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Recueil des lettres de Mme la

marquise de Sévigné à Mme


la comtesse de Grignan, sa
fille. Nouvelle édition
augmentée...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Sévigné, Marie de Rabutin-Chantal (1626-1696). Recueil des
lettres de Mme la marquise de Sévigné à Mme la comtesse de
Grignan, sa fille. Nouvelle édition augmentée.... 1754.

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(co)
LETTRES
D E
MADAME
DE SÉVIGNÉ.
MADAME LA COMTESSE
DE GRIGNAN, SA FILLE.
NouvelleEdition augmentée.
TOME IV.

A PARIS,
Chez ROLLIN, Quai des Augustins,
à S. Athana(e & au Palmier.

M. DCC. LIV.
Ayec Approbation & Privilège du Roi.
RECUEIL
DES LETTRES
D E
MADAME
DE SÉVIGNÉ. 1
f

LETTRE PREMIERE.
AMADAME DE GRIGNAN.
Aux Rochers, Dimanche22 Mars. 1676.

pour mes mains


rimeniraison
,:
E me porte très-bien ; mais
n'y a ni
il
jeme fers
donc de la petite personne
pour la dernière fois.
;
C'est la plus
aimable enfant du monde je ne sçais
ce que j'aurois fait fans elle. El!e me
;
littrès- bien ce que je veux
comme vous voyez; elle m'aime,
elle ccrit

:
elle est complailante ; elle sçait me
parler de Madame de Grignan enfin,
je vous prie de l'aimer sur ma parole.
La petite personne.

Je ferois tropheureuse, Madame,


si celactoit ; je crois que vous enviez
bien le bonheur que j'ai d'être auprès
de Madame votre mère. Elle voulu a
que j'aye écrit tout le bien de moi que
vous voyez; j'en fuis assez honteuse,
& très-affligée en même temps de son
départ.
Madame DESÉVIGNÉ continue.

La petite fille a vouludifeourir; &


je reviens à vous, ma chère enfant,
pour vous dire que, hormis mes mains
dont je n'espère la guérison que quand
il fera chaud, vous ne devez pas per-
moi:
dre encore l'idée que vous avez de
mon visage n'est point changé ,
mon
guères ;;
esprit & mon humeur ne le font
je fuis maigre, & j'en fuis
bien aise je marche, & je prends l'air
avec plaisir; & si l'on me veille en-
core» c'est parce que je ne puis me

je ne laide pas de dormir


que c'est une incommodité
:,
tourner dans mon lit toute feule, mais
il est vrai
& que je
la sens un peu. Mais ne faut-il pas
souffrir ce qu'il plaît à Dieu, & trou-
ver encore que je fuis bien heureuse
d'en être sortie, lorfqu'on penfequelle
bête c'est qu'un rhumatisme ? Quant

,
à la question que vous me faites, je
vous dirai le vers de Médée
C'est ainG qu'en partant je vous fais mes
adieux.

Je fuis persuadée qu'ils font faits,


& l'on dit que je vais reprendre le fil
de ma belle fanté. Je le souhaite pour
l'amour de vous, puisque vous l'aimez
tant; je ne ferai pas trop fâchée aulti
de vous plaire en cette occasion. La
bonne Princesse est venue me voir au.

eu de vos nouvelles ;
jourd'hui elle m'a demandé si j'avois
,
j'aurois bien
voulu lui présenter une réponse de
;
votre part l'oisiveté de la campagne
rend attentive à ces fortes de choses ;
j'ai rougi de ma pensée, elle en a
rougi aufli ; je voudrois qu'à cause de
l'amitié que vous avez pour moi,
vous eussiez déja payé cette dette. La
;
Princesse s'en va Mercredi, à cause de
la mort de M. de Valois & moi, je
pars Mardi pour coucher à Laval. Je
ne vous écrirai point Mercredi, n'en
soyez point en peine. Je vous écrirai
de Malicorne où je me reposerai
,
deux jours. Je commence déja à re-
gréter mon petit secrétaire. Vous
voilà assez bien instruite de ma fanté,
,
ie vous conjure de n'en être plus en
peine & de songer à la vôtre. Je fuis
ravie que le petit enfant Ce porte bien;
,
Villebrune dit qu'il vivra fort bien à
huit mois c'est-à-dire , huit lunes
passées.
Vous croyez que nous avons ici un
mauvais temps, nous avons le temps
de Provence; mais celui m'étonne,
c'est que vous ayiez le temps de Bre-

cent fois plus beau ,


tagne. Je jugeois que vous l'aviez
comme vous
croyiez que nous l'avions cent fois
plus vilain. J'ai bien profité de cette
belle faison dans la pensée que nous
, le
aurons l'hiver dans mois d'Avril
& de Mai, de forte que c'est l'hiver
que je m'en vais palier à Paris. Au
refle, si vous m'aviez vu faire la ma-
lade & la délicate dans ma robe de

des oreillers,&coëffée de nuit de;


chambre, dans ma grande chaire avec

bonne foi, vous ne reconnoîtriez pas


cette personne qui se coëffoit en
toupet, qui mettoit son busque entre
sa chair & sa chemi se, & qui ne s'af-
feyoit que sur la pointe des siéges
plians : voilà sur quoi je fuis chan-
gée. Je ne dois pas oublier de vous
dire que notre oncle de Sévigné(a)
est mort. Madame de la Fayette
commence préfqntement à hériter de
sa mère.

;
Corbinelli dit que je n'ai point
d'esprit, quand je difte & sur cela
a
;
il ne m'écrit plus. Je crois qu'il rai-
son, je trouve mon style lâche mais
soyez plus généreuse, & continuez à
me consoler de vos aimables lettres.
Je vous prie de compter les lunes
pendant votre grossesse ; si vous êtes

,
;
accouchée un jour feulement sur la
neuvième le petit vivra sinon
n'attendez point un prodige. Je pars ,

,
(«) Renauld de Sévigné mort à Port-
le 16 Mars 1676. iojetleNécroloje de
Royal
PortRayal,page Il).
Mardi, les chemins font comme ett
:
été; mais nous avons une bifequi tue
;
mes mains il me faut du chaud, les
sueurs ne font rien je me porte très.
bien du reste, & c'est une chose plai-
fante de voir une femme avec un

comme un enfant :
très-bon visage, que l'on fait manger
on s'accoutume
,
chère ;
auxincommoditez. Adieu, ma très-
continuez de m'aimer je ne
vous dis point de quelle manière vous
possedez mon cœur. ni par combien
de liens je fuis attachée à vous. J'ai

;
senti notre féparetion pendant mon
mal je pensois souvent que ce m'eût
été une grande consolation de vous

,
avoir. J'ai donné ordre pour trouver
de vos lettres à Malicorne. J'embrasse
le Comte cest-à-dire, je le prie de
m'embrasser. Je fuis entiérement à
vous, & le bon Abbé aussi, qui comp-
te & calcule depuis le matin jusqu'au
foir fans rien amasser, ta"lt cette Pro-
vince a été 4égraiffée.
LETTRE
A LAMÊ M
II. E.
A Laval, Mardi 24. Mars. 167r4o

pas aujourd'hui ,
E T pourquoi ne vouspuisque
écrirois-je
je le
puis f Je fuis partie ce matin des Ro-
chers par un chaud & un temps char-
mant. Le printemps elt ouvert dans
; :
nos bois. La petitefille a été enlevée
dès le grand matin il falloit éviter
les grands éclats de sa douleur ce font

; ;
des cris d'enfant si naturels, qu'ils en
font pitié peut-être que dans ce
moment elle danse mais depuis deux
jours elle fondoit : elle n'a pas appris
de moi à se gouverner. Il n'appartient
qu'à vous, ma très-chère, d'avoir de

,
la tendresse & du courage. Je me fuis
fort bien portée & comportée par
les chemins. La contrainte offense un

malades,:
peu mes genoux; mais en marchant
cela se paffe. Mesmains font toujours
il me semble que le chaud
les va guérir ce fera une grande joie
;
pour moi il y a bien des choies dont
j'ai une extrême envie de reprendre
l'usage. J'admire comme on s'accoû-
tume aux maux & aux incommoditez.
Qui m'auroit fait voir tout d'une vue
tout ce que j'ai souffert, je n'aurois
,
,,
jamais cru y résister & jour à jour
me voilà. Le bien bon se porte bien.
Je vous écrirai de Malicorne où je
,
trouverai vos lettres. Comptez je

;
vous prie les lunes de votre groC-
fesle c'est une ressource pour espé-

,
rer la vie du petit garçon. Que ne
vous dirois-je point ma chère en-
fant, si je vous disois tout ce que je
-

pense
dresse , & tout ce que je sens de ten-
f
pour vous

LETTRE III.
A LAMH M E.

1676. A Malicorne, Samedi 28 Mars.


c ,
'EsT une grande joie pour moi,
que de rencontrer en chemin
faisant, deux de vos lettres qui me
font toujours voir de plus en plus
votre amitié oc vos 101ns pour ma
fantc. Votre consultation en est une

,
marque, & me paroît une chose na-
turelle quand on aime la vie de quel-

,
qu'un. En récompense, je vous aver-
tis que fans miracle, le petit d'A-

;
dhémar vivra fort bien cent ans. Vous
me marquez le iy Juin nous avons
supputé les lunes jusqu'au 11 Février,
il est de deux jours dans la neuvième,
c'est aflez. Aureste, le changement
d'air & la conti nuation du beau temps,
m'ont fait un bien admirable. Si je
pouvois être ici huit jours, Madame
de Lavardin & ses foins acheve-
roient de me guérir; mais j'ai mille
affaires à Paris, & pour vous & pour
mon fils. Admirez ce contre-coup, le
mariage de Tallard empêche Viri-

mesures rompues ;
ville d'acheter le Guidon, voilà nos

,
ne trouvez-vous
point cela plaisànt c'est-à-dire
,

,
cruel ? Madame de la Baume frappe
de loi n.
Si je vais à Bourbon & que vous
y veniez, ce fera ma véritable fanté;
& pour cet hiver, l'espérance de vous
avoir, me donne la vie. Madame de
Lavardin trouve l'Altesse de Madame
;
de Tarente fans conséquence & fans
difficulté pour cette fois & ne trou-
ve point de comparairon entre Ma-
dame de Vaudemont, votre amie
très-loin de toute souveraineté &
,
,
;
la Princesse Emilie de Hefle qui en

,
fort tout droit car depuis son veu-
vage on ne lui conteste plus. Enfin ,
je ne crois point vous avoir commise
après les exemples que j'ai vus. Je
vais achever avec une autre mainque
la mienne.
En arrivant ici, Madame de La-
vardin me parla de l'Oraison funèbre
èu Fléchier. Nous la limes lire, & je
;
demandemille & mille pardons à M.
deTulle mais il me la
ci étoit au-dessus de
parut que celle-
sienne je la
,
trouve plus également belle par-tout ;
je l'écoutai avec étonnement, ne
croyant pas qu'il fût possible de dire
nouvelle:
les mêmes choses d'une manière toute
en un mot, j'en fus char-
mée. Nous avons été bien aises d'ap-
prendre par vous les nouvelles de
Messine ; vous nous avez paru origi-
nal à cause du voisinage. Quelle rage
aux Meffinois d'avoir tant d'aversion
pour les pauvres François, qui font
If aimables & si jolis !histoires
Mandez-moi

,
toujours toutes vos
ques
tragi-
& ne nous mettons point dans
la tête de craindre le contre-temps de
nos raisonnemens : c'est un mal que
à
l'éloignement cause, & quoi il faut
se résoudre tout simplement ; car si
nous voulions nous contraindre là-
dessus nous ne nous écririons plus
,
rien. Si vous ne recevez point de mes

;
lettres le prochain ordinaire, n'en
soyez point en peine je doute que je
puisse vous écrire qu'à Paris, où je
compte arriver Vendredi, bon jour,
bonne œuvre. Voici un étrange Carême
pour moi. Madame de Lavardin vous
écrit un billet, dont je ferai tenir la
réponse plus naturellement que celle
de Buffi. Le chemin que vous prenez
tous deux pour vous écrire, est fort
Ilaifant(b). Vous sçavez bien que
M.
de Coëtquen est arrivé à Paris en
même temps que M. de Chaulnes;
leur haine, &lesmémoires qu'a don-
scène,
nez Coëtquen, feroient une fortbelle
si le Roi les vouloit entendre
tous deux. On me mande aufli que
(b) Voyez la lettre I.XVI. du premier
tome des Lettres de M. de Bussi-Rabutin.
M. de Rohan a quitté le Service;
:
vous verrez que la mode
taires reviendra. Adieu ,
pour n'avoir pas été fait Brigadier
des volon-
ma chère
Comtesse,en voilà assez pour aujour-
d'hui.

LETTRE IV.
ALAMÊME.
1676, A Paris, Mercredi 8 Avril.

J Evoirfuismortifiée & triste de ne pou-


écrire je
vous tout ce que
voudrois, je commence a iounrir cet
ennui avec impatience. Je me porte

;
très-bien; le changement d'air me
fait des miracles mais mes mains
ne veulent point encore prendre part
à cette guérison. J'ai vu tous nos
amis & amies. Je garde ma chambre
& je fuivrai vos conseils je mettrai
;
,
désormais ma fanté & mes promena-
Le
)
des devant toutes choses. Che-
valier (de Grignan cause fort bien
avec moi jusqu'à onze heures, il est
très-aimable. J'ai obtenu de sa mo-
destie de me parlerde sa campagne
& nous avons repleuré M. de Tu-
,
renne. Le Maréchal de Lorges n'est-
il point trop heureux ?les dignitez,
les grands biens, & une très-jolie
femme. On l'a élevée comme devant

,
être un jour une grande Dame. La
fortune est jolie mais je ne lui par-
donne point les rudesses qu'elle a
pour nous tous.
Monsieur DE CORBINELLI.
J'arrive, Madame,&
lager cette main
je veux fou-
tremblotante; elle
reprendra la plume, quand il lui plai-
ra. Elle veut vous dire une folie de
M. d'Armagnac. Il étoit question de

:
la dispute des Princes & des Ducs
pour la Cène voici comme le Roi
l'a réglé. Immédiatement après les

;
,
& puis, M. de Vendôme ,
Princes du Sang, M. de Vermandois
a palTé; & puis toutes les Pâmes
& quel-
ques Ducs les autres Ducs & les
Princes Lorrains ayant eu permission
;
de s'en dispenser. Là-dessus M. d'Ar-
magnac ayant voulu reparler au Roi
sur cette disposition le Roi lui
,
fit comprendre qu il
lui le vouloit ainsi.
;
M. d'Armagnac dit Sire, It Char-
bonnier efl maître àsa maison. On a
trouvé cela fort pfaifant ; nous le
trouvons aufli, & vous le trouverez
comme nous.
Madame DB SiVIGNi.
Je n'aime point à avoir des fe-
moi;
crétaires qui ayent plus d'esprit que
ils font les entendus, je n'ose
leur faire écrire toutes mes sotises;
la petite fille m'étoit bien meilleure.

bon:
J'ai toujours deifein d'aller à Bour-
j'admire le plaisir qu'on prend
à m'en détourner, fans sçavoir pour-
quoi, malgré l'avis de tous les Mé-
decins.
Je caufois hier avec d'Hacqueville
:
sur ce que vous dites que vous vien-
drez m'y voir je ne vous dis point
si je le deiire ni combien je re-
,
gréte
Il de paffer ma vie fans vous.
semble qu'on en ait une autre
où l'on rélirve de se voir, & de
jouïr de sa tendreÍfe; & cependant,
c'est notre présent & notre tout
que nous dissipons, Se l'on trouve
la mort ; je fuis touchée de cette
penCée. Mais malgré l'enviequej'ai
d'être avec vous, si la dépense de ce
voyage empêchoit celui de cet hiver,
je ne le voudrois pas, & j'aimeroi.
mieux vous voir plus long-temps ;
:
car je n'espère
le
point
bon Abbé d'aller à Gri-
n'y veut point
gnan

le climat. Or ,
aller, il a mille affaires ici, & craint
je n'ai pas trouvé,
dans mon traité de l'ingratitude, qu'il
me fût permis de le quitter dans l'âge
;
où il est & comme je ne puis douter
que cette réparation ne lui arrachât
le cœur & l'ame, mes remords ne
me donneroient aucun repos , s'il
mouroit dans cette absence : ce feroit
donc pour trois semaines que nous
ôterions le moyen de nous
voir
nous
plus long-temps. Démêlez cela dans
votre esprit, & suivant vos deÍfeinl
& suivant vos affaires; mais longez

,
qu'en quelque temps que ce sOlt,
vous devez à mon amitié & à l'état
où j'ai été, la sensible confolatioa
de vous voir. Si vous vouliez reve-
nir ici avec moi de Bourbon, cela

;
feroit admirable, nous paierions no-
tre automne ici ou à Livri & cet
hiver, M. de Grignan nous viendront
voir, & vous reprendre. Voilà qui

& le plus desirable pour moi car,


enfin, vous devez me donner un peu
;
feroit le plus aisé, le plus naturel,

de votre temps pour l'agrément & le

;
soûtien de ma vie. Rangez tout cela
dans votre tête il n'y a point de
temps à perdre, je partirai pour Bour-
bon ou pour Vichi dans le mois qui
vient. Vous voulez que je vous parle
de ma fanté, elle est très-bonne, hor-
mis mes mains & mes genoux où

,
je sens quelques douleurs. Je dors
bien, je mange bien mais avec re-
,
tenue; on ne me veille plus, j'ap-
pelle on me donne ce que je de-
mande, on me tourne, & je m'endors.

gauche ;
Je commence à manger de la main
;
c'étoit une chose ridicule de
me voir imboccar dai fergenti & pour
écrire, vous voyez où j'en fuis main-
tenant (c). On me dit mille biens
de Vichi, & je crois que je l'aimerai
mieux que Bourbonpardeux raifons
l'une, qu'on dit que Madame de Mon-
;
( e ) Madame de Sévigné commençoit À
reprendre Ton écriture ordinaire, mais d'une
maiu cn,or.: mal assurée.
tefpan
teCpan à Bourbon; & l'autre,
va
,
que Vichi est plus près de vous, en
forte que si vous y veniez vous au-

bon changeoit d'avis ,


riez moins de peine, & que si le bien
nous ferions
chère,
plus près de Grignan. Enfin, ma très-

;
je reçois dans mon cœur la
douce espérance de vous voir c'est
à vous à disposer de la manière, &

jours;
sur-tout que ce ne foitpas pour quinze
ce feroit trop de peine & trop
de regret pour si peu de temps. Vous
vous moquez de Villebrune, il ne
m'a pourtant rien conseillé, que l'on
ne me conseille ici. Je m'en vais faire
fuer mes mains; & pour l'équinoxe,
si vous fçaviez l'émotion qui arrive,
quand ce grand mouvement se fait,
vous reviendriez de vos erreurs. Le
frater s'en ira bientôt à sa Brigade, Se
delààMatines(d). Il y
chambre a six jours que
je fuis dans ma à faire l'en-

le monde ;
tendue, à me reposer. Je reçois tout
il m'est venu des Sou-
bises des Sullis, à cause de vous.
,
On ne parle point du tout d'envoyer
(d) C'est pour dire-que M. de Sévigné
s'arrêtoit volontiers en allant & en reve-
nant chez une Abbesse de la connoissance.
M. de Vendôme en Provence. Votre
résidence mériteroit bien qu'on vous
consolât d'une dignité. Toutes vos
raisons font admirables; mais cen'est
pas moi, qui ne yeux pas aller à Gri-
gnan. Le Chevalier de Mirabeau a
conté ici de quelle manière vous
avez été touchée de mon mal, &
comme en ftx heures de chagrin votre
visage devint méconnoissable : vous
pouvez penser, ma très-chère, com-
bien
je fuis touchée de ces marques

, ;
naturelles de votre tendresse. J'ai vu
ici la Duchesse de Sault elle est d'une
taille parfaite & d'une gaillardise

:
qui fait voir qu'elle a pafie sa jeu-
nesse à l'Eglise avec sa mère ce font
des jeux de mains, & des gaietez in-
croyables; elle s'en va en Dauphiné.
Son mari est triste, mais on croit
que c'est d'avoir quitté le Service :
on dit, & il Je voitpeut-être, qu'il
ne devoit point faire son capital d'êtte
Lieutenant Généra) un an plutôt ou
les tard. Je ne fais qu'effleurer tous
plus
chapitres, & j'étrangle toutes mes
La
)
pensées à cause de ma pauvre main.
Princesse (de Tarente arrive ici
dans deux jours: MADAME l'aman-
-
dée avec tendresse, comme sa bonne

I)
près ta
;
tante. M. de Vendôme dit au Roi, il
yahuit jours » Sire
campagne,
,
j'efpèfe
Votre qu'a-
Majesté
» me permettra d'aller dans le Gou-
» vernement qu'elle m'a fait l'hon-
» neur de me donner «. » Monsieur,
» lui dit le Roi, quand vous fçautez
» bien gouverner vos affaires, je vous
» donnerai le foin des miennes «. Et
cela finit tout court. Adieu, ma très-

plume ;
chère enfant, je reprends dix fois la
ne craignez point que je me
Jatte mal à la main.

LETTRE V.
A LAM EME.
A Paris, Vendredi 10 Avril. 1676.
p Lus j'y pense, ma fille, plus je

,
trouve que je ne veux point vous
voirpour quinze jours. Sivousvenez
à Vichi ou à Bourbon il faut que ce
foit pour venir ici avec moi nous ;
y parferons le refle de l'été & l'au-
tomne ; vous me gouvernerez, vous
me confolerez ; & M. de Grignan
vous viendra voir cet hiver, & fera
de vous à son tour tout ce qu'il trou-
vera à propos. Voilà comme on fait
;;
une visite à une mère que l'on aime
voilà le temps que l'on lui donne
voilà comme on la console d'avoir
été bien malade, & d'avoir encore
mille incommoditez, & d'avoir perdu
la jolie chimère de se croire immor-
telle (e) ; elle commence présente-
ment à se douter de quelque chose >
& qu'elle pourroit bien un jour paUer

Enfin ,,
dans la barque"l
lieu
au lt de
comme
ce
les
voyage
autres.
de Bre-
tagne
,
que vous aviez une si grande
envie de faire je vous propose &

,
vous demande celui-ci. Mon fils s'en
va, je fuis triste & je sens cette fé-
paration. On ne voit à Paris que des
équipagesqui partent. Les cris sur la

:
disette d'argent, font encore plus vifs
qu'à l'ordinaire mais il ne demeu-
rera personne, non plus que les an-
fans vouloir me dire adieu ;
nées passées. Le Chevalier est parti

épargné un ferrement de cœur, car


il m'a

(r) C'étoit la première maladie de Mada-


me de Sévigné.
je l'aime sincérement. Vous voyez
que mon écriture prend sa forme or-
;
dinaire: toute laguérison de ma main
se renferme dans l'écriture elle sçait
bien que je la quitterai volontiers du

,
reste d'ici à quelque temps. Je ne
puis rien porter une cuiller me pa-
roît la machine du monde; & je fuis
encore assujettie à toutes les dépen-
dances les plus fâcheuses & les plus

imaginer:
humiliantes que vous puissiez vous
mais je ne me plains de
rien, puisque je vous écris. La Du-
,
chesse deSault me vient voir comme
une de mes anciennes amies je lui
Madame de Brissac ;
plais. Elle vint la fécondé fois avec
il faudroit des

pos de cette dernière :


volumes pour vous conter les pro-
Madame de
Sault vous plairoit, & vous plaira.
Je garde ma chambre très-fidéle-
ment, & j'ai remis mes Pâques à
Dimanche, afin d'avoir dix jours en-
tiers à me reposer. Madame de Cou-

:
langes apporte au coin de mon feu
les refies de sa petite maladie je lui
portai hier mon mal de genou & mes

me cherchoient ;
pantoutHes. On y envoya ceux qui
ce fut dts Schom-
bergs, ,
des Senneterres des Cœu-
vres, & Mademoiselle de Méri que
te n'avois point encore vue. Elle est,
a ce qu'on dit» très-bienlogée 5
fort envie de la voir dans ion châ-
j'ai

teau. Ma main veut se reposer, ;e lui


dois bien cette complaisance pour
telle qu'elle a pour moi.
MonsieurDESÉVIGNÉ.
Je vais partir de cetteVille,
Je m'en vais Mercredi tout droit à Charle-
ville,
Malgré le chagrin qui m'attend.
Je n'ai pas jugé à propos d'ache-
ver cecouplet, parce que voilà toute
mon hiftoiredite en trois vers. Vous
ne fçauriez croire la joie que j'ai de

,
voir ma mère en l'état où elle est.
Je pense que vous ferez aussi aire que
je le fuis, quand vous la verrez à
Bourbon
où je vous ordonne tou-
jours de l'aller voir. Si vous suivez
mon avis, vous ferez bien plus heu-
reuse que moi; vous verrez ma mère
fans avoir le chagrin d'être obligée
de la quitter dans deux ou trois jours ;
c'est un chagrin pour moi qui est ac-
vous devinez
revoilà Guidon ,
compagné de plusieurs autres que
fans peine. Enfin, me

;
Guidon éternel,
Guidon à barbe grise ce qui me
con fole, c'est qu'on a beau dire, tou-
tes les choses de ce monde orennent
fin,&qu'il faudra bien que celle-là foit
de ce nombre. Adieu, ma belle pe-

voyage:;
tite sœur, souhaitez-moi un heureux
je crains bien que l'ame in-
téreflfée de M. de Grignan ne vous
cependant je compte,
en empêche
comme si tous deux vous aviez quel-
que envie de me revoir.

LETTRE VI.
A LAMEME.
A Paris, Mercredi iy Avril. 1676.
J Epère vient
triste, le pauvre petit com-
fuis
de partir. Il telle-
a
ment les petites vertus qui font 1
- agré-

ment de sa société, que quand je ne Je


regréterois que comme mon voisin,
j'en ferois fâchée. Il m'a priée mille
fois de vous dire qu'il a oublié de
vous parler de l'histoire de votre
Capucin ;
Protée, tantôt Galérien & tantôt
elle l'a fort réjoui. Voilà
Beaulieu (/) qui vient de le voir

;
monter gaiement en carrosse avec
Broglie & deux autres il n'a point
voulu le quitter qu'il ne l'aitvu pendu,
comme Madame de. pour son mari.
;
On croit que le siége de Cambrai

,
va se faire c'est un si étrange mor-
ceau qu'on croit que nous y avons
de l'intelligence. Si nous perdons
Philisbourg il fera difficile que rien
,
puisse réparer cette brèche,vederemo.
Cependant on raisonne, & l'on fait
des almanachs que je finis par dire,
l'étoile du Roisur-tout.Enfin, le Maré-
chal de Bellefond a coupé le fil qui
;
l'attachoit encore ici Sanguin a fd
Charge (g) pour cinq cent cinquante
mille livres, un brevet de retenue
de trois cent cinquante mille. Voilà
un grand établissement, & un Cor-
don-bleu affuré (h). M. de Pomponne
(f) Valet de chambre de Madame de
Sévicné.
)
(g De premier Maître d'Hôtel du Roi.

:m'est
( h) M. de Sanguin ne sur point Chevalier
desOrdres à lapromotion de1688 mais
meu venu voir très-cordialement 1
amies fait des merveil-
toutes vos
l.).-n. ont
sorspoint, il faitunvent
;
qui empêche la guérison de met
mains elles écrivent pourtant mieux,
Je lé
comme vous voyez.
,f me tourne
nuit sur le côté gauche, je mange de
la main gauche voilà bien du gau-
che. Mon virage n'et quasi pas chan-
gé ; vous trouveriez fort airément
que vous avez vu ce chien de visage-là
ut4ue part: c'est je n'ai point
été
J
saignée & que
que
je n'aiqu'à me
guérir de mon mal , & non pas des
remèdes. Je vous remercie de me

vous accusez ,
parler despichom. Où le.petit a-t-il
?
pris cette timidité J'ai peur aue
ne m'en il me semble
que vousm'en fûtes la mine. Je croit
humeur lui passera, & que
que cette
.vous ne ferez pas obligée de le mettre
dans un froc. J'irai à Vichi, on me
dégoûte de Bourbon à caute de l'ai"
La Maréchale d'Estrées veut que
f
j'aille à Vichi. c'et un pays délicieux.

le
Maître-d'Hôtel
Marauis -de Livri"

cellede 1714.
du Roi ,COA fili premUr
fut comprit dans
,
Je vous ai mandé sur cela tout ce que

;
j'ai pensé ; ou venir ici avec moi ou
rien car quinze jours ne feroient
;
que troubler mes eaux par la vue
de la séparation ce feroit une peine
& une dépense ridicule. Vous sçavez

;
comme mon cœur est pour vous &
si j'aime à vous voir
,
c'est à vous à
prendre vos mesures. Je voudrois que

,
vous eussiez déja conclu le marché de
votre Terre puisque cela vous est
bon. M. de Pomponne me dit qu'il
venoit d'en faire un Marquisat ; je
l'ai prié de vous faire Ducs, il m'a(-

,
sura de la diligence à dresser les let-
tres & même de la joie qu'il en
auroit : voilà déja une assez grande

pichons;
avance. Je fuis ravie de la fanté des
le petitpetit, c'est-à-dire le
gros gros est un enfant admirable;
,

je l'aime trop d'avoir voulu vivre


contre vent & marée. Je ne puis ou-
blier la petite (i) ; je crois que vous
réglerez de la mettre à Sainte Marie,

;
felon les résolutions que vous pren-
drez pour cet été c'est cela qui dé-
cide. Vous me paroiffez bien pleine-
(i) Marie-Blanche d'Aclhémar,née le IJ
Novembre 1670. V"Ju.l¡¡p"g' ijdit temt le
jttent fatistaite des dévotions de la
Semaine fainte & du Jubilé : vous
avez été en retraite dans votre Châ-
teau. Pour moi, je n'ai rien senti que
,
par mes pensées, nul objet n'a frappé
:
mes sens & j'ai mangé de la viande
jusqu'au Vendredi <aint j'avois feu-
ement la congélation d'être fort loirt
de toute occasion de pécher. J'ai dit
à la Moufle votre souvenir ; il vous
conseille de faire vos choux gras
vous-même de cet homme à qui vous
trouvez de l'esprit. Adieu, ma chère
enfant.

MonsieurDECORBINELLI.
J'arrive toujours fort à propos pour
soulager cette pauvre main. Elle vou-
loit encore vous dire qu'elle a vu la
bonne Princesse de Tarente, qui est
si dissipée & si étourdiedeParis, que
je n'ai pasosé feulementlui parlerde
votre réponse. Nous regrétames en-
,
semble la tranquillité de nos Rochers.
Je me laisse d'être secrétaire je veux
vous entretenir un moment.
Madame votre mère vous parle fort
succintement des projets de Cambrai :
,
voici ce que les politiques dirent. 22
efl de fait que toutes nos-troupes font,
les unes à l'entour de Cambrai les
autres fous Y.pres , les autres vers
a
Bruxelles oùl'on détaché Vaudrai
pour l'incommoder. On a defleln de
,
donner des jalousies, & de tenir les
confédérez dans l'incertitude afin de
les empêcherdefaire un gros d'ar-
mée d'une partie de leurs garnirons
onveut amuser le tapis. Ce que !'on
;
trouve ici de plus beau, c'est d'en-
,
voyer un Secrétaire d'Etat (k) aflem-
bler les troupes & porter lesordres
, ,
par-tout. M. de Créqui est à Cam-
brai AI. d'Humières est à Ypres & ;
pour tout le reste le secret est uni-
quement dans la tête du Roi. Le jour
de son départ a été caché jusqu'à
Lundi au sortir du Conseil. AI. de
Lunébourgs'est déclaré contre nous,

:,
& donne aux Impériaux cinq à six mil-

d'Hanovre ,
le hommes les Princes, ses frères,
tiennent à peu c'est-à-dire, le Duc
& l'Evêque d'Ofna-
Jbruck. Nous avions demandé l'In-
fante de Bavière (l ) pour M. le Dau-
(k) M. de Louvoit.
/)
{ Maître-Anne-Victoire deBavière 1
phin ;
mais sa mère étant morte (m ,
ltf Roi d'Espagne la demande aussi
)
,
& l'on croit qu'il l'aura, parce que
le bon homme Bavière veut époufer
la veuve du Roi de Pologne (n),
sœur de l'Empereur ( Léopold ).Si
M. de Marseille avoit paré ce coup-
,Leil auroit
là bien fait.
Roi voulu
a que le Parlement
commît un Conseiller de la Grand'.
Chambre, pour se porter à Rocroi
où il doit interroger la Brinvilliers,

,
parce qu'on ne veut pas attendre à
le faire qu'elle foit ici où toute 1&
Robe est alliée à cette pauvre fcélé-
rate.
qui fut mariée en 1680 à Louis Dauphinde
France.
(m)Henriette-Adélaïde de Savoie, morte
le18Mars1676.
8C
)
(n Eléonore Marie dAutricae , nue
Michel Viefnoviski.
LETTRE VII.
A LAMÊME.
1676. A Paris, Vendredi 17 Avril.
I trop
L me semble que je n'écris pat
mal Dieu merci ; du moins,
,
je vous réponds des premières lignes:
car vous fçaurez que mes mains,
c'est- à-dire, ma main droite ne veut
entendre encore à nulle autre pro-
;
position qu'à celle de vous écrire je

;;
l'en aime mieux. On lui présente une
cuiller, point de nouvelle elle trem-
blote & renverse tout on lui de-
mande encore d'autres certaines cho-
ses, elle refuse tout à plat, & croit
que je lui fuis encore trop obligée.
;
Il est vrai que je ne lui demande plus
rien j'ai une patience admirable
& j'attends mon entière liberté du
,
,
chaud & de Vichi. Depuis que je
sçais qu'on y prend la douche qu'on
s'y baigne, & que les eaux y font
aussi bonnes qu'à Bourbon, la beauté
du pays & la pureté de l'air m'ont
éécidée & je partirai tout le plutôt
,
que je pourrai. Je vous ai tant dit

, ,
que je ne veux point de vous pour
quinze jours & que je ne puis aller
à Grignan que c'est à vous à régler
tout le reste. Vous connoiflfez mon
cœur, mais je ne dois pas le croire
entièrement sur ce qu'il desire: vous
connoiirez mieux que moi les poUi-
bilitez & lesimpoffibilitez présentes.

faire. J'ai vu M. de Pomponne ,


I.e Roi partit hier, on ne sçait
point précisément le siége qu'on va

me prie de vous faire bien des ami-


tiez. Je fus chez Mademoiselle de
il

;
Méri, qui est très-bien & très-agréa-
blement logée & meublée on ne
peut sortir de sa jolie chambre. Les
Villars font tristes de l'entière retrai-
te du Maréchal (de Bellefond). Je ne
fuis sortie encore que trois fois: n'est-
ce pas comme vous voulez que je me
gouverne ? ;
Mon activité est entière-
ment changée demandez à Corbi-
nelli, car le voilà.
Morifieur DE

Il est yrai, Madame ,


CORBINELLI.
qu'elle est
actuellement, comme nous la vou-
lions; mais si bien changée qu'elle
ressèmble plutôt à l'indolence qu'à
l'aétivité, si ce n'est pourtant quand
il est queflion de vous & de ce qui
vous regarde. L'un des meilleurs re-
;
mèdes qu'on lui puisse donner, eil
ce calme rafraîchissant & elle con-
çoit déja quelque goût pour la pa-
refle. Pour moi, quien fais ma fou-
veraine passion, je m'en réjouis com-
me d'une chose qui fera bonne à Ma-
dame votre mère. Elle m'interrompt
pour me dicter trois ou quatre bons
mots de Madame Cornuel, qui firent
faire à M. de Fomponne de ces éclats
de rire que vous connoifiez. Madame
Cornuel voyoit Madame de Lionne
avec de gros diamans aux oreilles &
;
en sa présence même, elle dit il me
;
semble que ces gros diamans font du lard
dans la souricière.
Elle parloit l'autre jour des jeunes
gens, & disoit qu'il luisembloit qu'elle
itoit avec des morts, parce qu'ils sentoient
mauvais, Cr ne parloient point.

,
Troilléme bon mot. On parloit de
la Comtesse de Fiesque elle disoit
fue ce qui confervoitfa beauté, c'e/?qw-elk.
étoitsalée dam la folie. Il y en a encore
tant d'autres qu'on ne finiroit point,
,
& qui font dits avec tant de négli-
gence & de chagrin qu'ils en avoient
plus de grace & plus d'agrément.
Vous sçavez peut-être bien que Ma-

,
dame de Montespan partit hier à flx
heures du matin, pour aller ou à Cla-
gni ou à Maintenon car c'est un

Germain , ,
mystère ; mais ce n'en est pas un
qu'elle reviendra Samedi à Saint-
d'où elle partira vers la fin
du mois pour Nevers en attendant
les eaux. On parle fort du siége de
Condé, qui fera expédié bientôt,
afin d'envoyer les troupes en Alle-
magne , & de repousser l'audace des
Impériaux qui s'attachent à Philis-
bourg. Les grandes affaires de l'Eu-
rope font de ce côté-là. Il s'agit de
soûtenir toute la gloire du Traité de-
Munster pour nous, ou de la renver-
fer pour l'Empire. Ce n'est pas que
la beauté de la Princesse de Bavière
ne foit un point capital de nos démê-
tendent,
lez ; tous les Princes à marier la pré-
& nous verrons un jour
quantité de romans dont elle fera le
Cujet Voilà M. de la Moufle quinous:
conte que Messieurs les Abbez ad
Grignan & de ValbeJle ont défendu

merce avec le Nonce du Pape at-,


à tous les Prélats d'avoir aucun com-

tendu que nous nous plaignons de


la Cour de Rome. Il ajoûte que
M. d'Humières a paslé le canal de
Bruges, & qu'il a fait un très-grand
dégât par-tout.

MadameD F. SÉviGNÉ.
Voilà un grand repos à ma main
t'est dommage que je n'aye plus rien
à vous mander. Ne trouvez-vous pas

,
Madame Cornuel admirable? Adieu,
ma très- chère belle je vous aime de
;
la plus parfaite & la plus tendre ami-
tié, vous en êtes bien digne & c'est
me vanter, que de dire le goût que
j'ai pour vous.
*LETTREVIII.
ALAMEME.
A Paris, Mercredi 22 Avril. ----
v Ous
:
voilà hors du Jubilé &
des Stations vous avez dit tout
1676,

ce qui se peut de mieux sur ce sujet.


Ce n'est point de la dévotion que vous
êtes laffe c'est de n'en avoir point.
,
Hé, mon Dieu! c'est justement de
cela qu'on est au désespoir. Je crois
que je sens ce malheur plus que per-
sonne ; il semble que toutes choses
m'y devroient porter: mais nos efforts
& nos réfléxions avancent bien peu

;
cet ouvrage. Je croyois M. de la
Vergne un Janfénifle mais par la
louange que vous lui donnez d'ap-
prouver les Essaisde Morale, ie vois
bien qu'il neil pas de nos Jrères.
N'aimez-vous point le Traité de la
ressemblance de Vamourpropre & de la
?
charité c'est
mon favori. Il est vrai
que la Grace est bien triomphante en
ces deux filles de la Defœillets (0):
ilfaut qu'elles ayent été bien appel-
lées. Je ferai fort aise de voir M. de
Monaco; mais je voudrois qu'il vînt
bien vîte, afin qu'il n'y eftt guères
qu'il vous eût vue. Madame de Vins
n'est point grosse, mais elle eil si
changée que je lui confeillerois de
dire qu'elle l'est. C'est la plus jolie
femme du monde, elle a des soingde

est toujours très-bonne ;


moi admirables. Pour ma santé, elle
je fuis à

:
mille lieues de l'hydropisie il n'en
,
a jamais été question mais je n'ef-
la
père guérison de mes mains, de
mes épaules & de mes genoux qu'à
rudement affligez du rhumatisme ;
Vichi ; tant mes pauvres nerfs ont été

aussi je ne fonge qu'à partir. L'Abbé

dent:
Bayard & Saint-Hérem m'y atten-
je vous ai dit que la beauté du
pays & des promenades, & la bonti
de l'air, l'avoient emporté sur Bour-

,
bon. J'ai vu les meilleurs ignorans
d'ici qui me conseillent de petits
remèdes si diflérens pour mes mains, v

que pour les mettre d'accord je n'en


) Célébré Comédienne..
(~0
fais aucun ; & je me trouve encore
trop heureule , que sur Vichi oa
Bourbon ils soient d'un même avis.
Je croisqu'après ce voyage vous
pourrez reprendre l'idée de fanté 8c
de gaieté que vous avez conservée
,
de moi. Pour l'embonpoint, je ne
crois pas que je fois jamais comme
j'ai été : je fuis d'une taille si mer-

;
veilleure, que je ne conçois point
qu'elle puissechanger & pour mon
visage cela est ridicule d'être en-
,
core comme ilest. Votre petit frère
:
est toujours parti, & j'en fuis toiu-
jours fâchée vous avez trouvé juf-
tement ce qui fait qu'il est encore
Guidon à son grand regret. M. de Vi-
riville s'est plaint à Sa Majelté, & je
trois qu'il a obtenu que sa fille chan-
geroit de Couvent. Il me vint cher-
cher justement un jour, que je fis une
; ,
équipée j'allai dîner à Livri avec
CorbineUi il fairoit divin je me
,
promenai délicieurement jusqu'à cinq
;
heures & puis, la poule mouillée
s'en revint .toute pleine de force &
de fanté.
Si Mademoiselle de Méri veut ve-
fiir avec moi à Vichi, ce me fera une
fort bonne compagnie. J'ai resuré
Madame de Longueval (le Chanoine)
,
pour conserver ma liberté; elle ira
avec Madame de Brissac à qui elle
me préferoit ; & nous nous y retrou-
verons. Nous avons la mine de nous

; ,
,
rallier traitreusement pour nous mo-
quer de la Duchessè. Quantova de-
voit aller à Bourbon mais elle n'ira
pas & cela persuade le retour de Ton
ami solide encore plutôt qu'a" ne
l'a cru. Son amie l'a menée dans son
Château paffer deux ou trois jours ;
nous verrons quel lieu elle voudra
honorer de sa présence. Madame de
Coulantes est toujours très-aimable
& d'autant plus qu'elle a m"Îns d'em- ,
pressement que jamais pour toutes les
tendreflfes de ce pays-là, dont elle
connoît le prix. L'Abbé Têtu est
toujours fort touché de son commer-
ce, & redonne avec plaisir toutes
ses épigrammes. Le coufin (p) est
toujours très-sujet ; mais il me paroît
pour le moins une côte rompue de-
puis l'assiduité qu'il a eue pendant
trois mois chez la vieille Maîtresse

(p) Le Marquis de la TrouiTe.


<3u Charmant ( q ). Cela fit regarder
notre amie, au retour du ccufin, com-
,
me une amante délaissée ; mais quoi-
que rien ne fit vrai le personnage
d'Hudi-
court ,
fut désagréable.Mesdames
de Ludre & de Gramont.
me vinrent voir hier. Vos amies vous
ont fait leur cour par les foins qu'elles
ont eus de moi. M. de la Trousse ne
mée du Maréchal de Rochefort tout ;
s'en va que dans quinze jours à l'ar-

le reste est déja loin. Le pauvre Gui-

reux de Madame de Pont ,


don croyoit fermement être amou-
quand
il est parti. Corbinelli est toujours
un loup gris, comme vous sçavez,
fant pas un grain :
apparoissant,disparoissant, & ne pe-
notre amitié est
très-bonne. Je ferai vos reproches à

;
la Mousse, il est chez lui, il ne se
communique guères il est difficile

;
à trouver, encore plus à conCerver.
Il est Couvent mal content il a eu
;
une gronderie avec mon fils, dont il
meurt de honte car il avoit eu lit
cruauté pour lui-même, de ne pas
mettre un feul brin de raison de fort
Duc de Villerci, depuis Maré-
( q ) M. le
ckàl de France.
côté. Madame de Sanzei efl triste
comme Andromaque. Saint-Aubin
& son fris dans leur faux bourg &
dans le ciel. D'Hacqueville agité
dans le tourbillon des affaires humai-
nes, & toujours remplidetoutes les
vertus. Madame de la Fayette avec
sa petite fiévre, & toujours bonne
compagnie chez elle. M. de laR. F.

;
tout ainsi que vous l'avez vu. M. le
a
Prince s'en va Chantilli ce n'est
pas l'annëe des grands Capitaines :
c'ee par cette raison que AI.de Mon-
técuculi n'a pas voulu se mettre en

toujours la bontémême ,
campagne. La bonne Troche dit
qu'elle s'en vaen Anjou; elle est

: & allante
& venante on dit qu'elle estla fe-
melle de d'Hacqueville. M. de Mar-
seille fera bien étonné de trouver Ion
Abbé de la Vérgne entêté de vous.
Vous êtes trop lieureufe d'avoir eu

;
Guitaut, vous vous êtes bons par-
:
l'on peut juger ce queous
tout

aimable,
vous êtes à Aix c'eR un homme
& d'une bonne compagnie;
faites-lui bien des amitiez pour moi.
Je remercie M. dp Grignan d'aimer
pes lettres, je doute que son goût
suiç
soit bon. Ne soyez point en peine de
la longueur de celle-ci, je l'ai reprise
à plusieurs fois.

LETTRE IX-
A LA MEME.
A Paris, Vendredi 24 Avril. 1676k

J Edefuis toujours assez incommodée


mains. Le.vieux de Lorme
mes
,
ne veut pas que je parte avant la fin-
le
de Mai; mais tout monde s'en va, &
la rnaifon que j'ai retenue, m'échape:
il veut Bourbon, maisc'est par cabale
ainsi je fui vrai les expériences qui:
;
font pour Vichi. Si vos anffaires& vo.

,
desseins vous eussent permis de m'y

,
venir trouser & revenir ici avec-
moi paffer l'été & l'automne en at-
tendant M. de Grignan cet hiver,

:
vous m'auriez fait un très-sensible
plaisir mais je veux croire que vous
ne le pouvez pas, puisque vous n'avez
pas écouté cette proposition. Si Ma,
demoiselle de Méri étoit aflez pr
,
elle pourra vous le mander ,
parée pour prendre des eaux je 1au-
rois menée avec beaucoup de joie
mais
Braver la veut rafraîchir auparavant.
Madame de Saint-Geran est toute
;
brûlée aussi du départ de son mari,
& de sa véritable dévotion. Ecrivez-
moi des amitiez pour elle & pour
Madame de Villars; elles vous aiment
fort, & ont des foins de moi incroya-
)
bles. Le mari (r s'en va en Savoie,
& la femme bientôt après. Il n'y a
point de nouvelles de Condé qu'une
perte de huit ou dix soldats , & le
chapeau du Maréchal d'Humières
percé d'un coup de mousquet: Dieu
veuille qu'il n'y ait rien de plus fu-
reste. J'ai vu M. du Périer qui m'a
conté comme vous apprites , en
jouant, la nouvelle de mon rhuma-
tisme, & comme vous en futes tou-
chée jusqu'aux larmes..I.e moyen
de reter ir les miernes, quand je vois
des marques si naturelles de votre
tendresse ? mon cœur en est ému.
& je ne puis vous représenter ce que
(r) Le Marquis de Villars fut nommé
dans ce tempslà Àmbaflàdcm extraordinaire
en~Savoie.
je sens. Vous mites toute la ville dans
la nécessité de souhaiter ma fanté, par
la tristesse que la vôtre répandoit
par-tout. Peut-on jamais trop aimer
fille vous, dont est
une
aimée? comme on
Je crois aussi pour vous dire
Adieu, ,
le vrai, que je ne fuis pas ingrate.
ma très-chère & très-aima-
ble, vos lettres me font très-agréa-
bles, en attendant que vous vouliez
bien me donner quelque chose de
plus.

LETTRE X.
A LAM E
M E.
A Paris, Mercredi 29 Avril. 1675,
1L faut commencer par vous dire
que Condé fut pris d'assaut la nuit
de Samedi à Dimanche. D'abord cet-
te nouvelle fait battre le cœur on;;
,
,
croit avoir acheté cette viftoire
point du tout, ma belle elle ne
nous coûte que quelques soldats, &
pas un homme qui ait un nom. Voilà
ce qui s'appelle un bonheur complet.
Larei fils de M. Laîné qui futtue
,
en Candie, ou (on frère, est blessé
assez considérablement. Vous voyez
comme on se paffe bien des vieux
Héros.
si aise que moi ;
Madame de Brinvilliers n'est pas

;
elle est en prison
elle se défend assez bien elle de-
,
manda hier à. joueraupiquet., parce
qu'elle s'ennuyoit. On a trouvé sa
confession, elle nous. apprend qu'à
sept ans elle avoit cefle d'être fille 5

ton ;,
qu'elle avoit continué sur le même
qu'elle avoit empoisonné son
père ses frères, un de Ces enfans,
& ette-même mais ce n'étoit que
,
pour essayer d'uncontre poison: Mé-
dée n'en avoit pas tant fait. Elle a-
reconnu que cette confeffton est de
son écrirure, c'est une grandesotise,
maisqu'elle a#oit la fièvre chaude

, ;
quand elle l'avoit écrite que c'étuit
,

une frénésie une extravagance, qui


ne pouvoit. pas être lut sérieuse-
menti

;
La Reine a été deux, fois auxCar*
mélites avec Quanto cette dernière
se mit à la.tête d'y faireuneloterie ;
elle fit apporter tout ce qui. peut !
tonvenir à des Religieuses; cela fit
un grand jeu dans la Communauté
Elle causa fort avec Sœur Louise de'
laMiséricorde (J); elle lui demanda
si tout de bon elle étoit aussi aise-
qu'on le disoit; Norr,répondit-elle,
,
de MONSIEUR ;
je ne fuis point aise mais je fuis con-
tente. Quanto lui parla fort du frère

,
& si elle vouloic
lui mander quelque chose & ce

,;
qu'elle diroit pour elle. L'autre d'un
ton & d'un air tout aimable & peut-
être piquée de ce style tout ce que
vous voudrez, Madame, tout ce que vous-
voudrez. Mettez dans cela toute la
>

grâce, tout l'esprit & toute la mo-


deftie, que vous pourrez imaginer.
Quanto voulut ensuite manger ;,
elle-
nvoya acheter ce qu'il falloit pour-
une faufile qu'elle fit elle-même ÔC
qu'elle mangea avec un appétit ad-
mirable: je vous dis le fait fans-
aucune paraphrase. Quand lepensé à
unecertaine lettre que vous m'écri-
vites l'été pallé sur M. de Vivonne,
Je prends pour une satyre tout ce
que je vous envoie. Voyez un peu où
peut aller la folie d'un homme qui
(k<) Madame de la Vallièzc."
le croiroit digne de ces hyperboliques
louanges.

A MonsieurDE GAIGNAN.
,
Je crois, M. le Comte que vous
comprenez assez l'envie que j'ai de
voir Madame votre femme. Sans
être le charbonnier chez vous ,
trouve que par un style tout opposé,
je

vous êtes plus le maître que tous les


charbonniers du monde. Rien ne se

, :
préfère à vous en quelque état que
l'on puissè être mais soyez fait géné-
reux & quand on aura
quelque temps la bonne femme
amenez-la vous-même par la main
,
encore

«'acquitte de tous ses devoirs & ,


faire la bonne fille. C'est ainsi qu'on

c'est le feul moyen de me redonner


la vie, & de me persuader que vous
m'aimez autant que je vous aime.

A MadameDEGRIGNAN.

de parler de Cambrai !
Mon Dieu, que vous êtes plaisans
nous aurons
pris encore une ville avant que vous
cachiez la prise de Condé. Que dite.-
vousde notre bonheur qui rai t ve-
en Hongrie r
,
nir notreami le Turc
Voilà Corbinelli trop aise, nous allone
bienpantouffler.J'admire la dévotion
du Coadjuteur; qu'il en envoie un

tion de ma petite :
peu au bel Abbé. Je feus la répara-
d'être en religion ?
est-elle fâchée

Je ne Cçais si renvie prendra à


Vardes de revendre sa Charge ( ) t
;;
à l'imitation du Maréchal ( de BtUc-
fond). Je le plains tout à-fait vous
interpretez mal Ces sentimens il a

;
beau parler sincérement, vous nIe..
croyet pas un mot vous êtes mé-
chante. Il vient de m'écrire une let-
tre pleine de tendresse ; je trois tout
au pied de la lettre,c'est que je Cuis:
bonne. Voilà M. de Coulanges qui
vous dira de quelle manière Madame
de Brinvilliers a voulu se tuer.

Monsieur D. CotfLANGES*
Elle s'étoit fiché un bâton, devines
où ; ce n'est point dans l'oeil, ce n'eff
point dans la bouche, ce n*eft point
(t) De Capitaine des Cent-Suifcsde la
Garde uliiuilc du Roi.
, ;
dans l'oreille, ce n'est point dans-Je.
ce n'est point à la Turque de-

,,.
nez
vinez où. C'est tant y aqu'elle
étoit morte si l'on ne fût prompte-
ment couru à son secours. Je fuis
très-ai re Madame, que vous ayez
agréé les œuvres que je vous ai en..
vovres. Madame votre mère s'en va
à Vichi, & je ne l'y Cui vrai point,
parce que ma fanté est un peu meit-
leure depuis quelque temps. Je ne
crois pas même que j'aille à Lyon:
ainsi Madame la Comtesse revenez
, ,
à Paris, & apportez-y votre beau vi-
fage si vous voulez que je le baise.
,
Je salue M. de Grignan & l'avertis
que j'ai fait gagneraujourd'hui un
,
grand procès à M. de Lussan, afin
qu'il m'en remercie s'il le trouva
à propos.

LETTRE
LETTRE XI.
A LAMEME.
'A Paris, Vendredi premier Mai. 1676.
] Efoiscommence par remerciermille

vu de
M. Grignan de
plus
de
qu'il m'a donnée ;
agréable. Je
robe
la jolie
je n'en ai jamais
m'en vais la
faire ajuster pour me parer cet hiver,
& tenir mon coin dans votre cham-
bre. Je pense souvent, audi-bien que
vous, à nos soirées de l'année paf-
;
fée
,?
mais qui nous empêchera d'en
refaire cet hiver de pareilles si vous
le souhaitez autant que moi On est

;;
frappé ici d'étonnement à la vue de
votre portrait il est certain qu'il est
f
,;
encore embelli
bée
fection
sa toile s'et imbi-
en forte qu'il est dans sa per-
vous en doutez, ma fille,
si
venez-y voir. Il cdurt depuis quel-
ques jours un bruit, dont tout le
monde m'envoie demander des nou-
velles. On dit que Monsieur de Gri-
gnan a ordre d'aller pouffer par les
gnon:
épaules le Vice-Légat hors d'Avi-
je ne lecroiraipoint que vout
ne me l'ayiez mandé.LesGrignang

commençoit ;
auroient rhonneur d'être les pre-
miers excommuniez, si cette guerre
car l'Abbé de Grignan,
de ce côté-ci, a ordre de Sa Majesté
de défendre aux Prélats d'aller voir

;
M. le Nonce. Je ne me presle point
de partir car je sçais que le mois de

:
Juin est meilleur que celui de Mai
pour boire des eaux je partirai le
dix ou le onze de ce mois. Madame
de Montespan est partie pour Bour-
bon. Madame de Thianges est allée
avec elle jusqu'à Nevers, où Mon-
sieur & Madame de Nevers la doi-
vent recevoir. Mon fils me mande
,
qu'ils vont assiéger Bouchain avec
une partie de l'armée pendant que
le Roi avec un plus grand nombre
se tiendra prêt à recevoir & à battre
M. le Prince d'Orange. Il y a cinq
ou six jours que le Chevalier d'Hu-
mières est hors de la Bastille ; son
frère a obtenu cette grâce. On ne
parle ici que des di (cours, & des faits
ÔC gestesde la Brinvilliers. A-t-on
jamais vu craindre d'oublier dans
là confemondavoir tué son père r
Les peccadilles qu'elle craint d'ou-
blier, font admirables. Elle aimoit
,
ce Sainte-Croix, elle vouloit l'épou-
fer & empoifonnoit fort souvent

Croix ,
son mari à cette intention. Sainte-
qui ne vouloit point d'une
femme aussi méchante que lui, don-

mari ;
noit du contre-poison à ce pauvre

, il
de forte qu'ayant été balloté
cinq ou six fois tantôt empoisonné,

,
tantôt défempoifonné, en demeuré
en vie & il s'offre présentement de
venir solliciter pour sa chère moi-
:
tié on ne finirait point sur toutes
ces folies. J'allai hier à Vincennes
avec les Villars. Son Excellence part
demain pour la Savoie, & m'a priée
de vous baifer la main gauche de sa

,
part. Ces Dames (u) vous aiment
,
,
fort nommez-les en m'écrivant
pour les 'payer de leur tendresse.
Adieu ma très-chère & très-aima*
ble, je neivous en dirai pas davan-
tage pour aujourd'hui.
( )
N Mesdames de Villars& de Saint-
Gecan.
LETTRE XII.
A LAM à ME.
A Paris, Lundi 4 Mai.
c II•
1676*
'EST donc vous, ma fille, qui

avec moi 1Ilete


1 A ;
me refusez de venir passer ici
1 1 oc 1automne ce n'est
point AI. de Grignan. Comme vous
êtes une personne toute raisonnable,

,
& que je crois que vous avez quel.
que envie de me voir il faut que
je vous ai faite,
vous trouviez dans la proportion que
des impoissiblitez

, ,
que je ne vois pas aussi-bien que
vous. Pour moi ne doutez point
que je n'allafle à Grignan si le bon
Abbé, qui vient avec moi par pure
amitié, n'étoit obligé de revenir
promptement pour plusieurs affaires,
dont les miennes font utie partie.

;
C'étoit donc une chose toute natu-
relle que ma proposition car pour
vous voir quinze jours feulement à
Vichi, ce me feroit un plaisir trop
mêlé de tristesse. Dites-moi un peu
sincérement vos raisons & vos vues
pour cet hiver, car je ne puis croire
que VOUI ayiez dessein de le paPer,
fans me donner la concotation & la
joie de vous embrasser. Je vous man-
derai le jour de mon départ, & vous
donnerai une adreiTe pour m'écrire.
J'ai choisi Madame de Brissac pour
apprendre dans sa société la droiture
& la sincérité ; si j'avois eu l'autre
jour mon fils, je vous aurois mandé
toute la superficielleconversation

,:
qu'elle attira dans cette chambre. Mon
Dieu, ma fille! vous croyez avoir
pris médecine vous êtes bien-heu-
reure ; je voudrois bien croire que j'ai

préparation,
été saignée ils dirent qu'il faut cette
avant que de prendre
assez bien;
des eaux. Vous voyez que j'écris
je crois que mes mains
feront bientôt guéries : mais je me

:
,
sens si pleine de sérositez, par les
continuelles
fuis importunée
petites Tueurs dont je
que je comprends
qu'une bonne fois il faut sécher cette
éponge la crainte d'avoir encore
une fois en ma vie un rhumatisme,
me feroit faire plus de chemin que
d'ici à Vichi. Vous me demandez
,
ce que je fais je prends 1air fort
;
souvent;M. de la T rousTenous donna
hier une fricassée à Vincennes Ma-

moi,
dame de Coulanges Corbinelli &
,
,
voilàcequicomposoit la com-
;
pagnie ; un autre jour je vais au

,
cours avec les Villars un autre jour
au faux bourg ; & puis, je me repo-
se. J'ai été chez Mignard il a peint
Monsieur de Turenne sur fapie (x),
c'est la plus belle chose du monde.
Le Cardinal de Bouillon m'était venu
prier, toutes chosescessantes, d'aller
:
.'U Mignard pris laparfaite
blance dans son imagination
que daos les crayons qu'on lui a
,
voir le lendemain ce chef-d'oeuvre
a reffem-
plus

;
donnez. J'ai encore entretenu deux

;
heures M. du Périer je ne finis point
sur la Provence je lui fais conter
mille choses de vous, qui me font
plaisir, & de votre jeu, & de votre
Opéra où vous rêviez si bien. Enfin,
je vous reconnois, mais je fuis bien
fâchée que M. de Grignan & vous,
vous perdiez toujours tout ce que
,. (%) Le cheval de bataille de M. de Tu-
renne, & celui qu'il montoit le jour qu'il
4at.tué.
tous jouez. Je me fuis fait reconter

pays,
,
toutes.les pétofes des Procureurs du
& comme vous avez redonné
la paix à la Provence & du Premier
Président, & de la Tour d'Aigues
,
& de mille autreschofes.Enfin, j'ai
rafraîchi ma mémoire de tout ce que

:
vingt-deux jours de fièvre m'avoient
un peueffacé carvous sçavez que j'é-
tois sujette à de si grandes rêveries,
qu'elles confondoient souvent les vé-
ritez.

LETTRE XIIT.
A LAMEME.
A Paris f Mercredi 6 Mai. J676ft
] 'A i le cœur ferré de petite
ma
fille (y );
elle fera désespoir
au de

,le
vous avoir quittée,& d'être, comunçr
vous dites en prison. J'admirecom-
aient j'eus courage de vous y mettre;
la pensée de vous voir souvent, & de
(y) Elle venoit d'être mise aux.Dames de
Jainte Marie d'Aix. Vfjtx. ú Uttrt dit if
Avril,Page26.
retirer,
Tous en

,
me ht réroudre à
cette barbarie, qui étoit trouvée alors
une bonne conduite & une chose
nécessaire à votre éducation. Enfin,
il faut suivre les régies de la Provi-

; ,
dence qui nous destine, comme il
lui plaît. Madame du Gué la Reli-
gieufe, s'en va à Chelles elle y porte

:
une grosse pension pour avoir toutes
fortes de commoditez elle changera
souvent de condition, à moins qu'un
jeune garçon (t) qui est le Médecin
de l'Abbaye & que je vis hier à
,
Livri, ne l'oblige à s'y tenir.Ma fille,
c'est un homme de vingt-huit ans,
dont le virage est le plus beau & le
plus charmant que j'aye jamais vu
il a les yeux comme Madame de
;
,
JVlazarin ( a ) & les dents parfai-
;
tes le reste du visage, comme on
imagine Rinaldo ; degrandes bou-

; ,
cles noires, qui lui font la plus agréa-
ble tête du monde il est Italien &
parle Italien, comme vous pouvez
Il
penser. été à Rome jusqu'à vingt.
: a
deux ans enfin, après quelques voya*
(x) Amonio.
(a) HortenseMancini ,
- de-
Duchesse
Mazarin.
ges,
l'ont
O ,
M.deNeverst &
amené en France
M. de f
~Brissac
& M. de
Brissac l'a mis pour le reposer dans
lebeaumilieudel'AbbayedeChelles,
dont Madame de Brissac, sa sœur est

le Couvent ;
Abbeffe. Ila un jardin de simples dans
mais il ne me paroît
rien moins que Lamporechio
,

(b). Je

;, ,
crois que plusieurs bonnes Sœurs le
trouvent à leur gré & lui diront
leursmaux mais je jurerois qu'il n'en
guérira pas une que félon les régies
d'Hipocrate. Madame de Coulanges
qui vient de Chelles, le trouve com-
me je l'ai trouvé. En un mot, tous ces
jolis Musiciens dechez Thoulongeon (c),
ne font que des grimauds auprès de
lui. Vous ne fçauriez croire combien
cette petite aventure nous a réjouïes.

( de Grignan)
Je veux vous parler du petit Marquis
; je vous prie que sa
timidité ne vous donne aucun chagrin.
Songez que le charmant Marquis (d) a
trembléjusqu'à dix ou douze ans, &

( b ) Voyez le Conte de Mazet dt L,ml.


porchio par la Fontaine.
( e ) Frère aini du Comte de
- Gramont
& nomme de très-bonne compagnie. ,
(d)M.delaChâtre. A -
que la Troche avoit si grand'peur dé
toutes choses, que ra mère ne vou-
loit plus le voir : ils ont tous deux
uce réputation sur le courage, qui
doit bien vous raiTurer. Ces fortes de
;
craintes vie font autre chose que des
enfances & en croissant, au lieu d'a-
voir peur des loups-garoux , ils crai-
gnent le blâme,ilscraignent de n'être
;
pas estimez autant que les autres &
c'efi assez pour les rendre braves, &
pour les faire tuer millefois: ne vous
impatientez donc point à cet égard.
f
Pour sa taille, c'et une autre affaire;
,
on vous conseille de lui donner des
thaulTes pour voir plus clair à ses
petit ne prend point de nourriture ;
jambes ; il faut sçavoir si ce côté plus

il faut qu'il agisse & qu'il se dénoue y


il faut lui mettre un petit corps un.
peu dur, qui lui tienne la taille : on
me doit encore envoyer des infiruc-
tions là-deifus. Ce feroit une belle
chose qu'il yeûtun Grignan qui n'eût
pas la taille belle. Vous souvient-il
comme il étoit joli dans son petit
maillot f Je ne fuis pas moins en peine
que vous de ce changement.
J'avois rêvé en. vous, disant que-
;
Madame de Thianges étoit allée con-
duire ra sœur il n'y a eu que la Ma-

,
réchale de Rochefort & la Marquise
de la Vallière qui ont été jusqu'à
Essonne. Elleest toute seule,& mê-
me elle ne trouvera personne à Ne-

,
vers. Si elle avoit voulu mener tout
ce qu'il y a de Dames à la Cour
,
elle auroit pu choisir. Mais par-
lons de l'amie elle est encore plus

comme fournis à Con empire


de :
triomphante que cette-ci : tout est
toutes
;
les femmes de chambre sa voisine
font à elle l'une lui tient Le pot à

,
pâte à genoux devant elle, l'autre lui
apporte ses gants l'autre l'endort;
elle ne salue personne, & je crois que
dans son coeur elle rit bien de cette
servitude. On ne peut point juger
présentement de ce qui se paire entre
elle & son amie.
On est fort occupé de la Brinvil-
liers. Caumartin a dit une grande
h
u :
folie sur ce bâton dont elle avoit
voulu se tuer fans le pouvoir cefl
dit-il, commeMithridate: voussçavez ,.

;
de quelle forte if s'étoit accoutumé
au poison il n'est pas besoin de vous
conduire plus loin dans cette appli-
cation. Celle que vous faites de tnt
main à qui je dis, allons, allons la,;
plainte eji vaine (e), m'a fait rire car

:
plet elle me répond
! ,
il est vrai que le dialogue est com-
ah quelleri-
,
gueur inhumaine Allons, lui dis je ,
achever mes écrits, je me venge de tous

!
mes crij. Quoi, reprend-elle, vous
feres inexorable Et je coupe court
en lui disant, cruelle, vous m'avez ap-
pris à devenir impitoyable. Ma fille,
que vous êtes plaisante ! & que vous
me réjouiriez bien, si je pouvois aller
cet été à Grignan 1 mais il n'y faut
pas penser , le bien méchant (f) est
accablé d'affaires. Je garde ce plaisir
pour une autre année; & pour celle-
,
,
ci j'espérerai que vous me viendrez
voir. J'ai été à l'Opéra avec Madame

,
de Coulanges
court
Madame d'Heudi-
Monsieur de Coulanges
l'Abbé de Grignan & Corbinelli.
,
Opéra ;
Il y a des choies admirables dans cet
les décorations paflent tout
;
ce que vous avez vu les habits font
(e) Voyez la Scène 11 de l'Acte 11 de
l'Opéra d'Alceste.
fI) C'est-à-dire, le bien fort qui étoit
l'Abbé de CQulanges. ,
: ;
,
magnifiques oc galants il y a des en-
droits d'une extrême beauté il y a
un sommeil & des songes dont
l'invention surprend. La symphonie
est toutede balles & de tons si aiTou-
piffans qu'on admire Baptijle sur
,
nouveaux frais. Mais l'Atys est ce
Nourrice;
petit drôle, qui faisoit laFurie & la
de forte que nous voyons
toujours ces ridicules personnages au
travers d'Atys. 11 y a cinq ou six

comme Faure ,
hommes tout nouveaux, qui dansent

; cela feul m'y feroit


aller & cependant, on aime encore
mieux Alcefle: vous en jugerez, car
vous y viendrez pour l'amour de
moi, quoiquevous ne soyiez pascu-

;
rieuse. Il est vrai que c'est une belle
chose, de n'avoir pas vu Trianon

l'homme ,
après cela, vous peut-on proposer le
Pont du Gard f Vous trouverez
dont vous avez aisément
deviné l'aventure, de la mpme ma-

:
nière que vous l'avez toujours vu
chez la belle mais il me paroît que
le combat finit faute de combattans. Les
reproches étoient fondez sur la gloire
plutôt que sur la jalousie : cependant,
lorsqu'on joint sécheresse qui
y une
^toit déjà séche ,
cela confirme une
indolence infépaTable des longs atta-
chemens. Je trouve même quelque-
fois des réponses brusques & dures ;
êc je croir voir que l'on fent la diffé-
rence desgénies. Mais tout celan'em-
pêche point une grande liaison &
,
même beaucoup d'amitié, qui pourra
durer encore vingt ans. La Dame
est en vérité fort jolie; elle a des foins
de moi que j'admire, & dont je ne
suis pas ingrate. Il faut avouer que
les femmes valent leur pesant d'or.
La Comtesse (de FitJqMt ) maintenoit
1,
; :
l'autre jour à Madame Cornue
Combourg n'étoit point fou Mada-
me Cornuel lui dit bonne Comtesse,
que

:
vous êtes comme les gens qui ont mangé
de Vail cela n'est-il point piaisant ?
M. de Pomponne m'a mandéqu'ilme
prioit
les de ne pas oublier d'écrire tous
bons mots de Madame Cornuel ;

;
il me fait faire mille Mniticzparmoot
fils. Nous partons Lundi jene veux
point passer par Fontainebleau, à
;
caure de la douleur que j'y sentis ea
vous reconduisant jusques-là je n'ai
envie d'y retourner que pour aller
au-devant de vous. Je crois que potre
commerce
;
fera un peu interrompu
j'en fuis fâchée vos lettres me font
d'un grand amusement, vous écrivez
»

comme Faure danse. Il y a des appli-


cations sur des airs de l'Opéra, mais
vous ne les sçavez point. Que je vous
plains, matrès-belle, d'avoir pris une
vilaine médecine plus noire que ja-
mais! Ma petite poudre d'antimoine

,
est la plus jolie chose du monde, c'est

,
;,
le bon pain comme dit le vieux de
Lorme. Je lui désobéïs un peu car il

,
m'envoie à Bourbon mais l'expé-
rience de mille gens & le bon air
& point tant de monde

,
,
tout cela
m'envoie à Vichi. La bonne d'Esca.'t

;
vient avec moi j'en fuis fort aise.
Mes mains ne Ce ferment point j'ai
mal aux genoux, aux épaules, & je
me rens encore si pleine de férofitez,
que je crois qu'il faut fécherces ma-
récages, & que dans le temps où je
fuis il faut extrêmement se purger:
c'est ce qu'on ne peut faire qu'en pre-
nant des eaux chaudes. Je prendrai
aussi une légère douche à tous les
endroits encore affligez du rhumatif-
;
me après cela, il me semble que je
me porterai fort bien. Le voyage
d'Aigues-Mortes est fort joli vous
êtes une vraie paresseuse de n'avoir
,
pas voulu être de cette partie. J'ai
bonne opinion de vos conversations
avec l'Abbé de la Vergne, puilque
vous n'y La mêlez point M. de Alar-
seille. dévotion de Madame de
Brissac étoit une fort belle pièce je
vous manderai de ses nouvelles de
;
Vichi ; c'est le Chanoine ( g ) qui gou.

qui , ,
verne présentement saconscience, &
je crois m'en parlera à coeur
ouvert. Je fuis fort aise de la parure
;
qu'on a donnée à notre Diane d'Ar-
les tout ce qui fâche Corbinelli,
c'est qu'il craint qu'elle n'en foit pas
plus gaie. J'ai été fiignée ce matin,
comme je vous l'ai déja dit au bas de
laconsultation en vérité, c'eit une
:
grande affaire me voilà maintenant
préparée à partir.
(f)Madame de Longueval, Chanoinesse.
Elle étoit feeur de la Maréchale d'Estrées Se
de M. de Maticamp.

- ',nt t'pi;>.

LETTRE
*LETTREXIV.
LAM t
A
A
Paris, M E.
Vendredi 8 Mai. 1676.
J ELepars Lundi, ma chère enfant.
Chevalier de Buous vous porte
un éventail, que j'aitrouvé fort joli
ce ne font plus de petits amours
n'en est plus question ; ce font de
petits ramoneurs les
plus gentils du
,
il
:

monde. Madame de Vins a gagné un


grand morceau defqn,procès, mal-
gré M. d'emboëlequis'étoitsignalé
contre çlle. La bonne Tarente estau
désespoircontre M.d'Ormesson, qui
gouverne les affaires de M. de la
,
Trémoille & qui ne veut pas qu'on
lui false decertains fupplértensau
préjudice des anciens créanciers. Elle
pleuroit fort bientantôt, & mecon-
toit aussi les ^ncWijitezdeMadame
de Monaco pour elle.
aime aflèzcette"tante ,
MADAME
elle bara-
gouïne de l'Allemand avec elle cela ;
importune la Monaco (h). Mon Dieu?
il
est vrai que la Simiane se répare de
son mari, fous prétexte de (es galan-
!
teries ? Quelle folie Je lui aurois
conseillé de faire quitte avec lui. On

;
dit qu'elle vient ici, & qu'elle veut
aller en Bretagne tout cela est-il
vrai ? Je vous embrasse ma chère
,
enfant, je ne vous écrirai pas davan-
; f
tage aujourd'hui ce n'et pas le jour
,
de la grande dépêche., La porte est
baïffable, les lettres font à Paris Se
on ne veut les distribuerquedemain:
,
ainÍÎ on fait réponse à deux à la fois.
J'oubliois de vous dite tant je me
porte bien , qu'aprèsavoir été fai-
gnée, fai pris de'la poudre du bon
homme (deLorme) , dont je-fuiie tr'
contente, de forte queme voilàtoute
vête à partir..
*') Fayorite de MA D KM,Ù.
'.:1.
LETTRE XV.
•A LAMIIME.
A Paris, Dimanche au foir10 Mai. 1675-
1 EJe parsdonne
demain à la pointe du jour,
ie ce
, ,
foir à souper à Ma-
dame de Coulanges, son mari Ala.
dame de la Troche Monsieur de lar
Trousse, Mademoiselle de Mongeron
&Corbinelli, qui viendront me dire
adieu en mangeant une tourte de pi-

;
geons.
moi
La bonne d'Escars part avec
& comme le bien bon a vu qu'il
pouvoit- mettre ma fanté entre feu-

,
mains, il a pris le parti d'épargner la

;
fatigue de ce voyage & de m'atten-
dre ici où il a mille affaires il m'y
attendra avec impatience, car jevous
assure que cette réparation, quoique

;
petite, lui coûte beaucoup, &je crains
pour sa fanté les ferremens de cœur
nefont pas bons, quand on estvieux.
Je ferai mon devoir pour Je retour ,
f
puisque c'et la feule occasion dans
ma vie, ou je puisse lui témoigner
mon amitié, en lui sacrifiant jusqu'à
la pensée feulement d'aller à Grignan.
Voilàprécisément l'un de ces cas où
l'onfait céder Tes pfus tendres sen-
timens à la reconnoissace.
Il vous reviendra cinq ou six cent
pifioles de la succession de notre oncle
de Sévigné (i), que je voudrois que
vous eussiez tout prêts pour cet hiver.
-Je ne comprends que trop les embar-
ras que vous pouvez trouver par les
;
dépenses que vous êtes obligez de

,
faire &je ne pousserien sur le voya-
ge de Paris persuadée que vous
m'aimez aflfez,&que voussouhaitez
assez de me voir pour y faire an
,
monde tout ce qoe vous pourrez.
Vousconnoissez, d'ailleurs, tous mes
sentimens sur votre sujet, & combien
la vie me paroît trifie fans voir une
,
personne que j'aime si tendrement. Ce
fera une chose fâcheure, fiM. de Gri-
gnane~ obligé de passer l'été à Aix,

,
& une grande dépense, ne fût-ce qu'à
caure du jeu qui fait un article de la

fortune ,
vôtre allez considérable. J'admire la
Se c'est le jeu qui soûtient

(i> Voyez la lettre du vingt-deux Mars.


page5.
M. de la Troufle.Vous avez donc
cru être obligée de vous faire saigner:
la petite main tremblante de votre
Chirurgien me fait trembler. M. le

Chirurgien ;
Prince disoit une fois à un nouveau
ne tremblez-vous point

c'est à vous de trembler :


de me saigner? Pardi, Monffigneur,
il disoit

;
vrai. Vous voilà donc bien revenue
du café Mademoiselle de Méri l'a

,
aussi chasle de chez elleassez honteu-
fenient : après de telles difgraees
?
peut-on compter sur la fortune Je
fuis persuadée que ce qui échauffe,
est plus sujet à ces fortes de revers,
que ce qui rafraîchit ; il en faut tour
jours revenir là; & afin que vous le
fçachiez, toutes mes férofitez vien.
nent si droit de la chaleur de mes en-
trailles, qu'après que Vichi les aura

,
con fumces, on va me rafraîchir plus
quejamais par des eaux par des
fruits, & par tous mes lavages que

,
vous connoissez. Prenez ce régime
plutôt que de vous brûler & con-
servez votre fanté d'une manière que
ce ne foit point par-là que vous puis-
fiez être empêchce de me venir voir.
Je vous demande cette conduite pour
iamour de votre vie, & pour que
rien ne traverse la satisfaction de la
mienne.
;
ma petite compagnie qui vient de
,
partir. Meidames de Pomponne
Vins
,
Je vais nie coucher, ma fille voilà

de Villars & de Saint-Geran,


ent été ici ; j'ai tout embrassé pour
de

vous. Madame de Villars a fort ri de


;
ce que vous lui mandez, j'ai un mot à
;
lui dire cela ne se peut payer. Je
pars demain à cinq heures je vous
écrirai de tous les lieux où je passerai.
Je vous embrasse de tout mon coeur :
;
je fuis fâchée que l'on ait profané
cette façon de parler fans cela, elle
feroit digne d'expliquer de quelle fa*
çon je vous aime..
LETTRE XVL
A LA MEME.
'A Montargis, Mardi 12Mai. 1676*
J E vous écrivis avant-hierau foir,
ma chèreenfant', & vous recevrez

poste;
deux de mes lettres par la même
de forte que si vous dites,
après avoir lu la première, j'en vou-
drois bien une autre, la voici qui se
présentera, & vous dira que je fuis à'.
.Montargis avec la bonne d'Escars en
trèsbonnefanté, hormis ces mains &
i
«es genoux. Vous connoissez cette
mtite-ci j'ai évité Fontainebleau..
je ne veux le revoir que pour aller-
au-devant de vous. J'ai couché à:
où je me serots bien pro-
;
Courance
menée, si'je n'étois point encore une-
iûte poulemouillée c'est mouillit*
au pied de la tettre, car je fue tout le*
jour. J'ai encore des peaux deliévre,
parce que le frais du matin, qui don-

.xm hiver glacé;


ne la vie à tout le monde, me paroît
de forte, que j'aimçr
mieux avoir trop chaud dix heures
durant, que d'avoir froid une demi-
heure. Que dites-vous de ces agréa-
bles restes de rliumatifme ? ne croyez-
vous pas que j'aye besoin des eaux
?
; ,
chaudes fauf à me rafraîchir à mon
retour car mes entrailles ne font pas

min ,
à la glace. Enfin me voilà en che-
& même dans votre chemin.

,
Nous parlons souvent de vous, Ma-
dame d'ECcars & moi & j'y pense
fans cefle. Il faudroit être Spenjierata,
;
,
dit-on. pour bien prendre des eaux
il estdifficile que je fois dans cet état

;
bien-heureux
Abbé
étant si loin du bon
il me semble toujours qù'tt va
tomber malade. Sçaves-vous comme
je l'ai lailfé ? avec un feul laquais* M
a voulu me donner son cocher.&
Beaulieu a,,-ec ses deux chevaux pour
:
m'en faire six je ne vois que l'ingra-
titude qui puissemetirer d'affaire.
-

Adieu, ma trèschère. Hélas quoi


me sertdem'approcher de vous 'Je
!à f
:•!i;,.;k.
la
pourBrinvilliers.

y.'ti.,
t.,
i:M;.,"
vous plains di ne m'avoirplus à Paris*
,tf
vous mander des nouvelles de

'):' ":"1.'
tETTRE
LETTRE XVII.
LAMÊME.
A
A Nevers, Vendredi 1)Mai. 1676.
v 01 c une route où l'on feroit
1
,
tentée de vous écri re quand
on ne le voudroit pas ; jugez ce que
c'est, quand on y est, d'ailleurs, aussi-

est admirable ; ;
bien dirporée que je le fuis. Le temps
cette grosse chaleur

,
s'est dissipée fans orage je n'ai plus
;
de ces cri Ces dont je vous avois parlé
je trouve le pays très-beau & ma

:
rivière de Loire m'a paru quasi aurli
belle qu'à Orléans c'est un plaisir de
trouver en chemin d'anciennes amiel.
J'ai amené mon grand carrosse de
,
forte que nous ne Tommes nullement
pressées, & nous jouïssons avec plaitir
des belles vues, dont nous Tommes
surprises à tout moment. Tout mon
déplaisir, c'est que l'hiver les chemins
font bien différens, &que vous aurez
autant de fatigue que nous en avons
peu. Nous suivons les pas de Madame
de Montespan ; nous nous faisons

,
conter par-tout , ce qu'elle dit ce
qu'elle fait ce qu'elle mange, ce
,
qu'elle dort. Elle est dans une calcche
à six chevaux avec la petite de Thian-
;
ges
;
elle a un carrosse derrière, at-
telé de même, avec six femmes elle
a deux fourgons , six mulets, & dix
ou douze hommes à cheval fans ses
Officiers: son train est de quarante-

;
cinq personnes. Elle trouve sa cham-

,
bre & son lit tout prêts elle se cou.
che en arrivant, & mange très-bien*
Elle fut ici au Château où M. d$
Nevers étoit venu donner ses ordres,
& ne demeura point pour la recevoir.
On lui vient demander des cliaritez
pour les Eglises & pour les pauvres,
elle donne par-tout beaucoup d'ar.
gent, & de fort bonne grâce. Elle a
tous les jours un courier de l'armée
elle efiprésentement à Bourbon. La
;
Princesse de Tarente, qui doit y être
dans.deux jours, me mandera le reste,
& je vous l'écrirai. Vous ai-je man-
dé que ce favori da Roi de Dane-
marck, amoureux romanesquement
de la Princesse ( k ) est prisonnier,
,
[k) Charlotte-Amélie de ,
la Trémoille 1
le qu'on lui fait Ton procès ? Il avoit
un petit dessein feulement, c'étoitde
se faire Roi, & de déthrôner fou
Maître & (on bienfaiteur. Vous

:
voyez que cet homme n'avoit pas de
médiocres pen fées M. de Pomponne
m'en parloit l'autre jour comme d'un

,
Cromwel. Au reste, ma chère en-
fant je sens que je ne passerai point
ma vie, à moins que je ne meure bien-
tôt, fans revoir votre Château avec
,
toutes ses circonstances & dépendan-
ces; je conferve cette espérance Se
je voudrois bien en avoir une plus

avec moi. Adieu ,


prochaine de vous avoir cet hiver
ma très-chèré
,
fuis assurée que je vous écrirai à Mou-
je

tins, où j'espère trouver de vos let-


tres qui doivent m'être renvoyées de

rance de toutes nouvelles ;


Paris. Je fuis dans une entière igno-
celles de
la guerre me tiennent fort au cœur;

;
cela ne vaut rien pour prendre des
taux mais que faire, quand on a
?
quelqu'un À l'armée il faudroit donc
ne les prendre qu'au mois de Jan-
,
fille de la Princesse de Tarente mariée le
19 Mai 1 <80 à Antoine Comte d'Altembourg
ceDanemarck.
vier. Je lis dans le carrosse une petite

,;
histoire des Visirs & des intrigues
du Serrait qui se laisse lire aflez
agréablement c'est une mode que
ce livre. Bon foir, ma très-aimable,
;
je baise le Grignan, & fais mille ami-
tiez à M. de la Garde contez à ce
dernier par quel guignon la vente de
notre Guidon est allée à vau-l'eau:
vous êtes bien heureux de vous avoir
tous deux.

LETTRE XVIII.
ALAMEME.
.-
SC76. A Moulins, à la Visitation, dans la
()
morte ;
chambre où ma grand'mère 1 est
ce Dimanche après Vêpres
17 Mai, entourée des deux petites
de Valençai.
hier au foir ici, ma
J 'Arrivai
chère enfant
(/)
, six jours très-
en
Jeanne-FrançoifeFrémiot, Baronne de

,
Chantal, Fondatrice de l'Ordre de la Visita-
tion qui vient d'être déclarée Bien-beureoifs
par un Bref de BenoîtXIV. du 13 Novembre
W.
agréablement. Madame Fouquet, ion

;,
beau- frère & son fils, vinrent au-
devant de moi ils m'ont logée chez
eux. J'ai dîné ici & je pars demain
pour Vichi. J'ai trouvé le Mausolée
admirable (m) ; le bon Abbé auroit
été bien ravi de le voir. Les petites

bles ; vous les avez vues ;


filles que voilà font belles & aima-
elles
se souviennent que vous faisiez de
grands soupirs dans cette Eglise je
pense que j'y avois quelque part, du
;
moins sçais-je bien qu'en ce même

:
temps j'en faisois de bien douloureux
de mon côté est-il vrai que Mada-
?
,
me de Guénegaud vous disoit fou-
pirez Madame, soupirez, j'ai ac-
coûtumé Moulins aux soupirs qu'on
apporte de Paris. Je vous admire
d'avoir pensé à marier votre frère ;
vous avez pris la chose par un très-
Je suivrai ce chemin ,
bon côté, & j'eltime le négociateur.
quand je ferai

(m)
la Visitation de Moulins,
Le superbe tombeau que Mirie-
Félice des Ursins fit élever dans l'Eglilè de
pour Ton mari
( Henri Due de Montmortnci ) décapité à
louloufele jo Oftobre 1(31, par Arrêt du
Parlement de Toulouse.
:
retournée à Paris écrivez-en à d'Hat.
queville. On juge très-jufiement du
:
bien de mon fils par celui de ma fille

;
ce feroit une chose digne de vous de
faire ce mariage j'y travaillerai de
mon côté. Vous croyez donc n'avoir
!
pas été assez affligée de ma maladie ;
,
hé,bon Dieu qu'auriez-vous pu faire?
vous avez été plus en peine que je
,
n'aiété en péril. Comme la fièvre
que j'ai eue vingt-deux jours étoit
causée par la douleur, elle ne faisoit
peur à personne. Pour mes rêveries,
elles venoient de ce que je ne pre-
nois que quatre bouillons par jour
& qu'il y a des gens qui rêvent tou-
,
jours pendant la fiévre. Votre frère
;
m'en a fait des farces à mourir de
rire il a retenu toutes mes extra-
vagances, &vousenréjouïra. Ayez
donc l'esprit en repos, ma belle, vous
n'avez étéque trop inquiète & trop
affligée de mon mal.
Il fautque M. de la Garde ait de
bonnes raisons pour se porter à l'ex-

,:
trêmité de s'atteler avec quelqu'un ;
je Je croyois libre
,
& sautant &
courant dans un pré mais enfin il
faut venir au timon, & se mettre fous
; !
le joug comme les autres. J'ai le cœur
ferré de ma chère petite la pauvre
enfant, la voilà donc placée elle
a bien dissimulé sa petite douleur; je
laplains, si vous l'aimez& sielle vous
aime autant que nous nous aimions:
mais vous avez un courage qui vous
fert toujours dans les occasions ; Dieu
m'eût bien favorifée de m'en donner
un pareil.
bon,
Madame de Montespan çft à Bour-
où M. de la Valiièreavoit don-
né ordre qu'on la vint haranguer de

ment;
toutes les filles de son Gouverne-
;
elle ne l'a point voulu. Elle
a fait douze lits à l'Hôpital elle a
donné beaucoup d'argent, elle a en-
richi les Capucins; elle souffre les
visites avec civilité. Al. Fouquet &
sa niéce qui buvoient à Bourbon, l'ont
été voir; elle causa une heure avec
lui sur les chapitres les plus délicats.

main; ,
Madame Fouquet s'y rendit le lende-
Madame de Montespan la re"
çut très-honnêtement & l'écouta
avec douceur, &avec une apparence
de compassion admirable. Dieu fit
dire à Madame Fouquet tout ce qui
se peut au monde imaginer de mieux,
avec son mari , s
& sur l'instante pnere de enfermer
& sur l'espérance
qu'elleavoit que la Providence don-
nerait à Madame de Montespan dans
les occasions, quelque souvenir &
quelque pitié de ses malheurs. Enfin,
fans rien demander de positif, elle lui
fit voir les horreurs de (on état, &
la confiance qu'elle avoit en sa bon-
:
té, & mit à tout cela un art qui ne
peut venir que de Dieu ses paroles

importunité
,;
m'ont paru toutes choisies pour tou-
cher un cœur fans bassese & fans
je vous affure que le
récit vous en auroit touchée. Le
fils (n) de M. de Montespan est chez
Madame Fouquet à la campagne,
d'où elle est venue pour me voir.
Il a dix ans, il est beau lie spirituel
son père l'a lai(Té chez ces Dames (o),
:
se porte très-bien ,
en venant à Paris. La bonne d'ECcars
& prend un foin

,
extrême de ma fanté. Contez-moi
les sorcelleries de Madame de Rus.
Adieu, très-aimable je vous em-
brasse mille fois, & vous aime com-
me il faudroit aimer son salut.
(n) Louis-Antoine de Pardaillan, depuis
Ducd'Antin.
(o) Mcfdames Fouquet.
LETTRE XIX.
A LA 1\1EME.
A Vichi, Mardi ip Mai. 16764

J écrire; lettre partira quand


E commence aujourd'hui à vous

elle pourra ;
ma
;
je veux cauler avec
vous. J'arrivai ici hier au foir Ma-
dame de BrilTac avec le Chanoine (p),

,
Madame de Saint- Hérem & deux ou
trois autres me vinrent recevoir au
bord de la jolie rivièred'Allier ; je
crois que si on y regardoit bien, on
r
yAtrouveroit encore des Bergers de
tirée.
, ,
M. de Saint Hérem M. de

,
la Fayette l'Abbé Dorât
& d'autres encore
,
Planci
suivoient dans
un fécond carrossè ou à cheval. Je
fus reçue avec une grande joie. Ma-

;
dame de Brissac me mena Couper chez
elle je crois avoir déja vu que le

chesse ;
Chanoine en a jusques-là de la Du-

,
vous voyez bien uù je mets
)
(P
uellc.
Madame de Longueval Chanoi-
,
la main. Je me fuis reposée aujour-
d'hui & demain je commencerai à
boire.M. de Saint-Hérem m'est venu
prendre ce matin pour la Messe, &

,
lac y est venue on a joué pour:
ptJur dîner chez lui. Madame de Brif-

moi, je ne fçaurois me fatiguer à


mêler des cartes. Nous nous ionimes

;
promenez ce foir dans les plus beaux
endroits du monde & à sept heures,
la poule mouillée vient manger son

:
poulet, & causer un peu avec sa chère
enfant on vous en aime mieux, quand
on en voit d'autres. J'ai bien pensé
;
à cette dévotion que l'on avoit ébau-
chée avec M. de la Vergne j'ai cru
voir tantôt des restes de cette fabu-
leuse conversion : ce que vous m'en
disiez l'autre jour, est à imprimer. Je
fuis fort aise de n'avoir point ici mon
bien bon, il y eût fait un mauvais
personnage ; quand on ne boit point,
on s'ennuie ; c'est une billebaude qui
n'est pas agréable & moins pour lui
,
que pour un autre. On a mandé ici
que Bouchain étoit pris aussi heureu-
sement
que Condé ; & qu'encore que
le Prince d'Orange eût fait mine d'en
vouloir découdre, on est fort pcr-
fuadé qu'il n'en fera rien ; cela donne
quelque repos. La bonne Saint-Geran
m'a envoyé un compliment de la Pa-
Itlle. J'ai prié qu'on ne me parlât plus
du peu de chemin qu'il y a d'ici à
Lyon, cela me fait de la peine &
comme je ne veux point mettre ma
;
,
vertu à l'épreuve la plus dangereuse
où elle puisse être je ne veux point
recevoir cette pensée, quelque chose
que mon cœur, malgré cette résolu-
tion , mefaire sentir. J'attends ici de
vos lettres avec bien de l'impatience ;
,
& pour vous écrire, ma chère en-
fant
;
c'est mon unique plaisir quand

,
je fuit loin de vous & si les Méde-
cins dontje me moque extrêmement,
me défendoient de vous écrire, je
,
leur défendrois de manger & de ref-
pirer pour voir comme ils se trou-
veroient de ce régime. Mandez-moi
des nouvelles de ma petite, & si elle
s'accoutume à son Couvent. Mandez-

M. de la Garde ;
moi bien des vôtres & de célles de
dites-moi s'il ne
reviendra point cet hiver à Paris. Je
ne puis vous dissimuler que je rerois
sensiblement affligée, si par ces mal-
heurs & ces impodibilitez qui peuvent
arriver ,j etois privée de vous Voir.

,
Le mot de perte, que vous nommez
dans votre lettre me fait frémir; je

, ,
la craindrois fort en Provence. Je
prie Dieu ma fille qu'il détourne
ce fléau d'un lieu où il vous a ini-
se. Quelle douleur, que nous paf-
fions notre vie si loin l'une de l'autre,
quand notre amitié nous en approche
M tendrement!
Mercredi 20.

tria très-chère ;
J'ai donc pris des eaux ce matin,
ah
,
qu'elles font
mauvaises ! j'ai été prendre le Cha-
noine qui ne loge point avec Ma-
,
dame de Brissac. On va à six heures
à la fontai ne : tout le monde s'y trou-
, ;
ve on boit, & l'on fait une fort
vilaine mine
,
car imaginez-vous
qu'elles font bouillantes & d'un

promène ,,
goût de salpêtre fort dcfagréable.
On trurne, on va on vient, on se
,
on entend la Messe , on
rend ses eaux on parle confidem-
ment de la manière dont on les rend;
il n'est quertion que de cela julqu'à
midi. Enfin, on dîne, après diner on
,Qa chez quclquun ; c'étoit aujour-
d'hui chez moi. Madame de Brissàc a
joué à l'hombre avec Saint-Hérem
& Planci ; le Chanoine & moi nous
,
lisionsl'Arioste, elle a l'Italien dans
la tête elle me trouve bonne. I! est
,
venu des Demoiselles du pays avec
une flûte, qui ont dansé la bourrée
dans la perfection. C'est ici où les

mens ;
Bohémiennes pouffent leurs agré-
elles font des dégognades, oà
:
,
les Curez trouvent un peu à redire
mais enfin à cinq heures on se va
promener dans des pays délicieux ;
a sept heures on soupe légerement,
on se couche à dix. Vous en [çavez
présentement autant que moi. Je mo

,
fuis aflez bien trouvée de mes eaux
j'en ai bu douze verres elles m'ont
,
un peu purgée, c'est tout ce qu'on
desire. Je prendrai la douche dans
quelques jours. Je vous écrirai tous
les soirs ; ce m'est une consolation,
& ma lettre partira quand il plaira à
un petit messager qui apporte les let-

d'heureaprès :
tres, & qui veut partir un quart-*
la mienne fera tou-
jours prête. L'abbé Bayard vient
d'arriver de sa jolie maison pour m.
;
voir celt le Druide Adamas de
cette contrée.
Jeudi ai.

vos
;;
Notre petit messager croté vient
d'arriver
lettres
il ne m'a point apporté de
j'en ai eu de AI. de Cou-
)
langes, du bon d'Hacqueville, & de
la PrinceÍfe ( de Tarente qui est à
Bourbon. On lui a permis de faire sa
-
cour feulement un quart d'heure;
elle avancera bien là Ces affaires; elle
m'y Couhaite ; & moi, je me trouve

a que la que je
;
bien ici. Mes eaux m'ont fait encore
aujourd'hui beaucoup de bien il n'y
douche crains. Ma-

colique;
dame de Brissac avoit aujourd'hui la
,:
elle étoit au lit, belle &
coënée à coëffer tout le monde je
voudrois que vous eussiez vu l'usage
qu'elle faisoit de ses douleurs, & de
Ces yeux, & des cris, & des bras, 6c
des mains qui traînoient sur sa cou-
verture ; & les situations, & la com-
;
padion qu'elle vouloit qu'on eût cha-
marrée de tendresse & d'admiration,
je regardois cette pièce, & je la trou-
yois si belle, que mon attention a di
paroitreun lamiiement, dont lecrois
qu'on me (çaura fort bon gré ; & son-
gez que c'étoit pour l'Abbé Bayard,
Saint-Hérem, Monjeu & Planci que
,
la scène étoit ouverte. En vérité,
vous êtes une vraie pitaude, quand
;
je pense avec quelle simplicité vous

;
êtes malade le repos que vous don-

;
nez à votre joli visage & enfin,
quelle différence cela me paroît plai-

,
fant. Au reste, je mange mon potage

,
de la main gauche c'est une nou-
veauté. On me mande toutes les prof-
péritez de Bouchain & que le Roi
revient inceÍfamment : il ne fera pas
feul par les chemins. Vous me parliez
l'autre jour de M. Courtin, il est parti
pour l'Angleterre. Il me paroît qu'il
marade
vous
,
n'est refié d'autre emploi à ion ca..
que d'adorer la belle que
sçavez, fans envieux & sans
rivaux.
LETTRE XX.
ALA MEME.
m-
*676* A Vichi, Dimanche 24 Mai.
J reçois ;
E fuis ravie, en vérité, quand je
de vos lettres elles font si
aimables, que je ne puis me résoudre
à jouïrtoutefeule du plaisir de les
; ;
lire mais ne craignez rien, je ne fais
rien de ridicule j'en fais voir une

Chanoine;
petite ligne à Piyard, une autre au
!
ah que ce feroit bien
,
votre fait que ce Chanoine & en
vérité on est charmé de votre ma-
nière d'écrire. Je ne fais voir que
ce qui convient, & vous croyez bien
que meje rends maîtresse de la lettre,
pour qu'on ne lifepas surmonépause
ce que je ne veux pas qui ioit vu. Je
vous ai écrit plusieurs fois, & sur les
,
,
chemins & ici. Vous aurez vu tout
ce que je fais tout ce que je dis, tout
ce que je pense, & même la confor-
mité de nos pensées sur le mariage
de M. de la Garde. J'admire comme
notre
,
notre esprit ejl véritablement la dupe de
notre cœur & les raisons que nous
trouvons pour appuyer noschange-
paroît admirable ;
mens. Celui de M. le Coadjuteur me
mais la manière
dont vous le dites, l'est encore plus ;
quand vous lui demandez des nou-
velles du Lundi, vous paroiffez bien
persuadée de sa fragilité. Je fuis fort
aise qu'il ait confervé sa gaieté & son
visage de jubilation. J'ai toujours

;
envie de rire, quand vous me parlez
du bon homme du Parc je ne trouve
rien de si plaisant que de le voir
,
feul persuadé qu'il fait des miracles;
je fuis bien de votre avis, que le plus
grand de tous feroit de vous le per-

;
fuader. Je fuis fort aise que ma petite
foit gaie & contente c'étoit la tris-
tefle de son petit cœur, qui me faisoit

,,
de la peine. Il est vrai que le voyage
d'ici à Grignan n'est rien j'en dé-
tourne ma pensée avec foin parce
:
qu'elleine fait mal niais vous ne me
ferez pas croire, ma belle, que celui
de Grignan à tout
rable ; il est ,
Lyon foit peu confidé-
des plus rudes &
je feroistrès-fâchée que vous le fissiez
pour retourner sur vos pas ; je ne
change point d'avis là-deilus. Si vous

& qu'on dérange ,


étiez de ces personnes qu'on enlève
& qui se lailfent
,
:
entraîner j'aurois espéré de vous
emmener avec moi mais vous êtes
d'un caradère, dont on ne peut se pro-
mettre de pareilles complaiCances. Je
connois vos tons & vos résolutions
& cela étant ainr.1 j'aime bien mieux
;
que vous gardiez toute votre amitié
& tout votre argent, pour venir cet
hiver me donner la joie & la con-
fclation de vous embrasser. Il est
vrai cependant que si je tombois ma-
lade ici ce que je ne crois point
,
:
du tout, je vous prierois assurément
d'y venir en diligence mais je me
porte fort bien, je bois tous les ma-
;
lins je fuis un peu comme Nouveau,
qui demandoit, ai je bien du plaisir?
Je demande aussi , rends je bien mes
taux? la
?
,;quantité, la qualité, tout va-

,
l-il bien On m'assure que ce font des
merveilles & je le crois & même
je le sens car, à mes mains & à mes

,
genoux près qui ne font point gué-
ris parce que je n'ai encore pris ni
le bain ni la douche, je me porte
iGutfuiffi-bica que j'ai jamais fait. La
;
beauté des promenades est au-defius
de ce que je vous en puis dire cela
feul me redonneroit la fanté. On
est tout le jour ensemble. Madame de

familièrement
que des
:
Brissac & le Chanoine dînent ici fort

viandes
comme on ne mange
simples, on ne
fait
nulle façon de donner à manger.Vous
aurez vu par ce que je vous mandai
avant-hier, combien je fuis prête à ai-
mer quelqu'un plus que vous. Après
la pièce admirable de la colique, on
nous a donné d'une convalescence
pleine de langueur, qui est en vérité
fort bien accommodée au Théâtre 5
il fau.it des volumes pour dire
tout ce que je découvre dans ce chef-
d'œuvre des cieux. Je paGè légére-
ment sur bien des choses, pour ne
point trop écrire. Vous me parlez fort

,;
plairamtnent de ce Saint qui vous est
tombé à Aix & qu'on épouille à
tout moment
point nommé son reliquaire ;
il faudroit avoir à
cet
,
poux que vous appeliez des reliques
vivantes m'ont choquée ; carcomme
on m'a toujours appellée de ce nom
à Sainte Marie (q ), je me fuis vue
(j) Madame de Sévigné Itoit appellér,
en même temps comme votre M.Ri-
, ,
bon. On m'accable ici de présens ;
c'est la mode du pays où d'ail-
leurs, la vie ne coûte rien du tout:
enfin, trois fous deux poulets, & tout
à proportion. Il y a trois hommes
qui
,
dre ne font occupez que de me ren-
; ,
service, Bayard Saint-Hérem
& la Fayette comme je vous fais
souvent payer pour moi n'oubliez
pas de m'écrire quelque mot qui les
;
regarde. Adieu, mon ange, aimez-
moi bien toujours je vous affure que
vous n'aimez pas une ingrate.

r
LETTRE XXI.
ALA M E M E.
J676. A Vichi, Mardi 26 Mai.
J E dois recevoir ; elles
encore quelques-
lettres
unes de vos

,
titte veliquevivante
de Paris
feront toutes les bien venues ,,
à Sainte Marie
ma
à causè
de Madame de Chantai, ra grand'mére, qui
étoit dés-lors regardée comme une Sainte par
les Filles dela~,qu'elle avoit fondiClt
très-chère.Vous avez une idée de ma
fanté, qui n'est pas juste ; ne sçavez-
vous pas que j'ai confervé mes belles
jambes ? ainsi je marche fort bien.

épaules ;
J'ai mal aux mains, aux genoux, aux
on m'assure que la douche

peu que
;
me guéri ra : j'ai très-bon visage , je
dors & je mange bien j'ai même si
d'humeurs, je ne prendrai des

main la douche , :
eaux que quinze jours, crainte de me
trop échauffer. Je commencerai de-
& vous manderai
fans cesse de mes nouvelles ne me
grondez point de vous écrire c'est
,
mon unique plaisir , & je prends mon
temps d'une manière qui ne me peut
nuire. Ne me retranchez rien de tout

des choses si tendres ,


ce qui vous regarde ; vous me dites

, si bonnes, si
vraies que je n'y puis répondreque
par ce que je sens. Je ne me repenr
;
point de ne vous avoir point laissé
venir ici, mon cœur en souffre mais
à
quand je pense cette peine pour n'ê-
tre que huit ou dix jours avec moi, je

,
trouve que je vous aime mieux cet
hiver. Je fuis si attachée à vous que
J& i
je Cens plus que les autres la peine de
séparation ainsi, ma très-chère,
je me fuis gouvernée félon mes for-
bleflès, & n'ai pas écouté l'envie 6c
la joie que j'aurois eue de vous avoir.
Je ne crois pas être ici dans dix jours.
La Duchesse s'en va plutôt, & le joli
Chanoine: elle s'en va chez Bayard ,
;
parce que j'ydois aller; il s'en paf-
feroit fort bien il y aura une petite
troupe d'infelici amanti. Ma fille, vous
;
perdez trop, c'est cela que vous de-
vriez regréter il faudroit voir com-
me on tire sur tout fans distinction &

:
fans choix. Je vis l'autre jour de mes
propres yeux flamber un pauvre Cé-
à
jugez comme celaparoît moi,

;
qui fuis accoutumée à vous. Il y a des
femmes ici fort jolies elles danserent
hier des bourrées du pays, qui font

:
en vérité les plus plaiTantes du mon-
de il y a beaucoup de mouvement,

gnées;
& les aégognades n'y font point épar-
mais si on avoit à Versailles
de ces fortes de danseuses en masca-
rades, on en feroit ravi par la nou-

;
garçon déguisé en femme ,
veauté ; car cela paffe encore les
Bohémiennes. Il y avoit un grand
qui me
divertit fort sa jupe étoit toujours
en l'air, & l'on voyoit dessousde fort
telles jambes.
Je me fuis fait valoir ici des nou-
velles du combat naval. Comme nous
pleurâmes le ChevalierT ambonneau,
,
quand il fut tué l'autre fois je m'en
tiens quitte. Adieu, mon enfant, re.

Château;;
posez-vous bien dans votre beau
c'est là où j'aimerois bien à
être cet été mais ne m'en parlez
point-, je n'ai jamais cru avoir de la
vertu que dans cette occasion.

LETTRE XXII.
A LAMEME.
A Vichi Jeudi 28 Mai. 1676^
,
J E reçois deux de vos lettres, l'une
me vient du côté de Paris, & l'au-
1 tre de Lyon. Vous êtes privée d'un
grand plaisir de ne faire jamais de pa-
reilles lectures: je ne sçais où vous
prenez tout ce que vous dites mais
cela est d'un agrément & d'une juf-
;
tefle à quoi l'on ne s'accoutume point.
Vousavez raison de croire que j'écris

tent mieux :
fans effort, & que mes mai ns se por-
elles ne Ce ferment point
,
encore, & le dedans des mains est fort
enflé & les doigts aufli. Cela me fait
trembler, & me donne la plus mau-
:
vaife grâce du monde dans l'air des
bras& des mains une circonfiance
qui me console un peu, c'est que je

mencé aujourd'hui la douche ;


tiens ma plume fans peine. J'ai com-
c'est
une aÍfez bonne répétition du purga-
toire.On est toute nue dans un petit
,
I.u fouterrein , où l'on trouve un
tuyau de cette eau chaude qu'une
femme vous fait aller où vous voulez.
Cet état, où l'on conferve à peine
une feuille de figuier pour tout habil-
lement estune chosé aflfez humilian-
te. J'avois voulu mes deux femmes
de chambre, pour voir encore quel-
qu'un de connoissance. Derrière un
y

rideau se met quelqu'un qui vous


soûtient le courage pendant une demi-
heure; c'étoit pour moi un Médecin
de Gannet, que Madame de Noailles
a mené à toutes Ces eaux, qu'elle ai-
,
me fort, qui est un fort honnête gar-
çon point charlatan, ni préoccupéde
rien, qu'elle m'a envoyé par pure &
bonne amitié. Je le retiens m'en
,
dût-il coûter mon bonnet;ceux d'ici
mq
font inlupportables, & homme
me
m'amuse. Il
; cet
neressemble point à u*
;
vilain Médecin il nerefièmble point
aussi acelui de Chelles(r) il a de

monde ;
l'esprit, 4e l'honnêteté, il connoît Je
enfin j'en fuis contente. H
,
me parloit donc pendant que j'étois
au supplice : représentez-vous un jet
d'eaubouillante contre quelqu'une
de vos pauvres parties. On met d'a-
bord l'alarmepar-tout, pour mettre
en mouvement tous les esprits ; Se
:
puis, on s'attache aux jointures qui
ont été affligées mais quand on vient
à la nuque du coa» c'est une forte de
prendre;
feu & de surprise, qui ne se peut com-
c'est
de l'affaire.

Il
cependant le nœud
faut tout souffrir, &
l'on souffre tout, & l'on n'est point
brûlée, & on se met ensuite dans ua
lit chaud, où l'on fue abondamment,
& voilà ce qui guérit. Mon Médecin
m'est alors encore fortbon ; car au
lieu de m'abandonner à deux heures
d'un ennui qui ne Ce peut séparer de
la tuemr, je le fais lire & cela me
t
divertit.Enfin, je ferai cette vie sept

la ,
ou huit jours , pendant lesquels je
(r) Voyez lettredu 6 Mai page if.
croyois boi re ; mais on ne veut pas,
« fesoit trop dechôfés ; de forte
c'est unè petite allonge à mon voya-
que
ge. C'estprincipalément pour finir
cet adieu, & faire Une deftfiiefe lef-
sive que l'on m'a envoyée ici, & je
,
trouve qu'il y à de la raison c'est
j
comme si je renouvelles un bail de
vie & defanté & si je puis vious re*
voir, & vousembrasser encore dans
Ja tendresse & la joiede mon coeur,
vous pourrez peut-être m'appeller
encore votre bellissima madré, & je ne
renoncerai pas à la qualité de mère-
beauté, dont M. : de Coulanges m'a
honorée.Enfin, ma chère enfant
dépendra de voue de me reflu(citer
,il
de cette mnière. J'ai senti doulou-
reu sement le 24. de ce mois ( s) je
l'ai marqué par un souvenir trop ten-
;
;
dre ; ces jours-là ne s'oubliént pas
facilement mais il yauroit bien de
la cruauté à nevouloirplus me voir,

2.4
fut
& à me refuser la satisfaction d'étre
,,
- •:;rr rappelle
( 1) Madamede Sévignié se
't

du,mois de Mai de
tr.!'.) ;<*
ici le
le jour oii elle se répara de MadamedeGri-
gnan
ume
à
t-
Fontainebleau,
,)
ily/a
•< .:. n'-'
lA pagé
avec vous, pour mépargner le dé-

manière,
plaisir d'un adieu. Je vous conjure,
ma fille, de raisonner d'une autre
,
& de trouver bon que
d'Hacqueville & moi nous ména-
si
gions bien letemps devotre congé,
que vous puissiez être à Grignanassez
long-temps, & erf avoir encore pour

,
revenir. Quelle obligation ne vous
aurai-je point si vous songez à me
redonner dans l'été qui vient ce que
vous m'avez refusé dans celui ci ? Il
, ;
est vrai que de vous voir pour quin-
ze jours m'a paru une peine & pour
vous & pour moi & j'ai trouvé plus
raisonnable de vous laisser garder
toutes vos forces pour cet hiver,
puifqu'il est certain que la dépense
de Provence étant supprimée, vous
n'en faites pas plus à Paris:mais je

;
n'ai quitté en nulle manière du mon-
de l'espérance de vous voir car je
vous avoue que je la sens nécessaire à
,
la conservation de ma santé & de
ma vie. Parlez-moi du pichon est-il
encore limide ? n'avez vous point
compris ce que je vous ai mandé là-
?
;
dessus
chain
Le mien n'étoit point à Bou-
il a été fpeâateur des deux
armées rangées si long-temps en ba-

manque rien ,
taille. Voilà la fécondé fois qu'il n'y
que la petite circonf-
tance de se battre: mais comme deux
procédez valent un combat, je crois
que deux fois à la portée du moue-
quet, valent une bataille. Quoi qu'il
vre Baron gaitristesse,
épargné de la
& gaillard ,
en foit, l'espérance de revoir le pau-
m'a bien
C'efi un grand
bonheur que le Prince d'Orange n'ait
point ététouché du plaisir & de l'hon-
neur d'être vaincu par un Héros
comme le nôtre (t). On vous aura
mandé comme nos Guerriers, amis

nel uno ,
& ennemis, Ce font vus galamment
nel altro campo, & se font
fait des présens. On me mande que
le Maréchal de Rochefort est très-
bien mort à Nanci fans être tué que
,
de la fièvre double tierce. N'est-il pas
vrai que les petits ramonneurs font
?
jolis on étoit bien las des amours (u).
)
(t
Armée;
de Ces
Louis XIV. étoit alors à la tête de Ton
& l'on prétend que ce fut la faute
Générau, & de son Minière s'il ne
,
combattu paslePrince d'Orange.
(u) Il s'agissoit d'un papier déventail que 1
Madame de Sévignéle avoit envoyé à Madame
deGrignan par Chevalier 4ç eugus,

mes
mère
complimens ,
Si vous avez encoreMeldames de
Buous, je vous prie de leur faire
; & sur-tout à la
les mères se doivent cette

va ;
préférence. Madame de Brissac s'en
bientôt elle me fit l'autre jour
de grandes plaintes de votre froideur
pour elle. Nous demeurerons ici, la
bonne d'Escars & moi, pour achever
nos remèdes. Dites-lui toujours quel-
que chose, vous ne fçauriez com-
prendre les foins qu'elle a de moi.
Je ne vous ai point dit combien vous
êtes célébrée ici, & par le bon Saint-
Hérem, & par Bayard, & par les
Brissac & Longueval. D'Hacqueville
me mande toujours des nouvelles de
la fanté de Mademoiselle de Méri ; om
auroit peur, si elle avoit la fièvre5
j'espère qu'elle s'en tirera, com-
maiselle
me a fait tant d'autres fois. On
me fait prendre tous les jours de l'eau
de poulet, il n'y a rien de plus fim-
ple, ni de plus rafraîchissant : je vou-
drois que vous en prissiez, pour vous
empêcher de brûler à Grignan.Vous
me dites de plaisantes choses sur le
beau Médecin de Chelles. Le conte
éffoiblir fof homme; est fort bien
appliqué. Je fuis toujours en peine de
la fanté de notre Cardinal, il s'cft
;
épuiféàlire hé, mon Dieu! n'avoit-
il pas tout lu? Je fuis ravie, ma fille,

;
quand vous parlez avec confiance de
l'amitié que j'ai pour vous je vous
affure que vous ne fçauriez trop croi-
re combien vous faites toute la joie,
tout le plaisir & toute la trifieffe de
ma vie.

LETTRE XXIH.
A LAM E ME.
1676. A Vichi, Lundi aufoir premier Juin.
AL LEZ vous promener Mada-,
.me la Comtesse, de me venir
;
apprenez que c'est ma joie & le,
proposer de ne vous point écrire

plus grand plaifirque j'aye ici. Voilà

posez ;
un plaisant régime que vous me pro-
,
laiflez-moi conduire cette
envie en toute liberté puisque je
fuis si contrainte sur les autres cho-
ses que je voudrois faire pour vous.
jeprends mon temps, & la manière
dontVous vous intéressez àma fanté,
m'empêche bien de vouloir y faire
la moindre altération. Vos réfléxions
sur les sacrifices que l'on fait à la

nous sommes :
rairon, font fort jufles dans l'état ail
il est bien vrai que le
feul amour de Dieu peut nous ren-
dre heureux en ce monde & en l'au-
;:
tre il y a très-long-temps qu'on le
dit mais vous y avez donné un tour
qui m'a frappée. C'est un beau sujet
de méditation que la mort du Maré-
chal de Rochefort. Un ambitieux
dont l'ambition est satisfaite, mourir
à quarante ans ! c'est quelque chose
de bien déplorable. Il a prié en mou-
rant la Comtesse de Guiche de venir
reprendre sa femme à Nanci, & lui
laisse le foin de la confcler. Je trouve
qu'elle perd par tant de cotez, que
le ne crois pas que ce foit une chose

la Fayette ,
aisée. Voilà une lettre de Madame de
qui vous divertira. Ma-
dame de BriiTac étoit venue ici pour
une certaine colique, elle ne s'en est
pas bien trouvée; elleest partie au-

, ,
jourd'hui dechez ,Uayard, après y
avoir brillé & dansé Se fricassé
thair & poisson. Le Chanoine m'ai
écrit, il me semble que ravois échauf-
osé sa froideur par la mienne ;
je la
connois, & le moyen de lui plaire,
f
%-^el de ne lui rien demander. Mada-
me de Brissac &elle, forment le plus
bel assortiment de feu & d'eau que
j'aye jamais vu. Je voudrois voir

,
cette Ducheile faire main-baffe dans
votre Place des Prêcheurs (x) fans
:
aucune considération de qualité ni
d'âge cela pasle tout ce que l'on peut
croire. Vousêtesune plaisante idole,
sçachez qu'elle trouveroit fort bien à
vivre :, ouvous mourriez de faim.
Mais parlons de la charmante dou-
che je vous en ai fait ladefeription
,
;
j'en fuis à la quatrième , j'irai julqu'à
huit.Mes sueurs font 6 extrêmes,
que je perce mes matelas; je pense
que c'est toute l'eau que j'ai bue,
depuis que je fuis au monde. Quand

n'en peut plus ;


on entre dans ce lit, il est vrai qu'on
la tête & tout le

;
corps font en mouvement, tous les
espritsen campagne des battemens
par-tout. Je fuis une heure fans ou-
vrir la bouche, pendantllaquelle la
)
(x Place publique à Aix. V !
sueut commence, & continue deux
heurés d'urant; &de peur de m'im-
patienter, je fais lire mon Médecin
qui me plaît, il vous plairoit awn?.
Je lui mets dans la tête d'apprendre
la philosophie de votre père Defcar.
;
tes je ramasse des mots que je vous

point charlatan, ; ,
ai ouï dire. Il sçait vivre, il n'est

cine en galant homme


il traite la Méde-
enfin il
m'amuse. Je vais être feule, & j'en
fuisfort aise ; pourvu qu'on ne m'ôte
pas le
lier,mille
pays charmant, la rivière d'Al-
petits bois, des ruisseaux,

vres ,
des prairies, des moutons, des chè-
des pavfannes qui dansent la
bourrée dans les champs ; je consens

affoiblifTent tout le monde ,


de dire adieu à tout le reste ; le pays
feul me guériroit. Les sueurs qui
me don-
nent de la force, & me font voir que
ma foiblesse venoit des superfluitez

genoux se portent bien mieux ;


que j'avois encore dans le corps. Mes
mes
mains ne veulent pas encore ; mais?
elles le voudront avec le temps. Je

la Fête-Dieu; & puis ,


boirai encore huit jours du jour de
je penserai
avec douleur à m'éloigner de vous.
Il en vrai que ce m'eûtété une joie
bien sensible,de vous avoir ici uni-
;
quement à moi mais vous y avez
:
mis une clause de retourner chacun
chez foi, qui m'a fait transir n'en
parlons plus, ma chère enfant,voilà

,
pour me venir voir cet hiver en
vérité je crois que vous devez en
:
qui eil fait. Songez à faire vos efforts

avoir quelque envie, & que AI. de Gri*


gnan doit souhaiter que vous me don-
niez cette fatisfadion. J'ai à vous dire

;
que vous faites tort à ces eaux de les
croire noires; pournoires, non pour
chaudes, ouï. Les Provençaux s'ac-
commoderoient mal de cette boiflbn
maisqu'on mette une herbe ou une
:
fleur dans cette eau, elle en fort auflï
fraîche, que lorfqu'on lacueille; &
au lieu de griller& de rendre la peau
rude, cette eau la rend douce & unie :
aimable,
raisonnez là-dessus. Adieu, ma trop

,
s'il faut pour profiter des
eaux, ne guères aimer sa fille j'y
renonce.
LETTRE XXIV.
A MEA
LA ME.
A Vichi
,
Jeudi 4. Juin. 1676,
] 'Adoucheenfin& achevé ;aujourd'hui
1 ma
crois qu'en
ma suerie je
huit jours il ett lorti de mon pauvre
corps plus de vingt pintes d'eau. Je
fuis persuadée que rien ne me pou-
voitfaire plusde bien ; & je mecrois
à couvert des rhumatismes la pour le
reste de ma vie. La douche &
font assurément des états pénibles
mais il y a une certaine demi-heure
;
sueur

oùl'on Ce trouve à sec & fraîchement,

rang des plaisirs innocens


un endroit délicieux. Mon Médecin
m'empêchoit de mourir d'ennui je
,;
& où l'on boit de l'eau de poulet fraî-
che; je ne mets point ce temps au
c'est

me divertissois à lui parler de vous ,


il en est digne. Il s'en est ailé aujour-

bonne compagnie
me de Noailles
;,
d'hui, il reviendra; car il aime la
& depuis Mada-
il ne s'étoit pas
dre demain une légère médecine
puis boire huit jours, & puis c'est
,
trouvé à telle fête. Je m'en vais pren-
6c

fait. Mes genoux font comme guéris;


mes mains ne se ferment pas encore;
mais pour cette lessive que l'on vou-
loit faire de moi une bonne fois, elle
fera dans sa perfection. Nous avons
ici une Madame la Baroir qui bre-

, ,
douille d'une apoplexie,elle fait pitié:
mais quand on la voit laide point
jeune, habillée du bel air avec de
petits bonnets à double carillon &
qu'on fonge de plus qu'après vingt-
;
deux ans de veuvage, elle s'est amou-
rachée de M. de la Baroir, qui en
aimoit une autre à la vue du pubiic ;
à qui elle a donné tout son bien &
qui n'a jamais couché qu'un quart-
,
tions,
d'heure avec elle pour fixer les dona-
& qui l'a chasTée de chez lui

:
outrageusement ; voici une grande

,
période mais quand on fonge à tout
cela on a extrêmement envie Je lui
cracher au nez.

) ;
On dit que Madame de Péqui-
f
gni (y vient aufli c'et la Sibylle
- ,
(y) Claire Charlotted'Ailli mèrede
Châties d'Albert, Duc de Chaulnes.
;
Elle cherche à se guérir de
Cumée.
,
fbixante-seize ans dont elle est fort
incommodée ceci devient les petites
Mairons. Je mis hier moi-même une
rose dans la fontainebouillante, elle
y fut long-temps faussée &
:
reflaussée,
je l'en tirai comme de sur la tige j'en
mis une autre dans une poilonnée
en un
d'eau chaude,
moment.elle y fut en bouillie
Cette expérience
dont j'avois ouï parler, me fit plaisir.
Il est certain que ces eaux-ci font
miraculeuses. Je veux vous envoyer
par un petit Prêtre qui s'en va à Aix,
un livre

;
que tout
qui m'a divertie
Visirs
; le monde a lu, &
c'est l'hifloire des
vous y verrez les guerres de
Hongrie & de Candie, & vous y
verrez en la personne du grand Vi-
sir (f), que vous avez tant entendu

ment
ne
,
louer, & qui régne encore pré fente-
vois
un homme si parfait, que je
aucun Chrétien qui le sur-
paffe. Dieu bénisse chrétienté. Vous
y verrez aussi des détails de la valeur
du Roi de Pologne (a), qu'on ne
) ,
(& Achmet Coprogli , Pacha mort eu
Décembre 1676.
(4) JeanSobieski.
sçait point, & qui font dignes d'ad-
miration. J'attends de vos lettres
présentement avec impatience, & je
cause en attendant. Ne craignez ja-

:
mais que j'en puisse être incommo-
dée il n'y a nul danger d'écrire le foir.
Voilà votre lettre du 31 Mai, ma
très-chère & parfaitement aimable.

:
Il y a des endroits qui me font rire
aux larmes celui où vous ne pouvez
a ,
pas trouver un mot pour Madame de
Fayette est admirable. Je trouve
que vous avez tant de raison, que
je ne comprends pas par quelle fan-
saisie je vous demandois cette inuti-
lité. Je crois que c'étoit dans le trans-
port de la reconnoissance de ce bon
:
vin qui fent le fût vous étiez tou-
jours sur vos pieds pour lui dire ,
fuppofl, & un autre mot encore que
je ne retrouve plus. Pour notre ni-
chon, je fuis transportée de joie que
sa taille puisse être un jour à la Gri-

;
gnan. Vous me le représentez fort
joli, fort aimable cette timidité vous

,:
faisoit peur mal-à-propos. Vous vous
divertifiez de son éducation & c'est
un bonheur pour toute sa vie vous
prenez le chemin d'en faire un fort
honnête homme. Vous voyez comme
vous avez bien fait de luidonner des
chauffes, ils font filles tant qu'ils ont
robe.

;
une
Vous ne comprenez point mes:
mains, ma chère enfant j'en fais

veux:
présentement une partie de ce que je
mais je ne les puis fermer

plume;
qu'autant qu'il faut pour tenir une
le dedans ne fait aucun fem-
blant de se vouloir désenfler. Que
dites-vous des restes agréables d'un
rhumatisme ? M.le Cardinal (de Rets)
me mandort l'autre jour que les Mé-
decins avpient nommé son mal de

!
tête un rhumatisme de membranes
quel diantre de nom à ce mot de
;
îhumatifme je pensai pleurer. Je vous
trouve fort bien pour cet été dans
;
votre Château. M. de la Garde doit
être compté pour beaucoup je pense
que vous en faites bien votre profit,
Je crois avoir sagement fait de vous

,
épargner la fatigue du voyage de
Vichi & à moi la douleur de vous
voir, pour vous dire adieu presque
en même temps. Mais j'espère bien
d'aller uneautre année à Grignan ;
ç'est une dtl mes envies de me tetfou-
ver dans ce Château avec tous les
Grignansdu monde, il n'yeu a jamais
trop. J'ai un souvenir tendre du fé-
jour que j'y ai fait, & cela promet
,
un fécond voyage, dès que je le pour-
rai. J'ai ri, en vérité quoique mal-
gré moi, de la nouvelle ducombat
naval, que notre bon d'Hacqueville
vous a mandée; il faut avouer que
celaeft plai(ant, & le foin qu'il pre-
noit aussi de m'apprendre des nou-
Rochers : ;
velles de Rennes, quand j'étois aux
mais vous chercherez qui
en rira avec vous vous sçavez bien le
voeu que j'ai fait, depuis qu'il m'en-
voya une certainç lettre de Davon.
neau, qui me redonna la vie.
.,. Que dites-vous du Maréchal de

:
Lorges f le voilà Capitainedes Gar-
des du Corps ces deux frères de-

, ).
viennent jumeaux ( b MadçmQifellç
de Frémoiit est en vérité bien
tnariée ;& Al. de Lorges aussi. Je
,
Grignan
,
) ;
m'en réjouispoiir le Chevalier(de
plus son ami s'avancera,
plus ilfera en état de le servir. Ma-
(h) Le Maréchal de Duras & le Marécha1
de Lorgesétoient tous deux: Capitaine! des
GaidcJ dia Corps en même temps.
dame
dame de Coulanges tne mande qu'on

eaux
, :
lui écrit que Madame de Brissac est
guérie & qu'elle ne rend point le*
de Vichi voilà bien notre petite
amie. Vous la trouverez fort au-

: ;
dessus des servitudes,où vous l'avez
vue autrefois elle n'aime plus qu'au-
tant qu'on l'aime & cette mesure
est bonne, sur-tout avec les Dames
de la Cour. Vous avez fait transir
le bon Abbé de lui parler de; ne pas

tement: ,
reprendre à Paris votre petit appar-
hélas !
ma fille je ne le
conferve & ne l'aime que dans cette
;
vue au nom de Dieu ne me parlez
point d'être hors de chez moi. J'ado-
re le bon Abbé de tout ce qu'il me
mande là deÍlus, & de l'envie qu'il a
lie me voir recevoir une si chère &
si aimable compagnie. Adieu, je
vous
qui doit vous plaire ,
embrasse mille fois avec une tendreile
puisque vous
m'aimez. Faites bien des amitiez à
M. de la Garde & à M. de Grignan ,
& mes complimens de noce au pre-
mier. Baisez les pichons pour moi
j'aime la gaillardise dte Pauline ; ;âc
epetitpetit (c) veut-ilvivreabfo-
(c) L'enfant dont Madame vie Grignle
lument contre l'avis d'Hipocraté Se
de Galien ? il me semble que ce doit
être un homme tout extraordinaire.
,: ,
L'inhumanité que vous donnez à vos
est la plus commode chofc
enfans
du monde voilà Dieu merci la ,
;
petite (d) qui ne fonge plus ni à père
ni à mère ah, ma belle! elle n'a pas
pris cette heureuse qualité chezvous,
vousm'aimeztrop, & jevoustrouve
trop occupée de moi & de ma fanté ;
vous n'en avez que trop souffert.

LETTRE XXV.
A LA M MB. :
1676. A Vichi, Lundi 8 Juin.
NE doutez pas, mafille, que je
ne fois touchée très-sensible-
:
ment de préférer quelque chose a
f
vous qui m'êtes si chère toute ma
confolatton,c'et que vous ne pou-

Isletti ; du
()
, ,
étoitareouchéc dans le huitiéme mois. Vojtt
13 Vtwier tome 5 480.
pmge
d Marie Blanche, dont il est pailé dans
la lettre du 6 Mai PRg,Sj.
>
vez ignorer mes sentimens , Se que
vous verrez dans ma conduite un
beau sujet de réfléchir comme vous
,
•faifiez l'autre jour, touchant la pré-
sérence du devoir sur l'inclination.
je
Mais
,
gnan
vous conjure, & M. de Gri-
devouloir, bien merconfoler,
cet hiver y de cette violence qui coû-
te si, dpx) à mon cœur. Votfàdonc
ceqiA-s'appelle la vertu & la recon-
"noHfance :je ne m'étonne pas si l'on
trouve si peu de presse dans l'exer-
,
cice de ces belles vertus. Je n'ose,
envérité appuyer sur ces pensées ;
elles troublent entièrement la tran-
<juillitéqu'on ordonne en ce pays. Je
vous conjure encore de vous tenir
;
pour toute rangée chez moi, comme
vous y étiez & de croire que voilà
ftfécifément la chose que je souhaite

douche ,
e plus. Vous êtes en peine de ma
ma très-chère; je l'ai prise
huit matins, comme je vous l'ai man-
;
dé elle m'a fait fuer abondamment,
c'est tout ce qu'on en demande ; &
bien loin de m'en trouver plus foi-
ble, je m'en trouve plus fortes. II est
vrai que vous m'auriez été d'une
;

grande consolation : je doute Éepetf-
.dant que j'euflr voulu vous souffrir
danscette fumée pour ma sueur,
..elle vous aùroit fait un peu de pitié :
maisennn, je fuis le prodigedeVichi,
pour avoir soûtenu la douche coura-
geufement. Mea jarrets en font gué-
;
ris si je fermois lesjmaîns j'iln'y pa-
roîtroit plus» Pour les. eaux, j'en
c'eit
;
prendrai jusqu'»-Samedi,
seiziéme jour elles me purgent, &
me font beaucoup de bien. Tout mon
mon

déplaisir, c'est que vous ne voyiez


point danser les bourrées de ce pays ;
monde ;
.c'est la plus surprenantè choie du

,
des paysans, des paysannes,

,
une oreilleaussi juste que vous une
légéreté une disposition ; enfin. j'en
fuis folle. Je donne tous les loirs un

;
violon avec un tambour de basque,
à très-petits frais & dans ces prez &
ces jolis bocages, c'est une pie que de
voir danser les restes des Bergers &
des Bergeres du Lignon (c). Il m'ell
impossible de ne vous pas touhaiter,
toute fage que vous êtes , à ces fortes
t. (t) Petite riyière". mais fameure par lie
Roman del'A&i~e..„..<.. -"
mée
en jeune
,
de folies. Nous avons la Sibylle Cu-
(/) toute parée, toute habillée
personne ; elle croit guérir,
elle me fait pitié. Je crois que ce
feroit une chose possible, si c'étois ici
la fontaine de Jouvence. Ce que vous

parable : ,
dites sur la liberté que prend la mort
d'interrompre la fortune tetf incom-
c'est ce qui doit consoler de
n'être pas au nombre de ses favoris,
nous en trouverons la mort moins

dévote ;
très-fâchée;
! hélas non ,
amère. Vous me demandez si je fuis
dont je fuis
mais il me semble que
je me détacheen quelque forte de ce
qui s'appelle le monde.La vieillesse &
un peude maladie, donnent le temps
de faire de grandes réflexions ; mais
ce que je retranche sur le public, il
me semble que je vous le redonne :
du détachement ;
ainsi je n'avance guères dans le pays
& vous rçavez que
le droit du jeu feroit de commencer
par effacer un peu ce qui tient le
plus au cœur. Madame de Montespan
partit Jeudi de Moulins dans un ba-
teau peint & doré & meublé de da-
,
(f) Madame de Péquigni. Voytx. Ufagt.
io&*
Inas rouge, que lui avoit tait prépa-
rer M. l'Intendant (g) » avec mille
:;
chiffres,mille banderolles de France
& de Navarre jamais il n'y eut rien
de plus galant cette dépense va à
plus de mille écus, mais il en fut

;
payé tout comptant par la lettre que
la belle écrivit au Roi elle n'y par-
loit, à ce qu'elle lui dit, que de cette
magnificence. Elle ne voulut point
se montrer aux femmes, mais les hom-
mes la virent à l'ombre de M. l'ln.
tendant. Elles'estembarquée sur l'Al.
lier, pour trouver la Loire à Nevers,
qui la doit mener à Tours, & puis
à Fontevraud ( h), où elle attendra
le retour-du Roi, qui est dtâéré pur
le plailir qu'il prend au métier de la
guerre. Je ne sçais si on aime cette
préférence. Je me consolerai facile-
ment de la mort de Ruyter (i), par
)
(g M.Morant.
(h)Fontevraud n'est qu'àunelieuede
laLoire.
(i) Ruyter , Lieutenant-Amiral Général
des Provinces Unies, fut blesle d'un coup de
canon le n iiM 1676, dansuncombatna*
"al qu'il donna aux François près de la Ville
d'Agoufte
après en Sicile, & mourut peu de jours.
à Syracuse : Con corps fut goué à AmÎ-
il
lafacilitéqu
nement donne à :;
meparoit que cet évé-
votre voyage n'est-
il pas vrai, mon cher Comte ? vousme

f
priez de vous aimer tous deux hé ,
dore
que fais-je autre chose soyez-en
bien persuadez. Je vous ai mandé
ce que dit notre petite Coulanges de
la guéri son de la Duchesse (de Erijfac),

:
qui contre à ne point rendre les eaux
de Vichi cela est plaisant. Vous avez
fuis instruite de Gue-

,
vu comme je
nani (k) dans le temps que vous m'en
,
parlez. Je viens de prendre
: & de
rendre mes eaux à moitié il est Mardi
à dix heures du matin. Comme je fuis

faut que je quitte ma plume ,


bien afïurée que pour vous plaire, il
je finis
en vous embrassant de toute ma ten-
dresse.

terdam où les Etats lui firent dresser nnr


,
mausolée, C'étoit un des plus grands hom-
mes de mer de son siécle.
bon,
(k) Fille naturelle de Henri- Jules de Bour-
Duc d'Anguien, & de Françoise de-
Monralais, veuve de Jean de Beuil, Comte
de Marans Elle fut légitimée en Juin 1691y.
& le <
Mar; léptf elle ipoufa Armand de
l*Efparre de Madaillan, Mirquis de LafTai"
dont elle fut la trotfîémefemme. Son noia.
de Gutn/vti est l'anagramme i.'Anguittu. V
LETTR E XXVI.
v A Vichi,
A LAMEME.
.1676,

vs
Jeudi au foir 11 Juin,
4
Ou feriez la bien venue ma
fille, de me venir dire qu'à cinq
,
écrire ;
heures du foir je ne dois pas vous
f
c'et ma feule joie
qui m'empêche de dormir. Si j'avois
,
c'est ce

envie de faire un doux sommeil, je


n'aurois qu'à prendre des cartes rien
ne m'endort plus Cûrement. Si je veux
;
être éveillée, comme on l'ordonne,
je n'ai qu'à penser à vous, à vous
écrire, à causer avec vous des nou-
velles de Vichi : voilà le moyen

,
de m'ôter toute forte d'afloupiire-
ment. J'ai trouvé ce matin à la son-
taine un bon Capucin il m'a hum-

;
blement saluée, j'ai fait aussi la révé-
de

,
j'honore
rence mon côté car la
livrée qu'il porte. Il a commencé par

1
me parler de la Provence de vous,
,
de M. de Roquefante de m'avoir
,
vue à Aix de la douleur que vous
- aviez
aviez eue de ma maladie. Je voadrois
que
venu
vous
ce
eussiez
bon ,vu
Père
ce que
dès le
m'est de-
moment
qu'il m'a paru si bien instruit. Je crois
que vous ne l'avez jamais ni vu ni
remarqué; mais c'est allez ce vous
sçavoir nommer. Le Médecin que je
tiens ici pour causer avec moi, ne se
pouvoit latler de voir comme natu-
rellement je m'étois attachée à ce
Père. Je l'ai affuré que s'il alloit en
Provence , & qu'il vous fît dire qu'il
a toujours été avec moi à Vichi, il
feroit pour le moins aussi bien reçu
il m'a paru qu'il mouroit d'envie de
:
partir, pour vous aller dire des nou-
;
velles de ma fanté. Hors mes mains,
elle est parfaite & je fuis assùrée que
vous auriez quelque joie de me voir
"dem'embratrer en l'état où je fuis,
sur-tout après avoir fçu dans quel
état j'étois auparavant. Nous verrons
si vous continuerez à
vous paffer de
ceux que vous aimez, ou si vous vou-
drez bien leur donner la joie devous
voir:c'est où d'Hacqueville & moi,
nous vous attendons. La bonne Pé-
quigni est survenue à la fontaine
c'jeR une machine
;
étrange, elle veut
faire tout comme moi, afin de se por-
ter comme moi. Les Médecins d'ici
lui disent qu'ouï, & le mien se moque

;
d'eux. Elle a pourtant bien de l'esprit
avec ses folies & Ces foiblesses elle a
dit cinq ou six choses très-plairantes.
Ç'est la feule personne que j'aye vue,

;
qui exerce fans contrainte la vertu de
libéralité elle a deux mille cinq cent

;
louis, qu'elle a résolu de laitier dans
le pays
:
elle donne, elle jette, elle
habille, elle nourrit les pauvres si
;
on lui demande une pistole , elle en
donne deux je n'avois fait qu'imagi-
ner ce que je vois en elle. 11 est vrai
qu'elle a vingt-cinq mille écus de
rente, & qu'à Paris elle n'en dépense
magnificence;
pas dix mille. Voilà ce qui fonde sa
pour moi, je trouve
;
qu'elle doit être louée d'avoir la vo-
lonté avec le pouvoir car ces deux
choses font quasi toujours séparées.
- La bonne d'Escars m'a fait fouve-
nir de ce que j'avois dit à la Duchesse
(deBreàc) le jour de l'embrasement
du Célestin, eUe en rit beaucoup &
comme vbus vous attendez toujours
;
à quelque sincérité de moi dans ces
occasions, la voici, je lui dis ; »vrai*
D ment, Madame ,vous
; avez tiré
bien près ce bon Père vous aviez
de

» peur de le manquer cr.


;
Elle fit fem-
blant de ne me pas entendre & je lui
dis comme j'avois vu brûler le Céles-
tin :elle le sçavoit bien, & ne se cor-
rigea pas pour cela du plaisir de faire
des meurtres.
Vendredi à midi.

Je viens de la fontaine, c'est-à-


dire, à neuf heures, & j'ai rendu mes
eaux :ainsi, matrès-aimable belle,
ne soyez point fâchée
;,
que je fafle une
légère réponse à votre lettre au nom

;
de Dieu, fiez-vous à moi & riez
rie- sur ma parole je ris aussi quand
je puis. Je fuis troublée un peu de
,

l'envie d'aller, à Grignan où je n'irai


pas. Vous me faites un plan de cet été
& de cette automne, qui me plaît &
qui me convient. Je ferois aux noces
de M. de la Garde, j'y tiendrois ma

;
place, j'aiderois à vous venger de
iivri je chanterois, le plus fages'en-
tite, & s'engagefans sçavoir comment.
Enfin, Grignan & tous ses habitans
me tiennent au cœur. Je vous allure
que je fais un aste généreux & très-
généreux dem'éloigner de vous. Que
je vous aime de vous souvenir si à
propos de nos Essais de Morale je les
estime & les admire. Il est vrai que
!
;
le moi de M. de la Garde va se multi-
plier tant mieux, tout en est bon.
Je le trouve toujours à mon gré ,
comme à Paris. Je n'ai point eu de
curiosité de questionner sur le sujet
deffl femme (1).Vous souvient-il de
ce que je contois un jour à Corbinelli
qu'un
femmecertain homme époufoit une
? voilà, me dit-il, un beau
détail. Je m'en fuis contentée en cette

connu son nom ,


occafTon persuadée que si j'avais
,
vous me l'auriez
nommée. Je reviens à ma fanté, elle
est très-admirable ; les eaux & la
douche m'ont extrêmement purgée;
& au lieu de m'affoiblir,elles m'ont

;
fortifiée. Je marche tout comme une

;
autre je crains de rengraisser, voilà
mon inquiétude car j'aime à être
( ) Le mariage dont ilt'agissoit ne Ce fit
point, quoique tres-avancé. M. de la Garde
étoit fils de Louis Escalin desAimars, Baron
de la.Garde, & de Jeanne Adhémar de Mon-
stil, tante de M. de Grignan.
;
comme je fuis. Mes mains ne se fer-
ment pas,voilà tout le chaud fera
,
mon affaire. On veut m'envoyer au
Mont d'or je ne veux pas. Je mange

je le pourrai ,
présentement de tout, c'est-à-dire
quand je ne prendrai,
plus des eaux. Je me fuis mieux trou-
vée de Vichique personne & biea
,
des gens pourroient dire,
Ce bain ,
si chaud
M'a laissé comme
tant de fois éprouvé ,
il m'a trouvé.

Pour moi, je mentirois; il s'en faut

comme les autres ,


si peu que je ne faffe de mes mains
qu'en vérité ce
n'est plus la peine de se plaindre. Paf-

;
fez donc votre été gaiement, ma très-
chère je voudrois bien vous envoyer
pour la noce deux filles & deux gar-
basque, ,
çons qui font ici, avec le tambour de
pour vous faire voir cette
bourrée. Enfin les Bohémiens font
fades en comparairon. Je fuis sensible
à la parfaite bonne grace : vous fou-
vient-il quand vous me faisiez rougir
les yeux à force de bien danser ? Je
vous asTure que cette bourrée dan-
fée, sautée, coulée naturellement, &
dans unei juftefle surprenante vous
,
-divertiroit.'- Je m'en vais penserà ma
deniaind'ici ;
'lettre pour M. de la Garde. Je pars
j'irai me purger & me
reposer un peu chez Bayard, &puis

,
m'éloigner toujours de ce que j'aime
passîonnément jusqu'à ce que vous
fassiez les pas nécessàires pour re-

,,
dohner la joie & la fanté à mon cœur
& à mon corps qui prennent beau-
coup de part comme vous sçavez,
à ce qui touche l'un ou l'autre.

LETTRE XXVII.
A LA MEME.
16~6» A Langlar, chef M. l'Abbé Bayard,
Lundi 1 j Juin.
J 'A tvPavois
Y Samedi,
RR A
je vous
ici
mandé. Je
comme
me pur-
geai hier pour macquitter du céré-

;
monial de Vichi. Je me porte fort
bien le chaudachèvera mes mains ;
je jouïs avec plaisir & modération de

; ;
la bride qu'on m'a mise sur le cou
je me promène un peu tard je re-
;
prends mon heure de me coucher
mon
;;
sommeil se raccbûtume avec
matin je ne fuis plus une fote poule
mouillée je conduis pourtant tou-
le

jours ma barque avec fagefle, & si je

rhumatisme;
m'égarois, il n'y auroit qu'à me crier,
c'est un mot qui me fe-
roit bien vîte rentrer dans mon de-
voir. Plût à Dieu, ma fille, que par
un effet de magie blanche ou noire ,
vous pumez être ici ; vous aimeriez
premièrement les solides vertus du
maître du logis, la liberté qu'on
trouve plus grande qu'à Frêne ; oc
y

freufe montagne ,
vous admireriez le courage & la har-
diefle qu'il a eue de rendre une af-
,
la plus belle la
plus délicieuse, & la plus extraordi-
a
naire chose du monde. Je fuis durée
que vous feriez frappée de cette nou-
veauté. Si cette montagne étoit à
Versailles, je ne doute point qu'elle
n'eût ses parieurs contre les violen-
,
ces dont l'art opprime la pauvre na-
ture dans l'effet court & violent de
toutes les fontaines. Les hautbois &
les musettes sont danser la bourrée
d'A uvergne aux Faunes d'un bois

parfums de Provence : ,
odoriférant, qui fait souvenir de vos
enfin on y
parle de vous, on y boit à votre ranté:
ce repos m'a été agréable &nécessaire.
Je ferai Mercredi à Moulins, où j'au-
rai une de vos lettres, fans préjudice
de celle que j'attends après-dîner. Il y
a dans ce voisinage des gens plus rai-
sonnables & d'un meilleur air, que je
D'en ai vu en nulle autre Province
aussi ont-ils vu le monde, & ne l'ont
;
pas oublié. L'Abbé Bayard me paroît
heureux, & parce qu'ill'est, & parce
qu'il croit l'être. Pour moi, ma chère
ComtetTe, je ne puis l'être fans vous :
,
mon ame est toujours agitée de crain-
te d'espérance, & sur-tout de voir
:,
tous les jours ma vie s'écouler loin
de vous je vois le temps qui court
& qui, vole & je ne sçais où vous
reprendre. Je veux sortir de cette
trifieffe par un souvenir qui me re-

,;
vient de l'avarice d'un certain Prê-

gne
ment
» homme
toute
on
»

sa
me
enfin
qui
vie,
disoit
Madame
mange
pour
de
,
tre dont on me parloit en Breta-

; , fort

la
manger
naturelle-
c'est ua
merluche
du pois-
»
» Con après sa mort «. Je trouvai cela
plaisant, & j'en fais l'application à
toute heure, Les devoirs, les confi-
dérations nous font manger de la
,
merluche toute notre vie, pour man-
ger du poiflbn après notre mort.
je ne les ferme pas ;
Je n ai plus les mains enflées, mais
& comme j'ai
toujours espéré que le chaud les re-
mettroit, j'avois fondé mon voyage

vous ai ,
de Vichi sur cette lessive dont je
parlé & sur les
,
Tueurs de la

:
douche, pour m'ôter à jamais lacrain-
te du rhumatirme voilà ce que je
voulois, & ce que j'ai trouvé. Je me

:
sens bien honorée du goût qu'a M. de

;
Grignan pour mes lettres je ne les
crois jamais bonnes mais puisque
vous les approuvez, je ne leur en de-
mande pas davantage. Je vous remer-

;
cie de l'espérance que vous me don-
nez de vous voir cet hiver je n'ai
jamais eu plus d'envie de vous em-
brasser. J'aime l'Abbé de vous avoir
écrit si paternellement, lui, qui fouf-

me voir ,
freavec peine d'être six semaines fans
ne doit-il pas bien entrer

,
dans la douleur que j'ai de paffer ma
vie fans vous & dans l'extrême delis
que j'ai de vous avoir?
On dit que AlaJame de Rochefort
est inconsolable. Madame de Vaubrun
est toujours dans son premier défef-
poir. Je vous écrirai de Moulins. Je

,
ne fais pas réponse à la moitié de
votre aimable lettre je n'en ai pas le
temps.

LETTRE XXVIII.
A LA ME M r.
.1676. A Moulins, Jeudi18 Juin.
p ,
U 1 s QUE vous m'envoyez vous
écrire plus loin & qu'une rc-
ponfe de quatre jours vousincommo-
, !
de hélas ;
je vais donc m'éloigner
mais ce ne peut être fans douleur,
ni fans faire toutes lesréflexions que
nous avons déja faites surles loix que
l'on s'impose, & sur le martyre que
l'on se fait souffrir en préférant si
,
souvent son devoir à son inclination;
cette trisiesse , j'avoue,
en voici un bel exemple. Pour m'ôter
ma très-
chère, que j'emporte l'espérance de

;
vous voir cet hiver.
Ruyter est mort je laiflè aux Hol-
landais le foin de le regréter : vous
ges
que
sur
M.
la
de
côte font
Grignan
fâcheux
doit
;
m'en paroiffez plus libre. Les voya-
celui
faire encore,
n'est pas commode. Nous tâcherons
de vous Inifrer respirer à Glignan
jurqu'au mois d'Ottobre : c'est pour
ne pas interrompre ce fommei l, que
je n'ai pas voulu que vous vinffiez à
Vichi, & pour d'autres raisons encore
queie vous ai mandées.
Je partis hier de Langlar. La bonne
(
Princeife de Tarente) m'avoit envoyé
un laquais, pour me dire qu'elle ie-
roit Mardi 16 ici. Bayard avec sa
parfaite vertu ne voulut jamais com-
prendre cette nécessité de partir il;
retint le laquais, & m'assura si bien

di qui étoit hier ,


qu'elle m'attendroit jusqu'au Mercre-
, & que même il
viendroit avec moi que je cédai à Con
,
raisonnement. Nous arrivames donc
hierici, la Princesse étoit partie dès

, ;
la pointe, & m'avoit écrit toutes les
lamentations de Jérémie elle s'en

;
ment afRigée
consolée
,
retourne à Vitré dont elle est vrai-
, ;:
elle eût été dit-elle
si elle m'avoit parlé
,
je
fus très fâchée de ce contre temps je
voulus battre Bayard, & vous sçavez
ce que l'on dit. Nous avons couché
chez Madame Fouquet, où une fort
jolie femme de ses amies nous vint
faire les honneurs. Ces pauvres fem-

,
mes font à Pomé, une petite maison
qu'elles ont achetée où nous allons
les voir après-dîner. Je vais dîner 3
Sainte Marie avec le tombeau de M.
de Montmorenci & les petites de
,
Valençai. Je vous écrirai de Pomé de
grandes particularitez de Quanto, qui

,
vous surprendront : ce qui vous pa-
roîtra bon c'est que ce feront des
véritez , & toutes des plus myflé-
rieures. Bayard est de ce voyage ,
,
c'est un d'Hacqueville pour la pro-
bité les arbitrages & les bons con-
feils. Il vous révére, & vous supplie
de le lui permettre en faveur de l'a-
mitié qu'il a pour moi.
Si vous recevez une répon se de
M. de Lorges, pour sçavoir si on est
bien aire quandon est content, je
vous
,prie de m'en faire
part: en at-
tendant je vous ¿ira; que celui ci a
trouvé par sa modération , ce que
J'autre ne trouvera peut-être jamais
avec toutes les grâces de la fortune.
Il est aise parce qu'il est content,
,
& il est content parce qu'il a
l'esprit
bien fait. Vous me disiez l'autre jour
des choses trop plaisantes sur Roche-
fort, qui avoit tout souhaité & qui
,
avoit feulement oublié de souhaiter
mourir si.tôt. C'ctoit ti-
ne pas
: une
rade qui valoit trop mais on ne fini-
roir point, si on vouloir relever toutce
qui est decegoût-là. Vous me demar-
diez s'il

: ; ,
étoit vrai que laDucheflede
Sault (m) fût un Page non cen'est
point un Page mais il est vrai qu'elle
est si aise de n'être plus à Machecoul
à mourir d'ennui avec sa mère, &
qu'elle se trouve si bien d'être la Du-
chefie de Sault, qu'elle a peine à

ce que disent les Italiens ,


contenir sa joie; & c'est précisément
non puà
capire. Elle est fort aise d'être con-
tente, & cela répand une joie un peu
excessive sur toutes siss aétions , &
où chacun a ses tribulations ,
qui n'est plus à la mode de la Cour,
& oà

(m)PauledeGondi,filledePierrede
Gondi,
Gondi, & de Catherine de Duchesse
de Retz,
çois-Emanuel de Bonue de
f
Créqui,
fut
Fran.
mariée le II. Mars 167 avec
Duc de
Lesdiguieres, & la même qui appelle
depuis Duchesse de Lcfdiguieres.
l'on ne rit plus depuis plusieurs ap-
nées. Pour sa personne , elle vous
,
plairoit fans beauté, parce qu'elle eit
d'une taille parfaite & d'une bonne
grace à tout ce qu'elle fait. Je fuis
toujours en peine de notre Cardinal;
il me cache ses maux par l'intérèt
qu'il sçait que je prends à sa fanté:
mais la continuation de ce mal de tète
me déplaît. Je me porte fort bien ;
mains;
j'attends du chaud la liberté de mes
:
elles me fervent quasi comme

mée
une
,
si de rien n'étoit

chose si
j'y luis accoûtu-
& je trouve que ce n'et point
nécessaire de fermer les
f
mains à quoifert cela c'est une
vision,, quand il n'y a personne à qui
?
l'on veuille ferrer la main. Çe m'est
un petitreste de fouvçni,r de ce mal
que j'honore tant & dont le puni
feul me fait trembler. Énfio.,;)irum
»

, :,

..,
ange, ne soyez plus qn peine detipoi
ce qui reftç ppur ma.pçn/^lation
dépend de vous.
V* , -rt ,
.,.-) /1
,~/t f

I -
LETTRE XXIX.
AlaMÊME.
A Pomc Samedi 20 Juin. 167~
,
V: O u me parlez encore de la
s
rigueur que j'ai eue de ne vous
avoir pas voulue a Vichi ; croyez,
fille, plus souffert
ma
vous: que j'en ai
mais la Providence n'avoit pas
rangé les choses pour me donner
que

cette parfaite joie. J'ai eu peur de la


peine que vous donneroit ce voyage,
qui est long & dangereux ; & par le
chaud, c'étoit une affaire. J'avois peur

,
que ce mouvement n'en empêchât un
autre
;
j'avois peur de vous quitter,
j'avais peur de vous suivre enfin,
je craignois tout de ma tendreflfe ÔC
de ma foiblefTe, Se je ne pouvois
qu'en votre absencepréférer mon on-
cle l'Abbé à vous. Je n'ai été que trop
occupée de notre voisinage ; cette

de mal qu'à vous ,


pensée m'a fait pour le moins autant
& quelquefois
jusqu'aux larmes. Voilà çe que je
; ,
voulois encore vous dire pour faire
honneur à la vérité faites-en, nu
chère enfant, à l'amitié que vous avez
pour moi, en me venant voir cet hi-
; mais parlons d'autre chose. Je
ver

, ;
fuis ici de Jeudi, comme je vous l'ai
mandé je m'en vais demain à Mou-
lins d'où je partirai Lundi pour Ne-
vers & Paris. Toute la sainteté du
monde est ici, cette maison est agréa-
ble la chapelle est ornée. Si mes
,
pauvres mains me faisoient quelque
jour retourner à Vichi je vou. nfïure
>
que je ne me ferois pas des cruautez
comme cette fois. Corbinelli me trou-
ve un peu enrôlée dans la sacrée pa-

, ;
refle ; mais je ne sçais si ma fanté ne
me rendra point ma rustauderie je
vous le manderai afin que vous ne
m'aimiez pas plus que je ne le mérite.
Je vous loue extrêmement de l'envie
que vous avez d'établir le pauvre
à
Baron (n). Quand je ferai Paris,
je tâcherai de feconder vos bons com-
mencemens. Ne (ommes-nous pas
trop heureuses que la campagne ioit
si douce jusqu'ici ? Je crains bien un
détachement pour l'Allemagne. Vous
(•) M.deiévigué, son fils.
n'êtes
I
nêtes pas actuellement dans igno-
Ruyter,
rance de la mort de ni de la
prison du pauvre Penautier. J'arri-
veraiaflez tôt pour vous infiruire de
toutes ces tragiques hiiloirss. Je
Couhaite que votre petite rivière vous
puitle fournir de l'eau pour vous'bai-
gner fraîchement : car il y a d'étran-
ges

A
manières

Moulins ,
de se batgner à Vichir

Dimanche au foir
21 Juin.
?

Quel bonheur, ma très-chère, de


recevoir votre lettre du 17 en arri-
vant de Pomé, où j'ai lailfé les deux
!
faintes ( 0) J'ai amené Mademoisélle

de chez sa mère ;
Fouquet, qui me fait ici les honneurs
, elle s"en retournera
demain matin quand je partirai pour
aller coucher à Nevers.
Vous jugez très-juste dumoides
ElTais de Morale. Il est vrai qu'il y a,
comme disoit le vieux Chapelain,
teinture de ridiculité dans cette ex-

cette bigarrure ;
pression : le refieeft trop grave pour
mais nous en fai-
fons un très-bon usage. Vous me pei-
10 ) Mcfdames Fouquet.
gnez Grignan d'une beauté furpre-
nante ; hé bien, ai-je tort, quand je
dis que M. de Grignan avec sa dou-
ceur fait toujours prtcifément tout
?
,
ce qu'il veut Nous avons eu beau
crier misère ; les meubles les pein-
tures , les cheminées de marbre,
?
n'ont-elles pas été leur train Je ne

;
doute point que tout cela ne foit par-
:
faitement bien ce n'étoit
tre difficulté mais où
a-t-ilpas là no-
pris tant
?
d'argent mon enfant, c'estla magie

;
noire. Je vous conjure de ne me pas
manquer cet hiver je ne puis avoir
nulle forte d'incommodité que celle
:
de ne vousavoir pas voilà où mon
couragem'abandonneroit. Pour mes
mains, elles font encore infermables;
mais je mange, & je m'en fers allez
pour n'être quasi plus incommodée :
je n'ai plus l'air malade, je fuisvotre
bdliflima. vous ne le voulez pas
,
croire.

:
Vous negagnei que des victoires
sur votre mer je fuis affl-r:e que
d'Hacqueviile vous renverra votre
relation ; car je ne crois pas qu'il
puilTesouffrir qu'il foit dit qu'unautre
lui ait appris quelque cholet On ne
peut rien de plus planant que ce que
vous dites sur le Maréchal de Vi-
vonne, & la prévifioo qui lui a fait
avoir cette Dignité. Voilà Corbinelli

encore ici l'Abbé Bayard ,


bien ravi de ces heureux succès. J'ai
qui ne
me quitte .que le plus tard qu'il peut..
;
Il est bien épris de votre mérite c'eit
: il
un ami de grande conséquence
vous baise les mains mille fois. Mef-
dames Fouquet m'ont chargée de

Adieu ,
leurs saints complimens pour vous.
belle & charmante, je vous,
quitte pour entretenir ma compagnie..
Je vous écrirai des chemins.

LETTRE XXX.
A LAM ME. A

A Briare, Mercredi 24 Juin. 1675r


JE -,
m'ennuie ma très-chère, d'être
si vous écrire. Je
long-temps fans
vous ai écrit deux tois de Moulins ;
a
mais ily déja bien loin d'ici à Mou-
lins. Je commence à dater mes lettres
delà distançe que vous voulez. Nous
:
partimes donc Lundi de cette bonm
Ville nous avons eu des chaieur;
extrêmes. Je fuis bien ailuree que

,
vous n'avez pas trouvé d'eau dans
votre petite rivière puisque notre
belle Loire est entièrement à sec en
plufteurs endroits. Je ne comprends
pas comme auront fait Madame de
Montespan & Madame de Tarentey
elles auront glissé sur le fable. Nous
partons à quatre heures du matin;
;
nous nous reposons long-temps à la
dînée nous dormons sur la paille, Se
sur les couffins de notre carrosse,,
pour éviter les incommodités del'été.
Je fuis d'une paresse digne de la vô-
tre ; par le chaud, je vous tiendrais
compagnie à causer sur un lit, tant que-
terre nous pourrott porter. J'ai dans la
tête la beauté de vos appartemens ;
vous avez été trop long- temps à me
les dépeindre. Je crois que sur ce lit
vous m'expliquent; z cec ridicules qui
viennent des défauts de l'ame, & dont
je me doute à peu prèsJe fuis toujours
d'accord de mettre..au premier rang
de ce qui est bon ou mauvais, tout
ce qui vient de ce côté-là : le reste
me paroîtsupportable, & quelquefois
mutable ; il n'y a que les sentimens
du cœur, qui me paroiilcnt dignes de
considération ; c est en leur faveur
que l'on pardonne tout c'est ;
un fonds
qui nous con fole & nous paye suffi-
fainment. Ce n'est donc que altéré,
par la
crainte que ce fonds ne foit

,
qu'on est bleflee de la plupart des
choses. Nous parlerions encore de
vos beaux tableaux & de la mort
extraordinaire de Raphaël d'Ur-
bin (p) , je ne l'eusse pas imaginée"
non plus que le chaud de la S. Jean t
il y a plus de dix ans que j'avois re-
marqué qu'on se chauffoit fort bien
aux feux qu'on y fait ;
c'est sur ceJa
que je m'étois reposée, & que je me
fuis mécomptée. Les Aledecinsappel-
lent l'opiniâtreté de mes mains
reste de rhumatisme un peu difficile
,
un ,
à persuader : mais voici un chaud qui
doit convaincre de tout. Je fuis tel.

toujours;
lement en train de fuer, que je fue
& la bonne d'Escars n'ose
me proposer d'ôter des habits, parce,
qu'elle dit que j'aime fuer. Il eslE
(p) Ce Peintre
,
de trente. septans
Ci

son goût déItglé rour


renommé mourut à l'âge
d'unexés aue lui fit faire-
ijpuaes.
les
vrai qu'il
me reste encore la fantaisie
;
dé croire que j'ai froid, quand jen'ai
pas extrêmement chaud cela s'en ira

pensions être Vendredi à Vaux


passèr une soirée divine
,
avec la poule mouillée, qui prend
tous les jours congé de moi. Nous
; &
mais je
crains que nous n'y foyions que Sa-
medi. Je vous écrirai encore c'est
,
ma feule joie.
Madame de la Fayette m'a man-
dé que Guenani est retournée à Mau-

: ,
buisson, & qu'elle est aimable fans
être belle elle est vive douce,
eomplaifante, glorieuse & folle ;
ne la reconnoiffezvous pas, vous qui
êtes une de ses plus anciennes con-
noiflances ?si vous eussîez cru qu'elle
eût été en tiers, vous auriez aug-
menté votre pitié. Je ne sçais pour-
quoi vous dites que cette histoire est
répandue, je ne le trouve point ;
m'en parle ,
c'est que je ne trouve personne qui
cela deviendra faux,
comme milteJlUtres choses. Le goût
la guerre ,
que Sa Majesté prend au métier de
pourroit bien faire cet
effet. La pauvre bonne amitié est bien
plus durabl.1 est vrai que ce met

9
de passion éternelle rauoit peur à une
certaine beauté du temps paffé; &
comme un pauvre amant lui pro-

qu'il l'aimeroit touté sa vie ,


restoit, croyant dire des merveilles,
elle

qu'elle ne l'acceptait pas ,


l'assura que c'ctoit pour cela feul
& que
rien ne lui faisoit tant d'horreur que
la pensée d'être aimée long-temps
d'une même personne. Vous voyez
comme les avis font différens.
Il y avoit un parent de l'Abbé
Bayard qui étoit avec nous à Lan-
,
glar ; s'il y eût été du temps de la
il eût été fort dignequ'elle
Duchefre,-
;
eût tiré dessus elle n'avôit rien trou-
vé de si bon dans tout son voyage ;
il ne dit, & ne fait rien à gauche ; il
est jeune & joli, & danre la bourrée;
il fait des chansons avec une facilité
surprenante. -Il vint chez Bayard une
laide femme, qu'on soupçonne d'être
coquette ; voici ce que le petit hom-
me confia tout de fuite à Bayard, qui
me le rendit auut-tôt.
C ,
n'cft p.is mal habile
Quand il s'agit de prendre un coear,,
Si ce n'est celui du Papille,
C'efi celui de son Gouverneur.
vivacité;
Il en a fait plusieurs autres de cette
mais je crois que vous n'en
sçavez pas- J'air. Voilà bien abuserdit
;
vous, ma fille il faut que je fois
également persuadée & de votre ami-
tié & de votre loisir. Je ne sçais au-
cune nouvelle. Ce que vous avez dit
sur la prévision du Roi à l'égard du
)
frère (q de Quanto, est un sujet de
méditaion admirable. Je médite ausit
fort souvent sur la joie & l'espérance

;
de vous voir à Paris.

LETTRtXXXI.
A LA M I «6
x676. A Nemours, 26 Juin.
Vendredi

JE défie votre Provence d'être plus


:
J embrafce que ce pays nous avons
de plus la désolation de ne pointef-
pérer de bife. Nous marchons quart
toute la nuit, & nous suons lejour.
Mes chevaux témoignèrent hier qu'ils
feroient bien aires- de se reposer à
Montargis; nous y fumes le reste du
(9) M. de Vivoaue. jour. jour,
tour. Nous y étions arrivées le ma-
tin à huit heures; c'est
un plaisîr de
voir lever l'aurore, & de dire dévo-
tement les sonnets qui la repré/en-
tent. Nous passames la soirée chez Ma-
dame de Fiennes, qui est Gouver-
nante de la ville & de son mari

verneur:
qu'on appelle pourtant M. le Gnu-,
eUe mevint prendre à
hôtellerie, & me parla fort du mon
temps
qu'elle vous honoroit de Ces
bations. Vous connoissez son appro-
air Se
IOn ton décisif: elle est
divinement
bien logée. Cet ctablifTement
est fort
joli ; elle
,
y règne trois ou quatre
mois; & puis elle se
va traîner aux
piedsde toutes lesgrandeurs,
comme
vous sçavez. Elle me dit qu'elle
tenditMademoiselle de Fiennes, at- Se
qu'on lui mandoitque saBrinvilliers
mettoit bien du monde
en jeu &
nommoit le Chevalier de
dames de CI. &de
B.
G. Mer-
avoir empoisonné Madame,pour
davantage. Je crois pas
que cela est
très-faux, mais il est fâcheux d'avoir
alejustifier d'une pareille chose.
Cette diablesse accuse vi
vement Pé-
nautier, qui est
en orisonDaravnn/-».
cette affaire occupe tout Paris, au
préjudice dge nouvelles de la guerre.
Quand je ferai arrivée, vous croyea
bien que je ne vous laisserai rien igno-
rer d'une chose si extraordinaire. Nous
nerie de Fontainebleau ;
allons ce foir coucher à la Capitai-
je hais le

:
Lion d'or depuis que je vous y ai
quittée j'espère me raccommoder

;
avec lui, en vous y allant reprendre.
J'ai rêvé sur votre retour je vous
proposerai mon avis, que je ferois
ravie que vous vouluflîez Cuivre;
,
nous avons du temps, nous en par-
lerons. Je fuis bien aise à cause de
cette chaleur excefïîve, de vous avoir
laiiTée en paix dans mon cabinet à
(jrignan ; vous feriez morte d'avoir

,
repris votre route du midi par le
temps qu'il fait. Si Saint-Hérem (r)
est à sa Capitainerie & si j'y ap-
prendsquelque nouvelle, jevous écri.
rai peut-être encore ce foir : mais dans
l'incertitude je vous écris d'ici, afin

;
de n'avqir plus qu'à me coucher en
arrivant car il fera tard , & vous
voulez que jeme porte bien.
( r )Gouverneur de Fontainebleau.
j;..
lettre XXXII.
ALA ê E. M M
A Paris,Mercredi premier Juillet.

J 'ABRi%-A
très- belle
dans le
i; ici Dimanche
à
,
j'avois couché Vaux,
dellein de me rafraîchir au-
ma
1676.

près de ces belles fontaines, & de


manger
trouvai ;
deux oeufs frais. Voici
le Comte de Vaux s),
ce que
(

, ;
qui avoit fçu mon arrivée, & qui me
donna un très-bon souper & toutes

goutte d'eau ,
les fontaines muettes & fans une
parce qu'on les rac-
commodoit : ce petit mécompte me

,
rite (
fit rire. Le Comte de Vaux a du mé-
& le Chevalier de Grignan
m'a dit qu'il ne connoissoit pas un
)
Îilus
ouanges véritablementbravehomme. Les
du petit glorieux ne font pu
mauvai ses, il ne les jette pas à la tête.
Nous parlâmes fort, M. de Vaux &
moi, de l'état de sa fortune présen-
te & de cequ'elle avoit été. Je lui
(»)Fils aîné de M. Fouquct. nrintenditit
des Finances. N .j
dis, pour le consoler, que la saveuf
n'ayant plus de part aux approbations
qu'il auroit, il pourroit les mettre
,
sur le compte de son mérite, & qu'é-
tant purement à lui elles feroient
bien plus sensibles & plus agréables:
je ne sçais si ma rhétorique lui pa-
rut bonne. Enfin, nous arrivâmes ici ;
,
je trouvai à ma porte Mesdames de
Villars de Saint-Geran d'Heudi-

;
,
court, qui me demanderent quand

,
j'arriverois ils ne venoient que pour
le sçavoir. Un moment après, M. de
la Rochefoucauld Madame de la Sa-
bliere par hazard, les Coulanges,
Sanzei d'Hacqueville. Voilà qui
,
est fait, nous fuyions tous àgrossès

;
gouttes; jamais les thermometres ne se
font trouvez à telle fête il y a presse
dans la rivière, Madame de Coulan-
ges dit qu'on ne s'y baigne plus que
par billets. Pour moi, qui fuis en
train de fuer, je ne finis pas, & je
change fort bien trois fois de chemise
en un jour. Le jfien bon fut ravi de
me revoir, & ne sçachant quelle
chère me faire, il me témoigna une
.Cientie.-J'ai
extrême envie que j'euflè bientôt une
joie pareille 1?;itenne.J'aire^u rc~14
bien des visites ces deux jours. J'ai
célébré les eaux salutairesdeVichi ;
& si jamais le vieux de Lornie prend
congé de la compagnie, la Maréchale
d'tftrées (t) & moi, nous entrepre-
nons de confondre Bourbon. Mada-
me de la Fayette est à Chantilli. J'ai

, ,
donné votre lettre à Corbinelli, il me
l'a lue elle est admirable; vous
avez, en vérité trop d'esprit, quand
vous voulez. Corbinelli est hors de
lui de trouver une tête de femme
faite comme la vôtre. Au reste, je
,
reprends les fotes nouvelles que Ma-
dame de Fiennes m'avoit dites à Mon-
targis. On n'a point du tout parlé de
Cl., G.
Mesdames de
Chevalier de B. ) de
,
ni du
(u ; rien n'test
plus faux. Pénautier a été neuf jours

;
dans le cachot de Ravaillac, ilymou-
roit, on l'a ôté son affaire est désa-
()
gréable. Il a de grands protecteurs ;
M. de PariS x
soûtiennent hautement ;
& M. Colbert le
mais si la
Brinvilliers l'embarrade davantage,
( t) Gabrielle de Longueval Maréchale
,'Elhécs. ,
(M) Voyezlalettre précc-lentc, page 141.
(x) François de Harlai,ArchevèquedePans.
rien ne pourra le secourir. Madame

;
d'Hamilton est inconsolable, & rui-
née au-delà de toute ruine elle fait
pitié. Madame de Rochefort (y) est
changée à n'être pas connoiiîable,
avec une bonne fièvre double tierce
cela ne vousplaît-il pasallez ? Le re-
;
tour du Roi Ce recule toujours. Vous
avez vu les vers qu'a fait l'Abbé
gérée:
Têtu, l'exagération m'y paroit exa-
la réponse en prose de M. de
Pomponne vous plairoit fort. il a
écrit aufli (c'est l'Abbé Têtu ) une
lettre à M. de Vivonne ( f ) bien plus
jolie que Voiture&Balzac; les louan-
ges n'en font point fades. Madame
de Thianges (a ) fit faire hier un feu
de joie devant sa porte, & défoncer
trois tonneaux de vin en faveur de
cette vifloire. Des boëtes qui cre-
,
verent, tuerent trois ou quatre per-
sonnes. J'ai vu Buffi plus gai plus
content, plus plaisant qiTc jamais. Il
(y) Madeleine de Laval Bois-Dauphin.

&
,
( L) Le Maiéchal de Vivonne attaquaSe
défit
,
le & Juin 1676 les Flottes Efpa«;no!e
Hollandoisë qui ,
s'ctoientretirées.1 3
rade de Palerme.
)
(« Sœur deM. deVivonne,
te trouve si difiingué des autres
tion
tune
,
exilez, & fent si bien cette diftino
qu'il ne donneroit pas sa for-
pour une autre. Il marie, je crois,
la Remiremont (b) au frère de Ma-
dame de Cauviffon. Voici l'année
d'établissement pour ses filles. J'ai
trouvé ici que le mariage de M. de
la Garde faisoit grand bruit.
Vous me comblez de joie en me

:,
parlant fans incertitude de votre
voyage de Paris ce fera le dernier
& véritable remède qui rendra ma
fanté parfaite. Pour moi ma fille,
,
voici ma pensée ; je la propose à M. de
Grignan & à vous. Je ne voudrois
point que vous allaflîez repasser la
Durance, ni remonter à Lambesc
celavous jette trop loin dans l'hiver
;;
, ;
pour vous épargner cette peine ,
&
je trouverois très- bien que vous par-
tirez de Grignan quand votre mari
;
partira pour l'Afreniblée que vous
ptiflîez des litières que vous vins-
fiez vous embarquer à Rouane, &
tres-sûrement vous trouveriez mon
*
(b) Marie de Rabutin
de Remiremont, qui
, safille, alors Daine
époufr depuis le Mar-
quis de Moatataire.
,
carrosse à Briare qui vous- amène*
roit ici. Ce feroit un temps admira-

,
ble pour être ensemble. Vous y at-
tendriez M. de Grignan qui vous
,
améneroit votre équipage & que
vous auriez le plaisir de recevoir.
Nous aurions cette petite avance, qui
me donneroit une grande joie, & qui

retiens. Répondez-moi ,
vous épargneront d'extrêmes fatigues,
& à moi toute l'inquiétude que j'en
ma très-
chère , sur cette proposition, qui

;
doit vous paroître auflï raisonnable
qu'à moi & parlons cependant de
Villebrune : je n'ai jamais été plus
surprise que d'apprendre qu'il étoit à
Grignan. Je fuis assurée que vous
l
;
avez bien questionné sur ma mala-
die ila pu vous la dire d'un bout à

mirable
posîtion
;f
l'autre. Il m'envoie d'une poudre ad-
vous en a-t-il dit la com-
je n'en prendrai pourtant
qu'au mois de Septembre. Il Ce loue
fort de vos honnêtetez ; je crois qu'il

a envoyé cet homme ,


avoit un bon passeport en parlant de
moi. J'admire comme le hazard vous
pour figurer*
avec mon Capucin de Vichi. Pour
moi, je lui trouve bien de l'esprit,
te un grand talent pour la Médecine:
c'est pour s'y perfectionner encore
qu'il est allé à Montpellier. Il a eu
de grandesconversations avec M. de

estimé dans notre Bretagne


à
;
Vardes sur l'or potable. Il est fort

; il y a
prelle qui l'aura & je ne sçais rien

,
de mauvais en lui, ôtez-en quelque
fragilité qui puiÍfe le rendre indi-
gne de votre proteflion : il m'a été
d'une grande consolation aux Ro-
chers. Je n'ai pas entendu parler

a causé tous mes maux ;


depuis de ce que nous croyons qui
j'espère en

,
être entièrement quitte. Je ne renon-
ce pas à me faire saigner quand on
le jugera à propos. La poudre du bon
homme pourra retrouver sa place

;
aussi quand je me ferai rendu digne
,
de son opération car présentement
les eaux & la douche de Vichi m'ont

;
vez dire , comme à la Comédie
;
,
si bien savonnée,que je crois n'avoir
plus rien dans le corps & vous pou-
ma
mire riefl point impllre. Je tâterai de
l'airdo Livri & croyez mon enfant,
que j'userai sagement de cette bride
qu'on m'a mise sur le cou. Il n'y a
qu'à rire de l'aventure de la Garde ;
je vousaffure qu'il dormoit; l'amour

vous sçavez. Hélas !


tranquille s'endort aisément, comme
à propos de
dormir, M. de Saintes (c) s'est en-
dormi cette nuit au Seigneur d'un
sommeil éternel. Il a été vingt-cinq
jours malade, faigné treize fois & ;
hier matin il étoit fans fiévre, & se
croyoit entièrement hors d'affaire.
Il caura une heure avec l'Abbé Têtu,
tes fortes de mieux font quasi tou-
;
jours traîtres, & tout d'un coup il
est retombé dans l'agonie & enfin
nous l'avons perdu. Comme il étoit
,
très-aimable, il est extrêmement re-
grété.
On aiTure que Philifbourg est affié.
dit
gé. La Gazettedehollande
,
ont perdu sur la mer ce que nous
qu'ils

avons perdu sur la terre, & que Ruy-


ter étoit leur Turenne. S'ils avoient
de quoi s'en consoler comme nous,
,
:
je ne les plaindrois pas mais je fuis
oJfurée qu'ils n'auront jamais l'esprit
de faire huit Amiraux (d) pour con-
( e Louis de Bassompierre, fils du Mi-
)
réchal de ce nom, Fvêqne de Saintes.
(d)Pllifinterié fondée sur la promotion
des huit M.trechjux de France qUI furent
ferver Messine. Pour moi, je fuis ra-
vie de leur milère, cela rend la Mé-
diterranée tranquille comme un Lac,
& vous en sçavez les conséquences.
,
Je reçois une lettre de mon fils qui

;
est détaché avec plusieurs autres trou-
pes pour aller en Allemagne j'en fuis
très-fâchée, & quoiqu'il veuille m'en
consolerpar l'assurance de venir m'em-
brasser ici en partant, je ne fçaurois
approuver cette double campagne.
le bien bon vous embrasse ,
Adieu, ma très-aimable & très-chere,
& vous
affure de la joie qu'il aura de vous
voi r.

LETTR E XXXIII.
ALAMê ME.
A Paris, Vendredi Juillet. 1676,
vs Ou
3

;
me dites que c'efi à moi
de régler votre marche je vous
1airéglée, & je crois qu'il y a bien
de la raison dans ce que j'ai propofc.
créez peu de jours après la mort de M. de
Tuiennc.
opposer ,
M. dé Grignan même ne doit pas s'y
puisque la séparation fera
courte,& que c'efl bien épargner de la
peine, & me donner un temps d'avare
ce, qui fera, ce me semble, pure-
ment pour moi. J'ai fait part de ma
pensée à d'Hacqueville qui l'a fort
approuvée, il vousenécrira. Songez-
y, ma fille, & faites de l'amitié que
vous avez pour moi, le chef de vo-
tre conseil.
On dit que laPrincesse d'Italie n'ea
plus
Voussi bien auprès de sa Maîtressè.
la galanterie ;
sçavez comme celle-ci efi sur
elle s'efi imaginée)
voyez quelle injufiice! quecette sa.
vorite n'avoit pas la même aversion
qu'elle pour cette bonté de cœur.
Cela faitdes dérangemens étranges;
jem'inftruirai mieux sur ce chapitre
je ne sçais qu'en l'air ce que je vous
:
dis.
Il me semble que j'ai paffé trop lé-
gèrement sur Villebrune ; il est très-

;
estimé dans notre Province, il prêche
bien (e), il est Içavant il étoit aimé
(O Ce Villcbrune étoit forti des Capu*
cins. la Icttridu
Voyez, 1JDtttmbrt 1675
tomt 3, p." 387.
du Prince deTarente, & avoit fervt
à sa conversion & à celle de Con fils.
Le Prince lui avoit donné à Laval un
Bénéfice de quatre mille livres dé
;
rente quelque prétendant parla d'un
dévolut, à cause de ce que vous Cça-
vez; l'Abbé du Pleflis le prévint à

qu'il fit cette démarche ,


Rome, & obtint le Bénéfice ; ce fut
contre le sentiment de toute sa famille
croyant,
disoit-il faire un partage de frère
,

;
avec Villebrune. Cependant il n'en a
point profité car M. de laTrémoille
a prétendu
, que le Bénéfice dépens
dantde lui il falloit avoir Ton con-

arrivé ,, ,
sentement : de forte qu'il n'est rien
sinon que Villebrune n'a
plus rien que l'Abbé du Plessis n'a
pas eu un bon procédé, & que M. de
la Trémoille n'a pasosé redonner le
Bénéfice à Villebrune, qui a toujours
été depuis en Baffe-Bretagne fort
,
estimé & vi vant bien. Si le hazard

,
vous l'avoit placé dans votre Chapi-
tre (f) je vous trouverois assez heu-
reuse de pouvoir parler avec lui de
toutes choses & d'avoir un très bon
1

j
(f) Ily
,
i
a un Çhapitrf
jar les anç&tcs de
M. Grignan,
de Grignan.
fone
;
Médecin c'est pour apprendre des
secrets qu'il ne croit réservez qu'au
soleil de Languedoc, qu'il efi allé à
Montpellier.Voilà ce que la vérité
m'a obligée de vous dire. Je veux
écrire à Vardes pour le lui recom-
mander. Voyez un peu comme je me
fuis embarquée dans cette longue nar-
ration.
L'affaire de la Brinvilliers va tou-
jours son train. Elle empoifonnoit de
certaines tourtes de pigeonneaux
,
dont plusieurs mouroient ; ce n'étoit
pas qu'elle eût desraifons pour s'en
défaire, c'étoient de f)enplesexpérien-
r
cespour s'affure del'effet delespoi-
fons. Le Chevalier du Cniet, qui avoit
été de ces jolis repas, s'en meurt de-
puis deujc ou trois ans :r:eHe deman-

;
doit l'autre jour s'il étoit mort, on lui
dit que non elle dit en se tournant,
il a la vie bien dure. M. de la Roche-
foucauld jure que cela est vrai.
Il vient de sortir d'ici une bonne
compagnie car vous sçavez que je
,
,
garde ma maison huit jours après
mon retour de Vichi, comme si j'é-
tois bien malade. Cettecompagnie
étoit la Maréchale d'Estrées, le Cha•,
noine (g), bulii, Kouville & Cor-
binelli. Tout a prospéré, vous n'avez
:
jamais rien vu de si vif comme nous
étions le plus en train, nous avons
vu apparoitre
son grand deuil ,
M. le Premier (h) avec
nous sommes tous
honte <juej'étois morte ;
tombez morts. Pour moi, c'étoit de
je n'avois
rien fait dire à ce Caton sur la mort
de sa femme ( i), & mon dessein étoit
de l'aller voir avec la Marquise
d'HuxeUes. Cependant, au lieu d'at-
tendre ce devoir, il vient s'informer
de mes nouvelles & de celles de mon
voyage. La Maréchale de Castelnau
& sa fille ont des foins extrêmes de
moi. Je ne sçais rien de Philifbourg,
depuis ce que je vqgs en ai mandé.

Allemagne,
il
Mon fils n'est point encore paffé, ne
va point en c'efi dans
l'Armée du Alaréchai de Créqui.
Cela me paroît une fécondécampa-

{g )N.
de Longueval, Chanoincfle de
Remiremontfeeur de la Maréchale d'Ef-
trées.
(h) Henri de Beringhen, premierEcuyor
du Roi.
(i) Anqg du Blé tante du feu Maréilu)
.'Uij),dlci, moite le,8 Juin. 1676.
gnequi me déplaît. Madamede Noail-
les me disoit hier que, fans avoir pu
se tromper, elle étoit accouchée d'un
fils à huit mois, qui a très-bien vécu ;
H a seize ans.

LETTREXXXIV.
A LA MÊME.
x676. A Paris, Lundi 6 Juillet.
J vis hier au foir le Cardinal de
JE
; ;
Bouillon, Caumartin & Barillon;

,
parlèrent fort de vous ils com-
mencent disent-ib, à Te raiïembler
en qualité deausnnienfau% mais,
hélas ! le plus cher (À) nous man-
;
quera. r";
M. de Louvois est parti pourvoir
ce que les ennemis veulent;faire. On
dit qu'ils' en veulent à Maftrich
JVI. le Prince ne le-,troiepis..Ilàeude
:
grandes conférences avec le Roi on
disoit qu'il feroit employé ; mais il
;
n'a pas présumé qu'il dût s'offrir, &
l'un ne veut pas lui en parler r ainsi
Ik) Le
Cardinal ck'A.e$>
l'on
l'on attend les couriers de M. de Lou-
vois, fans qu'il foit question d'autre
chose. Il est vrai que plusieursVêtî-
mes ont été sacrifiées aux manes des
deux Héros de mer & de terre. Je
crains bien que la Flandre ne foit pas
paisible, comme vous le pensez. Le
pauvre Baron (l) est à Charleville
:
avec son détachement,attendant les
ordres c'est le Duc de Villeroi qui
;
est le Général de cette petite Armée

;
Capouë
,
ils font dans le repos & les délices de
c'est le plus beau pays du
monde. Pour l' Allemagne M. de
Luxembourg n'aura guères d'autre
chose à faire qu'à être fpeflateur,
avec trente mille hommes, de la prise
de Philifbourg. Dieu veuille que nous
ne voyions pas de même celle de

M. le Prince, ,
Maftrich. Ce qu'on fera, à ce que dit
c'est que nous pren-
drons une autre Place & ce fera piéce
pour pièce. Il yavoit un fou le temps
;
pasTé, qui disoit dans un cas pareil
changez vos Villes de gré àgré, vous
épargnerez vos hommes ; il yavoit
bien de la Cageffe à ce discours.
L'affliflion de Madame de Roche-
(QM, deSérigné.
fort augmente plutôt qu'elle ne di-
;
minue. Celle de Madame d'Hamilton
fait Ptié à tout le monde elle de-
meure avec six enfans, fans aucun
bien. Ma niéce de Buffi,c'etf-à-dire,
de Colligni, est veuve; son mari est
mort à l'Armée de M. de Schomberg
d'une horrible fièvre. La Maréchale

ne l'est point du tout


,
(deSchomberg) veut que ie la mène
:
après-dîner chez cette atHigée qui
elle dit qu'elle
ne le connoifïoit point, & qu'elle
Son mari lui laisse tout son bien de
forte que cette femme aura quinze ou
,
avoit toujours souhaité d'être veuve.

seize mille livres de rente. Etieaime-


vivrerèglement
roit bien à
;
,
& à
dîner à midi, comme les autres mais

,
l'attachement que son père a pour
elle la fera toujours déjeîiner à qua-
tre heures du foir à son grand regr?r.
Elle est grosse de neuf mois. Voyez li
;
vous voulez écri re un petit mot en
faveur du Rabutinage cela se mettra

,
sur mon compte.
Vous avez raison de vous fier à
Corbinelli pour m'aimer & pour
avoir foin de ma fanté; il s'acquitte
parfaitement de l'un & de l'autre, Je
vous adore sur le tout. Il est vrai
qu'il traite en vers de petits sujets
fortaifez, comme il prétend que les
Anciens ont fait; il est perfuadéqua
larime donne plus d'attention, & que
cela revient à la prose mesurée Jm)
a
qu'Horace mise en crédit: vona de
grands mots. Il a fait une Epître con-
tre les loueurs excessifs, qui fait re-
venir le cœur. Il a une grande joie
de votre retour; vous lui manquez à
:
tout il est, en vérité, fort amusant,
car il a toujours quelque chose dans
la tête. Villebrune m'avoit dit que sa
poudre refTufcitoit les morts ; il faut
avouer qu'il y a quelque chose du
petit garçon qui joue à bfojjètte. On
peut juger de lui comme on veut,
c'est un homme à facettes encore plus
que les autres.
(m) C'est le Sermoni
r.Ssty.IV,lib, verf.
~propiora d'Horace.
1. 41.
LETTRE XXXV.
ALA AIEAMF.
À Pafïs»Mercredi 8 Juillet.
Vus
.1676.
VO avez raison de dire que le
sentimentdetendresse,qui vous
fait résoudre à venir ici tout à l'heu-
re , si je le veux & si j'ai besoin de
vous, me fait mieux voir le fond de
:
votre cœur, que toutes les paroles
bien rangées mais comme vous don-
la
nez au mien pour conseil rai son de
d'Hacqueville, & que vous avez fait
à mon égard, ainsi que pour les Ré-

,
gentes qui ne peuvent rien faire fans
un Conseil vous m'avez donné un
vtreen me donnant un compagnon,
V sçavez le proverbe. Hé bien,

;
ma fille, voici ce que le grand d'Hac-
queville me dit hier de vous mander

,
il n'ignore point ce que c'est pour moi
de vous voir & de ne pas manger
togte ma vie de la merluche (n ) ; mais
nous regardons la fatigue de venir
(O Voyezlalettredu15Juin, 118. 1
par les chaieurs & par la diligence,

;
commeune chose terrible & qui pour-
roit vous faire malade & nous de-
mandons pourquoi cette précipitation
pour
leure une fanté qui est beaucoup meil-
?
qu'elle n'a encore été Je mar-
che, & hors mes mains qui pe me
donnent qu'une médiocre incommo-
dité je fuis en état d'attendre avec
,
plaisir le mois de Septembre, qui fera
a peu près le temps où Al. de Grignan
se préparera pour l'Assemblée, & où

,
nous trouvons que toutes les raiTons
de tendresse de commodité & de
bienséance, vous doivent engager à
mevenir voir. Si vous fussiez venue
à Vichi, & delà ici, c'eût été une
chose toute naturelle, & qui eut été
bien aisée à comprendre; mais vos
desseins ne s'étant pas tournez ainil,
&tout le monde sçachant que vous

,
n'arrivez plus qu'au mois de Septem-
bre, cette rai son que vous me don-
nez pour gouvernante, vousconftille

,
de laitier revenir de l'eau dans la ri-
vière & de suivre tous les avis que
nous vous avons donnez par avance.
Nous vous prions feulement de ne
pous pas manquer dans ce temps-là.
,
Ma fanté quoique meilleure que
vous ne pensez, ne l'est pas aflez pour
n'avoir pas besoin de ce dernier re-
;
mède. C'est ainsi que vous donnerez
de la joie à tout le monde vous êtes
l'ame de Grignan, & vous ne quitte-
rez votre Château & vos pichont, que
quand vous feriez prête de les quitter
pour Lambesc ; & en ce temps vous
viendrez ici me redonner la vie. Je
crois, ma chère enfant, que vous ap-
prouverez la fagcfTe de notre d'Hac-
queville & que vous comprendrez
,
très-bien les sentimens de mon cœur,
& la joie que j'ai dde me voir assurée
de votre retour. Je fuis persuadée
que M. de Grignan approuvera tou-
tes nos résolutions , & me fçaura bon
gré même de me priver du plaisir de
vous voir tout à l'heure, dans la pen.

,
vous avoir cet été à Grignan ;
fée de ne lui pas ôter le ptaifir de
&

il ,
après ce fera son tour à courre, &
courra & nous le recevrons avec

:
plaisir. Je crains que votre lettre du
20 Juin ne foit égarée ou perdue
,
vous sçavez,matrès-chère, quetout
ce qui vient de vous ne sçauroit
m'être indifférent, & que ne vous
,
ayant point il me faut du moins la
consolation de vos lettres. Vous me
paroissez toujours en peine de ma
fanté : votre amitié vous donne
des inquiétudes que je ne mérite plus.

;
Il est vrai que je ne puis fermer les
mains mais je les remue & m'en
,
fers à toutes choses. Je ne fçaurois

;
couper ni peler des fruits ni ouvrir
;
des œufs mais je mange, j'écris, je

1
me coëffe, je
,
m'habille on ne s'ap-
perçoit de rien & il m'eff aisé de
foutfrir patiemment cette légère in-
commodité. Si l'été ne me guérit pas,
!

gorge de bœuf :
on me fera mettre les mains dans une
mais comme ce ne
fera que cette automne, je vous assu-

lain remède;
re que je vous attendrai pour ce vi-

,
peut-être n'en aurai-je

; ;
pasbefoin. Je marche fort bien &
mieux que jamais je ne fuis plus une

;
grosse crevée j'ai le dos d'une plateur
qui me ravit jeJerois au désespoir
d'engraisser, & que vous ne me vif-
fiez pas comme je fuis. J'ai quelque
légère douleur encore aux genoux ;
mais, en vérité, c'est si peu de chose,
que je ne m'en plains point du tout.
Trouvez-vous, ma fille que je ne
,
:
vous parle point de moi f en voilà
par-defius les yeux vous n'avez pas

,
besoin de questionner Corbinelli. Il
est Couvent avec moi ainsi que la

;
Mousse ; & tous deux parlent allez
Couvent de votre père Descartes ils
ont entrepris de me rendre capable
d'entendre ce qu'ils disent, j'en ferai
ravie, afin de n'être point comme une
fote bête, quand ils vous tiendront

,
ici. Je leur dis que je veux apprendre
cette science, comme l'hombre non
pas pour jouer,mais pour voir jouer.
Corbinelli est ravi de ces deux vo.
lontez qu'on trouve si bien en foi,
fans être obligé de les aller chercher

;
si loin. En vérité, nous avons tous
bien envie de vous avoir & ce nous
est une espérance bien douce, que de

,
voir approcher ce temps. Je vous
trouve bien feule ma très-chère
;
cette pensée me fait de la peine ce
;
n'est pas que vous soyiez sur cela
;
comme une autre mais je regréte ce
temps où je pourrois être avec vous.
Pour moi, je prétends aller à Livri,

viendra;
Madame de Coulanges dit qu'elle y
mais la Cour ne lui per-
mettra pas cette retraite. Le Roi ar-
rive
1ve ce soiràSaint-Germain , & par
Madame de Monte(pan s'y
lazard
trouve aussi le
à
;
même jour j'aurois
voulu donner un autreair ce retour,
puisque c'est une pure amitié. Mada-
me de la Fayette arriva avant-hier
deChantilli en litière, c'efi une belle
allure ; mais Ton côté ne peut souffrir
le carrode. M. de la Rochefoucauld
nous remet sur pied ce voyage de

:
Liancourt & de Chantilli dont on
,
lever,depuis dixans si on veut m'en-
parle
je les laisserai faire. MADAME
est transportée du retour de M N-o
SIE u R. Elle embrasse tous les jours
Madame de Monaco, pour faire voir
qu'elles font mieux que jamais ;
vois trouble à cette Cour. J'ai fait
je

prier M. le Premier Président par

;
M. d'Ormesson de me donner une au-
dience
:
il n'en peut donner qu'après
le procès de la Brinvilliers qui croi-

;
roit que notre affaire dût se rencon-
?
trer avec celle-là Celle de Penautier
ne va qu'avec celle de la Dame &
pourquoi empuifonner le pauvre Ma-
tarel ? il avoit une douzaine d'enfans.
Il me semble même que sa maladie
violente & point subite, ne reHem-
:
bloit pas au poison on ne parle ici
d'autre chose. Il s'est trouvé un muid
de vin enipoifonné, qui a fait mourir

me de Vins ,
sixpersonnes. Je vois souvent Mada-
elle me paroît toute
pleine d'amitié pourveus. Je trouve

;
que M. de la Garde & vous, ne de-
vriez point vous quitter quelle folie
de garder chacun votre Château ,
!
comme du temps des guerres de Pro-
vence Je fuis fort aire d'être eflimée
;
delui.LaMarquife d'Huxelles esten
furie de son mariage elle est trop
plaisante elle ne s'en peut taire.

der, ,
Quand vous ne sçavez que me man-
contez-moi vos pétofes d'Aix.
M. Marin attend son fils (o) cet hiver.
Je comprends leplaisir que vous don-
ne la beauté & l'ajustement du Châ-
;
teau de Grignan c'est unenécessité,
dès que vous avez pris le parti d'y
demeurer autaut que vous faites. Le
pauvre Baron ne viendra pas ici, le
Roi l'a défendu. Nous avons approu-
vé les dernières paroles de Ruyter,

,
& admiré la tranquillité où demeure
votre mer. Adieu très-belle&très-
aimable, je jours délicieufemert de
Piemicr Président du Parlement d'A&t
l'erpérance de vous voir & de vous
embrasser.

LETTRE XXXVI.
A LAMÊME.
A Paris, Vendredi 10 Juillet. 1676*
M fort bien
A DAM E de Villars, qui entre
dans la joie que j'ai
de vous attendre, me disoit hier qu'il
lui sembloit que la lettre que j'ai de
vous, où vous me rendez maîtresse de
votre marché , étoit justement com-
me une bonne lettre de change paya-
ble à vue, que je toucherois quand il

,
me plairoir. Je trouvai le Duc de
Sault chez elle pâmant de rire de la
nouvelle qui couroit, & qui court
encore, que le Roi s'en retourne sur

;
Tes pas, à cause du siége de Maftrich,

ou de quelqu'autre Place ce feroit


un beau mouvement, & bien commo-
de pour les pauvres Courtisans qui
reviennent fans un fou: c'efi Diman-
che que Sa Majesté le déclarera. Le
bon ami de Quanto avoit rélolu de
;
n'arriver que lorfquelle arriverohi
de son côté de forte que si cela ne
se fût trouvé jufle le même jour, il
auroit couché à trente lieues d'ici :
mais enfin tout alla à souhait. La fa-
mille de Vami alla au-devait de lui :
on donna du temps aux bienséances ;
mais beaucoup plusàlapure & simple
amitié, qui occupa tout le foir. On sir
hier une promenade ensemble, ac-
compagnezdequelques Dames ; un
fut bien aise d'aller à Versaillespour
le visiter avant que la Cour y vien-
,
ce. Ce fera dans peu de jours, pourvu
qu'il n'y ait point de hourvaris.
la
Onaconfronté Pénautierà Brin-
yilliers, cette entrevue fut fort tris-
te ; ils s'étoiept vus autrefois plus
agréablement. Elle a tant promis que
si elle mouroit, elle en feroit bien
mourir d'autres, qu'on ne doute point
qu'elle n'en dise atTez pour entraîner
çelui-ci ou du moins pour lui faire
,
donner laqueftion, qui estunechose
,
terrible. Cet homme a un nombre
infini d'amis d'importance qu'il a
.obligez dans les deux emplois qu'il
0voit (p). Ils n'oublient rien pour le
; (1) Pc Tiucforifr général tic> Euis v#
;
servir ; on ne doute point que l'ar-
gent ne se jette par-tout mais s'il est

un tour de
;
convaincu, rien ne le peut sauver. Je
laisse là ma lettre je m'en vais faire
Ville, pour voir si je
n'apprendrai rien qui vous puisse di-
vertir. Mes
;
mains font toujours au
même état si j'en étois fort incom-
modée, je commencerois à faire tous
les petits remèdes qu'on me propose ;
mais je me sens un si grand solds de
patience pour supporter cette incom-
,
modité que je vous attendrai pour
me guérir de l'ennui que les remèdes
me donneront.
Je reviens d<; laVille. J'ai étéchez

de Villars ,
Madame de Louvois, chez Madame
& chez la Maréchale
d'Estrées. J'ai vu le Grand-Maître (q),
qui croit s'en retourner Lundi, quand
même le Roi ne partiroit pas
si
:car
Maftrich est assiégé, comme on l'af-
Lnnguedoc & de Thrésorier général du

1
,
Clergé de France.
(9) Henri de Daillon, Comte, puis Duc
duLude, par Lettres du 31 Juillet
pouvoit efpércr d'être compris dans la pro-
motion que le Roi fit de huit Maréchaux de
f,
France le 30Juillet 1tf7 c'est-i-dire, trois
jours après la mort de M. de Turenne.
fure, il ne veut pas, dit-il, manquer
cette occasion de faire quelque chore.
Il est sur cela comme un petit garçon,
& au lieu de ne plus servir, comme
le Roi le croyoit, ayant fait lesautres
Maréchaux de France, il s'amuse à le
vouloir mériter par les formes, com-
me un cadet de Gascogne. Alais ce
;
n'esf point cela que je veux dire ce
sujet m'a portée plus loin que je ne

;
vouldli : c'est qu'il est donc vrai que
le Roi croit partir il a été long-
temps enfermé avec M. de Louvois.
M. le Prince attendoit les nouvelles
de cette conférence. Tous les Cour-
tifans sontaudésespoir, &nesçavent
où retrouver de l'argent & de l'é-
quipage ; la plûpart ont vendu leurs
chevaux : tout est en mouvement, les

prendra
Le
,
Bourgeois de Paris disent qu'on en-
verra M. le Prince & que le Roi ne
point la peine de retourner.
détachement qu'on envoyoit à

,
l'Armée du Maréchal de Créqui, re-
vient en Flandre. Enfin je ne puis
dire, ni personne, le dénouement de
cette émotion. L'ami de Quanto ar-
riva un quart-d'heure avant Quanto ;
& comme il causoit en famille, oo
le vint avertir de
avec un grand empressement ,
l'arrivée; il courut
& fut
longtemps avec elle. Il fut hier à
cette promenade que je vous ai dite,
mais en tiers avec Quatito & son amie;
nulle autre personne n'y fut admise,
:
& la sœur (r ) en a etc très-affligée
voilà tout ce que je fçajs. La femme
de l'ami a fort pleuré. On a dit four-

;
dement que si son mari partait, elle
feroit du voyage tout ceci se démê-

& très-parfaitement aimée ,


lera dans peu. Adieu, ma très-chère
je vous

,
embrasse tendrement. La Saint-Geran

;
a la fièvre elle en est aussi ctonnce
iJue je le fus aux Rochers elle n'a
jamais été malade, non plus que moi
en ce temps-là.
(r) La Marquise deThianges.
LETTRE XXXVII.
ALA MEME.
1676. A Paris, Vendredi 17Juillet.

E NFIN,
liers
c'en est fait. la Brinvil.
est en l'air; son pauvre petit
corps a été jetté
,
après l'exécution
dans un fortgrand feu & ses cendre,
au vent; deforte que nous la refpi-
rerons, & parla communication dei
petits esprits, il nous prendraquelque
humeur empoisonnante , dont nous
;
ferons tout étonnez. Elle fut jugée
dès hier ce matin on lui a lu ion
Arrêt, qui étoitde faire amende ho-
norable à Notre-Dame, & d'avoir la
têtecoupée, son corps brûlé, les cen-
dres au vent. On l'a présentée à la
question; elle a dit qu'il n'en étoit
pas besoin, & :
qu'elle diroit tout
en
,
effet, jusqu'à cinq heures du foir elle
a conté sa vie encore plus épouvan-
table qu'on ne le pensoit. Elle a em-
poifonné dix fois de fuite son père,
elle ne pouvoit en venir à bout, fe$
,
frères & plusieurs autres ; & tou-
jours l'amour & les confidences met-
lez partout. Elle n'a rien dit contre

,
Pénautier. On n'a pas laissé, après
cette confession de lui donner dès le
matin la question ordinaire & extra-
ordinaire; elle n'en a pas dit davan-
tage. Elle a demandé à parler à M. le
Procureur Général, on ne sçait point
encore le sujet de cette converration.

, ;
A six heures, on l'a menée nue en
chemi se & la corde au cou à Notre-
Dame, faire l'amende honorable &

bereau ,
puis, on l'a remi se dans le même tom.
où je l'ai vue jettée à recu-
lons sur de la paille, avec une cornette
baffe & sa chemise, un Dofteur au.

côté:
près d'elle le bourreau de l'autre
,
en vérité, cela m'a fait frémir.
Ceux qui ont vu l'exécution, disent
qu'elle est montée sur l'échafaut avec
bien du courage. Pour moi, j'étoit

;;
sur le Pont Notre-Dame avec la bon-
ne d'Escars jamais il nes'est vu tant
de monde jamais Paris n'a été si
ému, ni si attentif; &qu'on demande
ce que bien des gens ont vu, ilsn'ont
vu , comme moi, qu'une cornette
mais enfin, ce jour étoit consacré à
;
cette tragédie. J'en sçauraidemain
davantage & cela vous reviendra.
,
On dit que le siége de Mastrichest
commencé celui de Philifbourg con.
,
tinue ; cela est trille pour les fpeéta-
;
teurs. Notre petite amie ( i) m'a bien
fait rire ce matin elle dit que Ma-
dame de Rochefort, au milieu de sa
douleur, a confervé une tendresse ex.
trême pour Madame de Montespan,
& m'a contrefait les sanglots au ,
traversdefquels elle lui diroit qu'elle
avoit aimé cette belle toute sa vie
d'une véritable inclination. Etes-voui
eflez méchante pour trouver cela aufli

;
plaisant que moi f Voici encore un
cetit récit mais je ne veux pas que
M. de Grignan le life. Le petit bon (f),
qui
dre n'a pas l'esprit d'inventer la moin-
chose, a conté naïvement qu'é-
tant couché l'autre jour familière-
ment avec la souriciere, elle lui avoit
dit après deux ou trois heures de
conversation ; la petit bon, j'aiquel-
» que
,chose sur le coeur contre vous «.
j
Et quoi Madame ? la Vous n'êtes
m point
dévot à la Vierge ah! vous
(s) Madame de Coulangei.
w
( t) Le Comte de Fiesque.
» me fait une peine étrange
:
6 n'êtes point dévot à la Vierge cela
«. Je
souhaite que vous soyiez plus fage
moi,
qne
frappe
, L.
pas
&

On dit que
que cette sotise ne vous
comme elle m'a frappée.
a trouvé sa chère

:est
femme, écrivant une lettre qui ne
lui a pas plu
D'Hacqueville
le bruit a été grand.
occupé à tout rac-
commoder: vous croyez bien que ce

;
n'est pas de lui que je sçais cette
petite affaire mais elle n'en est pas
mains vraie.

LETTRE XXXVIII.
A LA MEM z.
&-»«M
A Paris, Mercredi 22 Juillet. 1676,
o ;
U i, ma fille, voilà jugement
ce que je veux je fuis conten-
te & consolée du temps que je perds.
par la rencontre heureuse des senti-
mens de M. de Grignan & desmiens.
Il fera fort atfe de vous avoir cet été
à Grignan ; j'ai confidéré son intérêt
aux dépens de la chose du monde qui

;
de remonter en Provence ,
m'est la plus chère & il fonge à rOi.
tour à me plaire, en vous empêchant
& vous
faisant prendre un mois ou six femai-
nes d'avance, qui me font un plaisir
sensible, & qui vous ôtent la fatigue
de l'hiver & des mauvais chemin!.
Rien n'est plus jufle que cette dit.
position elle me fait sentir les dou-
,
ceurs de cette espérance, que nous

parlerons encore plus


; ,
aimons & que nous estimons tant.
Voilà qui est donc réglé
d'une nous en
fois &
plus d'une fois je vous remercierai
de cette complaisance. Mon carrosse
nevous manquera point à Briare,
dans la rivière:
pourvu qu'il puisse revenir de l'eau
on paffe tous les
Jours à gné notre rivière de Seine,
& l'on (e moque de tous les pont'
de l'Isle. Je viens d'écrireauChe-
valier (deGrignan) quis'inquiétoit
de ma fmté. Je lui mande que je ne
puis ferrer la main ni danser la bour.
rée; voilà deux cliofes dont la pri-
;
vation m'est bien ruée, mais vous
achèverez de meguérir & quoique
faye encore un peu de mal aux çe-
soux, cela ne m'empêche point de
'1 ,
marcher ; au contraire - je souffre
quand je fuis trop longtems assise.
Vous ai-je mandé que je fus diner
l'autre jour à Sulli cbez le Président
Amelot, avec les d'Hacqueville,
Corbinelli, Coulanges ? je fus ravie

ma belle :
de revoir cette mai Con, où j'ai paffé
jeunelTe je n'avois
de rhumatisme en ce temps-là. Mes
point

mains ne se ferment pas tout-à-fait,


mais je m'en fers à touteschofes, com.
me si de rien n'étoit. J'aime l'état oà
;
je fuis & toute ma crainte, c'est de
rengrai ITer, & que vous ne me voyiez
point le dos plat. En un mot, ma très-
chère.quittezvosinquiétudes, &
ne songez qu'à me venir voir. Voilà
notre Corbinelli qui va VOjS rendre
compte de lui. Villebrune dit qu'il

lui foit bon ;


m'a guérie, je fuis bien aise que cela
il n'est pas en état de
négliger ce qui lui attire des Vardes
& des Monceaux in ogni modo. Vardes
mande à Corbinelli que dans cette
pensée il le révère comme le Dieu

pitre & sur d'autres


,:
de la Médecine. Villebrune pourra
fort bien les divertir & sur ce cha-
c'est un oiseau
cflarouçhp qui ne sçait ou se reposer,
Encore un petit mot de la Brin-
villiers,elle est morte comme elle a

,;
vécu, c'est-àdire, rélolument. Elle
entra dans le lieu où l'on devoit lui

> ment pour


,
donner la question & voyant trois

me noyer
;
;
feaux d'eau elle dit » c'estassiré-
car de la
M
taille dont je fuis. on ne prétend
» pas que je boive tout cela «. Elle

,;
écouta ion Arrêt dès le mati n , fans
frayeur & fans foiblelle & fut la
fin elle fit recommencer disant que
ce tombereau l'avoit frappée d'abord,
& qu'elle en avoit perdu l'attention
pour le reste. Elle dit à (on Confes-
feur par le chemin, de faire mettre
le bourreau devant elle, afin, dit elle,
deDesgrais qui
de ne pointvoir ce coquin
m'aprise.Desgraisétoit à cheval de-
vant le tombereau. Son Confeffeuf
la reprit de ce sentiment ; elledit,
» ah , mon Dieu
de pardon,
! je vous en dénian-
qu'on me laifTe donc
te
» cette étrange vue «. Elle monta
seule, & nuds pieds sur l'échelle &
sur l'échafaut. & fut un quart d'heure

;
mirndée, rasée. dressée & redrefféepar
le bourreau ce fut un grand mur-
mure & une grande cruauté. Le len-i
demain on cherchoit Tes us, parce
que le peuple
,
croyoit qu'elle étoit
sainte. Elleavoit disoit-elle , deux
Confesseurs ; l'un soûtenoit qu'il
falloit tout avouer, & l'autre non;
elle rioit de cette diversité di-
,

;
sant, je puis faire en conscience co
qu'il me plaira il lui a plu de no
rien avouer. Pénautier sortira plus
blanc que de la neiçe ; le public n'est
point content, on dit que tout cela est
trouble. Admirez le malheur, cette
créature a refusé d'apprendre ce qu'on
vouloit, & a dit ce qu'on ne deman-
;
F.
doit pas par exemple, elle dit que
M. avoit envoyé Glaser leuç
Apoticaireempoisonneur en Italie,
pour avoir d'une herbe qui fait di^

quel excès d'accablement ,


poison : elle a entendu dire cette
belle chose à Sainte-Croix. Voyez
& quel
prétexte pour achever ce pauvre in-
fortuné. Tout cela est bien CuCpeét.
On ajoûte encore bien des choses ;
mais en voilà assez pour aujourd'hui.
On tient que M. de Luxembourg a

line affaire périlleuse. Le


;
dessein de tenter une grande entre-
prisepoursecourirPhilisbourg c'est
siége de
;
Mastrich continue mais le Maréchal

,
d'Humières va s'emparer d'Aire (« )
pour jouer aux échecs comme je
disois l'autre jour (x) ; il a pris tou-

;
tes les troupes qu'on destinoit au
Maréchal de Créqui

pour cette Armée , & les Ofti-


ciers généraux qui étuient nommez
font retournez
en Allemagne , comme la Trouflo,
le Chevalier du Plessis & d'autres.
Nos garçons font demeurez avec M.
de Schomberg, je lesaime bien mieux
là qu'avec le Maréchal d'Humièrts.
M. de Schomberg favorisera notre
siége & les fortificationsdeCondé,
comme Vilhermora (y) favorise le
siége de Maftrich & le Prince d'O.
range (f). Tout cecis'échauffe beau-
coup: cependant on se réjouit à Ver-
failles; tous les jours des plaisirs,des
comédies, des musiques, des soupers
,
sur l'eau. On joue tous les jours dans
l'appartement du Roi la Reine &

(») Cette Place fut prise le 1s Juillet,


(x) Voyct la lettre du 6 Juillet, peg,
161.
(y) Le Général des Troupes d'Espagne
(il (. d
Prince Orange tailoit le liège
4e Maftrich.
tumeS
toutes les Dames, oc tous les Lour-
tifans; c'est là qu'on voit perdre ou
gagner dans une séance deux ou trois
mille louïs.
Madame de Nevers (a) est belle
comme le jour,& brille fort fansqu'on
en foit en peine. Mademoiselle de
Thianges (b )est grande, elle a tout
ce qui compose une grande fille.

,
L'Hôtel de Grancei efi tout comme

;
ilétoit rien ne change. Le Chevalier
de. est très-languissant il auroit
alrez l'air d'être empoisonné si la
,
Brinvilliers eût été son héritière.
M. le Duc fait son quartier d'été en

han s'en va à Lorges ;


ce quartier, mais Madame de Ro-
cela est un peu
embarrassant. Ne voudriez-vous point
sçavoir des nouvelles de Danemarck?
en voilà que je reçois par la bonne
Roi vous fera plaisir à voir ;
Princesse. Je crois que cette grace du
c'ell
ainsi que l'on diminue les peines, 8\1
lieu de les augmenter.
1

(«) Gabrielle de Damas, fille de Ctaude-


; Léonor Marquis de Thianges, & de Gabrielle
l de Rochechouart-Mortcmarc.
(b) Sceur de Madame de Nevers,depuis
Duchesse de Sforce.
Je reçois votre lettre du iy. Ce
qui est dit, est dit sur votre voya-
ge ; vous m'en parleztoujours avec
tant d'amitié, que j'en fuis touchée
dans le milieu ducoeur. Je fuis éton-

,
née d'avoir pu trouver en moi aflez
de raison & de considération pour
vous laHfer encore à vos Grignans
jurques au mois d'Oaobre. Je re-

temps
&où
,je
garde' avec tristesse la perte d'un
où je ne vous vois point,
pourrois vous voir: j'ai là-
dessus des repentirs & des folies,
dont le grand d'Hacqueville se mo-
que. Je disois hi *de Pénautier ce
que vous m'en dites, sur le peu de
presse que je prévois qu'il y aura à
à table.

;
Pour les eaux de Vichi je ne
,
puis que m'en louer elles m'ont re-
donné de la force en me purgeant,
& en me faisant fuer. Mon corps est

fidérable ;
bien, ce qui me reste n'est pas con-
je ferai, quand vous ferez

:
ici tous les remèdes que vous vou-
,
drez jusqu'alors il faut que je fonge

;
à Livri ; je me trouve étouffée ici,
jai btfoin d'air & de marcher vous
me reconnoissez bien à ce discours,
Ce que vous dites de la raison qui
vous fait être ravie que M. de Mar-
:
seille (c) foit Cardinal, est julte-
nient la mienne il n'aura plus la joie
ni l'espérance de l'être.
On mande des merveilles d'Alle-
magne. Que dites-vous de ces Alle-
mands qui se laiflent noyer par un
petit ruisséau qu'ils n'ont pas l'ef-
,
prit de détourner ? je fuis persuadée
que M. de Luxembourg les battra,

bourg :
& qu'ils ne prendront point Philis-
ce n'est pas notre faute, s'ils

AI. de Schomberg ,
se rendent indignes d'être nos enne-
mis. Mon fils est dans l'Armée de
c'est présente-
ment la plus fûre. Que me dites-vous
des Grignans qui vous viennent
,

,
d'arriver ? j'en embraflfe autant qu'il
y en aura & salue très-respectueu-
sement M. l'Archevêque ( d'Arles ).
le ) Toussaint de Forbin de Iinfon , qui
del'Evêchéde Marfcillefuttransferé en 1679
à celuide Beauvais, ne sur Cardinal qu'en
Février1590, de la promotion que fit Alexan-
dre VUL.
LETTRE XXXIX.
A LAMEM E.
1676. A Paris J Vendredi 24 Juillet.
J ,Abbez.vu ceNousmatinjouïssons
A 1
leplus beau des
ceduplaisir devousavoir cette :
par avan-
espérance répand une joie & une
douceur sur toute ma vie elle a
déchiré un crêpe que votre ab-
;
fence y avoit mis. Je me porte bien,
quand je pense que vous vous prépa-
rez à me venir voir. D'Hacqueville

automne :
veut que je retourne à Vichi cette
>
mais je ne fçaurois je fuis
fatiguée de voyager.Mes mains ni

;
mes genoux n'ont pas besoin de cette
répétition si prompte je sçaisune re-
cette qui me guérira sûrement. est Il
vrai que j'irois au-devant de vous;
mais il n'est pas besoin que je prenne
cette peine pour vous faire venir;
ce voyage fera mieux placé une autre
attendant ;
fois. Je me repose un peu en vous
firili me rafraîchir à Livii,
M. le Premier Président m'a fait dire
par M. d'Ormesson, que puisque je
fçavois prérentement ce que c'est que
d'être malade, je comprendrois bien
les remèdes & les rafraîchissemens
qu'il va prendre à Barville, quinze
jours ou trois semaines durant. Au

à Bourbon ;
reste, la Reine de Pologne (ri) vient

,
je crois que pendant

:
qu'elle fera en train elle viendra à

,
vous en aurez la vue, & vous
Paris
admirerez ce que c'est que la fortune.
Penautier est heureux jamais il

,
n'y eut un homme si bien protégé
vous le verrez sortir mais fans être
;
justifié dans l'esprit de tout le monde.

dans tout ce procès,


Il ya eu des choses extraordinaires
mais on ne peut
les écrire. Le Cardinal de Bonzi di-
foit toujours en riant, que tous ceux
qui avoient des pensions sur ses bé-
néfices, ne vivroient paslong-temps,
& que son étoile les tueroit. Il y a
deux ou trois mois que l'Abbé Fou-
dans ayant rencontré cette Eminence
quet
le fond de son carrosse avec Pé-
(d) Marie-Cafîmirede la Grange d'Ar-
quien femme de Jean Sobieski, élu Roi de
,
PQluSQCCDMai 1674.
; Bonri
rautier, dit tout haut Jeviens dtror.
iontrer le Cardinal de avec fort
étoile (e). Cela nest-il pas bien plai-

;
fant r Je fçavois tantôt millechoses

,
très- bonnes à vous endormir je ne
m'en souviens plus; quand elles re-
viendront
,
je les écrirai virement.
Adieu ,ma très-aimable il est tard
je ne fuis pas en train de ditcourir.
,
J'ai paslé tout le fuir avec d'Hacque-
Fayette ; ,
vilie dans le jardin de Madame de la
il y a un jet d'eau, un petit
cabinet couvert c'est le plus joli
petit lieu du monde pour respirer à
fans.

LETTRE XL.
A LA MEME.
A Paris, Mercredi 29 Juillet.
1676.
v ic O i un changement de scène,
qui vous paroîtra aussi agréable
qu'à tout le monde. Je fus Samedi
(e)Le Cardinal de Bonzi étoit regardé
comme un de ceux qui protégeoicut Pénau-
tierle plus ouvertement.
à Vtrfailles avec les Villars. Vous

:
connoirtez laloilette de la Reine
mefie, le dîner mais il n'est plus
la,
besoin de se faire étouffer,pendant

, ;
que
à
leurs Majestez

Monsieur, Madame
tout ce qu'il
,font
trois heures, leRoi
àtable car
la Reine,
Mademoiselle,
y a de Pri nces & de Prin-
cesses, Madame de Montespan toute

les Dames ; , enfin


,
sa fuite, tous les Courti fans, toutes
ce qui s'appelle
la Cour de France se trouve dans
ce bel appartement du Roi que vous
connoissez. Tout est meublé divine-
ment, tout est magnifique. On ne
,
sçaitcequec'est que d'y avoirchaud;
onpassed'un lieu à l'autre fans faire
la presse nulle paît. Un jeu de re-
versi donne la forme., & fixe tout. Le

;
Roi est auprès de Madame de Mon-
tefpan qui tient la carte Monsieur,
;
;
la Reine, & Madame de Soubise
Dangeau & compagnie Langlée &
compagnie; mille louïs font répan-
dus sur le tapis, il n'y a point d'au.
tres jettons. Je vo/ois jouer Dan-
geau , &j'admirois combien nous
sommes sots au jeu auprès de lui. IL
ne longe qu'à son affaire & gagne
,
où les autres perdent ; il ne néglige

:
rien, il profite de tou-.. il n'est point
distrait enunmot,
; ,
sa bonne con-
duite défie la fortune aussi les deux
mille francs en dix jours les
cent mille
cent écus en un mois, tout
cela se met sur le livre de sa recette,
Il dit que je prenois part à son jeu,
de forte que je fus aflïfe très-agréa-

saluai le Roi ,il


blement & très-commodément. Je
ainsi que vous me
l'avez appris; me rendit mon salut,
comme si j'avois été jeune & belle. La

ma maladie ,
Reine me parla aussi long-temps de
que si c'eût été une
couche. M. le Duc me fit mille de
ses caresses, à quoi il ne pense pas.
Le Maréchal de Lorges m'attaqua

gnan ;
fous le nom du Chevalier de Gri-
enfin, tutti quanti. Vous fça-
vez ce que c'est que de recevoir un

me parla de Bourbon ,
mot de tout ce que l'on trouve en
son chemin. Madame de Montespan
elle me pria
de lui conter Vichi,& comment je

bon,
m'en étois portée ; elle dit que Bour-
auheu de lui guérir un genou
lui a fait mal aux deux. Je lui trou-
,
yai le dos bien plat, comme disoit
14
;
la Marecnaie ae la nieitieraie mais
serieusement, c'est une chose sur-
prenante que sa beauté ; sa taille n'efl
pas de lamoitié si grosse qu'elle étoit,
fans que son teint, ni res yeux, ni
Tes lèvres, en soient moins bien. Elle

ce»
coëffée de mille ;
étoit tout habillée de point de Fran-
boucles les

bas sur
à sa
tete. ;
deux des tempes lui tombent fort
lesjoues des rubans noirs
des perles de la Maréchale
«
de l'Hôpital embellies des boucles

çons, pointdecoëffe ;
& des pendeloques de diamans de la
dernière beauté, trois ou enquatrepoin-
un mot,
une triomphante beauté à faire admi-
rer à tous les Ambassadeurs. Elle a
fçu qu'on se plaignoit
Francequ'elle em-
pêchoit toute la de voir le
Roi; elle l'a redonné comme vous
,
voyez; de vous ne rça Iriez croire
la joie que tout le monde en
a, ni
de quelle beauté cela rend la Cour.
Cette agréable confusion fans con-
,
fusion de tout ce qu'il y a de plus
,
choisi, dure depuis troisheures juf-
gu'à six. S'il vient des coúriers, le
Roi se retire un moment pour lire ses
lettres, & puis revient Il y a tou-
jours quelque mutique qu'il écoute,
& qui fait un très-bon effet; il cause
avec les Dames qui ont accoutumé
,
d'avoir cet honneur. Enfin, on quitte
le jeu à six heures on n'a point du
;;
a
n'y point de jettons ni de marques
les poules font au moinsdecinq ,
tout de peine à faire les comptes il

à septcent louïs, lesgrossesde mille,


de douze cent. On en met d'abord
six

5
vingt chacun c'est cent Je puis,
celui qui fait en met dix. On donne
chacun quatre louïs à celui qui a le
quinola; on pasTe, & quand on fait
jouer, & qu'on ne prend pas la poule,
on en met seize à la poule, pour ap-
prendre à jouer mal-à-propos. On
parle fans cesse, & rien ne demeure

,:
sur le cœur. Combien avez-vous de
cœurs ? j'en ai deux j'en ai trois,
,
;
j'en ai un j'en ai quatre il n'en a
donc que trois, que quatre & Dan-
geau est ravi de tout ce caquet, il

,
découvre le jeu, il tire ses conséquen-
ces il voie à qui il aaffaire;enfin,

bileté:
j'étoisfortaise de voi r cet excèsd'ha-
vraiment c'est bien lui qui
sçait le dessous des cartes. A six heu-
resdoncon monte en caléche, le Roi,
Madame de Montespan, Monsieur, &
Madame de Thianges, & la bonne

,
à-dire ,
d'Heudicourt sur le strapontin, c'est-
comme en Paradis ou dans
la gloire de Niquée. Vous sçavez
comme ces caléches font faites,
on ne se regarde point, on est tour-
né du mêmecôté. La Reine étoit
dans une autre avec les Princesses,
& en fuite tout le monde attroupé

,
félon sa fantaisie. On va sur le canal

,
dans des gondoles

on trouve la comédie ,
on trouve de la
musique, on revient à dix heures
minuit sonne,
on fait media noche; voilà comme Ce
passe le Samedi. De vous dire com-
bien de fois on me parla de vous,
combien on me fit de questions fans
attendre la réponle combien J'en
,
épargnai, combien on s'en foucioit

moins,
peu,combien je m'en fouciois encore
vous reconnoîtriez au natu-
relYiniqua corte. Cependant elle ne
fut jamais si agréable, & l'on rouhaite

,
fort que cela continue. Madame de
Nevers est fort jolie fort mode fte,

vous
même
;,
fort naïve; sa beauté fait souvenir de
AI. de Nevers est toujours le
sa femme l'aime de passion.
Mademoiselle de Thianges (f) est
plus belle, & beaucoup moins char-

parable, son esprit étonne & les;


mante. Monsieur du Maine est incom-
choses qu'il dit, ne se peuvent ima-
giner. Madame de Maintenon, Ma-
dame de Thianges, Guelphes & Gibe-
lins (g), songez que toutest raffem-
blé. Madame me fit mille honnê-
tetez, à cause de la bonne Princesse de
Tarente. Madame de Monaco étoit à
Paris.
Monsieur le Prince fut voir l'autre
jour Madame de la Fayette; ce Prin--
ce, aW cuispada ognivittoria è certa
le moyen de n'être pas flattée d'une
;
telle efiime, & d'autant plus qu'il ne
?
, :
la jette pas à la tête des Dames il
parte de la guerre il attend des nou-
velles comme les autres. On tremble
un peu de celles d'Allemagne on dit
pourtant que le Rhin est tellement
tagnes,
enflé des neiges qui fondent des mon-
que les ennemis font plus
embarrassez que nous. Rambu're a été
(f) Sœur de Madame de Nevers.
)
(g Deux fameuses faétions, dont l'une
tenoit le parti des Papes,& l'autre celui des
tip^ereuu.
tué par un de 'es loldats qui déchat-
geoit très-innocemment Ton mouf-
quet. Lefiége d'Aire continue; nous
y avons perdu quelques Lieutenans
aux Gardes & quelques soldats. L'ar-
mée de Schomberg est en pleine fu-

rcmife à m'aimer ;
reté. Madame de Schomberg s'est
le Baron en pro-
site par les caressesexcessives de son

,
Général. Le petit glorieuxn'a pas plus
d'affaires que les autres il pourra
s'ennuyer; mais s'il a besoin d'une

lui-même: ,
contuuon, il faudra qu'il Ce la fdffe
Dieu les conferve dans

:
cette oisiveté. Voilà ma très-cbère,
d'épouvantables détails ou ils vous
ennuyeront beaucoup, ou ils vous
amuseront, ils ne peuvent point être

;; ,
indifférens. Je souhaite que vous
soyiez dans cette humeur où vous
me dites quelquefois » mais vous ne
voulez j'admire
» pas me parler mais
ma mère, qui aimeroit mieux mourir

,
*
«.
que de me dire un seulmot Oh ! si
vous n'êtes pas contente ce n'est pas
ma faute, non plus que la vôtre, si
je ne l'ai pas été de la mort de Ruy-
ter. Il y a des endroits dans vos let-
tres, qui funt divins. Vous me parlez
,
très-bien du mariage (h) il n'y*
,
rien de mieux le jugement domine,
mais c'est un peu tard. Conservez-

la Garde ;
moi dans les bonnes grâce? de M. do
& toujours des amitiea
pour moi à M. de Grignan. La juftefle
de nos pensées sur votre départ, re-
nouvelle notre amitié.
Vous trouvez que ma pl ume est

;
taillée pour dire des merveilles du

:
Grand Maître (i) je ne le nie pas
absolument il est vrai que je croyois
m'être moquée de lui, en vous di-
fant l'envie qu'il a de parvenir, &
comme il veut être Maréchal de
;
France à la rigueur, comme du temps
passé mais c'efi que vous m'en vou-
lez sur ce sujet, le monde est bien

Brinvilliers ;
injuste. Il l'a bien été auai pour la
jamais tant de crimes

;
n'ont été traitez si doucement, elle
n'a pas eu la question on avoit si
peur qu'elle ne parlât, qu'on lui fai-
(h) On a déja dit qu'il étoit question alors
d'un mariage pour M. de la Garde, qui ne le
fit point. Voj/ex, lu Itttrt du11 Juin, PRg.
tu.(i)
Voyez la lettre du 10. Juillet,pages
113 & 174.
foit entrevoir une grâce, & li bien

faut,
:cejl
entrevoir qu'elle ne croyoit point
,

,
mourir elle dit en montant sur l'écha-
donc tout de bon. Enfin elle
est au vent, & son Confesseur dit que
c'est une fainte. M. le Premier Pré-
)
comme une merveille ;
fident (k avoit choisi ce Doéteur
c'étoit celui
qu'on vouloit qu'il prît. N'avez-vous
point vu ces gens qui font des tours
de cartes ? ils les mêlent fort long-

une, telle
ne s'en soucient pas
,
temps, & vous disent d'en prendre
qu'il vous plaira & qu'ils
; vous la pre-
nez, vous croyez l'avoir prise, &
à l'application ,
c'est justement celle qu'ils veulent:
elle est jufle. Le
Maréchal de Villeroi diroit l'autre
jour,Pénautierfera ruiné de cette affaire-
ci; le Maréchal de Gramont répondit,
:
il faudra qu'ilsupprime sa table voilà
bien des épigrammes. Je suppose que
vous sçavez qu'on croit qu'il y a cent
mille écus de répandus pour faciliter
toutes choses : l'innocence ne fait
guèrea de telles profusions. On ne
peut écrire tout ce qu'on içait, ce
fera pour une soirée. Rien n'est si
(t) Guillaume de Lamoignon.
plaisant que tout ce que vous dîtes

; ;
sur la Brinvilliers. Je crois que vous
avez contentement il n'est pas polfi..
ble qu'elle foit en Paradis sa vilaine
ame doit être séparée des autres.

;
Assassiner est le plus sûr, nous rom-
mes de votre avis c'est une baga-
telle, en comparaison d'être huit mois
à tuer Ton père, & à recevoir toutes
ses careHes & toutes Tes douleurs,
à quoi elle ne répondoit qu'en dou-
blant toujours la dose. Contez à
M. l'Archevêque (d'Arles) ce que
m'a fait dire M.le PremierPrésident
pour ma fanté. J'ai fait voir mes mains
& quasi mes genoux à Langeron, afin
qu'il vous en rende compte. J'ai d'une
manière de pommade qui me guérira,
à ce qu'on m'affure ; je n'aurai point
la cruauté devme plonger dans le

,
fang d'un bœuf, que la canicule ne
foit passée. C'est vous ma fille, qui
me guérirez de tous mes maux. Si
M. de Grignan pouvoit comprendre
le plaisir qu'il me fait d'approuver
votre voyage, il feroitconsolé par
avance des six semaines qu'il fera
fans vous. Madame de la Fayetta
n'est point mal avec Madame d&
Schomberg. \ette dernière me tait
des merveilles, & son mari à mon

de bon à s'en aller en Savoie ;


fils. Madame de Villars fonge tout
elle
vous trouvera en chemin. Corbinelli
vous adore, il n'en faut rien rabat-
;
tre a toujours des foins de moi
il
admirables. Le vous prie de
bien bon
ne pas
de vous voir ;
douter de la joie qu'il aura
il est persuadé que ce
remède m'ell nécessaire, & vous sça-
vez l'amitié qu'il a pour moi. Livri
me revient souvent dans la
je dis que je commence à étouffer
afin qu'on approuve mon voyage.
,
tête, &

,!
Adieu, ma tres-aimable & très ai-
mée
ah
vous me priez de vous aimer.
vraiment je le veux bien, il ne
fera pas dit que je vous refuse queL*
que chose.
LETTRE XLI.
A LAMÊME.
1676. A Paris, Vendredi 31 Juillet.

1 L efl: queflion d'une illumination;


c'est demain à Versailles. Madame
de la Fayette, Madame
- - -
: --
de Coulan-
ges, viennent de partir je voudrois
que vous y fussiez. Pour moi, après
avoir vu les bonnes Villars, & cher-
ché inutilement Mademoiselle de Mé-

,
ri, je fuis revenue vous écrire , c'ea
tout ce qui me peut plaire en atten-
dant mieux. Le bon Abbé même est
à Livri ; de forte que c'est avec vous
que je paffe la soirée très-agréable-
ment. Cellesqui ont intérêt à tout ce

magne,
qui se passe en Flandre & en Alle-
font un peu troublfes. On at-

;
tend tous lesjours que M. de Luxem-
bourg batte les ennemis & vous
sçavez ce qui arrive quelquefois. On
a fait une sortie à Maftrich , où les
ennemis ont eu plus de quatre cens
hommes de tuez. Le siége d'Aire va
Ion train. On a envoyé le Duc de
Villeroi, & beaucoup de cavalerie
dans l'Armée du Maréchal dHu.
mières (l). Je crois que mon fils
en est ; mais quoiqu'il
parefïeux de m'écrire
comme cela se fait
,,
ne foit point
je ne rçai,
je n'ai jamais
de lettre comme les autres, & cela
me met toujours en peine. Je retarde
même quelques jours d'aller à Livri,
pourvoir de quellefaçon tout ceci
se démêlera. C'est M. de Louvoisy
qui a fait avancer de for. autorité
l'Armée de M. de Schomberg fort
près d'Aire, & a mandé à Sa Ma-

d'un courier ,
jefté qu'il croyoit que le retardement
auroit pu nuire aux
affaires. Méditez sur ce texte.
Puisque je cause avec vous il
faut que je vous parle de Madame la
,
,
Grand'DucheiTe & de Madame de
Guise(m). Elles font très-mal en-
semble, & ne se parlent point, quoi-
qu'elles soient tous les jours dans le

( ) Le Maréchal d'Humières faisoit la


siége d'Aire.
( m)
Gaston de France ,
Ces deux Prncefles étoient filles de
Duc d'Orléans ; & de-
Marguerite de Lcnaiuc.
même lieu. Madame la Grand'Du-
chtfle est fort agréablement avec le
Roi, elle a un logement à Verfailles ;
elle y fait d'assez longs séjours ; elle
.a àl'illumination, & bientôt sa pri.
son fera la Cour,& l'attachement
entier à sa noble famille. On a écrit
à M.le Grand Duc que cette retraite
qu'on lui avoit promise s'observoit
,
mal ; il a dit qu'il ne s'en foucioit
;
point du tout qu'en remettant Ma-
dame sa femme entre les mai ns du
Roi, il avoit été de son esprit tout
le foin de sa conduite. Le Comte de
Saint-Maurice me dit hier que M. le
Grand Duc voyant uo grand Sei-
gneur de Savoie à sa Cour , il lui
avoit dit avec un soupir; »ah , Mon-
a Heur ! que vous êtes heureux d'avoir
» eu une Princeflfe de France, qui ne
a s'est point fait un martyre de régner
a dans votre Cour « !murmurer
On commence à je ne
sçais quoi de Théobon comme si les
,
duels étant défendus, les rencontres
étoient permises : je vous dis cela
extrêmement en l'air, comme il m'a
été dit. Votrecousine d'Harcourt a
a
prit l'habit Montmartre 1 toute la
,,
Cour y étoit ; tous les beaux cheveux
étoient épars & une couronne de
fleurs sur sa tête comme une jolie
viftime. On dit que cela faisoit pleu-
rer tout le monde.
Vous êtes trop aimable de parler,
comme vous faites, des Rabutins ; je
les dêfavouerois bien, s'ils ne vous
honoroien. pas autant qu'ils le doi-
vent. M. d'Albi(n) est mort, il laiflfe
des thréfors au Duc du Lude. Hélas !
comme notre pauvre M. de Sain-
tes (0) a disposé saintement de Coa

:
bien au prix de cet avare ! Voilà de
beaux Bénéfices à donner

: Albi vaut
vingt-cinq mille écus de rente, on en
a fait un Archevêché mais vous
sçavez avant nous qu'il yen a encore
un plus beau à donner, c'est le fou-
verain Pontificat. M. de Rome (p )
est enfin mort, comme dit M. de
Noyon. J'attends d'Hacqueville pour
sçavoir ce que fera notre bon Cardi-
nal (de Retr) ; s'il part, il faut que

(n) ,
Gaspard de Daillon onde du Duc
du Lude @& dernier Evêque d'Albi,
( a ) Voyez la lettreaupremierJuillet,
MeIJ4-
CI) Clément X. mort 14 11 Juillet.
vous fafliez toute chose pour avoir
encore la joie de le voir en passant.
Voilà M. de Marseille bien recule ;
;
promotion pour ses créatures &
puis, pour les Couronnes
;
le nouveau Pape fera la première

& dans
ces Couronnes, il
;
n'est pas fûrque
Pologne (q) en foit c'eil félon le
Pape ; car quand on veut chicaner,
la

on ditqu'elle n'a que lasollicitation,

,
& point du tout le droit de nommer,
comme la France & l'Espagne ; 6c
quand elle nommeroit qui pourroit

,
dire que ce fera toujours M. de Mar-
seille ? enfin c'eil bien du temps.
Vous ai-je dit que Madame de Sa.
voie (r) avoit envoyé cent aulnes
du plus beau velours du monde à Ala.

;
dame de la Fayette, & cent aulnes
de satin pour le doubler & depuis
deux jours encore son portrait entou-
ré de diamans , qui vaut bien trois
cent louis ? Je ne trouve rien de plus
divin que ce pouvoir de donner, &
1
(9)M JeMarseilleavoitlanominatio#
I
du Roi de Pologne.
I
( t' ) Marie-Jeanne-Bapt fie de Savoie-Nc- I
mouis, RégentedesEtatsde Vitlor.Alllcdée. I
fils.
François,son
cette volonté de le faire aussi a propos
que Madame Royale.
Je viens de causer avec d'Hacque-

notre Cardinal d'aller à Rome :;


ville. Le Roi prie très-in ftamment
on

,
vient de lui dépêcher un courier ils
iront tous par terre parce que le Roi
n'a point de Galères à leur donner :
ainsi vous ne verrez point cette Emi-
nence. Nous sommes en peine de sa
fanté & nous nous fions à sa pru-
,
dence pour accommoder le langage
,
du Saint-Esprit avec le service du
Roi. Nous parlerons plus d'une fois
de ce voyage.
Ilest vrai que Madame de Schom-
bergvous aime, vous estime, & vous
:;
trouve fort au-dessus des autres ce
fera à vous cet hiver à ne pas détruire
mais elle n'est pas contente de M. de
Grignan, qu'elle a toujours aimé ten-
drement, àcaufequ'ilest aimable, &
que son amie l'adoroit. Elle croyoit
que la [çachant si près de Provence
il devoit faire quatre
,
ou cinq lieues
pour lavoir, & lui offrir toutes les
retraites qui étoient en son pouvoi r,
& qu'elle n'auroit pas acceptées,
Cette plainte est amoureuse.
Ecoutez-moi, ma belle. Lorsque
,
le Gouverneur de Maftrich (s) fit
cette belle sortié le Prince d'Oran-
;
ge courut au secours avec une valeur
il repoussa nos gens l'é-

,;
incroyable
pée à la main jusques dans les portes
il fut bleflféaubras
;
& dit à ceux qui
avoientmal fait » voilà, Meaieurs,
qui êtes cause de la
;
» comme il falloitfaire c'est vous
blessure dont
» ,
» vous faites semblant d'être si tou-
»chez«. Le Rhingrave le [uivoit,
& fut bielle à l'épaule. Il y a des
lieux où l'on craint tant de louer cette
action, qu'on aime mieux se taire de
l'avantage que nous avons eu.
On vient de m'affurer que l'illumi-
nation est différée de plusieursjours:
jenem'ensoucie guères. Vous avez
villiers;
contentement sur le salut de la Brin-
personne ne doute de la
justice de Dieu, & je reprends avec
grand regret l'opinion de l'éternité
des peines.
(s;M. de C&îvo commandoit à Mastrich
pndanc le siége en l'absence du Mjréclul
d'Estrades qui en étoit Gouverneur.
0
,

LETTRE
LETTRE XLII.
A LAMEME.
A Paris, Mercredi5Août. 161"
] E veux commencer aujourd'hui par
fanté très-bien,
ma ; je me porte
ma chère entant. J'ai vu le bon hom-
me de Lorme à Ton retour de Alai-
fons ; il m'a grondée de n'avoir pas
été à Bourbon, mais c'est une rado-
; :
terie car il avoue que pour boire,
Vichi est aufli bon mais c'est pour
j'ai
fuer, dit-il; & suéjusqu'à l'excès:
ainli, je n'ai pas changé d'avis sur le.
choix que j'ai fait. Il ne veut point
des eaux l'automne, & voilà ce qui
m'est bon; il veut que je prenne de fil
poudre au mois de Septembre. Il dit
qu'il n'y a rien à faire au petit, & que
le temps lui fera un crâne, tout com-
me aux autres. Bourdelot m'a dit la
même chose, & que les os se font les
derniers. Il m'envoie promener, c'est-
à-dire, à Livri de peur que l'habi.
,
tude de faire de l'exercice dans cette
-
faison, ne me regonfle la rate d'oa
viennent mes oppressions ; il fera
,
obéï. Je crois que vous devez être
contente de la longueur de cet arti-
cle. Il paroît bien que la Brinvilliers-
est morte, puisque j'ai tant de loisir.
Il reste à parler de Pénautier son
Commis Belleguife est pris on ne
f
,
:
sçait si c'et tant pis ou tant mieux
;
, ,
pour lui onest si disposé àcroireque
tout est à Ton avantage que je crois
que nous le verrions pendre que
nous y entendrions encore quelqut
finesse. On a dit àla Cour que c'étoit
le Roi qui avoit fait arrêter ce Com-

, ;
mis dans les Fauxbourgs. On blâme
la négligence du Parlement & quand
on y a bien regardé il se trouve que
c'efi à la diligence & à la libéralité
du Procureur Général (f), & que cette

;:
;
fecherche lui a coûté plus de deux
mille écus. Je fus hier une heure avec
lui à causeragréablement il cache
fous sa gravité un esprit aimable &
très-poli M. de Harlai-Bonneuil
étoit avec moi je n'ofo vous direà
quel point je fus bien reçue il me
t
( ) Àckillw de Harlai
;
depuis Premier
Jrçfidcnu ,
parla fort de vous & de M. de Gri-
gnan.
a
Cependant Aire est pris. Mon fils
me mande mille biens du Comte de
Vaux (u), qui s'est trouvé le premier
partout;mais il dénigre fort les af-
siégés, qui ont laissé prendre en une
nuit le chemin couvert,
pe , paffer le fossé
la
plein ,
contrefcar-
d'eau
prendre les dehors du plus bel ou-
<5c

vrage à corne qu'on puisse voir, &


qui enfin se font rendus le dernier
jour du mois, fans que personne ait
combattu. Ils ont été tellement épou-
vantez de notre canon, que les nerfs
du dos qui fervent à le tourner, 5c
ceux qui font remuer les jambes pour

volonté d'acquérir de la gloire ;


s'enfuïr, n'ont pu être arrêtez par la
&
voilà ce qui fait que nous prenons des

;
Villes. C'est M. de Louvois qui en a
tout l'honneur il a un pleinpouvoir,
& fait avancer & reculer les armées,
comme il le trouve à propos. Pen-
dant que tout cela se pafloit il y
,
avoit une illumination à Versailles,
qui annonçoit la viéloire : ce fut Sa-
medi, quoiqu'on eût dit le contraire.
) Eili de M. Fouquet.
(if
On peut faire lesFêtes& les Opéra:
surement le honneur du Roi, joint à
hi capacité de ceux qui ont l'honneur
de le servir remplira toujours ce
,
qu'ils auront promis. J'ai l'erprit fort
en liberté présentement du côté de la
guerre.
M. le Cardinal de Retz vient de
m'écrire, & me dit adieu pour Rome..
Il partit Dimanche 2e d'Août ; il fait
;
te chemin que nous simes une fois, &:
eu nous verfames si bien il arrivera-
droit à Lyon, d'où ils prendront toua
le chemin de Turi n, parce que le Roi
ne veut pas leur donner des Galères.
;
Ainsi, vous n'aurez pas le plaisir de-
voir cette chère Eminence je fuis er;
peine de sa fanté, il étoit dans les re-
mèdes; mais il a fallu céder aux inf-
tantes prières du Maître qui lui écri-
vit de sa propre main. J'espère que le
ehangement d'air, & ladiverfité dee
ebjets lui féra plus de bien que ta
,
résidence & l'application dans sa fo-
litude. Vous avez donc enfin M. de
Grignan, je souhaite que vous l'ayiez
traité comme un étranger: j'ai trouvé
fort bon que vous en ayiez raccourci
notre lettre.. Il est vrai qu'il fait des
;
merveilles pour le lervice deoa Ma*
lene je le dis, quand Poccafion s'en
présente ; j'en cause souvent avea
d'Hacqueville. Il a si bien remis le
calme dans l'Hôtel de Gramont
qu'on n'entend plus rien du touty
,
f
;
mais c'et à Con habileté qu'un tel fi-
lenceest dû il estcertain qu'il y aeu
de quoi réjouïr le public. Ce quevous
me répondez sur les folies que je vous
mande, vaut bien mieux que cequo
je dis. Je ne trouve rien de plus plai-
sant, que de ne pas dire un mot à
M. de la Garde d'une chose à quoi
vous pensez tous en même temps:
mandez moi donc quand il faudra
-
j'écrive. Je M. de Gri.
,
que remercie
gnan des bontez qu'il a eues pour le
1.

! Chevalier de Sévigné qu'il a vu à


t Toulon, c'est mon filleul; il m'a écrit
une lettre toute tranfportée de recon-
t

Roiflance. Si AI. de Grignan trouve


l'occasion d'tsrirt ou de parler pour
lui, j'en ferai ravie. Il s'ennuie fort
d'être subalterne ; j'ai ouï direqu'il
étoit brave garçon) & qu'il méritoitt
f
Bien un Vaisseau : si c'et l'avis de-
M. de Grignan, vous devez ren faira
souvenir. Au reste AI. de Coulan&ea
x
s'en va bientôt à Lyon ; il compte
revenir avant la ToufTaint,justement
dans le temps que vous viendrez. Je
vous confei lie de prendre des mefu-
;
res avec lui il conduira gaiement
votre barque, & vous ferez trop ai le
,
de l'avoir. Je trouve que le pichon est
fort joli vous lui faites un bien ex-
trême de vous amuser à sa petite rai-
son naissante ; cette application à le
cultiver lui vaudra beaucoup. Je vous
prie de lui pardonner tout ce qu'il
avouera naïvement, mais jamais une
menterie. Quand vous lirez l'Histoire
des Visirs, je vous conseille de ne pas
demeurer à ces têtes coupéessur la
table; ne quittez point le Livre à cet
endroit; allez jusqu'au fils ( x) ; & si
vous trouvez un plus honnête homme
à
parmi ceux qui font baptisez, vous
vousenprendrez moi. Vouscroyez,

barrassée de mes mains ;;


ma fille, que je fuis gauche , & etn-
point du
tout, il n'y paroît point cette légère
1

incommodité n'est que pour moi, &


(x) ,
Acmet Coprogli, P.icha fut notnmd
Crani Viririprès In mort de Mihoma Co-
progli (on père. Les vies du père & du fils fcM
Huccclliiuces»
je ,
ne paroîtnullement
,
ressemble
d'eau comme
aux autres. Ainsi
deux gouttes
à votre bellissima, hormis que
j'ai la taille bien mieux qu'aupara-
vant. Vous êtes en vérité trop aima-
ble & trop bonne d'être si occupée
dema santé. Ne soyez pointenpeine
de Livri je m'y gouvernerai très-
,
sagement, & je reviendrai avant les,
brouillards pourvu que ce foit pour
,
vous attendre. J'attends de Parere (jy)
cette petite affaire pour les lods de
B. s'il faut dire que vous l'ache-
,
tez nous apprendrons à mentir de
notre grand Diana ( 7 ).
Voici une petite histoire que vous
pouvez croire, comme si vous l'aviez

matins ,
entendue. Le Roi disoit un de ces
;» en vérité je crois que
» nous ne pourrons pas secourir Phi-
»
lifbourg ; maisenfin ,
je n'en ferai
» pas moins Roi de France «. M. de
Montausier (a) ,
(y) Premier Commis de M.
de Pomponne.
( ) étoit Clerc régulier de Palerme
2 C un
en Sicile, &lemême dont il est fouvent parlé-
dans les petites Lettres, pour avoir favorisé-
dans Ces écrits- les opinions relâchées en fait
demorale.
(4) Personne n'ignore que M. de Mon.-
Qui pour le Pape ne diroit
Une chose qu'il ne crairoit,
; ,
lui dit » il est vrai, Sire que vous

»
ce

té ,
dont
,
quand

&
on vous
plusîeurs
auroit
» Metz, Toul & Verdun & la Com..
autres
prédécesseurs se
,
» feriez encore fort bien Roi de Fran-
repris

Provinces
font bien
a vos
» partez œ. Chacun [e mit à ferrer les
lévres ; & le Roi dit de très-bonne
grace : » je vous entends bien, M. de
Alontaufier, c'est-à-direque vous
«
» croyez que mes affaires vont mal :
» vousavez pour
;
» mais je trouvetrès- bon ce que vous
» me dites car je sçais quel cœur
moi «. Cela est très*
vrai, & je trouve que tous les deux
firent parfaitement bien leur person-
nage.
Le Baron (11) se porte très-bien.
Le Chevalier de Nogent qui est
,
venu apporter la nouvelle delaprife
d'AiM, l'a nommé au Roi, comme un
de ceux qui font paroîtrebeaucoup
de bonne volonté. M. le Duc efi fore
~tausierétoit l'komme de taCour le plus vé..

ih m.
»dicrir?.
de Sévigné.
gai*
g:¡1.
gai, il chasse, il va a Chantilh, à
Linncourt ; enfin, ils font tous ravis
de pouvoir faire leurs vendanges.
M. de Nevers n'a aucune inquiétude
de sa femme, parce qu'elle est d'un

,
air naïf & modeste ; il la regarde
comme sa fille & si elle faisoit la
moindre coquetterie, il feroit le pre-
mier à s'en appercevoir, & à la gron-
der: elle est grossè & bien languis-
fante. Ma nièce de Coligni (c) est
accouchée d'un fils; elle dit que ce
lui fera une contenance, que d'avoir
à élever ce petit de
garçon. Pauline est
donc la favorite M. le Comte, &
notre Sœur Colette (d) ne refpirç
que le saint habit.
,
(c ) Louïse de Rabutin, Marquise de Co-
ligni.
(d) La fille aînéede M. de Grignan de
son premier mariage.
1676.
,
comme ta beauté & la gaieté com-
me sa parure. Le Chevalier de No-
gent (/) a nommé le Baron au Roi,
au nombre de trois ou quatre
ont fait au-delà de leur devoir
,,
qui
&

;
en a parléencore à mille gens. M. de
Louvois est revenu il n'est embar-
rassé que des louanges, des lauriers,
& des approbations qu'on lui donne.
Je crois que Vardes vous mènera le
Grand Maître, qui s'en va recueillir
une petite succession de quatre cent
raille écus (g).Vardes l'attendra au

le mènera à Grignan ;
Saint-Esprit, & j'ai dans la tête qu'il
peut-être aufli
qu'ils n'y penseront point. La bonne

;
d'Heudicourt a été dix jours dans la

,
gloire de Niquée mais comme on ne
lui avoit donné un logement que
pour ce temps-la elle est revenue,
& on l'a trouvé très-bon. Le tempé-
rament & le détachement de vos pi-
chons, règnent aflez dans ce bon pays-

prit premièrement aucun ton au-


cune finesse, ne lui manque ;,
là. M. du Maine est un prodige d'ef-
; il en

j
(f) Voyez la lettre précédente, Pare ntf.
(î Voyex li lettre du 31 Juillet P410
,
IoOf.
veut , ; comme les autres, a AL de
JMontaufier c'est sur cela que je dis,
Viniqua corte: il le voyoit passer un
jour fous ses fenêtres avec une petite
baguette qu'il tenoit en l'air il lui
cria, Monsieur de Montausier,toujours
:
le bdton haut. Mettez-y Le ton & l'in-
telligence & vous trouverez qu'à
,
six ans on n'a guères decesmanières-

,
là : ii en dit tous les jours mille. Il
ctoit, il y a quelques jours sur le
canal dans une gondole, où il lou-
poit fort près de celle du Roi on :
,
ne veut point qu'il l'appelle monpapa ;
il fc mit à boire {jf follement s'é-
cria, à lafanté du Roi, pere; &
mon
puis fc jetta en mourant de rire sur
Madame de Maintenon. Je ne sçais
pourquoi je vous dis ces deux choses-
;
là ce font, je vous affure, les moin-
dres.
Le Roi a donné à un fils de ]\;Ion..
sieur le Grand la belle Abbaye de
M. d'Albi de vingtcinq mille livres
de rente (h). Mon zèle m'a conduite
à parler moi-même à M. Picon de vo*
tre pension ; il me dit que l'Abbé
de Grignan tenoit le fil de cette assai-
(h) L'Abbaye des Chastelliers.
re, de forte que
ter d'avoir été ses
,
je ne ferai plus que
réveiller le bel Abbé fans me van-
sur brisees :
c'est
que
des je me défie toujours des allures
gens paresseux. Je ne fuis pares-
feufe que pour moi, j'aimerois qu'on
fût de même. Il a interrompu ma
lettre, ce bel Abbé, & il m'a pro-
mis de faire si bien, que je ne puis dou-
ter que nous n'ayions notre pension.
Ecrivez-lui un mot sur ce sujet, afin
de l'animera faire des merveilles
fera raccommoder nos lettres de Mar-
; il

quifat, de la manière que je vous l'ai


dit. Parere me promet tous les jours
l'expédition de ces lods & ventes;

l'autre jour milleprotestations ;


c'est un plairant ami, il me brédouilla

croyois cette affaire faite,& je ne tiens


je

encore rien. J'ai vu ce que l'on mande


au bel Abbé sur cette réconciliation
:
du père & du fils cela est écrit fort
plaisamment. Cette retraite dans le
milieude l'Archevêché, & cetteThé-
baïde dans la rue S. Honoré, m'ont ex-
trêmement réjouïe. Les retraites ne

:
réussissentpastoujours, il faut les faire
fans les dire mais on a promis à l'Ah-
bé de lui conter le sujet decette belle
réconciliation, dont je fuis si édifiée.
Je vous prie, ma fille, que ce foit par
vous que je l'apprenne.
On attend des nouvelles d' Allema-
:
gne avec trémeur; il doityavoir eu un
rrand combat je m'en vais cepen-
à
dant Livriquim'aimera/me fui-
vra. Corbinelli m'a promis de me
venir apprendre à voir jouer, com-
me je vous disois l'autre jour ; cela
me divertit.

LETTRE XLIV.
À LA M à M E.

1676, Commencée à Paris le 11, (f finie


à Livri Mercredi 12 Août.
LVesou,
E vieux Lorme, Bourdelot
de 3c

cette année ;
medéfendent Vichi pour
ils ne trouvent pas que
cette dose de chaleur si près l'une de
l'autre, fût une bonne & prudente
conduite : pour l'année qui vient,
c'est une autre affaire, nous verrons
mais quoi que dise notre d'Hacque-
;
ville, on n'oseroit entreprendre ce
Voyage contre l'avis des mêmes Mé-
decins, qui m'y avoient si bien en-
voyée : je n'ai nulle opiniâtreté, &
je me laisse conduire avec une doci-
,
lité que je n'avois pas avant que
d'avoir été malade. Vous me trou-
état de donner de la
;
verez en vous
joie ce qui me refle d'incommodité,
est si peu de chose, que cela ne mé-
rite ni votre attention ni votre in-
quiétude.
D'Hacqueville doit parler encore

;
à M. de Pomponne, & discourir à
fond sur vos affaires il vous en écri-
,
ra & vous enverra aussi l'expédition
de vos lods & ventes, que Parere
me promit hier trés-positivement. Je

Livri, où je ferai demain matin & ,


vous écris ceci avant que d'aller à
où j'acheverai cette lettre. Je voudrais
que vous vifliezde quelle façon vous
m'avez écrit de la taille du pichon ;
;
je fuis fort aise que ce foit une exa-
gération causée par votre crainte à

;
il
,
la fin, setrouvera que c'est un fort
joli petit garçon qui a bien de l'ef-
prit & voilà sur quoi vous me faites
consulter les matrones. Rien en vé-
f
rité n'et plus plaisant que ce que
vous dites de la Si. quelle tête
ose-t-elle se montrer devant la vô-
r
?
tre Ce que disent les Dames de
Grenoble, est si plaisant& si jufie,
que je crois que c'est vous qui l'avez
dit pour elles.Je trouve à cette fo-
lie tant d'imagination que je n'y
,
reconnois point le flyle de la Pro-
vince.
On a donné Albi à M. de Mcn-
;
de (i) mais il y a douze mille francs
de pension, 3000 liv. au Chevalier de

,
Nogent, 3000 liv. à M. d'Agen no-
tre ami & 6000 liv. à M. de Ne-
vers; je ne vois pas bien pourquoi ,
si ce n'efl dont
pour une augmentation de
violons,
, il se divertit tous les
soirs. Ah que je fuisaiseque vous
il
ayiez achevé ces Visirs ! n'est rélS
vrai que vous aimez le dernier Il
stut avouer que cette petite histoire
?
n'est point bien écrite du tout, mais
les événemens se laiflent fort bien
)
(» Hyacinte Serroni, Evêque de Mendc,
fut le premier Archevêque d'Albi 11 étoit
Religieux de l'Ordre de Saint Dominique,

Mazarin, Cardinal & Archevêque d'Aix ,


lorsqu'il passa d'Italie en Fianceavec Muhcl

lequel avoit été Religieux Se Général de I.C


Blême Ordre.
lire. Il me semble que cette Reine de
Pologne ne vient plus tant (k) ; peut-
être qu'elleattend le Grand Seigneur,
ou le Grand Visir que nousaimons.
La Prircefre d'Harcourt (l) est ac-

t-ellepensémourir,maiselle
;est
couchée à cinq mois d'un enfant mort
depuis plus de six semaines aussi a-
mieux;
& ce qui la guérira fans doute, c'etf
qu'on l'a fait transporter à Clagni ,
crainte du bruit. Madame de Mon-
tefpan en a des foins extrêmes Dieu
Cçait si la reconnoissance fera tendre.
;
A Livri.
Je viens de recevoir votre lettre
du 2. Vous avez été au Saint- Esprit,
c'est pour être bien fatiguée : vous
pouviez ne m'écrire que trois lignes
,
je l'eufle fort approuvé. C'eût été une

:
plaisante chose que vous y eussiez
trouvé le Grand Maître je vois bien
que vous croyez que je l'aurois trour
(k) Voyez la lettre du 2.4 ,
Juillet page
189.
(/) ,
Françoi se de Brancas femme d'AL-
plionfe-HenriCharles de Lorraine Prince
d'Harcourt. ,
; ,
ve encore plus pianant que vous. Je
crois voir bientôt Gourville je lui
,
parlerai de Vcnejan c'est une fitua-
tion admirable mais il ne faut pas
le vendre à vil prix, comme on vend
aujourd'hui toutes les terres. Le pau-
vre M.le Tellier a acheté Barbesieux,
;
une des belles de France, au denier
seize c'est en vérité une raillerie.
Peut-être que M. le Prince de Conti,
ou Ton Conseil ne se prévaudroient
,
point de cette mode, puisque vous
ne vendriez pas Vénejan par décret.
Pour Caderousse je n'imagine d'ac-
,
commodement avec lui, que de jouer
sa part à trois dez contre M. de Gri.
gnan. Ne faites point de façon de
m'envoyer les commissions de la ma.
:
riée vous ne fçauriez trop me comp.
ter comme un des choux de votrejardin.
Je ferai ravie d'aller un moment à
Paris pour un si bon sujet. La bonne
d'Escars nous donnera un plat de Ton

,
habileté avec beaucoup de joie. Met-
tez-nous donc en œuvre & vous
en ferez contente. On me mande de
Paris que l'on n'a point encore de
nouvelles d'Allemagne. L'inquiétu-
de que l'on a sur ce combat que l'on
croit inévitable ,
ressemble à une
violente colique, dont l'accès dure
depuis plus de douze jours. M. de
Luxembourg accable de couriers. Hé-

;
las! ce pauvre M. de Turenne n'en
envoyoit jamais il gagnoit une ba-
taille, & on l'apprenoitpar la pofit.
Nos Chanoines de Flandre font en
parfaite fanté ; & notre bon Hermi-
te (m) aussi, qui m'écrit du 17 de
Lyon, où il est allé en cinq jours de
son Hermitage. Il attend Ces confrè-
res; si on l'avoit laiITé le maître de
la route, il feroit arrivé, dit-il, en
douze jours de Lyon à Rome.
M. d'Hacqueville a fort causé avec
M. de Pomponne, il n'y a rien à faire
pour votre Marquisat, qu'à le vendre
avec ce titre, qui rend toujours une
terre plus considérable ; en forte que
si celui qui l'achète n'a la qualité
, pas
requise il ne laisse pas d'obtenir
,
(m ) M. le Cardinal de Retz s'étoit retiré

a ,
depuis peu à Commerci
,
dans la vue de
payer (es dettes qui étoient considérables,

,
quoi il eut le bonheur de réussir avant sa.
mort. Madame de Sévignédisoit
M de Turenne
tqit;
delui&de
que l'un étoit le Hérot dk
& l'autre, le HtrOi du Bréviaire,
aisément des lettres en Chancellerie
qui le font MarquisdeMascarille,
;
L'Abbé de Chavigni n'est plus notre
;
Evoque de Rennes, il aime mieux
l'efpcrance de Poitiers c'est celui
de Dol qui vient à Rennes, & l'Abbé

,
de Beaumanoir à Doi. Vous voulez,
ma très chère que je vous parle de
;
ma fanté , elle est encore meilleure
ici qu'à Paris ce petit étouffement
a disparu à la vue de l'horison de
notre petite terrasse: il n'y a point
encore de serein ; quand je sens le
moindre froid, je me retire. On a fdit
une croisée sur le jardin dans ce pe*
tit cabinet, ce qui en ôte tout l'air
humide & mal-rain qui y étoit; mais
outre l'agrément extrême que cela
fait, il n'y fait point chaud; car ce
n'est que le soleil levant qui le villte
une heure ou deux. Je fuis feule le ,
,
bon Abbé est à Paris. Je lis avec le
Père Prieur & je fuisattachée à des
Mémoires d'un Al. de Pontis (n),
(n) Louis dePontis,GentilhommePro-
vençal qui après avoir piffé frf ans dans les
,
l'mées, au f'ervice de trois de nos Rois, cuit
dcvo:t le retirer en a at. pour mrnei une
vie cachéc à PoitRoyal des Champs, où il
tâcut dans la puiiijue Je lapénitence Si de!*
Provençal, qui est mort depuis six
à Port-Royal, à plus de quatre-
ans
vingts-ans.Il conte sa vie, & le temps
de LouÏs XIII. avec tant de vérité
& de naïveté & de bon sens
, que
je ne puis m'en tirer. M. le Prince
l'a lu d'un bout à l'autre avec le même
appétit. Ce livre a bien des approba-
;
teurs il v en a d'autres qui ne le peu-
vent
fouftrir il faut
;
:
ou l'aimer ou le
haïr, il n'y a pointde milieu je ne vou"
drois pas jurer que vous l'aimaffiez.
La raison que vous ne comptez
point pour me faire aller à Vichi, qui
est de vous voir & de vous ramener,
est justement celle qui me toucheroit,
&qui me paroît uniquement bonne.
Aussi je n'y balancerois pas, si j'étois
persuadée que cela fut nécessaire
mais je crois mes lettres de change ac-
:
ceptées de trop bonne foi, pour n'être

, ,
ras acquittées exaélement. Je vous
attendrai donc ma très-belle avec
toute la joie que vous pouvez vous
piété, & modrut le 14 Juin 1670. V.It NÜrD.
itP. R. tllg. 136. Comme ce fut Thomas du
FosséquirédigealesMémoires dont il s'agit,
cet Ouvrage étoit ccnfé appartenir à Port-
Royal, & dès-lors il ne devoit point plaire
également à tout le monde,
imaginer d'une amitié comme celle
que j'ai pour vous.

LETTREXLV,
ALAM i ME.
A Livri, Vendredi14Août.
676.
M ,
A chère enfant je me porte
fort bien ici; je fuis plus per.

retomber,
fuadée de la grandeur du mal que
j'ai eu, par la crainte que je sens d'y
& par ma conduite à l'é-
gard du serein , que par nulle autre
chose; car vous vous souvenez bien
que les belles soirées & le clair de
lune me donnoient un souverain
,
plaisir. Jevous remercie d'avoirpensé
a moi dans ces beaux tem ps. MeC..
dames deVillars, de Saint-Geran,
d'Heudicourt, Mademoiselle de l'EC-
trantes, lapetite ame & la petite Am-
;
bassadrice, arrivèrent hier ici à midi
il faisoittrès-beau. Un léger soupçon
avoit causé une légère prévoyance,
qui composa un très-bon dîner. J'ai
un fort bon cuisinier, vous m'en direz
mangeames ,
votre avis. Nous eaulames , nous
nous nous réjouïmes
alfez, nous parlames de vous avec
rlaifir. Elles me dirent qu'il n'y avoit

gne ,
point encore de nouvelles d'A llema-
c'est brûler à petit feu. Il me
paroît que de savourer ainsi dix ou
douze jours une violente inquiétude
c'est tirer Ton jeu à petite & ;
prime
,
la Marquise de la Troufle, qui revient

,
de la Trousse, ouvrira son jeu tout

;
d'un coup & le verra bon ou mau-
vais, comme il fera car il n'y a ja-

,
mais que ce qui y est & l'inquiétu-
,
de nonplusque les façons des tireurs
de prime, ne fait rien à l'affaire. Je
crois cependant que les amitiez les
plus vives ne se veulent rienépar-
,
de Notre-Dame
bien
,;
gner qu'en dites-vous ? Le Roi a don-
né à un M. du Plessis, Grand Vicaire

, & fort homme de


l'Evêché de Saintes Sa Ma- :
jefté dit tout haut » j'ai donné ce ma-
a tin un Evêché à un homme que je
a n'ai jamais vu «. C'est le fécond; l'au-
tre étoit l'Abbé de Barillon, Evê-
que de Luçon. La belle Madame (0)
(0)Voyez il lfttredu 1? juillet,P4140
III.
commence un peu à se laflèr de cette
exposition publique, elle a été deux
ou trois jours à n'avoir pas la force
,
cle s'habi ller. Le Roi ne laifle pas de
jouer mais le jeu n'est pas si long.
Si ce changement de theâtre ne dure,
c'est qu'il étoit trop agréable pour
être de longue durée. On affeéte fort
de n'avoir point d'heures particuliè-
res; tout le monde est perluadé que
la bonne politique veut qu'on n'en ait
point, & que si on en avoit, on n'en
auroit plus. Madame de Villars s'en

;
va tout de bon en Savoie jouer un
aflez joli rôle elle a un carrosse ma-

rouge,
gnifique, une belle housse de velours

,
& tout le reste. Un de ses
plaisirs dit-elle, c'est qu'elle n'ai-
personne :
pays-là voilà
mera en ce
un triste plaisir. Celui de la d'Heu-
dicourt, qui s'en va chez elle pour
quelques semaines, n'est pas plus gai.
La manière de ce bon pays que vous

;;
sçavez, c'est de combler de joie de
faire tourner la tête & puis, de ne
,
,
plus connoître les gens mais sur-
tout c'est de se paffer parfaitement
bien de toutes choses. Ce détache-
ment en mériteroit un pareil des pau-
vres
vres mortels;
jusqu'à leurs regards. Adieu ,
mais il y a de la glu
belle
& charmante, je ne fuis plus si cau-
fante qu'à Paris; j'en fuis fâchée pour
vous, puisque vous vous divertissez
de mes peintures.

LETTRE XLV I.
ALAM E
,
A Livri , ME.
Mercredi10Août. 1676r
1 Evous gronde, ma fille, de vous
être baignée dans cette petite ri-
viere, qui n'est point unerivière, &
qui prend ce grand nom, comme bien

:
des gens prennent le nom des grandes;
Alaifons mais on ne trompe person-
ne, tout le monde se connoit ; &',
,
il vient un M. le Laboureur qui dé-
couvre Con origine & que Con vrai

de Vaucluse,
nomc'etflaFontaine, non pascelle
d'Aréthuse, ou de Jeu-

nom & fans renom ;


vance; mais une petite fontaine fans-
& voilà où vous;
vous êtes baignée. Je meurs de peur
que vous n'en ayiezuiirliuniatime,,
ou un gros rhume , j
& aurai cette
crainte jusqu'à ce que je sçache
comment vous vous portez. Bon
Dieu! si j'en avois fait autant, quelle
vie vous me feriez !
Au reste, vous sçavez déja com-
me cette montagne d'Allemagne est
accouchée d'une souris fans mal ni
douleur. Un de nos amis, que vous
aimez à proportion des foins qu'il a
de moi, me mande qu'il ne sçaitcom-
ment ménager mon esprit ni le vôtre
en cette rencontre; qu'il s'est trouvé
un diable de bois inconnu sur la carte,
qui nous a tenus en bride de telle
forte, que ne pouvant nous ranger
en bataille qu'à la vue des ennemis,
nous avons été obligez de nous reti-
rer le 10 , & d'abandonner Philis.
bourg à la brutalité des Allemands.
Jamais M. de Turenne n'eût prévu ce
bois ; ainsi l'on doit se consoler de
plus en plus de sa perte. On craint
aussi celle de Maftrich parce que
,
l'Armée de nos frères n'est pas en

,
état de le secourir. Ce ieroit encore
un chagrin si l'on chaifoit les Sué-
dois de la Poméranie. Le Chevalier
"de Grignan Jme mande que le Baron
afaitlefouàAire;ils'estétablidans
la tranchée & sur la contrescarpe
s'il eût été chez lui. Il ,
s'étoit
comme
mis dans la tête d'avoir le Régiment

;
de Rambures, qui fut donné à l'inf-
tant au Marquis de Feuquières
dans cette pensée il répétait comme
,
&

il faut faire dans l'infanterie.


Vous me parlez de Madame d'Heu-
dicourt, & vous voulez un raccom-
il
modementenforme, n'yenapoint,
t Le temps efface, on la revoit, elle a
facilité des manières qui ont
t

;
une &
plu elle est faite à ce badinage, elle

,
ne frappe point l'imagination de rien

;
de nouveau, elle est indifférente
n'a plus besoin d'elle mais elle a
on
par-dessus les autres qu'on dans
y est ac-
coutumée. La voilà donc cette
caléche; & puis, on a besoin de fort
logement, elle s'en va ; il manque un
degré de chaleur pour en chercher un
autre, ce fera pour une autre fois..
Voilà le fable lur quoi l'on bâtit, &-
voilà la feuille volante à quoi l'on:
s'attache.
( )
M. l'Archevêque d'Arles nous-
écrit mille merveilles de vous ,
des soins, & des complaisances que;
&
vous avez pour lui. Je ne vous puis,
dire combien je vous loue d'un pro-
cédé si honnête & si plein de jufiice.
Il y a des fortes de devoirs dont je
ne puis souffrir qu'on se difpenfc,
nulle raison ne me fait excuser une si
croflière ingratitude. C'efi ce bon
Patriarche qui maintient encore l'or-
dre & la règle & le calcul dans vo-
tre mai (on
heur ,
; & si vous avez le mal-
de le perdre ce fera le dernier

Cardinal iroit à Rome ,


accablement pour vos affaires.
Ceux qui ont parié que notre bon
ont gagne
assurément. Il a été à Lyon deux

,
jours plutôt que les autres: ie fuis,
comme vous persuadée qu'il le fal-
culté,
loit ainsi, puirqu'il l'a fait. La diffi-
c'est de faire pairer cette opi-
nion dans la tête de tout le monde..
J'en dis autant pour le mariage de
M. de la Garde. C'estunechofetrès-
plaisante, que d'entendre la Marquise
)
d'Huxelles (p parler froidement là-

Matéhald'Huxelles
Garde: au point
commerce de
,
(p) Marie de Bailleul,mirede feu M. le
étoit amie de M. de !a;
d'entretenir avec lui un
lettres
suivi durant plusieurs
ft&udcs, quorqu'ilneroulât absolument que
aetïus < comme dun ami qui l'a trom-
pée, & qui lui a faitun mauvaistour,
Je vous loue fort de vous être re*
mise à vous baigner sagement danr
votre chambre. Si vous trouvez quel.
quefois des discours horsde leur pla-
ce dans mes lettres, c'est que je
re-
çois une des vôtres le Samedi tai
fantaisie
me prendd'y faire réponse
&puis, le Mercredimatin j'en reçoit
,
;
encore une, ôc je reprends sur des;
chapitres que j'ai déjà commencez
cela peut me faire paroître un peu
:
impertinente, en voilà la raison. II!
yaplus de dix jours que j'ai fait ré-
ponse à ce que vous me ditesd'Albi f
M. de Minde l'a eu, chargé de pen-
ions.
J'apprends que la belle Madame
dans le bel appartement, com-
-
reparu
;
me à l'ordinaire & que ce qui avoit-
causé ton chagrin, émit une légère
inquiétude de son ami& de Madame
de S. Sicelaest, on verta bientôt
;
cette dernière sécher sur le pied car
ne pardonne pas feulement d'a-
voir plu.
Air la nouvelles de la Cour a de Ife
litia..
f plus question de rien
il n'et ; ;
Pour ma fanté, elle cft très-bonne
je fui.,

,
persuadée que le rhumatisme a tout
fini. Je ne m'exposeplusauserein
ou je fuis dans une chambre ou je
;
monte en carrosse pour gagner leî
;
hauteurs. Le clair de lune est une
étrange tentation mais je n'y suc-
combe guères. Enfin, soyezen repos
& pour mes mains & pour mes ge-
noux. Je consulterai la pommade &
je prendrai de la poudre de mon bon
homme après la canicule. Je vous
,
laisse en vérité le foin de me gouver-
ner, & jecrois que vous ferez mieux
que tous les Dofteurs.
M. Charier me mande que le Car-
dinal de Retz étoit parti deux jours
avant ses camarades. On ne me parle
quée,
point sur ce sujet; je fuis trop inar-
& je vois que l'on me fait l'hon-
neur de me traiter comme les d'Hac.
quevillcs ; mais je démêle bien ce
qu'on auroit envie de dire. Je fuis
fâchée que votre Cardinal ( q ne )
moi,
prenne pas le chemin des autres. Pour
j'ai dans la tête que le notre
fera quelque chose d'extraordinaire,
j
Ç.f Jerâme Grimaldi,Archevêqued'Aix
1 quoi ;
l'on ne sattend point ou qu'il

joncture ,
rendra son chapeau dans cette con-
ou qu'il prendra un style
tout particulier, ou qu'il fera Pape ;
ce
,
enfin
pas
dernier

tout uni.
est

Il
un
m'a
peu difficile:
il me semble que cela ne fera
écrit deux
mais

lignes;
de Lyon. On peut être avec justice

,
fort en peine de sa fanté : c'est un mi-
racle il ces chaleurs, cette précipi-
tation & ce conclave, ne lui font
beaucoup de mal.
J'étois avant-hier au foir danscette

chevaux ;
avenue, je vis venir un carroiiè à tix:
c'étoit la bonne Maréchale
d'Estrées le Chanoine, la Marquise
,
de Sennetîrre que l'Abbé de la Vic-
toire appelle la Mitte, & le gros
Abbé de Pontcarré. On causafort,
on se promena, on mangea ; & cette
compagnie s'en alla au clair de mon
ancienne amie. Madame de Coulan-

;
ges se baigne ; Corbinelli a mal aux
yeux Madame de la Fayette ne va

promène ,
point en carrone. Mais je reçois vos
lettres, & je vous écris ; je lis, je me
je vous espère ; gardez-
vous bien de me plaindre. Il me pa-
loît que l'Abbé de la Vergne a bien;
du zèle pour votre conversion : je la:
à
crois un peu loin, sielletient celle
de Madame de Schomberg. Il est vrai
que son mérite s'est fort humanifc;
elle en a toujours eu beaucoup pour
ceux qui la connoifibient ; mais cette
lumière qui étoit tous le boisseau,

,
éclaire présentement tout le monde;
elle n'est pas la feule à qui le chan-
gement de condition a fait ce mira-
cle. Nous faisions la guerre au bon
homme d'Andilli qu'il avoit plus
,
d'envie de sauver une ame qui étoit
dans un beau corps, qu'une autre. Je
dis la même chose de l'Abbé de la
Vergne dont le mérite & la répu-
,
;
tation font ici fort répandus je vous
trouve très-heureufede l'avoir. Quit-
te-t-illa Provence ? doit-il y retour-
ner ? Votre viiion est plaisantesurla
Tourterelle sablière. Elle apprit au Ra-
mier le chemin defon cœur. Elle acheta
le lit du défunt, vous Cçavez bien
pourquoi.
L'amie (r)de Madame de Cou-
langes est toujours dans une haute
faveur. Si notre petite amie (s) eit
(r) Madame île Maintenon.
(s.;, ùlAkUtuc Je Coulanges.
attachée
ittachée à ce bon pays-là, celt par
l'agrément passager qu'elle y reçoit ;
elle n'est point la dupe de la Corte de
tendreife & d'amitié ie qu'on y dépen-
[t. Je ne Cçais rien Madame de
Monaco. Tout est caché à l'Hôtel de
Gramont sous l'impénétrable difcré-
tion de d'Hacqueville ; & tout est,
comme il étoit à l'Hôtel de Grancei ,
hormis que le Prince est d'une mai-
greur & d'une langueur qui Cent la
Brinvilliers. L'Abbé de Grignan doit
vous instruire du Pénautier ; il y a
bien des choies qui m'échapent ici.
M. de Coulantespartira pour Lyon
Il
que quand il y fera ,
avecMadame de Villars. meparoît
;; il vous doit
obéir assurez-vous au moins de sa
conduite vous ne [çauriez avoir un
;
plus joli pilate. Le bon Abbé vous
aime fort il boit très-Couvent à vo-
tre Conté ; & quand le vin est bon, il
s'étend sur vos louanges. & trouve
que je ne vous aime pas aflez. Adieu,
*
ma très-chère je ne crains point ce
reproche devant Dieu.
Mes Maîtres de Philosophie ( t)
m'ont un peu abandonnée. La Moufle
(t)MM. dela Mousse ac Corbinelli.
est allé en Poitou avec Madame de
(
Sanzei (u). Le Père Pi leur deLivri )
voudroit bien s'instruire aussi c'est
,
dommage de ne pas cultiver Ces bons
desirs. Nous lisonstriftementenkm-
ble le petit Livre des passions &
nous voyons comme les nerfs du dos
dé M. de Luxembourg ont été bien
disposez pour la retrjite : mais sça-
vez-vous que tout d'un coup on a
cessé de parler d'Allemagne à Ver-
?
failles On répondit un beau matin

,
aux gens qui en demandoient bonne-
;
ment des nouvelles pour soulager
leur inquiétude & pourquoi des

point de courier , ;
nouve lles d'A llemagne ? Il n'v a
il n'en viendra
point, on n'en attend point à quel
propos demander des nouvelles d'AI.
lemagne ? & voilà qui fut fini.
(0) Elle éteit sœur de M. de Coulanges,
*LETTRE XLVII.
A LA MEME.
A Paris, Vendredi 21 Août.
J commiffionsde
E fuis venue ici ce matin p iur les
M. de la Garde. Je
luis descendue chez la bonne d'E[-
cars, que j'ai trouvée avec une çrossè
bile qui lui donne une petite fièvre,
& toute pleine de bonne volonté
elle avoit autour d'elle Madame le
;
Moine, & tous les équipages de point
de France & de point d'Espagne les
,
plus beaux & les mieux choisis du
monde. Je fuis allée dîner chez M. de

nue chez Madame d'Escars;


Mêmes, & à trois heures je fuis reve-
j'ai trou-
vé en entrant dans la cour Madame
de Vins & d'Hacquevillc, qui ve-
noient me voir amiablement. Nous

,
avons pris un très-beau manteau,
une belle jupe de la toile d'or &
faire un corps de jupe ;;
d'argent pour une toilette, & de quoi
la dentelle
pour la jUre, la toilette une petite
;
pour les sachets , pour les coëffes
noires les soulier., la perruque, les
rubans,tout fera admirablement beau :
mais comme j'ai tout pris sur ma pa-
role, & pour très-peu de temps, je

pensions de M. de la Garde ,
vous prie de ne nous point remettre
sur l'incertitude des payemens des

nous envoyer une lettre de change.


& de

M. Colbert est un peu malade ; Il


vous sçaviez çe qu'on fait de ce pré-
texte , même pour votre pension,
vous verriez bien que rien n'ell tel
qu'une lettre de changé ; $c les pau-
vres Courtisans accqûtuinez à la pa-
tience, attendront l'heureux moment
bé ;
du thrésor royal. Voilà le bel Ab-
() qui entre il pie vint voir
Mercredi à Livri nous causames
,
fort de vos affaires. Ilest certain qu'il
pe faudroit proposer (pr) le Coadju-
teur que comme un sujet très-propre
& très-digne, Tans qu'il parût que ce

(x) M. l'Abbé de Grignan


,
frère de
M. le Coadjuteurd'Arles.
(y) Ils'agissoit de l'Archevêché
lIGe l'on croyoit
- - ,i'Albi,
encore vacant, par lerefus
qu'on difiiit que Monsieur de Meode ce
Ifoitfait.
sujet se donnât aucun mouvement
parce qu'il doit paître fixé & con-
f
tent. On affureroit feulement de la
disposition de Monsieur l'Archevê-
que (d'Arles), pour recevoir tel au-
tre Coadjuteur qu'on voudroit ; & il
faudroit que cela passât uniquement
par le Confesseur, n'étant pas du dif-
trist de M. de Pomponne, qui pour-
tant ne manqueroit pas de l'appuyer,
si la baie lui venoit. Mais on croit ici

que nonobstant le bruit qui a couru

prendra ;
que M. de Mende refusoit Albi, ille
ainsi nos raisonne/nens fe-
ront inutiles. Pour le Gouvernement,
le fils en a la survivance, & Matamt
te Lutre ne feroit pas fâchée d'avoir
cette récompense, en quittant la li-
vrée (f) qu'elle porte depuis si long-
temps. On dit aussi que Théobon ,
foit qu'elle ait mérité, ou point mé-

:
rité cet établissèment, feroit fort de-
iireufe de l'avoir vous voyez sur
quoi cela roule. J'aime le bel Abbé
de l'attention qu'il paroît avoir pour
vos affaires, & du foin qu'il a de me
chercher pour en discourir avec moi,
(t) Madame de LuJrc
,
Chanoinesse de
routrai.
,
qui ne fuis pas si fote sur cela à
caure de l'intérêtque j'y prends, que
sur toutes les autres choses du mon-
de. Nous passames une fort jolie foi.
rée à Livri ; & aujourd'hui nors
avons conclu avec le grand d'Hac-
,
queville que tous nos raisonnemens
font inutiles pour cette fois mais
qu'il ne fautpas perdre une occailon
de demander. Madame de Vins m'a
priée de ne m'en point retourner de.
main, & de me trouver entre cinq

,
foir M. de Pomponne
dra de Pomponne
,
& six chez Madame de Villars où
,
elle fera. Nous pourrons voir le
qui revien-
où Madame de
Vins n'est pas allée à cause d'un
,
procès, & toujours procès, qui fera
jugé demain. Je fuis tentée de sa
proposition de forte que j'ai la mine
,
de ne m'en aller que Dimanche à la
Mesle à Livri. On dit que l'on fent
la chair fraîche dans le pays de
Quanto. On ne sçait pas bien droi-
; :,
tement où c'est on a nommé la Dame
que je vous ai nommée mais comme
on est fin en ce pays peut-être que
ce n'est pas là. Enfin, il est certain
que le cavalier est gai & réveillé,
&la Demoilelle triste , embarrassée,
&quelquefois larmoyante. Je vous
dirai la fuite, si
je le puis.
Madame de Maintenon est allée à
Maintenon pour trois semaines. Le
Roi lui a envoyé le Nôtre pourajus-
ter cette belle & laide terre. Je n'ai
point encore vu la belle Coulanges
ni Corbinelli. L'Armée de Monsieur
de Schomberg s'en va au secours de
Mastrich : mais on ne croit point du

,
tout que les ennemis l'attendent, foit
paravoir pris la place foit par avoir

forts. Adieu
aimée.
,
levé le siége ; ils ne font pas assez
très-aimable & très-

LETTRE XLVIII.
Ala Même.
A Liirî, Mercredi 26 Août.
1676+
J E crois
fais
que vous voyez bien que
je réponse le Mercredi à vos

aux dépens du public ,


deux lettres; pour le Vendredi, je vis
& sur mon
propre fonds qui compose quelque..
tends la votre dernière ,
fois une assez mauvai se lettre. J'at.
& cepen-
èant je vais baloter sur celleque j'ai
déja reçue, & sur ce que j'ai fait de-
puis trois ou quatre jours. Je vous

;
écrivis Vendredi ayant l'Abbé de
Grignan à mes cotez je vous mandai
que Madame de Vins & d'Hacque-
ville m'avoient priée d'aller le len-
demain chez Madame de Villars, où
ils se trouveroient. Nous y passames
deux heures fort agréablement. Je
demeurai donc à Paris pour l'amour
d'eux. J'avois été auparavant chez
Madame de la Fayette ; car il faut
tout dire, la Saint-Geran nous mon-
;
tra une fort jolie lettre, que vous 6c
M. de Grignan lui aviez écrite nous
admirames le bon esprit de votre
ménage. Je reraffai chez Alademoi-
felle de Méri, & le Dimanchematin
je revins ici, après avoir vu les deux

binelli. Cette belle se baigne,


soirs Madame de Coulanges & Cor-

,
dit qu'elle viendra bientôt ce fera
elle

quand il lui plaira. Vous me con.


noilfez sur la joie que j'ai de ne met-

:
tre sur mon compte aucune complais
sance j'aime à n'être pour rien &,
,
cest une joie qui ne peut jamais man-
quer pour peu que l'on vive long-
temps. Corbinelli veut venir, si jele
veux ; mais je ne le veux jamais. Ce-
pendant la bonne Marquise dhuxel.
les,quej'aime, il y a bien desannées,
m'avoit priée de ne point manquer don-
de revenir pour un dîner qu'elle
noit à Monsieur de la Rochefoucauld,
à Moniteur & Madame de Coulan-
ges, à Madame de la Fayette, &c.
Je crus voir dans Ton ton tout ce qui
mérite que l'on prenne cette peine.
Il se trouva que c'étoit Lundi, de
forte qu'étant revenue le Dimanche,
je retournai Lundi mutin d'ici chez
Marquise, C'étoit chez Longueil,
son voisin, qu'elle donnoit son dîner.
La maison de Longueil est très-jolie,
ses Officiers admirables, & nous La
prouvames fort ce changement.
a
compagnie y arriva, & m'y trouva
tout établie , grondant de ce qu'on
venoit si tard. Au lieu de Monsieur
& Madame de Coulantes, qui ne pu-
il
rentvenir, y «voitBriole,l'Abbé
de Quincé,Mademoiselle de la Ro-
chefoucauld. Le repas & la conversa-
tion, tout fut très-digne de louan-
ges : on en sortit tard. Je revins chez
la d'Escars admirer encore la beauté
du linge & de nos étoffes; tout fera

;
à merveilles. Je passai chez Madame
de Coulanges on me grondade m'en
retourner. On veut me retenir fans
, ,
sçavoir pourquoi, & je fuis revenue
Je Mardi matin qui étoit hier. Je me
promène dans ce jardin avant qu'à
Paris on ait pensé à moi.
Les inquiétudes d'Allemagne font

,
pafTces en Flandre. L'Armée de M. de
Schomberg marche elle fera le 29
eq état de lecourir Mafirich. Alais ce
qui nous afflige comme bonnes Fran-
çoifes & qui nous console comme
,
intéressées c'est qu'on est persuadé
,
que, quelque diligence qu'ils fatfent,
;
ils arriveront trop tard. Cal vo n'a pas,
de quoi relever la garde les ennemis
feront un dernier effort, & d'autant
plus qu'on tient pour asTuré que Villa-
Herniofa (a est entré dans les lignes,
& doit se joindre au Prince d'Orange
pour un assaut général : voilà l'espé-
rance que j'ai trouvée dans Paris, &
dont j'ai rapporté ici le plus que j'ai
( a) Gouverneur des Pays-Bas Espagnols,
& Général des Troupes d'Espagne.
pu, afinde me disposer avecquelque
tranquillité à prendre de la poudre
de M. de Lorme, puisque nous Pom-
mes hors de cette canicule, qui n'a
point fait demander comme autrefois,
est-ce la canicule ? Ces maraudailles
de Paris dirent que Morphoriodeman-
de à Pasquin, pourquoi on prend en
même année Philifbourg & Maf-
une
f
trich & que Pasquin répond, que
c'est parce que M. de Turenne ett à
Saint Dénia, & M. le Prince à Chan-
tilli.
Cofbinelli vous répondra sur la
grandeur de la Lune, de sur le goût

;
amer ou
Lune
doux. Il m'a contentée surla
mats je n'entende pas bien le

:;
goût. Il dit que ce qui ne nous paraît
pas doux, est amer je sçai. bien qu'il
a'y a nf doux ni amer mais je me fers
de ce qu'on nomme abusivement doux
Ôc amer, pour le faire entendre aux
grossiers. Il m'a promia de m'ouvrir
l'esprit là-dessus,quand il fera ici..
Rien n'cft plus plaisant que ce que
vous lui dites pour m'empêcher dal-
lerau serein : je vous assure, ma fille,
que je n'y vais point ; la feule pensée
de
vous plaire fecoit ce miracle ; &
l'ai de plus une véritable crainte de
retomber dans mon rhumatisme. Je
résiste à la beauté de cette Lune avec
un courage digne de louanges; après
cet effort, il ne faut plus douter de
ma vertu , ou pour mieux dire, de
ma timidité. J'ai vu Madame de
estime beaucoup par avance :
Schomberg, elle vous aime & vous

trouverez bien du chemin de fait.


vous

la
VAbbéde
;Vergne lui écrit digne-
ment de vous mais elle m'a parlé
;
très-dignement de lui il n'y a point
d'homme au monde qu'elle aime da-
vantage 3 c'est son père,c'est son pre-
mier & fidéle ami,elle en dit des
biens infinie ce chapitre ne finit
,
point, quand
Elle une fois elle l'a com-
comprendfortbien qu'il
mencé.
aime & qu'il cherche,il
vous
; vous
le goût exquis elle trouve fort juste
a

que vous vous accommodiez de la fa-


cilité Se de la douceur de son esprit;
elle pense qu'il vous doit convertir
de pleine autorité parce que vous
,
êtes persuadée que l'état où il vous
souhaite, est bon. Si elle en ivoit au-
tant cru de celui où il veut la mettre,
c'eûtétéuneaffaire faite. Vous voyez
que dans ce discours nous ne comp-
tons pas beaucoup ce qui vient d'en-
faut. Parlez-moi encore de cet Abbé,
& dites-moi combien de jours vous
l'avez eu.
On croit que Quanto est toute ré-
tablie dans sa félicité : cest l'ennui
desautres qui fait dire les change-
ment. Madame de Maintenon est tou-
jours à Maintenon avec Barillon 3c
la Tourte; elle a prié d'autres gens d'y
:
aller mais celui que vous disiez au-
trefois qui vouloit faire troter votre
esprit, & qui ell déserteur de cette
Cour, a répondu fort plaisamment
qu'il n'y avoit point présentement de
logement pour les amis,qu'il n'yen
avoit que pour les valets. Vous voy..
de quoi on accuse cette bonne tête
à qui peut-on se fier désormais f Il
;
et vrai cjue sa faveur est extrême, lie
de1.
Que l'ami de Quanto en parle comme
première ou seconde amie. Il
lui a envoyé un illustre (6 ) pour
rendresamaison admirablementbelle.

;
On dit que MONSIEUR y doit al-
ter je pense même que ce fut hier
(à) Voyn la lettre du it Aode, fm*
14i,
avec Madame de Montespan ; ils dé-
voient faire cette diligence en relais,
fans y coucher. Je vous remercie
mille fois de m'avoir si bien conté les
circonstances d'une réconciliation où
je prends tant d'intérét, & que je
louhaitois pour la consolation du
père, & en vérité pour l'honneur du
fils, afin dé pouvoir l'estimer à plei-
nes voilfs. Si les fpeftateurs ont (té
dans mes sentimens je me réjouïs
,
avec eux de la joie qu'ils ont eue.
Voilà votre lettre qui arrive tout à
Vous pour me faire finir celle-ci.
propos
me donnez des perspectives

ma que
;
charmantes , pour m'ôter l'horreur
des séparations rien n'est si bon pour
lanté, les espérances que vous
me donnez. Il faut commencer par
arriver; vous me trouverez fort dif.
;
férente de l'idée que vous avez de
moi ces genoux & ces mains qui vous
font tant de pitié, feront fans doute
guéris en ce temps
délicat là. Enfin, mon air

,
feroit encore la rustauderie
d'une autre tant j'avois un grand
fonds de cette belle qualité. Pour
Vichi, je ne doute nullement que je
n'y retourne cet été. Veruu dit au-
;
jourd'hui qu'il voudroit que ce fût
tout à l'heure de Lorme dit que je
m'en garde bien dans cette faison ;
Bourdelot dit que j'y mourrois, Se
que j'ai donc oublié que mon rhuma-
tisme n'étoit venu que de chaleur.
à
J'aime lesconsulterpour me moquer
;
d'eux peut-on rien voirde plus plai-
fant que cette diversité ? LesJésuites
ont bien rairon de dire qu'il y a des

les opinions probables :


Auteurs graves pour appuyer toutes
me voilà
donc libre de fuivre l'avis qui me con-
viendra. J'ai présentement pour me
gouverner mon beau Médecin de
Chelles (c); jevous aflfure qu'il en
sçait autant de
Vous plu, que le! autres.

;
allez bien médire de cette ap-
probation mais si vous fçaviez com-
me il m'a bien gouvernée depuis deux
jours, &comme ila fait prospérer un
commencement de maladie que je
croyois avoir perdue, & qui me prit
à
;
Paris, vous l'aimeriez beaucoup.
Enfin, je m'en portetrès-bien je n'ai
nul beroin d'être saignée ;je m'en
tiens à ce qu'il m'ordonne, & je pren-
drai ensuite de la poudre de mon bon
(0 Voyez talettre de6mai, fty si.
,
homme- Il croit que du tempérament
dont je fuis dejeces
dans trois ans
ne ferai pas quitte
retours. On vou.
loit me retenir à Paris ; si je n'avois
beaucoup marché, te ne m'en ferois
pas si bien trouvée. Je vous conjure,
ma fille, d'avoir l'cfprit en repos,&
de songer à me donner des iéalitez,
après m'avoir fait sentir tous les plai.
fin de l'espérance.
J'ai reçu un billet de Lyon de no-
tre Cardinal,& un d'auprès de Tu.
meilleure ,
rin, 11 me mande que sa (anté est bien
qu'il n'eût osé l'espérer

,
après un si grand travail. Il me paroît
fort content de M. de Villars qui
l'est allé recevoir dans sacassine. Vous
sçavez qu'ils ne verront point le Duc
(4ft Savoie) parce qu'ils veulent le
,

,
traiter comme les autres Princes d'I-

;
talie à qui ils ne donnent point la
main chez eux & ce Duc veut faire
comme M. le Prince, c'est-à-dire,
que chacun false les honneurs de chez
soi. N'admirez-vouspoint le rangde
ces Eminences
la nôtre
? Je fuis fort étonnée
Lyon,
que ne vous ait pas écrit de
cela étoit tout naturel. Son-
ge. bien à ce que vous devez faire
sur
sur la taille de votre fils, cette feule
raison doit vous obliger à consulter;
car du il
reste, fera parfaitement bien
M. le Coadjuteur: mais s'il ya
avec
un lieu où l'on le
puisse repaîtrir,
mand ,
c'efi dans ce pays-ci. Pour cet Alle-
je fuis assurée que l'Abbé de
Grignan ne cherchera point à le met-
treen condition jusqu'à votre retour
cela ne vaut pas la peine, après avoir
;
tant
;
attendu. C'est une petite mer-
veilleque celui que vous avez votre
embarras nous a fait rire, c'est de ne
pouvoir connoître s'il sçait les fines-
ses de la langue Allemande, ou si
vous confondez le Suisse avec cette
autre langue. C'est une habileté à

:
laquelle il nous semble que vous ne
paiviendrez jamais vous prendrez
apurement l'un pour l'autre, & vous
trouverez que le pichon parlera rom-
me un Suille, au lieu de sçavoir l'Al-
lemand. Vousparlez si plai famrnent
d'Allemagne & de Flandre. que de-
puisque l'une est tranquille & l'autre

vous repondre ,
dans le mouvement,

(on tour. Adieu,


on ne peut plus
sinon que chacun a
ma
,
très-belle
très-chère, vous ctes admirable do
&
, ;
me taire des excutes de tant parler de
votre fils je vous demande pardon
aussi si je vous parle tant de ma fille.
Le Baron m'écrit, & croit qu'avec
toute leur diligence, ils n'arriveront
;
pasassez tôt Dieu le veuille, j'en
demande pardon à ma patrie. Vous
(
ne me dites rien dudit déposant d);

:
c'est signe qu'il n'a plus rien à dire;
quand dira-t-il, ouï c'est une belle
parole. Je le supplie de m'aimer tou-
jours un peu,

LETTRE XLIX.
A LAM É ME.

1676. A Livri, Vendredi28Août.

] 'Epatrie
N demande pardon à ma chère
; mais je voudrois bien que
M. de Schomberg ne trouvât point
d'occasion de se battre ; sa froideur,
& sa manière tout opposée à M. de
Luxembourg, me font craindre aussi
un procédé tout différent. Je viens
d'écrire un billet àMadame de Schom-
(d)M.deGarde.
berg pour en apprendre des nou-
,

,;
velles. C'est un mérite que j'ai appri-
voisé, il ya long-temps mais je m'en
trouve encore mieux depuis qu'elle
est notre Générale. Elle aime Corbi-
nelli de passion ; jamais son bon esprit
ne
,
s'étoit tourné du côté d'aucune
forte -de science de forte que cette
nouveauté qu'elle trouve dans son
commerce, lui donne aussi un plaisir
tout extraordinaire dans sa conver-
fation. On dit que Madame de Cou-

& j'en aurai bien de la joie ,


langes viendra demain ici avec lui,
puisque
c'est à leur goût que je devrai leur
à
Pomponne ,
visite. J'ai écrit d'Hacqueville pour
ce que je voulois sçavoir de M. de
& encore pourune ving-
tième sollicitation à ce petit bré-
douilleur de Parère. Je fuis assurée
qu'il vous écrira toutes les mêmes,
réponses qu'il me doit faire, & vous
dira aussi comme, malgré le bruit qui
coureit, Montieur de Mende a ac-
cepté Albi. Au reste, je lis les figu-
res de la Sainte Ecriture (e), qui
(e)
1
L'Histoire du vieux & du nouveau'
Testament, &c. par le Siiur de Royaumont,
(M.deSaci.)
prennent l'affaire dès Adam. J'ai
et mmencé par cette création du mon.
;
èe que vous aimez tant cela conduit
jusqu'après la mort de Notre-Sei-

, ;
gneur, c'est une belle fuite. On y
voit tout, quoiqu'en abrégé le style
en est. fort beau & vient de bon lieu:
il y a des réfléxions des Pères fort
bien mêlées, cette lefture est fortat-
tachante. Pour moi, je paffe bien plus
loin que les Jésuites ; & voyant les
reproches d'ingratitude.les punitions

,
horribles dont Dieu afflige fun peu-

;
ple je fuis persuadée que nous avons
notre liberté tout entière que par
conséquent nous sommes très-coupa-
bles & méritons fort bien le feu &
,
J'eau, dont Dieu se fert, quand il lui
plaît. Les Jésuites n'en ditent pasen-
core assez, & les autres donnent sujet
de murmurer contre la justice de
Dieu, quand ils affoibliifent tant ni-
tre liberté. Voilà le profit que je fais
de mes lettures. Je crois que nn-n
Confesseur m'ordonnera la Philofo-
phie de Descartes.

,
Je crois que Madame de Roche-
bonne est avec vous & je m'en vais
l'embrasser. Est-elle bien aise danssa
mitIon fui
paternelle f tout le Chapi-
tre (f) rend- il bien Tes devoirs ?
a-t-elle bien de la joie de voir Tes
neveux ?l'appelle Mademoiselle
Et Pauline (g), est-il vrai
de M.-
qu'on
j<irgues ? Je ferois fâchée de manquer
au refpea.que je lui dois. Et le petit
de huit mois, veut-il vivre cent ans ?
Je fuis si Souvent à Grignan, qu'il me
Semble que vous devriez me voir
parmi vous tous. Ce feroit une belle
chose, de se trouver tout d'un coup
aux lieux qui font présens à la pen-
fée. Voilà mon joli Médecin (h ) qui
me trouve en fort bonne fanté, tout
glorieux de ce que je lui ai obéï deux
ou trois jours. Ilfait un temps frais,

prendre ;
qui pourroit bien nous déterminer à
homme de la poudre de mon bon
je vous le manderai Mer-
credi. J'espère que ceux qui font à
(/) LaCollégiale de
#
Grignan.
(g) Pauline Adhémar de Monretl de
Grignan petite-fille de Madame de Sivi-
,
étoit Agée d'environ trois ans.
ené, alors
Elleépousaen 1695
Louisde Simiane, Mar-
guis d'Erparron Lieutenant Général pour
le oien Provence,, après la mort de M.le
Comte de Grisnan Ton beau-pète.
(b) Antonio.
de de cette foret:
,
Paris, vous auront mandé des non..
relies ; je n'en lçais aucune comme
vous voyez, ma lettre fent la foliru.
mais dans cette fo-
litude vous êtes parfaitement aimée-

*LETTRE L.
ALAMEME.
1676. A Livri, Mercredi 2 Septembre.
M ONSIEURd'Hacqueville &
Madame de Vins ont couché
ici ; ils vinrent hier joliment nous
;
voir. Madame de Coulanges est ici
f
c'et une très-aimable compagnie
vous sçavez comme elle fait bien avec
;
moi. Brancas est venu aufli rêver quel-
ques heures avec Sylphide ( i). Nous
avons pourtant, lui & moi, fort parlé
de vous, & ad n;"é votre conduite,
& l'honneur que lui avez fait(k).
Mais ce que nous avons encore ad-
(1) Madame de Coulanges.
( k) Le Comte de Brancas avoir été le no
«ociateiir du imriage de Mademoitclle de
Sîyjgné avecMouficur de Grignan.
ré tout ensemble, c'eif l'extrême
uni
bonheur du Roi, qui nonobstant les
mesures trop étroites de trop juste.
qu'on avoit fait prendre à M. de
chomberg pour marcher au secours
de Mastrich, apprend que res trou-
pes ont fait lever le siége à leur ap-
proche, &en se présentant feulement.
Les
:
ennemisn'ont point voulu atten-
dre le combat le Prince d'Orange »
qui avoit regret à Ces peines,vouloit
tout hasarder ; maisVilli-Herniofa-
n'a pas cru devoir exposér Ces trou-
pes i
de sorteque non-feulement il..
ont-promptement levé le siége, mais
encoreabandonné leur poudre, leur.
Mnons ; enfih , tout ce qui marque-
une fùite. Il n'ya~rien de si bon que
d'avoir affaire avec det Confédérez,
:
pour avoir toutes fortes d'avantages
de souhaiter ce que le Roi Coublit.t
mais ce qui est encore meilleur, c'est

en estassuré d'avoir toujours conten-

chez Madame de Schomberg ,


tement. J'étois dans la plus grande-
inquiétudedu monde, j'avoisenvoyé

Madame deSaint-Geran, chez d'Hac-


cher.
qutville, & l'on me rapporta toutes
ces merveilles. Le Roi en étoitbien
264 Recueil des Lettres
en peine, aussi-bien que nous M. de
Louvois courut pour lui apprendre
:
ce bon succès ; l'Abbé de Calvo ctoit
; ,
avec lui Sa Majesté l'embrassa tout
tranrl'°rté de joie & lui donna une
Abbaye de douze mille livres de ren-
te, vingt mille livres de pension à
Ton frère,
& le Gouvernement d'Ai.
,
re avec mille & mille louanges qui
~valent mieux que tout le reste. C'efi
ainsi que le grand siége de Maftrich
est fini, & que Pasquin (l) n'est qu'un
sot.
Le jeune Nangis épouse la petite
de Rochefort, cette noce est trifle.

;
La Maréchale est jusqu'ici très-aflli-
gée, très-malade, très-changée elle

;
r'a pas mangé deviande depuis que
son mari est mort je tâcherai de faire
continuer cette abstinence. J'ai fort'
causé avec le bon d'Hacqueville &

;
Madame de Vins, ils m'ont paru tout
pleine d'amitié pour vous ce nevous
est pas une nouvelle, mais on est tou-
jours fort aise d'apprendre que l'cloi-
gnement ne gâte rien. Nous nous rc-
jouïssons par avance de vous atten-
,
,

(/) Voyez la lettre du x6 Août p."


'p. tire
dre le mois prochain ; car enfin nous
Tommes au mois de Septembre, & le

poudre du bon homme ;


mois d'Oftobre le fuit. J'ai pris de la
ce grand re-
mède, qui fait peur à tout le monde,
est une bagatelle pour moi, il me
fait des merveilles. J'avois auprès de

;;
moi mon joli Médecin qui me conso-
loit beaucoup il ne me dit pas une
parole qu'en Italien il me conta pen-
dant toute l'opération mille choses
divertissantes. C'efi lui qui me con-

;,
seille de mettre mes mains dans la
vendange & puis une gorge de
,
bœuf; & puis s'il en est encore be-
foin, de la moelle de cerf, & de la

,
Reine de Hongrie. Enfin, je fuis ré-
folue à ne point attendre l'hiver
à me guérir, pendant que la faifoti
&

est encore belle. Vous voyez bien

chose qui est à vous ,


que je regarde ma fanté, comme une
puisque j'en
prends un foin si particulier.

MadameDE Ctfu LANGES.


Avouez, Madame, que j'ai un beau
procédé avec vous. Je vous ai écrit
de Lyon >int de Paris, je vous
, p
écris de Livri ; & ce qui me juftifle,
: :
c'est que vous vous accommodez de
tout cela à merveilles un reproche
de votre part m'auroit charmée Imi.
vous ne profanez pas les reproches
:
aux pauvres mortelles. Nous menons
ici une vie tranquille recommandez
bien à Madame de Sévigné le foin
de sa fanté, vous sçavez qu'elle n'ai-
me point à vous refurer ; elle ne
va guères au serein, elle est foùte-
nue de l'espérance de votre retour:
pour moi, je le souhaite, en vérité,
Vousvi vement qu'il ne m'appartient,
plus
êtes si bien informée des nou-
velles, que je ne m'amuserai pas à
vous en conter. Le Roi elt bien heu-
reux, il me semble qu'il ne pourroit
souhaiter de l'être encore davantage.
Adieu, Madame, vous êtes attendue
avec toute l'impatience que vous nié.
ritez, voilà qui est au-dessus de toute
exagération. Barillon ne trouve que
l'Abbé de la Trape digne de lui,
quand vous êtes en Provence. Ecou-
tez bien M. de Brancas, il vous \'4
dire Ces raisons.
MonsieurD E BRANCAS.

Je ne puis être à Livri, fans m'y


ressouvenirdeMademoiselle de
Sévi-
gné, ni fans songer que sij'aitravaillé
àrendre M. de Grignan heureux (m),
ç'a bien été à mes dépens, puisque
je partage aussi vivement que person-
fie tout ce qu'il en coûte pour une
auflilongue absence que la vôtre.
Madame de Coulanges voudroit bien

sonnes, :
nous faire entendre qu'il y a des per-
qui devroient encore plus
vous regreter mais fans entrer dans
toutcequ'elle veut dire, je me con-
tente de vous affurerque vous devez
hâter votre retour, si vous aimez
Madame votre mère qui ne songera
point à sa fanté, que vous n'ayez mis
son cœur en repos. J'ai reçu
biendelajoie& durefpeét, lescom-
avec,
plimens que vous m'avez faits sur la

,
couche de ma fille-(n). Croyez, Ma-
dame qu'on ne peut vous honorer
plus tendrement que je fais.

(m) Voyezla note de la page t6i.


( * ) la Princesse d'~Harcourt. f'oj/tt lA
Intrt du Il Août,P"£*"J.
MadameDESÉVIGNÉ COmtlHtt.
Jecrains bien que MadamedeCou-

ne voudroit ;
langes n'aille à Lyon plutôt qu'elle
sa mère se meurt. Je
vous demanderai dans quelque temps
plan pour venir à Lyon ,
de quelle manière vous faites votre
& de-là à
Paris. Vous sçavez ce que vous trou-
verez à Briare.
Vous faites très- bien de ne vaut

pour Philisbourg :
plus inquiéter ni pour Maftrich ni
vous admirerez
bien comme tout est allé à souhait.
J'ai grand regret à la bileque j'ai fai-

Romaine ; ,
te , pensant qu'on devoit se battre.
Tous vos sentimens font dignes d'une
vous êtes la plus jolie
femme de France vous ne perdez

;
rien avec nous. Corbinelli a été ici
deux jours il est recouru pour voir
le Grand Maître, qui est revenu d'AI.
bi. 11 me paroît que Vardes (o) se
paffe bien de Corbinelli ; mais il est
fort aise. qu'il foit ici son réfidcnt,
,
( 0 ) François-René du Bec Marquis Je
Vardes,exiléen Languedoc pour dcsmiri-
1
I
C'en lui qui maintient l'union entre
Madame de Nicolaï (p) & son gen-
dre; c'efi lui qui gouverne tous les
déteins ûu'on a pour la petite ( q ) :
relation
;
tout a
binelli
;
& se mène par Cor-
il dépense très-peu à Var-
des car il est honnête, philosophe
& discret. D'un autre côté, Corbi-
,
nelli aime mieux être ici à cause de
ses infirmitez qu'en Languedoc
,
il me semble que voilà ce qui cause
;&
le grand séjour qu'il fait à Paris.
La vision de Madame de S.
paffé plus vîte qu'un éclair: tout est
a
raccommodé. On me mande que l'au-
tre jour au jeu Quanto avoit la tête

de son ami;
appuyée familièrement sur l'épaule
on crut
,que cette affec-
tation étoit pour dire je fuis mieux

ell revenue de chez elle ;


que jamais. Madame de Maintenon
sa faveur
ell extrême. On dit que M. de Luxem-
bourg a voulu par sa conduite ajou-
ter un dernier trait à l'éloge funèbre

(p) Marie Amelot belle-mère de M.(te


Vardes. ,

,
(9) Marie-Elifabcth du Bec mariée en
1678 à Louis de Rohan-Chabot Duc de
,
Rohan.
:
de M. de Turenne. On loue à bride
abattue M. de Schomberg on lui fait
crédit d'\A,'e victoire, en cas qu'il eût
combattu, & cela produit tout le mê-
me effet. La bonne opinion qu'on a
de ce Général, est fondée sur tant de
bonnes batailles gagnées, qu'on peut

:
fort bien croire qu'il auroit encore
gagné celle-ci M. le Prince ne met

,
personne dans son estime à côté de
lui. Pour ma fanté ma chère enfant,

;
elle est comme vous la pouvez fou-
haiter & quand Brancas dit que je
n'y fonge pas, c'est qu'il voudroit que
j'eusse commencé dès le mois de Juil-
let à mettre mes mains dans la ven-
dange : mais je m'en vais faire tous

:
les remèdes que je vous ait dits, afin
de prévenir l'hiver j'irai un moment
à Paris pour voir la cassette de M. de
la Garde. J'ai vu en détail,mais je
veux voir le tout ensemble. Adieu,
ma très-aimable, voilà ma compagnie
qui me fait un sabbat horrible. Je
m'en vais donc faire mon paquet.
LETTRE LI.
ALAMEME.
A Paris , cher Madame
4.Septembre.
Vendredi
d'Escars,
1 11
167$.

J 'A 1 ,
arrivée ici à deux heures; m'y
,
dîné à Li vri ma fille je fuis

;
voila, entourée de tous nos beaux
habits
:
le linge me paroît parfaite-
ment beau & bien choisi en un mot,
je fuis contente de tout, & je crois
que vous le

;
ont très-bien réussi. En vérité ,
ferez aussi ; nos étoffes
j'ai

comme le Médecir. de Molière


s'essuyois le front pour avoir rendu
,
bien eu de la peine je fuis justement,
qui

la parole à une fille qui n'étoit point

;
muette. Mais on ne peut trop remer-
cier la bonne d'Escars elle étoit toute
malade, &cependant elles'est appli-
quée avec un foin extrême à faire
cette commission: je n'ai pas voulu;

les yeux. Je vous écris ;


que tout partît fans y jetter au moins
& fans voir
qui que ce foit, je m'en retourne:
;
souper à Livri avec Madame de Cou-
langes & le bien bon j'y ferai à sept
heures, je n'ai jamais rien vu de plus
joli que cette proximité. Je reçois un
biHet de d'Hacqueville qui me croit
à Livri ; il veut que j'aille à Vichi;
,
mais je craindrois de nie trop échauf-
fer je n'en ai nul besoin. Je m'en

;
vais guérir paifiblenient mes mains
pendant ces vendanges je reçois ces
marques de son amitié avec plaisir,
niais je ne veux point lui obéir : j'ai
bien des auteurs graves de mon parti;
& ce qui vaut mieux que tout, c'est
que je me porje bien.
Quanto n'a point été un jour à la

;
Comédie, ni joué deux jours. On veut
tout expliquer on trouve toutes les
,
Dames belles,c'est qu'on eil trop fin:
la belle des belles est gaie c'efi un
bon témoignage. Madame de Main-
tenon est revenue; elle promet à Ma-
dame de Coulanges un voyage pour

;
"Ile toute feule, cette espérance ne lui
fait pas tourner la tête elle l'attend
fort patiemment à Livri : elle a mille
complaisances pour moi. Le Maré-
chal d'Albret se meurt. Le d'Hac-
queville voua dira les nouvelles do
Gazette, & comme nous avons pris
du canon & de la poudre.
,
La Mitte n'a point de ramier au
moins de la grande volée. Sçavez-
vous bien qu'elle est alfez fote , cela
n'attire point les chalans. M. de Mar-
fillac est allé en Poitou avec Gour-
;
ville M. de la R. F. va les trou-
ver, c'est un voyage d'un mois. Mais,
ma fille, commencez un peu à me
parler du vôtre ; n'êtes-vous pas tou-
jours dans ledessein de partir de votre
côté, quand votre mari partira du
fien ? C'est cette avance qui fait toute

,
votre commodité & toute ma joie.
J'approuve vos bains ils vous empê-
chent d'être pulvérisées rafraîchissez-
vous, & apportez-nous toute votre
fanté.
LETTRE LII.
A LA AIE A
mE.
1676. A Paris, Mardi au foir 8 Septembre,
J EJe couche à Paris, ma très-chère.
fuis venue ce matin dîner chez

adieu;
Madame de Villars, pour lui dire
,
il n'y a plus de raillerie elle
s'en va Jeudi,& quoiqu'elle ait fort
envie de sçavoir le petitmotquevou)
avez à lui dire, elle ne vous atten-
dra. point. Elle n'attend pas même
que cette Lieutenance de Languedoc
foit donnée, quoiqu'on dise qu'elle y
a très-bonne part. Elle s'en va trou-
ver son mari, & jouer son personnage
dans une autre Cour. Madame de
Saint-Geran (r) paroît triste de cette
réparation ; elle demeure accompa-
gnée de sa vertu, & foûtenua de sa
bonne réputation. La moitié du mon.

:
de croit qu'elle ne fera pas difficile à
consoler pour moi, je pense qu'elle
(r) Françoise-Madeleine-Claude de Wa-
tignies, Co.mcue de Saint-Geran.
regréte de bonne foi une si douce 6c
si agréable compagnie. Madame de

:
Villars m'a chargée de mille & mille
tendresses pour vous je regréte fort

;
cette maison. Ma dame de Coulanges
étoitavec moi elle reviendra à Livri,
dès qu'elle aura été à Châville pour
une affaire. Je ne fuis point en peine
du séjour qu'elle fait à Livri

,
cnmplaifance n'y a nulle part ; ,
efl ravie d'y être elle est d'une bon-
la
elle

ne société ; nous sommes fort loin de

,
nous ennuyer. Corbinelli y est fou-
vent Brancas Coulanges, & mille
,
autres qui vont & viennent. Nous
trouvames l'autre jour au bout du pe-
tit pontl'Abbé de Grignan&l'Abbé
de Saint- Luc. Je m'en retournerai
demain dès le matin dans ma forêt.
Corbinelli a trouvé mon petit Mé-
decin très-luibile ; la poudre du bon
homme m'a fait beaucoup de bien je
m'en vais prendre tous les matins
;
une pilule pendant quelques jours,
pour empêcher les férofitez qui s'a-
masserent l'année patTée sur mon pau-
vre corps, le remède est spécifique;
& puis, je mettrai mes mains en plei-
ne vendange, & ne cesserai point les,
remèdes quelles ne soient guiries,
ou qu'elles ne dirent qu'elles ne veu-
-
lent pas.Je me porte très-bien du reste,
& mes petits voyages de Paris me

;
font un plaisir plutôt qu'une fatigue.
Je ne prends point le serein & pour
,
la Lune, je ferme les yeux en partant
devant le jardin pour éviter la ten-
tation del demonio, Enfin, vous me
,,
persuadez si bien que ma fanté elt
une de vos principales affaires que
dans cette vue je la conferve & la

:
ménage comme une chose que vous
aimez & qui est à vous soyez per«
fuadée que je ous en rendrai un très.
bon compte. Mon fils me mande que
les frères de Ripert ont fait des pro-
diges de valeur à la défense de AbC.
trich; j'en fais mes complimens au
Doyen & à Ripert.

Mercredi matin.

;
Je n'ai pas trop bien dormi mais
je me porte bien, &je m'en retourne
feule dans ma forêt avec une impa-
tience & une espérance devousvoir,
qui font continuellement les deux
points de mon difeours,c'est-à-dire,
;
de ma rêverie car je sçais comme
il faut ménager aux autres ce que
nous avons dans la tête.

LETTRE LIII.
A LAMÊME.
A Livri, Vendredi 11 Septembre. 167*,
VIOus me parlez bien plaifam-
ment de notre Coadjuteur. Vous
avez donc repris les libertez dont
nous usions l'année que j'étois à Gri.
gnan; quel tourment nous lui faisions
sur ces contes, que M. de Grignan
pouvoit
disoit que le Coadjuteursans craintepor-
ter hardiment par-tout de
la Gabelle! Je n'ai jamais vu personne
entendre si parfaitement la raillerie.
*
, , ,
Nous pensons que M. de V** ne
l'entend pas si bien lui qui à ce
que dit Madame Cornuel (s), a mis un
, Il ;
bon SuiJJedsa porte c'est qu'on allure
U'il a donné une belle maladie à sa
femme. yeut l'autre jourune vieille
( s Madame Coinurl s'étoit fait une
) rh
fUtatioB par les >on$ mots,
s
très-décrépite qui se présenta au dîner
du Roi, elle faisoit frayeur. Mon-

, :
6 1 Eu R la repoussa, & lui demanda
!
ce qu'elle voulait hélas Monsieur,
lui dit-elle je voudrois bien prier le
Roi de me faire parler à M. de ouvois.
;
Le Roi lui dit tenes voilà M. de
,
Rheims qui le peut mieux que moi. Cela
réjouït fort tout le monde. Nan-
teuil (t) d'un autre côté prioit Sa
Majesté de faire commànder à M. de
Calvo de Ce lailfer peindre. Il fait
un cabinet, où vous voyez bien qu'il
veut lui donner place. Tout ce que
vous avez penosé de Maftrich, est arri-
vé , comme l'accomplissement d'une
prophétie.
M. Le Roi donna hier matin
a de Roquelaure le Gouverne-
ment de Guyenne:voilà une longue
patience récompensée par un admira-
ble présent.
Tout le monde croit que l'étoile
de Quatuo pâlit. Il y a des larmes,

;
des chagrins, des gaietez affectées,
des bouderies enfin, ma chère, tout
finit. On regarde, on observe, on
juge, on dsvine, on croit voir des
( t) Homme célèbrepourlesportraitsen
pastel, & pour la gravure.
rayons de lumière sur des visages,
l'on trouvoit indignes, il y a un
que
mois, d'être comparez aux autres
on joue fort gaiement, quoique la
:
,; ,
belle garde sa chambre. Les uns trem-
blent, les autres rient, les uns fou-
haitent l'immutabilité les autres un
changement de théâtre enfin voici
le temps d'une crise digne d'atten-
tion, s'il en faut croire les plus fins.
)
La petite de Rochefort (u fera ma-
riée au premier jour à Ton coufin de
Nangis, elle a douze ans. Si elle a

;
bientôtun enfant, Madame la Chan-
celière pourra dire ma fille, allez
dire à votre fille, que la fille de sa
fille crie. Madame de Rochefort (x)
est cachée dans un Couvent pendant
cette noce, & paroît toujours incon-
solable.

;
Vous sçavez que je revins ici Mer-
credi matin je me trouve ravie d'y
être toute feule, je me promène, j'ai
des livres, j'ai de l'ouvrage, j'ai l'E-

( u) Elle étoit arrière-pecite-fille 4e Ma-


dame la Chancelière Seguier.
(x) Madeleine de Laval-Bois-Dauphin,
veuve du Maréchal de Rochcfoit, mon le
Jo" Mai H76.
glise;
la enfin,
j'en demande pardon à
compagnie qui me doit revenir, je
me paste d'elle à merveilles. Mon
, ,
Abbé est demeuré à Parispour par-
ler au vôtre & le prier de donner
à M. Colbert la lettre que lui écrit
Si
M. l'Abbé Têtu avant que de partir.
de Grignan
étoit ici, je me ferois
menerenl'absence del'Abbé deGri-
:
gnan , mais il est en Touraine il est
vrai qu'il aime fort à n'avoir ni com-
pagnon ni maître dans les maisons
qu
dantil honore de Ton efiime. Cepen-
trouvez-vous qu'il n'ait ni l'un
ni l'autre chez notre petite amie (y) ? m
Je lui dis tous les jours qu'il faut que
extrême ,
le goût qu'il a pour elle, foit bien
puifqu'il lui fait avaler &

leuvres;
l'été & l'hiver toutes fortes de cou-
car les inquiétudes de la
canicule ne font pas moins désaTrou-
bles que la présence du carnaval ;
ainsi, toute l'année efl une souffrance.
On prétend que cette amie (f) de
l'amie n'est plus ce qu'elle étoit, &
qu'il ne faut plus campter sur aucune
bonne tête, puisque celle-làn'a pas
(y) Madame de Coulanges.
(tJ Madame de Moinicnon.
soûtenu
Toutenu le tourbillon de ce bon pays.
La vôtre est bien admirable de sOlt-
tenir votre bife avec tant de raison
,
& même avec tant de gaieté. Quand

,
je vous vois gaie, comme on le voit
fort bien dans les lettres je partage

meur: ;
avec vous cette belle & bonne hu-
vous croyez
!
quelquefois
dire des folies hé, mon Dieu c'est
me
bien moi, qui en dis fans cesse, &
j'en devrois être bien honteuse, moi,
qui dois être fage par tant de rai Cons.
Il est vrai que je ne pouvois deviner
que vous eussiez appellé la Garde,
:
votrepetit
bonne
cœur; cette vision est fort
mais je meurs de peur que ce
ne foit un présage, & qu'il ne foit
bientôt appellé de ce doux nom, bon
jeu bon argent. J'espère bien que
,
vous me manderez le détail de cette
noce si long-temps attendue. Je fuis
étonnée qu'il puisse garder si long-
:
temps cette pensée dans sa tête c'elt
une étrange perspective pour quel-

semble que vous songez à moi


,;
qu'un qui pourroit bien s'en patTer.
Quand vous dites des folies il me
nous
avons fort ri à Grignan.Vous me dé-
peignez très-bien l'Abbé de la Ver-
;a
gne je meurs d'envie de le voir
il n'y personne, dont j'ayeentendu
;
de si bonnes louanges. Vous ai-je
mandé que Pénautier prenoit l'air

,
dans Ca prison ? il voit tous Ces parens
& amis & paffe les jours à admirer

monde :
les injuflices que l'on fait dans le
nous l'admirons, comme lui.
Madame de Coulantes me mande
qu'elle ne reviendra de quatre ou
cinq jours, dont elle est au défef-
poir ; qu'il faut qu'elle faITe des pas
pour une Intendance qui est vacante ;
qu'elle doit parler au Roi, & à M. Col-
:
bert, qui pis est je lui conseille de
prier Sa Majeflé, comme la vieille
femme (a
;
) ,
de la faire parler à
M. Colbert & je la prie de n'être

,
ni sourde ni aveugle en ce pays-là,
ni muette quand elle reviendra ici.
Elle me mande, & d'autres aussi, que
Madame de Soubise ell partie pour
aller à Lorges ; ce voyage fait grand
honneur à sa vertu. On dit qu'il y a
eu un bon raccommodement, peut-
être trop bon. M. le Maréchal dAl-
bret a laissé cent mille francs à Ma-
dame de Rohan, cela fent bien la
la
(«) Voyez page 178.
reffitution. Mon fils me mande que

approche
;
les ennemis ont été long-temps fort

, ;
près de nous M. de Schoniberg s'est
ils se font reculez il s'est

&
, ;
encore approcht, ils se font encore
reculez: enfin ils font à six lieuesr
bientôt à douze je n'ai jamais-
de si bons ennemis, Je les aime ten-
vu
; belle
fer des mots:
drement voyez la chose d'abu-
je n'ai point d'autre'
manière pour vous dire que je vous:
aime que celle dont je me fers pour
,
les confédérez..

LETTRE LIV.
Ê
A LA M ME.
A Livri,Mercredi 16 Septembre. 1674
A Quoi ,
d'être
du bon homme ,
pen fez-vous, ma fille
en peine de cette poudre
que j'ai priseselle
m'a fait des merveilles de tous les*
cotez, & quatre heures après je ne:
pas. Ce remède terrible:
m'en sens le
pour tout monde, tft tellement:
tpprivoifé avec moi, & nous avon"
li bien fait connoissance en Bretagne
*
que nous ne cessons de nous donner
des marques d'amitié & de confian-
, :
ce lui par deF effets, & moi par des
fiaroles mais la reconnoissance est
le fondement de tout ce beau pro-
cédé.Nesoyez point en peine de

, ,
mon séjour à Livri, je m'y trouve
parfaitement bien j'y vis à ma mo-
de
,
je me promène beaucoup, je lis,
je n'ai rien à faire & fans être pares-
feufe de profession personne n'est
,
plus touchée que moi du far menu
des Italiens. Je n'en fuis tirée à Paris
que par des raisons qui me semblent
dignes d'être au-dessus de cett fan-
;
taisie &sije pouvois manquer à tout
fans inquiétude, je ne ferois pas plus
de chemin que Madame de la Fayette.
Je ne m'expose point au serein , je
laisse aller Madame de Coulanges
& Corbinelli m'entretient fort vo-
;
lontiers car il est bien plus délicat
,
que moi. Anionio me fait prendre
tous les matins une pilule très-ap-
prouvéeavecunbouillon de bétoine;
cela purge le cerveau avec une dou-

:
ceur très-salutaire, c'est précisément
ce qu'il me faut j'en prendrai huit
jours, & puis la vendange. Enfin , je
ne pense qu'à ma fanté & c'efi ce
,
qui s'appelle
sucre présentement mettre du
tur du macaron. Nesoyez donc
point en peine de moi & ne vous
,
occupez que de me donner le grand
& le dernier remède que vous m'avez
promis, par votre très-aimable pré-
fence.
Tout le monde
, meurt aux Ro-
se
chers & à Vitré de la dissenterie &

;
des fièvres pourprées. Deux de mes
ouvriers ont péri j'ai tremblé pour
Pilois ; les meûniers, les métayers,
tout a été attaqué de ces cruelles
maladies. Comme vous êtes au-dessus
du vent, j'espère que vous ne ferez

;
point exposée à ces grossières va-
peurs tout est fain ici ; l'idée que
vous en avez , n'est pas juste. La
Mousse est en Poitou avec Madame
de Sanzei. Il est vrai que lui & Cor-
binelli font trop d'accord pour diver-
tir les spectateurs. Corbinelli vous

branche :
croit aussi habile que le Père Male-

,
vous pouvez vous humilier
tant qu'il vous plaira vous Jerez
exaltée malgré vous. C'efi le livre
du petit Marquis que je lis.; j'ai auRi
celui de M. dAndilli , qui est admi-
;je lis lefchifme d' A ngleterre,
rable

,
dont je fuis extrêmement contente
& par-dessus tout cela desLivres de
;
furie du Père Bouhours & de Ména-
ge, qui s'arrachent les yeux, & qui
nous divertissent. Ils se disent leurs
véritez, & souvent ce font des inju-
res : il y a aussi des remarques sur la
Langue Françoise, qui font fort bon-
nes ; vous ne fçauriez croire comme
cette guerre est plaisante. J'admire
que le Jésuite le livre, comme il fait,
ayant nos Frères pour auditeurs (b ),
qui tout d'un coup le releveront de

;
sentinelle,au moment qu'il y pensera
le moins c'est de son côté que le ri-
dicule penche. Le Père Prieur nous
fait une très-bonne compagnie ilest
admirable pour tout cela. Ah
!
,
,
ma
fille que vous auriez bien fait votre
profit d'un Père le Boflu (c) qui étoit
hier ici ! c'est le plus sçavant homme
qu'il estpossible & Janséniste(d),
,
( b ) Messieurs de Port-Royal.
( e )
René le Boflu Chanoine régulier le
,
Sainte Geneviève Auteur d'un excellent
,
coniormitédu
Traité sur le Poëme Epique.
Çd) Cette avec
de en perfection j
c'est-à-dire, Cartésien
il est mitigé sur certaires choses..
à
Je pris un plaisir sensible l'entendre

par les bons chemins ;


parler; le Père Prieur le conduifoir
mais je pensois
tou jours à vous, & je me trouvois
indigne d'une converfatinn dont vous
eussiez si bien profité, & dont vous
êtes très-digne. Corbinelli adore ce
Père, il l'a été voira SainteGéne-
;
viéve & quand il fera ici, nous les
ferons retrouver enfemhle. Madame

le bien bon est à Paris ;


de Coulanges est encore à Versailles
je fuis
;
feule
;
ici, & je ne fuis point feule, dont je
fuis quasi fâchée car je m'y trouve-
rois fort bien. Monsieur & Madame

,
de Mêmes font ici. Monsieur de Ri-

,
chelieu Madame de Toifi & une
,
petite fille qui chante vinrent dîner

;
chez eux avant-hier ; j'y allai l'après-

,
dînee nous y lûmes une relation dé-
taillée du siége de Maftrich qui est
en vérité une très-belle chose : les.
k Cartésien, est relative à l'Arrêt burlesque
de Despréaux pour le maintien de la doc-
,
trine d'Aiiftote contre la raison. PO)", Mt.
Jlrrh dansles Otuvresd* Dt/prisu*,.
frères de Ripert y font très-bien
marquez. Madame de Soubise est
partie avec beaucoup de chagrin,
craignant bien qu'on ne lui pardonne
pas l'ombre feulement de sa fusée;
ce fut une grande boucle tirée, lors-
que l'on y pensoit le moins, qui mit
l'alarme au camp. Je vous en dirai
davantage, quand j'aurai vu Sylphide.
Amonio ne me chasse point encore
d'ici, il y fait trop beau, & je m'en
vais y guérir mes mains. Je ne lui dis
jamais un mot d'Italien, mais aufliil
ne m'enditpas un de François;voilà
ce que nous aimons. Il y a bien des
;
intrigues à Chelles pour lui je crois
qu'il n'y fera pas vieux os tout est
,
révolté. Madame le soûtient, les jeu-
nes le haïssent, les vieilles l'approu-
vent, les Confesseurs font envieux,
iionomie:
le Visiteur le condamne sur sa phy-
il y a bien des folies à dire
sur tout cela.Mais parlons de Philis-

;
bourg, on commence à croire qu'il
ce fera point pris il n'est déja plus
que bloqué. Les troupes ennemies
font dccampéespour aller prier hum-
blement AL de Luxembourg de Je
retirer
,
retirer duBrisgaw (t), dis-je bien?
qui cft une Province qu'il désole, &
que l'Empereur eftirne plus que la

au bonheur du ;
prise de Philifbourg. Tout contribue
Roi aussi, quand j'ai
peur pour mon fils, c'est par la raison
qu'on fait quelquefois des pertes par-
ticulières dans les victoires publi-
:
ques mais de la barque entière, je
n'en tremblerai jamais. Je fuis bien
plus en peine de celle qui conduit les
ballotsae notre Cardinal, qui par son
malheur fait toujours tout échouer:

,
vous en avez un coin dans votre for-
tune auftt-bien qu'un quartier dans
vos armes. Je pensetrop souvent à

que d'en être occupé ;


vos affaires ; j'adore M. l'Archevê-
car encore est-
ce quelque chose : mais quand per-
sonne n'y pensera plus, que devien-
dra cette barque ? c'est bien à celle-

fort que Mazargues fût vendu ,


là que je prends intérêt. Je voudrois

lapermiflion de Mademoiselle de Ma-


avec

zargues. Je verrai les desseins de ce


;
Marquis de Livourne, cela ne coûte
rien & pour les graces du Roi, il
) Paysd'Allemagne entre le Rhin & la
(o
Forêtnoire.
-
faut toujours les espérer quand
, on
les mérite toujours, comme M. de
Grignan. Voyez M. de Roquelaure,
,
c'est un bel exemple de patience nul
Courti fan n'avoit plus de sujet de se
plaindre que lui. J'irois bien plutôt

vêque,
en Provence pour voir M. l'Arche-
que pour voir votre Prieur
!
qui guérit de tous maux. Ah que
j'en veux aux Médecins quelle for.
!
,
fanterie que leur art On me contoit

, ;
hier cette Comédie du Malade ima-
ginaire que je n'ai point vue ilétoit

; ,
donc dans l'obéïssance exaéte à ces
Messieurs il comptoit tout c'étoit

;
seize gouttes d'un elixir dans treize

,, ;
cuillerées d'eau
quatorze
s'il y en eut eu
tout étoit perdu. Il prend
une pilule on lui a dit de se pro-

en peine ,
mener dans sa chambre mais il cft
& demeure tout court,

;
parce qu'il a oublié si c'efi en long
ou en large cela me fit fort rire &
l'on applique cette folie à tout mi.
;
ment.
Ce que vous me dites des richesses
du Grand Maître, est plaisant. Fiât
à Dieu qu'il donnât une pension à
Corbinçlli, & qu'il la voulût pren-
drel car c'est un étrange Philosophe.
Quand je verrai Madame de Schom-
berg je lui dirai tout le bien que
,
vous me dites de l'Abbé de la Ver-

a devenir Chrétienne
Catholique.
,
gne, elle en fera ravie; & je lui ap-
prendrai aussi qu'il y a plus d'affaires
qu'à se faire

J'ai une grande envie que vous


ayiez reçu la cadette, & que vous
:
me mandiez si vous l'approuvez

toujours
comme
?la Brinvilliers
Dieu me pardonne c'est,
<?:
pourquoi ce mariage se recule-t-il

qui est huit

Ah
, mon Dieu !,
mois dans la pensée de tuer son père.
brûlez prompte-
ment cette lettre & faites mes com-
plimens & amitiez à tous les Gri-
gnans, & à nos amis d'Aix. Je fais
un ingrat de Roquefante à force de
l'aimer&de l'efiimer.
LETTRE LV.
A LAM E
M E.
-.-
1676. A Livri, Vendredi 18Septembre.
L A pauvre Madame de Coulanges
a une gro(T~ fièvre avec des re-
~doublemens ; le frisson lui prit à Ver-
failles, c'est demain le quatrième jour;

elle est d'une considération ,


elle a été saignée ; & si cela dure,

, & dans
un lieu qui ne permettent pas qu'on
lui laifleune goutte de fang. Sa petite

:
poitrine est fort offenfce de cette
fièvre, & moi encore plus je ne puis
songer à tout ce qu'elle m'a mandé
sur la douleur qu'elle a de ne point

;
revenir ici, fans en être forttouchée.
Je m'en vais demain la voir il faut
que je fois ici Dimanche pour com-
mencer ma vendange. Vous allez être
bien contente par le temps que je vais
donner à l'espérance de guérir mes
mains, Corbinelli m'a renvoyé la
lettre que vous lui écrivez, vraiment
ç'est la plus agréable chose qu'on
puisse voir: je la veux montrera mon
Père le Boflu (f),c'est mon Male-
) ;
branche (g ; il fera ravi de voir vo-

répondra , ;,
tre esprit dans cette lettre il vous
s'il le peut car quand il
ne trouve point de raisons il ne met
point de paroles à la place. Je fuis
assurée que vous aimeriez la naïveté
& la clarté de son esprit ; ileft neveu

belle femme :
de ce M. de la Lane qui avoit une si
le Cardinal de Retz
vous a parlé vingt fois de sa divine
beauté. Il est neveu de ce grand Abbé

a de l'esprit
,
,
de la Lane Janfénifie : toute sa race
& lui plus que tous
enfin, il est cousin de ce petit la Lane
;
qui danse. Voyez un peu où je me
fuis engagée, cela étoit bien nécer-

;;
faire. Le feuillet de politique à Cor-
binelli, ert excellent pourcelui- là,
il ^'entend tout feul je ne le consul-
terai à perlonne. Le Maréchal de
(f) Voyez U lettre du 16 Septembre, page
x8s.
(g ) Nicoias Malebranche , Prêtre de 1'0-
Mtoire A'Item delaRecherche de lA Vérité,
,
&de plusieurs Ouvrages très-estimez. Il fut
un des meilleursEcriva:ns, & des plus grands
Philosophes de son temps. VDJU.si" éloge par
M.de Fontenelle. Hist. de l'Acad des Scienc.
garde des ennemis ;
Schomberg a donné sur 1arrière-
il auroit tout

;
défait, s'il les avoit suivis avec plus
de troupes quarante Dragons y ont

;
péri en Héros; un d'Aigremont tué
,
sur la place le fils de Buflt, qui vou-

;
loit aller par-delà Paradis prison-
nier le Comte de Vaux toujours des
premiers; mais le reste de l'A rmée
étoit dans l'inaétion, & cinq cent che-
vaux firent tout ce vacarme. On dit
que c'est dommage que le détache-
ment n'ait pas été plus fort: je trouve
à tout moment que le plus juste s'a-
bufe. Le bien bon même a trouvé quel-
quefois de l'erreur dans son calcul ;
,
il vous embrasse de tout son eœur
& moi je pense. mille fois le jour
;
à la joie que j'aurai de vous avoir.
LETTRELVI.
1

N0 ,
A LAMEME.
A Livri, Lundi21
N
Septembre.

ma fille, ce n'est point


-
1675.

pour vous épargner la fatigue


d'un voyage au mois de Décembre,
que je vous prie de venir au mois
d'Octobre, c'est pour vous voir deux
mois plutôt. J'ai pris assezsurmoi de

: ,
n'avoir pas usé du droit que vous
m'aviez donné de vous faire venir
cet été il faut me payer de cette
complaisance, & fans pouffer l'i rré-

mes
,
solution par-delà toutes les bornes,

demeurées d'accord,
vous partirez comme nous en fom-
dans le
temps que M. de Grignan ira à son

vous ferai obligée,


Alfeinblée : c'est de ce temps que je
parce que je le
,
compterai pour moi. Voilà ce que
mon amitié espère de la vôtre je n'en

n'en soyez point en peine ;


dirai pas davantage. Pour ma fanté,
je mets
les mains deux fois le jour dans le
;
marc de la vendange ;, cela m'entête
un peu mais je crois sur la parofe
de tout le monde que je m'en trou-
,
verai bien. Si je fuis trompée, Vichi
reviendra sur le tapis; en attendant,
je fais tout ce qu'on veut, & me pro-
mène en long & en large avec une
obéïssance merveilleuCe. Je ne pouf-

;
ferai point ce séjour-ci plus loin que
le beau temps je ne tiens à rien, &
je ne ferai point une gageure d'yef-
fuyer les brouillardsd'Octobre. Vous
ai-je mandé que Segrais(h) est marié
?
à une cousine très-riche Elle n'a pas
voulu des gens proportionnez à ses
richesses disant qu'ils la méprise-
,
roient, & qu'elle aimoit mieux son
cou fin.
,
Vous ne voulez pas que je vous
écrive de grandes lettres pourquoi
donc ? c'est la chore du monde qui
m'est la plus agréable, quand je ne
vous vois point. Vous me menacez
de me les renvoyer fans les lire ,
;
j'aurois grand regret d'en payer le
port elles font pleines de tant de
bagatelles, que j'ai quelquefois re-
(h) Jean Renaud de Segrais , de l'Aca-
demie Franioife.
gret que vous le payiez vous-même
maispourm'ôter cette peine, venez,
:
venez me voir, venez m'ôter la plu-
mains,
me des venez me gouverner,
me reprocher tous mes morceaux
voilà le moyen d'empêcher tous mes
:
volumes, & de me donner une par-
faite fanté.

étonnée;
Philifbourg est enfin pris, j'en fuis
je ne croyois pas que nos
ennemis fçuffent prendre une Ville;

,,
j'ai demandé d'abord qui avoit pris
celle-ci & si ce n'étoit pas nous
mais non c'est eux.
;
LETTRELVII.
A LAMEME.
A Paris,Vendredi 2j Septembre. 1676.
ChezMadame DECOULANGES.

E N vérité,
petite femme bien malade:
ma fille, voici une pau-
vre
c'est le onzième de son mal, qui lui
prit à Châville en revenant de Ver-
tailles. Madame le Tellier fut frap-.
,
pée en même temps qu'elle, & revint
en diligence

;; ,
à Paris où elle reçut
hier le Viatique. Beaujeu, la Demoi-
felle de Madame de Coulanges
frappée du même trait elle a tou-
jours suivi saMaîtresse pasunremè-
fut

la
de n'a été ordonné dans chambre,

; ;
qui ne l'ait été dans la garderobe ; un
lavement, un lavement une saignée,

Seigneur; ,
une saignée Notre-Seigneur, Notre-
tous les redoublemens,
tous les délires tout étoit pareil:
mais Dieu veuille que cette commu-
nauté se sépare. On vient de donner
l'Extrême-Onction à Beaujeu, &
elle ne passera pas la nuit. Nous crai-
gnons demain le redoublement de
Madame de Coulanges, parce que
c'est celui qui figure avec celui qui
emporte cette pauvre fille. Il faut
avouer que c'est une terrible maladie
j'ai vu de quelle façon les Médecins
:
font saigner rudement une pauvre
personne ; mais sçachant que je n'ai
point de vei nes je déclarai hier au
,
Premier Président de la Cour des
Aides, que sije fuis jamaisen danger
de mourir,.je le prierai de m'amener
M. Sanguin dès le commencement;
j'y fuis très-résolue. Il n'y a qu'à
voir ces Messieurs pour ne vouloir

:
jamais les mettre en possession de son
corps c'est de l'arrière-main qu'ils
ont tué Heaujeu. J'ai pensé vingt fois
à Molière, depuis que je vois tout
ceci. J'espère cependant que cette
pauvre femmeéchapera,malgré leurs
tranquille ,
mauvais traitemens : elle est assez
& dans un repos qui lui
donnera la force de soûtenir le redou-
blement de çette nuit.
J'ai vuMadame de Saint-Geran
elle n'eH nullement déconfortée ; sa
,
maison fera toujours un réduit cet
:
hiver M. de Grignan y passera ses

;
soirées amoureusement. Elle s'en va
àVersailles comme les autres je vous
assure qu'elle prétend jouïr de ses
épargnes, &vivresur sa réputatioo
acquise ; de long-temps elle n'aura
épuisé ce fonds. Ellevous fait mille
amitiez, elle est engraissée, elle est
fort bien. Vous me mandez des mer-
veilles de l'amitié de Roquefante, je
n'en fuis nullementsurprise, connois-
;
fant son cœur comme je fais il mé-
rite par bien des raisons la distinction
& l'amitié que vous avez pour lui. Je
,
me porte fort bien, je fuis ravie de
; ,
n'avoir point vendangé je ferai les
autres remèdes & quand cette pau-
vre petite femme fera mieux j'irai
me reposer quelques jours encore à
, ;
Livri. Brancas est arrivé cette nuit à
pied à cheval en charette il est

: ,
pâmé au pied du lit de cette pauvre
malade nulle amitié ne paroît devant
la sienne. Celle que j'ai pour vous,
ne me paroît pas petite.

prendront
,
* J'ai trouvé à Paris une affaire ré..

:
pandue par-tout qui vous paroîtra

;
fort ridicule bien e des gens vous l'ap-
mais il me semble ,que
vous voyez plus clair dans mes let-
tres. Il y avoit à la Cour une manière
d'Agent du Roi de Pologne (i), qui
,
marchandoit toutes les plus belles
terres pour son Maître. Enfin il s'é-

,
toit arrêté à celle de Rieux en Bre-
tagne dont il avoit Igné le contrat
a
Duché ,
à cinq cent mille livres. Cet Agent
demandé qu'on fît de cette terre un
le nom en blanc; il y a fait
mettre les plus beaux droits, mâles &
femelles, &tout ce qu'il vous plaira.
Le Roi, & tout le monde croyoit
(i) JeanSobicski.
que e'étoit, ou pour M. d' Arquién ,
de
,,
ou pour le Marquis Béthune. Cet
Agent a donné au Roi une lettre du
Roi de Pologne qui lui nomme, de-
?
;
vinez qui Brifacier fils du Maître

,
des Comptes
excessif
il s'élevoit par un train
& des dépenses ridicules :;
on croyoit Amplement qu'il fût fou
cela n'est pas bien rare, Il s'est trouvé
que le Roi de Pologne, par je ne sçais

est originaire de Pologne ;


quelle intrigue assure que Brifacier
,
en forte
que voilà son nom allongé d'un Ski;
& lui, Polonois. Le Roi de Pologne

avoit voulu époufer sa sœur


,;
ajoute que Brifacier est son parent,
& qu'étant autrefois en France il
il a
envoyé yne clef d'or à sa mère, com-
me Dame d'honneur de la Reine. La

le Roi de Pologne ,
médisancepour sedivertir,disoit que
pour se divertir
aussi, avoit eu quelques légèresdif-
positions à ne pas haïr la mère &

toute fondée sur sa


;
que ce petit garçon étoit son filç :
mais cela n'eil point la chimère est
bonne maison de
,

a divulgué cette affaire ,


Pologne. Cependant le petit Agent

; la croyant
faite & dès que le Roi a lcu le vrai
de 1aventure, il a traité cet Agent
de fou & d'insolent, & l'a chassé de
Paris, disantque fans la contidération
du Roi de Pologne, il l'auroit fait
mettre en prison. Sa Majestéaécrit
au Roi de Pologne, & s'est plaint fra-

du Royaume
toute
la ;
ternellement de la profanation qu'il
a voulu faire de laprincipale Dignité
mais le Roi regarde
protection ijue le Roi de
Pologne a accordée à un si mince
sujet, comme une l'urprife qu'on lui
a faite, & révoque même en doute
le pouvoir de Ton Agent. Il lailfe à
la plume de M. de Pomponne toute
la liberté de s'étendre sur un si beau

:
sujet. On dit que ce petit Agent s'en:
évadé ainsi cette affaire va dormir
jusqu'au retour du courier.
LETTRE LVIII.
A LAMEME.
A Paris, Mercredi 30 Septembre. 1676.
f que Mardi; mais
J E mens, il toujours
n'et
je commence lettre,
ma
pour faire réponse aux vôtres ,
pour vous parler de Madame de Cou-
dG

langes, & je l'acheverai demain qui


fera effectivement Mercredi.

; ,
C'est le quatorze de Madame de
Coulanges les Médecins n'en répon-
dent point encore parce qu'elle a
toujours la fièvre, & que dans les rê-
veries continuelles où elle est, ils ont

pendant,
raison de craindre le tranCport. Ce-
comme les redoublemens
font moindres, il y a tout sujet de
croire que tout ira bien. On vouloit
lui faire prendre ce matin de l'éméti-
;
que mais elle avoit si peu de raison,
qu'on n'a pu lui en faire prendre que
cinq ou six mauvai ses gorgées, qui
n'ont pas fait la moitié de ce qu'on
desiroit. Jlme semble que vousavez
envie d'être en peine de moi dans l'air
de fièvre de cette maison ; je vous
assure que je me porte bien. M. de
Coulanges aime & souhaite fort ma

,
présence : je fuis dans la chambre,
dans le jardin je vais je viens, je
,
cause avec mille gens, je me promè-
,; ,
ne je ne prends point l'air de la fié.
vre enfin , ma fille n'ayez point
d'inquiétude sur ma fanté.

Chelles;
Le pauvre Amonio n'est plus à
ila fallu céder au Viiiteur
Madame ( k ) estineonfolable de cet
;
affront & pour s'en venger elle a
,

;
défendu toutes les entrées de sa mai-
son de forte que ma sœur de Biron,
mes niéces de Biron, ma sœur de la
Meilleraie, ma bette-sœur de Cofle,
tous les amis, tous les cousins, tous
les voisins, tout est chassé. Tous les
parloirs font fermez, tous les jours
maigres fontobfervez, toutes les ma-
tines font chantées fans miséricorde;

mez;
mille petits relâchemens font ré for-
& quand on se plaint, hélas je
;
fais observerla règle mais vous n'étiez
!
f
point si sévère,cejlque avaistort, je
(k) Marguerite-Guyonne
Chelles, de Cossé, Ab.
besse de V. l" pttge 18S.
m'en
m'en repens. Enfin, on peut dire quA-
monio a mis la réforme à Chelles.
Cette bagatelle vous auroit divertie ;
& en vérité, quoique vous diriezsur
cela les plus folles choses du monde,

:
je fuis persuadée de la fagefle de Ma-
mais c'est par cette raison que

;
dame
lachofeen eftplussensible. Amonio
eftchez M. de Nevers il est habillé
comme un Prince, & bon garçon au
dernier point. Il a veillé cinq ou six
nuits Madame de Coulanges; je vous
assure qu'il en sçait autant que les
autres; mais la barbe n'osoit se mon-
trer devant celle de M. Brayer. Ils
m'ont tous aflinée que la vendange
de cette année m'auroit empirée , &

,
que je fuis trop heureuse d'en avoir
été détournée. Vous me direz qui
vous avoit parlé de cette vendange f
tout le monde, & Vesou comme les
;
autres mais il s'est ravisé, & j'en
fuis bien ai ce.
Tout le monde croit que l'ami n'a
plus d'amour, & que Quanto est em.
barrassée entre les conséquences qui

,:
fuivroient le retour des faveurs. &
le danger de n'en plus faire crainte
qu'on n'en cherche ailleurs d'un
, ;
autrecôté le parti de l'amitié n'eff
point pris nettement tant de beauté
& tant d'orgueil se réduisent diffici-

,f
lement à la feconde place. Les jalou-
fies font vives mais ont-elles jamais

,
rien empêché II est certain qu'il y a

;
eu des regards des façons pour la
bonne femme mais quoique tout ce
que vous dites foit parfaitement vrai,
elle est une autre, & c'est beaucoup.
Bien des gens croyent qu'elle efl trop
bien conseillée, pour lever l'étendard

;
d'une telle perfidie avec si peu d'ap-
parence d'en jouïr long-temps elle

reur de ;
feroit précisément en bute à la fu-
Quanto elle ouvriroit le che-
min à l'infidélité, & serviroit comme

, :
d'un passage pour aller à d'autres plus
jeunes &plus ragoûtantes cependant
chacun regarde & l'on croit que le
temps découvrira quelque chose. La
; ,
bonne femme a demandé le congé de
son mari & depuis son retour elle
ne se montre ni parée, ni autrement
qu'à l'ordinaire.
Vous ai-je mandé que la bonne
Marquise d'Huxelles a la petite vé-
?
role on espère qu'elle s'en tirera;
c'est un beau miracle à nos âges.
Il
,
est Mercredi au loir. La pauvre
à moins

,
malade est hors d'affaire
d'une trahison que l'on ne doit pas
prévoir. Pour Beaujeu elle a été en

que l'on
;
vérité morte, & l'émétique l'a ref-
suscitée il n'est pas si aisé de mourir
pense.

LETTRE L X.I
Monsieur L'ABBÉ DE PONTCARRÉ
MEME.
A
A Paris , LA
Vendredi 2 Octobre. 1676.
sbles1 coutumes, anciennes
U V AN T mes
je
& loua-
me fuis rendu
ce
:
matin dans la chambre de Madame
la Marquise au moment que je lui ai
présenté ma face réjouïe elle s'est
,
bien doutée de mon defiein, & m'a
lâché cette feuille de papier; sa libé-
ralité n'est pas entière, car elle pré-
tend bien aussi s'en servir, ce que j'ap-
prouve beaucoup. Je vous dirai donc
in poche parole, Madame la Comtesse,
que nous ne fçavons encore ce que
l'on fera le reste de la campagne.
M. de Lorraine (l) demeurera-tilles
?
bras croisez ecco ilpunto. On est aussi
en peine de M. de Zell qui marche
vers la Morelle. M. de Schomberg
& marché vers Philippeville ;
doit avoir passé la Sambre dès le 27,

fera facile d'envoyer des troupes à


il lui

;
M. le Maréchal de Créqui. Vous fça-
veztous les démêlez qui font arri vez
au Conclave si cela venoit jusqu'à
l'Eminence souveraine, vous ne fe-
riez pas mal de vous transporter à
Rome, pour lui offrir votre bras;
vous en aurez le temps, s'il est vrai
que l'éleâion ne se fasse pas fi-tôt. Je
;
fus hier à la porte de Richelieu une
partie de la journée j'y trouvai les
;
Dames bien intriguées pour leurs or-
nemens de Villers-Cotterez
je puis vous dire c*e!t que l'Ange
,
ce que

fera des plus magnifiques. Je fronçai


à mon ordinaire cette dépense; mais
je fus traité de vieux rêveur & de pan-
talon. Je souffris patiemment toutes
ces injures, parce qu'il ne m'en coû-
(1) le Prince Charlrs de Lorraine venoit
de prendre Ph>!i<Kourg après quatre vingt.
dix jouis de tranchée ouverte.
toitrien. Onmauroitvolontiers
proposé quelque emprunt de pierre-
ries, je ne donnai pas dans cette idée,
ayant toujours fort condamné cette
forte de familiarité. Nous aurons ici
Lundi Madame de Verneuil, qui se
vient mettre en état de partir pour le
Languedoc. La Manierosa vient avec
elle pour demeurer quelques jours
parmi nous,ensuite elle prendra la

dame,
route de la Loire. Je fuis à vous, Ma-
avec tout le refpettque je dois,
& à Monsieur le Comte.

MadameDESÉVIGNÉcontinue.

Vous connoissez le gros Abbé, &


la joie qu'il a d'épargner son papier ;
par bonheur, je fuis encore plus aise
de lui en donner. Il lui est arrivé un
grand accident, dont il esttriste& ne
se
peut consoler, c'est qu'il a donné
à son valet de chambre un manteau
qui ne lui a servi qu'un an
,
ilcroyoit
qu'il y en eût deux, ce mécompte est
sensible ; il est fort bon là-dessus.
Pour moi, je le trouve original sur
l'œconomie comme l'Abbé de la
,
Vidoire sur l'avarice.
Cafiries(m ,: ,
Voila une nouvelle de Madame de
) qui me mande qu'O-
defcalchi est Pape vous l'aurez [çn
plutôt que nous. Enfin voilà donc
nos Cardinaux qui reviennent s'ilç ;
repassent en Provence, ce fera fi-tôt,
que vous les verrez avant que de
partir. Sçavez-vous que le petit Amo-

chemin de Rome ?
nio est présentement en poste sur le
Son oncle, c'est-
àdire, un autre que celui qui étoit
,
au défunt Pape (n) est Maître de
chambre de ce nouveau Pape (o).
Vousvoyez bien que voilà sa fortune

,
faite, & qu'il n'a plus besoin de Ma-
dame de Chelles ni île toutes ses
Nones. Il est Vendredi.ma fille,&

,
je ferois déja retournée à Livri, parce
qu'il fait divinement beau & que

,
Madame de Coulanges est hors de
tout péril & dans toute la douceur
de la convalelcence, fans que je veux

,
fravoir tantôt si M. de Pomponne a
fini ce matin notre affaire afin de

( m Elifabeih -le Bonzi feeur du Cardi-


)
nil Je ce non.
t
)
(n Clément X.
(o) ~Odescalchi,élu- Pape le
-
11 Septembre,
prit le nom d'Innocent XL
vous envoyer sa lettre ce loir.Je veux
auai le remercier, & parler à Parère ;
après cela j'aurai l'esprit en repos, lie
m'en irai demain ou Dimanche à
Livri.

;
Madame de Maintenon vint hier
voir Madame de Coulanges elle té-

,
moigna beaucoup de tendressè à cette
pauvre malade & bien de la joie de sa
réfurreftion. L'ami & l'amie avoient
été tout hier ensemble. La femme
étoit venue à Paris. On dîna ensem-
bie, en ne joua point en public. En-
fin, la joie est revenue. & tous les
airs de jalousie ont dilparu. Comme
tout change d'un moment à l'autre,
la grande femme est revenue sur l'eau;
elle est présentement aussi bien avec

;
la belle, qu'elle y étoit mal. Les hu-
meurs font adoucies & enfin, ce que

:
l'on mande aujourd'hui, n'est plus
vrai demain cest un pays bien oppo-
à l'immutabilité. Je vous conjure,
osé

ma très-chère, de ne le point imiter


far votre départ, & de songer que
nous sommes au deux d'Octobre.

;
Pour ma fanté, n'en soyez point en
peine Livri, quoi que vous en vou-
liez dire,
me va faire tous les biens du
,
Ne dites rien je vous prie à ,
monde pour le refle du beau temps.

mais je l'aime d'avoir voulu vous


T.
;
plaire m ogn; modo, en vous disant

;
qu'il m'a vue cette petite menterie
vient d'un fonds admirable ma bel-
le je ne l'ai pas vu, & ie ne pensois
,
pas même qu'il fut à Paris. Langlade
a penré mourir à Frêne de la même
maladie que Madame de Coulanges,
hors qu'il fut plus mal encore & ,
;!
,
qu'on lui donna l'Extrême-Onttion ;
Madame le Tellier payera pour tous,
elle est très-mal. Adieu ma chère
Comtesse, j'embrasse le Comte&les
jolispichons mon Dieu, quetoutceli
m'efl cher Je vous exhorte à lire le
Père leBossu, il a fait un petit Traite
de l'Art Poétique Cp), que Corbinelli
(p) On ne voir point qu'il y ait aucun rap-
port entre les deux Ouvrages dont il s'agit.
;
L'un,écrir en prose, est un Traité même affcz
étendu sur le Poëme Epique en particulier &
butte, écrit en vers, embrasse la Poësie en
général, mais d'une manièrefortabrégée,&
ans le goût de PArt Poiétiqut d'Horace ; Je
iorte que l'Ouvrage du Père le Boflu peut

~Poëtique de Dcfpiéaux ,
être cftimé & loué avec junice, fans qu'on
doive pour cela le mettre au-dessus de l'Art

d'œuvre de Poësie didactique.


qui cft un chef-
met
1
tnet cent
Despréaux.

,
vous
piques

LETTRELX.
A
Livri

comme on
dire
,
que
la
au-dessus

M à MB.
Mercredi J
decelui

J E vous écrisdit un Provence,


je
en
de

OBobre.

peu à l'avance,
revins ici
pour
Diman-
che afin d'achever le beau temps,
& de me reporer. Je m'y trouve trèS"
bien, le j'y fats une vie solitaire qui
1676.

ne me déplaît pas, quand c'est pour


peu de temps. Je vaisautfifaire quel-
ques petits remèdes à mes mains,
purement pour l'amour de vous, car
je n'ai pas beaucoup de foi ; & c'eil
toujours dans cette vue de vous plai-
re que je nie conferve. étant tres.
:
persuadée que l'heure de ma more ne
se peut ni avancer ni reculer
suis les conduites ordinaires de
maisje
la
bonne petiteprudence humaine »
croyant même que c'est parellequ'on
arrive auxordres de kt Providence :
ainsi, ma fille, je ne négligerai rien ,
puisque tout me paroît comme une
obéïssance nécessaire. Voilà qui est
bien sérieux ; mais voici la fuite de
mon séjour à Paris de près de quinze
jours : vous sçavez ce que je fis le
Vendredi, & comme j'allai chezM.
de Pomponne. Nous avons trouve,
A1. d'Hacqueville & moi, que vous
devez être contens du règlement,
puifqu'enfin le Roi veut que le Lieu-

Samedi ,
tenant foit traité comme le Gouver-
neur : voilà une grande affaire. Le
Monsieur & Madame de
Pomponne, Madame de Vins, d'Hac-
queville & l'Abbé de Feuquieres,
me vinrent prendre pour aller nous
,
promener à Conflans. Il faisoit très-
beau nous trouvames cette maison
cent fois plus belle que du temps de
M. de Richelieu. Il y a six fontaines
admirables, dont la machine tire l'eau
de la ri vière, & ne finira que lors.
qu'il n'y aura pas une goutte d'eau,

,
On pense avec plaisir à cette eau na-
turelle & pour boire, & pour Ce bai-

;
gner quand on veut. M. de Pom-
ponne étoit gai nous causames, &
nous rimes extrêmement. Avec sa
sagesse il trouvoit par-tout un air de
Cathédrale (q
,
)
qui nous réjouïssoit
beaucoup. Cette petite partie nous fit
plaisir à tous vous n'y fûtes point
oubliée. La vision de la bonne femme
à
passe vue d'oeil ; mais c'est fans croi-

re qu'il y ait plus autre chose que la


crainte qui attache à Quanto, Pour le
voyage de M. de Marfillac , gardez-
il a été fort court ;
vous bien d'y entendre aucune finette,
M. de Marfillac

;
est aussi bien que jamais auprès du
Roi il ne s'en ni amusé ni détourné
ilavoit Gourville, qui n'a pas fou-
;
vent du temps à donner; il le prome-

fleuve ,
noit par toutes ses terres comme un
qui apporte la graisle & la

,
fertilité. Quant à M. de la Roche-
foucauld il alloit comme un enfant,
,
revoir Verteuil, &les lieux où il a

pas, où il a été amoureux ;


chassé avec tant de ptaittr, je ne dis
car je ne
crois pas que ce qui s'appelle amou-
reux, il l'ait jamais été. Il revient
plus doucement que son fils,& pa(Te
en Touraine chez Madame de Valen-
tiné & chez l'Abbé d'Esfiat. Ila été
(tJ) La nunon dont il s'agit, appartient
aux Archevêques deParis.
dans une extrême peinedeMadame
deCoulanges,qui revient aflurémenr
:
de la plus grande maladie qu'on puisse
avoir
;
la fièvre ni les redoublemens
ae l'ont point encore quittée mais

le
,
parce que toute la violence & la ri-
verie en font dehors elle sepeut
vanter d'être dans bon chemin de la
convalescence.Madame de la Fayette
cft à Saint Maur, je n'y ai été qu'une
fois ; elle a sonmal de côté, qui l'a em.
pêchée d'aller chez Madame de Cou-
;
langes, dont elle étoit fort inquiétée
a
mourir à Frêne du
,
&d'allervoirLanglade,qui malpensé
même
Madame de Coulanges & a eu de
plus qu'elle l'Extrême-Onaion. En.
fin elle a été soulagée de tous les
que

,
côtez, fans avoir quitté sa place. Je
disoisl'autre jour à Madame de Cou.
langes que Beaujeu avoit eu sur elle
l'Extrême-Onction & qu'on lui
,
avoitcrié, Jesus Maria ; elle nie ré-
pondit avec une voix de l'autrecion-
de ; M/ que ne milecoioit-on t jelemé-
f
ritois autantqu'élit* Que dites-vous de
cette ambition Ecri vez au petit Cou.
langes, il a été digne de compassion ;
U perdoit tout en perdant & femme,
Ce fut une chose fort touchante,quand
elle fit écrire à M. du Gué (r) pour
lui recommander M. de Coulanges,

reconnoissant de l'avoir ruine


demandant à Alonfieur & à Madame
,
&cela par conscience & par justice,
&

du Gué cette marque de leur amitié


comme la dernière; elle leur deman.
doit pardon, & leur bénédiftion en
même temps. Je vous affure que ce
fut une scène fort tri fie. Vous écrirez
donc à ce pauvre petit homme, qui

tié en vérité ,
est parfaitement content de mon ami-
: c'est dans ces occu-
fions qu'il la faut témoigner.
Votre petit Allemand paroîtextrê-
mement adroit au bon Abbé; il est
beau comme un Ange, & doux &
honnête comme une. pucel!e. Il va
répéter son Allemand chez M. de

;;
Strasbourg. Je l'ai fort exhorté à se
rendre digne mais je vous défie de
deviner son nom quoi que vous pui f-

autrement ;
fiez dire, je vous dirai toujours, c'est
c'est qu'il s'appelle Au-
trement. N'est-ce pas là un nom bien
( r)Père de Madame de Coulanges) In-
tendant de Lyon.
propre à ouvrir lefprit a des poin.
tilleriescontinuelles ?
Madame Cornuel étoit l'autre jour
*
chez B* dont elle étoit maltrai-
tée ; elle attendoit à lui parler dans

homme ,,
une antichambre, qui étoit pleine de
laquais. Il vint une elpéce d'honnête

! ,
qui lui dit qu'elle étoit mal
dans ce lieu-là. Hélas dit-elle j'y
fuis fort bien je ne les crainspoint tant
qu'ils font laquais. Voilà ce qui a fait
éclater de rire M. de Pomponne de
ces rires que vous connoissez: je crois
que vous le trouverez fort phifant
aussi.

qu'il n'a
,
M. le Cardinal m'écrit du lende-
main qu'il a fait un Pape & m'aflu-
scrupule. Vous fça-
re
;
aucun
vez comme il a évité le sacrilége du
faux ferment les autres y doivent
trouverun grand goût, puifqu'il n'cft
pas même nécessaire. Il me mande: que

;
lePape est encore plus saint d'effet que
de nom qu'il vous a écrit de Lyon en
passant, & qu'il ne vous verra point en

;
repassant, par la même rai son des Ga-
lères, dont il est très-fâché de forte
qu'il se retrouvera dans peu de jours
chez lui, comme si de rienn'étoit.
a
Ce voyage lui fait bien de l'hon-
neur ; car il ne se peut rien ajoûter
à la conduite qu'il a tenue. On croit
même que par le bon choix du Sou-
verain Pontife, il a remis dans le
Conclave le Saint-Esprit, qui en étoit
:
exilé depuis tant d'années après cet
exemple, il n'y a point d'exilé qui
ne doive espérer.
Vous voilà donc dans la solitude;

:
c'est présentement que vous devez
craindre lesesprits je m'en vais pa-
rier que vous n'êtes plus que cent

persuadée
telle
:
perronnes dans votre Château. Je fuis
de toute Vaïmeb\l\ti de la
Rochebonne mais la confian-
ce de Corbinelli est abyfmée dans

fonnemens,
tant de philosophie, & il est si ter-
riblement attaché à lajuftelfe des rai-
que je ne vous réponds
plus de lui. Il dit que le Père le
fioflii ne répond pas bien à vos quef.
tions ; qu'il auroit tort de vouloir
vous instruire, & que vous en fça-
:
vezplus qu'eux tous vous nous en
manderez votre avis.
* Je vous ai mandé l'histoire de
Brisacier (s) ; on n'en peut riendire
jusqu'à ce que le courier de Pologne

;
foit revenu. Il est cependant hors de
Paris & de la Cour il assiége laVille,
& demeure chez ses amis aux envi-
rons. Il étoit l'autre jour à Clichi
Madame du Plessis le vint voir de
;
Frêne, pour faire les lamentations
de la rupture de Ton marché Brisa- ;
;,
cier lui dit qu'aflurcment il n'étoit
point rompu & qu'on verroit au
retour du courier s'il étoit aufli fo»i
qu'on disoit. S'il est protégé de la
Reine de Pologne ou du Roi, nous
en jugerons comme vous
M. de Buffi est arrivé
; ,
faites.
comme
j'écrivois cette lettre je lui ai fait
voir votre souvenir ; il vous dira
lui-même combien il en efi content.

;
Il m'a lu des mémoires les plus agréa-
,
bles du monde ils ne feront pas im-
primez quoiqu'ilsleméritaient bien
mieux que beaucoup d'autres choses.
* On nous vient dire que Brisacier

(
;
& sa mère, qui étoient ici près à
Gagni, ont été enlevez ce feroit
s) Cette même Iiiftoire est contée assez
au long dans les Mcmoh-ti de l'Ahùé dl
Lboiji.
un mauvais préjugé pour le Duché.
Cette nouvelle enun peu crûe, comt-
me elle est présentement à Paris
D'HacqueviUe
:
ne manquera pas de
vous l'apprendre.

; ! ,
Jereçois, ma fille votre lettre
du 30 mais quoi vous n'aviez point
reçu la mienne du 21 , elle étoit
toute propre à vous instruire ; je
décidois sur votre départ, & je vous
conjurois par pure tendresse de ne
le point différer; c'est ce que je vous
demande encore par les mêmes rai-
j
fons vous suivrez ce conseil si vous
,
avez pour moi autant d'amitié que
je vous en crois: dans cette confian-
ce, je ne me remettrai point à vous
dire combien je le souhaite, ni com-
bien six Cemaines. font à mon impa-
tience. Madame de Soubise est allée

;
voir Con mari malade en Flandre,
cela me plaît voyez la Gazette de

,
Hollande. Je vous embrasse mille
fois, ma très-chère avec une ten-
dreife fort au-dessu. de ce que je voua
en pourrois dire,
LETTRELXI.
A LA AIÊME.
1076. A Livri, Vendredi 9 Oclobre,
J Ela fuis
porte
fichée, ma très-chère,
differe lettres
que
de

;
vous mes
quelquesjours. Je connois votre ami-
tié & vos inquiétudes mais il n'y a
qu'à recourir au grand d'Hacque-
ville, pour y trouver tout le secours
que l'on peut souhaiter. Je me fuu-
viendrai toute ma vie du plaisir & de

; ,
la consolation que je trouvai aux Ro-
chers dans une de ses lettres après
que vous futes accouchée fans quoi
je n'étois pas en état de soûtenir l'ex-
cès de la douleur oùj'étois. J'espère

,
que vous aurez été contente le len-
demain, à moins qu'un laquais de
Madame de Bagnols à qui je donnai
mes lettres pour les porter à la pofle,
ne les ait jettées je ne sçais où ; il
m'en a pris quelque petite crainte.
Vous aurez vu dans cette lettre, il
vous l'avez reçue, la réponse do
M. de Grignan :
celle ou vous me parliez d'attendre
-

je vous priois de ne
point écouter cette pensée ; je vous
aflurois que celle de la faison moins
avancée, ne m'avoit point fait fou-

sienne
que
;
haiter que votre arrivée précédât la
que c'étoit l'extrême envie
j'avois de vous voir, qui me fai-

petite avance ;
foit vous conjurer de me donner cette
que je la méritois
par la feule raison de la discrétion,
de vouloir
que j'ai eue ne point vous
tirer de votre Château plutôt qu'au
départ de M. de Grignan pour YAf-
semblée (t)
tout le temps ,
; que j'avois pris sur moi
dont vous m'aviez
rendu la maîtresse ; & qu'en un mot ,
,
je vous conjurois comme je fais en-
,
core de songer à partir ce mois-ci,
comme nous en sommes demeurées
d'accord. Je crois que M. de Grignan
ne trouve rien d'injuste à tout mon
procédé. Je vous ai mandé le peu d'ar-

vienne :
gent qu'il vous faut, en attendant qu'il
je crois que votre voiture

,
doit être la litière jusqu'à Rouane
& la rivière jusqu'à Briare où vous
(
,

t) L'Assemblée des Etats de Provence,


qui se tient à Lambcfc.
trouverez mon carrosse. Voila ,
fille, l'eflentiel du contenu de ma
ma

lettre, au cas qu'elle fuit perdue.


L'Abbé Bayard me mande que j'ai

;
très-bien fait de ne point aller cette
automne à Vichi que les pluies con.
;
tinuelles ont rendu les eaux très-

,
mauvaises que Saint-Hércm & Plan.
ci qui y étoient allez exprès n'en
,
ont point pris; qu'il n'y avoitque M.

: ,;
de Charnplâtreux qui n'étoit guères
,
content enfin sa lettre m'a fait un
plaisir admirable je ne fçavois pas
trop bien d'où me venoit mon opi-
niâtreté, c'étoit justement cela. Je
fais ici un certain tripotage à mes
mains avec de la moelle de cerf éc
de l'eau de la Reine de Hongrie qui
,
me fera, dit-on, des merveilles. Ce
qui m'en fait beaucoup, c'est le temps
;
miraculeux qu'il fait ce font de ces
beaux jours de cristal de l'automne,

; : ,
qui ne font plus chauds, qui ne font
point froids enfin j'en fuis char-
mée je me tiens dehors depuis dix
heures du matin jusqu'à cinq heures

;
du foir, je n'en perds pas un mo-
ment & à cinq heures, avec une
obéïÍfance admirable, je me retire j
mais ce n'est pas fans m'humilier,
reconnoissant avec bien du déplaisir
que je fuis une misérable mortelle
& qu'une fote timidité me fait rom-
;
ancien de mes amis ,
pre avec l'aimable serein, le plus
que j'accuse
peut-être injustement de tous les
maux que j'ai eus. Je me jette dans
l'Eglise, & ie me ferme les yeux,
jusqu'à ce qu'on me vienne dire qu'il
y a des flambeaux dans ma chambre
il me faut une obscurité entière dans
:
rentre-chien& loup, comme les bois

,
ouuneEglise, ou que l'on foit trois
ou quatre à causer : enfin je me
gouverne félon vos intentions.
;
* La nouvelle de Bri sacier est tout
assurée on a découvert par de" let-

de l'amitié de notre Monarque ;


tres qu'il écrivoit au Roi de Polo-
gne , qu'il travailloit à le détourner

forte qu'il est à la Bastille, &sades-


de

tinée est encore incertaine entre la


potence & le Duché..
Pour l'A llemagne, il y auroit beau-
coup à dire. Le Général a été encore

;
un peumortifié en faisantescorterdes
convois il est obligé de se rappro-
cher de nous, pendant que ces bm-*
taux d'Allemands
repassé le Rhin , , dès qu'il aura
se mettront autour
de Brisach comme ils firent l'année
,
passée à Philifbourg: cela feroit assez
impertinent. Il y a beaucoup de divi-
finn dans cette armée, j'entends celle
de M. de Luxembourg. Je reçois un

credi à Versailles , ,
billet de d'Hacqueville qui fut Mer-
pour voir faire
& envoyer cette manière de règle-
ment pour l'Airemblée. Il faut avouer
que jamais il ne s'est vu un tel ami :
,
quand on lui recommande quelque
affaire rien n'empêche de croire que
c'est la feule qu'il ait, tant il s'en ac-
quitte ponctueiiement.

LETTRE LXII.
A LAMÊME.
1676. Commencée à Llvri,&finie à Paris
Mercredi 14. Oàobrt.

J Eplaisance,
vous remercie de
votre
de l'amitié
&
com-
que vous
metémoignez, puisque vous êtes re-
(glue de partir avant AI. de Grignan.
du consentement qu'il y donne :
Je l'embralle , & je le remercie aussi

connois la pesanteur de votre abfen-


je

ce, & je comprendsce qu'il CoutTrira;


mais c'est pour si peu de temps, qu'il
a rairon de ne me pas envier cette
fittisfachon ; sa part est toujours bien
grande au prix de la mienne. Je vous
conjure présentement de prendre un
bon conducteur pour votre voyage ;
;;ayez
j'ai de la peine à penser à l'ennui
que vous aurez je vous recommande
à Montgobert ,
des livres Se
au nom de Dieu défendez à vos mu-
letiers de prendre le chemin le plus

;
court, en allant de chez vous à Mon-
telimart qu'ils prenneot le chemin
du carroire. Ils menerer.t Madame

promptement ,
de Coulanges par celui que je vous
dis ; fans du But, qui defeendit
& soûtint la litière,
elle tomboit dans un précipice épou.
vantable ; il m'a conté cela dix fois,
& m'a fait transir. J'ai été déja ré-
veillée plus d'une fois la nuit, de la

chemin. Je vous conjure ,


crainte qu'on ne vous mène par ce
ma très-
chère, de donner ce foin à quel-
qu'un, qui ait plus d'attention à vo-
tre conservation que vousrmême. J'é-
,
crirai à Moulins à un M. Je Châte-
lain qui vous rendra mille petits
f
services ; c'et un très-bon & très-

dame de Gamaches ,-
honnête homme, qui a de l'esprit &
de la piété. Vous y verrez aussi Ma-
qui est de la
maison de Montmorin ; elle est vive,
elle est jolie femme elle ne m'a pas
quittée pendant quatre ou cinq jours

ou chez Mesdames Fouquet :


en deux fois que j'ai été à Moulins,
elle est ma première amie de Mou-
,
enfin

lins.
* M. de Seignelaieft alléen pofle
à Marseille pour une affaire de la Ma-
rine, nous ne fçavons ce que c'est.
Le Brifacier & sa mère font toujours
à la Bastille. La mère a obtenu une
le
femme pour la servir ; mais M. Duc
se déchausse lui-même.
tire
;
Votre MédecinPhilosophe de
trop loin pour tirer juste il me croit
malade, & je fuis guérie ; & je vous
assure que lesconseilsqu'on m'a don-
nez ici , font opposez aux fiens. Je
finirai ma lettre demain à Paris.
Jeudi 1).

à Saint-Maur
ai vu M. de
, la Rochefoucauld ,
Me voici donc à Paris. J'ai couché
j'y allai de Livri. J'y
&
nous avons fort caufc. Si Quanto avoit
bridé sa coëffe à Pâques de l'année
qu'elle revint à Paris, elle ne leroit

à :
pas dans l'agitation où elle est il y
avoitdubonesprit prendre ce parti;
mais la foiblefte humaine est grande
on veut ménager des refles de beauté
cette oeconomie ruine plutôt qu'elle
;,

,
n'enrichit. La bonnefemme est en Flan-
dre cela ferme la bouche. J'ai trouvé
que mes rêveries de Livri se rappor-
tent fort aux raisonnemens d'ici. Je

;
n'ai point encore vu Madame de Cou-
langes je n'irai qu'après avoir fait ce

,
piquet. On n'alTure qu'elle est très-
bien & que les épigrammes recom-
mencent à poindre. Je lui ferai vu.
amitiez, & donnerai votre lettre à
fun mari.
*Ondit que lecrime de Brisacier,
c'est d'avoir abusé de sa Charge (u) «
(n )De Secrétaire des Commandemens
de la Reine.
Pologne,,
en faisant écrire la Reine au Roi de
pour l'engager à prier le
Roi d'accorder un brevet de Duc à
son Secrétaire. Il faut que

,a ;
Brifacier
le courier de Pologne ait apporté
cette nouvelle puisqu'on a donné
des Commissaires Brifacier & vous
sçavez ce que c'est d'abuser du sceau
& du seing d'une Reine de France. Je
crains que M. le Duc Brifacurski ne

,;
foit pendu.
Je prévois que mon fils reviendra,
au lieu d'aller sur la Meuse où sa
mauvaise destinée l'envoie il a un
rhumatisme à la cuisse, qui fera bon
pour obtenir son congé. Si le beau
temps continue, j'irai encore un mo-
ment à Livri. Ma maison est toute
prête & toute rangée , c'est le prin-
cipal. Parlez-moi un peu de votre
départ, & je vous parlerai Vendredi

,
de votre voiture de Briare ou d'Or-
léans. Au reste vous jugez bien
,
qu'Amonio étant à Rome il se mo-

;
quera de Chelles, après y avoir mis
la réforme je vous ai dit que fan

veau Pape:
oncle étoit Maître de chambre du nou-
tout ce que vous me
mandez sur ce sujet, est l'étoffe de
dix épigrammes. Vous êtes la plus
plaisante créature du monde avec
toute votre fagefle & votre sérieux ;
si vous vouliez prendre foin de ma

que c'est

;
mes maux. Songez,
rate, je ferois immortelle; ils disent
de-là que font venus tous
ma très-chère,
à me venir voir je n'attendrai point
de sens froid la joie que j'aurai de
vous embrasser, & mes petits esprits
se mettront bientôt en mouvement
pour aller au-devant de vous. Adieu,
ma très-chère enfant, je vous écrirai
Vendredi. Je n'ai encore vu person-
;
ne vous sçavez comme j'aime à ra-
maÍfer des rogatons pour vous diver-
tir. Ce que je ne puis vous mander,
c'est en vérité, l'excès de l'amitié
,
que j'ai pour vous.
LETTRE LXIII.
A LAMÊME.
1676. A Paris, Vendredi 16 Oélobre.

E N vérité,sots
vu de si
ma fille, je n'aijamais
enfansque les miens;
ils font cause que je ne puis retourner
à Livri, comme j'en avois le dessein.
Je voit bien que cela vousfai. rire,
& que vouan'avez pas grande envie
de me plaindre, d'être obligée de
faire faux-bond à Livri le quinze
d'O&obre. D'HacaueviUe, Corbi-
selli, Monsieur. & Madame de Cou-
langes, vous aideront furt à approu-
ver que je ne les quitte plus. il est
,
vrai cependant que fans vous & mon
fils j'aurois continué ma solitude
avec plaisir: j'rtois là plus à moi en
un jour, que je n'y fuis ici en quin-
ze;
coup
moyens
, d'y ,
je priois Dieu, je lirois beau-
je parfois de l'autre vie & des
parvenir. Le Père Prieur
a plus d'esprit que je ne pensois,
quoique je le trouvaJie un fort bon?
<?? homme. MËn, me revoilà dans
letourbillon.
Il faut que faille voir M. Colbert
pour votre pension ; d'Hucquevitle
m'y mènera, quand ce Ministre vien-
dra à Paris, afin d'éviter le voyage
:
de Versailles voilàpour Madame;

ionmalheurl'envoie sur Meuse &


ion
;
voici pour Monsieur.Vous fçaurezque
la
bonheur fait qu'il a un rhumatis-
aie sur une cuisse & sur une hanche,
qui lui fait beaucoup de mal, &
l'empêche de se soûtenir. Il est à Char.

congé :
leville, & me aonc
il faut
prie de demander foa
voir M. de Lou-
vois, c'est une affaire. N'ai-ie pas
raison, ma belle, de me plaindre de
mes enfans, & de leur dire des in.
~e&~
M. de Coulanges vous avoit écrit
unetrèsjolie lettre femée de vers
par-ci par-là ; il vous contoit tous
les foins & toutes les inquiétudes»
qu'on a marquez à Madame de Cou-
langes dans sa maladie; & que la Mar-
quife dela Trousse, qui en étoit de-
meurée en Berri sur la nouve He de
ton extrémité, étoit feule à mourir
de peur, d'apprendre une résurrec-
).
non (x Cet endroit,quoique h
malade en ait déja ri, s'estprésenté
à son esprit avec quelque vapeur noi-
re, de forte qu'elle l'a improuve; &
en même temps, son mari a pris la
lettre & l'a chiffonnée comme un
petit enfant, & l'a jettée dans le feu.

nez , ,
Nous sommes demeurez tout éton-
& il en a fait une autre dans
Ton chagrin qui, en vérité, est plus
plate que la feuille de papier sur quoi

rable,
elle est écrite.Lavôtre étoitadmi-
nous la confidérames, comme
une pièce digne d'être gardée pour

;
s'en parer dans de pareilles occaflons.

;
M. de la Vallière est mort on lui
a fait plusieurs opérations & enfin ,
Miséricorde(y )
il s'en est allé. Sœur Louïse de la
fit supplier le Roi

,
( 1t) La Marquise de la Trousse étoit si ji-
louse du prétendu attachement de (on mari
pour Madame de Coulanges qu'on croyoit
pouvoirhasarder cette plaisanterie.
)
(y Françoise-Louïse de la a.\Ume-le-
Blanc, Duchesse de la Vallière, alors - eli-
gieufe aux Carmélites de la rue Saint jac-
ques,
de à Paris,étoit sœur de Jean-François
13 Brume-le-Blanc, Gouverneur& Grand
Sénéchal de la Province de Bourbonnois,
mort le 13 Octobre 167 f.
,
de conlerver le (iouvernement pour

donné ce Gouvernement ,
acquitter les dettes fans faire men-
tion de ses neveux. Le Roi lui a donc
& lui a
mandé que s'il étoit assez homme de

,
bien pour voir une Carmélite aufTi
fainte qu'elle il iroit lui dire lui-
même la part qu'il prend à la perte
qu'elle a faite. Madame de S* est
revenue de Flandre, je l'ai vue &,
*
lui ai rendu une visite, qu'elle me fit

,
à mon retour de Bretagne. Je l'ai
trouvée fort belle à une dent près

;
qui lui fait un étrange effet au-devant
de la bouche fonmari est en parfaite
fanté & fort gai. La grande femme
,
s'est fort éclaircie avecQuanto,& a
fait voir au doigt & à oeil qu'elle
1

étoit incapable d'approuver de nou-


veaux feux. On ne peut pas être
mieux qu'elle est présentement, peut-
être que aemain ce ne fera plus la

comble;
même chose: mais enfin, elle est au
on lui a donné quatre cent
louïs pour les habits de Villers-Cô-

bert ; on croit cette partie rompue


& il n'y a de sur que la depense des
,
terez, où l'on doit faire la Saint Hu-

Dames, qui est excessive. Elle a été


ilfotc que de donner serupuleuse-
ment dans l'étoffe ; il me semble
qu'elle eùt mieux fait d'en mettre au
moins une partie en pain de Gonesse,

,
d'autant plus que quand on n'achète
point un virage neuf les atours ne
font pas un bon effet. On affure que
Mademoifeile d'Elbeuf a dit a MON-
liEUR, que Madame de Richelieu a
fait un compliment à M. le Duc, sur
ce que MADAME n'est accouchée que
d'une fille; cela fait une fourmiilière
de diu, de redits, d'allées, de venues,
de justifications ; & tout cela ne pèse
pas un grain. Je vous ai envoyé un
grand discours du Père le Bossu sur
la Lune; je crois qu'il pourroit bien
être dans ce paquet perdu du 2y, dont
je fuis encore très-affligée. Je meurs
d'envie que vous me parliez de votre
départ; je crois que vous ferez mieux
d'aller juCqu'à Orléans; ce n'est qu'un

,; : y
jour de plus vous trouverèz Beau-
lieu qui vous tiendra une voiture
prête & le lendemain assurément je
vous irai recevoir & prendre dans
mon carrosse ; celui d'Orléans amè-
nera vos gens& toutes vos hardes.
Adieu, ma très-chère, songez à ce
mauvais
mauvais chemin de Grignan à Mon-
telimart. Je fuis très fâchée que vous
ayiez été importunée de votre M. de
C. : noir comme une taupe, & tout
le reste il me semble que je vois vo-

de terre
visites.
,
tre désespoir ; dès qu'on a un pouce
on connoît ces fortes de

LETTRE LXIV.
A LAMÊ

Hpombie
É
,
E.

mon Dieu, ma
M

A Paris, Mercredi 21 Octobre.


fille! est-il
que vous puissiez croire
i
1676.

que le monde delapprouve que vous


me veniez voir, & qu'on puisse trou-
ver étrange que vous quittiez M. de
Grignan pour un peu de temps, afin
de me donner cette marque de votre
amitié f On auroit fansdoute plus de
peine à justifier le contraire, & vos
amis y feroient plus embarraÍfez,
qu'à défendre le voyage que vous
allez faire. Soyez donc en repos 1^-
dessus, & croyez qu'iln'y a rien que
de fort Cage & de fort raisonnable à
témoigner, dans cette occasion,l'ami-
tié que vous avez pour moi. D'ilac.
queville vous en dira son avis 3c
comme M. deGrignan doit être parti
;
pour l'Afièmblée , nous commence-
rons à voir le jour de votre départ.
;
Madame de Verneuil passera le jour
de la Toussaint à Lyon elle me de-
manda si elle ne vous rencontreroit
point, je lui dis que cela n'étoit pas
Impossible. Amonio s'en va aussi Ii ;
,
vous le trouvez, vous lui ferez une
fort bonne mine j'en fuis assurée,
J'écrisàM. deGrignan& àM.l'Ar-
chevêque, pour les prier d'entrer dans
mes intérêts contre vous. Je Cuis fort
embarrassée j'ai demandé le congé
,
de mon fils, parce qu'il est malude de
son rhumatifine à Charleville ; M. de
Louvois répondit fort honnêtement

au Roi ;,
que si je voulois, il le demanderait
mais que mon fils feroit
mal sa cour & qu'il feroit refusé
fort
;
I

;
que le petit Villars & tous les autres
l'avoient été qu'il lui conseilloit de

;
se guérir tout doucement à Charle-
Ville que s'il avoi t pris, dès l'Armée,
Une attestation de AL de Schomberg,
; ,
il reroit revenu mais que sa lettre
toute feule ne produiroit aucun effet.

, ,
J'ai mandé tout cela & en même
temps je reçois une lettre où fans
avoir reçu la mienne
,
il me mande

vient,
qu'il part avec un de ses amis qui re-
& qu'il fera demain ici. Je
crains que cela ne lui fasse une affaire,
je vous manderai la fuite. Le Père
le BoÍfu fera fort aise de voir ce que
vous dites de lui. Son Art Poéti-
que )
(f est fort admiré ; vous en sen-
tiez la beauté, fans sçavoir à qui vous
en aviez l'obligation. Vous trouverez
ici une Traduction de Saint Auguf-

:
tin sur la prédestination & la perfégé-
rance des bons
phédans cet Ouvrage ;
nos amis ont triom-
vraiment c'est
la plus belle & la plus hardie pièce
qu'on puisse voir. Vous trouverez

de Bensérade ;
aussi dans un autre genre les Rondeaux
ils font fort mêlez,
avec un crible il en demeureroit peu ;
c'est une étrange chose que l'impref-
sion. Voici unehistoire fort extraor-
dinaire : on envoie quelquefois de
l'argent à fou mari quand il est à
,
(z)C'est-à-dire,IonTraitéduPoëme
Epique. Voytzlanott de Up*giî'i-
34-0
l'Armée ; Recueil des Lettres
Saint-Geran en a envoyé
)
à sa femme (a ; il lui mande que si
elle n'emploie à s'habiller les neuf
cent francs qu'il lui fait tenir, il ne

,
reviendra point de son quartier d'hi-
ver tellement que la petite Dame a
donné dans l'étoffe, felon l'intention
dd fondateur. Madame de S * * a paru
avec son mari, deux
dent de moins à la Cour ;
coëffes
,
& une
de forte

;
que l'on n'a pas le mot à dire. Elle
avoit une de ses dents de devant un
peu endommagée ma foi elle a péri,
& l'on voit une place comme celle

;
dugros Abbé, dont elle ne se soucie
guères davantage c'est pourtant une
étrange perte. Le
;
voyage de Villers-
Côterez est rompu mais le Roi a la

,
bonté de permettre qu'on porte ses
beaux habits à Versailles. La plus
incroyable chose du monde c'est la
dépense que font ces Dames fans
avoir le premier fou , hormis celles
à qui le Roi les donne. Je vous vois

Berger ,
dans vos prairies une Bergere fans

:
bien solitaire & bien éloi-
gnéede l'agitation dé celles-là votre
(«) Madame de S*int-Çeran aituoit if
ic4.
imôeft bien tranquille, & vosefpnts

peut faire une Bergere


;
font bien paisibles en comparaison du
mouvement de ce bon pays mais que
fans un Ber-
ger ? Vous ré pondrezfort bien à cette
queflion par votre exemple, Madame
de Coulanges a des retours de fièvre
dont elle est fort chagrine, cela est
,
ordinaire à la fuite des grandes mala-
dies. Langlade est revenu de Frêne
y
où il a été encore plus mal que Ma-
dame de Coulanges. Je l'ai vu, il est
divinement bien logé à ce Faux-
bourg. Madame de la Fayette est re-

,
venue de Saint Maur; elle aeu trois

,
accès marquez de fièvre quarte
dit qu'elle en est ravie
elle
& qu'aa
moins sa maladie aura un nom.

Acinq heures du foir.

Sçavez-vous bien où je fuis je ?


vous défie de le deviner. Je fuis

que
,
venue dîner par le plus beau temps.
du monde ; nos Sœurs de Sainte
Marie du Fmxbourg vous croyez
jem'en ais dire, SaintJacques;
point du tout c'est du Fauxbourg;
,
SaintGerm; 1. On vient de m'yap-
porter votre lettre du 14. Je fuis dans
la plus belle maison de Paris, dans

, ,
la chambre de Mademoiselle Rei-
mond, qui s'y est fait faire comme
enchanté;
bienfaitrice un petit appartement
elle fort quand elle veut,
mais elle ne le veut guères parce
,
qu'elle a principalement dans la tête
de vouloir aller en Paradis. Je vous
amènerai ici, non- feulement comme
une relique de ma grand'mère, mais
comme une personne curieuse, qui

;
doit aimer à voir une très-belle mai-
son de campagne vous en ferez sur-
prise. Je vais donc dans cet aimable
lieu répondre à votre lettre. Je con-

ma faveur ,
tinue à vous conjurer de décider en
& de ne plus balancer à
faire un voyage que vous m'avez pro-
mis, & qu en vérité vous me devez
un peu. Je ne fuispas feule à trouver
que vous marchandez beaucoup à me
faire ce plaisir. Partez donc, partez;
vous devez avoir pris vos mesures
sur le départ de M. de Grignan. Je

ma lettre;
celle de M. l'Archevêque ,
l'embrasse, & vous prie de lui donner
je vous recommande aufli
j'espère
plus en eux qu'en vous pour une dé-
cifion.
J'ai dit, comme vous, sur ce règle-

que quand ils feront malades ,


ment; il n'y a pas de rai son à leur dire
ils ne
;
viendront point à l'Assemblée, cela
s'en va fans dire & aufli qu'ils se
,

ne s'y trouveront
,
trouveront à l'ouverture,quand ils
jamais,
feront dans le lieu quelle folie ils
ce
!
n'est
point un lieu où l'on se trouve par
hazard ; j'avois corrigé cet article,
fans rien ôter au sens ; mais d'Hac-
quevilleaimamieux l'envoyer promp-
tement , que de tarder encore huit
jours disant que les Evêques de vos
,
amisneferoient point de difficulté,
& que les autres en feroient toujours :
manquer :
l'Intendant, au moi ns, n'y sçauroit
cette affaire m'a donné du
chagrin. N'admirez-vous point l'é-
clat & la puissance que donne la ré-
verbération du soleil ?se mimiras, mi
miran: n'au rons-nous jamaisun rayons
Je disois hier au filsd'unmalheu-
reux ( b ), que, si avec son mérite Se
sa valeur, qui percent même la noir-
ceur de sa mirère, il avoit la fortune

un temple
(.)
(6) Le Comte de
Le Cornee Je Vaux.
:
du temps paffé, on lui auroit dressé
je dis vrai mais si cela
-
--
étoit, il feroitgâté. Vousavezgran-
de rai son de ne pouvoir vous repré-

gonie
douleur
,;
Tenter Madame de Coulanges à l'a-

,,
& M. de Coulanges dans la
je ne le croirois pas si je

,
ne l'avois vu : une vivacité morte
une gaieté pleurante ce font des pro-
diges. La pauvre femme avoitencore
hier la fièvre ; on ne fort point net-
tement de ces grands maux. Quand je

; ,
fonge qu'au bout de dix mois j'ai en-
core les mains enflées cela me fait
rire car pour du mal, je n'en ai plus.
Je ne proposerai point à Corbiiielli

de ,
de rai sonner avec vous fans la métho-
; il entre en fureur & l'on n'ea
point en fûreté. Il est occupé à faire

;
des Rondeaux sur la convalescence
de Madame de Coulanges je les cor-
rige, jugez de la perfection de l'ou-

;,
vrage. Adieu, ma chère enfant, par-
tez & venez tenez-vous donc une
fois pour décidée & défaites-vous

;f
d'épiloguer sur les bienséances de
votre voyage elles y font tout en-
tières, & ce n'et pas moi feule qui le
dis.
L'Abbé de Pontcarré me montra
hier ce que vous lui écrivez sur le
manteau donné inconsidérément;cela
est fort phifant. Il et vrai que la
conduite de notre Cardinal est ado-
rable, on l'admire bien aussi ; il ea
reçoit l'honneur qu'il mérite.

LETTRE LXV.
A IA M E
ME.
A Ibri, Vendredi 23 Otlobre. 1676.
vr O c1le fécond tome dufrater.
Je lui envoyai hier un carrosse
au Bourget, & je vin., cela foit dit
en passant, avec un autre à six che-
vaux le trouver ici, où je ne croyoit
pas trop qu'il dût arriver si précisé-
ment; cependant, lehasard, quieft
:
quelquefois plaiCant, nous fit tous
rencontrerau bout de l'avenue cette
justesse nous fit rire. Nous entrâmes,

,
nous nous embrassames, nous parla-
mes de vingt choses à la fois nous
nous questionnames fans attendre ni
entendre aucune réponse. Enfin, cette
entrevue eut toute la joie & tout le.
désordre qui accompagnent d'ohii-
naire ces premiers momens. Cepen-

,
dant Monsieur boite tout bas, Mon-
sieur crie Monsieur se vante d'un
rhumatisme, quand il n'est pas de-
vant moi, car ma présence l'embar-
rafTe ; & comme nous en avons bien
vu d'autres ensemble. il ne se plaint
,
qu'à demi. Je trouvois dans mes rê-
veries & je croyois, & je disois que

;
j'avois une cuisse bleue, c'étoit celle
qui me faisoit le pius de mal de forte

,
que je lui ai donc accordé qu'il a une
cuisse bleue pourvu qu'il demeure
;
d'accord aussi qu'il a la tête verte tel.
lement que cela compose un homme
qui a lacuisse bleue & la tête verte.
Gardez-vous bien de dire cela à
Alontgobert elle en abuseroit cet
,
hiver avec le pauvre Baron, qui se

,
prépare bien à la tourmenter. Elle

, :
écrit les plus plaisantes choses du

,
monde & à lui & à moi mais nous
voyons au travers de sa bonne hu-
meur qu'elle est malade & nous en
sommes très- fîchez. MfJn fils fera
donc ici quelques jours, en attendant
qu'on lui ait envoyé de Charleville

,
lesattestationsnécessaires pour avoir
le congé ou que les troupes qui
;
étoient allie. sur la Meule, reviens
nent, comme on le dit parce que ce
Duc de Zell, qui nous taifoit peur.
f
s'et retiré, & a peut-être plus de peur

;
que noua. Voilà l'état de notre Ab-.
baye on voudroit bien que je fusse
obligéed'enpartir,pour aller au-de-
;
vantde vous car vous êtes une pièce
fort nécessaire à notre véritable joie.
Je ne voua dirai plus rien sur votre
départ; il me semblequ'il doit être
rérolu, oujamais ; vous ne scauriez
douter du efir quej'en ai. Je crois
aue M. de Grignan est parti pour l'At=.
;
emblée : ainsîen bonne justice, voue
devriez être en chemin si cela étoit,
j'aurois moins de regret que cette let-
tre-ci fùt perdue, que ce gros paquet
du 2f, dont je fuis encore fichée. SI

;
mon écriture est un peu chancelante»
n'en soyez point en peine c'est que
j'ai froid aux doigts. Adieu, ma très-
à
chère, je laisse la plume M. le Clo-
finra*. On disoit l'autre jour qu'on
avoit jetté un monitoire, pour fça-
voir où étoit l'Armée de Monsieur
de Luxembourg; de quand il partit,
on prétend que le Grand Condé di-
t !
foit -ah k beau pojle ah,lejoli .,.
mandement jusqu'au mois de Juillet! Oni
ditencore que M. de Luxembourg (c)
a mieux fait l'Oraison funèbre de
M. de Turenne que M. de Tulle, &

avoir une Abbaye ;


que le Cardinal de Bouillon lui fera
tout cela fans
préjudice deschanfons. A propos de

sacrilége dans le Conclave ,


Cardinal, ce que vous avez dit,fans
ni pécadille
par le chemin, est une chose admirable.
MonsieurDESÉVIGNÉ
Aie voici quasi établi comme vous

; :
le souhaitez. J'ai lacuisse bleue, il est
vrai mais je ne conviens pas de la
t~te verte je voudrois pourtant bien
avoir changé du bleu de ma cuisse
contre un peu de verdure à ma tête;
j'en marcherois beaucoup mieux &
plus légèrement. J'ai reçu votre let-
,
tre ma petite sœur ; je vous remer-
cie de vos foins & de votre inquié-
(c ) Le Maréchalde Luxembourg éprouva
danscetempslà ce quiarriveàlaplûpart
:
des grands IlomlUcs. Ilfut d'abord en bute
aux traits de l'envie&delamalignité mais
enfin l'une & l'autre Ce turent devant ses
,
victoires, Se tirent place aux louanges &. à1
L'admiration.
tude ; je crois, h je ne me trompe ,

ensemble cet hiver :


que nous ferons le mieux du monde
vous sçavez
pourtant que je vous ai promis de ne
jamais oublier votre cœur ni votre
ame intéressée ; à cela près, je pense-
rai assez de bien de vous, malgré vos
irrésolutions dont on m'a dit d'assez

;
grandes impertinences ; nous vousen
gronderons tout à loisir venez feu-
lement voir ma très-chère bonne
maman, qui se porte à merveilles &
qui est belle comme un Ange. Si vo-
tre retour ne vous paroît pas nécef-
faire pour lui redonner la fanté, fça-
chez qu'ill'est fort pour l'y mainte-
-
,
nir ; & l'un vaut bien l'autre. Vener
Reine des Dieux, venez, venq favora-

;,
ble Cybele, Vous nous paroîtrez bien
descendue des Cieux mais quoique
vous veniez fans équipage vous ne
vous trouverez pas tombée des nues
maman mignonne a pourvu à tout.
;
Adieu, ma belle petite sœur , je fais
mille complimens & mille amitiez À
AL de Grignan,
MadameDE SÉVIGNÉ.

;
Je fuis une fote j'ai offensé la
Géographie : vous ne passez point
par Moulins, la Loire n'y va point.
;
Je vous demande pardon de mon im-
,
pertinence
der
mais venez m'en gron-
& vous moquer de moi.

LETTRE LXVI.
A LA AIEaMIE.
A Livri, Mercredi 28 Oélobre.
1676.
o N ne peut jamais être plus éton-
née que je le fuis de vous voir

! !
écrire que le mariage de M. de la
Garde est rompu. Il est rompu hé,
bon Dieu n'avez-vous point entendu

,
le cri que j'ai fait? toute la forêt l'a
répété & je fuis trop heureuse d'être
en un lieu, où je n'aye de témoins de
ce premier étonnement que les échos.
Je fçaurai bien prendre dans la Ville
tous les tons d'une amie, & même je
n'y aurai pas de peine. J'approuvais
son choix par la grande eltime que
l'ai
je pour lui ; & par la même raison,
change comme lui. Plut à Dieu
qu'il fûtdisposé à revenir avec vous !
vraiment ce seroit bien là un con-
ducteur comme je le voudrais.
Je fuis étonnée que l'Assemblée ne
foit point encore commencée. M. de
Pompoane croyoit que ce dût être te
rcie ce mois. Vous pafierez donc
à
encore la Toussaint Grignan; mais
après cela, ma très-chère, ne penie-
rez-vous point à partir r Je vous ai
dit tant de choses là-dessus, Se vous
sçavez si bien ce que je pense, que je
ne doisplus vous rien dire. Le frater
esttoujours ici, attendant les attes-
,
tations qui lui feront avoir son congé.
Il clopine il fait des remèdes, et
quoiqu'on nous menace de toutes les
évéritez de l'ancienne discipline,
nous vivons en paix dans l'espérance
que nous ne ferons point pendus.
Nous causons & nous lisons
,
compère,quisentque je fuis ici pour
;
la
l'amourdè lui,me fait desexcuses de
la pluie, 6c n'oublie rien pour me di.
yertir ; il y réaúlic à merveilles.
MonsieurDESÉVIGNÉ.
La filleduSeigneur Alcantor n'é-
poufera donc point le Seigneur Sga-
narelle, qui n'a que cinquante-cinq un
cinquante-fixans (a) : j'en fuis fâché,
tout étoit dit, tous les frais étoient
faits. Je crois que la difficulté de la
consommation a été le plus grand
obstacle; le Chevalier de la Gloire (b)
ne s'en trouvera pas plus mal, cela
;
me console. Ma mère e11 ici pour
l'amour de moi je fuis un pauvre
criminel que l'on menace tous le*
jours de laBastille, ou d'être catTé.
J'espère pourtant que tout s'appai-
fera par le retour prochain de toutes

;
les troupes. L'état où je fuis pourroit
tout feul produire cet effet mais ce
n'est plus la mode. Je fais donc tout
ce que je puis pour consoler ma mère
:
& du vilain temps & d'avoir quitté
Paris mais elle ne veut pas m'en-
tendre, quand je lui parle là-defiùs.
Elle revient toujours sur les foins
(«) V. la Scène 11. du Mariage fora,
Comédie de Molière.
j¡, ) Le Chevalier de Grignan.
que j'ai pris d'elle pendant sa mala-
; à
die & ce que je puis juger parTes
discours, elle ert fort fâchée que mon
rhumatisme ne soit pas universel, 8:
que je n'aie pas la fièvre continue,
afin de me pouvoir témoigner toute
sa tendresse & toute l'étendue de sa
reconnoissance. Elle reroit tout-a-fait
contente, si elle m'avoit feulement
vuen état de me faire confesser ; mais
par malheur, ce n'estpas pour cette

M. de la Rochefoucauld,;
fois, il faut qu'elle se rcduife à me
voirclopiner, comme clopinoit jadis.
qui va pré-
sentement comme un Basque. Nous
espérons vous voir bientôt ne nous
,
trompez pas Si ne faites point l'im-
pertinente ; on dit que vous l'êtes-
beaucoup sur ce chapitre. Adieu f
rra belle petite fo-ur , je vous em-
brajlè mille fois du meilleur de mon:
coeur.
LETTRE LXVII.
ALAMEME.
1676. A Livri, Vendrtdi 30 Ollohrt.
J enfant,
E reçois avec tendrefre,
médités
chère
ma
ce que vous pour
fortifier mon - cœur & mon esprit
contre les amertumes de la vie à
quoi je ne puis m'accontumer : rien
,
;
n'est plus raisonnable ni plus chré-
tien & de quelque façon que vous

;,
le preniez, c'est toujours avoir foin
de ma rate car la fagefTe que vous
m'enfeignez ne me feroit pas moins
salutaire que la joie. Je finis ce dit-

coup de choies à dire,


cours, non pas que je n'eusse beau-
si je voulois
vous parler de mes sentimens, mais
parce que ce n'est pas la matière d'une
lettre.
Cn dit des merveilles de notre bon
Pape, & cela retombe en louanges
sur le Cardinal de Retz. Pour M. de
Faris (d),cesont d'autres merveilles :
{i) FrujdrejieHarlai,Archcr^ue Je l'am.
ilaemp< é contre les Commissaires v
qui avoi t la conscience plus déli-
,
cate que ii que le Roi pflt mettre
des Abb les à plusieurs Couvents de
filles, f tout aux Cordelières; &
cela con ence à s'exécuter avec un
bruit & n rcandale épouvantable.
Les qu, e Commissaires qui le fi-
gnalerei contre lui, font Messieurs:
Puffort, loucherat, Ponimereuil &
Fieubet OnaprissixfillesàChelles,
pour êt Abbesses deçà & delà la :
d'Orad(
tout-à-si
trêmem
mortifiée ;
n'en est pas, dont elle est
car ellé a ex-
l'esprit & la vocation de
la petite courageuse des Abbayes.
J'ai to urs vu avec chagrin le peu
dans foi Château
occupat
;
de féjon ]ue M. de Grignan a fait
sa dépense ni seti
s n'ont point eu d'inter-
valle. J
à des é\
M. son <
emens ,
ouve la Provence si sujette
& la présence de
averneur m'y paroît si né-
cessaire ie je tremble toujours pour
son con Je ne vous parlerai plus
:
de votr. part; vous dites qu'il dé-
pend de leu & de moi pour de ma
volonté de mes décisions vous
n'enposse z pas douter; il
,
estdonc;
;;
question maintenant de la volonté Je
Dieu & de la vôtre ma fille, ne lui

,
donnez pas la torture suivez libre-
ment votre coeur & même votre
;,
rai son. Les reproches me font fenfi-

,
bles il faut qu'ils me le soient beau-
puisque j'y ferai céder s'il le
coup

;
faut, mes plus chers intérêts. Vous
êtes raisonnable, vous m'aimez vous

voulez,
voyez mieux que moi ce que vous
& ce que vous pouvez ,: Se
les choses dont vous êtes bleirée c'est
à vous à déciderlibrement; je fuis
l'
aifurée que M. de Grignan & M. Ar-
chevêque consentiront à tout ce que
vous voudrez. Adieu, matrès-chère,
je ne fuis pas bien en train de vous
parler d'autre chose. Nous sommes
toujours dans cette foret. Nous lisons
S. Augustin, &nous sommesconver-
tis sur la prédeflination & sur la per-
févérance.

MonsieUrD P.SàVIGNÉ,
Il s'en faut encore quelque
;
chose
que nous ne soyions convertis c'tfl.
que nous trouvons les raisons des
Sémipélagiens lort bonnes & fort
f-
de Saint Augustin , ,
sensibles ; & celles. de Saint Paul&
fort subtiles &
dignesde l'Abbé Tctu.Nousferions
rrès-contens de la Religion si ces1

ras. Adieu ,
deu* Saints n'avoient jamais écrit ;:
nous avons toujours ce petitembar-
ma belle petite sœur,
dépêchez-vous devenir ;je ferai ravi
de vous voir, si je ne fuis pas pendu
entre-ci & là.

*LETTRE LXVIII.
ALA M'ENE.

c A Livri, Mercredi 4. Novembre.


C'EST une grande vérité ma
,
fille, que l'incertitude ôte la li-
1676.

berté. Si vous étiez contrainte, vous


prendriez votre parti, vous ne feriez
point suspendue comme le tombeau
de Mahomet ; l'une des pierres d'ai-
mant auroit emporté l'autre; vous ne
seriezplusdragonnée. qui est un état
violent. La voi x qui vous crie en paf-

im.mère!
iànt la Durant-e, ah ma mère ah
,
!
se feroit entendre oè. (Mi-
,,
gnan ; ou celle qui confeillc de la
quitter, ne vous troubleroit point à
: ,
Briare ainsi, je conclus qu'il n'y a
rien de si opposé à la liberté que
l'indifférence & l'indétermination.
Mais le fage la Garde, qui a repris
toute sa sagesse, a-t-il perdu aussi son
?
libre arbitre ne sçait-il plus con-
seiller ? ne sçait-il point décider ?

:,
Pour moi, vous avez vu que je dé-
cide comme un Cofttile mais la Gar-
de qui revient à Paris ne rçauroit-il
placer son voyageutilement pour
nous f Si vous venez, ce n'efl pas mal
dit de descendre à Sulli , la petite
Duchesse vous enverra fièrement juf-
qu'à Nemours, où certainement vous
trouverez des ami*, & le lendemain
encore des amis;ainsi, en relais d'a-
mis vous vous trouverez dans votre

;
chambre. On vous auroit un peu

,
,
mieux reçue la dernière fois mais
votre lettre arriva si tard que vous
,
surprises tout le monde & vous pen-
fates même ne me pas trouver qui
eût été une belle chose ; nous ne tom-
berions pas dans le même inconvé-

)
nient. Il faut que je me loue du Che-
valier (deGrignan ; il arriva Ven.
drediau foir a Paris, il vint samedi
f f
;
dîner ici cela n'est-il pas joli Je
l'embrassai de fort bon coeur nous
dimes ce que nous pensions touchant
vos incertitudes. Je m'en vais faire
un tour à Paris. Je veux voir M. de
Louvois sur votre frère qui est tou-
jours ici fans congé, cela m'inquiète.
Je veux voir aussi M. Colbert pour
votre penlion : je n'ai que ces deux
petites visites à faire. Je crois que
,

le plus beau temps du monde ,


j'irai jusqu'à Versailles je vous en
rendrai compte. Il fait cependant ici
la
campagne n'est point encore affreuse,
les chasseurs ont été favori fez de
Saint Hubert. Nous lisons toujours
Saint Augustin avec tranfpoit ; ilya
quelque chose de si noblè & de si
grand dans ses pensées, que tout le
mal qui peut arri ver de sa doétrine
aux esprits mal faits, est bien moin-
dre que le bien que les autres en re-

tendue;
tirent. Vous croyez que ie fais l'en-
mais quand vous verrez
comme cela s'eit familiarisé, vous ne
ferez pas étonnée de ma capacité.
Vous m'assurez que si vous ne m'ai-
miez pas plus que vous ne le dites,
vous ne m'aimeriez guères : je fuit
fion ,
tentée de ravauder sur cette expres-
& de la tant retourner que j'en
faire une rudesse ; mais non je Cuis ,
,
persuadée que vous m'aimez, & Dieu
sçait aussi bien mieux que vous, de
quelle manière je vous aime. Je fuis
fort aise que Pauline me ressemble,

!
elle vous fera souvenir de moi ah,,
ma mère
;
il n'efl pas besoin de cela.

MonsieurDESÉVIGNÉ.
Quand je fonge que M. de la Garde

,
e/t avec vous, & qu'il vous voit re-
cevoir vos lettres je tremble qu'il
n'ait vu sur votre épaule la fotileque-
je vousécrivois (e), il y quelques a
;
jours. Làdessus je frémis, & je m'c-
crie ah, ma sœur!ah mafœur ! Ci
,
,
j'etois aussi libre que vous l'êtes, &
que ~j'entendisse cette voix comme
vous•!
ah ma mère !
ndez celle d'ah, ma m¿rë.'
je ferois bientôt en
,
;
Provence. Je ne comprends pas que

#x.. t
vous puissîez balancer vous donnez
desannées entières à M. de Grignan,
(e) Voyez lalettre du tg Octobre, P"JI

&
& à ce que vous devez à toute la fa-
mille des Grignans : y a-t-il après
cela une loi aflez auftcre pour vous
empêcher de donner quatre mois à la
?
votre Jamais les loix de chevalerie,

;
qui faisoientjurer Sancho Panfa, n'ont
été si sévères & si Dom Quichote
eût eu pour lui un Auteur aussi grave
que M. de la Garde, il auroit affuré-
ment permis à son Ecuyer de changer
de monture avec le Chevalier de

,
l'Armet de Mambrin. Profitez donc
de M. de la Garde
,,
vez
puisque vous l'a-
accordez ensemble votre voya-
ge &
songez que vous avez plusieurs

coeur
fez,
,il
devoirs à remplir. On est sur de votre
mais ce n'efi pas toujours af-
faut des signifiances. Partagez
donc vos faveurs & votre présence
entre l'un & l'autre Hémisphère, à
l'exemple du Soleil qui nous luit:
voilà une aflezbelle façon de parler,
pour
ma
n'en
belle
pas
,
petite
une cuisse bleue
,
demeurer
Iceur
là. Adieu,
j'ai toujours
5c j'ai grand'peur
de l'avoir tout l'hiver.
LETTRELXIX.
A LAMÊME.
1676. A Livri, Vendredi6Novembre.
1L
;
n'y eut jamais une si brillante
lettre que la vôtre dernière j'ai
;
pente vous la renvoyer pour vous
donner le plaisir de la lire & j'ad.
mirois en la lisant qu'on pût fou-
haiter avec tant de passion de n'en
plus recevoir. Voilà pourtant l'affront
que je fais à vos lettres: il me fem-
ble que vous traitez bien mieux les
miennes.

hem,
Cette Reimond est assurément

vous
hem. avec cette coefte que
connoissez ; elle a été attirée,
comme vous dites, par le desird'en-
tendre la musique du Paradis & ;
sept mille francs en fonds ,
nos Sœurs l'ont été par le desir de
mille francs de pension, moyennart
& de

quoi (/) elle fort quandelle veut, Cr


(f) Madame de Sévigné chante ici la pa.
linodie. yojei, U page 3^1.
tllele veutjouvenr. Nousn'avions point
encore eu de pareille marchandise;

:
niais la beauté de notre mai son nous

;
fait passer par-dessus tout pour moi,
j'en fuis ravie car sa chambre & sa
voix font charmantes, hem, hem. Les
dates que vous trouvez en parlant de
MadamedeSoubise, font, Dieu mer-
ci de celles dont je ne me souviens
,
pas. Il faut qu'il y ait eu quelque
Ver-
rudesse marquée à ces fêtes de
failles. Madame de Coulangesvient

dent avoit paru arrachée :


de me mander que du jour d'hier la
si cela est

vous aurez très-bien deviné qu'on


,
n'aura point de dent contre elle. Vous
me parlez
ladie de mon amie (g)
que vous
,
fort plaisamment de la ma-
& tout ce
dites est vrai. La fièvre
quarte de celle du Fauxbourg (h)
s'est heureusement pafiee. J'ai envoyé
votre lettre au Chevalier fans peur

d-fait , ,
& fans reproche (i) ; je l'aime tout-
& mon pichon je voudrois
bien le baiser; je m'en fuis fait une
petite idée, je ne sçais si c'est cela;
1 (s) Madame de Coulanges.
1 (h) MadamedelaFayette.
1 j
ti Le Chevalier de Grignan.
-
je verrai quelque jour toutes ces
petites personnes. J'ai peine à com-
prendre celle de huit mois, efl-elle
toujours bien résolue de vivre cent
nos ? Je crois que ces Messieurs qui
se font battus dans larue, en vi vront
,,
autant. Cette punition pour s'être

,
rencontrez l'été sur le pavé est fort
plaisante &# fort jufie. Adieu
très-belle & très-aimable j'acheve,
rai ceci dans la bonne Ville.
ma

Vendredi à Paris.

chez cette bonne Bagnols ;
M'y voici donc arrivée. J'ai dîné
j'ai trou-
vé Madame de Coulanges dans cette
chambre belle & brillante du Soleil,
où je vous ai tant vue quasi aussi bril-
lantequelui. Cette pauvre convales-

;
cente m'a reçue agréablement, elle
vous veut écrire deux mots c'est
,
peut-être quelque nouvelle de l'au-
tre monde que vous ferez bien aire
de sçavoir. Elle m'a conté les tranfpa-
;
rens avez-vous ouï parler dos trans-
parens ?ce font des habits entiers
des plus beaux brocarts d'or & d'azur
qkt'on puisse voir, & par dessus dçs
robes noires transparentes, ou de bel-
le dentelle d' Angleterre, ou deche-
nilles veloutées sur un tissu, comme
ces dentelles d'hiver que vous avez
vues: cela compose un transparent,
qui est un habit noir, & un habit tout

me on veut ;
d'or ou d'argent ou de couleur, com-
& voilà la mode. C'est
avec cela qu'on fit un bal lejour de

;
Saint Hubert, qui dura une demi-
heure personne n'y voulut danser.
Le Roi y pouffa Madame d'Heudi-

,
court à vive force, elle obéït ; mais
enfin le combat finit faute de com-
battans. Les beaux juste-au-corps en
broderie destinez pour Villers-Cote-
rez, fervent le foiraux promenades,
& ont servi à Saint Hubert. M. le

,
Prince a mandé de Chantilli aux Da-
mes que leurs transparens feroient
mille fois plus beaux, si elles vou-
loient les mettre à crû ; je doute
qu'elles fuflent mieux. Les Granceis
& les Monaco n'ont point été de ces
plaisirs, à cause que cette dernière
est malade, & que la mère (k) des
Anges a été à l'agonie. On dit que
la Marquise de la Ferté y est depuis
(k) La Maréchale de Grancei.
Dimanche d'un travail qui ne finît
point, le où Bouchet perd Ton latin.
M. de Langlée a donné à Madame
de Monte(pan une robe d'or rur or,
rebrodé d'or, rebordé d'or, & par.
dessus un or frisé rebroché d'un or
mêlé avec un certain or, qui fait la
plus divine étoffe qui ait jamais été
imaginée : ce font let Fées qui ont
fait cet ouvrage en secret ; ame vi-
vante n'en avoit connoissance. On la
voulut donner aussimystérieusement
qu'elle avoit été fabriquée. Le Tail.
leur de Madame de Monterpan lui
apporta l'habit qu'elle lui avoit or-
donné ; Il en avoit fait le corps sur
desmesures riditatat 1 voilà des cris
& des gronderiet, comme vous pou-
vet penser : le Tailleur dit en trem-
»
blant } Madame, comme le temps
a preCa, voyea sicet autre habit que
a voilà ne pourroit point vous accom.
<
;
moder, faute d'autre
!
«. On découvre
l'habit ah, la belle chose ah, quelle
étoffe 1 vient-elle du ciel f il n'yen a
rint de pareille sur la terre. On elTaie
arrive; ;
le corps il est à peindre. Le Roi
le Tailleurdit Madame, il
»

eâ fait pour vous. On comprend que


,
tfeft une galanterie ; mais qui peut
l'avoir faite f c'est Langlée dit le
Roi; c'est Langlée assurément, dit
Madame de Montespan, personne que
lui ne peut avoir imaginé une telle
magnificence ; c'est Langlée, c'est

Langlée;,
Langlée. Tout le monde répété,
les échos en
c'est
demeurent

& disent, c'est Langlée :

,
d'accord
& moi ma fille, je vous dis pour
,
être à la mode c'est Langlée.

MadameDECOULANGES.
Je fuis aire de n'être plus morte,
Madame, puisque vous revenez cet
hiver. Je fuis dans votre maison ; je
pouvois
ne le plus souffrir la chambre
ni lit où je fuis morte. Que ne

parens,
venez-vous paroître avec des trans-
comme les autres f vous
épargneriez fort bien le brocart, &
personne ne me paroît plus propre à
croire M. le Prince que vous. Com-
ment cela vous paroît-il ? vous êtes
de ma main :
la première perfbnne à qui j'écris
il y a quelque chose
entre nous , je ne sçais pas trop
bien ce que c'est. L'Abbé Têtu n'eli
pasencoreen quartier
louhaite d'hiver.Adieu
Madame, je en vérité bien
vivement votre retour.
Madame D. SÉVIGNÉ.
Voilà un flyle qui ressemble afTez
à celui de la défunte. Nous avons
ri de ce que vous avez dit d'elle &
de la Garde, comparant l'extrémité

font revenus :
où ils ont été tous deux, & d'où ils

,
cela fait voir que la
fagefle revient de loin comme la
jeunesse. J'attendsd'Hacqueville & le
Chevalierde Grignan, pour former
monconseil de guerre, & sçavoirce

ma très-chère ,
que deviendra le pauvre Baron que
j'ai laiHe à Livri toutestropié. Adieu,

,
si vous avez pria
le parti que nous souhaitons
père que ma lettre vous trouvera en
j'ef-

theoùn.
L 1 rTRE LXX.
J LAM E
M E.
11 ----0;;
A Li); Mercredi Novembre. 167$^
c El ,

E
:
lettre ne vous trouvera
poi mGrignan mais je ne sçais
point em Ire quel parti vous aurez
pris, ni
i quoi vous vous repentez.
Vousno ilfurez que le repentir fera
inféparaM de votre résolution ; ce-
pendant,
Lyon, vous avez pris la route de
il me semble que vous n'y de-
vezpoint avoir de regret, puisque

satisfaites t
vous contentez tout le monde, &
toutes vos paroles & à

en M. de irignan
< ,
tous vos devoirs. Pour moi, j'espère
& je fuis perfua-
dée que je lui devrai la décision d'une
chose qut je souhaite avec tant de
passion.
Je revinr ici Lundi. Mon fils at-

;
tend que les troupes prennent un
parti on ne m'a point conseillé de
demander (on. congé, de forte qu'il
cft Moine de cette Abbaye. Il elt
fortaise que je lui tienne compagnie;
prétend que la plus belle mar-
& il de
que son amitié, c'est l'envie qu'il
a de me chasser pour vous aller re.
cevoir.
MonsieurDESÉVIGNÉ.
Il n'y a que cette rai ron qui me
fafle supporter le départ de ma chère
maman mignonne. Vous connoître2
bientôt par vous-même le plaisir qu'il
y a de la revoir après quelque temps
d'absence. Je fuis encore dans les pre-
:
,
miers transports de cette joie mais
quand il est question d'aller recevoir
ladivinitéde Provence dont la beau-
té s'est si long-temps cachée à nos
yeux, il faut céder :
Ce droit saint & sacrétompt tout autre lien.
J'espère aussi que mon exil ne du-
rera pas long-temps. On ne doute
presque plus du retour des troupes;

Adieu ,
& il feroit très-possible que j'arri-
vafie à Paris le même jour que vous.
mon adorable petite sœur,
que j'aime avec toute la tendresse
dont
je fuis capable.
Madame DESÉVIGNÉ.
,
Si vous n'êtes point partie c'est
moi qui me repentirai bien de mes
honnêtetez. Je ferai bien persuadée
qu'il ne faut jamais remettre le paye-
ment des lettres de change ; j'y ai
pensémillefois. Le bien bon en ra-
vi de vos aimables petits souvenirs.
Adieu, ma très-chère, je ne sçais
point de nouvelles. Quanto dansa
aux derniers bals toutes fortes de
danses, comme il y a vingt ans & ,
le monde croit. , ,
dans un ajustement extrême. Tout
enfin adieu
nie porte bien, ne pensez plus à ma
je

fanté.

1676.
: ,
de la Durance il faut avoir autant
de raison que vous en avez pour
s'accommoder de cette conclusion.

,
Vous connoîtriez mall'amitié que j'ai
pour vous si vous ne preniez toutes
es précautions qui font dans votre
lettre, pour m'adoucir un peu cet en-
droit. Vous êtes bien loin d'être trom-
pée sur la pensée que vous en avez
c'est à vous maintenant à faire que
;
:
je ne le fois pas dans l'espérance que
vous me donnez après avoir si bien
rempli les devoirs de Provence, je
crois que vous ferez pressée de son-
ger à moi. Mais j'admire la
que j'ai avec les affaires publiques
il faut que l'excès de ce qu'on de-
;
liaison

mande à votre Assemblée,retombe


sur moi. Quand je le fçus, je sentis

,
le contre-coup ; & vous connoifiant
comme je fais il me tomba au cœur
que vous ne voudriez point quitter
,
M. de Grignan. C'est, comme vous
dites une des plus grandes occasions
qui puisse arriver dans une Province ;
vous lui ferez très-utile, & je fuis
contrainte d'avouer que rien n'est
si honnête ni si digne de vous que
cette conduite. Je vous allure que ie
,
crains fort cette délibération quand
je penre aux peines de M. de Gri-
,
gnan pour les faire veniràcinq cent
mille francs, je ne comprends point
du tout comment il pourra faire pour
doubler la dose. J'ai toujours la vision
d'un pressoir que l'on ferre jusqu'à
ce que la corde rompe. Je vous prie
de me bien mander le détail de tout
je fuis plus occupée des nouvelles de
;
Lambesc que de celles de Saint-
,
Germain ; instruisez-m'en plutôt que
de répondre à mes lettres. N'oubliez
pas aussi les aventures que vous vou-
lez me conter, j'aime que vous ayiez
quelque chose à me dire. Vous avez
bien fait de laisser vos balots à Gri-

;
gnan ; je fouliaite que vous repreniez
bientôt le fil de votre voyage vous
l'avez commencé de manière à vous
trouver plutôt à Rome qu'à Paris. Je
vais faire un tour dans cette bonne
Ville, pour aller à Saint- Germain
avec mes hommes dwl'autre jour pour
forêt cela, je revien-
votrepension : après

;
drai dans cette
frater
avec le pauvre
il n'efi occupé que de m'y
divertir, & je crois qu'il me trouve
Livri une des bonnes compagnies
plume ,
qu'il y puisse avoir. Je lui laifle la
& je vous embrasse avec une
véritable tendresse.
i

Monsieur DESÉVIGNÉ.
Il est vrai que
tre ici avec ma mère ,
je fuis fort ai re d'ê-
& que je fuis
allez fâché quand elle s'en va. Je lui
aurois bien volontiers pardonné de
me quitter pour vous aller recevoir
mais il n'est pas touta-fait si aisé c'e
;
m'adoucir sur votre pension quoi-
,
que je sçache très-bien que c'est un
lecours qu'il ne faut pas négliger. Le
zèle que j'ai moi-même pour le fer-
vice du Roi, & l'exaflitude qu'il y
faut apporter, me font comprendre

,
les rai fons de votre retardement je
les trouve en effet très-dignes de
,
:
votre caractère rempliroit h
vous ;
,
merveilles une Comédie parfaite il
ne se dément point & se soûtient
toujours également. Cette perfection
,

si peu ordinaire me fait espérer que


vous continuerez aussi à être pour
moi ce que vous avez été jusqu'ici :
je le souhaite beaucoup, & je vous
aime de tout mua coeur, n'est-ce.
m'attaquez toujours,
point assez pour le mériter r Vous
sur un certain
chapitre, de manière à me faire con-

avez sur moi :


naître le grand avantage que vous
mais trouvez-vous
qu'un homme qui a pu plaire tout un
hiver aux yeux de Mademoiselle

heures,
Agara & de la maîtresse de cinq
foit indigne d'être votre
frère ? Vous souvenez-vous bien de
ces yeux ? il est vrai que je dor-
mois un peu les soirs ; & vous,
ne dormez-vous pas les matins r

maladie est une sciatique ,


Vous ne connoissez pas quelle jolie
elle est

pas de même. Adieu ,


charmante les nuits, le jour ce n'est
ma très belle
petite sœur, je vous donnerai le loisir
d'affifier à mon Salve. Je vous prie

;
de revenir bientôt, ne fût-ce que
pour empêcher ma mèred'écrire car
pour moi, j'y perds mon latin.
, v ftic^HCU UCJ J^cur»

LETTRE LXXII.
laMême.
,
A
5. A Paris, Mercredi 18 Novembre.

AH ma fille! le mot d'inoiffé-


~JL rence n'est point fait pour par-
ler d'aucun des sentimens que j'ai

, ;
pour vous. Vous dites qu'il en paroît
dans une de mes lettres j'ai de bon:
témoins aussi-bien quevous ,
de la

:
manière dont je souhaite de voûs
voir mais au milieu de cettevéri-
table tendresse j'ai eu la force de
,
vous redonner votre liberté, per ui-
dée que si vous pouviez venir, cela

;
étoit capable de vous faire partir,
plutôt que de vous arrêter & que si

viendroient ,
vous ne le pouviez pas , vous pren-
driez les résolutions qui vous con-
plutôt que d'apporter
iciduchagrin & des reproches.Voilà
;
ce qui me fit écrire cinq ou six lignes
qui m'arrachoient le cœur mais s'il
est vrai, comme je le crois, que vos
affaires n'ensouffrirontpas, & que
vous
vous ayiez envie de me donner la
joie de vous voir, croyez une bonne

du monde que je souhaite le plus &


après avoir donné à M. de Grignan
;
fois, fans balancer, que c'est la chose

cettemarque d'amitié, que j'approuve


dans une occasion autïi considérable
que celle-ci , prenez le parti devenir
fans l'attendre: il peut arriver cent
choses qui l'arrêteront. Son congé ne

,
feroit pas une chose honnête à deman-

;
der si par exemple le Roi partoit dès
le mois de Mars peut-être aufii qu'on

: ,
fera une suspension d'armes, comme
le Pape le demande mais enfin dan9
toutes ces incertitudes, prenez une ré-
solution, & venez de bon cœur & de
bonne grace me combler de la plus
sensible joie que je puisse avoir en ce
inonde. Je fuis persuadée que M. de
Grignan y consentira de bon cœur
il m'en écrit trop lîncérement pour
;
que j'en puisse douter. Une plus lon-
gue incertitude ne feroit pas bonne
pour cette fanté que vous aimez tant;
en forte que je me rends à toute l'ef-
pérance que j'avois, & je fuis persua-
*

me l'avez promis
dée que vous viendrez, comme vous
- Je fuis ici depuis Dimanche. J'ai

;
voulu aller à Saint-Germain parlera
M. Colbert de votre pension ; j y étois
très- bien accompagnée M. de Saint-
Geran, M. d'Hacqueville & plusieurs
autres, me confoloient par avance de
;
la glace que j'attendois. Je lui parlai
d"nc de cette pension je touchai un
du zèle pour le service du Roi un
autre mot des extrêmes dépenses à
;
mot des occupations continuelles, &

quoi l'on étoit oblige, & qui ne per-


mettoient pas de rien négliger pour
les soûtenir ; que c'étoit avec peine
que M. l'Abbé de Grignan & moi,
nous l'importunions de cette affaire:
rangé;
tout cela étoit plus court & mieux
mais je n'aurai nulle fatigue
à vous dire laréponse: Madame,j'en

M. de Pomponne

ou huit
; ,
auraifoin; & me remène à la porte,
& voilà qui est fait. Je fus dîner chez

Courtisans,
les Dames nv
étoient pas je fis les honneurs à 11;t
& je revins fans
voir personne : on m'auroit parlé de
mon fils, de ma fille, que pourroh-
je en dire ? Voilà mon voyage, que
je crains fort qui ne vous foit inutile.
J'espère cependant que cela viendra;
mais il eit certain que pertonne n'elt
encore payé. Si vous chargiez un de
vos gens d'une affaire deconféquen-
ce, & que dans ce temps il vous priât
devriez,
de lui payer une pistole que vous lui
?
ne le feriez-vous pas mais
ce n'est pas la mode ici. On me con-
seille toujours de ne point demander
le congé de mon fils, & d'attendre
toujours ce qui arrivera en Allema-
;
gne mais cela efi un peu ennuyeux ;
& quand j'aurai paffé encore quelques
jours à Livri, je reviendrai ici, pour-
vu que j'aie la vue de vous attendre ;
car fans cela je vous assure que je me
trouverois encore mieux à Livri qu'à
Paris.

est à Saint-Germain ,
On ne joue plus tous ensemble,
comme on faisoit à Versailles. Tout
comme il étoir..
M. de Pomponne m'a dit qu'à Rome il
n'est question que de notre Cardinal ;,

soient pleines de Tes louanges ;


il n'en vient poin. de lettres qui ne
on
du Pape;
vouloit l'y retenir pour être leconseil
il s'cft encore acquis une
nouvelle estime dans ce dernier voya-
ge. Il a pasle par Grenoble pouir
:toil faniéce, mais ce n'est pas sa chère
niéce ; c'est une chose bien cruclfe
de ne plus espérer la joie de le revoir •
sçavez-vous bien que cela fait une
de mes tristes pensées f La paix de

,
Pologne est faite, mais romanesque-
nient. Ce Héros (L) à la tête de quinze
mille hommes entouré de deux cent
mille les a forcez l'épée à la main à
,
ligner le traité.. Il s'étoit campé si
avantageusement, que depuis la Cal-

; )
prenède (m on n'avoit rien vu de
pareil c'est la plus grande nouvelle
que le Roi pût recevoir, par les en-
nemis que le Roi de Pologne & lo
Grand Seigneur nous vont ôter de
dessus les bras. Le M a déja mandé

,
qu'il avoit eu bien de la peine à con-
clure cette paix c'cft à peu près la
même peine qu'il eut quand, on élut
ce brave Roi (n).
:a
Dangeau a voulu faire des prérens"
aufli-bien que Langlée il commencé
la ménagerie de Clagni ; il a ramassé-
pour deux mille écus de toutes les
tourterelles les plus passionnées de
,
(l) J'UD Sobieski, Roi dè Polbgne.
(m) Auteur de pluikurs RomanI très-
«fHmrz.
(n), Cette élection s'étoit faite le 10 Mai
*?V
toutes les truies les plus grasses, de
toutes les vaches les plus pleines, de
tous les moutons les plus frisez, de
tous les oisons les plus oisons ; & fit

ge comme
,
hierpafler en revue tout cet équipa-
, celui de Jacob que vous
avez dans votre cabinet de Grignan.

mois ;
Je reçois votre lettre du 10dece
je fuis vraiment bien contente
de la bonne rcfolution que vouspre-
lez, eUe fera approuvée de tout le
monde, & vous êtes fort loin de com-
prendre la joie qu'elle me donne. Ce
fut, dans le chagrin de vos incertitu..
des, que je voulus vous dire que bien
loin de m'aimer plus que vous ne
disiez, vous m'aimiez moins, puis-
que vous ne vouliez point me venir
voir ; voilà l'explication de cette
grande rudesse : mais je change de
langage en changeant mon humeur
,
chagrine contre une véritable joie.
Je crois que la vôtre n'a pas été mé-

lon;
diocre de voir le Cardinal de Bouil-
vous aviez bien à causer en-
Cardinal de Retz ,
semble. Ce que je vous ai mandé du
se rapporte bien
àtout ce que vous m'en dites: je crois
que vous êtes aussi blessée que mot
de la pensée de ne le plus voir. j,"
fuis fortcontente de vos conducteurs,
ayez foin de m'avertir de tous vos
fas. J'ai été fortaifede sçavoir que
l'ouverture de l'Assemblées'estf.iite
comme il convenoit, & que le petit
di (cours a été bien & gentiment pro.
noncé. Je m'en vais demain à Livri
passer encore cinq ou six jours avec
votre frère; & puis, je reviensici,
n'étant plus occupée que de votre
retour & de tout ce qui en dépend.
,

LETTRE LXXIII.
A LA MEME.
1676. A Livri, Vendredi 20 Novembre.

u N bonheur n'arrive jamais feul.


qui me plaisoit beaucoup;
J'avois reçu votre lettre du 10
je venois
d'y faire réponse : je reçus une heure

,
après un billet du Chevalier de Gri-
gnan qui me manda de Saim-Ger-
main que les ennemis du Baron se
retiroient, & qu'au Heu de s'en aller
dtgin closant, comme il avoit résolu,
au-devant de sa Compagnie, il feroit
en liberté de revenir dans cinq ou six
jours, & qu'apparemment la Fare (o)
seroit
la colombe qui apporteroit le
rameau d'olivier. Il me manda aufTi:
que votre pension feroit bientôt
payée. T lut cela me fit gaillarde, &
je revins hier trouver mon fils, qui
prit pour le moins la moitié de ma
joie. Notre oséjour ici fera tort court;
je m'en ir.ii songer à vous bien rece-
voir & à m'en aller au-devant de
,

conducteurs;
vous. Je lais mille amitieza vos deux
mon Dieu, les honnê-
tes gens ! Je verrai AI. le Cardinal de
Bouillon, dès qu'il fera arrivé. Je

,
crois que Vineuil fera fort bien la

Conclave :
vie du Hcros. Ce que vous dites du
est admirable mais fça-
vez-vous bien que je ne comprends
point trop que notre Cardinal ait
pafïe afiez près de vous, qu'il ait pu
vous voir, & qu'il ne l'ait pas fait.-
Il vous a témoigné tant d'amitié ,
(0)M.de laFarcétoitSous-Lieutenant
de laCompagnie des GendarmesDauphins.
M.de Sévigné en étoit Enseigne il acheta
j
la Charge du Marquis de la Taie en Juin
167.7.
qu'il n'fil pas aisé d'imaginer qu'il ait
eu plus d'envie de voir sa niéce dit
Sault, que sa chère niéce : enfin, il
ne l'a pas jugé à propos. Je fouhaitc
que vous vous accommodiez mieux
jamais ;
que moi de la pensée de ne le voir
je fuis destinée à périr par
les absences, On espère fort la paix,

,
& je crois que vous pourrez obtenir
le congé de M. de Grignan s'il n'ar-
rive rien de nouveau. Madame de

moi;
Vins passa un jour tout entier avec
il me semble qu'elle vous aime
fort, & qu'elle meurt d'envie de faire
quelque chose de bon avec vous.
MonsieurDESÉVIGNÉ.
Je me doutois bien que la comparai.
)
son du Soleil (p vous toucheroit, (%
qu'elle pourroit vous faire hâter vo-
tre voyage, pour achever la parfaitî
conformité de vous à ce grand astre.

;
J'espère que nous ne ferons pendu?
ni lesuns ni les autres nos ennemi?
s'en vont, & ma liberté approche par
conséquent. Pour M. de Grignan,
fapprends que les Provençaux font
plus dociles que je ne croyois: notre
tfi Voyez la page xSu
fcmUle
famUle
famille ne fera donc point honnie

Cardinal ;
pour ce coup. Vous avez eu le petit
je fuis fâché que le grand
n'y ait pas été aussi ; cette petite en-
trevue , qui auroit proprement été un
dernier adieu, vousauroitfait plaisir,

, ,
malgré les tristes réflexions qui l'au-
roient suivi. Adieu ma très-belle.

nous venir réchauffer; :


adieu mon soleil vous ferez bien de
car
ne fait guères bien son devoir
celui-ci
il ne
*
faut pourtant pas s'en plaindre.

LETTRE LXXIV.
ALAMEME.
A Livri, Mercredi 25 Novembre. 1676.
J ieE mevoispromène dans cette avenue;

1
venir
un
,
courier. Qui est-
ce r ceit Pomier ; ah vraiment
voilà qui est admirable. Et quand
!
viendra ma fille ? Madame, elle doit
être partie prérentcment. Venez donc
que je vous embrasse. Et votre don
de
cordé:
l'Assemblée ? Madame, il est ac-
à combien? à huit cent mille
francs. Voilàquiest fort bien, notre

re, ,
pressoir est bon, il n'y a rien à crain-
il n'y a qu'à ferrer notre corde

,
est bonne. Enfin, j'ouvre votre let-
tre & je vois un détail qui me ravit.
Jereconnois aisément les deux carac-
tères 6c je vois enfin que vous par-
,
tez. Je ne vous dis rien sur la parfaite
joie que j'en ai. Je vais demain à Paris
avec mon fils; il n'y a plus de daneer
pour lui. J'écris un mot à Monsieur

,
de Pomponne pour lui présenter notre
courier. Vous êtes en chemin par un
temps admirable mais je crains la
gelée. Je vous enverrai un carroile
où vous voudrez. Je vais renvoyer
,
Pomier, afin qu'il aille ce foir à Ver-
failles, c'est-à-dire à Saint-Germain.
J'étrangle tout, car le temps presse.
Je me porte fort bien, & je vousem-
brasse mille fois.
LETTRE LXXV.

••
ALAMÊME.
A ,
Paris Vendrcdi 27 Novembre. 1676.
E,aimable,
NFIN,ma très-chère & très-
écris à Valence;
je vous
-1
ce cnangement me ravit. J'espereque
vous aurez passé sagement ces terri-
bles bords du Rhône, & que je rece-

:
vrai de vos nouvelles, pour Içavoir
où vous envoyer un carrosse si vous

,
voulez que ce foit à Briare, je l'ap-
prouve très- fort & vous ferez fer-
vie à point nomme. Je revins hierde

la Fareest arrivé ,
Livri,jeramenai le frater, parce que
& que voilà qui
est fini. Je vis en arrivant le Cheva-
lier de Grignan, Monsieur d'Hacque-
ville, Madame de Vins& Monsieur
de la Trouflfe ; nous parlâmes fort de
votre retour. Je vols ai mandé com-
me j'avois vu Pomier à Livri , &
comme je le renvoyai à Saint-Ger-

;
main avec un billet pour M. de Pom-
ponne. Le voilà qui entre il a prii
fente vos paquets à M. de Pomponne,
des les a très-bien reçus. La nouvelle
qui
huit cent mille francs a été très-
agréable au Roi & à tous ses Minis-
tres. On a promis pour Lundi l'Or-
donnance j'aurai foin de tout. Ma-
,
dame de Vins se charge du congé de
Monfisur de Grignan. Sa Majesté a
eu un habit si beau, si riche, que tout
le monde y veut entendre finesse.
Adieu, ma très-belle, je ne sçais ce
;,
que j'ai
écrire
je n'ai plus de goût à vous
d'où vient cela ? feroit-ce
que je ne vous aime plus ? en vérité,
,
je ne le crois pas ni vous non plus,

tendre conter bien des chofps 4 ,


J'ai une envie extrême de vous en-
de vous embrafrer de tout mon cœur,

* LETTRE LXXVI.
A LA MEME,
oft-
1C76. A Paris, Mercredi 9 Decembre.
v Oici encore une lettre qu'il
:
faut que je vous écrive à I.von,
l'attends ce lQjr de vos nouvelles je
ayiez différé
j
ferai un étrange bruit, si apprends
votre départ.
que vous
Je m'en vais vous gronder, mafille,
de deux ou trois choses : vous ne
m'avez pas mandé comment vous avez

Marie;
trouvé la petite Religieuse à Sainte
vous sçavez que je l'aime
jdiment. Vous ne m'avez point parlé
fort

de l'assai re de vos Procureurs du


pays. J'ai oublié la troisiéme , si elle
ne revient, ellevous reviendra. Je
fais bien d'être ainsi méchante pen..
dantque vous êtes à Lyon, car vous
ne ferez pas assez fâchée pour vous en
retourner à Grignan ; mais si vous
étiez encore à Aix, vous me croiriez
de si mauvaise humeur, que vous ne
viendriez point me voir. Je vous dirai
que pour me venger je viens d'en-
voyer à M. de Grignan un paquet de
M. de Pomponne tout rempli d'agré-
ment & de douceurs. 1\1..de Pom-

mille francs. Le Roi dit en riant om


dit tous les ans que ce fera pour la
;
ponne a gliilé fort à propos nos cinq

; ,
dernière fois. AI. de Pomponne ert
riant répliqua Sire ils font em-
ployez à vous bien servir. Sa Majesté
apprit aussi que le Marquis de Saint-
le sourirecontinua ,
Andiol (p)étoit Procureur du pays;
comme dilant
qu'on voyoit bien la part qu'avoit
;
M. de Grignan à cette nomination.
M. de Pomponne lui dit Sire, la
chose a paffé d'une voix, fans aucune
contestation ni cabale. Cette conver-
!
sation finit, & se passa fort bien. Ah
j'ai retrouvé ma gronderie, c'estque

f
si vous aviez demandé plutôt cette
Sénéchausséede Graffe vous l'auriez
;,
eue le Chevalier de Séguiran la de-
manda
; & l'obtint, il y a trois fe-
maines il l'a vendue dix mille francs,
qui vous auroient été fort bons. Il

;
n'en coûte rien de proposer certaines

,
choses on s'amuse au moins à voir si

,
elles font possibles. Adieu ma très-
aimable vous voilà toute grondée
& vous verrez qu'àprès cette boufïée
;
de méchanceté vous ne trouverez
plus que de la douceur, & une ten-
dretlé & une joie extrêmes en vous
embrairant.Voilà le Chevalier &
Corbinelli qui ne veulent plus vous
écrire.L'Abbé de la Victoire (q)
mortuus & fepultus efl.
(p) Laurent Varadier, Mirquis de Saint-
Andiol. beau.frère de M. de Grignan.
(q) L'Abbé Lenet.
*LETTRE LXXVII.
A LAM I ME.
A Paris, Dimanche au folr i
676q,
13 Décembre.
Qchère
U dois-je point,
,
vous
E ne ma
enfant, pourtant
de pei-

,
nes, de fatigues, dennuis de froid,
de gelée de frimats de veilles Je f
;
,
crois avoir souffert toutes ces inco..
aa
moditez avec vous ma pensée

je vous ai suivie par-tout ;


pas été un moment séparée de vous,
& j'ai
trouvémille fois que je ne valois pas
l'extrême peine que vous preniez pour
moi, c'efi-a-dire, par un certain côté ;
car celui de la tendresse & de l'amitié

, !
relève bien mon mérite à votre égard.
Quel voyage bon Dieu & quelle

,
faison ! vous arriverez précisément
le plus court jour de l'année & par
conséquent vous nous ramenerez le
Soleil. J'ai vuunedevise quimecon-
viendroit assez ; c'est un arbre sec ÔC
comme mort, & autour ces paroles :
sinche Sol ritorni. Qu'en dites-vous
ma fille ? Je ne vous parlerai donc
;
point de votre voyage, nulle queflion
là-defrus; nous tirerons le rideau sur
vingt jours d'extrêmes fatigues, &
nous tâcherons de donner un autre
cours aux petits esprits , & d'autres
,
idées à votre imagination. Je n'irai
point à Melun je craindrois de vous
donner une mauvaise nuit par une
dissipation peu convenable au repos
mais je vous attendrai à dîner à Vil-
:
teneuve-Saint-Georges; vous y trou-
verez votre potage tout chaud
sans faire tort à qui
; &
que ce puisse être,
vous y trouverez la personne du mon-
de oui vous aime le plus parfaitement.
L'Abbé vous attendra dans votre
chambre bien éclairée avec un bon
feu. Ma chère enfant, quelle joie!
puis-je en avoir jamais une plus sen-
iiblef
Icifiniffent les lettres de l'année1676,

;
à cause de l'arrivée de Madarie de Gri-
gnan à Paris Gr* c'efl au 8 Juin 1677
qu'elles recommencent, c'eji à-dire, im-
médiatementaprès sondépart pour G ri-
gnaru
*LETTRE LXXVIII.
A LAMEME.
A Paris, Mardi 8 Juin.

N ON,,
1

rien
,;
mafîile je ne vous dis
rien du tout vous ne fça-
1677.

:
vez que trop ce que mon cœur est
pour vous mais puis-je vous cacher
tout-à-fait l'inquiétudeque me donne
votre fanté ? c'est un endroit par où
; :
je n'avois pas encore été blessée cette
première épreuve n'est pas mauvaise

;
je vous plains d'avoir le même mal
pour moi mais vlût à Dieu que je
!
n'eusse pas plus de sujet de craindre
que vous Ce qui me console, c'est
l'assurance que M. de Grignan m'a
donnée de ne point pouffer à bout

,
votre courage ; il est chargé d'une
vie où tient absolument la mienne :
,;
ce n'est pas une raison pour lui faire
augmenter ses foins celle de l'amitié
qu'il a pour vous est la plus forte.
C'est aufu dans cette confiance mon
très-cher Comte, que je vous recom-
,
:
mande encore ma fille observez-la
bien, parlez à Montgobert, entendez-
vous ensemble pour yneaffaire si im-
,
portante. Je compte fort sur vous,
ma chère Montgobert. Ah ma chère
enfant! tous les foins de ceux qui font
autour de vous, ne vous manqueront
pas; mais ils vous feront bien inuti-
les, si vous ne vous gouvernez vous-
même. Vous vous sentez mieux que
personne ; & si vous trouvez que vous
ayiez assez de force pour aller à Gri-
gnan , & que tout d'un coup vous
; ,
trouviez que vous n'en avez pas aisez
pour revenir à Paris si enfin les
Médecins de ce pays-là, qui ne vou-
dront pas que l'honneur de vous gué-
rir leur échape , vous mettent au
;
point d'être plus épuisée que vous ne
!
l'êtes ah ne croyez pas que je puissle
résister à cette douleur.Mais je veux
espérer qu'à notre honte toutira bien.

,
Je ne me foucieraiguères de l'affront
que vous ferez à l'air natal pourvu
soyiez un meilleur
;
que vous dans
état. Je fuis chez la bonne Troche,

;
dont l'amitié est charmante nulle
autre ne m'étoit propre jevous écri-
rai encore demain un mot, ne m'ôtez
point cette unique consolation. J'ai
bien envie de sçavoir de vos nou-

,
velles: pour moi, je fuis en parfaite
fanté les larmes ne me font point de
mal. J'ai dîné, je m'en vais chercher
Madame de Vins & Mademoiselle de

,
Méri. Adieu, mes chers enfans, que
cette caléche que j'ai vu partir est
bien précisément ce qui m'occupe,&
!
le sujet de toutes mes pensées

Madame DE LATROCHE.
La voilàcettechèrecommère qui
la bonté de me faire confidence de

,
a
sa sensible douleur. Je viens de la
faire dîner elle eA: un peu calmée ;
;
conservez-vous, belleComtesse, &
tout ira bien ne la trompez point

observez-vous ,,
sur votre fanté,ou pour mieux dire,
ne vous trompez point vous-même ;
& ne négligez pas la
moindre douleur ni la moindre cha-
leur que vous sentirez à cette poitri-
:
ne tout est de conséquence, & pour
vous, & pour cette aimable mère.
Adieu, belle Comtesse, je vous allure
que je fuis bien vive pour sa fanté, &
que je fuis à vuus bien tendrement.
* LETTRE LXXIX.
ALA MEME.
.1677. A Paris, Mercredi 9 Juirt.

J EVinsfus doncchezhierMademoiselle
&
chez Madame de
de
Méri, comme vous avois ;
je dit elles
n'avoient reçu ni l'une ni l'autre les

colère
:
petits billets que je vous fis écrire
pour elles ce dérangement me mit
le bel Abbé. Je
en contre
;
grétai de ne m'être pas chargée de
toutes vos petites dépêches j'aime
la ponaualité. Mais, machèreenfant,
re-

comment vous portez-vous ? n'avez-


vous point un peu dormi ? vous êtes
partie présentement, quoiqu'il ne
foit que six heures du matin.Madame

, ,
de Coulanges m'envoie proposer de
Chaville, oùelleest de l'aller pren-
dre
,
pour aller dîner à Versailles
avec M. de Louvois que je ne trou-
verois de long-temps fans cela. Je
vais donc faire cette petite corvée
JVI. de Barillon vient avec moi. Je
;
me porte ;
très-bien plùt-à Dieu que

; ,
votre beau tempérament eût repris sa
place chez vous comme le mien 9
fait chez moi votre fanté est l'uni-
foin de vie. J'appris
que ma encore
hier que rien n'est si bon que de l'eau
de poulet, & que Madame du Frênoi
s'enest très-bien trouvée. Mademoi-
felle de Méri est plus habile par sa

,,
propre expérience , qu'un Médecin
qui se porte bien par la sienne;elle

,
doit vous écrire
billet. Adieu
& m'envoyer fan
mon Ange , je vous
rends ce que vous me dites fans ceflè ;
songez que votre fanté fait la mienne,
& que tout m'est inutile dans le mon.
de, si vous nç vous guérissez.

*LETTRE LXXX.
A LA M ê ME.
A Paris, Vendredi 11 Juin. 1677,
1L me semble que pourvu que je
n'eusse mal qu'à la poitrine ;8ç
vous, qu'à la tête, nous ne ferions
Qu'en rire;mais votre poitrine mq
tiént fort au cœur, & vous êtes en
;
peine de ma tête hé bien, je lui ferai

;
pour l'amour de vous plus d'honneur
qu'elle ne mérite & par la même
rai son, mettez bien, je vous fuppiie,
votre petite poitrine dans du coton.
Je fuis fâchée que vous m'ayiez écrit
Melun ;
une si grande lettre en arrivant à

,
c'étoit du repos qu'il vous
falloit d'abord. Songez à vous nia

dragons ;
chère en fant, ne vous faites point de
songez à me venir achever

,
votre visite, puisque , comme vous
dites la dessinée c'est-à-dire la
,
,
Providence a coupé si court, contre
toute forte deraison celle que vous
,

aviez voulu me faire. Votre fanté est


plus propre à exécute: ce projet que
votre langueur; & comme vous vou-
lez que mon cœur & ma tête soient

,!
libres, ne croyez pas que cela puiHè
!
être si votre mal augmente. Quelle
journée quelle amertume quelle

,
séparation! vous pleurâtes, ma très-
chère & c'estune affaire pour vous
ce n'est pas la même chose pour moi,
;
c'est mon tempérament. La circonf-
tance de votre mauvaise fanté fait une
grande augmentation à ma douleur :
ilme femblequefije n'avois que l'ab-
fence pour quelque

idée de votre maigreur


;,
temps, je m'en
accommoderois fort bien mais cette
de cette
vi
foiblessedevoix, dece fage fondu,
de cette belle gorge méconnoi flable,
voilà ce que mon cœur ne peut foû-
tenir. Si vous voulez donc me faire
tout le plus grand bien que je puisse
desirer, mettez toute votre applica-
tion à sortir de cet état.
!
Ah, mafille queltriomphe Ver-à!
!
failles! quel orgueil redoublé quel

!
solide établissement quelle Duchesse
de Valentinois quel ragoût même

!;
par les diftraftions & par l'absence !
quelle reprise de possession Je fus une
heure dans cette chambre elle étoit
au lit parée, coëffée ; elle se reposoit
pour le inedianoche. Je fis vos coni,
des louanges ;
plimens, elle répondit des douceurs,
sa sœur en haut
trouvant en elle-même toute lagloire
, se

de Niquée donna des traits de haut


,
en bas sur la pauvre Io, & rioit de ce
qu'elle avoit l'audace de se plaindre
d'elle.Représentez-vous tout ce qu'un
orgueil peu généreux peut faire dire
dans le triomphe, devous en appro-
iherez. Ondit que la petite reprendra
son train ordinaire chez MADAME.
Elie s'est promenée dans une solitude
parfaite avec la Moreuil dans le jar-

,
din du Maréchal du Plessis; elle a été

,
une fois à la Messe. Adieu ma très-
chère je me trouve toute nue, toute
feule de ne vous avoir plus. Il ne faut

;
regarder que la Providence dans cette
separation on n'y comprendroit rien
autrement; mais c'est peut-être par-
là que Dieu veut vous redonner votre
fanté. Je le crois, je l'espère mon

répondu ;
pher Comte, vous nous en avez quali
donnez-y donc tous vos
Coins, je vous en conjure.

LETTRE LXXXI.
A LA Mè M E.

,.677. A Paris, Lundi 14. Juin.

1'A i reçu votre


,
lettre de Ville.
neuve-la-Guerre. Enfin ma fille,
il en donc vrai que vous vous portez
mieux, & que le repos, le silence , &
la complaisance que vous avez pour
ceux
Wux qui vous gouvernent, vous don-
nent un calme que vous n'aviez point
ici. Vous pouvez vous reprcfenter est,".
,
:
je respire d'espérer que vous allez
vous rétablir je vous avoue que nul
remède au monde n'est si bon pour me
soulager le coeur, que de m'ôter de
l'esprit l'état où je vous ai vue ces
derniers jours. Je ne soûtiens point

,
cette pensée ; j'en ai même été si frap-
pée que je n'ai pas démêlé la part
que votre absence a eue dans ce que
j'ai senti. Je ne fuis pas entrée jus-
qu'ici dans les réflexions qui naifient
de la joie que j'ai de vous voir, & de

fans vous,
l'ennui que je trouve à passer ma vie
je n'ai fait encore que
penser à votre fanté, que transir pour
l'avenir; & quand je ferai en repos
là-defius, j'espère que vous songerez
à votre retour. Mais quel dommage
que vous prodiguiez vos inquiétudes
pour ma fanté, qui est toute rétablie,
& qui ne se pourroit détruire que
à
par le mal que vous faites la vôtre
Employez donc votre raison à ne
!
vous pas laitier dévorer par descho-

sont pas ébranlées ,


ses, dont les moindres personnes ne
& servez-vous
de votre courage pour n'être pas la
dupe desvains fantômes d'une imagi-

,
nation qui le frappe trop aisément.

;
Je vous tiens à mon avantage quand
je vous écris vous ne me répondez
point. & je pouffe mes discours tant
que je veux. Ce que dit Montgobert
;
de cette éguillette nouée, est une des
plaisanteschoses du monde dénouez-

: ,
la, ma fille, & ne soyez point Il vive
pour des riens quant à moi si j'aide
fondée;
inquiétude elle n'est que trop bien
,
ce n'efi point une vision que
l'état où je vous ai laissée. M. de Uri-
frayez.
,
gnan & tous vos amis en ont été ef-
Je faute aux nues quand on
me vient dire,
,vous vous faites
rir toutes deux il faut vous separer;
vraiment,voilà un beau remède, &
mou-

maux ;
bien propre en effet à finir tous mes
mais ce n'est pas comme ils
l'entendent: ils lifoient dans ma peru

;
fée»& trouvoient quej'étois en peine
de vous & de quoi veulent. ils donc
que je fois en peine f Je n'ai jamais
vu tant d'iniuflice qu'on m'en a fait
dans ces derniers temps. Ce n'étoit
;
pas vous au contraire, je ne fuis que
trop contente de votre cœur - vous x
n'avez point caché votre amitié
comme vous le pensez. Que voulez-
,
?
vous dire est-il possible que vous
puissiez tirer un dragon de tant de
bonnes choses ? Ne me parlez donc

bien
:
plus sur ce ton il faudroit que je fuÍfe
déraisonnable, si je n'étois plei-
nement satisfaite. Ne me grondez
point de trop écrire, cela me fait plai-
sir: je m'en vais laisser là ma lettre
jusqu'à demain.

Mardi iy.

lettres d'Auxerre
; ;
Je viens de recevoir deux de vat
d'Hacqueville
étoit ici il a été ravi de sçavoir de
vosnouvelles. Quels remercimens ne

êtes ? Enfin ,
dois-je point à Dieu de l'état où vous
vous dormez, vous
mangez un peu, vous avez du repos ;
vous n'êtes point accablée, épuisée ,
dégoûtée comme ces derniers jours:
!
ah, ma fille quelle fûreté pour ma
fanté, quand la vôtre prend le che-
!
mih de se rétablir Quand vous par-
lez du mal que vous m'avez fait, c'est
uniquement par l'état où je vous ai
vue; car pour notre léparation , elle
I
m'auroit été supportable,dans efpc-
:
rance de vous revoir plutôt qu'à l'or-
!
diraire mais quand il est question de
f
Je vie, ah, ma très-chère c'et une
forte de douleur dont je n'avois ja-
mais senti la cruauté & je vous avoue
,
que j'y aurois faccombé. C'est donc
à vous à me guérir & à me garantir
du plus grand de tous les maux. J'at-
tends vos lettres avec une impatience
qui me fait bien sentir que votre fante
est mon uniqueaffaire. Je vous fuis
à toutes vos couchées. Vous ferex
demain à Châlons, où vous trouverez
;
une de mes lettres celle-ci va droit

, ,
à Lyon. Le Chevalier se porte mieux,
sa fiévre l'a quitté à ce que m'a dit
le bel Abbé qui est si ponctuel à
rendre les billets.
Io ( r) a été à la Méfie, on l'a re-
;
gardée fous cape mais on est insen-
sible à son état & à sa tristesse. Elle
vareprendre sa pauvre vie ordinai re;
ce conseil est tout simple , il n'y a
point de peine à l'imaginer. Jamais
triomphen'a été si complet que celui
des autres; il est devenu inébranla-
(r) Madame de Ludre, Chanomesse dt
etuffai.
ble depuis qu'il n'a pu être ébranlé.
Je fus une heure dans cette chambre p
on n'y respire que la joie & la prof-
périté : je voud rois bien sçavoir qui
voudra s'y fier désormais. AdieuT
iua très-chère, je fuis fort aise que
M. de Grignan approuve vos projets
pour votre retour. Votre petit frère
il
esten Gargan, en Bagnole, ne met
pas le pied à terre :
mais il n'en est
pas moins par voie & par chemin.
Ah, vraiment voilà une mère bien
1

vôtre;.,
gardée. Croyez une fois pour toutes,
ma fille que ma fanté dépend de la
plût à Dieu que vous fuHiez
comme moi i

* LETTRELXXXII.
A LAM AE
M E.
A Paris, Mercredi 16 Juin.

c ;
E TTE lettre vous trouvera
!
1677.

donc à Grignan hé, mon Dieu


comment vous portez-vous ?
M. de
Grignan Se Alontgobertont-ils tout
l'hoxuieur qu'ils espéroient de cette
conduite ? Je vous ai suivie par-tont,
ma chère enfant, votre cœur n'a-t-il
point vu le mien pendant toute la
route? J'attendsencore de vos nou-
velles de Châlons & de L yon. Je
viens de recevoir un petit billet de
M. des Ifiàrds (s), il vous a vue &
regardée vous lui avez parlé, vous
,
l'avez assuré que vous étiez mieux
je voudrois que vous sçussiez comme
;
il me paroît heureux, & ce que je ne
donnerois point déjà pour avoir cette
,
;
joie. Il faut penser ma fille, à vous
guérir l'esprit & le corps & si veut
ne voulez point mourir dans votre
pays & au milieu de nous, il faut
ne plus voir les chosesque comme
,,
elles font, ne les point grossir daili
votre imagination ne point trouver
;,
que je fuis malade quand je me por-
te bien si vous ne prenez cette ré-
solution on vous fera un régime &
une nécefltté de ne me jamais voi r:

; ,
je ne sçais si ce remède feroit bon
pour vous quant à moi je vous
asTure qu'il feroit indubitable pour

;
finir ma vie. Faites sur cela vos ré-
flexions quand j'ai été en peine de
(t) Homme de qualité d'Avignon,
vous, je n'en avois que trop de sujet ;
plût à Dieu que ce n'eût été qu'une
!
vision le trouble de tous vos amis,
& lechangement de votre visage, ne
confirmoient que trop mes craintes
& mes frayeurs. Travaillez donc,
ma chère enfant, à tout ce qui peut
rendre votre retour aussi agréable,
que votre départ a été trifie & dou-
loureux. Pour moi, que faut-il que
?
?
;
je fafle dois-je me bien porter je
me porte très-bien dois je songer à

vous;
ma fanté ? j'y pense pour l'amour de
dois-je enfin ne me point in-
quiéter sur votre sujet ? c'est dequoi
je ne vous réponds pas, quand vous
ferez dans l'état où je vous ai vue.

:
Je vous parle sincérement, travaillez
là-dessus

;; ,
& quand on me vient dire
présentement, vous voyez comme
elle se porte & vous-même
êtes en repos
vous
vous voilà fort bien

pour nous
;
toutes deux. Cuï, fort bien. v(,ilà
un régime admirable
bien porter,
tellementque
il faut que
: ;
nous(oyions à deux cent mille lieues
l'une de l'autre & l'on me dit cela
avec un air tranquille voilà juste-
meut ce ijui m'échauffe le fang, Se
,
me fait fauter aux nues. Au ncm (5b
Dieu, ma fille rétablirons rotrs
réputation par un autre voyage,

;
où nous foyions plus raisonnables,
c'est-à-dire, vous & où l'on ne nous
dise plus, vous vous tuez rune l'au-
si
cours, que je n'en puis plus
d'autresmanières de me tuer qui
;,
tre. Je suis rebattue de ces dif-
il ya
feroient bien plus fûres. Je vous en-
voie ce que m'écrit Corbinelli de la
vie de notre Cardinal, & de ses di-
gnes occupations. M. de Grignan
fera bien aise de voir cette conduite.
Vous aurez trouvé de mes lettres à
Lyon. J'ai vu se Coadjuteur, je ne
:
nous parlâmes de vous ;
Je trouve changé en rien du tout
fort il me
conta la folie de vos bains, & com-
me vous craigniez d'engraisser ;;
punition de Dieucft visible sur vous
Lx

après six enfans, que pouviez-vous


craindre? Il ne faut plus rire de Ma-
dame de Bagnols après une telle vi-
sion. J'ai été à Saint-Maur avec Ma-

:
dame de Saint-Geran & d'Hacque-
ville, vous futes célébrée Madame
de la Fayette vous fait mille anii-
tiez.
Monsieur
MONSIEUR&MADAME font
;
à une de leurs terres, & iront en-

,
core à une autre tout leur train est
Le Roi ira les voir mais
avec eux.
;
je crois qu'il aura son train aussi. La
dureté ne s'est point démentie trou-
vera-t-on encore des dupes sur la sur-
?
face de la terre On attend des nou-

Commerci:
velles d'une bataille à sept lieues de
M. de Lorraine voudroit
,
;
bien la gagner au milieu de Con pays
à la vue de ses Villes AI. de Créqui
voudroit bien ne la pas perdre, par
laraifon qu'une & une feroient deux-.

,
Les Armées font à deux lieues l'ul:e
de l'autre non pas la rivière entre-
deux, car AI. de Lorraine l'a paflfée :
;
je ne hais pas l'attente de cette nou-
le plus proche parent que j'aie

,
velle
dans l'Armée du Maréchal de Cré-
f
,
qui, c'et Boufflers. Adieu ma trcs-
chère profitez de vos réfléxions &
des miennes, aimez-moi, & ne me
cachez point un si précieux thrésor.
Ne craignez point que la tendresse
que j'ai pour vous, me faire du mal,
c'est mavie. -
* LETTRE LXXXIII.
A LAMEME,
,J677- A Paris, Vendredi 18 Juin.

]E ,
pense aujourd'hui à vous com-
me
Lyon ,étant arrivée d'hier au foir à
allez fatlguée, ayant peut-
être besoin d'une saignée pour vous
rafraîchir. Vous avez dû être incom-
modée par les chemins; j'espère que
vous m'aurez mandé de vos nouvelles
de Châlons, & que vous m'écrirez
aufli de Lyon. Je m'en vais chercher
des Grignans; je ne puis vivre fans
en avoir pied ou aîle. Je passrai chez
la Marquise d'Huxelles,&chez Ma-
demoisellede Méri : enfin, il me faut
de vos nouvelles. Vous avez reçu

;
des
Voici
miennes à Châlons & à Lyon.
la feconde à Montelimart & le plai.
lir de l'éloignement, c'efi que vous

:;
rirez de me voir encore parler de
Lyon & du voyage cependant, j'en
fuis encore là aujourd'hui mais pour
me transporter tout à coup au temps
dans votre Châteauf
présent. comment vous portez-vous
avez-vous trou-
vé vos jolis enfans dignes de vous

,
amuser ? votre fanté est-elle comme
je la desire ? Ma fille les jours paf.
sent, comme vous dites, & au lieu
d'en être aussi fâchée que je le fuis
quand vous êtes ici, je leur prête la
main pour aller plus vîte & je con-
,
sens de tout mon cœur à leur rapidité
ju[qu'à ce que nous foyions enCemble.
Je me fie à la Garde pour vous mander
les nouvelles, & vous dire le dégoût
qu'a eu M. on l'a trouvé un paresseux,
un homme haïifant le métier, ce qui
s'appelle le contraire d'un bon Ossi-
?
cier. Qu'a-t-on fait on a taxé sa

;
Charge, achetée quarante-cinq mille
écus, à cent mille francs & il a été
obligé de prendre, pour la moitié, la
Charge de Villarceaux. Sa femme a
crié aux pieds du Roi, qui a dit que
ce n'etoitpasaussi pour lui faire plai-
sir qu'on l'ôtoit du Service. On va
chez AI. de Louvois, il dit que le
Roi ne veut point être servi de cette
forte; enfin, la mortification est com-
plette, & fait voir qu'il n'y a plus
aujourd 'hui de péché mortel, qui luit
:
ù sévérement puni que celui de pa.
resse
,
il y a des accommodemens à
tous les autres à celui-là point de
pardon. Je vous quitte pour aller
faire un tour de Ville.
Aie voilà de retour. J'ai entendu
*

le Salut avec la bonne Marquise d'Hu.


xelles; je voulois voir ensuite Ma.
demoiselledeMéri ; elle étoit allée
avec Madame de Moreuil. J'ai été
chercher des Grignans, car il m'en
falloit. Le Coadjuteur venoit de par-
tir pour venir ici, j'ai recouru après
, ,
lui, & le voilà, il vous écrit. Je vous
conjure ma fille si vous m'aimez,

;
de ne point loger dans votre appar-
tement à Grignan le Coadjuteur dit
que le fourest fous votre lit, je con.
nois celui qui est au-dessus ; de forte
que si vous ne vous tirez de tous ces
tours, vous ferez plus échauffée que
vous ne l'étiez ici ; contentez-moi
là-dessus. J'ai appris que le Roi fut
à Saint-Cloud, il étoit feul & la
,
belle étoit au lit. On vous mandera
;
si les Dames ne furent pas le trouver
je n'en ai rien ouï dire jusqu'à pré-
fent. Le bel Abbé vous contera com-
me on a encore fuupçonné nos fqij.,
très frères de vouloir ravauder quel-
que chose à Rome furie relâchement;
& comme ils ont été repoussez <5c
l'ordre qu'on a donné à tous les Evê-
,
pensée ; ils l'ont tous promis ,
ques de ne point entrer dans cette
& la
probabilité est une des moindres opi-
nions qui va s'établir.

LETTRE LXXXIV.
ALAM à me.
A Paris,Mercredi 23 Juin. 1677.
] \At été cinq
; jours fans avoir de

,
vos lettres ce temps m'a semblé
rude & ennuyeux. Enfin j'ai reçu

,
votre lettre de Chagni & de Châlons.
!
Mon Dieu ma fille que Vous avez

!
rai son de vous plaindre de cette mon-
tagne de la Rochepot que de cahots
& quelle cruauté qu'au mois deJuin
!
!
les chemins de Bourgogne soient im-
praticables Vous me dites des mer-
veilles de votre fanté : mais pourquoi
M. de Grignan ne m'en dit-il pas un
mot ? après de si cruelles journées, il
falloit me rassurer. La Saone vous atM
ra été d'un grand secours avec sa tran-
quillité. Vous souvenez-vous de cet
adieu trille & cruel que nous finies
dans ces champs ? il est encore bien

;
présent à mon imagination. Ceux qui
demeurent ont leurs maux & tous
les endroits où ils ont vu ce qu'ils re-
grétent,Cont marquez bientristement.
Je prends de l'espérance tout autant
;
que je puis votre fanté , ma fille.
est un des fondemens de cette espé-
rance, vous sçavez les autres. La
fatigue & la longueur des voyages
me font une peine incroyable. Ne
parlons plus de Vichi, à moins que

point nommé :
vous n'ayiez besoin d'un dragon à
je ne sçais ce que
j'aurois fait, si j'avois entrepris ce
voyage avec la quantité de petites
affaires que j'ai ici ; je n'y pensois
point, quand vous étiez avec moi
enfin, je n'ai pas encore pu aller à
;
Livri. Madame de la Fayette est re-
venue de Saint-AIaur fort malade ,
sa fièvre est augmentée avec une co-
lique dans les boyaux très-sensible,
elle a été saignée ; si sa fièvre conti-
nue , elle ne fera pas long-temps ma-
lade: les amis font occupez de ce
nouveau mal. M. le Duc fait des
merveilles, il me fera aisé de lui
plaintes de ces diantrcs de
faire des Je
chemins. laisse à mon fils le foin

que,
de vous répondre sur le Poëme épi-
& sur les bonnes lectures que
vous faites. Je ferai vos complimens
à tous ceux que vous nommez, ce
font des souvenirs précieux. La Prin-

ne vous avoir plus trouvée :


celse de Tarente est au désespoir de

m'en un mot, & de la bonne Mar-


dites-

:
beuf qui vous adore, parce que je
vous aime j'envoie avec plaisir vos
petits billets.
Le Coadjuteur vous dira comme
son compliment extraordinaire au Roi
a bien réussi, & comme il peut de-
meurer ici tant qu'il voudra.L'Abbé
de Grignan chalTe les autres, en at-
tendant qu'on le chasse quelque jour.

:
L'Abbé de Noailles (t) n'a point
voulu de l'Evêché de Mende le père
& la mère disent que ce fils est leur
( t) Louis - Antoine de Noailles, depuis
Evêque de ChâJons sur Marne. & dans la
fuite Cardinal& Archevêque de Paris.
; ,
consolation, que cet éloignement lei
toe hé bien on leur en donnera un
plus proche. Pour moi, j'aurois pris

:
pour une vocation ce qui me feroit
venu fans le demander ils font bons
& Pages.

,
Nous avons dîné chez M. d'Ha-
rouïs le Cardinal d'Estrées, la Café
de Brancas, MeCdames d'Huxelles

;
de Coulanges, & moi. Vous ne fûtes
point du tout oubliée le Maître du
logis est reconnoissant de votre fou-
,

venir. J'ai dit des douceurs à la Gar-


gan. Dites un petit mot à cette bon-
ne d'Escars , qui se met si bien en
pièces, quand il s'agit de vous fer-
:
vir je vous tourmente, mais c'est
que je n'aime point qu'on se plaigne
de ma fille.
Ne me grondez point sur la lon-
gueur de mes lettres, je ne les écris
prends,
point tout d'une haleine, je les re-
& bien loin de me donner
de la peine, c'est mon unique plaisir.

,
Voilàoù l'absence nousréduit; écrire
& recevoir des lettres c'est ce qui
tient la place de la vue & de la société
d'une personne que l'on aime plus
que foi-même. Vous m'avez écrit de
)
;
votre bateau, & de Thezé (u ; vous
pensez à moi par-tout du moins, je
ne vous fais pas d'injuflice sur la re-
connoissance & la sensibilité que j'en
dois avoir. J'avois bien pensé que
vous feriez incommodée pendant vo.
tre voyage, le bateau est venu tout à
propos. J'approuve vos résolutions
de préférertoujours l'eau à la terre
mais n'allez pas pour celavous embar-
:
quer au voyage des Sévarambes (x);
vous ne m'en paroiÍfez pas trop éloi-
,
gnée. Je vous remercie de la Fable
de la Mouche elle est divine :
on ne
;,
trouve en son chemin que des occa-
,
fions de penser à elle oh, quejefais
de poudre! eh mon Dieu que cela
!
est plaisant La Gilette ne doute point
que ce ne foit ellequi fasse le tour-
d'autres
billon. Il y en a aussi qui

,
ressemblent à cette autre Mouche de
la Fontaine (y) & quipensent tou-
jours avoir tout fait. Vos inftruc-
( M ) Château de Messieurs DE Roche-
bonne.
(x) Peuples imaginairts.
(y) Voyez la Fable du Coche
- &- tu la
iituclê.
trêmes;
tions du Mont d'or font un peu ex*
à moins que d'être para-
lytique, on
de cette horrible chaleur ;
ne hazarde pas un bain
& pour
guérir des mains qui ne font de nulle
,
conséquence, on ne veut point gâter
toute une fanté & une machine qui
est dans son meilleur état. Je vous
enverrai l'avis de M. Vesou ;
soyez
en repos, ma fille
,
,
& croyez que
pour l'amour de vous je ferai tout
ce que l'on m'ordonnera. Vous allez
donc cherchant toujours mes lettres
jurqu'à Grignan. Jevouscroisce foir
à Valence; si j'ai compté juste, vous
aurez eu mes lettres de Lyon. J'ai
;
vu de quelle forte vous me recom-
mandez à M. de la Garde il en fait
très-bien son devoir, parce qu'il Cçait
que vous m'aimez , & que c'est vous
;
faire plaisir : vous m'en faites beau-
coup à moi je ne puis être long-
temps fans quelque Grignan. je les
cherche, je les veux, j'en ai besoin.
La belle Isis ( )est au Bouchet
le repos de la solitude lui plaît da-
;
vantage que la Cour ou Paris. Elle
(e.) C'rft
, la même qui est désignée fous
le nom d'lo page 404*
passa une nuit dans les
,champs, en
faisant ce petit voyage par un car-
rosle rompu, & tout ce qui arrive
quand on est en malheur. Le. petit
garçon (a) vous répondra sur ma
fanté ; vraiment il a bien d'autres
choses à faire qu'à me mitonner
rienn'est si occupé qu'un homme qui
;
n'est point amoureux, il représente
en cinq ou six endroits, quel mar-
!
tyre Encore une fois, ne me gron-
dez point de la longueur de ma let-
;
tre , ce n'est pas l'ouvrage d'un foir
& que puis-je faire qui me touche
davantage ? Madame de la Fayette
se porte mieux. Madame de Schom-
berg vous dit cent mille amitiez.
(s) M. de Sévigné.
*LETTRE LXXXV.
A LA MEME.
A Paris, Vendredi25 Juin.
*077.
v ,
Ou s êtes à Grignan, ,
Khone ;
Le chaud, l'air la bife
ma fille.

premièrement , tout cela


vous a-t-il été favorable ?
Je

Je vous
;
demande ensuite des nouvelles du
petit Marquis & de Pauline je ferai
satisfaite sur toutes ces questions,
avant que vous receviez cette lettre :
mais il est impossible de ne pas dire
ce que l'on pense dans le moment
qu'on écrit, quoiqu'on en connoîsse
l'inutilité. Je fuis fort contente des
foins de tous vos Grignans ; je les
aime, & leurs amitiez me font né-
cefTaires par d'autres raisons encore
que par leur mérite. M. de la Garde
n'a pas balancé à croire que c'est moi
plutôt que Madame Gargan, que vous
lui recommandez dans cette rue. Je

au Palais Royal ;
fus hier avec Madame de Coulange9
oh, que Je fan Je
(b) :
applications
poudre nest-ce pas une de vos
? elle est fort juste &

reçues ;
fort plaiCante. Nous fumes très-bien
MONSIEUR étoit chagrin,
& ne parla qu'à moi à cause de vous

; ,
& deseaux. MADAME me fit des
merveilles d'abord mais quand l'Ab-
bé de Çhavigni fut entré mon étoile
pâlit visiblement; je dirois volontiers
sur cetAbbé, comme les laquais, il
faut qu'il ait de la corde de pendu. La
Duchesse de V. est favorite de
MADAME; elle n'en met pas plus

,
grand pot au feu pour l'esprit ni
pour la conversation. Je regardois
cette chambre & ces places de fa-

auprès de MADAME ;
veur si bien remplies autrefois. Ma-
dame la Princesse de Tarente étoit
elles avoient
eu de grandes conférences : le petit
de Grignan profiteroit beaucoup à
les entendre (c). Ma fille, je me
porte trèsbien, & je dirai toujours,
(b) Voyezlapage 4x7.
( l) Comme ces deux Princeues ne par-
loient jamais que la langue de leur pays entre
elle? Madame de Sévigné disoit que solt
,
petix-fils, A qui ça faisoit apprendre l'Alle-
mand,profiteroit beaucoup à les cntç[)dre,
plut
!
de a Vleu que vous euliiez autant
fanté que moi Je m'en vais ce
foiràLivriavecd'Hacqueville nous ;;
irons demain dîner à Pomponne Ma-
dame de Vins nous y attend avec le
reste de la famille. Voilà un couplet

:
de chanson de M. de Coulanges, je
le trouve plaisant quoique les Mé-
decins vous défendent de chanter,
je crois que vous leur défobéïrez en
h est à la campagne ,
faveur de cette folle parodie.
& n'a pu
soûtenir ce personnage simple qui
,
n'était pas praticable. Jeconsulterai
avec le Coadjuteur quel livre on
pourrait vous envoyer. Je relis par
hazard Lucien, en peut-on lire un
autre f
MonsieurDESÉVIGNÉ.
Pour vous montrer que votre frère

garçon que vous ne crovez ,


le Sous-Lieutenant ( d ) est plus joli
c'est
que j'ôte la plume des mains de ma-
U) 11venoit d'acheter de M. de la Fare
la Charge de Sous-Lieutenant des Gendar-
jnes-Dauphins, dont il étoit Enseigne aupa-
ravant.
"an mignonne pour vous dire moi-
même que je fais fort bien mon de-

ment; ;
voir. Nous nous gardons mutuelle-
nous nous donnons une hon-
nête liberté point de petits remè-

,
des de femmelettes. Vous vous por-
tez bien ma chère maman, j'en fuis
;?
ravi. Vous avez bien dormi cette
?
nuit comment va la tête point de
vapeurs Dieu foit loué, allez pren-
dre l'air, allez à Saint-Maur, Coupez

;
chez Madame de Schomberg, pro-
menez-vousaux Tuileries du reste,
vous n'avez point d'incommodité je ,
vous mets la bride sur le cou. Voulez-
du thé
Adieu , ,,
Tes des fraises ou prendre
vous manger
?
maman
fraises valent mieux.
j'ai mal au talon,
vous me garderez
depuis midi jusqu'à trois heures & ;
s'il vous plaît,

puis, vogue la galére. Voilà, ma petite


ioeur, comme font les gens raison-

Matame Clérempo ;
nablfs. L'infortunée lo est au Pouffit
elle a paffé

;
cef te
une nuit tans lesfans (t) comme une
putre Ariane ah ! où étoitBacchus
(e) On a déja remarqué que c'étoit I*
manière deprononcer de Madame de Ludre.
m
Voyez 1-o page du tom. l.
pour la consoler, & pour faire brit.
ler
sa couronne dans les cieux ? Hé-

,
las! il étoit tranquille au comble de
la gloire & peut-être sur une haute
montagne, ou félon l'ordre que Dieu

une allée. Adieu


sœur,
,
a établi en ce monde, on trouve aussi
ma belle petite

*LETTRE LXXXVI.
A LA MEME,
A Paris, Mercredi 30 Juin.
*677.
v Ous m'apprenez enfin que vous
voilà à Grignan. Les foins que
de m'écrire, font de
vous avez me
,
continuelles marques de votre ami-
:
tié je vous alTure, au moins
vous ne vous trompez pas dans la
que
pensée que j'ai beloin de ce secours;
rien ne m'est, en effet, si nécessaire.
Il est vrai, & j'y pense trop Couvent,
que votre
:
prérence me l'eût été beau-
coup davantage mais vous étiez dif-
poféed'une manière si extraordinaire,
que les mêmes pensées qui vous ont
déterminée

,
Béterminée à partir m'ont fait con-
sentir à cette douleur, fans oser faire
autre chose que d'étouffer mes sen-
timens. C'étoit un crime pour moi,
que d'être en peine de votre fanté:
je vous voyois périr devant mes yeux,

dre une larme ;


& il ne m étoit pas permis de répan-
c'étoit vous tuer,
c'étoit vous assassiner; il falloit étouf-
:
fer je n'ai jamais vu une forte de
martyre plus cruel ni plus nouveau.
,
Si au lieu de cette contrainte qui ne
faisoit qu'augmenter ma peine vous
eussiez été disposée à vous tenir pour
languiHante, & que votre amitié pour
moi se fût tournée en complaisance,
& à me témoigner un véritable desir
de suivre les avis des Médecins, à
vous nourrir, à suivre un régime à ,
;
m'avouer que le repos & l'air de Livr;
vous euflent été bons c'est celaqui
m'eût véritablement conColée, & non
pas d'écraser tous nos sentimens. Ah,
!
ma fille nous étions d'une manière
sur la fin qu'il falloit faire, comme
,
,
nous avons fait. Dieu nous montroit
sa volonté par cette conduite : mais

:
il faut tâcher de voir s'il ne veut pas-
bien que nous nous cun igions &
me condamniez par amitié ,
quau lieu du aeieipoir auquel vout

feroit point un peu plus naturel &


il ne

plus commode de donner à nos coeurs


la liberté qu'ils veulent avoir, & fans
laquelle il n'est pas possible de vivre

pour toutes;
en repos. Voilà qui est dit une fois
je n'en dirai plus
mais faisons nos réflexions chacune
rien:
de notre côté, afin que quand il plai-
ra à Dieu que nous nous retrouvions
ensemble, nous ne retombions pas

,
dans de pareils inconvéniens. C'est
une marque du besoin que vous aviez
de ne vous plus contraindre que le
soulagement que vous avez trouvé
dans les fatigues d'un voyage si long.

;
Il faut des remèdes extraordinaires
aux personnes qui le font les Mé-
decins n'eussnt jamais imaginé celui-
:
là Dieu veuille qu'il continue d'être
bon, & que l'air de Grignan ne vous
(oit point contraire. Il falloit que je
vous écrivisse tout ceci une feule
fois, pour soulager mon cœur &
pour vous dire qu'à la première oc-
cafion nous ne nous mettions plus
,
dans le cas qu'on nous vienne faire
l'abominable compliment de nous
,
dire avec toute forte dagrément, que
pour être fort bien, il faut ne nous
revoir jamais. J'admire la patience
qui peut souffrir la cruauté de cette
penCée.
Vous m'avez fait venir les larmes

,
aux yeux en me parlant de votre
petit (f). Hélas le pauvre enfant
le moyen de le regarder en cet état ?
!
:
Je ne me dédis point de ce que j'en
ai toujours pensé mais je crois que
par tendresse on devroit souhaiter
qu'il filt déja où son bonheur l'ap-

;
pelle. Pauline me paroît digne d'être
votre jouet sa ressemblance même
ne vous déplaira point, du moins je
l'espère. Ce petit nez quarré est une
belle pièce à retrouver chez vous (g).
Je trouve plaisant que les nez de Gri-
gnan n'ayent voulu permettre que
celui-là, & n'ayent pas voulu en-
tendre parler du votre ; c'eût été bien
:
plutôt fait mais ils ont eu peur Hes
extrêmitez, & n'ont pas craint cette
modification. Le petit Marquis est fort
(f) [1 s'agissoit du p?tit enfant de huit
mon. l'oyez <?«»•
(g) Allusion au nez de Madame
,
Sévigné quiétoitunpeuquatre
de
;,
joli
mieux
& pour nêtre pas changé fit
il ne faut pas que vous en
ayiez du chagrin. Parlez-moi souvent
de ce petit peuple, & de l'amuse.
ment que vous y trouvez. Je revins
Dimanche de Livri. Je n'ai point
le Coad juteur ni aucun Grignan
depuis que je fuis ici. Je laifTe à la
,
Garde à vous mander lesnouvelles
il me semble que tout cft comme au-
;
paravant. lo est dans les prairies en
toute liberté, & n'est observée par
aucun Argus. Junon tonnante &
triomphante. CorbineHi revient (h),
je m'en vais dans deux jours le rece-

;
voir à Livr). Le Cardinal l'aime au-
tant que nous le gros Abbé m'a
roontré des lettres plaisantes qu'ils
écrivent. Enfin, après avoir
vous
bien tourné, notre ame estverte ç'a ;
notre ami. Adieu
continuez de m'aimer
,;
été un grand jeu pour Son Eminence
qu'un esprit neuf comme celui de
ma très-chère ,.
instruisez-
inoi de vous en peu de mots, car je
vous recommande toujours de re-
trancher vos écritures. Pour moi, je
(h) De Commerci , où il étoit allé vois
le Cardinal de RctA.
n'ai que votre commerce uniquement,
& j'écris une lettre à plusieurs repri-

,
ses. Je crois que Madame de Coulan-
ges n'ira point à Lyon elle a trop
!
d'a ffaires ici ; ok, quejefais de poudre
D'où vient que vous avez une Iceury
& que ce n'est pas Madame de Ro-
chebonne ? Je vous fouhaiterois pour

;
l'une les mêmes sentimens que pour
l'autre mais il me semble que ce n'est
pas tout-à-fait la même choie.

LETTRE LXXXVII.
ALAAIE*M E.,
A Paris, Vendredi matin 2 Juillet. 1677.
J Corbinelli
E m'en vais à Livri à la Messe..
doit arriver aujourd'hui'
ou demain ; je me fais un plaisir de
l'attendre surle grand chemin de Châ-
Ions, & de le tirer du carrofleau bout

:
de l'avenue, pour l'amener passèr un
jour avec nous nous causerons beau-
coup, je vous en rendrai compte. Je
;
reviendrai Dimanche car une petite
affaire que je crois toujours tenir?
mempêche de pouvoir encore m'eta-
blir à Livri: vraiment c'est bien ce

,
papillon dont je parlois à mon fils,
sur quoi on croit mettre le pied &
qui s'envole toujours. Je ne vois que

:
des oppositions à toutes mes volon-
tez grandes & petites il faut regar-
der plus haut pour ne pas s'impatien-
:,
ter. Je laifle un laquais pour m'ap-
porter vos lettres ah ma fille! c'est
; ,
bien moi qui ne pasTe les autres jours
que pour attraper celui-là & la mo-

,
ralité que vous m'avez écrite est
toujours à propos quand on voit
comme tout échappe.
MONSIEUR yest revenu :
Io est revenue àVerfailles, dès que
cette
nouvelle n'y fait aucun bruit. Quanto
& son ami font plus lonr-temps &

:
plus vivement ensemble qu'ils n'ont

,
jamais été l'empressement des pre-
mières années s'y retrouve & tou-

,
tes les contraintes font bannies, afin
de mettre une bride sur le cou qui
persuade.que jamais on n'a vu d'em-
pire plus établi. J'ai vu des gens qui
croient qu'au lieu d'aller au Bou-

,
chet quand MONSIEUR est à
Paris
,
& de revenir à la Cour
,
au ,
quand il y revient, on feroit mieux ,
contraire d'être à Paris avec
MONSIEUR, & de s'en aller à la
campagne, quand il revient à Ver-
failles.

;
Madame de Coulanges ne va plus
à Lyon sa sœur y va. Voilà la bonne
Marbeuf qui vient me dire adieu ;
elle vous fait mille & mille amitiez.
Mon fils va souvent dans l'Isle, on

,
lui fait fort bonne mine. Si vous étiez

,
heureuse de votre côté tout cela se

très-chère enfant ,
rencontreroit fort jufle. Adieu ma
fattends avec
grande impatience des nouvelles de
votre fanté, & de tout ce qui se pafre
à Grignan. Le petit me tient au coeur.

;
Croyez nos conseils sur la timidité
de 1aîné si vous le tracassez vous

:
,
le déconcerterez au point qu'il n'en
reviendra jamais cela efl d'une gran-
de conséquence. M. le Duc me pria
hier de vous faire Ces complimens,
& de vous dire que c'est par son ordre

maudits;
que vous avez trouvé les chemins si
mais qu'à votre retour vous
les trouverez couverts de fleurs. Ma
chère enfant, je fuis à vous, & je
vous aime d'une tendresse qui n'est
;
pas commune vous y répondez une
fnanière à ne me pas guérir. Si vous
aimez ma fanté, songez à la vôtre, &
a
obfervei ce que vous fait l'air de Gri.
gnan ; si ce n'est point du mieux,
c'ert du mal.

LETTRE LXXXVIIL
A LAMÊME.
J677. A Livri, Samedi 3 Juillet.

H,votreAs,
EL que je fùis fâchée de
pauvre petit enfant(i) !
il est impossible que cela ne touche.
Ce n'ell pas, comme vous sçavez
que j'aie compté sur sa vie. Je le
,
trouvots, sur la peinture qu'on m'en
avait faite, fans aucune espérance :
mars enfin, c'est une perte pour vous,
en voilà trois. Dieu vous conferve

un fort honnête homme ;


le feul que vous avez, il me paroîc
j'aime "'i,
mieux son bon sens & sa droite rai-
son, que toute la vivacité de ceux
;
( i) C'est l'enfant qui étoit né en Février
H76 A Iruit mois.
qu'on
qu'on admire a cet âge, oc qui font
,
des sots à vingt
ans. Soyez contente
du vôtre ma fille, & menez-le dou-

,
cement comme un cheval qui a la bou-
che délicate & souvenez-vous de
ce que je vous ai dit sur sa timidité ;
ce
;
conseil vient de gens plus habiles
que moi mais l'on Cent qu'il est fort
bon. Pour Pauline, j'ai une petite
chose à vous dire,c'est que vous me
la représentez d'une façon qu'elle

vous:;
pourroit bien être aussi belle que
voilà justement comme vous
étiez Dieu vous préserve d'une si
parfaite ressemblance, & d'un cœur

,
lait comme le mien. Enfin, je vois
que vous l'aimez qu'elle est aimable
& qu'elle vous divertit. Je voudrois
bien la pouvoir embrasser, & recon-
noître ce chien de visage quej'ai vuquel-
quepart.
h.. J,.
Je fuis ici depuis hier matin. J'avois
dessein d'attendre Corbinelli au par-

,
rage, & de le prendre au bout de
l'avenue pour causer avec lui juf-
qu'à demain.Nous avons pris toutes
lesprécautions , nous avons envoyé
à Claie, & il se trouve qu'il avoit
palfé une demi-heure auparavant. Je
vais demain le voir a raris, <x je vous
manderai des nouvelles de son voya-
ge ; car je
,
n'acheverai cette
Mercredi. Ah ma très-chère, que
lettre

je vous fouhaiterois des nuits, com-


que

gracieux !! !
me on les a ici ! quel air doux &
quelle fraîcheur quelle
!
tranquillité quel silence je voudrois
pouvoir vous envoyer de tout cela,

me
maigreur ,,
& que votre bife fût confondue. Vous
dites que je fuis en peine
je vous l'avoue
qu'elle parle & dit votre mauvaise
;de

fanté. V otretempérament, c'efi d'être


votre
c'est

;
graffe sice n'est, comme vous dites,

,
que Dieu vous punisse d'avoir voulu
détruire une si belle fanté & une
machine si bien composée : en effet,
c'est une rage que de pareils attentats,
& Dieu est juste quand il les punit.
Vous voulez me persuader la dureté
de votre cœur pour me rassurer sur

, ,
la perte de votre petit; je ne sçais,
mon enfant où vous prenez cette

:
dureté
vous
je ne la trouve que pour
mais pour moi, & pour tout

que trop ;
ce que vous devez aimer, vous n'êtes
sensible c'est votre
grand mal, vous en êtes dévorée &
plus
,
oonCumée; eh, ma fille prenez sur
-le
nous, & donnez au foin de votre
personne ; comptez-vous pour quel-
que chose , & nous vous ferons obli-
gez de toutes les marques d'amitié
que vous nous donnerez par ce côté-
là.Je fuis étonnée que le petit Mar-
;
quis & sa sœur n'ayent point été fâ-
chez du petit frère cherchons un peu

;
où ils auroient pris ce cœur tran-
quille ce n'est pas chez vousassuré-
ment.
Alon fils s'en va à la fin du mois,
il n'y a pas moyen de s'en dispenser.
Le Roi a parlé encore, comme étant
persuadéque Sévigné a pris le mau-
vais air des Officiers subalternes de
).
,
cette Compagnie (k
côté M. de la TroufTe (l)
venez, vene\ boiter avec nous
De l'autre

: mande,
il faut
partir, ainsi il n'y a plus d'eaux. Je
ne laisserai
;;
pas d'aller à Vichi,
en parlerons ce voyage fera de pure
nous
précaution carje me porte fort bien,
& je ne fais nulle attention sur mes
)
(k La Compagnie des Gendarmes-Dau-
phins.
(/) étoit Capitaine-Lieutenantde cette
Il
Compagnie.
mains. Madame de Marbeutlésa eues

!
deux ans comme je les ai ; & puis,
elles se font guéries. Ah c'est un

,
homme bien amoureux que M. votre
frère j'admire la peine qu'il se don-
ne pour rien, pour rien du tout. Il a
été furprisdans une converration fdrt
secrette par un mari, ce mari fitune

;
mine très-chagrine, parla très-rude-

,
ment à sa femme
camp
l'alarme étoit au
quand je partis hier. Je vous
en manderai la fuite à Paris. Vous
voyez bien que la longueur de cette
lettre vient proprement de ce que
j'abuse de la permission de causer à
Livri, où je fuis feule & fans aucune
;
affaire. Je devrois bien faire un com-
pliment sur la mort de ce petit mais

devant Dieu ,
quand on fonge que c'est un Ange

;
le mot de douleur Se
d'affliétion ne se peut prononcer il
faut que des Chrétiens se réjouïssent,
s'ils ont le moindre principe de la Re-
ligion qu'ils professent.

A Paris, Juillet.
,
Mercredi 7

Remarquer au moins ma très-


chère, que cettelettre est commencée
,
depuis trois jours, &que sielleparoît
infinie c'est qu'elle est reprise à loi-
sir; le papier & mon écriture la font
paroître aussi d'une taille excessive;
:
il y a plus dans une feuille des vôtres,
que dans six des miennes ne prenez
donc point ceci pour un exemple, <Sc

,
ne vous vengez point sur vous, c'est-
à dire sur moi. J'ai fort causé avec
Corbinelli, il est charmé du Cardi-
couleur;
nal ; il n'a jamais vu une ame de cette
celles des anciens Romains
en avoient quelque chose. Vous êtes
tendrement aimée de cette ame-là, &

:
je fuis assurée plus que jamais qu'il

,
n'a jamais manqué à cette amitié on
voit quelquefois trouble & cela
vient du péché originel. Il faudroit
des volumes pour vous rendre le dé-
tail de toutes les merveilles qu'il me
conte. Le Baron a tout raccommodé
:
par son adrellè ; il en sçait autant que
les maîtres, & plus car pour imiter
l'indifférence, personne dans le mon-
de ne le peut surpasser ; elle est jouée
si fort au naturel, & le vrai imite si
bien le vraisemblable, qu'il n'y a
point de jalousie ni de soupçon qui
puisse tenir contre une si bonne con-
duite. Vous auriez bien ri, G
vous
aviez fçu le détail de cette aventure.
Il me semble que vous devinez le
nom du mari ;à tout hazard, la fem-
me s'en va quasi dans votre voisinage.
;
La pauvre lfis n'a point été à Versail-
les, j'étois mal instruite elle a tou-
jours été dans sa solitude, & y fera
pendant le voyage de Villers-Côte-
Rez, où MONSIEUR & MADAME s'en

aventure de cette Nymphe :,


vont aujourd'hui. Vous ne pouvez
aÍfez plaindre ni aÍfez admirer la triste
quand
une certaine personne en parle elle
dit, ce haillon. L'événement rend tout
permis.
J'ai vu l'Abbé de la Vergne;nous
avons encore parlé de mon ame ; il dit
qu'à moins de me mettre en chambre,
& de ne me pas quitter d'un pas, en
me conduisant dans des exercices de
pieté, fans me laifler lire, dire ni en-
tendre la moindre choCe, il ne vou-
droit pas se charger de moi. Il est
-
très aimable & de bonne compa-
gnie ; vous pouvez penser si vous
futes oubliée dans la conversation.
J'ai dîné avec M. de la Garde, c'est
un homme qu'on aime bien véritable-
ment, quand on le connoît. Il s'en
;
va vous voir, il vous ramène, il vous
loge enfin, que ne fera-t-il point ?
Je ne fonge qu'à fixer notre grande
maison jusques-là nous ferons en
,
l'air; & vous comprenez bien ce que

:
ce fera pour moi, de n'être pas logée
avec vous mais il faudra prendre le
temps comme la Providence l'ordon-
ne. Occupez-vous dans votre loisir
de votre fanté ; détournez-vous de la
triste pensée de la mort de cet enfant,

:
c'est un dragon quand on y pense
trop vous dites si bien qu'il faut faire
l'honneur au Christianisme de ne pas
pleurer le bonheur de ces petits An-
ges. La fanté du Cardinal n'est pas
mauvaise présentement, quelquefois
la goutte fait peur, il semble qu'elle
veuille remonter. J'ai une si grande
amitié pour cette bonne Eminence,

:
que je ferois inconsolable que vous
voulussiez lui refuser la vôtre ne
croyez pas que ce foit pour lui une
chose indifférente.
*LETTRE LXXXIX. ------»--------.

LAMême.

*
A
A Paris,
1677.
v usO
Vendredi
9 Juillet.
ne direz pas aujourd'hui
que je vous donne un manv.iio
que vous voulez vous
tuerdela même épée. Je
vous ai écrit
degrandes chiennes de lettres,
font petites
celle-ci fera
;
pourtant j'espère
une petite qui
fera
qui
que
de. Je sens moncaratlère

machère enfant,
reçuvoslettres,
je -
*1
je
- :
gran-
qui se dif-
rare a ne vouspointeffrayer deplus,
n'ai pas,-.t-.,.",.
encore
lesattendscesoir
ou demain, a quoi il faut ajouter la
disettedenouvelles. M. de Garde
la
vous dira cequ'ilsçait. Je parle fou-
eiarquis;
lentdun Précepteur
on me répond
choseimpossibledetrouver
pour le petit
quec'est la
sujet
qui ait toutes les perfections un
iJirej. nécef-
Jefuis plusquejamaisépou.
vantée de ce qui s'appelle desséche-
nient;lapauvreMadamedelaFayettc
*
enest tellement menacée , qu'elle
tourne toutes Ces pensées à finircom-
:
me ma pauvre tante elle est considé-
;
rablement diminuée, depuis que vous

,;
êtes partie elle ne s'efl point remise
de cette colique elle en est encore
aux bouillons

, , & après ces grands


repas, elle est émue & sa petite fié-
vre augmente comme si elle avoit
fait une débauche. Ses Médecins di-
fent qu'il est temps de s'inquiéter, &
que si elle alloit plus avant dans ce
cheminelle pourroitêtre dunombre
de ceux qui traînent leur misérable
viejusqu'à la dernière goutte d'huile.
Cela m'attriste, & pourelle que j'ai-

:
me fort, & pour ceux qui ont le fang
si extrêmement subtil il me fenible
qu'il ne faut rien pour embraser toute
, ,
la machine. Ma fille, quand on aime
bien il n'ea pas ridicule de souhaiter
qu'un fang auquel on prend tant
d'intérêt, se tranquillise & se rafraî-
chiffe; vous ne devriez penser,ceme
semble, qu'à épaissir le vôtre,& qu'à
vous détourner, tant que vous pour-

garçon que vous avez ;


riez, de la pensée de ce pauvre petit
perdu j'ai
qu'avec tous vos beaux difeours vous
peur
ne vous en fassiez un dragon ma;
très-chère, ayez pitié de vous & de
moi. J'espère que cette lettre ne vous
paroîtra pas trop longue. Ne vou-
droit-on point nous dire encore, après
nous avoir assurées qu'il n'y a rien de

nous plus écrire


,
mieux que d'être à deux cent lieues
l'une de l'autre qu'il faut aussi ne
f Je le voudrois.

LETTRE XC.
ALAMÊME.
A Paris, Mercredi 14 Juillet.
11S77.
c 'EST par l'avis du Médecin que

;
vous ne m'aimez quasi plus, ma
pauvre entant a la manière dont vous
dites que vous vous en portez, on
juge que ce remède sepeut mettre en

homme :
comparai son avec la poudre du bon
il est même un peu violent,
mais aussi on joue à quitte ou à dou-
ble. Je ne vous dirai point ce que me

;
feroit la diminution d'une amitié qui
m'efl si chère mais je vous dirai bien
la joie que j'ai de içavoir que vous
dormez oc que vous mangez. Si vous
vouliez me donner une véritable mar-
que de cette amitié que vous aviez

, ;
autrefois, ce feroit de vous préparer
à prendre du lait de vache cela vous
rafraîchiroit & vous donneroit un

autre,
fang qui n'iroit pas plus vîte qu'un
& qui vous remettroit dans
l'état où je vous ai vue. Quelle joie ,
mafille, & quelle obligation ne vous
?
,
aurois-je point Quelle fûreté pour
ma fanté & pour ma vie quand vous
là-dessus
davantage,
!
m'aurez ôté les inquiétudes que j'ai
je neveux pas vousen dire
je verrai bien si vous
m'aimez. Je fuis bien aise que vous
soyiez contente d'Amonio ; si vous
l'aviez eu, fans doute il auroit fauvé
;
votre fils il falloit le rafraîchir, l'i-
gnorance me paroît grande de l'avoir
échauffé : mais la difficulté étoit de
déranger ce qu'avoit réglé la Provi-
dence au sujet de ce pauvre enfant.
Cette affliction est du nombre de celles
qui exigent qu'on se soumette fans
murmurer à ce qu'elle ordonne. Il
;
est vrai que je n'avois point du tout
compté sur sa vie où avez-vous pris
qu'un enfant qui n'a point de dents»
& qui ne se soutient pas a cix-hurt
mois, ait échapé tous les périls Je
Madame
?
ne fuis pas si éclairée que du
Pui-du-Fou, mais je ne croyois pas
qu'il dût vi vre avec de tels accidens:
iiéme garçon ,
je comprends la perte de ce troi-
& je la sens çomme
elle est. Pauline meravit. J'ai parlé

;
tantôt au bel Abbé d'un Précepteur
que connoît M. dela Moufle ils le
verront, & vous en diront leur avis;
ils trouvent que le Marquis est bien
;
Jeune j'ai dit que son esprit ne l'étoit
pas. Nous avons ri auxlarmes, le bel
Abbé & moi, de l'histoire de la petite
Madeleine; vraiment, c'est bien à vous
à dire que vous ne sçavez point nar-
rer, & que c'est mon affaire. Je vous
assureque vous conduisez toute la
si
dévotion de la petite Madeleine plai-
famment, que ce conte ne doit rien
à celui de cette Hermitesse, dont j'étais
charmée. Je trouve que les Hermites

;
font de grands rôles en Provence. Le
bien bon en a eu Con hoquet & pour
lefrater, il veut vous dire ce qu'il en
pense.
MonsieurDB SÉVIGNÉ.

Je ne vous devrois rien dire,puis-


que vous ne songez pas à moi. Vous
êtes si aise d'être une grosse crevée,
que vous oubliez tout ce que vous ne
mère;
voyez pas : vous n'aimez plus ma
& moi, pour la venger je ne
vous aime pas plus que vous ne l'ai-
mez. Nous sommes tous fort édifiez
de la dévotion de la petite Madeleine ;
;
vous voyez bien qu'il n'est ferveur
que de Novice prenez garde où l'a
jettée l'excès de son zèle. J'en fouhai-
te autant à notre petite Marie;mais
je voudroisbien qu'elle me prît pour

,
son Hermite. Je crois que je reÍfem-

;je
blerois à un Hermite comme deux
gouttes d'eau & s'il me manquoit
quelquechose, trouverois des froct
où je pourrois quelquefois mettre ma
tête dans mes besoins, & j'en rece-
vrons du secours assurément. Le le-
vrier de M. de Meurles ( m ) tout,
éreinté qu'il étoit, en devint bien le
premier levrier de la Province; pour-
)
( m Voyezle chapitre 41du line premier
is Rabelais.
quoi
? ,
lecretne deviendrois-je pas avec ce
aussi joli garçon qu'un Hermi-
te Adieu ma belle petite, j'aime
,
Pauline passionnément, je la veux
faire mon héritière en cas que je
meure avant que notre mariage ait
,
réussi. J'ai vu deux fois la jolie In-
fante chez elle elle est fort jolie
fort gaie; je crois que je la divertis.
,
J'ai le bonheur de faire rire la grand'-

:
mère, qui m'a dit à moi-même qu'elle
me xrouvoit joli garçon nous nous
entendons quelquefois la petite fille
,

:
& moi, & là-dessus nous nous regar-
dons de côté cette affaire est entre
lesmains de la Providence. Si Deus
,
efl pro nobis quis contra nos ? ma foi,
Domine. N'a-t-il raison le
nemo, pas
petit bon homme ?
Madame DESÉVIGNE.
On voit bien que mon fils lit les
bons Auteurs.Vous nous feriez grand
plaisir de nous donner cette petite
cmcrittonnée cette petite Infante
,
qui est à la portière auprès de sa mère.
;
Si nous ne nous marions à cette heure,
jamais nous n'y réussirons nous n'a-
vons jamais été si bons, & nous pou-
;,
vo. devenir mauvais. Je m'en vais
rerpirer un moment à Livri Madame
de la Fayette est si malade que je
fuis honteuse de la quitter pour mon
plaisir;je m'en vais pourtant, mais
j'irai & viendrai jusqu'à mon voyage
deVichi.
Voici une repri re : ainsi la longueur
de ma lettre ne doit pas vous faire
peur. J'attends les vôtres avec impa-
tience ; mes amis de la poste ne font

;
rien qui vaille. Je fuis très-contente
de la Garde il est aisé de l'aimer,
il
vous m'aimez ,
estestimable par mille raisons, ses
foins me perruadent qu'il croit que
& je fuis flatée de
l'approbation qu'il donne à votre
;
goût. Il ne fonge qu'à s'en aller je
Abbé; :
ferai ravie que vous l'ayiez & le bel
vous tiendrez avec eux votre
conseil de famille pour moi, je crois

;
que j'irai demain à Livri. Notre pe-
tite affaire est à demi finie au lieu
,
que ce devoit être de l'argent pour
vivre c'est de l'argent
vécu. La Garde vous
pour avoir
mandera
l'agré.
ment de la Fête de Sceaux. Il y a
deux petites de l'lslebonne qui font
:
jolies leur mère dit hier à Madame
de Coulanges, qu'elle les lui amtne-
roit pour avoir son approbation,
,
avant que d'aller à Versailles. Oh,
que jefais de poudre! Une mère encore
aflez jeune pour être aimée, qui au-
roit après elle une fille bien plus ai-
mable, & quicroiroit toujours que
; ;
c'est elle qu'on fuit ne trouveriez-
vous point qu'on pourroit dire çh,
que je fais de poudre! Il me semble que

, :
li j'avois été un peu plus fote, j'aurois
pu représenter cette mère on est ri-
che en vérité, quand on sçait cette

l'autre jour à M. de Pomponne


j'avois donné mon fils à exagérer à
M. de M.. on le trouveroit un fort
;
fable. Nous avons bien envie que vous
ayiez parlé à l'Intendant. Je disois
si

;
bon parti il est vrai que mon style
ne vaut rien pour tromper les gens.
Je fuis fort appliquée à fixer notre
grande maison ; Madame de Guéne-
gaud le souhaite encore plus mais;
quand on fonge que c'est une affaire
qui dépend de M. Colbert, on trem-
ble ; en forte que si je trouvois un
autre hazard qui nous fut propre, je
leprendrois.S'il faut que nous royions
éloignées
Éloignées l'une de l'autre je vous
,
avoue que je ferai très-affligée car ;
enfin, ce n'est plus se voir ni se con-
noître c'est voyager & se fatiguer;
je supplie la Providence d'avoir pitié
,

de nous. Je fuis conroléedes trois pa-


villons ; & le moyen fans cela, de
,
loger Mefdemoifellesde Grignan (n)r
& puisque vous êtes en l'air, je fui*
fort aise d'y être aussi. Je laide encore
cette lettre juCqu'à ce que j'aie les

, ;
vôtres. J'ai fait depuis peu une rêve-
rie sur un certain sujet mais je hais
de la dire car il semble qu'on veuille
contrefaire Brancas: à propos, il est
enfermé avec sa fille qui a la petite

,
vérole. La Princesse està Versailles.
Je reçois enfin ma très-belle
votre lettre du sept, vous êtes d'un-
commerce qui me paroît divin
mais vous écrivez trop assurément.,
;
) Françoise- Julie, &fillesLouise-Catherine
(n
;
d'Adhémar de Monteil, de M.
gnan &d'Angélique-Glaire d'Angennes (a.
première femme.
,
de Gri-

Louise-Catherine a vécu dans le célibat,,


& en très-grande réputation de piété.
(
Fiançoife-Julie MadttnoifelUd'Alerte)
épousa en 1689 M. cleVihrayc, Lieutenant.
Généraldes Armées du Roi.
Je comprends bien qu'étant seule;
,;
vous devez écrire en bien des lieux:
mais
tous
mon enfant, prenez sur non?
ne vous abandonnez point à
suivre la vivacité de votre esprit &
de votre imagination. Vous êtes in-
tariilable, & vos lettres viennent de
source, on le voit, & le plaisir de les
lire est inconcevable. Les Espagnols
appellent cela, defembueltado, ce mot
me plaît: mortifions-nous donc, vous
de causer, & nous de vous entendre.
Corbinelli est content de ce que vous
dites de sa métaphysique, il est reve-
nu encore plus Philosophe de Com-
verti le Cardinal;
merci. Il me semble qu'il a bien di-
nous en parlons
fans cellè ; & tout ce qu'il en dit,
augmente l'admiration & l'amitié
qu'on a pour cette Eminence. Mou
fils ne peut se dispenser d'aller à
l'Armée il remettra ses eaux à un
; ,
autre temps. J'irai avec l'Abbé à
Bourbilli Guitaut me reconduira en
coufinant jusqu'à une fournée de Ne-
vers. Tous les chemins feront beaux
;
en ce temps-là. J'aurai donc le bien
ion & mon Médecin ainsi ne soyez
point en peine de moi. Je vous re-
mercie d'être frappée, comme je le
fuis, du beau compliment que l'on

;;
nous fait changeons de manière, j'y
consens mais ne prenons point l'a-
bominable remède d'une trop longue
absence ; ce feroit à la fin celui qui
feroit qu'on n'auroit plus de bôfoin
des autres. Il est vrai que je fuis en
peine d'une maison ; ce qui me con-
foIe, c'est que la Bagnole & M. de
la Troufle font aussi embarralTez que
moi. Je n'aime point que vous don-
niez Pauline à Madame votre belle-

;
sœur (0) ; ces fortes de Couvents
m'ont toujours déplu vous êtes bon-

;
ne & fage. Si votre fils est bien fort,
l'éducation ruflaude est bonne mais
s'il est délicat, j'ai ouï dire à Brayer

faire robustes,
& à Bourdelot, qu'en voulant les
on les fait morts.
N'oubliez point ce que je vous ai dit

;
sur sa timidité. Il fait ici le plus beau
temps du monde
,
France, fans bife
chaleur. Adieu
la Provence est en

,
& fans excès de
ma fille jusqu'à
Vendredi. Je vous embrasse de tout
(0 )
Crijrtuu.
,
Marie Adhémar de Monteil, Rcli-
pieuse à Aubcnaj sœur Monsieur
de de
mon coeur ; il
me semble que celil
est bien commun pour ce que je sens
mais que faire?

*LETTRE XCI.
A LAMBM A
E.
*>77- A Livri, Vendredi 16 Juillet.

i;RRi
J 'Atrès-chère
VA hier au foir ici, nia

; il y fait parfaitement
beau j'y fuis feule, &.dans une paix,.
un silence,unloisir, dont je fuis ra-
vie. Ne voulez-vous pas bien que je
me divertiflo à causer un peu avec

, ;
vous ? Songez que je n'ai nul com-
merce qu'avecvous quand j'ai écrit
j'ai tout écrit. Je ne
,
en Provence
crois pas en effet, que vous eussiez
la cruauté denommer un commerce,
une lettre en huitjours à Madame
de Lavardin. Les lettres d'affaires ne
font ni fréquentes ni longues. Mais
vous, mon enfant, vous êtes en bute
à dix ou douze personnes, qui font à
reu près ces coeurs dont vous êtes
uititluciiientadoré* & que je vous
>
al vu compter lur vosdoigts, ils nont
tous- qu'une lettre à écrire, & il eir

, ,
faut douze pour y faire réponse j
voyez ce que c'est par semaine &:
si
; ,
vous n'êtes pas tuée assassinée,.
chacun en disant pour moi je ne-
veux point'de réponse , feulement
trois lignes poursçavoir comme elle

la première; ,
se porte. Voilà le langage, & de moi
enfin nous vous af-

, , ,
sommons,mais c'estavectoute l'hon-
nêteté & la politefre de l'homme dei
la Comédie qui donne des coups de
bâton avec un visage gracieux en

;,
demandant pardon
une grande révérence
le
& disant avec
» Monsieur,
»vous, voulez donc j'en fuis au
» désespoir(n.) «. Cette application
est jufle & trop aisée à faire, je n'en
dirai pas davantage.
Alercredi au foir après vous avoir
écrit, je fus priée avec toute forte-
d'amitiez d'aller souper chez Gour-

;
ville, avec Mesdames deSchomberg,
M. le
de Frontenac, de Coulanges
Duc, M. M. de la Rochefoucauld,
,
Darillon Briole, Coulanges Sévi*
,
(P) Voyez le Mariageforté, Comédie dej
iSLolicu, Scèue XV.I.
;
gné le Maître du logis nous reçut
dans un lieu nouvellement rebâti, le

,
jardin de plein pied de l'Hôtel de
Condé, des jets d'eau des cabinets,
des allées en terrasse six hautbois
,
dans un coin, six violons dans un

,
autre, des flutes douces un peu plus
près, un soupé enchanté, une baffe
de viole admirable une Lune qui
,
fut témoin de tout. Si vous ne haÏC-
fIez point à vous divertir vous re-
gréteriez de n'avoir point été avec
nous. Il est vrai que le même incon-
vénient du jour que vous y étiez
arriva & arrivera toujours, c'est-à-
,
, :
dire, qu'on assemble une très bonne
compagnie pour se taire & à con-
dition de ne pas dire un mot Ba-
rillon,Sévigné & moi, nous en ri-
mes, & nous penfatnes à vous. Le
Palais, & je fis si bien,
lendemain qui étoit Jeudi, j'allai au

, le bon Abbé
le dit ainsi que j'obtins une petite
jnjustice. après en avoir souffert beau.
coup de grandes, par laquelle je tou-
cherai deux cent louis, en attendant
sept cens autres que je devois avoir,
il y a huit mois, & qu'on dit que j'au-
fui cet hiver. Après cette misérable
petite expédition , je vins le foir ici
me reposer, & me voilàrésolue d'y
,
demeurer jusqu'au 8 du mois pro-
chain qu'il faudra m'aller préparer
pour aller en Bourgogne & à Vichi.
;
J'irai peut-être dîner quelquefois à
Paris Madame de la Fayette se por-
à
te mieux. J'irai Pomponne demain ;
le grand d'Hacquevilley est dèshier,
;
je le ramenerai ici. Le frater va chez

;
la belle, & la réjouit fort elle est
gaie naturellement les mères lui
font auflï une très-bonne mine. Cor-
binelli me viendra voir ici ; il a fort
approuvé & admiré ce que vous man-
dez de cette métaphyfique & de l'er.
,
Il
,
prit que vous avez eu de la compren-
dre. est vrai qu'ils se jettent dans
degrands embarras aussi-bien que
sur la prédestination & sur la liberté.
Corbinelli tranche plus
les hardiment
que personne ; mais plus fages Ce
tirent d'affaire par un Altitudo, ou
par imporer silence comme notre
Cardinal. Il ya le plus beau gali-
mathias que j'aie encore vu au vingt-
sixiéme article du dernier tome des
Essais de Morale dans le Traité de
tenter Dieu. Celadivertit fort & t
quand dailleurs on elt loumile, què
les mœurs n'en font pas dérangées
& que ce n'est que pour confondre
t
les faux raisonnemens, il n'y a pas

rey nous ne dirions rien ;


grand mal ; car s'ils vouloient se tai-
mais de
vouloir à toute force établir leurs
maximes, nous traduire Saint Au-
gudin, de peur que nous ne l'igno-
rions; mettre au jour tout ce qu'il
y a de plus sévère
comme le Père Bauni ,:il
; & puis, conclure
de peur de

;
perdre le droit de gronder estvrai
que cela impatiente & pour moi r
je sens que je fais comme Corbinelli.
Je veux mourir si je n'aime mille fois
, ,
mieux les Jésuites ils font au moins
tout d'une pièce uniformes dans la
;
dottrine & dans la morale. Nos frè-
res disent bien, &concluent mal ils
,
ne font point sincères : me voilà dans
Escobar. Ma fille vous voyez bien
quejemejoue & que je me di vertis.

,
J'ai laiiré Beaulieu avec le copiste de
M. de la Garde il ne quitte point
mon original. Je n'ai eu cette com-
plaisancepour M. de la Garde, qu'a-
vec des peines extrêmes; vous verrez
vous verrez ce que c'est que ce bar-
bouillage
;
bouillage. Je louhaite que les der-
niers traits soient plus heureux mais
hierc'étoitquelque chose d'horrible.
Voilà ce qui s'appelle vouloir avoir

dame de Grignan ;
une copie de ce beau portrait de Ma-
& je fuis barbare
!
;
quand je le resuCe. Oh bien jenel'ai
pas refusé mais je fuis bien aise de
ne jamais rencontrer une telle pro-
fanation du vilage de ma fille. Ce

,
Peintre est un jeune homme de Tour-
;
nai à qui M. de la Garde donne trois
louïs par mois son dessein a été

,
d'abord de lui faire peindre des pa-
ravents & finalementc'est Mignard
qu'il s'agit de copier. Il y a un peu
:
.du veau de PoiJJi à la plupart de ces
fortes de penfces-là mais chut, car
j'aime très-fort celui dont je parle.
Je voudrois, ma fille, que vous euf-
;
fiez un Précepteur pour votre enfant
c'est dommage de laisser son esprit
inculto. Je ne sçais s'il n'est pas en-

;
core trop jeune pour le laisser man-
ger de tout il faut examiner si les
enfans font des chartiers, avant que
les traiter comme des chartiers : oa
court risque autrement de leur faire
de pernicieux efiomacs, & cela tire
;
pour des
ensuite
,
àconséquence. Mon fils est demeure
adieux il viendra me voir
,
il faut qu'il aille à l'Armée
les eaux viendront après. On a cane

,
encore tout net un M. D * * pour

,
des absences je sçais bien la repon-
se; mais cela fait voir la sévérité.
Adieu ma très-chère consolez-
,

,:
vous du petit; il n'y a de la faute de
personne. Il est mort des dents &
non pas d'une fluxion sur la poitrine

,
quand les enfans n'ont pas la force de
les pouffer dans le temps ils n'ont
pas celle de fotitenir le mouvement,
qui les veut faire percer toutes la
fois, je parle d'or. Vous sçavez la
à
Coulanges :
réponse du lit verd de Sulli à M. de
Guilleragues l'a faite,
elleest plaisante ; Madame de Thian-
ges l'a dite au Roi, qui la chante ;:
on a dit d'abord que tout étoit perdu
ti\s point du tout, cela fera peut-
ê :, fortune. Si ce discours ne
vietu u'uneame verte, c'est du"moins
d'une tête verte, c'est tout de même,
& la couleur de la quadrille est fans
tonteftation.
*LETTRE XCII.
A 1. A
MEM E.
A Livri ,
Lundi 19. Juillet. 1677.
J trouvaiSamedi
~JE fus
toute la
à
; & de
Pomponne, j'y
famille
plus, un frère de M. de Pomponne,
qui avoit trois ans de solitude par-
dessus M. d'Andilli. Ce qu'il a d'ef-

,
prit & de mérite, dont on ne fait
point de bruit feroit l'admiration
d'une autre famille. Le grand d'Hac-
y
queville étoit aussi ; il ne retour-

Vins;
nera à Paris qu'avec Madame de
je les attends tous demain à
dîner. La plaisanterie fut grande de
la copie de votre portrait, qu'un de
mes laquais représenta extrêmement
ridicule. Ils me firent fuer à groiles
gouttes, en me proposant un meilleur
copiste : la batterie fut si forte, que
je ne sçais pas sérieusement si je pour-

;
rai me tirer de ce mauvais pas. Voilà
juÍlcment ce que je craignois je fuis
toujours ainit perfccutce dans mes
desirs ; celui-ci n'estestpas des plus
sensibles ; mais c'en aÍfez pour
voir qu'il ne faut pas que je m'accou-
tume à vouloir être satisfaite ni sur
les petites ni sur les grandes choses,
Le foir je croyois revenir coucher
;
ici l'orage fut si épouvantable, .qu'il
eût fallu être insensée pour s'expo-
fer fans nécessité. Nous couchames
donc à Pomponne, de y dînâmes le

;
lendemain, qui étoit hier. J'y reçus

a caurer avec
,
une de vos lettres & quoiqu'il ne
foit que Lundi, & que celle-ci ne
parte que Mercredi je commence
vous. Je fuis assurée
que toute la Faculté ne me défen-
droit pas cet amusement, voyant le
plaisir que j'en reçois dans mon oisi-
veté. Vous me mandez des choses ad-

mez,;
mirables de votre fanté, vous dor-

repos
vous mangez, vous êtes en
point de devoirs, point de
visites, point de mère qui vous aime,
vous avez oublié cet article, & c'est
le plus essentiel. Enfin, ma fille, il

;
ne m'étoit pas permis d'être en peine
de votre état tous vos amis en

!
étoient inquiétez, & je devois être
tranquille J'avois tort de craindre
;;
que l'air de Provence ne vous fit une
maladie considérable vous ne dor-
miez ni ne mangiez & vous voir
disparoître devant mes yeux, devoit

! !
feulement mon attention Ah mon ,
être une bagatelle qui n'attirât pas
enfant quand je vous ai vue en fanté ,
ai-je pensé à m'inquiéter pour l'ave-
?
nir étoit-ce là que je portois mes
pen fées r mais je vous voyois, &. vous
croyois malade d'un mal qui est à
redouter pour la jeunesse ; & au lieu
d'essayer a me consoler par une con-
duite qui vous redonne votre fanté
ordinaire, on ne me parle que d'ab-
,
fence : c'est moi qui vous tue c'est
moi qui fuis cause de tous vos maux.

,
Quand je fonge à tout ce que je ca-
chois de mes craintes & que le peu
qui m'en échapoit, faisoit de si ter-

;
ribles effets, je conclus qu'il ne m'est
pas permis de vou, aimer & je dis
qu'on veut de moi des choses si mons-
trueufes & si opposées, que n'espé-
rant pas d'y pouvoir parvenir, je n'ar
que la ressource de votre bonne fanté
Dieu merci ,
pour me tirer de cet embarras. Mais,
;
l'air & le repos de
Grignan ont fait ce miracle j'en ai
une joie proportionnée a mon amitié,
M. de Grignan a gagné son procès,
& doit craindre de me revoir avec
vous, autant qu'il aime votre vie :
je comprends Tes bons tons & vos
plaisanteries là-dessus. Il me semble
que vous jouez bon jeu, bon argent ;
;
vous vous portez bien, vous le dites,
vous en riez avec votre mari com-
ment pourroit-on faire de la faufie
monnoie, d'un si bon aloi ? Je ne vous

:
dis rien sur tous vos arrangemens
pour cet hiver je comprends que
;
M. de Grignan doit profiter du peu
de temps qui lui reste M. de Ven-

duiiez n
dôme le talonne (q); vous vous con-
vos vues, & vous ne
fçauriez mal faire. Peur moi, si vous
étiezassezrobustepour soûtenir l'ef-
fort de ma préfeive, & que mon
fils & le bon Abbévoulusent aller
passer l'hiver en Provence, j'en ferois
très-aise, & ne pourroispasfouhai-
ter un plus agréable sejour. Vous
(f) M. de Vendôme étoit Gouverneurde
Provence & il n'atrivoit jamais dans son
,
Gouvernement que M. de Grignanneprît
, le
ce temps-ià pour rendre à Grignan ou à la
Cour.
y
rçavez comme je m luis bien trou-

vous ,
vée ; & en effet, quand je fuis avec
& que vous vous portez bien,
qu'ai-je à souhaiter& à regreter dans
le refle du monde?
porter le bon Abbé ,Je tâcherai d'y
& la Provi-
dence décidera. Pour vous montrer

,
comme j'ai rendu fidellement votre
billet à Corbinelli voici sa réponse.

Monsieur DE CORBINELLI.
Non , ,
Madame, je ne gronderai
point Madame votre mère elle n'a
;
point de tort c'est vous qui l'avez.
Où diable avez-vous pris qu'elle
veuille que vous soyiez aufli ronde-
lette que Madame de Cadelnau f ny
a-t-il point de degré entre votre
maigreur exceifive, & un pâton de
graisse?Vous voilà dans les extrê-
mitez. Vous ressemblez à cet homme
qu'un saint Evêque ne vouloit pas
faire Prêtre. Que voulez-vousdonc que
je fajjè, Monsieur ? voulez-vous queje
vole sur les grands chemins P EH-ce
ainsi qu'un prodige doit raisonner ?
Vousmoquez-vous encore de mettre
M. de Grignan aux mains avec Ma-
damede Sévigné ? Vous me faitesâne
,
représentation fort plaisante de la
cascade de vos frayeurs dont la ré-

;;
verbération voustuoit tous trois. Ce
cercle est funeste mais c'est vousy
Madame, qui le faites empêchez- le,
& tout ira bien. C'est vous qui vou9
imaginez que Madame votre mère est
malade, elle ne l'est point, elle Cet
porte très- bien. Elle n'a pas peur
d'être grosse mais elle craint d être
,
trop grasse : soyez le contraire,ayez
peur d'être grosse, & souhaitez d'être
grasse. Je fuis mal content de vous.
je ne vous trouve point juste ; je fuis
honteux d'être votre maître. Si notre
père Descartes le sçavoit, il çmpê-
thefoît votre ame d'être verte, &
vous feriez bien honteuse qu'elle fut
noire vu de quelqu'autre couleur..
,

:
J'ai vu à Commerci un prodige de
mérite & de vertu cela feul méri-
teroit que vous priffiez autant de foin
de votre conservation, que vous en

,
preniez peu, lorsque vous me donnâ-
tes le titre fabuleux de Plénipoten-
tiaire.Adieu Madame. Jefuis, &c..
MadameDESÉVIGNÉ.

voyez bien que je n'y


;
Voilà ce qu'il vous mande vous
d'unprends ni n'y
mets. J'ai fort parlé Précepteurà
cethabitantde Port Royal; il n'en con-
:
noît point s'il s'en trouve quelqu'un
dans sa cellule, il m'en avertira. Je
voudrois bien voir ce petit Marquis ;
;
mais j'aimerois bien a patroner les
grosses joues de Pauline ah que je
la crois jolie! je vous assure, qu'elle
vous ressemblera ; une tête blonde,
;
chose , ;
frisée naturellement,est une agréable
aimez, aimez-la ma fille,
vous avez aisez aimé votre mère ce

vous
;
qui reste à faire, ne vous donnera
que de l'ennui que craignez-vous ne
contraignez point,
f
laissezunpeu.
aller votre cœur de ce côté-là; je fuis
persuadée que cela vous divertira
extrêmement. LaBagnole (r)est par-
tie aujourd'hui. Je mande à mon fils
que s'il n'est point mort de douleur,

,
il vienne dîner demain avec tous les
Pomponnes. Il fera plus heureux que
M. de Grignan qui Ce trouve aban
(r). So:ur de Coulanges..
de Madame
donné, parce qu'il n'avoit à Aix que
manqué: ;
trois Maîtresses qui toutes lui ont
on n'en peut avoir une trop
;
grande provision qui n'en a que trois,
n'en a point j'entends tout ce qu'il

;
dit là-dessus. Mon fils est bien per-

;
fuadé de cette vérité je fuis assurée
qu'il lui en resteplus de six & je
parierois bien qu'il n'en perdra jamais
aucune par la fièvre maligne , tant
!
il les choisit bien depuis quelque
temps. Oh vous voyez que ma plu-
me veut dire des sotises, aussi-bien
( )
que la vôtre. Je fuis fort aise que le
Parlement d'Aix n'ait point été
ingrat envers M. de Gripnan ; je me
souviens fort bien comme il fut re-
çu l'annee quej'yétois. Pour le Pre-
,
mier Président, quand on en est con-
tent en fermant sa lettre on change
davis avant que la porte foit arrivée
à Lyon. Ce qu'il y a de vrai, c'est
J'amour & le refpeét de toute la Pro-
vince pour M. de Grignan. Machère
enfant, au moins d'ici vous voulez
bien que je vous embrasse tendre-
ment. Je n'acheverai cette lettre que
Mercredi.
Mercredi21Juillet.

Toute la maison de Pomponne vint


hier direr avec nous. Mon fils s'y ren-
dit de Paris, tout Jla très-bien. Ma-
dame de Vins & d'Hacqueville font

,
demeurez, ils ne s'en iront que ce
foir. Nousavons parlé duis l'ima-
gination ne le fixe peint à se repré-
senter comme elle finira sa désastreuse
aventure.

mon Je
,
(1). ,
Terminez mp" tourmens puissant Maître du

Si elle pouvoit faire cette prière


à Dieu & qu'il voulut l'exaucer, ce
feroit YApotkéofe. Vous avez très-
(t)
bien deviné, la Mouche
pas quitter la Cour présentement
quand on y a de certains engage-
;
ne peut

avec elle : il vous


,
mens, on n'est point libre. La Ba-
gnole est partie la Moufle est allé
pouviez l'attirer à
Grignan pour donner quelques bon-
nes teintures à ce petit Marquis, vous
( s)Voyer. la
Scène première de 1'.Aae
cinquième de
l'Opéra d'Isis.
)
(i Madame de Coulange
feriez trop heureuse ; & qu'il feroit
heureux de vous voir !

*LETTRE XC111.
A LA M Ê M I,
i677. A Livri, Mercredi au foir 21 Juillet.

A 1 m E z, aimq Pauline, donnez-


vous cet amufetnent, ne vous
martyri fez point à vous oter cette
petite personne; que craignez-vous ?
vous ne laisserez pas de la mettre
en Couvent pour quelques années ,
quand vous le lugereriiécetraire,,, Tâ-
tez, tâtez un peu de l'amour mater-
nel, on doit le trouver assez falé,
quand c'est un choix du cœur
que ce choix regarde
,
&
une créature
aimable. Je vois d'ici cette petite
elle vous ressemblera malgré la mar- ,

;
que de l'ouvrier. 11 efl vrai que ce
nez efl une étrange affaire mais il
se rajuftera, & je vous réponds que
Pauline fera belle. Madame de Vins
est encore ici, elle caure dans ce cabi-
et avec d'Hacquevillc & mon fils-
,
Ce dernier a encore si mal au talon,
qu'il prendrapeut-être le parti d'al-
ler à Bourbon quand j'irai à Vichi.
Ne fo-yez point en peine de ce voya-
ge, & puisque Dieu ne veut pas que
, ;
je ressenteles douceurs infinies de
votre amitié nous devons nous fou-
niettre à sa volonté cela est amer,
mais nous ne Commes pas les plus
forts. Je ferois trop heureuse, si votre

,
amitié ressembloit à ce qu'elle est
elle m'est encore assez chère toute
dénuée qu'elle est des charmes &
;
des plaisirs de votre présence & de

,
votre société. Mon fils vous ré-
pondra & moi aussi, sur tout ce que
vous nous dites du Poëme Epique.
Je crains qu'il ne foit de votre avis
:
par le mépris que je lui ai vu pour
Enée cependant tous les grands ef-
prits font dans le goût de ces an-
ciennetez. Vous aurez bientôt la Gar-
-de & le bel Abbé. Nous avons fort

Intendante
re que
:
causé ici de nos desseins pour la petite

tout dépend du père,


Madame deVins Waffu-
& que
des la baie leur viendra, ils feront
quand
merveilles. Nous avons trouvé à
propos, pour ne point languir si long-
temps, ce vous envoyer un memoire
du bien de mon fils, & de ce qu'il
peut espérer, afin qu'en confidence
vous
que
le
nous
montriez
puissions
à
sçavoir
,
l'Intendant
Ton
âc
senti-
ment, fans attendre tous les retar-
demens & toutes les instructions qu'il

;
faudroiteirayer, si vous ne lui faisiez
voir la vérité mais une telle vérité
que si vous souffrez qu'il en rabatte,
,
comme on fait toujours, & qu'il croie
que votre mémoire est exagéré, il n'y
a plus rien à faire. Notre style est si
simple & si peu celui des mariages,

neur
,

nous ,:
qu'à moins qu'on ne nous faITe l'hon-
de croire nous ne par-
viendrons jamais à rien il est vrai
qu'on peut s'informer, & que c'est
eu la franchise & la naïveté trouvent
leur compte. Enfin, ma fille, nous

,
vous recommandons cette affaire, Se
sur-tout un ouï ou un non afin que
nous ne perdions pas un grand temps
à une vilion inutile. Comme je vous
écrirai encore Vendredi, je retourne
à nia compagnie.
LETTRE XCIV.
ÀLAMÊME.
A Livri,Vendredi 23 Juillet. 1677.

Lmettre
E Baron estici, & ne me laisse pas
le pied à terre, tant il me

:
mène rapidement dans les lectures que
nous entreprenons ce n'est cepen-
dant qu'après avoir fait honneur à la
conversation. Dom Quichote Lu-
,
cien les petites lettres; voilà ce qui
,
nous occupe. Je voudrois de tout
mon cœur, ma fille , que vous euC-
fiez vu de quel air & de quel ton il
s'acquitte de cette dernière lefture
elles ont un priIC tout particulier,
;
quand elles passent par les mains;

;
c'est une chose divine & pour le fé-
rieux & pour le plaisant le les trou-
ve toujours nouvelle., & je crois
que cette forte d'amusement vous di-
vertiroit bien autant que l'indéfe&i-
bilitéde la matière. Je travaille pen-
dant que l'on lit ; & la promenade
tpit si fort à la inain, comme vous
sçavez, que l'on est dix fois danste
jardin, & dix fois on en revient.Je
,
crois faire un voyage d'un instant à
Paris nous ramonerons Corbinélli
mais je quitterai ce joli & paisible
:
défert, & partirai le seize d'Août
pour la Bourgogne & pour Vichi.
Ne soyez nulle peine de
en ma con-
duite pour les eaux;comme Dieu ne
veut pas que j'y fois avec vous, il ne
faut penser qu'à se soumettre à ce
qu'il ordonne. Je tâche de me con-

mez,
foler dans la pensée que vous dor-
que vous mangez, que vous
êtes en repos, que vous n'êtes plus
dévorée de mille dragons, que votre
joli viClge reprend son agréable figu-

:
re , que votre gorge n'est plus com-
me celle d'une personne-étique c'eit
dans ces changemens que je veux
trouver un adoucissement à notre
féparatioh ; quand l'espérance voudra
Ie mêler à ces pensées, elle fera la
y
très- bienvenue, & tiendra sa place
admirablement. Je crois M. de Gri-

;
gnan avec vous, je lui faismillecom-
plimens sur toutes ses profpcritez je
ïçais comme on le reçoit en Proven-
ce,& je ne fuis jamais étonnée qu'on
l'aime
Pauline ,
raime beaucoup. Je lui recommande
ôc le prie de la défendre
contre votre philosophie. Ne vous
ment ; hélas!
ôtez point tous deux ce joli amuCe-
a-t-on si souvent des
plaisirs à choisir ? quand il s'en trou--

,
ve quelqu'un d'innocent & de natu-
rel fous notre main il me femblc
qu'il ne faut point se faire la cruauté1

;
de s'en priver. Je chante donc encore'
une fois Aimez, aimer Pauline, ai-
(a (u).
mer grace extrême
Nous attendrons jurqu'à la Sainr
Remi ce que pourra faireMaadame

, ;
de Guénegaud pour sa mai son si elle,
n'a ritn fait alors nous prendrons:
notre résolution , & nous en cherche--
rons une pour Noël; ce ne fera pas:
fans beaucoup de peine que je perdrai'

;
l'espérance d'être fous un même toir
avec vous peut-être que tout celat
se démêlera à l'heure que nous ypen-

; ;
ferons le moins. Je crois que M. de
la Garde s'en ira bientôt je lui dirait
adieu à Paris ce vous fera une aug-
mentation de bonne compagnie. Mon-
iteur de Charôt m'a écrit pour me;
)
(M Parodie d'un vers de l'Opéra de Thé**
fte.AiitII,StineL
parier de vous, il vous fait mille corn*
plimens.
,
J'aurois tout l'air ma fille de ,
Epique ;
penser comme vous sur le Poëme
le clinquant du Taire m'a

; :
charmée. Je crois pourtant que vous
vous accommoderez de Virgile Cor-
binelli me l'a fait admirer il faudroit
quelqu'un, comme lui, pour vous ac-
compagner dans ce voyage. Je m'en
;
vais tâter du SchismedesCrées, on en
dit du bien je conseillerai à la Garde
de vous le porter. Je ne sçais aucune
forte de nouvelle.

MonsieurDESÉVIGNÉ.
Ah, pauvre erprit ! vous n'aimer
point Homère. Les Ouvrages les plus

mépris:
parfaits vous paroissent dignes de
les beautez naturelles ne
vous touchentpoint, il vous faut du
clinquant ou des petits-corps(x). Si
vous voulez avoir quelque repos avec
moi, ne îifez point Virgile;je nevous
pardonnerois jamais les injures que
(N) On sçait que Midime de Grignan
aim ir la Philosophiede Descartes,&qu'elle
en feiloit la principale étude.
vous pourriez lui dire. Si vous vou-
,
liez cependant vous faire expliquer
le sixiéme livre & le neuf où est l'a-
venture de Nisus & d'Euryalus , Se
le onze & le douze, je fuis sur que
vous y trouveriez du plaisir. Turnus
;
vous paroîtroit digne de votre estime
& de votre amitié & en un mot,
comme je vous connois, je craindrois
fort pour AI. de Grignan qu'un pareil

vence:
personnage ne vînt aborder en Pro-
mais moi, qui fuis bon frère,
je vous fouhaiterois du meilleur de
mon coeur une telle aventure ; puis-
la tête tournée ,
qu'il est écrit que vous devez avoir
il vaudroit bien
mieux que ce fût de cette forte, que
par Yindéfeïlibilité de la matière, &par
les négations non conversibles. Il est
tri fie de n'être occupée que d'atomes
& de raisonnemens si subtils que l'on
n'y puisse atteindre. Si vous me par-
lez de votre retour, en cent ans je
ne vous dirai que ce que je vous ai
;
déja dit examinez bien toutes cho-
ses ; & surtout que les devoirs de
Provence ne l'emportent point sur
les devoirs de ce pays ci à moins
,
qu'il n'y ait des raisons Ji essentielles,
quon ne puisse retuter de sy rendre.
Je profiterai du malheur qui est arrivé
à M. de Grignan pour ne pas m'y expo-
;
;
fer de trois Maîtresses, il n'en a pas
j'en aurai
une & je ferai li bien queforte
de toutes les espèces, en que
toutes ne soient pas sujettes à faire
des voyages.. Au reste, ce feroit une

mariage ;
eliofe curieuseque je vous dusse mon
il ne vous manque plus que
cela pour être une sœur bien diffé-
rente des autres., & il n'y a que cetto
fuite qui puisse répondre à tout ce
que vous avez fait jurqu'ici sur mon
sujet. Quoi qu'il puisse arriver je
vous affure que ma reconnoissance &
,
ma tendresse
mes pour vous
feeur.
,
feront toujours les mê-
ma. belle petite-

Madame deSéviGNÉ.
à
La Mouch,est la.Cour, c'est une
fatigue, mais que faire ? M. deSchom*
berg (J) e#toujours vers la Meuse
(y) Le MaréchaldeSchombergétoitde-
meurépresque feulavec l'Eat-Major de font
,
Armée laquelle se trouvoit réduite à rien par
lu dlitrclJl- déujchenjcn» qui enavoUiuété
,
avec ron train c'est-à-dire, tout flue.
téte-àtite. Madame de Coulanges di..
foit l'autre jour qu'il falloit donner à-
Monsieur de Coulanges l'I ntendance
de cette Armée. Quand je verrai la
(
Maréchale deSchomberg) je-luidirai
des douceurs pour vous. M. le Prince
est dans Ton Apothéose deChantilli
il vaut mieux là que. tous vosHéros
;
: ,
d'Homère. Vous nous les ridiculifez
extrêmement nous trouvons com-
qui chante,
me vous dites, qu'il y a de La feuille?
:
à tout ce mêlange des.
Dieux & des hommes cependant il
faut respecter le Père leBossu. Mada,
me de la Fayette commence à.pren-
dre des bouillons., fans en être ma-
lade ; c'est. ce qui faisoit craindre le.
desséchement.
Bits, pour grossir
tr l'Armée du M~~cht! do
Maréchal d~
Créqui.
LETTRE XCV.
A LAM B M S.
1677. A Paris, Mercredi matin 28 Juillet.

J papillon
E Paris pour ce chien de
fuis à
n'ai
; je pasencore
,
mis
entièrement le pied dellus celt-
à-dire, touché cette belle somme que
vous sçavez. Si je ne m'étoisagréa-
blement amusée depuis Dimanche à
dire adieu à ces Messieurs qui t.'en
vont à Grignan , je me ferois fort
bien désespérée. Je devois m'en re-
tourner hier, je ne m'en irai que Ven-
dredi ; on ne sçauroit vous expliquer
l'horreur de la chicane. Je soupai hier
chez laMarquise d'Huxelles, où j'em-
braflai pour la sixiéme fois la Garde
& l'Abbé de Grignan ; & aulieude
;
leur dire »Messieurs, je fuis bien fâ-
;
» chée de votre départ, je leur dis
» Messieurs , que vous êtes heureux !!
» que je fuis aire que vous partiez
» allez, allez voir ma ;
fille vous lui
» donnerez de la joie, vous la verrez
;
quille,elle est ;! il
»ensanté elleest belle,elleesttran-
plût à Dieu que
paie
»
* je fusse de la partie a Hélas! s'en
faut bien que la Providence ne fafle
cet arrangemeut: mais enfin , matrès-
chère je fuis assurée de votre fanté ;
,
Montgobert ne me trompe pas dites-
le-moi cependant encore; écrivez-le-
;
?
moi en vers & en prose répétez-le-
;
moi pour la trentième fois que tous

nouvelle :
les échos me redifent cette charmante
j'avois une musique, com-
si
me M. de Grignan , ce feroit là mon
Opéra. Il est vrai que je fuis ravie

, :
de penser au miracle que Dieu a fait
pour vous j'en veux un peu à la
prudence humaine je me souviens

qui font dignes de rifée la voilà


bien décriée pour jamais. Compre-
;
de quelques tours qu'elle a faits, &

nez-vous bien la joie que j'aurai, si je


vous revois avec cet aimable visage
nable ,
qui me plaît, un embonpoint raison-
une caieté qui vient quasi tou-
jours de la bonne disposition ? Quand

der ,
j'aurai autant de plaîsir à vous regar-
que j'ai eu de douleur sensible;
quand je vous verrai comme vous
devez être étant jeune, & non pas
usée,consumée, dépérie, échauffée
épuisée desséchée ; enfin, quand je
,
;
n'aurai que les chagrins courans de la
;
vie si je puis jamais avoir cette con-
folation, je pourrai me vanter d'avoir
senti le bien & le mal en perfection.

:
Cependant votre exemple coupe la
gorge a droit & à gauche le Duc de

a lade, venez à ;
Sulli dit à sa femme -» vous êtesma-
Sulli voyez Mme.
» Grignan, le repos de sa mai son l'a ré-
de

a tablie, fans qu'elle ait fait aucun re-


a mède a. Mais laDuchesse n'approu-
ve point cette ordonnance, & préfere
celle de Vesou, qui lui ordonne d'a-
bord deux faignéc. deux petites
,
médecines, & vingt jours de bain:
j'avoue que je ne comprends guères
cette autre extrémité dans le temps où
nous sommes, & poar un lieu com-
me Sulli jusqu'àla Toussaint. Je la vis
hier, elle vous fait mille amitiez. Je
fuis fâchée que vous m'ayiez écrit
tant de lignes pour me persuader que
vous ne devez point faire de remè-
des puisque vous vous portez bien.
,
Je fuis
;
de votre avis, peut-être que
le lait vous est contraire suivez vo-
le
treexpérience, repos & le temps
Voua.
"nus font favorables, laissez-leur,
j'y consens, l'honneur tout entier de
votre guériton. Plût à Dieu que ce
!
même raisonnement pftt servir pour
moi comme pour vous je n'irois pas
à Vichi : mais je ne trouve pas que
vous vouliez m'en dispenser ;la
pré-
caution vous paroît une nécessité, &

,
comme on ne voit pas bien si elle
est inutile ou non je ne dérangerai
rien à mesrésolutions en fortequ'a-
,
Livriavoir paslé encore huit jours à
près
& donné quelques jours à
,
Paris pour attraper le seize, je prends
le chemin d'Efpoifres. C'est nous qui
à
faisons marier les filles larobe;fans

;
notre malheur,Messieurs de la robe
ne se marieroientpoint on nous a
déja répondu en deux occasions qu'on

:
ne vouloit point de nous, parce que
nous étions dans l'cpée il faudra
suivre votre conseil , & au lieu de
quitter la robe pour l'épée, il faudra
quitter l'épée pour la robe. Mon fils
;
est bien embarrallé, il ne peut s'ap-
puyer sur ce talon mais la longueur
joint à la
de cette blessure , qui se les
parfaite fanté de toutes autres
parties de fan corps & à l'ufaize
qu'il en fait, rendent Ion séjour équi.
voque à ceux qui ne font au monde
que pour parler. On a toute la raison
de son côté, & cependant on est à
plaindre. Je trouve la réputation des
hommes bien plus délicate & blonde
que celle des femmes. Les apologies
continuelles ne font pas un grand
profit; de forte que fans pouvoir
monter à cheval, on veut que mon
fils foit à l'A rmée. Je crie toujours
qu'on fafle voir son talon à Monsieur
Félix (t). Monsieur Félix n'a pas le
loisir, & le temps patfe.
, à
D ** entra hier la Bastille,pour
avoir chez Madame la Comtesse de

,
Soissons, levé la canne sur L., &

,
l'avoir touché, dit-on quoique lé-
gèrement5 le Comte de Gramont se
mit entre-deux les menaces furent
vives. L ** dit à D ** qu'il étoit un là.
che, Se que dans un autre lieu il n'au-
roit pas tant fait de bruit. Madame
la Comtesse alla demander justice au
Roi contre l'insolence commise dans
sa maison. Le Roi lui dit qu'elle de.
à
vroit se l'être faite elle-même. Le
Çardinal de Bonzi lui fit des excuses
(*) Premier Çhirurgiçn du Roi.
pour D**, elle dit que c'était 1at-
faire
;
du Roi que si elle eût été chez

tres. D
elle, elle l'eût fait jetter par les fenê-
faire des complimens :
est à la Bastille on va
,
je voudrois

;
bien allerchez la L**, & faire un
compliment à D** si vous ne vou-
lez pas, je n'en ferai point du tout.
La dispute étoit sur huit cent louïs
que doit L **, & qu'il veut que D* *
prenne
les
payerez;
sur Monsieur. Vous me
je n'en ferai rien, & le
reste. On est si avide de nouvelles,
qu'on a pris cette guenille, & qu'on
ne parle d'autre chose. Madame de la
Fayette est toujours mal , nous trou-
vons pourtant qu'elle remonte le
Rhônetoutdoucement & avec peine ;
ce n'est pas le chemin de Grignan,
votre remède ne fera pas suivi. Je
;
n'ai rien à dire de Pauline que ce que
je vous en ai déja mandé je l'aime
d'ici, elle est jolie comme un Ange,
divertiffez-vous-en : ily a de certai-
nes philosophies qui font en pure
perte, & dont personne ne nous sçait
gnan,
gré. Il quittant Gri-
est vrai qu'en

;
il faut la mettre en
comme vous dites mais
quedépôt,
ce ne
b>it donc qu'un dépôt ; & celaétant,
Madame votre belle-sœur est meil-
leure que nos Sœurs (de SainteMarie,)
carelles ne rendent pas aiCément. La
?
pauvre petite qui est à Aix, est-elle
bien
j'y pense fort souvent, & à ce
petit Marquis, dont il mefembleque
l'esprit
se perd fans Précepteur: mais
le moyen d'en envoyer un de si loin ;
il faut que vous le choisissiez vous-
même. La Mousse m'a écritde
il vous ira voir à Grignan ; Lyon,
cela
bon, & conviendra fort à votre en-
est

fant; cette pensée m'a faitplaisir. Il


,;
est revenu un Gentilhomme de Com-
merci depuis Corbinelli qui m'a fait

,
peur de la fanté du Cardinal ce n'est
plus une vie c'est une langueur
j'aime & honore cette Eminence d'u-
:
ne manière à me faire un tourment
de cette pensée le temps ne prend
,
rien sur mes sentimens là-dessus
mais il n'a fait jusqu'ici qu'augmen-
;
ce
;
ter la tendresse & la sensibilité que
que de ce :
j'ai pour vous je vous affure qu'il
travaille cA:é-là mais

;
vous êtes cruelle aussi d'y contri buer,
commevous faites il y a de la mé.
chancete,
vous m'aimer, yous me le
tii<J
temoignez, mon cœur souvre a cette
joie, & se confirme de plus en plus

:
dans des sentimens qui lui font natu-
rels vous voyez bien l'effet que cela

;
peut faire. Je ne vois ailleurs que des
en fans qui haïssent leur mère C * *
; ;
me disoit l'autre jour qu'il haïssoit la
sienne comme la peste par ma fuppu-
tation elle mouroit ce jour-là je fus
hier lui faire mes complimens, il n'y

:
étoit déja plus. Je lui écrivis un bon
;
billet à mon gré il est fort barbouille
du plusgrand deuil du monde mais
son cœur est à l'aise. Hélas ma fille
,
!
vous êtes dans l'autre extrémité , &
je vous aime aussi, & vous dois aimer
plus que ma vie.
lfis est retournée chez MADAME
tout comme elle étoit, belle comme
un Ange. Pour moi, j'aimerois mieux
ce haillon loin que près. On ne parle
que des plaisirs de Fontainebleau.
LETTRE XCVI.
A LAM i ME.
1677. A Paris,Vendredi 30 Juillet.
Qtettres,
UAND je vous écris de longues

application ne me talle malade ;


vous avezpeurque cette

vous croyez que je le fuis, quand je


<x

vous en écris de courtes. Sçavez-


vous ce que je vais faire ? ce que j'ai
fait jusqu'à présent. Je commencé
toujours fans sçavoir où cela ira

; ,
j'ignore si ma lettre feragrande ou
si elle fera petite
;
j'écris tant qu'il

;
plaît à ma plume, c'est elle qui gou-
verne tout je crois que cette règle
est bonne, je m'en trouve bien, & je
la continuerai. Je vous conjure d'être
en repos de ma fanté, comme vous
voulez que je fois en repos de la vô-
tre. Si je me croyois, je ne prendrois
non plus des eaux de Vichi, que vous
:
du lait mais comme vous trouvez
que ce remède m'est nécessaire, 6c
que de plus je fuis assurée qu'il ne me
fera point de mal, j'irai certainement
à Vichi ; & mon jour est si bien mar-
qué que ce feroit figne d'un grand
,
malheur, si je ne partois pas. J'espère
que la Providence ne voudra point
e moquer de moi pour cette fois. Je
fuis si accoutumée à me voir conson-
due sur la plus grande partie de mes
desirs que je ne parle de l'avenir
,
qu'en tâtonnant. Le flyle des Pyrrho-
a
niens me plaît aflez ; il y bien de la
prudence dans leur incertitude, elle
empêche au moins qu'on ne se moque
d'eux. Allez-vous à Vichi ? peut-
être. Prenez-vous la maiTon de la
(
:
Place royalt) pour un an ? je n'en
{\'ais rien voilà comme il fuudroit
parler. Je croyois m'en retourner ce
matin à Livri ; car enfin, cette grande
affaire est finie, j'ai mis le bout du
sur sur le bout de l'aile du papillon;
pied
neuf mille francs, j'en ai touché

f
deux. Je pouvois donc m'en aller ;
mais que fait le diable l'Abbé Têtu

;
& le petit de Villarceaux font une
gageure cette gageure compose qua-
tre pistoles ; ces quatre pifioles font
la
destinées pour voir tantôt Comédie
des Visionnaires, que je n'ai jamais
,
vue. Madame de Coulanges me preute
,
d'un si bon ton que me voilà débau-
chée & je remets à demain matin ce
que je deVois faire aujourd'hui. Je ne
sçais si vous comprenez ces foibles-
;
ses pour moi, j'en fuis toute pleine
il faudra pourtant s'en corriger en
;
approchant de lavieillesse.
D ** est hors de la Bastille. Comme
ce n'étoit nue pour contenter Mada-
),
,
me la Comtesse (de Soissons & que
cen'étoit ni pour le Roi de France,
ni pour le Roi d'Espagne elle n'a pas
pouffé sa côlère plus loin que les
viigt-quatre heures. Us feront accoin-
mocez devant les Maréchaux de
France. Cela est dur à D* *,
il fau-

,
dra qu'il dise qu'iln'a point donné de
coups de bâton & les injures atroces
lui demeureront. Tout ce procédé
est si désagréable, qu'un homme que
vous reconnoîtrez, a dit que quand
les joueurs ont tant de patience, ils
devroient donner leurs épées aux car-
:
tes cela s'appelle de l'eau dans le via
des Pères (a).
(«) M. de la Rochefoucauld disoit que
l'Abbé Têtu avait mis de l'eau dans le vin des
lrrll, en parlant d. ses Stances chrétiennes
Madame de Schomberg a enfin
vendu saCharge (b) à Montanègre
quatre-vingt mille écus, sçavoir deux

tant ,
cent dix mille francs argent comp-
& trente mille francs sur les

:
Etats prochains de Languedoc, cela
est bon mais voici ce qui est bien
meilleur, car vous sçavez que ce ne
font jamais les choses ce font les
,
manières. Elle remercia le Roi il ;
,,
lui dit qu'elle re plaignoit toujours
d'être malade mais qu'il la trouvoit
fort belle. Sire c'est trop, quatre-
vingt mille écus & des' douceurs.
Madame, je crois que vous n'augmen-
terez pas les meubles de votre maison
d'aucun coffre fort. Sire, je ne verrai
feulement pas l'argentque Votre Ma-
Esté nous donne. Là-dessus M. de
ouvois entra sur ce même ton dans
la plaisanterie ; cela fut pouffé un
quart-d'heure fort agréablement. Il
se trouva que Madame de Schomberg
dit deux ou trois choses fort fines : le
Roi lui dit ; » Madame, je m'en vais
sur divers partages de l'Ecriture Se des
Pères.
( ) De Lieutenant Général au Gouverna
p
ment de Languedoc,
jo vous dire une chosebienvaine, cest
» que j'aurois juré que vous auriez ré-
21
pondu cela a. Madame de Montespan
lui fit encore des merveilles. Voilà
comme on traite les gens en ce l'arfai-
;
là quand on fait du bien, on
pays-
sonne d'agrément, & cela est déli-
cieux. Cette Maréchale que je vis
:
hier, vous fait mille amitiez elle dit
qu'elle n'est plus votre camarade, Se
qu'elle
fait voudroit bien qu'on vous eût
aussijoli présent qu'à elle. On
;:je
un
parle fort des plaisirs infinis de Fon-
tainebleau c'efiun lieu qui me paroit
crois qu'il ne fautpoint

,
périlleux
faire
changer de place aux vieilles
amours non plus qu'aux vieilles

,
gens. La routine fait quelquefois la
plus forte raison de leurattachement ;
quand on les dérange ce n'est plus
cela. Madame de Coulanges est fort
priée, pressée, importunée d'y aller ;
elle y résiste à caure de la dépense ;

: ,
car il faudroit trois ou quatre habits
de couleur. On lui dit allez-y en
habit noir ah, Jesus, en habit noir!
vous croyez bien que la raison de la
dépense ne l'en empêchera pas.
Le Maréchal de Créqui a été assez
mal; on lui a mandé que su étoit pis.
il n'auroit qu'àlaiflerl'Armée au Ma-
réchal de Schomberg. N'avez-vou9
pas ouï conter des boiteux que le feu
ou quelque chien faisoit marcher &
:
courir comme des Basques ? Ma fille ,
voilà l'affaire le nom de Monsieur
de Schomberg a été un remède fou-
verain pour guérir le Maréchal de
Créqui. Il ne se jouera plus à être
malade, & nous verrons comme ilfe
démêlera des Allemands. Le Coad-

;;
juteur s'est fort bien démêlé de l'af-
faire de ses bois, il les vendra il me
paroît le favori de M. Colbert fé-
rieufement ilest heureux, son vifaçe
est solaire. Il dîna hier avec moi,
c'est un étrange nom pour moi que
celui de Grignan. » M. le Comte,
» c'est ce qui fait que je ne vous hais
» pas: n'êtes-vous point bienaise de
» revoir ce petit chien de visage, s'il
est vrai qu'il foit aussi rafraîchi qu'on.
»

chère
?
» me le mande Conservez bien cette
fanté font
» ; nos cœurs ne
guères à leur aise quand elle est
» ,
:
» comme nous l'avons vue cette idée
» me blesle toujours, je n'ai pas l'ima-
» gination assez forte pour la voir,
» ni comme elle est, ni comme elle a
» été. Vous voulez bien aulfi que je
» vous recommatide Pauline, je fuis

» le ressemblera
» vous de cette
à sa ;
afiuréequ'elle est fort jolie, & qu'el-
mère
ressemblance
que
?
dites-
Si ma
» fille fort de Grignan j'approuve
,
» le dépôt qu'elle veut faire de la

.;
» sienne à Madame votre sœur, à con-
» dition qu'on la reprendra; car ilest
wvrai que nosSœurs (de SainteMarie)
m ne font pas si commodes Ma chère
enfant, voilà ce que ma plume a vou-
lu vous conter. Le Mercredi je fars
réponse à vos deux lettres le Ven-
dredi je cause sur ce qui Ce présente.
Le Baron se divertit à merveilles
&quoiqu'il ne s'appuie point sur le
;
talon, il est si difficile de le plaindre
en le voyant, que c'est de cela qu'il
le faut plaindre. Je trouve que c'est
une chose fâcheuse d'avoir à se justi-
fier sur certains chapitres.

;
Madame de Villars m'écrit mille
choses de vous je vous enverrai ses
lettres un de ces jours, elles vous di-
vertiront. Madame d'Heudicourt est
entièrement dans la gloire de Niquée;
elle y oublie qu'elle est prête d'accou-
cher. La rrincetle d'Elbeuf est fort
aimable, Mademoiselle de Thianges
fort belle, & très-appliquée à faire sa
cour. Madame deMontespanétoit,
mans;
l'autre jour, toute couverte de dia-
on ne pouvoit soûtenir l'éclat
d'une si brillante divinité.L'attache-

:
ment paroît plus fort qu'il n'a jamais
été ; ils en font aux regards il ne
s'est jamais vu d'amour reprendre

tout doucement ;
terre comme celui-là. Madame de la
Fayette remonte toujours le Rhône
& moi, ma fille,
je vous aime avec la même inclina-

:
tion que ce fleuve va de Lyon à la
mer cela est un peu poétique, mais
cela est vrai.

JLETTRE XÇVII.
A LA Même.
A Livri, Mardienattendant 1677.
Mercredi 4 Août.

J E vins l'avois
je vous
Samedi matin, comme
ici
mandé. La Comé-
)
pie (c du Vendredi nous réjouit
je ) Les visionnaires de Desinaretz.
beaucoup : nous trouvames que cé-
;
toit la représentation de tout le mon-
a
de chacun ses visions plusou moins
marquées. Une des miennes présen-
tement, c'est de ne me point encore
,
accoutumer à cette jolie Abbaye, de
l'admirer toujours comme il je ne
l'avois jamais vue, & de trouver que
vous m'êtes bien obligée de la quit-
ter pouraller à Vichi. Ce font de ces
obligations que je reproche au bon
Abbé, quand j'ai écrit deux ou trois
lettresen Bretagne pour mes affaires.
Vous ne me parlez point de votre fan- -
té, c'est pourtant un petit article que
Je ne trouve pas à négliger ; tant que

;,
vous ferez maigre, vous ne ferez point
guérie & foit par le fang échauffé&
subtilisé foit par la poitrine, vous
devez toujours craindre le desséche-
ment. Je souhaite donc qu'on ait un
peu de peine à vous lafler, pourvu
que
jette
la
l'année
crainte

; , d'engraisser ne vous
pas dans la pénitence comme

tout : dernière car il faut songer à


mais cette crainte ne peut pas
entrer deux fois dans une tête raison-
tes meilleures que celles de l'Abbé
yous voyez ailurément tout le n)a"
,
nable. Au reste, vous avez des lunet-
; , j
nège que je tais quand attends vos

;
lettres
pont
je tourne autour du petit
je fors de l'humeur de ma fille,

;
& je regarde par l'humeur de ma mère,
si mon
je remonte,
laquais ne vient point &puis,
& reviens mettre mort

;
nez au bout de l'allée qui donne sur la
petit pont & à force de faire ce che-
min je vois venir cette chère lettre
,
;
& je la reçois, & la lis avec tous les
sentimens que vous devinez; carvous
avez des lunettes pour tout. J'attends
ce foir la feconde. & j'v ferai réponse

& le payement des Gardes ,


demain. Le bon Abbé est étonnéque
les voyages d'Aix & de Marseille
,
vous
ayent jetté dans une si excessive dé-
pense; vous dites que votre Château

d'accord;
est une grande ressource j'en fuis

, ,
mais j'ajmerois mieux y
demeurer par choix que d'y être
forcée par la nécessité. Vous fçavea
ila
;
cequeditl'Abbéd'Effiat, épousé
sa Maîtresse il aimoit Veret, quand

,
il n'étoit pas obligé d'y demeurer; il
ne peut plus y durer parce qu'il
n'ose en sortir. Enfin, ma fille, je
vous conseille de suivre toutes vog
bonnes réfulutionsderègle& d'oeco
nomie ; cela ne rajulte pas une mai-
son, mais cela rend la vie moins fé-
che & moins ennuyeuse.

;
Je n'ai point vu Mesdemoiselles de
l'Iflebonne je crois qu'elles ne font
point si jolies que la sœur de votre
Princesse (d ). Elle est toujours à
Chaillot; sa mère est grosse & hon-
teuse comme si elle l'avoit dérobé.
,
Je vous ai remerciée, ma très-belle,
de tout ce quevous faitesd'admirable
pour mes anciennes amies. Vous au-
rez vu combien Madame de Lavardin
a senti votre honnêteté. Madame de
Marbeuf, qui est ici, vous fait mille
complimens; elle est enchantée de ce
joli petit lieu, elle dit qu'ilne reffem-
ble à rien que l'on ait vu. J'ai aussi
mon ami Corbinelli , qui va tâcl ef
de raccommoder un peu le Poème
Epique avec vous.
Mercredi matin.
Je reçois votre lettre du 28 Juil-
î ;
let il me semble que vous étiez gaie,
votre gaieté marque de la fanté voi-
là, ma très-chère, comme je tire ma
conséquence. Vous me priez d'allerà
(d) Madame de Vaudemont.
Grignan,
, ,
Grignan vous me parlez de vos me-
,
lons de vos figues, de vos muscats
ah ! j'en mangerois bien mais Dieu
;
si agréable voyage ;
ne veut pas que jefaffe cette année un
vous ne ferez pas
non plus celui de Vichi. Vous dites,
ma chère enfant, que votre amitié
;,
n'est pas trop visible en certains en-
droits la mienne ne l'est pas trop

:
aussi il faut nous faire crédit l'une à
l'autre je vois fort bien la vôtre, ôc

;
j'en fuis contente, soyez de même
pourmoi ce font de ces chores que
l'oncroit, parce qu'elles font vraies;
& de ces véritez qui s'établissent,parce
qu'elles font des véritez. J'avoisouï
parler confusément de cette lettre de
M. de Montausier ; je trouve, comme
;
vous, son procédé digne de lui vous
sçavez à quel point il me paroîtorné

, :
de toutes fortes de vertus. On avoit
cherché à le tromper on avoit cor-
rompu son langage; on s'est enfin re-
dresse, & lui aussi, je l'avoue c'est
une sincérité & une honnêteté de l'an-
,
cienne chevalerie. Voilà qui eftdonc
fait, ma fille vous êtes assuréed'a-
voir ces jeunes Demoiselles (e). Vous
(e) Mesdemoiselles de Grignan étoient
êtes unesi grande quantité de bonne#
têtes, qu'il ne faut pas douter que
vous ne preniez le meilleur parti, &
le plus conforme à vos intérêts; peut-
êtreque les miens s'y rencontreront,
j'en profiterai avec bien du plaisir.
Je sens la joie du bel Abbé de se
voir dans le Château de Ces pères, qui
ne fait que devenir tous les jours plus
beau & plus ajusté. M. de la Garde,

l'aime,
dont je parle volontiers parce que je
est cause encore de ces co-
pies, dont je fuis vraiment au défet-
;
poir. Je vous assure que fans lui j'eusse
continué ma brutalité j'avoisrésisté
à la faveur, j'ai succombé à l'amitié:
,
si je n'avois que vingt ans je ne lui
découvrirais pas ces foiblesses. Je me
fuis donc trouvée en presle, tout le
monde criant contre moi. » Elle est
» folle, disoit-on, elle est jalouse. M. de
»Saint-Geran n'aime-t-il point sa
» femme ? il a permis qu'on prît
! des
» copies de son portrait. Hé bien on
» en aura un original, il ne me fera
» pas refusé. Cela est plaisant qu'elle
D
croie qu'il n'y a qu'elle qui doive
niéces de Madame la Duchesse de Montau-
ner.
ravoir le portrait de sa fille. Je l'aurai
» plus beau que le fien «. Je ne me
ferois guères souciée de toute cette

:
clameur, si M. de la Garde ne s'en
étoit point mêlé mais voilà la pre-
chère;
mière pinte, il n'y a que celle-là de
c'est donc de Paverfion qu'on
a pour les autres. Oh bien ! faites
donc, que le diantre vous emporte ;
,
le voilà, faites en tout ce que vous
voudrez. Vous ririez bien si vous

donne ,
fçaviea tout le chagrin que cela me
& combien j'en ai rué. Vous
qui n'aimez pas les portraits, j'ai com-
pris que vous feriez la première à me
ridicultfer. Ce qu'il y a de plaisant,

;
c'est que cet original ne me paroît

: ,
le entier ni précieux celameblesse
plus
coeur allons allons, il faut être
mortifiée sur toutes choses. Voilà qui

;
est fait, n'enparlons plus;cetarticle
est long & assez inutile mais je n'en
ai pas été la maîtresse, non plus que
de mon pauvre portrait.
J'attends mon fils ; il s'en va à
l' Armée, il n'étoit pas possible qu'il
fit autrement ; je voudrois même
qu'il ne traînât point, & qu'il eût tout
le mérite d'une si honnête réfolutioa.
mirable ;
Tout ce que vous dites de lui, elt M"
il efl vrai que rien n'est si

amoureux
Madame
dame de
;de.
occupé qu'un homme qui n'est point
avant qu'il ait vaqué à
Madame de
Madame de
Ma-
le jour
& la nuit font passez. J'ai vu répon-
dre mon fils à quelqu'un qui vouloit

Sablière
» jours
;
attaquer la persévérance de la belle
son
» non,
cher
non, elle
Philadelphe
aime
;
tou-
il est
» vrai qu'afin de faire vie qui dure,
» ils ne se voient pas du tout si fou-
»vent, & qu'au lieu de douze heures,
» par exemple,

dreÍfe la
il

passion t :
n'en passe
» elle que sept ou huit mais la ten-
la
plus

distinction
chez

&
» ,
»laparfaite fidélité, font toujours dans
le cœur de la belle, & quiconque
»dira le contraire,aura menti «. Mais
parlons un peu de ce cœur défefteur,
que vous ne comptez plus sur vos
doigts. Je me doute que c'efl celui de
Roquefante & que le Père Brocar
,
:
aura mis son nez mal-à-propos dans
cette bonne amitié je vous prie de
me mander si je pense droit. Il y en a
un autre dans le monde, dont la ten-
dicilc voudroit assurément se mêlec
; ,
d'aller,~mme vous dites, côte a côte
de la mMtine ; en vérité je n'y vois
point de différence & ce qui vous

;
surprendra, c'ert que je n'en fuis point
jalouse au contraire, j'en ai une joie
sensible, & j'en ai mille fois plus d'a-
mitié & d'attachement pour lui.

:
Je fuis persuadée du plaisir que vous
auriez à marier votre frère je con-
nois votre cœur parfaitement, & com-

:
bien il feroit touché d'une chose si
extraordinaire celle de n'avoir trou-
vé du repos& de la fanté, que dès que

;
vous m'avez quittée, ne l'est pas mal
aussi mais la sincérité de l'avouer eff
digne de vous, & je fuis si aise de
voussçavoir autrement que vous n'é-
tiez ici, que je ne penre pas à vous
faire un méchantprocèslà-dessus. Il
me semble que M. de Grignan pour-
roit vous en faire un sur la liberté que
vous prenez de blâmer sa musique ,
vous qui êtes une ignorante auprès de
!!
lui. Mon Dieu, que vous allez pafïer
une jolie automne que vous êtes une
bonne compagnie je fuis persuadée,

;
pour mon malheur, que je n'y gâterois
rien jugez de l'effet de cette pensée,
quand je ferai à vingt- deuxlieues de
Lyon. Adieu, ma chère enfant, fai-
te,au bel Abbé &,
tes bien des amitiez pour
à lauarde
me tçait si bien séduire.
qui
Com-

LETTRE XCVIII.
A LAM E M E.
1677. A Livri Vendrtdi 6 Aodt.
,
J Eferacrois
fort
pourcette fois que ma lettre
celle de Mercredi
courte,
ne l'étoit pas. Madame de MarbeufHt
langes,ce jour-là à Madame de Cou-
place
à Brancas & au fidèle Achate,

;
qui dès le foir se mit à aboyer contre
Brancas sur le Jansénisme car Bran-
cas n'est Moliniste que quand j'ai été
saignée dupied, &qu'il m'abandonne
lâchement à soûtenir moi feule notre

merveilles,
Père S. Augufiin. On aboyoit donc à
& comme on lui disoit
qu'il yavoit peu de charité dans le
style des petites lettres, il tira promp-
tement le livre de ra poche, & fit voir
que c'étoit ainfique danstous lesflé-
cles on avoit combattu les héréfie$ Se
leségaremens. Onlui ditque les cho-
ies faintesy étoient tournées en raJ-
me de - ,
lerie ; il lut en même temps la onziè-
divines lettres où il est
démontré que c'efi eux précisément
qui le moquent des choses faintes.
Enfin, cettelefture nous fit un extrê-
me plaisir. Ce fut une chose rare de
voir lesconvulsions de la prévention
expirante fous la force de la vérité &
dela raison : ce divertissement fit pla-
ce le lendemain à un autre. Madame
de Coulanges, qui est venue me faire

main,
ici une fort honnête visite jusqu'à de-
voulut bien nous faire part des
contes, avec quoi l'on amure les Da-
mes de Verfailies ; cela s'appelle leg
:
mitonner elle nous mitonna donc, 6c
nous parla d'une Iile verte, où l'on
;
élevoit une Princesse plus belle que
le jour c'étoient les Fées qui fouf-
floient sur elle à tout moment. Le
;
Prince des délices étoit son amant ils
arri verent tous deux un jour dans une

;
boule de cristal à la Cour du Roi des
délices ce fut un fpeflacle admirable,
chacun regardoiten l'air, &chantoit
fans doute, allons,allons, accourons

;
tous, Cybéleva descendre.Ce conte dure
une bonne heure je vous en épargne
beaucoup, en considération de ce que
j'ai fçu que cette Iile verte est dans
l'Océan; ;
vous n'êtes point obligéedé
(çavoir ce qui s'y paffe sic'eût été
dans la Méditerranée, je vous aurois
tout dit, comme une découverte que
MI de Grignan eut été bien aise d'ap-
prendre.Nous ne fçavonsaucune nou-
velle; les pensées du beau monde Se
de la galanterie ont fait place à celles
de Mars. Votre frère, dans la crainte

mettre fort nez à l'Armée ;


qu'iln'y ait une occasion, veut aller
il ira à
Bourbon au mois d'Octobre, s'il en a
beroin. C'est unechofe si délicate que
la réputation de ces Messieurs qu'ils
,
aiment mieux paffer le but que de de-
meurer en chemin.
MademoiTelle de Méri vous envoie
les plus jolis souliers du monde ; il y
en a une paire qui me paroît si mr-
gnonne, que je la crois propre à gar-
der le lit; vous souvient-il que cette

, f
folie vous fit rire un foir Au reste,

;
ma fille ne me remerciez plus des

: ;
riens que je fais pour vous songez à
ce qui me fait agir on ne remercie
pointd'être passionnément aimée vo-
tre cœur vous apprendra quelqu'autre
forte de reconnoissance.

«
Fin du quatrième Tome.
La lettre suivante doit être placée à la
page478, avant la lettre du 28 Juillet
1677.

LETTRE
v
AMadamedeGrignan.
A Livri, Lundi 26 Juillet. 1677.
Mo NSIEU R de Sévigné ap-
prendra donc de Monsieur de
Grignan la neceihte davoir plulieurs
maîtresses, par les inconvéniens qui
arrivent de n'en avoir que deux ou
trois (a) : mais il faut que M. de
Grignan apprenne de M. de Sévigné
les douleurs de la séparation quand
,
il arrive que quelqu'une s'en va par
la diligence. On reçoit un billet du

,
coup parce qu'il est fort tendre ;
jour du départ, qui embarraflfe beau-
cela
trouble la gaieté & la liberté dont on
prétend jouir. On reçoit encore un
autre billet de la première couchée,
dont on est enragé. Comment diable!
(s) Voyezlespages465,466&476.
cela continuera-t-il de cette force r
On me Conte cette douleur ; on met
sa feule espérance au voyage que le
mari doit faire, croyant que cette

:
grande régularité en fera interrom-
pue fanscela on ne pourroit pas fou-
tenir un commerce de trois fois la fe-
maine. On tire lesréponses &lesten-
dresses à force de rêver j la lettre eA:
sigée, comme je disois, avant lource
que la
feuille qui thante foit pleinela
est entièrement séche. On pâme de

:
rire avec moi du fiyle, de l'orthogra-
phe voici quelques traits que vous
reconnoîtrez.
!
Je pars enfin, quel voyage pour qui
je dansun étatsiviolent? Je lui ré-
fuis
pondrois bien , pour un ingrat. J'ai
reçu un billet de ma
;
sieur aussi tendre que
vous m'en devriefécrire elle a l'esprit
adouci par mon départ. J'ai été tout le
jour triste, riveuse, le cœur pressé , des
soupirs une langueur, une infuiétude
,
dont je ne fuispas la maîtresse.
II me semble que c'eit une chose
toute défaflortie de porter dans cette
,
diligence, que ious lesdiables em-
portent une langueur amoureuse, un
amour languissant. Le moyen d'ima-
ginet qu'un état si propre a faire par.
,
fer le jour dansun bois Combre , assise
au bord d'une fontaine ou bien au
pied d'un hêtre, puisse s'accommoder
du mouvement immodéré de cette
voiture ? Il me paroît que la colère,
la fureur, la jalousie, la vengeance,
feroient bien plus convenables à cette
manière d'aller,
Mais enfin, j'ai la confiance de croire
si
que vous pensez à moi. Hélas! vousfça-
J'iet l'état où je fuis, vous me trouveriez
un grand mérite pour vous, Or vous me
traiteriez félon mon mérite. Je commence
déja àsouhaiter de retournersurmespas;
je vous défie de croire que ce ne foit pas
pour vous. Je ne sentirai guères lajoie ni
le repos d'arriver. Ayes au moins laire.
quel-
que attention à la vie que je vais
Adieu, si vous m'aimer, vous n'aimq
pas une ingratr.
Voilà en l'air ce que fai attrapé, 3c
voilà à quel style votre frère est con-

maine : ma fille ,
damné de répondre trois fois la fe-
cela est cruel, je
vous asTure. Voyez quelle gageure

;
soûtenir ; c'et un martyre ,
ces pauvres gens Ce font-engagez de
f ils me
font pitié le pauvre garçon y suc-
comberoit, fans la consolation qu'il
trouve en moi. Vous perdez bien, ma
chère enfant, de n'être pas à portée
de cette confidence. J'écris ceci hors
d'oeuvre, pour vous divertiren
donnant une idée de cet aimable vous
com-
merce.

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