vorst et H. DeLuave, Catalogus cod. hag. graec. Germaniae, Belgii, Angliae (Bruxelles, 1913), p. 272. (7) Catal. cod. hag. graee, Bibl. Vaticanae, p, 112, (8) H. Drtenave, Catalogus cod. hag. graec. Biblioth, D. Marci Venetiarum (dans Analecta Bollandiana, t. XXIV, 1905), p. 196. (9) H. DeLEHAYE, Calalogus cod. hag. graee. Biblioth. Comitis de Leicester Holkhamiae in Anglia (dans Analecta Bollandiana, t. XXV, 1906), p. 462. (10) Catalogus cod. hag. graec. Biblioth. Barberinianae de Urbe (dans Analecta Bollandiana, t. XIX, 1900), p. 104. 88 M.-H. FOURMY ET M. LEROY et enfin 14) & 42) les manuscrits du mont Athos catalo- gués par Lambros () sous les numéros : 14) 2121, x1ve s, 15) 1594, xve s. (%), 16) & 18) 1601, 3173, 3223, xvi° s. 19) a 41) 743, 1146, 1347, 1620, 2163, 2508, 2787, 2801 (), 2805, 3666, 3696, 3757, 3764, 3794, 3825, 3833, 4517, 4589, 4597, 4808, 5009, 6054, 6320, xvit* s. 42) 401, xvin® s, Remarquons encore que pour les n°# 9 & 14, les indications sommaires données par les catalogues nous permettent d’af- firmer qu’ils ne renferment pas le texte que nous considérons comme le plus ancien ; il en est de méme pour les n®* 1620 et 3794 du Mont Athos ainsi que pour le n° 1594 (); quant aux autres, leur date tardive (un seul du x1v° s., trois du xvie s,, les autres des xviit ou xvimt® s.) (®) nous permet de croire que leur déchiffrement n’apportera rien de nouveau pour I'établissement du texte. Pour compléter la documentation, citons encore des ver- sions russes remontant au xve siécle, signalées dés 1879 par V. Vasilievskij (*), mais qui, d’aprés M. Vasiliev (’), présen- tent de nombreuses déformations et lacunes. Notons enfin que la notice du ‘Ie décembre consacrée & Philaréte par les Ménées et le Synaraire de Constantinople donne un détail nouveau (*) : la mére du saint homme se serait (1) Sp. Lamsnos, Catalogue of the greek manuscripts on Mount Athos, 2 vol., Cambridge, 1895-1900. (2) Signalé par Loparev en 1897; ef. p. 85, n. 2. (3) Signalé également par M. Vasiliev. (4) Grace a la description de Loparev. (5) Le manuscrit du xii* s. Lambros n° 3083 ne nous parait figurer que par erreur I’Jndex sous le nom de @+ddgetos ; en voici en effet le titre: Tos dotov natedc judy DeAjyovos, Vine.: “Eleyor xegl Tob GPfa Didtpovos r05 dvazwontod bre xabeioger éavrdy..., et le des. : undév 16 nagdnay Laldy 6 dvtws giddcogos dvzig. (6) Materialy dlja vnutrennej istorii vizantijskago gosudarstva (Matériaux pour Vhistoire intérieure de Uempire byzantin), dans Zurnal ministerstoa narodnago prosviscenija (Journal du ministére de Vinstruction publique), t. CCII (Saint-Pétersbourg, 1879), p. 163. (2) P. 50 et n. 3 de son édition. (8) Ménée de décembre, ed. Bantu, Kout. (Venise, 1843), p. LA VIE DE S. PHILARETE 89 appelée Anne ; mais nous soupgonnons 1a le résultat d’une con- fusion due a une lecture trop rapide du texte par les compila- tours ; en effet, une citation biblique du début de la Vie (115, 25-28) est mise dans la bouche de « la prophétesse Anne ». Le reste des notices de ces deux recueils ainsi que celle du Ménologe de Basile () sont des résumés sans intérét faits en termes si généraux qu’il n’est pas possible de déterminer exactement quels éléments ont été a la base de leur rédac- tion ; aucun de ces textes, en tout cas, ne présente le nom de Yauteur de la Vie, Nicétas @). L’examen des 8 manuscrits que nous avons collationnés nous a permis de les répartir dans les 4 groupes suivants : I. Genuensis 34 (G) et Parisinus gr. 1608 (P). Ils re- produisent le méme texte avec des divergences de peu d’im- portance; méme les variantes purement orthographiques sont trés rares ; par contre les mémes corruptions y apparais- sent : 113, 8 ixaeic pour inzou ; 127,3 74 nedixdBalda pour v4 te dixdfadda ; 137, 6 éorw pour elvat; 149,7 nérua pour xaou, etc G, plus ancien que P, n’a pas pu étre copié sur ce dernier ; reste done 4 déterminer si les deux manuscrits dérivent d'un modéle commun ou si P est copié sur G. C'est a cette der- nigre hypothése que nous nous rallierons en nous basant sur les remarques suivantes : 117, 20 G écrit edzagiotowtog mais la boucle supérieure du ov (8) est trés faiblement dessinée : le copiste de P Y’a lu comme un simple o et écrit edzagratortos. 119, 10 G avait écrit Bows ; la deuxiéme boucle du « (w), en- core trés apparente, a été grattée pour effectuer la correction en Boos; Pa Bows. Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae, ed. H. DELEWAYE (Pro- pylaeum ad Acta Sanctorum Novembris, Bruxelles, 1902), col. 269, 28 — 270, 33. — Il en est de méme des Synazaires néo-grecs de Mareuntus (3° éd., 1656), p. 114” - 115", et Nicopame, t. 1 (Za- eynthe, 1865), p. 314. (1) A la date du 2 décembre (Patr. gr., t. CXVI, col.1888-c) ; pour cette date, cf. p. 96, n. 3. (2) Méme remarque pour la longue notice du Synaraire en gree moderne de Douxaxis, décembre (Athénes, 1896), p. 7-18. 90 M.-H. FOURMY ET M, LEROY 127, Let 6 G avait écrit éyramatérror et dyvoulov qui plus tard, furent corrigés au-dessus de la ligne en ddvovuca- Zévcww et Advovulov ; P écrit dyrapcatdyrwr et dyroutov. Ilsensuit que P a été copié sur G non encore corrigé ; quant aux quelques petites lacunes de P par rapport a G, elles s’expliquent aisément par Vinattention du copiste: 115, 5 ; 129, 3; 133, 17; 135, 32; 139, 11; 145, 4; 147, 26; 161, 15-16. Il. Parisinus gr. 1510 (V). D’une facon générale, nous pouvons dire que V suit fidélement, quant au sens, le texte de GP, mais que par contre, il le reproduit trés librement en ce qui concerne la forme; en outre, V offre un plus et un moins qui, l'un et Vautre, sont d’un trés grand intérét. 1°) Ditférences dans la forme. 1] est rare qu'une phrase de GP soit reproduite mot pour mot par V; presque tou- jours, lordre des termes est changé ; la séparation des phra- ses en propositions est modifiée ; des solécismes sont corri- gés, des vulgarismes évités; bref, il y a chez V un effort pour donner de la Vie une édition plus correcte. Particulié- rement intéressante est l’élimination de mots difficiles ou rares que le copiste de V n'a pas compris ou a trouvés trop obscurs ; ainsi xgopdcedda (113,8) est remplacé par Sangeola, Bovlndla (115, 34) par déuadec, AvxoBdravos (123, 27) par éAAd- Bogos, oxedatc (131,23) par oxovdij, xovdde (133, 32) par pi 906, odBovgos (135, 10 et 13) par £906, «suse 3 Eqvedo (121, 17) est supprimé de méme que aga péav (133, 23) ; xdaxuvov (131, 25), bien connu pourtant depuis I'Antiquité, est expli- qué par 18 oxetoc & & tev cirov éowlater, etc....... 2) Ce que V a de plus que GP. a) Le prologue (113, 13-20). I est assez surprenant que le texte de GP commence ex abrupto le récit de la vie du saint : «Ily avait au pays des Paphlagoniens un homme du nom de Philaréte......... » en faisant violence & une régle constante en hagiographie,-qui veut que toute Vie débute par un pro- logue ot auteur — en phrases le plus souvent stéréotypées — aprés avoir adressé une priére & Dieu, fait 'encomion du saint, détaille ses sources, affirme sa sincérité et exhorte le lecteur a profiter des enseignements de son héros. Le texte de V, lui, commence, selon la coutume, par une introduction LA VIE DE S. PHILARETE 91 assez bréve rédigée en termes banals. Doit-on considérer ce prologue comme faisant partie du texte primitif et croire qu'il ait accidentellement disparu du texte 1? La réponse ne semble pas devoir étre affirmative ; car la premiere phrase du texte de GP, parfaitement conforme A certaines lois littéraires, est bien dans la note de débuts de romans par exemple ; elle ne se présente pas non plus comme la suite d’un prologue éventuel avec lequel on ne voit pas bien la liaison ; en effet, V a da re- faire entre le prologue et le texte une liaison artificielle en in- troduisant comme transition un détail emprunté au corps du récit (135, 31-32) et qui n'est ici qu’un dédoublement inutile (). L’on remarquera aussi que les renseignements habituelle- ment fournis dans le prologue ont été introduits par ’ha- giographe dans le texte méme dela Vie (165, 19-31) : Nicétas, Yauteur, indique ses sources, proteste de la vérité de ses di- res et exhorte les lecteurs A se rendre dignes des vertus du saint. Enfin, s'il est normal que des copistes aient ajouté un prologue dans un esprit traditionaliste, le fait contraire est peu vraisemblable. b) Mention de Staurakios (143, 5 et 14). Lorsque les candi- dates au titre d’impératrice arrivent au palais, elles sont pas- sées en revue par Iréne et son fils Constantin ; le texte de V signale en plus, comme membre du jury, le patrice Staura- kios qui nous est bien connu par la chronique. Il n’est guére concevable qu’un détail historiquement aussi précis et aussi exact ait été introduit tardivement par un remanieur ; par con- tre, un copiste désireux de rehausser et d’ennoblir la figure d'Iréne a pu supprimer la mention du personnage assez équivoque que fut Staurakios (*). ©) Age de Philaréte (159, 33-37). Aprés le récit des derniers instants du saint, V ajoute qu’il était agé de quatre-vingt- dix ans. d) Date de Venterrement du saint (161,27-28). Ici encore, un détail précis est ajouté par V: les funérailles se sont dé- roulées le 2 décembre. Rattacher directement ces additions c et d au texte pri- (1) Voici en effet le texte de V correspondant & la premiére ligne de celui de GP (113, 4): "Ev 19 ta» Haphaydvor xadoq, xdun th éore Aeyouéyn “Auvera, tehoboa wal dtaxcipérn ind Téyyoay thy pytos- nol. "Ev ratty fy tic dvhe todvoua Diddgetos x72... (2) Cf. p. 102-103, 92 MH. FOURMY ET M. LEROY mitif serait peut-étre plus hasardé, car on peut supposer que, Philaréte ayant un culte, ces détails ont été introduits dans la Vie par un copiste soucieux de précision. 3°) Ge que V a en moins que GP. V a délibérément et systématiquement supprimé partout le nom de Nicétas, auteur de la Vie, ainsi que ce qui se rapporte A lui, c’est-a- dire : a) dans Je tableau généalogique de la famille de Philaréte (141, 16-29), le nom de Nicétas n’apparait pas; cette sup- pression a d’ailleurs entrainé un tel remaniement que de ce catalogue onomastique, il ne reste que quelques bribes. b) Scéne des adiewx (153, 1 - 159, 26): sur son lit de mort, Philardte adresse la parole A chacun de ses enfants ; les pré- dictions particuligrement prolixes et chaleureuses faites & Nicétas (155, 32 - 159, 9) sont supprimées. ©) Le songe (161, 29 - 165, 18). Philaréte mort apparait en songe A son petit fils Nicétas ; ici V a conservé histoire de la vision, mais il I’a placée dans la bouche « d’un des pro- ches parents de Philaréte » qui le raconte «sous la foi du serment ». d) L’auteur (165, 19-31). Nicétas raconte brigvement sa propre vie et donne la date et le lieu de composition de son ceuvre : tout ce paragraphe est éliminé du texte de V. De plus, nous avons la preuve que le copiste de V avait sous les yeux un texte complet ott les mentions de Nicétas étaient 4 leur place comme dans GP. Il s’agit de la scéne des adieux ; Philaréte se fait amener ses petits-fils et prédit A chacun leur destinée ; on fait d’abord approcher Y'ainé rév mgwréroxoy adtos Bégda (155, 12), puis le deuxiéme rév devzegor E’ord®.v (155, 17); cest ensuite Nicétas, le troisiéme tév zolrov Nemjrav (155, 32), et enfin le quatriéme rév réragor (157, 2). Or V, reproduisant le méme épisode, parle d’abord du premier petit-fils tév par mp@rov vide, puis du deuxiéme rov 8¢ dedtegov maida, et écrit ensuite: dpolwc xal rd¥ révagtoy. Le copiste a supprimé le troisiéme, Nicétas, mais a oublié de corriger réragtov en relrov. La simple lecture de la Vie suggérera l’explication de cet ostracisme dont fait constamment preuve le texte de V en- vers Nicétas. En effet, si Yon trouve parfois dans la Vie de Philaréfe des détails montrant chez le saint une opinion LA VIE DE S, PHILARETE 93 de soi et un souci de se survivre qui ne sont pas précisément de Vhumilité chrétienne (par exemple 147, 14; 153, 19-22; 157, 24-26), par contre l'on peut dire que V’hagiographe y étale un orgueil, naif peut-étre, mais presque provocant. Le lecteur qui vient d’entendre Philaréte célébrer les vertus extraordinaires et prophétiser la brillante carriére du petit- fils préféré Nicétas (157, 11- 159, 9), qui a été ensuite temoin de la grace toute particuliére dont bénéficie ce méme Nicétas en voyant en songe son bienheureux grand-pére (161, 29-165, 18), nest pas peu surpris de lire tout a coup: « Ce Nicétas, c'est moi........... » (165, 19). Rien d’étonnant des lors qu'un copiste, outré de la suffisance de l'auteur et craignant que la Vie ne devienne I'apologie de Nicétas tout autant que I'éloge de Philaréte, ait délibérément biffé partout le nom de Nicétas et supprimé tout ce qui y avait trait ; s'il a conservé la vision, c'est probablement que histoire lui a paru jolie, mais il a eu soin de la rendre impersonnelle en la mettant dans la bou- che « d'un parent du saint », Les manuscrits suivants formant les groupes III et IV nous fournissent un nouvel exemple de ces remaniements si fréquents dans les textes hagiographiques. Ill. Palatinus 17, Chisianus R. VIL 51 et Parisinus suppl. gr. 162. Le Palatinus, le plus ancien, présente un texte plus complet que le Chisianus ot se trouvent d’impor- tantes lacunes, et 1a ou ils différent, nous voyons le Parisinus se rattacher tantot 4 l'un, tantét A l'autre. De facon générale, le texte de ces trois manuscrits est la métaphrase d’une ver- sion similaire au texte II (), car il posséde les mémes carac- ristiques que V, mais, suivant les procédés chers aux arran- geurs, la Vie a été remaniée de bout en bout et traduite en un langage plus orné et gonflé de rhétorique. Le tableau généalogique a cette fois completement disparu, et, ce qui en ce sens constitue un progrés, le réragroy inattendu a été rem- placé par relzov. IV. Enfin le quatriéme groupe, formé par les Parisini (1) Pal, (x1° s.), plus ancien que V (x1 s.) ne peut en étre dérivé, 94 M.-H. FOURMY ET M, LEROY gr. 1632 et suppl. gr. 700, fournit de notre Vie une version néo-grecque présentant les mémes caractéristiques que le texte III; le suppl. gr. 700 a une particularité intéressante : du fol. 333” au fol. 338%, le texte retourne brusquement au grec byzantin : pour combler une lacune du modéle néo-grec, le copiste a intercalé quelques pages d'un manuscrit appa- renté au texte III. En conclusion, seuls les manuscrits des groupes I et II nous intéressent et nous laisserons délibérément de cété les remaniements des groupes III et IV. PG et V sont des textes trés voisins, mais V qui est une recension grammaticalement améliorée du premier groupe, n’a pu étre copié sur lui puisqu’il renferme des détails pro- pres. Les recensions I et II dérivent par conséquent d’un archétype commun qui, vu la date des codices G et V, pour- rait étre le manuscrit de l'auteur lui-méme (la Vie de Phi- laréte fut écrite en l'année 821-822) (), Cependant, entre le texte de Nicétas et V, a dd exister un intermédiaire qui a donné naissance a la troisiéme recension et de 1A & la quatriéme. Voici donc comment nous comprenons la filiation de nos manuscrits : Manuscrit original (avec le nom de Pauteur) — I | 1 (GP) x (avec le nom de auteur) (ans nom d’auteur) | I I 11 (Vv) III (Pal.—Ch.— P. 162) Iv (P. 1632 — P. 700) Incontestablement, la version GP, et par ses mentions de l'auteur, et par les caractéres de sa langue, est celle qui (1) Cf. p. 96. LA VIE DE S. PHILARETE 95 refléte le plus fidélement le texte original ; c’est done celle que nous avons prise pour base de la présente édition et que Yon trouvera imprimée ci-aprés. Par ailleurs, l'étude du texte paralléle V nous a révélé les deux particularités sui- vantes : 1°) Au point de vue de la forme, V s’écarte constamment de GP en ce sens qu’il s’efforce d’épurer la langue de la Vie de ses vulgarismes et d’en donner une version plus correcte ; dans I’impossibilité de signaler dans les notes critiques tou- tes les divergences entre les deux recensions, il edt fallu re- copier en entier le texte II sous le texte I ; nous avons renoncé A ce travail fastidieux qui ne peut offrir d’intérét que pour T’étude de la tradition des textes hagiographiques ; ceux que la question intéresse et qui voudraient comparer les deux ver- sions, pourront d’ailleurs se reporter A I’édition Vasiliev (). 2°) Par contre, l'étude de V nous a montré que certains de ses passages, inconnus de GP, ont toutes chances de re- monter au texte original; aussi avons-nous intercalé dans notre texte ces additions (b, ¢ et d) entre crochets droits ; quant au prologue (a) dont les titres 4 l’authenticité sont peu probants, nous l’avons reproduit en note (). D’autre part, nous nous sommes toujours fait une régle de reproduire scrupuleusement le texte de GP, afin de garder intact le caractére vulgaire de la langue ; ce n'est qu’aux en- droits qui nous ont paru manifestement corrompus que nous nous sommes permis quelques corrections, le plus souvent d’aprés le texte de V. L’un de nous publiera d’ailleurs dans (1) C’est pourquoi nous avons indiqué dans la marge de droite (entre parenthéses) les pages correspondantes de V’édition Vasiliev. (2) En somme, nous avons eu recours A Ja méthode suivie par M. Dawkins dans sa récente édition (1932) de la Chronique de Chy- pre de Léonce Machéras ; l’éditeur anglais se trouvait lui aussi en présence de deux manuscrits constamment différents du point de vue de la forme et dont l’un — coincidence curieuse — supprime en beaucoup d’endroits le nom de Vauteur et des membres de sa famille. M. Dawkins a adopté le texte qui reproduit le plus fidélement Voriginal (avec toutes les mentions de l’auteur), mais il a intercalé dans son édition toutes les additions données par le second ma- nuscrit ; quant aux variantes, seules sont signalées celles qui offrent une différence de sens. Voir 4 ce sujet notre compte rendu dans Byzantion, t, VILL (1933), p. 363-364, 96 ‘M.-H. FOURMY ET M. LEROY un prochain fascicule de Byzantion quelques Remarques sur la langue de la Vie de S. Philaréte, accompagnées d’un Index graecitatis (*). II. La Vie. L’auteur. — Nicétas d’Amnia, moine et hagiographe, auteur de la Vie de S. Philaréte, avait une haute opinion de lui-méme en tant qu’écrivain (157, 22-25), et il ne doutait pas, semble-t-il, que son ceuvre passat a la postérité (157, 25-26). Et cependant, de cet esprit ambitieux, nous ne sa- vons rien d’autre que ce qu'il a bien voulu dire dans la Vie ; nul autre écrit ne nous est parvenu de lui et aucun des nom- breux personnages de I’époque qui portent le méme nom ne peut étre identifié avec lui. Cependant, grace a deux dates précises, l'une fournie ici-méme : notre texte fut écrit an 6330 = 821/822 (165, 28), l'autre donnée par la chronique : le mariage de Constantin VI avec Marie d’Amnia fut célébré en novembre 788 (*), nous pouvons, en nous aidant des in- dications chronologiques de la Vie, reconstituer assez exacte- ment le curriculum vitae de notre auteur. Nicétas avait accompli vingt années de « moniage » au moment ot il composait Je panégyrique de son grand-pére (165, 23); il s‘était donc retiré du monde en 801/802; d’autre part, Phi- laréte avait vécu quatre ans encore aprés le mariage de sa petite-fille (:51, 8 et 17), et les notices des Synaxaires pré- cisent qu'il mourut le 1 décembre (*) : il s’agit done du 1° décembre 792; Nicétas dit par ailleurs que dix ans s’écoulé- rent entre la mort du saint et son entrée dans les ordres (165, 20) : on voit que cela concorde en effet. Enfin, la mort de son grand-pére, Nicétas avait environ sept ans (161, 31), d’od date de sa naissance : 785; un détail nous permet de préciser : le 17 fevrier ; il est né en effet le jour de la féte du grand (1) De meme le commentaire qui devait suivre le texte est reporté au prochain numéro (t. IX [1934], 2). (2) TufopHane, A. M, 6281 (p. 463 de Boor). (8) Bibliotheca hagiographica graeca, 1512 (2° éd. [Bruxelles, 1909], P. 211). Seul, le Ménologe de Basile fait mention de Philaréte le 2 dé- cembre (Patr. gr., t. CXVII, col.188 3) ; c’est la date donnée par notre texte (161, 28) comme jour des funérailles. LA VIE DE S, PHILARETE 97 martyr Théodore (159, 3-5) que I’on honorait le 17 février (1); il avait done pas encore tout A fait dix-huit ans (165, 22) lorsqu’il se fit moine. Lorsque Nicétas écrivait la Vie de S. Philaréte, il était en exil dans une petite ville du Péloponése, Karioupolis (165, 28- 29) ; il y a tout lieu de croire que cette disgrace était due ses sentiments iconophiles qui 'avaient probablement rendu sus- pect a Michel II. On était a l’époque de la révolte de Thomas et nous savons que l'empereur, par mesure de précaution, fit alors revenir d’Asie Mineure des moines qui auraient pu saluer en Thomas le champion des saintes images, par exemple Théodore Studite (). Nous disions plus haut que Nicétas avait nettement le sen- timent d’étre un écrivain de classe et qu’il le proclamait bien haut afin que nul n’en ignore; il n’en reste pas moins que la lecture de la Vie nous le rend assez sympathique. C’est qu’en effet, évitant V’écueil habituel du genre — la rhétorique et les développements stéréotypés — Nicétas a écrit son ceuvre avec un laisser-aller et un charme qui ne manquent pas de surprendre agréablement le lecteur. Tout autant que la sim- plicité du récit, ’'emploi de la langue vulgaire contribue & mettre en relief ses réelles qualités d’observateur et de con- teur. Dans la premiére partie de la Vie, celle qui décrit les couvres de Philaréte a la campagne (113, 4 - 135, 23), 'auteur nous pré- sente un tableau des mieux réussis de la vie provinciale au vite s.; de plus le contraste entre le caractére du mari — généreux dispensateur 4 tout venant — et celui de la femme — plus tenace parce qu’elle songe 4 l'avenir de ses enfants — est dessiné avec relief et non sans un certain humour. Il y a de Vémotion et de la tendresse dans le récit des malheurs de la pauvre femme qui doit, aprés tant d’humiliations, se résigner & nourrir ses enfants de pain emprunté au voisin et de quelques herbes sauvages; mais lorsque Théos¢bd se fache et s’emporte contre son mari qui, lui, garde le sourire — ce sourire qui l’exaspére tant — ce n’est pas sans ironie (1) Biblioth, hag. graec., 1760 sqq. (p. 249). (2) Ct. A. Vasmey, Byzance ef les Arabes, édition frangaise (sous Presse). Byzantion, IX, — 7. 98 M.-H. FOURMY ET M. LEROY que Nicétas note ses mouvements de colére ou de dépit : elle injurie, elle menace, elle s’arrache la coiffe de la tete. elle jette sur le sol les objets de ménage qu’elle a en mains....... Quoi de plus joli encore que ce passage (135, 24 - 143, 25) od Vhagiographe raconte comment « les messagers impériaux se mirent en route & travers les provinces pour décou- vrir une fiancée digne du basileus, et comment, entre les candidates 4 la main de Constantin, Iréne et son premier mi- nistre firent choix d’une jeune Arménienne, originaire du théme de Paphlagonie, Marie d’Amnia » (). Mais nous re- viendrons plus loin sur les circonstances historiques de ce premier « concours de beauté ». Nous voudrions signaler encore un des morceaux les mieux composés peut-étre dela Vie: c'est la vision (161, 29 - 165, 18) dont fut gratifié le jeune Nicétas —il avait sept ans— trois jours aprés la mort de son parrain et grand-pére dont il était le préféré (157, 29-32) ; dans ce récit oi T’émotion se méle & la fantaisie, auteur a su retrouver la fraicheur des impres- sions enfantines. Un grand propriétaire. — Philaréte, né en 702 — il avait quatre-vingt-dix ans lorsqu’il mourut en 792 (159, 34) — était un riche propriétaire foncier du bourg d’Amnia en Paphlagonie, Le biographe, avec un orgueil familial qui ne se dément pas par la suite, se plait 4 énumeérer les immenses Tichesses de son grand-pére : il possédait de nombreuses pro- priétés toutes bien irriguées; d’innombrables troupeaux étaient au paturage et il avait aussi une abondance de serfs (113,6 - 115, 2) ; de plus sa maison, dont I’extérieur imposant at- tirait les regards (135, 32-35), était 4 Vintérieur somptueusement meublée (137, 19-22 et 27-31). Toute la premiére partie de la Vie, qui dépeint la ruine graduelle du grand bienfaiteur, abonde en renseignements et en détails pittoresques — telles les récriminations des petits paysans contre les servitudes mili- taires (125, 34 - 127, 26), la lourdeur des impéts (119,3), 'apreté des créanciers (119, 3-7) — qui sont extrémement intéressants pour histoire des institutions et des murs, et M. Louis (1) Cu. Diznt, Figures byzantines, 1° série (Paris, 1906), p. 94; cf, ibid., p. 15-17, LA VIE DE S. PHILARETE 99 Bréhier a déja montré quelle précieuse contribution ils ap- portent A étude de la vie économique et politique des pro- vinces byzantines (*). . Incursions arabes. — Philaréte, nous raconte son biogra- phe, poussa si loin sa miséricorde qu’il en arriva bientot & compromettre sérieusement ses ressources, malgré les récri- minations de sa femme qui ne voyait pas sans colére se dis- perser une telle fortune en largesses plus ou moins justifies ; mais une razzia sarrasine vint aggraver le désastre, et, par ses déprédations, contribua fortement a consommer sa ruine (115, 31); la Vie nous conserve aussi le souvenir d’une levée de troupes effectuée pour repousser les Arabes; des gradés de carriére, formant le cadre, sont arrivés dans la province et ont ordonné la réunion au camp local des milices du pays ; les soldats viendront au recensement avec les chevaux et les chars (125, 34-127, 3).Et lorsque Nicétas nous dit qu’aprés la mort du saint Byzance, sa femme retourna au pays et em- ploya une partie de sa fortune & restaurer les églises détruites txé tév Legacy (165, 34), nous avons tout lieu de eroire que c’est également des mémes incursions arabes qu’il s’agit (). Tout le vine sidcle est témoin d’invasions ou de razzias ara- bes en Asie Mineure, Malgré l’échee de la grande expédition de 717 et les défaites que leur avaient infligées les empereurs Léon I’Isaurien et Constantin Copronyme, les Arabes faisaient chaque année des raids — au moins un en été — en Asie Mi- neure ; cependant les troubles qui ébranlérent l'empire arabe vers 750 et éloignerent le sige du khalifat de Damas & Bag- dad, ralentirent leur activité et les Byzantins passérent méme a Loffensive ; c’est ainsi qu’en 778, Léon IV envahit la Syrie avec une armée de 100.000 hommes ; année suivante, il repoussait victorieusement de nouvelles incursions sarra- (1) Les populations rurales au 1X® siéele daprés Vhagiographie byzantine, dans Byzantion, t. 1 (1924), p. 177-190. (2) Ul est en effet difficile de comprendre Megoay au sens propre du mot, car les derniéres invasions perses en Asie Mineure remontent au régne d’Héraclius, et dés la mort de Chosroés II (628), la déchéance militaire des Perses est complete. Il est vrai que notre texte dit vaods tovc nddat xentwxdtas (165, 33-34), mais adda est trop imprécis que pour justifier un recul de prés de deux siécles dans le temps, 100 M.-H. FOURMY ET M. LEROY sines (). Mais aussitét aprés la mort de Léon IV (780), le Khalife Mahdi (775-783) reprit la tradition des incursions annuelles, et, gn 782, une expédition de 100.000 hommes, sous les ordres de Harun, fils du Khalife, se mit en route et ravagea toute I’Asie Mineure ; une partie de l'armée, con- duite par Harun lui-meme, pénétra jusqu’a Chrysopolis tandis que 30.000 hommes arrétés en Phrygie devant Nacoleia, pro- tégeaient ses derriéres, et qu'un troisiéme troncon de l'armée sarrasine infligeait 4 Michel Lachanodrakon une cuisante défaite & Darenos en Hellespont. La trahison de Tatzatés qui livra ses troupes légéres aux Arabes acheva de semer la déroute chez les Grecs. Iréne, foreée de demander la paix, consentit a un traité assez humiliant; elle s'engageait A laisser l'armée sarrasine retourner en toute sécurité avec son butin; les prisonniers arabes étaient délivrés et une tréve de trois ans était conclue pendant laquelle le trésor impérial verserait au khalife un tribut annuel de 70.000 ou 90.000 dinars (?). Dés lors, si les Arabes continuent sans doute a (1) Pour ces événements et 1a confrontation de la chronique grec- que (surtout TH&oPHANE) avec les sources arabes, on consultera encore utilement G. Wet, Geschichte der Chalifen, t. IL (Mannheim, 1848), p. 94-117, qui donne en notes la traduction de beaucoup d'extraits ; mais d'autres chroniques, particuligrement importantes pour la période dont nous parlons, étaient restées inconnues de Weil. S'il avait Iu en manuscrit certaines parties de AL Tapant (915) dont Ta. NéLDEKE publia en 1879 (Leiden), en traduction allemande, les parties concernant les Perses et les Arabes [le texte arabe complet, édité a Leiden de 1879 a 1884 par un groupe d’orientalistes, comprend 3 vol. en 21 fascicules], il ne connaissait pas AL BaLAapuuRrI (vers 868), édité par Dr Gorse en 1866 (BELApsont, Liber expugnationum regio- num, Leiden), et dont nous avons maintenant une traduction an- glaise par P. Hirrri (AL Baapaurt, The Origins of the Islamic State, t. I [Studies in History, Economies, and Public Law, ed. by Columbia Univ., vol. LX VIII, part. I], New- York, 1916). D’ailleurs, dans un article qui traite précisément des guerres de fronti¢res entre Byzance et les Arabes de 750 a 813, Byzantines and Arabs in the lime of the early Abbasids, paru en 1900 et 1901 dans The English Historical Review, t. XV, p. 728-747 et t, XVI, p. 84-92, E. W. Brooks a pu- blié, en traduction anglaise, les fragments, se rapportant A ce sujet, des deux historiens susdits, ainsi que de la chronique de Inn Wavunt (873) et de ’ouvrage connu sous le nom de Kitab Al‘ Uyun (2° moitié du x1 s.), (2) TaeoPHaNE, A. M. 6275 (p. 457 de Boor); Au Tapant, A. H. 165 (Brooks, p. 737-738), LA VIE DE S. PHILARETE 101 faire chaque année des razzias en Asie Mineure, il faut attendre Tannée 788 pour voir une armée réguliére s’avancer en Ana- tolie et infliger, en bataille rangée, un nouveau désastre aux troupes grecques 4 Kopidnados, défilé des montagnes isauriennes entre la Cappadoce et la Cilicie (). Or, cest en 788 que Philaréte quitta Amnia pour Byzance en méme temps que sa petite-fille Marie désignée pour sa beauté comme candidate au titre d’impératrice. A ce mo- ment, il était réduit a la plus grande pauvreté (137, 3-4) ; d’autre part, la gradation du récit permet d’échelonner sur plusieurs années les différentes étapes de sa ruine. Il n’est guére raisonnable de supposer qu'entre 750 et 780, les Arabes, affaiblis & linterieur et tenus en respect par des empereurs vigilants, aient pu s'avancer si profondément en terre d’Em- pire et venir ravager les environs de Gangres; mais lincur- sion sarrasine qui mit le comble a la ruine du saint homme pourrait fort bien étre la grande expédition de 782, qui parcourut toute l’Asie Mineure, ou encore une razzia des années suivantes, alors que les Arabes, encouragés par leurs récents succes et la faiblesse d’Iréne, s’avancaient avec plus d’audace que jamais en territoire byzantin. Constantin VI et Marie d’Amnia. — Pour consolider son pouvoir, Iréne, veuve de Léon IV, avait, en 781, fiancé son fils Constantin, 4gé d’une dizaine d’années, & la fille ainée de Charlemagne, Rotrude ou Erythro. On ne sait quelles fu- rent exactement les conditions de cette alliance, mais des serments furent échangés, et l’eunuque Flissaios fut envoyé en Occident pour enseigner a la jeune princesse les lettres grecques et la culture byzantine (2). Il fut 1a-bas secondé dans sa tache par le diacre Paul, qui instruisait ceux qui accom- pagneraient la jeune fille lors de son départ pour Constanti- nople (°). (1) TaéopHane, A. M. 6281 (p. 463 de Boor). Pour le lieu, cf. Vi- dentification de M. H. Grécorre, Autour de Digénis Akritas, dans Byzantion, t. VII (1932), p. 287. (2) TuéorHane, A. M. 6274 (p. 455 de Boor); Annales Mosellani, ann. 781 (Mon. Germ. Hist., Script., t. XVI, p. 497); Eain- waRp, Vie de Charlemagne, 19 (éd. L. Halphen [Paris, 1923], p. 24). (3) Pauit er Perrr Carmina, XI, 11-12 (Mon. Germ. His Poet. t. I, p. 49). 102 M.-H, FOURMY ET M. LEROY L'imagination du jeune empereur avait paré de tous les charmes sa lointaine fiancée et il en était trés épris lorsque soudain, aprds le concile de Nicée (787), Iréne, qui s‘était réconciliée avec le parti orthodoxe et se sentait désormais assez soutenue a l’intérieur, rompit Jes fiangailles, craignant probablement que Constantin, devenu le gendre de Charle- Magne ne se révoltat contre son pouvoir tyrannique et ne fit au besoin appel & son beau-pére. Pour détourner son fils des tristes pensées que cet événement provoquait en lui, elle décida de le marier ailleurs (). C’est alors qu’elle délégua dans tous les themes de Empire des messagers chargés de recruter toutes les jolies filles, sans distinction de classe ou de fortune ; mais, pour éviter une trop grande com- pétition, Iréne avait pris soin de fixer des conditions bien précises : les envoyés, munis du « métre impérial », devaient mesurer la taille, le pied et le buste des candidates et emmener avec eux celles qui se rapprochaient le plus du « type» désiré par Impératrice. Aucune jeune fille de !Empire ne pouvait se soustraire A cet examen. Telles sont, du moins, les précisions fournies par un des plus charmants épisodes de la Vie de Philaréte (135, 24 - 143, 19) ; nous y voyons les ambassadeurs impériaux se faire recevoir dans la maison du saint homme qui, malgré son extréme déndment, peut leur offrir un festin de roi grace 4 ’'empresse- ment des habitants du village qui lui apportent discrétement tout le nécessaire. Les messagers sont frappés par la grande beauté de la famille de leur héte; il se fait qu'une des petites-filles de Philaréte, Marie, répond aux conditions re- quises. Aussitdt, toute la famille se met en route avec les envoyés impériaux et arrive 4 Byzance. Le jury chargé d’examiner les candidates comprenait, outre Iréne et Constantin, le patrice et logothéte du drome Staurakios, que notre texte appelle le bras droit des souverains (143,6) et le premier du palais (143, 14-15) ; en effet, ce person- nage, d'origine obscure, eunuque de la maison de I'Impératrice avait été, a la mort de Léon IV, appelé par Iréne aux plus grands honneurs et était en fait le maitre incontesté du palais ; cet homme qui devait tout a la faveur d’Iréne, lui resta tou- (1) Tafopuane, A. M, 6281 (p. 463 de Boor); Zonaras, XV, 10 (ed. Dindorf, t. II, p. 358, 6-15). LA VIE DE S, PHILARETE 103 jours fidélement attaché et pendant vingt ans « toujours il tomba avec elle et remonta avec elle au pouvoir » (1). Parmi les jeunes filles qui posaient leur candidature & la pourpre, ce fut Marie d’Amnia qui emporta les suffrages. Son mariage avec Constantin VI eut lieu au mois de novembre 788 (). Les Concours de Beauté. — Iréne inaugurait (°) ainsi — peut-étre par réminiscence biblique (*) — cette curieuse coutume de choisir les impératrices, qui, au 1x° siécle, allait presque devenir la régle: c'est qu’il s'agissait bien ici d'un «concours » oi seule la beauté des candidates entrait en ligne ; la famille de Marie d’Amnia n’avait en effet jamais joué de rdle politique ; c'est pourquoi d’ailleurs elle répondait sans doute au désir secret d’Iréne qui, passionnée d’autorité, n’aurait pas voulu d’une jeune fille dont l’influence aurait pu contre-balancer son pouvoir. L’exemple ’Iréne fut suivi par Nicéphore lorsqu’il voulut marier son fils Staurakios (807) ; celui-ci était faible de corps et d’esprit (*) et Nicéphore voulait lui donner une épouse physiquement parfaite ; l’élue fut méme une femme mariée, Théophano, que l'on sépara de son mari pour Tunir a Staurakios (*). Mais par la suite, (1) Cu, Diznx, Figures byzantines, 1° série (Paris, 1906), p. 88-89 ; cf. du meme, Leo IIT and the Isaurian Dynasty (717-802), dans The Cambridge Medieval History, t. 1V (Cambridge, 1923), p. 20-24. (2) TukopHane, A. M. 6281 (p. 463 de Boor). (8) Déja le mariage d’Arcadius (395) fut le résultat d’une apre lutte politique dont Eudoxie, soutenue par Eutrope, fut I’heureuse triomphatrice, en supplantant Ia fille de Rufin (Zosime, V, 2-3 [p.218- 220 Mendelssohn] ; Paitosrorce, IX, 6 [p.136 Bidez] ; Chronique Pa- schale, ann. 395. (t. I, p. 565 Bonn}. Lorsque, quelques années plus tard, l’énergique Pulchérie se mit en mesure de marier son frére Théo- dose (421), elle rechercha, parmi les jeunes filles de la noblesse, celle qui, par sa beauté incomparable et sa vertu A toute épreuve, serait digne de monter sur le tréne; Ie hasard, en amenant d’Athénes & Byzance la séduisante Athénais, rendit inutiles ses recherches (MA- LALAS, p. 352-353 Bonn). Athénienne aussi était Iréne, mariée a Léon IV en 768, mais les circonstances qui I’élevérent & 1a pourpre ne nous sont pas connues (ZONARAS, XV, 8 [éd, Dindorf, t. III, p. 353, 6-10). Ainsi done, le premier concours officiellement organisé que nous connaissions est bien celui dont Marie d’Amnia fut I’élue. (4) Esther, IL. (5) THEOPHANE, A. M. 6296 (p. 480 de Boor). (6) Ib., A. M, 6300 (p. 483 de Boor). 104 M.-H, FOURMY ET M. LEROY il semble bien que ces « concours de beauté » n’étaient de- venus qu'une formalité protocolaire destinée 4 donner plus d’éclat aux fiancailles impériales, et qu’en réalité la lauréate était désignée d’avance ; d’ailleurs les candidates appelées au concours n’étaient plus choisies dans n’importe quelle caste, mais elles étaient toujours des jeunes filles nobles. Théophile épousera la niéce d'un général des Arméniates, Théodora (821) (); l'épouse de Michel III, Eudocie, que Théodora avait choisie 4 cause de son effacement, était la fille du Décapolite (856 2) (2), et Théophano, que Basile avait imposée comme épouse @ son fils Léon (881/882), apparte- nait 4 Villustre famille des Martinaces (*). Le mariage de Léon VI et de Théophano semble avoir été la derniére mani- festation d'une si pittoresque coutume, et l'on peut supposer que V'effervescence provoquée dans I'Eglise et dans Empire par la tétragamie de Léon le Sage contribua 4 faire juger trop frivoles ces concours de beauté et provoqua leur sup- pression (*), Arichis et Evanthie. — Quant aux candidates évincées, on les consolait de leur déception soit en leur accordant de riches présents, soit en les mariant A de hauts dignitaires ; d'autres encore, qui, aprés avoir été si prés des marches du trone, auraient cru déchoir en contractant une autre alliance, (1) THfoPHANE conTINUE, p. 149 Bonn. Pour la date, ef, E. W. Brooks, The marriage of the Emperor Theophilos, dans Byzantini- sche Zeitschrift, t. X (1901), p. 540-545. (2) THEOPHANE CONTINUE, p. 72 et 354 Bonn; Vita S. Irenes, 5 (Acta Sanctorum, juillet, t. VI, p. 603, ¢). Pour la date, cf. N. Avontz, L’dge et Vorigine de Vempereur Basile I, dans Byzantion, t. VIII (1933), p. 492-493. (3) TtorHane contivs, p. 121 Bonn; Généstus, p. 70 Bonn, (4) Il n’est pas sans intérét de noter un texte des Annales regni Francorum, ann. 819, ow il est dit que Louis le Pieux choisit sa femme Judith inspectis plerisque nobilium filiabus (éd. Fr. Kunze [dans Script. rer. Germanic, in usum Schol., Hannovre, 1895], p. 150); il faut peut-étre voir 1a une compétition analogue aux concours de beauté byzantins, — Signalons enfin que de Byzance, cette coutume est passée en Russie oti nous la retrouvons amplifiée aux xvi° et xvi‘ s. ; on lira sur ce sujet de nombreux et intéressants détails dans Vouvrage (en russe) de ZABIELINE, Les coutumes domestiques du peuple russe aux XVI° et XVII° siécles, p. 211-267. LA VIE DE S. PHILARETE 105 se retiraient dans un monastére. Mais 1a ne s’arrétaient pas les largesses 4 l'occasion du mariage impérial : on s'occupait aussi de caser les membres de la famille de la nouvelle im- pératrice. La Vie de Philaréte nous apprend ainsi le mariage des deux sceurs de Marie d’Amnia ; la premiére, Myranthie, épousa un patrice du nom de Constantinakios (143, 18-20), personnage qui nous est inconnu par ailleurs; quant & la deuxiéme, Evanthie, elle fut donnée en mariage au « roi des Lombards Argousis » qui l’avait fait demander avec force présents (143, 20-25). M. Vasiliev a reconnu en cet Argousis le duc de Bénévent Arichis (1), et encore que dans ce cas notre biographe ait fait une erreur — il s’agit non pas d’Ari- chis, mais de son fils Grimoald — identification nous parait tout a fait justifiée. En effet, dans le dernier quart du vine siécle, influence franque et 'influence byzantine rivalisaient en Italie (?). En 774, Charlemagne avait supprimé le royaume lombard, mais s'il avait soumis trés étroitement les provinces du nord 4 son pouvoir, il avait laissé au sud une certaine liberté. Le duc de Bénévent, Arichis, beau-frére de l'ex-roi de Lombardie, Adelgis, qui, lui, s’était réfugié A la cour de Byzance, était en fait indépendant ; seul vestige puissant de la domina- tion lombarde en Italie, il était, pour des questions territo- tiales, l'ennemi mortel du pape. C’est celui-ci — Hadrien I — qui, en 787, décida Charles 4 marcher contre lui. Comme a ce moment Byzance et les Francs étaient unis par une al- liance que devait sceller le mariage de Constantin et d’Ery- thro, Arichis ne pouvait compter sur des secours grecs ; aus- si envoya-t-il son fils ainé Romuald assurer Charles de sa soumission. Le pape persuada Charles qu’Arichis cherchait & le tromper et le roi franc garda Romuald en otage ; Arichis envoya alors son second fils Grimoald pour demander la paix. (1) Préface de son édition (cf. p. 85, n. 1), p. 58-61. (2) Pour Vhistoire de I'Italie a cette époque et la critique des sources, voir notamment S. AweL, Papst Hadrian I. und die wellliche Herrschaft des romischen Stuhis, dans Forschungen zur deutschen Geschichte, t. I (1862), p. 453-532 ; F, Himscx, Papst Hadrian I. und das Firstenthum Benevent, ib., t. X11 (1873), p. 33-68 ; L.-M. Hant- MANN, Geschichte Italiens im Mitlelalter, t.11, 2° partie Gotha, 1903), P. 274-330; L. Hanpuen, Etudes critiques sur U Histoire de Charle- magne (Paris, 1921), p. 83. 106 M.-H, FOURMY ET M. LEROY Mais entre-temps, Charles s’était rencontré & Capoue avec les envoyés impériaux, et le résultat des négociations fut la rupture des fiangailles (), L’alliance étant done rompue entre Charles et la cour byzantine, Arichis pouvait & nouveau compter sur 'appui des Grecs. Cependant Charles se décida & traiter ; il garda prés de lui Grimoald et une douzaine de notables bénéventins ; Romuald lui préta personnellement serment de fidélité; Arichis et le reste de la population, qui s’engageaient 4 payer un tribut annuel de 7.000 sous, prétérent le méme serment aux plénipotentiaires de Char- les @). Peu aprés, meurent Romuald (le 21 juillet 787) et Ari- chis (le 26 aodt de la méme année) (*), et Grimoald devient done V’héritier du pouvoir. A ce moment Charles regoit du pape des missives qui lui dépeignent sous les plus noires cou- leurs les intentions des Bénéventins & son égard et lui con- seillent de garder Grimoald (*) ; cependant le roi franc se dé- cide & reconnaitre Grimoald comme duc de Bénévent sous la suzeraineté franque, et le renvoie dans son pays. A nouveau alors, le pape écrit A Charles pour le mettre au courant de certains faits qu’il tenait de source sire, disait-il (*) : un pré- tre de Capoue, du nom de Grégoire, lui avait confié sous serment qu’Arichis, A peine Charles avait-il quitté Capoue, avait envoyé en secret une ambassade la cour byzantine. Il avait fait offrir A 'Impératrice sa soumission, & condition que le patriciat lui soit accordé, ainsi que le gouvernement du duché de Naples ; il promettait d’introduire dans son do- maine les habitudes byzantines et particuligrement la coif- fure et le vétement ; il demandait aussi que son beau-frére Adelgis vint & son aide avec une armée pour lutter contre Charles. Sans doute faut-il considérer avec prudence ce témoignage du prétre Grégoire, car le pape ne demandait qu’a ternir la ) Cf. p. 102, (2) Annales regni Francorum, ann. 786-787 (éd. Fr. Kurze (cf. p. 104, n. 4], p. 73-77). (3) Chronicon Salernitanum, 20-21 (Mon. Germ. Hist., Script., t. TIL, p. 483). (4) Codex Carolinus, ep. 80 et 82 (Mon. Germ. Hist., Epist., t. 111 Epist. Merow. et Karol. aevi, t. I, p. 611-614 et 615-616). (5) Ibid., ep. 83 (idid., p. 616-619). LA VIE DE S, PHILARETE 107 mémoire de son mortel ennemi Arichis ; il est néanmoins cer- tain que le duc de Bénévent n’était pas défavorable a I fluence grecque ; nous voyons méme qu’il fit construire 4 Bénévent une église qu'il appela Sainte-Sophie (*). Le pape ajoutait encore qu'une ambassade grecque était arrivée en Italie peu _aprés la mort d’Arichis ; la femme de ce dernier, Adelperge, qui, avec les grands du pays, exergait provisoire- ment la régence, attendait, pour prendre une décision, le retour de son fils Grimoald, mais la réponse — on n’en pou- vait douter — serait favorable. Cependant Grimoald, une fois de retour dans son état, resta tout d’abord fidéle a Charles et lutta méme avec lui contre l'armée grecque qui avait attaqué le sud de I'Italie — campagne qui se termina par une défaite pour Byzance (788) @). M. Vasiliev faisait remarquer que la demande d’une épouse, faite par Arichis & la cour byzantine, n'est pas confirmée par la chronique et que d’ailleurs Arichis était marié. Peut- étre, ajoutait-il, est-ce pour un de ses fils qu’il fit cette de- mande. Or la question se trouve résolue par I’'Histoire lom- barde d’Erchempert qui nous apprend que Grimoald ne resta pas longtemps soumis au roi franc, mais que, par son mariage avec Wantia niéce de 'Empereur, il se rapprocha des Grecs et leva Vétendard de la révolte (789-790) (®). Cette Wantia est sans aucun doute l’Bta@éa de la Vie de Philaréte: Er- chempert se trompe en l’appelant niéce de I'Empereur : elle était la belle-seeur de Constantin VI; de son cété, notre hagiographe a confondu Grimoald avec son pére Arichis. Nest vrai que — selon I’hypothése de M. Vasiliev qui serait ainsi brillamment confirmée — Arichis lui-méme, peu avant sa mort, a pu demander pour son fils Grimoald la main d’une Grecque afin de sceller l'alliance qu’il proposait A Byzance. (1) Encuempenr, Historia Langobardorum Beneventanorum, 3 (Mon. Germ. Hist., Script. rerum Langob. et Italic. saec. VI-IX, Pp. 235-236) ; Chronica $. Benedicti (Mon, Germ. Hist., Script., t. 11 P. 201). (2) TatorHane, A. M. 6281 (p. 464 de Boor); Annales regni Fran- corum, ann. 788 (éd. Kurze [cf. p. 104, n. 4], p. 83). (3) Excuemperr (cf. supra, n. 1], 4-5 (p. 236, 1. 19-21: .... mox rebellionis jurgium initiavit, Hac etiam tempestate idem Grimoalt neptem augusti Achivorum in conjugium sumpsit nomine Wantiam). 108 M.-H, FOURMY ET M. LEROY Mais Grimoald, on I’a vu, fut d’abord fidéle a Charles et V'aida méme dans sa lutte contre les Grecs. Ce n’est qu’un an plus tard qu'il changea de camp et c’est probablement alors que Byzance, pour prix de son revirement, réalisa union projetée par Arichis. Ce que Nicétas ne dit pas. — Ces brillants mariages des petites-filles de Philaréte n’eurent malheureusement pas les suites heureuses qu’ils auraient pu faire augurer — du moins en ce qui concerne Marie et Evanthie, car, ainsi que nous Yavons dit, Constantinakios, époux de Myranthie, nous est totalement inconnu. Et nous comprenons aisément que Ni- cétas, dont nous avons déja eu plusieurs fois l'occasion de souligner le naif orgueil familial, ait passé complétement sous silence — sans méme y faire la moindre allusion — les dé- boires conjugaux de ses cousines. Constantin, en effet, n’aimait pas la femme qu’Iréne lui avait imposée, Pour oublier Erythro, loin de se rejeter dans Yamour de Marie d’Amnia, qui pourtant lui avait donné deux filles, il se consolait avec des maitresses. Or, aprés la rentrée triomphale d’Iréne au Palais Sacré en 792, Constantin s'éprit d'une de ses cubiculaires, du nom de Théodote ; la liaison dura cette fois plus longtemps et Constantin s'y accou- tuma si bien que, peu A peu, il congut le projet de répudier Marie pour épouser son amante. Ces intentions, dés qu’elles furent connues, scandalisérent le parti des dévots et soule- verent I’Eglise contre I'Empereur. Les moines, parmi les- quels les Studites se montraient particuligrement exaltés, menaient la bataille, et Taraise lui-méme, le patriarche, s'opposait énergiquement a la réalisation d'un tel projet. Mais rien n'y fit. Iréne, d’ailleurs, voyant 11 une occasion de ressaisir elle-méme le pouvoir, ne contrecarra méme pas — semble-t-il — les vues du fils qu'elle jalousait. Au mois de janvier 795, Constantin reléguait Marie 'Arménienne au couvent, et au mois de septembre de la méme année, il se trouvait un prétre complaisant du nom de Joseph pour bénir Yunion adultére de I'Empereur et de Théodote; quant a ‘Taraise, toujours opportuniste, il fermait les yeux (). (1) Tafornane, A. M. 6287 et 6288 (p. 469-470 de Boor) ; TH£o- DokE Srup., Epist., I, 181 (Patr. gr., t. XCIX, col. 1560 c-p); Ip.,

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