5. Francesco Pazienza
Les mystéres du « Super S »
Pazienza, un étrange financier ami des terroristes; des mafieux. des
espions, des responsables du Vatican, de I'OLP. et de la Maison
Blanche. Ce quill fit & lintérieur du SISMI et quel fut son rle dons la
campagne électorale du président Reagan Ou Ion reparle de
Michael Ledeen et de |a piste bulgare. Comment services secrets,
terroristes et bandits se partagent l'argent d’une rangon. OU il est 4
nouveau question de la loge P2 et du massacre de la gare de
Bologne
€ 4 mars 1985, un Italien d'une
Devt @années, Francesco
Pazienza, se présente au service
immigration de la ville de New York
accompagné de ses avocats, afin de
répondre a certaines questions que les
agents des douanes américaines semblent
désireux de lui poser. Sir de lui, vétu
d'un costume trois piéces impeccablement
coupé, il n’ignore pas qu'il est Pun des
hommes les plus activement recherchés
par la police italienne. Les services secrets
de son pays sont a ses trousses. Ils ont
failli s’emparer de lui 4 plusieurs reprises.
Ne Pont-ils pas mangué de peu aux iles
Seychelles, dans Pocéan Indien? Ou
encore en Suisse, lorsque deux policiers
italiens partis @ sa recherche se font
artéter et expulser, parce qu’ils agissaient
clandestinement ? Malgré les mandats
internationaux émis par. plusieurs juges
italiens, Francesco Pazienza n’hésite pas
4 remettre son destin entre les mains des
fonctionnaires américains : il espére que
ses tévélations lui vaudront Pimmunité
et peut-étre méme un nouveau départ
dans la vie, Ex-agent des services secrets
italiens, Francesco Pazienza a beaucoup
pratiqué les milieux de la haute finance
internationale, et cdtoyé les membres de
différentes mafias. C'est dire s'il est
précieux pour les agents de I’US
Customs.
UN HOMME DE L’OMBRE
Ce nest pas la premiére fois que
Pazienza rencontre des agents des douanes
américaines. Tl a déja été interrogé, au
moins 4 deux reprises, 4 Mexico, puis a
New York, par des enquéteurs de ce
service.
Selon eux, Francesco Pazienza détient
« des informations trés intéressantes » sur
le terrorisme et d'autres dossiers vitaux
pour les intéréts des Etats-Unis. C'est
Tui qui leur a fouini de précieuses
révélations sur les activités en Amérique
latine du terroriste d’extréme droite
italien, Stefano delle Chiaie.
Pazienza parle aux agents américains
d'un de ses anciens employeurs, le
banquier de la mafia et du VaticanTRAFICS ET COMPLOTS
Roberto Calvi, retrouvé pendu sous un
pont de Londres le 18 juin 1982. Les
douaniers américains qui savent qu’il peut
encore leur livrer bien des secrets, tentent
de reconstituer Pétonnant itinéraire qui
a conduit Pazienza a quitter une petite
ville toscane pour les gratte-ciel les plus
luxueux des Etats-Unis, aprés avoir
fréquenté les salons les plus réservés des
banques suisses, la Maison Blanche, le
Département d’Etat, lz CIA et les
ambassades de la moitié du monde.
Comme le disait la femme de Roberto
Calvi: «Le jeune homme est passé a
toute vitesse de la deux-chevaux a la
Rolls-Royce, »
Pazienza a cOtoyé nombre d’éminences
grises de la planéte, dont Alexandre de
Marenches (chef des services secrets
frangais, SDECE), le général Santovito
(chef des services italiens, SISMI), Yasser
Arafat, dirigeant de lOrganisation pour
la Libération de la Palestine (OLP),
Alexander Haig, ancien secrétaire d’Etat
américain, Roberto Armao, homme d’af-
faires du shah d’lIran et de la famille
Rockefeller, ou encore Mgr Marcinkus,
responsable des finances du Vatican et
garde du corps papal...
Lors de ses négociations antérieures
avec les douaniers américains, Francesco
Pazienza avait cru comprendre qu'il
pouvait obtenir la protection des autorités
fédérales en échange de sa coopération,
comme il est dusage dans ce genre
@affaire. A son arrivée au bureau des
douanes, Tespion italien apprend qu'il
est désormais en état d’arrestation, a la
demande de la justice italieane.
Le premier mouvement de surprise
passé, Pazienza tente de jouer son va-
tout, Il prétend posséder assez d’éléments
pour obtenir la libération d’un agent
américain de la brigade des stups (DEA),
enlevé au Mexique par des trafiquants
de drogue. « J'ai les contacts nécessaires »,
affirme-t-il. Les douaniers ne doutent pas
de sa bonne foi, mais ils n’y peuvent
tien : les ordres sont les ordres. L’agent
de la DEA sera assassiné quelque temps
plus tard.
Les douaniers américains, qui
confirment son arrestation 4 Francesco
Pazienza, le font sans nul doute 4 contre-
coeur. Mais ils ne peuvent que se plier
4 um ordre venu de Washington. Le
ministre de la Justice, William French
Smith, serait personnellément intervenu
pour qu’ll soit arrété dans les plus brefs
délais. Les douaniers sont d’autant plus
inguiets du sort de leur protégé, qu’ils
ont appris qu’une équipe de tueurs,
commandités sans doute par une frange
des services secrets italiens, a été embau-
chée pour le faire taire définitivement.
«QUEL QUE SOIT LE MONTANT,
DE LA CAUTION ! »
Au Iendemain de Varrestation de
Pazienza, un des hommes qui a le plus
4 craindre des révélations de ancien
espion, le président du Conseil italien
Bettino Craxi, rencontre 4 Washington
son homologue américain Ronald Reagan.
Lenjeu des conversations est Padhésion
italienne au programme de défense spatiale
lancé par le Président Reagan. Les deux
dirigeants ont-ils profité de leur rencontre
pour évoquer larrestation et extradition
de Francesco Pazienza ? C'est ce que ses
avocats et la presse américaine laissent
entendre. En tout état de cause, aprés
le sommet Craxi-Reagan, le ministére de
la Justice américain fait savoir que « la
détention de Pazienza est une question
dintérét national ».
La Cour fédérale de New York,
suivant les recommandations du procu-
reur, décide de refuser sa libération « quel
que soit le montant de la caution »
proposé par la défense. Inutile de préciser
que ce genre d’attitude est des plus raresLes MYSTERES DU « SUPER S »
aux Etats-Unis, Pour justifier sa position,
le ministére de la Justice affirme que la
décision a &€ prise conjointement et au
plus haut niveau, par les gouvernements
italien et américain,
L’acharnement déployé par Bettino
Craxi a mettre. Francesco Pazienza a
Pombre est peut-étre imputable aux
affaires que les deux hommes ont eu
Poccasion de traiter ensemble. Encore
que, sur ce point, Francesco Pazienza se
soit toujours montré dune remarquable
discrétion. Tout au plus sait-on que le
président du Conseil italien s'est rendu
au moins une fois au domicile de Pazienza
afin dévoquer V'affaire de la banque
‘Ambrosiano et les démélés de son patron,
Roberto Calvi, avec la justice.
Si PBtat italien tient 4 voir Pazienza
finir ses jours en prison, c'est en raison
des dégits qu’il est susceptible de causer
dans les services de renseignements et la
classe politique romaine, car cet homme
a longtemps été considéré comme le
vétitable chef de Pagence d’espionnage
de Varmée italienne, le SISMI.
L’HOMME GRENOUILLE
Fils d’une famille de la petite noblesse
italienne, Francesco Pazienza se destine
ala médecine avant de se découvrir une
passion pour la plongée sous-marine.
Aprés une thse de doctorat consacrée
4 Pimmersion en grandes profondeurs,
le jeune Pazienza abandonne Hippocrate
serments pour se consacrer 4 des
activités plus lucratives et plus périlleuses.
Reconstituer son curriculum vitae n'est
pas chose aisée. Son dossier 2 disparu
des archives du SISMI et les juges
dinstruction qui s‘intéressent 4 lui ont
le plus grand mal a secueillir des bribes
d'informations sur son entrée dans le
monde du renseignement. Selon la CIA,
sa casriére commence en 1969 avec la
création d'une petite société, ’Edilsub
Services, .destinge aux travaux sous-
marins, vite dissoute du fait de dissensions
internes. Puis c'est la Coiper Spa, chargée
de la manutention de navires, elle aussi
abandonnée. En 1971, il part en France
oi il est employé d’abord 4 la Compagnie
Maritime d’Expertise puis 4 la Cocéan,
une société océanographique frangaise.
Pazienza affirme avoir fait partie des
employés du commandant Cousteau. La
chose serait d’autant moins surprenante
que le pére de Pazienza qui posséde une
société d’appareillage de plongée (1’Usea)
travaille avec le célébre océanographe.
Si Pon en croit la CIA, Francesco
Pazienza commence, dés cette époque, a
firter avec Punivers du renseignement.
Diaprés certaines sources, il aurait fait
Ta connaissance d’Alexandre de Maren-
ches, chef des services d’espionnage fran-
gais (@ Pépoque SDECE) et de son chef
de cabinet, Michel Roussin, et commencé
4 travailler pour eux dans les années 70.
‘Alexandre de Marenches a reconnu
avoir rencontré Pazienza au début des
années 80. Quant 4 Michel Roussin, qui
deviendra par la suite- chef de cabinet
du Premier ministre Jacques Chirac, en
1986, ill semble partager la passion de
Francesco Pazienza pour la plongée sous-
marine. Ce qui -n’est guére étonnant de
la past de quelquun qui a travaillé
pendant de longues années pour un
service secret surnommé « la piscine » !
Dans un jugement rendu par la cour
criminelle de Rome le 29 juillet 1985, on
apprend que Francesco Pazienza travaille
toujours pour les services de renseigne-
ments francais. Citant des documents
confidentiels, les magistrats affirment que
Pazienza est réguligrement appointé par
la DGSE.
Tous ceux qui croisent Ia piste de
Francesco Pazienza ne manquent pas
ate impressionnés par son savoir-faire.
Crest le cas d’ Umberto Federico d’ Amato,TRAFICS ET COMPLOTS:
chef des « Affaires Réservées » du minis-
tére de ’Intérieue italien, P'un des hommes
les plus puissants de la Péninsule : « La
Philosophie de Pazienza est simple, I]
veut réaliser des affaires et gagner le
plus d’argent possible & travers les services
secrets, grice aux hommes politiques. »
L’enttegent de Francesco Pazienza est
indéniable. Aprés avoir travaillé pour le
commandant Cousteau, il se lance a
Passaut de la haute finance internationale,
@abord comme expert financier a la
société Interfininvest, dirigée par le mil-
liardaire saoudien Akhram Ojjeh, puis
en s’associant avec Vhomme d'affaires
Robert Armao,
Francesco Pazienza est également
employé en tant que consultant par
différents groupes européens comme
Lhor, Italsat, Air Liquide. Il participe
aussi a certaines négociations secrétes :
c'est ainsi qu'il rencontre le colonel
Kadhafi i Malte, pour le compte du
gouvernement italien, ou encore le chef
de POLP Yasser Arafat cette fois en
tant qu’émissaire du Vatican...
Ses liens avec le Saint-Siége semblent
atre trés étroits puisqu’ll traite aussi bien
avec le responsable des finances pontifi-
cales, Mgr Marcinkus, qu’avec le ministre
des Affaires étrangéres, Mgr Silvestrini.
Et il n’est pas rare de croiser a son
domicile romain Pambassadeur du Vatican
auprés des Nations Unies ou encore
Péditeur de ?Osservatore Romano.
Ce qui ne 'empéche nullement d’avoir
d'autres relations, fort peu catholiques :
homme n’bésite pas a s’alficher avec
des bandits de la camorra napolitaine ou
de ‘la mafia sicilienne. On imagine les
bénéfices qu'il peut tirer de telles fré-
quentations (on le dit un peu trafiquant
de drogue), fort utiles dés lors qu'il
s'agit de traiter des affaires. délicates...
Dés le début de son ascension,
Pazienza accepte de collaborer avec divers
organes de renseignements, ce qui prouve
quill connait parfaitement son affaire.
En 1979, se présente l'occasion qu'il
attend depuis des années : il accéde a de
trés hautes responsabilités au sein d’un
service secret — en occurrence celui
de Varmée italienne, le SISMI.
LE SISMI
A Pépoque, le service est ditigé- par
un général que Yon dit dénué de tout
scrupule, Giuseppe Santovito. On ignore
ce qui le pousse 4 embaucher Francesco
Pazienza.
La légende parle d’an chantage que
le second aurait exercé sur le premier.
On prétend aussi que le général, séduit
par ce fringant jeune homme qui parle
couramment cing langues, serait trés vite
tombé sous son influence. A l’ége de
trente-cing ans, Francesco Pazienza est
embauché comme conseiller privé du
chef du SISMI, Un record d’autant plus
remarquable que, pendant prés de trois
ans, il va développer son influence au
point d’étre considéré comme le véritable
patron des services de renscignements
militaires italiens.
Son appartenance 4 un service secret
ne Vempéche ailleurs nullement de
participer 4 diverses intrigues internatio-
nales. La plus étonnante commence lors
d'un voyage a New York, en été 1980,
quand Francesco Pazienza fait la connais-
sance d’un « journaliste » américain,
Michael Ledeen, que lui a présenté un
agent du SISMI en poste aux Nations
Unies.
Spécialiste des problémes du terto-
risme, . Michael Ledeen est également
collaborateur de la CIA avec laquelle il
a eu Foccasion. de travailler notamment
lors de Penlévement du président de la
démocratie chrétienne italienne, Aldo
Moro; survenu 4 Rome le 16 mars 1978.Les MysTERES DU « SUPER S »
Séduit par Pazienza, Ledeen’ lui
explique quill vient de se lancer dans
une opération fort ambitieuse. Il s’agit
de faire éclater un scandale contre le
Président Caster afin d’empécher sa
réélection, Le but de Ledeen est simple :
donner un coup de main au candidat
Ronald Reagan.
Francesco Pazienza est d’autant plus
favorable au projet de Michael Ledeen
qu'il connait de longue date un délégué
4 la convention nationale du parti
républicain, Alexander Haig, et que ce
dernier brigue justement un haut poste
dans la future administration Reagan.
Michael Ledeen a trouvé un des points
faibles du Président Carter. Grice 4 ses
contacts au sein de la CIA, il a apptis,
que Billy Carter entretient des rapports
avec le colonel Kadhafi. Reste a trouver
quelque histoire compromettante. L’affaire
rendue publique, une bonne partie de
Pélectorat juif américain ne manquerait
pas de basculer dans le camp de Ronald
Reagan.
Pazienza pense que le SISMI n’aura
aucun mal 4 découvrir la nature des
relations qui unissent le chef d’Etat libyen.
au frére du Président américain. Ledeen
propose alors de se rendre 4 Rome: afin
de mettre au point un plan d’action.
Si Pon en croit Pazienza, Ledeen, a
peine arrivé, rencontre des dirigeants du
SISMI proches de la droite démocrate-
chrétignne, qui acceptent d’engager les
services secrets italiens dans une opération
de déstabilisation du Président Carter.
Le SISMI prend Vaffaire tres au
séricux. Un plan de bataille est mis au
point; la péche 4 information
commence. La Libye posséde de nom-
breux intéréts en Italie. En Sicile, un
avocat dénommé Michele Papa est
Vhomme de la Jamaharia de Tripoli. Le
SISMI décide de Vapprocher et de le
faire parler. Dans ce but, les services
mhésitent pas 4 exposer une de leurs
sources d’informations, un journaliste
originaire de la méme ville que Pavvocato
Michele Papa.
Le journaliste sait interroger habile-
ment Vavocat sicilien qui lui révéle que
le frére du Président Carter a regu
50 000 dollars des Libyens afin de financer
un voyage 4 Tripoli, of il aurait eu
Voceasion de rencontrer deux des leaders
palestiniens, Yasser Arafat et Georges
Habache. Convaincu que cela suffirait a
Ledeen, Pazienza appelle I’Américain
rentré au pays, afin de lui rapposter les
propos recueillis par Phonorable corres-
pondant du SISMI. Déception : Ledeen
a besoin d’entendre Phistoire de la bouche
méme de Michele Papa.
Ne reculant devant aucun effort,
Pazienza décide de prendre lui-méme
Paffaire en main et invite Michele Papa
a diner dans un grand restaurant. Le
repas,-arrosé au champagne, est aux frais
du SISMI. Michele Papa ne fait aucune
difficulté pour sépéter devant Francesco
Pazienza tout ce qu'il a dit au journaliste
du SISMI.
Cette fois, ses propos sont enregistrés.
Avant de se rendre au repas, Pazienza a
pris la précaution de s’équiper d’un
magnétophone ultra-sophistiqué, fourni
par les services techniques du SISMI.
Aprés le repas-confession, les services
techniques du SISMI vont méme jusqu’a
«nettoyer » la bande magnétique en
effagant les bruits d’ambiance afin de la
rendre plus audible. Le SISMI a mis sur
Paffaire un photographe qui a non
seulement pour tiche d’immortaliser la
rencontre entre Pazienza et Papa mais
aussi de prendre des photos compro-
mettantes des réunions entre Billy Carter
et des émissaires libyens.
Dés qu’il apprend Vexistence de cet
enregistrement, Michael Ledeen saute
dans le premier avion, Sitdt arrivé a
Rome, il écoute la bande magnétique en
se tortillant. L’audition se passe dans unTRAFICS ET COMPLOTS
restaurant. Bondissant, il hurle en anglais :
«Ga y est! on Pa!» Michael Ledeen
vient d’entendre Papa expliquer que le
frére du Président a eu des conversations
secrétes avec des dirigeants de l’OLP.
Géné, Pazienza regarde autour de lui
pour constater, horrifié, que tous les
yeux des clients du restaurant sont rivés
sur eux.
De retour i Washington, Michael
Ledeen décrypte la bande magnétique et
entreprend de rédiger Varticle qui déclen-
chera le scandale dit du « Billygate ». IL
est assisté par Pun de ses collégues,
Arnaud de Borchgrave, naguéte reporter
a Newsweek et directeur du Washington
Times, dont le propriétaire n’est autre
que Pinquiétant révérend Moon. Intitulé
« Qaddafi, Arafat and Billy Carter »,
Particle est publié par New Republic le
1 novembre 1980. Les spécialistes de la
politique américaine reconnaissent qu’il
a coiité au Président Carter tout ou
partie du vote de l’électorat juif.
ICHAEL LEDEEN
Michael Ledeen est décidément un
personnage aux multiples facettes. Jour-
naliste, écrivain, membre du Centre pour
les Etudes Internationales Stratégiques
de Georgetown, il a eu plus d'une fois
Poccasion de travailler pour le Départe-
ment d’Etat et pour celui de la Défense.
Bénéficiant de contacts privilégiés 4
Pintérieur de la CIA, il est proche du
fameux chasseur de taupes de Agence,
James Jesus Angleton. Grice 4 hui,
Ledeen rédige a Pépoque une série
darticles sur les taupes du KGB et de
a CIA qui font grand bruit 4 Washington.
Une fois arrivé au pouvoir, le Président
Reagan saura le remercier en lui confiant,
notamment, la gestion de dossiers fort
délicats,
Crest ainsi qu’aprés Vinvasion de la
Grenade, en 1983, Michael Ledeen est
chargé par la Maison Blanche de dépouil-
ler les archives du gouvernement marxiste
renversé par les Américains, afin de
justifier aprés coup V’intervention de ’US
‘Aemy. Par la suite, il est embauché par
Harper's: Magazine et pat la chaine de
télévision ABC comme spécialiste de la
Grenade. Sa carriére parapolitique ne
Sarréte pas la.
Il est Pun des cerveaux qui planifie
la vente clandestine d’armes américaines
4 "Iran dans lespoir d’obtenir la libération
dotages américains détenus 4 Beyrouth,
Il accompagne Robert McFarlane, Pen-
voyé spécial de la Maison Blanche, lors
de son voyage 4 Téhéran, le 28 mai 1986,
et travaille dans cette affaize en étroite
liaison avec le général Richard V. Secord
et les autres marchands d’armes de la
CIA.
Chargé de suivre les affaires iraniennes
pour la Maison Blanche, Ledeen cst,
selon Vancien président Bani Sadr, l'un
de ceux qui auraient liveé 4 Khomeyni
Pex-ministre des Afaires étrangéres,
Sadegh Ghotbzadeh exécuté le
16 septembre 1982. Ledeen aurait agi dans
le but d’empécher une tentative de coup
@Btat contre le régime iranien, dont il
apprécie les sentiments anticommunistes.
Michael Ledeen participe également a
une autre opération planifiée par les cow-
boys de la Maison Blanche, le détour-
nement d’un Boeing de la compagnie
Egyptian Airways. A son bord, se
trouvent les terroristes responsables de
la capture du paquebot Achile Lauro —
dont le responsable palestinien Abul
Abas. Crest lui qui téléphone en pleine
nuit au président du Conseil italien
Bettino Craxi afin de Vavertir que le
Boeing égyptien allait étre dérouté sur
la base américaine de Sigonella en Sicile,
et que les Italiens feraient mieux de ne
pas intervenis. A Pépoque, pourtant,Lis MYSTERES DU « SUPER S »
Ledeen est considéré comme persona non
grata par le nouveau chef du SISMI,
qui vient de découvrir les méfaits de
Pazienza et de ses amis.
Travailler pour les services secrets de
la Maison Blanche et la CIA n'empéche
pas Michael Ledeen de vendre ses talents
4 d’autres. Selon Francesco Pazienza,
Ledeen travaillait réguliérement avec les
services secrets italiens, Il aurait regu
plus de 120 000 dollars du SISMI, en 1980
ou 1981, versés sur un compte secret
dans une banque des Bermudes. Le nom
de code de Michael Ledeen au sein du
SISMT serait Z-3
‘On prétend en outre que Michael
Ledeen aurait touché 300 millions de
lites (environ 1 500 000 F francais) afin
de financer «un camp d’entrainement
anticommuniste » en Italie.
LA PISTE BULGARE
De touites les affaires auxquelles sont
associés les noms de Francesco Pazienza
et Michael Ledeen, on ne peut oublier
celle dite de la « piste bulgare ». On se
souvient que Mehmet Ali Agga, le jeune
turc qui tenta de tuer le pape Jean-Paul
TI le 13 mai 1981, a longtemps été
accusé, sinon d’étre un agent du KGB,
du moins Wavoir agi sur ordre des
services bulgares. Ce que l’on sait moins,
c'est que Francesco Pazienza et Michael
Ledeen sont a origine de certaines
informations tendant accréditer cette
piste.
Le réle exact joué par Pazienza dans
cette ténébreuse affaire est loin d’étre
établi, Et le flou de ses déclarations sur
le sujet ne fait que renforcer le mystére.
Ainsi, Pazienza prétend-il que lui et un
de ses amis, Alexandre de Marenches,
alors chef des services secrets frangais,
ont prévenu le Vatican que les Soviétiques
tramaient un attentat contre le pape six
mois avant qu’Ali Agca n’ouvre le feu
sur Jean-Paul II. Par la suite, Alexandre
de Marenches a confirmé Pinformation
sans donner plus de précisions sur la
maniére dont Pazienza et lui ont éé
avertis du complot contre le Saint-Pére.
Ce nvest pas le seul mystére de la
piste bulgare. Quatre ans plus tard, lors
de son procés, Ali Agca affirme que
Pazienza est venu lui rendre visite dans
sa cellule d’Ascoli Piceno, afin de lui
proposer la liberté s'il affirmait que les
Bulgares avaient commandité Pattentat.
Vincenzo Casillo, un bandit napolitain
proche de Pazienza, prétend pour sa pat
que le jeune Ture a regu, durant sa
détention, de nombreuses. visites d’agents
du SISMI, sans pour autant pouvoir
fournir des noms. Peut-étre s’agissait-l
denvoyés spéciaux de Francesco Pazienza,
ainsi que le prétend Ja presse italienne ?
Le chef de la mafia napolitaine, Raffacle
Cutolo, semble ayoir lui aussi joué un
role essentiel daris cette affaire, Selon
son bras droit, Giovanni Pandico, Cutolo
a recu dans sa cellule le général Musumeci,
un des dirigeants du SISMI, qui Paurait
convaincy de faire pression sur Agga.
Un autre camorriste, Giuseppe Cillieri,
affirme quant a Ini que Pazienza s'est
rendu personnellement 4 la prison d’As-
coli Piceno afin de donner des instructions
au Turc. Francesco Pazienza prétend
n’avoir jamais rencontré Ali Agga. En
revanche, il reconnait avoir contribué
la diffusion d’informations sur la piste
bulgare. Francesco Pazienza déclare avoir
rencontré Ia journaliste américaine Claire
Sterling, dont les révélations sont 4
Vorigine de Pintérét des médias interna-
tionaux pour la « piste bulgare ». Tl dit
lui avoir fourni une bonne partie des
informations nécessaires 4 la rédaction
de son livre, Le Réseau de la terreur, et
aux différents articles publiés par la
journaliste dans le New York Times.
Amie de longue date de Michael
Ledeen, Claire Sterling nie pourtant avoir"TRAFICS ET COMPLOTS
rencontré Pazienza, mais reconnait avoir
vu a deux reprises son supérieur hiérar-
chique, le général Santovito, chef du
SISMI.
LES BRIGADES ROUGES,
_LA CAMORRA ET LA
DEMOCRATIE CHRETIENNE
L’affaire 1a plus délicate traitée par
Francesco Pazienza est sans doute celle
de la libération du dirigeant démocrate-
chrétien napolitain Ciro Cisillo, enlevé
par un commando des Brigades Rouges
au mois de mars 1981. Officiellement, la
démocratie chrétienne a toujours refusé
de négocier avec les tertoristes. Pourtant,
tout semble indiquer qu’ travers les
services secrets, ses hauts responsables
ont entamé des pourparlers avec les
ravisseurs dans intention d’obtenir la
libération de leur malheuseux collégue.
Francesco Pazienza est amené a jouer
un dle non négligeable dans ces
mancuvres, en raison des solides liens
@amitié qu’il entretient avec des parrains
de la mafia sicilienne et de sa cousine
napolitaine, la camorra. Il aurait ainsi
pris contact avec Pun des parrains de la
camorra, Vincenzo Casillo, afin que les
bandits napolitains servent d’intermé-
diaires entre les Brigades Rouges et le
parti de Cirillo. D’aprés les proches de
Pazienza, cette démarche aurait éé ins-
pirée par un de ses amis, le président
de la démocratie chrétienne, Flamino
Piccoli.
Casillo, qui est pourtant recherché
activement par la police italienne, se rend
alors sectétement 4 la prison d’Ascoli
Piceno afin de convaincre le chef de la
camorra, Raffaele Cutolo, d’ceuvrer pour
la libération de Votage des BR. Appa-
remment avec suecés, puisque Ciro Cirillo
est libéré aprés le paiement d'une rangon,
dans le courant du mois de mai: une
semaine aprés les premiers contacts entre
Pazienza et Casillo. Quelque temps plus
tard, Casillo est assassing. Sa voiture
explose non loin du siége des services
secrets italiens...
Pour la rangon, on parle de milliacds
de lites (environ 15 000 cco F francais)
recueillis dans les caisses noires de la
démocratie chrétienne et dans celles des
services secrets. Selon les juges napolitains
chargés du dossier, les Brigades Rouges
n’auraient regu que la moitié de la somme
collectée, autre moitié de la rangon
ayant été détournée par le ministre de
la Défense d’alors et trois hauts respon-
sables du SISMI — les généraux Musu-
meci et Santovito, ainsi que... Francesco
Pazienza !
L’HOMME DES AMERICAINS...
Francesco Pazienza prend alors une
importance inquiétante au sein de la vie
politique italienne, au point d’étre consi-
déré par la nouvelle administration amé-
ricaine, comme son interlocuteur pei
légié, sinon unique, auprés du gouver-
nement italien. Le premier a s’en aper-
cevoir est Umberto Federico d’Amato,
qui contréle la police italienne en tant
que chef des « Affaires Réservées » du
ministére de 'Intérieur, Les Américains
le comparent d’ailleurs au légendaire
Edgar G. Hoover, qui fagonna le FBI a
son image. Ami de longue date de
Pazienza, Federico d’Amato n’en dénonce
pas moins ce.« moment fort peu connu
de Phistoire des relations entre les Etats-
Unis et IItalie » qui coincide avec Varrivée
de Francesco Pazienza aux commandes
oceultes du SISMI.
«Cest une période trés étrange,
explique-til. Un curieux vide dans les
relations entre les Etats-Unis et PItalie
stinstaure aprés V’élection de Ronald
Reagan. Et cela parce que Pambassadeur‘Les MYSTERES DU « SUPER S »
américain 4 Rome, Richard Gardner, était
mal vu du Président américain. Celui-ci
coupa immédiatement tout contact avec
son représentant au point qu’il o’attendit
méme pas l’arrivée de l’ambassadeur Raab
pour le liquider. Alors se produisit un
phénoméne fort étrange dont je n’ai pas
manqué d’informer mes supérieurs : les
rapports entre la classe politique et le
gouvernement italien dun c6té et la
nouvelle administration américaine de
Pautre reposaient sur deux hommes,
Francesco Pazienza et Michael Ledeen.
Liambassade américaine ne faisait plus
rien et la CIA encore moins. Montgomery,
qui était le chef de la station de la CIA
4 Rome, fat immédiatement remplacé. Il
y eut donc un moment de paralysie ;
était comme si lambassade américaine
n’existait plus. »
Umberto Federico d’Amato affirme
encore que Francesco Pazienza et Michael
Ledeen vont jusqu’d prendre en charge
« des voyages organisés » d’hommes poli-
tiques jitaliens. & Washington. Il est
impossible de connaitre le nombre exact
de voyages officiels ou semi-officiels
organisés par les deux agents secrets.
Tout au plus sait-on que Francesco
Pazienza prépare activement le séjour du
président de la démocratie chrétienne
Flamino Piccoli, qui se rend 4 Washington
au début de Pannée 1981 afin de prendre
contact avec la nouvelle administration.
Celui-ci affirme que, n’arrivant pas a
rencontrer le moindre haut fonctionnaize,
il a da faire appel a Pazienza qui est
interven pour qu’un de ses amis,
Alexander Haig, le nouveau secrétaire
@Etat, accepte de le recevoir.
Lancien secrétaire de Pazienza, Placido
Magri, n’est pas de cet avis. « Pazienza
s’est rendu aux Etats-Unis (avant l’arrivée
du secrétaire démocrate-chrétien) afin de
préparer le terrain. C'est le général
Santovito qui le lui avait ordonné. Le
général avait donné Vordre au chef de
la station locale du SISMI, Marcello
Campione, de Vaider dans la mesure de
ses moyens. Pazienza m’a déclaré qu'il
avait dépensé plus de 4o millions de lires
[environ 200 000 F frangais] lors de ce
voyage. Les frais étaient payés par le
SISML. »
II semble que la dilapidation des fonds
de V’Etat italien n’ait pas été la seule
indélicatesse commise durant ce voyage.
Si Pon en croit un de ses ex-employés,
Pazienza en aurait profité pour passer
dans ses bagages quelques kilos de
cocaine. La chose n’est pas surprenante,
et ce n’est pas la premiére fois qu’un
de ses anciens collaborateurs accuse
détre un trafiquant de drogue. Du temps
de sa splendeur, Francesco Pazienza
a’hésitait pas s’afficher dans les boites
de uit romaines ‘en compagnie de
parrains de la drogue et d’éminents
représentants du milieu romain, comme
Domenico Balducci. L’histoire retiendra
que ce dernier était un des chefs de la
terrible bande de la Magliana qui ségnait
sur une partie de la banlieue romaine.
Recherché activement par la police ita-
lienne pour une série impressionnante de
délits, Balducci a trouvé, grace a Pazienza,
le moyen de voyager d’un bout 4 Pautre
de la planéte sans crainte des contrdles.
Chaque fois que le bandit en avait besoin,
Pazienza mettait 4 sa disposition un avion
de la Compagnie Aéronautique Italienne,
une des sociétés du SISMI...
LE MASSACRE,
DE LA GARE DE BOLOGNE
Les rapports entre Francesco Pazienza
et le crime organisé ne sont pas Paspect
Je moins inquiétant de cette affaire. Si
Pon en croit les juges chargés de
Pinstruction du massacre de la gare de
Bologne, Francesco Pazienza, le général
Santovito et le général Musumeci, sous-
a'TRAFICS ET COMPLOTS:
directeur du SISMI, sont impliqués dans
Pexplosion de la bombe qui fit 85 morts
et plus de 150 blessés le 2 aout 1980.
Les trois hommes sont en effet accusés
avoir orchestré une campagne de dés-
information afin de brouiller les pistes.
Et les juges d’affirmer que le SISMI leur
a fait parvenir une masse d’informations
difficilement vérifiables, afin de les lancer
dans des recherches aussi improductives
qwexténuantes.
De fait, les informations lachées par
les hommes du SISMI sont soigneusement
dosées. Pazienza et ses supérieurs peuvent
ainsi vérifier leur impact et éventuellement
corriger le tir. Comme cela ne suffit pas
a égarer les juges, les agents secrets
entreprennent alors effectivement une
veritable campagne de presse et a’hésitvent
pas 4 convoquer certains journalistes dans
les bureaux du SISMT afin de leur
remettre « discrétement » des documents
confidentiels discréditant Penquéte des
juges de Bologne.
Et parce quiils n’arrivent pas a
brouiller les pistes et a éloigner les
enquéteurs des vrais responsables_ de
Pattentat, les responsables du SISMI
montent de toute piéce une fausse
organisation terroriste d’extréme droite
laquelle ils attribuent le massacre. Pour
conférer plus de crédibilité a leurs
révélations, ils vont méme jusqu’d aban-
donner, le 13 janvier 1981, dans un train
qui selie Tarente 2 Milan, une valise
bourrée dexplosifs et d’armes.
Il faudra prés de cing ans aux juges
pour approcher de la terrible vérité et
parvenir a la conviction que les respon-
sables du massacre de la gare sont a
chercher parmi les dirigeants du SISMI.
Dans les ténébres qui entourent encore
cette affaire, les magistrats: de Bologne
sont pourtant arrivés 4 la conclusion que
la campagne de désinformation lancée
par Francesco Pazienza a pour but
principal de détourner leur attention de
leur suspect numéro un, Licio Gelli, le
chef de la loge maconnique Pz...
LA LOGE Pa
Les enquéteurs italiens n’ont jamais
pu prouver Pappartenance de Francesco
Pazienza cette organisation occulte.
Contrairement a ceux des dirigeants des
services secrets italiens, le nom de Vespion
ne figure sur aucune des listes de la P2
découvertes 4 ce jour.
La carriére de Pazienza au sein du
SISMI prend fin néanmoins en 1981, avec
la découverte de la liste dune partie des
membres de la P2.. Parmi les hauts
fonctionnaires forcés de démissionner 4
la suite du scandale se trouve le général
Giuseppe Santovito, qui entraine Fran-
cesco Pazienza dans sa chute.
Mais la disgrice de ce dernier n'est
que de courte durée ; fort de son
expérience et de ses talents, il n’a aucun
mal A se recycler. Il devient alors ’homme
de confiance de Roberto Calvi, président
de la banque Ambrosiano, un des premiers
établissements bancaires. privés de la
Péninsule. Ce nouveau travail ne le
change pas trop du précédent : surnommé
le « banquier de Dieu », Roberto Calvi
S‘oceupe de gérer les finances du Vatican
et de certaines familles de Ia mafia ; c'est
un des membres les plus en vue de la
loge Pa.
Les deux hommes s’étaient vus pour
la premiére fois 4 Washington lors d’une
réunion du Fonds Monétaire Internatio-
nal, en 1978. Trois ans plus tard, ils
reprennent contact grice a la médiation
du président de la démocratie chrétienne,
Flamino Piccoli. Tout comme Piccoli,
Calvi veut se servir de Pazienza pour
rencontrer certains membres de la nou-
velle administration Reagan. Séduit pas
son aisance, le banguier milanais Pem-
bauche aussitét.
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eeTRAFICS ET COMPLOTS
I faut dire que Calvi comprend
immédiatement Vusage qu'il peut tirer
des talents de agent secret. Chargé
d'administrer une partie des biens du
Vatican, il ne s’entend plus avec Pun de
ses associés, Mgr Paul Marcinkus, garde
du corps papal et banquier véreux a ses
heures. Or, il se trouve que Pazienza
connait bien le dossicr Marcinkus.
En 1980, le général Santovito avait
chargé de rassembler tout ce qui pouvait
@tre utilisé contre lui, D’aprés Pazienza,
le chef du SISMI agissait pour le compte
des ennemis de Marcinkus a Vintérieur
du Vatican notamment pour
Mgr Casaroli. Aprés une longue enquéte
en Suisse, Pazienza a réuni un dossier
aussi impressionnant que compromettant
quil a remis a son supérieur, Début
avril 1981, Pazienza donne done sa démis-
sion du SISMI pour entrer officiellement
au service de Calvi. Les services secrets
italiens envoient une équipe faire le
ménage et récupérer tout le matériel
despionnage qui se trouvait au siége
une société de Pazienza. Le sort de
Pancien agent secret est désormais ié a
celui du banguier.
On connait la suite : le Banco Ambro-
siano fait faillite avec un déficit de
1,3 milliard de dollars. Aprés divers
démélés avec la justice de son pays,
Roberto Calvi est retrouvé’ pendu sous
le pont des Fréres Noirs a Londres.
Pour Francesco Pazienza, heure est
venue de passer 4 la clandestinité.
A compter de ce jour, il est devenu
Vhomme a abattre pour une partie des
services secrets italiens et de la classe
politique italienne. Les officiers des
douanes américaines, qui ont eu occasion
de travailler avec lui, sont allés jusqu’a
témoigner en sa faveur devant le tribunal
chargé de statuer sur la demande d’extra-
dition présentée par les Tealiens au
Iendemain de son arrestation. « Nous
savons, ont-ils déclaré en substance, que
des tueurs non identifiés sont a sa
recherche. » Du fond de sa prison new-
yorkaise, Francesco Pazienza comprend
que, s'il veut s’en sortir, il est temps de
commencer 4 parler. Tl accepte de recevoir
certains journalistes et commence a lacher
quelques informations.
Il explique ainsi aux journalistes
médusés que le 1,3 milliard de dollars
disparu lors du keach de la banque
Ambrosiano a éé détourné en grande
partie par les banquiers du Vatican. Les
sommes dérobées ont servi a financer les
caisses du syndicat polonais Solidarité,
PIRA, ainsi que différents groupes latino-
américains hostiles 4 la « théologie de la
libération. »
En 1985, le Vatican accepte de
rembourser aux liquidateurs du Banco
Ambrosiano 244 millions de dollars, Le
dossier n'est est pas clos pour autant. A
la suite des accusations de Pazienza,
PErat italien demande, sans Pobtenir,
extradition du Vatican de Mgr Marcin.
kus. S'il le souhaite, Pazienza peut aussi
parler des financements accordés par le
Banco Ambrosiano aux différents partis
politiques italiens, puisque cest Iui qui
en était chargé, ce qui lui permit de
rencontrer, entre autres, Bettino Craxi,
chef du parti socialiste et président du
Conseil au moment de Tarrestation de
Pagent secret. Selon certaines indiscrt
tions, le Banco Ambrosiano aurait versé
41 millions de dollars au PSI.
LE « SUPER S »
Aprés avoir passé plus d’un an au
centre correctionnel de Manhattan,
Pazienza est finalement extradé vers Italie
le 19 juin 1986, A sa demande, serait-on
tenté d’écrire. Dans Pavion qui le raméne
vers Milan, il semble plus agressif que
jamais. Déjouant la surveillance des agents
du FBI chargés de Pescorter, il trouve‘Les MYSTERES DU « SUPER S »
le moyen d’échanger quelques propos
avec un journaliste et lui annonce de
nouvelles révélations dés qu'il sera traduit
devant un juge d’instruction.
En maitre accompli de l'information
et de la désinformation, il sait qu’il lui
faut doser ses révélations pour parvenir
A saver sa peau. Pendant plus de
vingt mois, il va étre entendu par les
juges instruction de Turin, Milan,
Bologne, Rome et Naples, chargés d’élu-
cider différentes affaires dans lesquelles il
est impliqué, Pour montret sa bonne
volonté, il rédige plusieurs mémoires @
attention des magistrats. L’un d’eux
porte sur ce qu’il appelle le « Super S »
Selon lui, il existait de son temps une
structure autonome 4 Vintérieur du
SISMI, un service secret a Pintérieur du
service secret, dénommé « Super S », qu'il
dirigeait en compagnie de quatre hauts
fonctionnaires. -Le groupe de super-
espions aurait opéré au Liban, en Arabie
Saoudite, en France, au Maroc, en Suisse,
en Libye, aux Etats-Unis et bien sir en
Italie. Quelles étaient ses attributions ?
Ménageant ses effets, Pazienza refuse d’en
dire plus... pour le moment. Tot ou
tard, il parlera.
Ses ennuis avec la justice italienne
sont en effet loin d’étre terminés. Dans
un premier temps, les Etats-Unis n’avaient
concédé extradition que pour Vaffaire
du Banco Ambrosiano, jugeant sans doute
que les documents fournis pour les autres
demandes d’extradition n’étaient pas assez
convaincants. Aprés avoir été longuement
interrogé par les juges de Milan et de
Turin, Pazienza a é&é remis en liberté
provisoire au mois de décembre 1986.
Le 7 janvier 1987, les Américains per-
mettent aux juges de Bologne de pour-
suivre la procédure engagée dans le cadre
de Vinstruction sur le massacre de la
gare de Bologne. Le méme jour, il est
2 nouveau arrété. Avant de monter dans
Je fourgon cellulaire, Pazienza lance &
attention des journalistes qui se pressent
autour de Ii :
— Ronald Reagan et Alexander Haig
m’entendront. On se retrouvera devant
les juges. Cette fois, je parlerai d’assas-
sinats politiques.
— Od ga, en Italic ?, pressent les
jousnalistes.
—Non, a Pétranger, dit Pazienza
avant de disparaitre entre deux carabi-
niers...