Documenti di Didattica
Documenti di Professioni
Documenti di Cultura
Agatha sourit à Mister Kent : son sixième sens ne l’a pas trahie ! Dans la voiture, sur
le chemin de l’aéroport, elle fait fonctionner son incroyable mémoire.
— Je crois bien qu’il y a quelqu’un de la famille aux îles Bermudes.
Dans la file d’attente pour l’enregistrement des bagages, elle retrouve la page sur
laquelle elle a noté les coordonnées de l’oncle Conrad.
— Je dois l’appeler avant le décollage !
— Nous allons bientôt embarquer, fait remarquer Mister Kent. Monsieur Larry doit
s’inquiéter…
Mais Agatha est déjà en pleine communication avec Conrad Mistery, qui lui a
répondu de l’autre côté de l’Atlantique.
Agatha et Mister Kent sont obligés de faire un effort pour ne pas éclater de rire en
retrouvant Larry. Son accoutrement ne passe pas inaperçu dans l’avion et le steward les
regarde de travers ! Larry se laisse tomber sur son siège.
— Pfff ! C’était la plus jolie fille du monde. Je me demande quand je la reverrai…
— Comment s’appelle ce nouveau coup de foudre ?
— Euh… Linda, je crois.
— En tout cas, tu devrais mettre du collyre dans ton œil. Si ça s’infecte, tu vas
vraiment souffrir.
Agatha soigne son cousin et confec-tionne un bandeau improvisé sous le regard
sournois de Watson, qui agite la queue à chaque gémissement de Larry.
— Maintenant que tu as l’air d’un féroce boucanier, partons à l’assaut du Triangle
des Bermudes !
— Vous pouvez nous donner quelques détails sur l’enquête, monsieur Larry ?
demande poliment Mister Kent.
— Je ne sais pas grand-chose. Je voulais écouter le briefing de l’école avec vous.
Larry sort son EyeNet et passe des écouteurs à ses amis. Sur l’écran apparaît alors le
buste de son professeur d’espionnage et de contre-espionnage, un
jeune homme avec une drôle de voix de perroquet.
— Bonsoir, agent LM14. Vous avez été choisi pour mener une
délicate enquête pour le compte de Ronald Murray. Savez-vous de qui
il s’agit ?
Larry arrête un instant l’enregistrement et ouvre de grands yeux.
— Je suis censé le connaître ?
— Tout le monde le connaît, répond Agatha. C’est le propriétaire
de la Murray Fresh Fish, la chaîne de restaurant spécialisée en fish
and chips, ce plat de frites et de poisson pané. Si je me souviens
bien, M. Murray est d’origine australienne et il possède une flotte de
bateaux de pêche qui sillonne les mers et les océans.
— Un gros poisson, alors, murmure Larry. Je me demande ce qu’un milliardaire a à
voir avec le Triangle des Bermudes…
— Écoutons la suite et nous le saurons, propose Agatha.
Mais la fin de l’enregistrement ne leur apprend pas grand-chose. En effet, Ronald
Murray désire garder le secret et il veut parler à l’agent de l’Eye en personne. Le
rendez-vous est fixé dans sa somptueuse villa à 9 heures le lendemain matin. C’est la
première fois qu’ils se lancent dans une mission sans aucune information…
— Mmm, réfléchit Agatha à voix haute, voilà une étrange affaire… En tout cas, nous
allons pouvoir nous rafraîchir les idées pendant le voyage et nous concentrer sur notre
destination !
— Cette fois, c’est moi qui vais ouvrir les petites cases de ma mémoire ! s’exclame
Larry. J’ai lu tout ce qui a été écrit sur le sujet. Et personne encore n’a réussi à
expliquer le célèbre mystère du Triangle des Bermudes : pourquoi des navires y
disparaissent-ils régulièrement depuis des siècles ?
Larry prend une feuille et dessine une petite carte.
— Le triangle se trouve entre les côtes de Floride, l’île de Porto Rico et l’archipel
des Bermudes, formé de plus de 300 petites îles, des atolls.
Agatha laisse son cousin exposer les théories les plus farfelues au sujet du Triangle
des Bermudes : complots, enlèvements extraterrestres, phénomènes paranormaux…
— Tu sais sans doute qui est le premier à avoir remarqué qu’il se passait des choses
bizarres dans le triangle ? demande Agatha.
— Non !
— C’est Christophe Colomb. Il a observé d’étranges lumières dans le ciel.
Larry fait une moue de désespoir.
— Tu en sais plus que le diable, ma chère Agatha.
Ils continuent à discuter quelques instants. Puis, bercés par le ronronnement de
l’avion, ils finissent par s’endormir. Ils sont encore engourdis lorsqu’ils atterrissent à
l’aéroport en pleine nuit. L’oncle Conrad, un homme jovial, athlétique et bronzé, est
déjà là pour les accueillir. Après un voyage de quelques minutes, un autobus les dépose
devant l’enseigne lumineuse du Mistery Aquaria Park. L’oncle Conrad ouvre le portail
avec un grand sourire.
— Bienvenue chez moi. Ce parc aquatique m’appartient !
— C’est magnifique ! s’exclame Agatha, émerveillée.
Elle savait que son oncle dirigeait ce parc, mais jamais elle n’aurait pu imaginer
toutes ces piscines, ces toboggans et ce yacht ancré en bord de mer. Derrière elle, Larry
bâille à s’en décrocher la mâchoire.
— Il a un ADN de marmotte, plaisante Agatha.
— Venez par ici, je vais vous présenter la star du spectacle !
Il les emmène vers un vaste bassin éclairé de l’intérieur, où nagent cinq dauphins
splendides. Agatha tend la main et, immédiatement, l’un des cétacés s’approche. Elle le
caresse et le dauphin lance un sifflement de bonheur.
— Il veut sans doute dire que tu lui plais, explique Conrad. Mais maintenant, tout le
monde au lit ! Demain, une belle journée nous attend !
Le lendemain matin, le soleil brille de mille feux. Après un délicieux petit déjeuner à
base de fruits tropicaux, Agatha et Larry expliquent à Conrad qu’ils doivent rendre
visite au célèbre milliardaire. Leur oncle est un peu surpris, car l’homme n’a pas très
bonne réputation. On l’appelle « Murray le Requin » et il est prêt à tout pour atteindre
son objectif : gagner toujours plus d’argent. C’est un chasseur d’épaves qui s’intéresse
plus aux chargements d’or et de bijoux qu’à l’histoire des navires qui reposent au fond
des océans.
En les déposant devant la villa du Requin, Conrad ajoute, inquiet :
— Je vous en prie, soyez prudents avec cet homme.
Le Requin les accueille sur la véranda. Son regard est dur comme l’acier. Il porte un
costume blanc et un élégant panama.
— Quelle équipe ! lance-t-il en les voyant. Vous êtes tous des agents en opération ?
— À part Watson, répond Agatha en souriant, vous pouvez compter sur chacun de
nous.
L’homme les fait entrer dans son bureau. Depuis les fenêtres, on aperçoit une piscine
creusée dans la roche.
— Pouvez-vous nous dire pourquoi nous sommes là ? demande Agatha sur un ton
professionnel.
— J’adore qu’on aille droit au but ! Je vais donc tout vous raconter. L’Alcazar était
un galion espagnol qui transportait de l’or raflé au Mexique au temps des
conquistadores. J’ai passé des années à le chercher car, selon certains documents,
L’Alcazar avait à son bord un précieux calendrier maya. Un disque d’or massif
d’environ un mètre de diamètre.
— D’une valeur inestimable… commente Mister Kent en caressant le chat Watson
pour qu’il se tienne tranquille.
— Comme vous dites ! J’ai finalement appris que le galion avait coulé au large des
Bermudes, et j’ai embauché le capitaine Olafsson, un vieux loup de mer qui a passé sa
vie à chercher des épaves. J’ai dépensé des sommes folles pour moderniser son navire,
La Loki. Après de longues recherches, il a finalement retrouvé la carcasse de
L’Alcazar.
Murray ménage à ses auditeurs une courte pause pour évaluer leurs réactions.
— Le calendrier a été retrouvé. Mais, ensuite, il a disparu. Voilà pourquoi j’ai
appelé l’Eye International.
— Que s’est-il passé exactement ? demande Agatha en se frottant le nez du bout de
son stylo.
— Une terrible tempête s’est abattue sur La Loki. Le capitaine m’a averti par
téléphone satellite que le calendrier maya était tombé à la mer. Mais j’ai bien peur que
ce voyou de Norvégien ne m’ait embobiné pour me voler !
— Pourquoi ça ?
— Je lui avais promis 50 % de la vente. Avec l’expérience qu’il a, je ne peux pas
croire qu’il ait laissé une simple vague emporter la plus belle affaire de sa vie !
— Si je ne m’abuse, les conventions internationales interdisent d’entrer en
possession de ce genre d’antiquités.
— Je le sais, répond Murray avec un sourire diabolique. Mais personne n’est obligé
de savoir comment le calendrier a été retrouvé. Je peux inventer n’importe quelle
histoire pour les salles de vente de Londres et de New York.
Voilà pourquoi on l’appelle le Requin ! pense Agatha.
— Bien, dit-elle. Où se trouve La Loki ?
— Elle est encore à 50 miles nautiques au sud des Bermudes. Vous trouverez sur
cette feuille les coordonnées et la liste complète de l’équipage. Naturellement, ils
étaient au courant. Mais je ne les crois pas capables de revendre un tel trésor, il faut
des réseaux, vous savez…
— Donc vous êtes certain que c’est Olafsson qui a tout manigancé ?
— Oui, et d’ailleurs j’avais placé l’un de mes hommes sur La Loki. Richie Stark,
l’ingénieur.
— Un espion… murmure Larry.
— Je dirais plutôt une police d’assurance ! plaisante Murray. En tout cas, lui aussi
est convaincu que c’est le capitaine qui a caché le disque.
— Je crois que nous avons compris la situation, dit Agatha après quelques instants.
Le regard du Requin la met mal à l’aise.
— Je voudrais juste vous poser une dernière question.
— Allez-y, mademoiselle.
— Pourquoi n’avez-vous pas mené les recherches vous-même ?
— J’ai le mal de mer ! Je ne me déplace qu’en avion ou en hélicoptère.
L’homme se lève. Pour lui, l’entretien est terminé.
— Vous pouvez prendre mon yacht, je le mets à votre disposition.
— Merci, répond Agatha en se levant à son tour. Mais nous préférons utiliser les
moyens de l’Eye International.
Une heure plus tard, ils sont à bord du yacht de Conrad. Malgré les protestations de
Larry, ils ont tout raconté à leur oncle, qui a donné une grande tape dans le dos du jeune
détective inquiet pour son enquête : « Je savais bien qu’un Mistery ne pouvait pas avoir
un ADN de marmotte ! »
— Regardez par là ! crie soudain Conrad.
Il désigne une petite crique de sable rose.
— Je n’ai jamais vu ça ! s’exclame Larry.
— C’est sans doute la magnifique « Horseshoe
Bay », explique Agatha. Ce sont les restes de très
vieux coquillages qui donnent au sable cette teinte
inhabituelle.
Conrad enclenche le pilote automatique, puis il
invite ses hôtes à descendre avec lui dans la soute
avant. Là, il actionne quelques boutons sur un clavier
électronique et les parois métalliques s’écartent,
révélant des panneaux transparents.
— Vous avez là un système unique au monde pour admirer la barrière de corail !
annonce-t-il fièrement. En fibre de verre renforcée !
Un monde silencieux s’étend devant eux, comme s’ils marchaient au fond de la mer.
Des poissons de toutes les couleurs nagent entre les coraux et se cachent dans les
algues agitées par les courants. Même Watson est fasciné. Il tend la patte dans l’espoir
d’attraper un poisson. L’oncle Conrad doit retourner à la barre et il demande à Mister
Kent de l’accompagner. Agatha et Larry restent seuls face au spectacle de l’océan.
— J’ai bien réfléchi, dit Agatha. Et si Murray se fichait de nous ? C’est peut-être lui
qui a volé le calendrier maya pour ne pas avoir à partager la recette.
— Tu as raison, murmure Larry, les yeux toujours fixés sur les profondeurs. Il n’est
pas monté à bord, mais il avait un complice sur le bateau.
— Dans ce cas, pourquoi nous donner son nom ? murmure Agatha.
Elle soupire et ajoute :
— Ça me gêne vraiment d’enquêter pour cet homme sans scrupules. Si nous
retrouvons le calendrier et que nous le lui rendons, nous serons complices d’un vol.
Larry se gratte la tête.
— Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
— Je ne sais pas encore… répond Agatha. En attendant, jetons un coup d’œil aux
dossiers !
L’équipage de La Loki est composé du capitaine, Olaf Olafsson, du contremaître
Raul Santiago, du cuisinier Dave O’Connor, du technicien Richie Stark et des
plongeuses Ramona et Ramira Sanchez, des jumelles. Grâce à son EyeNet, Larry
vérifie qu’aucun d’entre eux n’a déjà eu de problème avec la justice. Richie Stark est le
petit nouveau du groupe. C’est la première fois qu’il participait à une opération de
chasseurs d’épave.
Trois heures plus tard, ils sont en vue de La Loki, un navire océanographique couvert
d’antennes avec une sorte de treuil permettant de remonter des charges lourdes. La
coque n’est pas en très bon état.
L’oncle Conrad a reçu par radio l’autorisation d’approcher et le yacht s’accroche
doucement à La Loki. Ils sont accueillis par un homme massif, avec une barbe hirsute et
les cheveux tirés en queue de cheval. Un vrai loup de mer.
— C’est M. Murray qui nous envoie, monsieur Olafsson, lance Agatha qui a reconnu
le capitaine d’après les photos.
— Qu’est ce que ce flibustier vous a raconté ?
— Ce qui nous intéresse, c’est ce que vous avez à raconter,
réplique Agatha avec un air malicieux.
L’homme les invite à le suivre dans la cabine de pilotage.
— Nous avions remonté le calendrier, et ça n’avait pas été
facile. Il pesait au moins cent kilos ! Nous l’avions transporté à
la proue, où nous l’avions protégé sous une bâche et fixé avec
des câbles d’acier. Comme la mer devenait grosse, nous avions
décidé de remettre au lendemain les opérations de nettoyage.
Nous savions que le mauvais temps approchait, mais on ne
s’attendait pas à ça ! Des vagues de la hauteur d’un immeuble
de trois étages, par mille baleiniers !
— Qu’est-ce que vous faisiez quand la tempête a frappé ?
demande Agatha, que le langage fleuri du capitaine amuse
beaucoup.
— J’étais dans la cabine de pilotage et Ramona est venue
m’avertir d’une brèche dans la coque. O’Connor avait besoin
de mon aide.
— Vous êtes sûr que c’était Ramona et pas sa sœur ? demande Agatha.
— C’est ce qu’elle m’a dit. Je ne suis pas fichu des les reconnaître ! En tout cas,
quand je suis remonté, le calendrier avait disparu. Les câbles avaient cédé, ce qui
n’était pas très étonnant vu la force du gîte.
— Où étaient les autres membres de l’équipage ?
— Je ne sais pas exactement. Quand j’ai constaté les dégâts, Santiago était à
l’intérieur. Les jumelles aussi, elles tremblaient malgré leurs cirés dans leur cabine.
O’Connor était encore dans la soute, et Richie Stark n’avait pas bougé de son
laboratoire.
— Autre chose d’anormal ?
— Santiago m’a prévenu que l’AUV avait coulé. Ainsi que la chaloupe de
sauvetage !
— AUV ? demande Larry. C’est quoi ?
— Par mille baleiniers ! L’AUV, c’est un sigle anglais, et le petit nom de notre robot
pour la recherche sous-marine ! Vous entrez les coordonnées et il fouille lui-même le
fond de l’eau. Il est équipé pour relever toutes sortes de données. C’est Richie qui s’en
occupait. Vous voulez lui parler ?
— Nous allons le faire mais, en attendant, vous permettez que nous inspections un
peu le navire ? demande Agatha.
Son petit sourire en coin n’admet aucun refus.
La petite troupe descend sur le pont et s’approche d’un géant au crâne rasé, en train
de travailler sur le treuil. L’homme est encore plus grand que Mister Kent et sa peau
noire révèle ses origines cubaines. C’est Raul Santiago, et il les fixe d’un air peu
encourageant. Agatha lui expose la raison de leur présence à bord, et le marin réplique
aussitôt :
— La tempête est venue, la tempête est repartie.
— Nous vous serions très reconnaissants si vous nous racontiez ce que vous avez
fait à ce moment-là, demande Agatha.
— Quand ça a commencé à tanguer, j’ai fait un tour sur le pont pour vérifier que tout
était en ordre. Le calendrier en or était bien attaché. J’étais sur le point de descendre
me mettre à l’abri quand j’ai entendu le craquement…
— Quel craquement ? l’interrompt Mister Kent.
— Le treuil, répond le marin en désignant l’engin. Il a dû y avoir un coup de tonnerre
plus fort que les autres et l’AUV a coulé. J’ai entendu le bruit et, le temps que je vienne
voir, un des deux câbles métalliques avait cédé. Le choc a dû être costaud car le treuil
était plié d’un côté.
— Mais comment l’AUV a-t-il pu couler aussi facilement ? Il doit pourtant être
équipé d’un système de flotteurs, non ? demande oncle Conrad.
— Il a coulé et c’est tout, réplique Santiago. Les courants sont puissants. Votre chat,
c’est un petit malin, non ?
Watson vient de renverser un seau plein de poissons, et il se pourlèche les babines
en prévision du festin qui l’attend. Agatha demande à Mister Kent de s’occuper du
matou avant qu’il ne fasse d’autres bêtises.
— Ce que je peux vous dire, c’est que tout ça n’est pas une coïncidence, affirme
Santiago.
Agathe se frotte le bout du nez.
— Vous voulez dire que…
— C’est Yemaya.
— Qui est Yemaya ? demande Larry. Un membre de l’équipage ?
— Non, Larry, Yemaya est la déesse de la Mer dans la tradition des Caraïbes,
précise sa cousine.
— Ce qui appartient à la mer et aux dieux doit retourner à la mer et aux dieux. C’est
Yemaya qui a envoyé la tempête. Maintenant, si vous voulez bien me laisser travailler,
j’ai des choses à faire.
Agatha remarque alors que Mister Kent essaie d’attirer son attention. Watson l’a
entraîné près des grosses caisses de rangement.
— Venez voir ce câble métallique, mademoiselle.
— Un bout du câble de l’AUV, murmure Larry.
— Oui, et regarde bien : l’extrémité n’est pas effilée, mais tranchée net, remarque
Agatha.
— Ça veut dire que quelqu’un l’a fait exprès, poursuit Larry.
Ils entendent alors du bruit derrière eux. Les jumelles, en tenue de plongée,
escaladent le flanc du navire pour remonter à bord.
— Venez, dit Agatha. Personne ne doit savoir que nous avons fait cette découverte.
Le petit groupe s’approche des deux jeunes femmes aux cheveux courts. Une fois les
présentations terminées, celle qui dit s’appeler Ramira soupire :
— Alors comme ça, le Requin pense qu’il y a quelque chose de louche dans cette
histoire ?
— Si vous avez une minute, nous aimerions savoir où vous étiez pendant la tempête,
demande l’oncle Conrad en prenant un air séducteur.
— On s’était mises à l’abri, répond Ramira. On ne pouvait pas faire grand-chose : le
capitaine tenait la barre, Richie était dans son labo et O’Connor dans la soute.
— Vous n’êtes pas sorties sur le pont ?
— Moi si, répond Ramira. O’Connor était remonté pour dire qu’il y avait une brèche
et qu’il avait besoin du capitaine. J’ai proposé d’aller le chercher.
Larry lance un coup d’œil à Agatha.
— Pourtant le capitaine dit que c’est Ramona qui est venu le trouver…
— Il s’est trompé ! On se ressemble comme deux gouttes d’eau.
Une petite lumière s’allume dans la tête d’Agatha.
— Et ensuite ?
— On est restées à l’abri. Santiago est arrivé, complètement trempé, et on lui a fait
une tisane pour le réchauffer. Jusqu’à ce que le capitaine débarque en criant comme un
démon que le calendrier était tombé à la mer.
Agatha donne un coup de coude à Larry et murmure :
— Quelque chose ne colle pas dans leur version des faits. Je propose de placer les
jumelles sur la liste des suspects.
— Si vous n’avez plus besoin de nous, nous allons prendre une douche ! On doit
replonger bientôt pour fouiller l’épave. Le capitaine veut au moins récupérer les pièces
d’or et les bijoux.
Les jumelles repartent en direction de leur cabine. En passant, Ramira caresse
Watson et Ramona adresse un petit signe à Conrad, qui ronronne lui aussi comme un
chat.
— Alors Agatha, que dit ton instinct ? demande Larry.
— Il me dit que les jumelles ont menti. Et si, au lieu de rester à l’abri, elles étaient
remontées pendant la tempête ? Selon le capitaine, elles portaient leurs cirés.
— Et puis il y a cette étrange confusion entre Ramira et Ramona, n’est-ce pas ?
ajoute Larry.
L’oncle Conrad s’appuie contre le parapet et soupire :
— Deux jeunes femmes aussi belles et adorables ne peuvent pas être impliquées
dans quelque chose de louche…
— Il ne faut pas se fier aux apparences, réplique Agatha. Et nous ne devons pas
oublier les indices contre Santiago.
— C’est vrai que pour couper un câble comme celui de l’AUV, il faut un outil très
tranchant… confirme Conrad avec un frisson. Comme cette terrible machette qu’il porte
à la ceinture…
— Une machette ? demande alors une voix dans leur dos.
C’est la voix un peu éraillée d’un vieux loup de mer. Cheveux hirsutes, barbe d’une
semaine, il s’essuie les mains sur un chiffon graisseux.
— Vous voulez parler de la machette de Santiago ?
Agatha le reconnaît immédiatement : c’est l’Irlandais Dave O’Connor, le cuisinier de
La Loki.
— Alors mademoiselle, ce magnifique matou blanc a mangé votre
langue ? ricane l’homme en fumant sa pipe.
— Ma langue est à sa place, réplique Agatha. C’est sur ce bateau
qu’il manque quelque chose.
Et elle explique une nouvelle fois la raison de leur présence à
bord. O’Connor sort une petite fiole de la poche arrière de son jean.
— Si vous le permettez, je vais boire une gorgée de mon
remontant, dit-il en ingurgitant un peu d’alcool.
Puis il les guide dans le ventre du navire, jusqu’à la soute.
— C’est là que j’étais l’autre soir, pendant la tempête. Je n’avais
jamais rien vu de pareil ! Et puis nous avons sans doute heurté un
rocher, car nous avons commencé à prendre l’eau.
— Vous étiez seul ?
— J’avais ma pipe, répond l’Irlandais en souriant.
Il se racle la gorge et boit une autre rasade de son « remontant ».
— J’ai fini par remonter chercher le capitaine… Et là, je suis
tombé sur Ramona. Une belle fille, n’est-ce pas ? Bref, elle a proposé d’aller voir sur
le pont, et je suis retourné dans ma soute.
— Vous êtes sûr que c’était Ramona ? demande Larry.
— C’est ce qu’elle m’a dit. Je jure que je ne les reconnais pas, ces deux-là. Mais
Ramira aussi, c’est une belle fille, vous ne trouvez pas ?
L’oncle Conrad approuve.
— Qu’est-ce que vous avez fait quand le capitaine est arrivé ? demande Agatha.
— On a joué aux dames ! réplique O’Connor avant d’éclater de rire. Non, je
plaisante voyons !
— Combien de temps êtes-vous restés là en bas ?
— Au moins une heure. Il en faut de l’huile de coude pour réparer une coque ! Quand
j’ai vu que je m’en sortais, j’ai dit au capitaine de retourner à la barre. Et j’ai su
quelques minutes plus tard que le disque avait disparu ! Olafsson a une voix qui porte,
vous savez, et son langage est très imagé !
Mister Kent observe attentivement la coque.
— Je suppose que la brèche a été réparée.
— J’ai fini de la souder ce matin même, mon brave !
Larry, Conrad et Agatha se dirigent vers la marque encore visible sur la coque,
tandis que Mister Kent écoute poliment l’Irlandais lui vanter les mérites miraculeux de
sa boisson.
— Hum… murmure Conrad, cette brèche n’est pas si récente.
— Quoi ? chuchote Agatha. Comment ça ?
— Certaines soudures datent d’aujourd’hui, mais elles ont été ajoutées sur des
marques plus anciennes. Tu peux me croire, j’ai beaucoup navigué et je m’y connais !
— Alors, mademoiselle ? Satisfaite ? demande l’Irlandais derrière eux.
— Vous n’imaginez pas à quel point, répond Agatha
Une fois à l’air libre, elle résume la situation à Mister Kent, Larry et Conrad :
— L’histoire d’O’Connor confirme l’alibi du capitaine. Mais la brèche pourrait être
fausse. Je crois que le cuisinier aussi nous cache quelque chose.
— Il va bientôt faire nuit, soupire Larry, découragé. J’ai le sentiment qu’on
n’arrivera jamais à rien.
— Courage ! réplique Agatha. Il ne nous manque plus que le témoignage de Richie
Stark. C’est peut-être lui qui détient la clef de l’histoire !
Pendant qu’ils marchent sur le pont, Mister Kent pose une question qui laisse tous les
autres pensifs :
— Vous croyez encore que le capitaine Olafsson est coupable ?
— Pour l’instant, nous n’avons rien contre lui, résume Agatha, à part les soupçons de
Murray. Alors que tout accuse les autres membres de l’équipage !