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Membre de l'Institut
LVX PERPETVA
PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER
12, RUE VAVIN, VI'
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LVX PERPETVA
FRANZ CUMONT
Membre de ITnstitut
1868-1947
FRANZ CUMONT
Membre de l'Institut
LVX PERPETVA
PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER
12, RUE VAVIN, Vl»
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FRANZ CUMONT
Membre de l'Institut
1868-1947
Franz CUMONT
Membre de l'Institut
LVX PERPETVA
PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER
12, RUE VAVIN, Vr
1949
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AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR
28S3S1
FRANZ CUMONT
1868-I947
Il était i
belge et très attaché à sa patrie, à son empire car la —
Belgique un
est
( )
.membre de l'Académie royale, fier d'avoir reçu le prix Francqui, qui est
la plus haute récompense que pîiisse, en ce pays, se voir décerner un savant ;
la plus haute après celle, qui ne lui manqua pas, d'être distingué par le
roi Albert et la reine Elizaheth. Ses obsèques furent célébrées à petit bruit,
sans vaines pompes, comme lui-même l'avait voulu mais elles eurent pourtant
:
cet éclat que la reine-mère eût délégué, pour l'y représenter, le grand maître
de sa Maison, attestant ainsi le souci qu'elle avait de rendre hommage à
l'un des plus grands érudits que la Belgique ait donnés au monde.
(1) Il était né à Alost le 3 janvier 1868, d'une famille de grande bourgeoisie de tradition
« libérale », en France, nous dirions « radicale ». Il fit ses études secondaires à l'athénée
(nous dirions :au lycée) de Bruxelles, de 1878 à 1884, et ses études supérieures à l'Université
de Gand — Charles Michel y fut son maître — oiî il obtint en 1887 le doctorat en philosophie-
lettres. Il fréquenta ensuite les Universités de Bonn, — où ilfut l'élève d'Usener,— de Berlin
et de Vienne. Il suivit aussi les cours de Mommsen, probablement ceux de Wilamowitz. Et il
connut Erwin Rohde. Après des séjours à Athènes (hiver de 1890) et à Rome (1891), il passa
à Paris une partie de l'année scolaire 1891-1892 et se fit inscrire à l'Ecole des Hautes-Etudes.
Il revint enfin à l'Université de Gand où il avait été nommé chargé de cours le 10 janvier 1892.
Il y en-seigna jusqu'en 1910, où il se retira. Il se démit aussi en 1912 de la charge de conser-
vateur du Musée au Cinquantenaire qu'il occupait depuis 1898. Et il quitta la Belgique pour
aller s'installer à Rome.
— VIII —
A quel point il ne l'ignorait de ceux qui avaient entendu
était belge, nul
la conférence qu'il fit, dernières semaines de l'année IÇ14, au palais
dans les
Rusticucci ( I ) La Belgique était sous le joug parce que le gouvernement de
.
son roi, sommé le 2 août de livrer passage aux troupes allemandes, avait
répondu — ouvrant ainsi une ère nouvelle dans l'histoire de la morale inter-
nationale — qu'il ne croyait pas qu'im peuple, quelque faible qu'il fût, pût
« méconnaître son devoir et sacrifier son honneur en s'inclinant devant la
force » (2). Franz Cumont comprenait cela. Et comme il n'était ni d'âge ni
kle il voulut au moins, en racontant comment la
force à porter les armes,
Belgique,au temps de César, était devenue romaine, faire le procès des
méthodes de colonisation qui venaient d'éveiller la guerre.
« Après la conquête de la Gaule, dit-il,
—
et c'est tout le sens de son intervention, —
Rome n'a pas introduit par la force ses usages, sa langue (3) et ses croyances chez
les peuples soumis à sa domination. Elle ne leur a pas imposé une hiérarchie d'innom-
brables fonctionnaires, infligé une administration tracassière et ime étroite surveil;
lance policière. Elle gouvernait de haut et de loin, et la tyrannie du pouvoir central,
le despotisme de l'Etat, l'interventionnisme des bureaux ont été moindres durant les
premiers siècles de l'Empire que chez la plupart des nations modernes...
« La romanisation n'a donc pas été le résultat d'un programme politique nettement
arrêté, dont la monarchie aurait confié l'exécution à ses agents. Elle n'a pas été réa-
lisée par les moyens que l'Allemagne employait pour germaniser l'Alsace et le duché
de Posen, ou le gouvernement de Saint-Pétersbourg pour russifier la Pologne et la
Finlande. Légats et procurateurs agirent plutôt par la persuasion que par la contrainte.
Néanmoins l'action de l'Etat fut très puissante et très efficace grâce à l'adoption de
certaines mesures d'ordre général qui furent prises dès l'annexion » (p. 11).
Cette sage et habile politique hti inspirait après tant de siècles une
profonde reconnaissance. Il espérait que les effets n'en étaient point perdus
pour toujours « l'âme d'un peuple et ses facultés natives, la fécondité
:
(1) Al'Institut historique belge de Rome. La substance, et peut-être le texte même, s'en
retrouvent dans un discours prononcé à l'Institut le 25 octobre 1915 au nom de l'Académie des
Inscriptions. De cette conférence et d'une autre qui l'avait précédée en 1913 à la Société royale
d'Archéologie de Bruxelles est sorti le volume. Comment la Belgique fut romanisée, 123 pp. in-4°,
dont nous citons ici la seconde édition, Bruxelles, 1919.
(2) Réponse à la déclaration de guerre du gouvernement austro-hongrois, 29 août 1914, Livre
gris, pièce 78.
(3)Sur la diffusion de la langue latine, le. p. 89 sur la marque laissée par le latin sur
;
le flamand, mots relatifs à l'architecture, p. 40, note 5; à la cuisine et à la table, p. 56, note 1 ;
aux fruits et plantes potagères, aux animaux domestiques, aux instruments aratoires, aux pro-
duits du midi, p. 63, note 6. —
Sur l'ampleur de ce phénomène et son importance dans la
constitution de l'ancienne Europe, celle qu'on appelait chrétienté, Meillet, Les langues dans l'Eu-
rope nouvelle, Paris, 1928, p. 264, et Esquisse d'une histoire de la langue latine, Paris, 1928,
pp. 279 ss. Cf. aussi Fr. Cumont, Pourquoi le latin fut la seule langue liturgique de l'Occi-
dent, dans Mélanges Paul Predericq, Bruxelles, 1904.
— IX —
germèrent obscurément pour produire quelques siècles plus tard des fleurs
immortelles » {jp. loç). Et c'est pourquoi il se plaisait à voir dans le groupe
qui couronne les « colonnes au géant » ( i ) un monstre écrasé par un héros
romain, « la barbarie germanique vaincue par l'empereur » (;). 104).
« Le nombre de ces monuments votifs, expression de la reconnaissance des popula-
tions pour la sécurité que leur assuraient les empereurs, est une manifestation écla-
tante de leur esprit de loyalisme et de leurs sentiments de dévotion, envers les sou-
verains qui incarnaient pour elles l'idée de patrie. Rome leur avait donné la paix,
le premier des biens. EUe avait mis fin à leurs luttes intestines et aux ravages des
hordes germaniques... Elles étaient devenues les cellules vivantes d'un grand orga-
nisme qui se renouvelait par des échanges perpétuels. En même temps elles avaient
connu des plus parfaites, obtenu une justice plus sûre, acquis des mœurs plus
lois
policées, participé à une haute culture littéraire et artistique. Il n'est pas surpre-
et
nant que, grâce à tant de bienfaits reçus, nos ancêtres se soient attachés à l'Empire
et aux princes, et qu'ils aient multiplié les preuves de leur dévouement envers eux.
Aucune violence ne les avait contraints d'abandonner leurs coutumes, leurs croyances
ou leurs langues. Rome avait compté uniquement, pour les transformer, sur le rayon-
nement de sa civilisation —
la conscience de sa supériorité lui permettait un tel
orgueil,
—
et le consentement des peuples lui accorda cette conquête morale, cette sou-
mission des volontés et cette conciliation des coeurs que n'aurait obtenues aucun asser-
vissement » (2). |.; !
:
: j
:
Cet éloge de l'ancienne Rome était, sans qu aucune comparaison fût seule-
ment esquissée, une sanglante leçon pour V Allemagne et ses séides, une
Allemagne qu'il avait pourtant aimée de l'amour même qu'il nourrissait à
l'égard de la science, dont il avait fréquenté les Universités, où il était traité
de pair à compagnon par les plus illustres maîtres.
Ma's avant même cette cruelle expérience, s'il avait après la Belgique une
autre patrie, ce n'était pas V Allemagne : c'était la France, et presque autant
que la France, Rome, 7nère du monde occidental (3). C'est à Rome qu'il
nous jetons les regards autour de nous dans cette vallée Giulia, nous ne pouvons qu'être frap-
pés de la floraison d'Ecoles appartenant à des nations à d'autres égards si disparates, mais
vouées à une tâche commune, celle de scruter le passé de cette Rome où tous reconnaissent une
mère spirituelle >,
—X—
avait, en içi2, après avoir résigné toutes ses charges, transféré son "doviicile,
entre l'Institut historique belge, future Academia Belgica, qu'il couvait de sa
sollicitude, et l'Ecole française de Rome qui le considérait à la fois comme
un membre d'honneur, et, si grande que fût la gloire de Duchesne, comme
criptions dont il était, depuis ZÇ13, en tant qu'associé étranger, l'un des
mem.br es les plus assidus.
lit encore n'était-ce point assez : ni la Belgique, ni la France, ni Rome
ne pouvaient suffire à l'enclore (
i
)
. Ses voyages l'avaient conduit dans
presque toute l'Europe, au Pont-Euxin, en Orient (2), aux Etats-Unis. Il
était en relations amicales avec tout le monde savant (3). A vrai dire, plus
il était attaché à ses trois patries, plus il se sentait, plus il était citoyen du
tout ce qui l'entoure est encore neuf que le voyageur est sensible à tout, et que les idées éclo-
sent ». (£e-9 grandes Universités américaines àzxis Rev. de l'instruction "publique en Belgique, 1912,
p. 196).
—
Ces voyages eurent souvent pour objet des séries de conférences Paris (1905) çt :
Oxford (1906), d'où, en 1907, Les Religions orientales dans le -paganisme romain Upsal (1911); ;
Etats-Unis (1911-1912), d'où Astrology and Religion among the Greeks and Romans, ,XXVII-208 pp.
in-12 New- York et Londres (1912)
: Etats-Unis (1922), d'où en 1923 Afterlife in Roman Paga-
;
nism, qui deviendra Lux perpétua. Ils pouvaient n'être aussi que des voyages d'information :
Tripoli d'Afrique, en mai 192S (Z,es fouilles de Tripolitaine dans Bull, de la classe des Lettres
etc. de l'Académie royale de Belgique, 8 juin 192S, pp. 285-300).
(2) Voyage d'exploration dans le Pont et la petite Arménie, du 4 avril au 21 juin 1900, avec
son frère Eugène. De ce voyage sortirent les Studia Pontica, tomes II et III, Bruxelles 1906 et
1910. —
Voyage dans la Syrie du nord, au printemps de 1907, d'où les Etudes Syriennes (1917).
Missions archéologiques à Salihîyeh en octobre-novembre 1922 et 1923, origine de l'ouvrage
Fouilles de Doura Europos^ 2 vol. in-é", Paris 1926. Il y fit une nouvelle visite en 1928, et une
dernière en 1934 d'où, en collaboration avec son ami Rostovtzeff, une étude intitulée The
;
èittYpaipiQ,
àXXà Tjxal iv ty] [rrj Ttpoo-rixouCT-o ccypaçoç H-'^"^[^'^ '^'^p èxàuiq,
TV]? YVa)[jiV)Ç toO epyou £vStaiTai;ai. Car ^'^7 repose au cimetière
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physique un remède immédiat au dérèglement dont nous souffrons. Mais quelles créa-
tions furent plus puissantes et plus durables que celles de ces forces spirituelles qui
ont métamorphosé des peuples et renversé des empires, comme l'effort invisible du vent
fait ployer et déracine les forêts ? Aux Etats totalitaires qui prétendent soumettre à
leur domination non seulement les actes, mais les sentiments des individus, l'expé-
rience religieuse enseigne comment les convictions intimes, poursuivies dans leurs mani-
festations extérieures, trouvent dans notre for intérieur un asile inviolable.
« En ces temps où s'exaspèrent tous les nationalismes, l'évolution religieuse nous montre
comment la communauté des croyances, après avoir été celles de tribus et de clans,
devint celle de cités et de nations, et aspira enfin à devenir universelle, créant entre
des populations lointaines et hétérogènes des liens plus puissants que ceux du voisi-
nage ou du sang. Si la science des religions a réussi aujourd'hui même à grouper ici
une réunion harmonieuse de représentants de tant de nations, c'est que nous croyons
tous à cette universalité du royaume de l'esprit, c'est que nous sentons la valeur
vilégié, sans dissimuler ces défauts moraux qui amenèrent sa décadence : son
incapacité à maintenir la stabilité de l'Etat, son impuissance à créer une forme
de gouvernemejtt qui pût concilier l'individualisme incoercible de la race avec
la discipline civique, et subordonner les égoïs?nes particuliers à l'intérêt géné-
ral. Athènes, qui nous offre le premier exemple d'un impérialisme démocra-
(1) Deux volumes, Oxford, 1926-1927. Compte-rendu dans le Journal des Savants, « Une nou-
velle histoire du monde antique » août-octobre 1928.
— XIÎI —
le mérite et s'ingéniait à le mettre en valeur. Commettait-on à son égard une
(1) Dès le mois de mai 1917 il écrivait dans la préface de ses Etudes syriennes, p. X :
« car dans la grande crise qui ébranle le monde, partout des hommes d'étude que leur âge ou
leur infirmité retenaient loin des batailles, semblent avoir éprouvé le souci de ne pas laisser
interrompre la continuité de la production scientifique, comme si redoutant l'atteinte profonde
que le sacrifice des jeunes générations devait porter au savoir humain /peut-être songe-t-il ici à
la perte immense que causa la 7nort de Robert GauthiotJ, ils cherchaient, dans la faible mesure
de leurs forces, à la rendre moins désastreuse ». Symbolisme funéraire des Rotnains, préface (l'^r
août 1941), p. I « sans doute les érudits ont-ils le devoir d'empêcher, dans la mesure de leurs
:
moyens, la vie intellectuelle de s'éteindre, comme d'autres s'efforcent de ranimer l'activité éco-
nomique ». —
Il ne se laissait point entraîner par amour-propre à se dérober, par crainte de
l'erreur,devant une publication qui courait le risque d'être imparfaite. Fouilles de Doura-Euro-
pos, p. VII « Ceux-là seuls qui se renferment dans une étroite spécialité peuvent se flatter de
:
résigné à subir leurs critiques. Il vaut mieux s'y exposer que de ressembler au dragon de la
fable dans l'antre où il garde jalousement un trésor stérile. L'essentiel est de mettre à la dis-
position commune des travailleurs les matériaux qu'ils feront entrer dans leurs constructions
futures ». Et encore, Commémoration du Père Scheil dans Rendiconti délia Pont. Ace. rom. di
Archeologia 1940-1941, p. I du tirage à part « D'autres... se contentent de la
:
joie intérieure
que leur cause chaque jour la poursuite de la vérité » ; p. 7 « Il préférait offrir aux
:
savants ces primeurs plutôt que de consacrer ses soins à effacer les taches de son œuvre. Ubi
plura nitent, non ego paucis offendar maculis. Il laissait aux critiques, non sans quelque dédain,
la tâche de ratisser son
jardin. Certains érudits gardent par devers eux durant des années les
Inédits sur lesquels ils croient avoir un droit de propriété, et ils finissent quelquefois par dispa-
raître sans les avoir communiqués à personne. Le souci de la perfection dont ils se targuent
n'est souvent que le voile d'une pusillanimité qui appréhende les bévues dont souffrirait une répu-
tation mal assise ».
— XIV —
Pelliot, quelqu'un lui dit comment il se représentait l'ensemble de son oeuvre
et la place qu'elle tiendrait dans l'histoire des religions. Il en eut l'air surpris
qu'il aurait tenue en ce monde, ce n'était pas à lui qu'il appartenait d'en juger.
Cela, aurait-il dit lui-même après Homère (i)^ était sur les genoux des
dieux. Ce qu'il en adviendrait, c'était affaire à l'avenir. Car quelle que fût
sa gloire, encore n'est-il pas certain qu'il ait toujours été apprécié à sa juste
valeur. Il lui manquait aux yeux de certains —
mais c'est justement-là ce qui
fait son mérite d' —
appartenir à une école, de s'être conformé à la scolas-
tique d'une école, de prétendre tout faire entrer dans la dogmatique d'une
école, bref de travailler moisis pour la vérité que pour l'intérêt d'une école.
Or il était, st il voulait très délibérément n'être qu'un simple savant. Et il se
gardait coinme du feu de se laisser inféoder à aucun clan.
Il s'efforçait toujours de remonter aux sources, et il était docile aux faits
tels que les présentent les documents, fondant sur eux des hypothèses aux-
fût son information, et si libéral son esprit, il n'invoque jamais les auteurs
dont, quand même ce sont des érudits considérables le témoignage lui paraît ,
ingénieusement les faits particuliers, en dégageait les conclusions générales et les directions maî-
— XV —
Il dirigeait la publication du catalogue des manuscrits astrologiques, dont
il avait Itd-mêftie établi le tome VIII ^^ première partie des Parisini (i). Et
de cet indigeste fatras, où se révèle pourtant deci delà quelque précieuse
relique, il avait tiré en IQ37 la maiière d'un livre charmant sur la fin
de
l'Egypte ancienne : L'Egypte des Astrologues.
Mais c'est moins de l'Egypte qu'il était préoccupé, même quand il traitait
de l'Egypte, que des rapports entre le monde gréco-romain et les civilisa-
tions du proche et du moyen Orient. Ses recherches sur Mithra eurent vite
fait de lui tracer sa direction et d'orienter sa course vers ce qui aura sans
doute été dans l'histoire des religions une découverte capitale : la civilisation
chaldéo-mazdéenne des Maguséens ou Mages occidentaux, syncrétisme irano-
sémitique qui devait faire sentir à plusieurs reprises son action, d'abord dans
le monde juif (2), puis dans le monde hellénique (3) et parmi les peuples
tresses. A
la probité scrupuleuse de la science répondait la rectitude de son caractère et la
droiture de sa conduite. Ce même amour passionné de la vérité, qui le gardait contre les
hypothèses aventureuses et les généralisations hâtives, le rendait sévère pour tous les char-
latanismes. Il condamnait sans rémission les auteurs de systèmes fantaisistes appuyés par des
suggestions hasardeuses, alors que sa douceur et sa modestie naturelles lui inspiraient en géné-
ral une bienveillance qui s'enveloppait des formes d'une courtoisie d'im autre âge. Son déta-
chement de tout intérêt personnel le rendait libéral de son savoir, et il se montrait si ser-
viable qu'on hésitait à faire appel à son obligeance, sachant qu'il n'épargnerait aucune peine
pour éclairer celui qui recourait à lui... Dans un monde envahi par le mercantilisme et l'esprit
de lucre il se
plaisait à faire valoir la noblesse de la recherche désintéressée du vrai. Si
l'Europe au point de vue matériel a été appauvrie et amoindrie par une guerre dévastatrice,
elle garde une richesse
spirituelle qui lui confère toujours une supériorité c'est sa vieille
:
qui est de tuer l'humanisme afin de régner en maîtresse dans un monde objectivé.
(1) Catalogus codictim astrologorum graecorum, VIII \ Bruxelles, 1929.
— Il a aussi, après
collaboré de près aux tomes I, Plorentini ; II, Venetiani 5 IV, Italici ; V \ Romani. On veut
espérer que l'œuvre ne demeurera pas' inachevée.
(2) A partir du milieu du vi^ s. rédaction de P (= Code sacerdotal), par ex. Gn. 1 ; d'/s.
bouddhique (7), où les trai)au(& de Paul PelUot, Sylvain Lévi et Robert Gau-
thiot, après ceux de sir Aurel Stein et de von Le Coq, reconnaissaient et défi-
nissaient le système dès relations entré l'Iran, l'Asie centrale et le monde chinois,
phénomène de celui que Cumont commençait de montrer qui s'était
très voisin
le bouddhisme excepté, dont l'action ne s'est exercée qi^e tardivement sur le taanichéisme de la
Chine et du Turkestan (Mûlleir, Bruchstûcke aus Turfan, p. 63, corrigé par -ce qui est dit iafra,
p. XIX, n. 4). ^-^ Sur la relation des Pauliciens et des Cathares à Mâni, cf. -propos des Ecri" A
tures manichéennes [le. infra,^ p. XXI, n. 4] p. 11 du tirage à part, qui renvoie à Jean Gui^
raud, Cartulaire de N. D. de Prouille, Paris, 1907, t. I, p. CCXXII; Cf. aussi Mâni et les —
origines de la miniature persane dans Revue Archéol.^ 1913.
(4) Rev. d'Hist. des Rel. janvier-juin 1931, p. 36.
(5) Nonnos de Panopolis, Dionysiacà, 21, 247> éd. Kôchly dahs M.M.M. fasc. I, p. 25 ;
et
en outre Nonnos 40, 399 >. efts
Sàpaitti; l'ipuç, AtyuTrtioç àvé^sTiOç Zeiiç, / el Kpovoç, eî *œé6o)v
eïtE (jÙ
TtoXutivufJLOi;, Mi'ÔpT); / 'HéXio; BaêoXwvoç èv 'EXXâoi AsXipoi; 'j^TtdXXwv.i,
(6) Rajpprôcher ce qu'à propos de Bidex, Ic.^sUpra^ p. XIV, n. 3] Pr. Cumont dit des Mages
hellénisés : « *.. ces Maguséens d'Asie Mineure et de Mésopotamie dont le synCfètisme cûtft»
bine le vieux mazdéisme iranien d'abord avec l'astrùlogié babylonienne, plus tard avec lès spé-
culations dés théologienè helléniques ». Et déjà sur Mâni et les mystères de Mithra (Recherches
j
sur le manichéisme^ I, p. 72) : ^ Comme ceux-ci, les Mages perses établis en Babylônie
avaient admis, à côté des antiques ttaditions du zoroastrisme, des croyances indigènes qui
remontaient en partie jusqu'aux anciens Chaldéens » j et aussi sur la source maguséenne du
Mithraïsme, Rapport sur une mission à Rome dans C. R. de l'Acad. des Inser., 1946, p. 418.
(7) Alfiréd Pouchet, L'art grêco-bàttddhiquë du Gmdhara, Paris., 1905-1923»
(8) On a utilisé pour ce qui suit, d'après le tirage à part, l'exposé fait par Pelliot lui-
— XYII —
Im
route commerciale gui unit l'Asie mineure à l'extrême Orient passe par
le Turkestan chinois. Mais les relations sont antérieures à l'établissement des
Turcs dans le Turkestan. Elles sont l'œuvre d'une population plus ancienne^
Sogdiens et Bactriens qui,subjugués plus tard par les nomades Ta Yue-tche,
conservèrent 'd'ascendant pour iraniser leurs vainqueurs, Graecia capta
assez
ferum... Ceux-ci finirent par créer une civilisation nouvelle {p. f) : «Ils
s'hellénisèrent, ils s'iranisèrent, enfin et surtout ils s' hindouisèrent. A l'Iran ils
ancienne entre ces deux civilisations, d'où en est sortie une troisième, intermé-
diaire entre les deux premières, celle des Maguséens (i), ou Mages occiden-
taux, gui est à peu près tout ce que le monde gréco-romain a connu du
Moyen Orient.
Ces relations se sont constituées avant la réforme zoroastrienne en un temps
où il n'était pas encore interdit de rendre un culte à Ahriman et à ses dévas :
et c'est pourquoi Ahoura Mazda n'est pas pour les Maguséens l'Etre suprême,
en sorte qu'on ne lui manque pas, comme selon l'orthodoxie mazdéenne, en
s'adonnant mix pratiques magiques qui, avant l'intervention de Zoroastre, cons-
tituaient le culte traditionnel d' Ahriman et de sa séquelle.
« Les Mages que les Grecs ont le mieux connus n'étaient pas des zoroastriens ortho-
doxes. Ceux avec qui ils ont eu les relations les plus directes et les plus constantes
sont ces Maguséens, prêtres des colonies mazdéennes qui s'établirent dès l'âge des
Achéménides à l'ouest de l'Iran, depuis la Mésopotamie jusqu'à la mer Egée, et qui
s'y maintinrent jusqu'à l'époque chrétienne (2). Ces émigrés, séparés des contrées où
triompha la réforme de Zoroastre qui, dans sa rigueur originelle, ne put jamais être
que la loi d'une élite peu nombreuse, échappèrent dans une large mesure à son action;
ils n'en adoptèrent
que partiellement les doctrines, et ils restèrent ainsi plus fidèles
que leurs congénères de la Perse aux vieilles croyances naturistes des tribus ira-
niennes (3). Leur éloignement de la pure théologie zoroastrienne fut favorisé par le
fait qu'ayant adopté une langue sémitique, l'araméen, ils devinrent incapables, de lire
les textes avestiques, et selon toute probabilité, ils ne possédèrent aucun livre sacré
écrit en zend ou en pehlvi (4).
« De plus ces Maguséens, établis au milieu de populations allogènes, furent par là
même plus exposés à subir des influences étrangères. Le propre de cette caste sacer-
dotale, la qualité dont elle se targuait avant tout, c'était d'être « sage ». Non seulement
elle possédait la science des choses divines .et se flattait de pouvoir seule se faire exau-
cer des dieux, mais elle raisonnait aussi sur l'origine et les lois de l'Univers, sur
magus, qu'on a, peut-être à tort, rapproché d'ass. majj^û. Cf. Boisacq, s. v. JVlxyot; Gesenius,
s.v.TQ.
(2) Sur cette diaspora mazdéenne, cf. M.M.M. t.
I, pp. 9 ss.; 16 ss.; Mystères de Mithra^,
Bruxelles, 1913, p. 12 ;
et Religions orientales, 4e éd., pp. 129, 133 ss.
(3) Et pourraient s'expliquer, quand même
ainsi ils n'auraient eu aucunes relations directes
avec l'Inde, ressemblances de leur magie avec celle de l'Inde antique. Leur situa-
certaines
tion à l'égard de l'orthodoxie zoroastrienne est tout à fait comparable à celle des Juifs éta-
blis en Egypte (cf. Albert Vincent, Les Judêo-Araméens d'Eléphantine, Paris 1937) à l'égard
de nouvelle orthodoxie judaïque et de l'unicité du Temple.
la
dire que leur langue était exclusivement sémitique, tandis qu'il arrive en pehlvi,
(4) C'est
langue proprement iranienne, que poussant à l'extrême le système du qerê-ketib, on écrive un
mot sémitique, par exemple malkâ (roi), là on en réalité l'on prononce le mot iranien corres-
pondant shah
:
;
ou li
(à moi) là oiî l'on prononce man ;
min (de) là où l'on prononce «», etc.
(Cf.
A. Meillet, le. [supra, p. XVI, n. 8]).
— XIX —
les proptiétés de la nature et la constitution de l'homme (i). Lorsqu'après les con-
ces prêtres entrèrent en contact avec les Chaldéens de la Méso-
quêtes de Cyrus (2)
d'un clergé qui était alors le plus instruit
potamie, ils subirent fatalement l'ascendant
du monde ancien. Dans ce grand centre scientifique qu'était alors Babylone, ils appri-
rent en particulier l'astronomie et ils adoptèrent sa sœur bâtarde l'astrologie. Puis,
après Alexandre, quand l'hellénisme s'implanta en Asie, leur curiosité toujours en éveil
s'intéressa aux idées des philosophes, et ils subirent en particulier l'influence du stoï-
cisme, que des affinités profondes rapprochaient des religions de l'Orient.
« Entre ce ma5;déisme de l'époque séleucide ou parthe et celui du clergé sassanide
il y a toute la distance qui sépare le judaïsme alexandrin de celui du Z^almud. Au
lieu d'une dogmatique rigide et d'une morale de stricte observance, nous trouvons
des doctrines d'une extrême souplesse et se prêtant à tous les syncrétismes. Aucune
autorité théologique ne pouvait imposer aux Mages occidentaux un conformisme que
leur dispersion même devait exclure, et si leur rituel, scrupuleusement observé, paraît
avoir eu une grande fixité, leurs théories ne devaient pas s accorder mieux entre elles
que celles des Chaldéens qui, partagés en plusieurs écoles, se distinguaient, selon Sti-a-
bon (16, I, i) par une grande diversité d'opinions » (3).
Tel propre des recherches de Cumont. C'est avec ce fil con-
est le résultat
ducteur qu'il faut aborder, après les Monuments des Mystères de Mithra,
Les Mj'^stères de Mithra, et les Recherches sur le Manichéisme, 1908- 191 2 (4),
du Zodiaque avec un cheval pour monture, parfois aussi dans une nef (comme en Egypte) ;
p. 63 : il donne la vie et fait revivre les morts, il est vainqueur de la nuit et de la mort ^
p. 64,
il est enfin juge suprême et dieu de la justice : c'est un trait qui se retrouvera chez
Mithra, lequel, avant d'être un dieu solaire, a peut-être d'abord été la sainteté du contrat (Cf.
A. Meillet, La Religion indo-européenne dans Linguistique historique et Linguistique générale, I,
1926, p. 344).
(3) Mages hellén. I, p. VI ss.
(4) Les Recherches surManichéisme sont probablement ce qui de tout l'œuvre de Cumont
le
aura vieilli le plus vite. La raison en est dans
la découverte qui a été faite vers 1933 en
Haute Egypte près d'Assiout, un des berceaux du manichéisme, et qu'il avait pressentie, A propos
des Ecritures manichéennes \lc. infra, p. XXII note], d'une prodigieuse collection de documents
sur lesquels il a été le premier à attirer l'attention du public savant en France {Rev. d'Hist.
des Rel.y mars-juin 1933). Alors en effet que les écrits trouvés par sir Aurel Stein, par Grûnwe-
del et Von le Coq, et par Pelliot au Turkestan chinois sont pour la
plupart postérieurs au villes,
et ont subi l'influence du bouddhisme, la nouvelle collection est très voisine des origines :
elle contient les KscpàXaia et les Epitres, le Livre des Hymnes, un commentaire de l'Évangile
vivant, un récit du martyre de Mâni, des mémoires sur la vie des premières communautés,
enfin un recueil d'homélies des premiers disciples. Ces documents capitaux se trouvent en
partie
çn Angleterre dans \^ collection Chestçr en à la de Berlin. Les
Beatty, partie bibliothèque
— XX —
un lime célèbre —
aussi important, sans Houle, que la Cité antique de Fustel
'de Coulanges —
Les Religions orientales dans le Paganisme romain (i) j et
surtout -deux volumes moins accessibles au grand public, mais capitaux, fruit
d'une étroite collaboration avec son ami losefh Bidez, Les Mages hellénisés
(1938). Bidez devait montrer plus tard dans Eôs, ouvrage posthume publié en
194.5, Ç^^ <^6s Maguséens avaient laissé leur marque dans l'œuvre de Platon.
De son côté Franz Cumont continuait de déceler les traces de leur influence
dans le monde gréco-romain ( 2) . La profonde connaissance qu'il avait à la
fois des textes anciens et des monuments archéologiques, en même temps que
des idées religieuses du proche Orient, le conduisit à chercher la signification
des bas-reliefs dont sont ornés les sarcophages antiques et les stèles funéraires.
D'où un ouvrage considérable par sa masse et la qualité de son contenu, qui
parut en 194.2 sous le titre Etudes sur le symbolisme funéraire des
:
Romains (3), où il n'est pas une interprétation qu'il propose de quelque scène
que ce soit, qui ne se fodde sur les témoignages convergents de textes litté-
raires, d'inscriptions et d'autres monuments archéologiques (4).
C'est alors qu'il entreprit de refondre et de développer /'Afterlife autrefois
premiers fragments des homélies de la collection Chester Beatty ont été publiés en 1934 à Stutt-
gart, par H. J. Faletsky, Manichâische Homilien dans Man. Hdschr. der Sammlung Chester Beatty.
Fr. Cumont a rendu compte de cette édition. Homélies manichéennes^ dans Revue d'Hist. des
rel., janvier-avril 1935. Les KstpdtXaia ont été éditées par M. Schmidt, Man. Hdschr. I. Mais
le régime national-socialiste n'a pas favorisé l'étude du précieux trésor entré en 1933 à la
Bibliothèque de Berlin.
(1) Recueil de conférences faites en 1905 au Collège de France et en 1906 à Oxford. La
quatrième édition (1924) contient un nombre considérable de notes complémentaires et de dis-
sertations qui en font, à proprement parler, un ouvrage nouveau.
« Mais il est une vérité
(2) Message [supra, p. IX, n. 3] :
que les recherches récentes ont
achevé de mettre en lumière : c'est l'étroite interdépendance qui unit la civilisation de l'Europe
à celle de l'Asie. Le temps est passé où l'on pouvait parler d'un « miracle grec » et croire
que la culture hellénique était une sorte d'expérience de laboratoire en vase clos. On recon-
naît de plus en plus que des influences venues de Syrie, d'Anatolie, de Perse, de Babylonie et
même de l'Inde lointaine, ont contribué à la formation d'une civilisation dont la complexité ne
diminua pas la grandeur ». I
1
1
:
(3) Complété par la Stèle du danseur d'Antihes et son décor végétal, 49 pp. in-4o, Paris, 1942
qu'il considérait comme un appendice au précédent, qui devait être mis sous la même reliure.
« Mes maîtres d'autrefois, qui étaient des hellénistes ou
(4) Message [supra, p. IX, n. 3] :
des latinistes \il veut ainsi faire entendre que ce n'étaient pas des théoriciens a priori"] m'ont
enseigné que si l'on ne recourt constamment aux sources, on risque infailliblement de s'égarer ;
et l'archéologie, si elle est privée du secours de la philologie, devient une science conjecturale
dont les conclusions n'atteignent que le degré de vraisemblance que peut leur prêter l'ingénio-
sité et l'éloquence de leurs auteurs. On pourrait citer des exemples récents de telles interpréta-
tions arbitraires ».
— un
" —
publiée €iux JE!fats-Ums, qui n'cxwU guèrç été cannm &n Europe. En même
temps qu'il remaniait l'ouvrage, il en changea le titre et voulut à toute force,
malgré les objections qui lui étaient faites, l'appeler Lux perpétua 'deux mots :
empruntés à l'introït de la messe de Requiem qui les tient d'un apocryphe juif
christianisé, le Quatrième livre d'Esdras ; mais plus haut que le judaîs7ne de
(1) A
ces trois religions qui, sous des modalités si différentes qu'elles sont pratiquement
ennemies, n'en font pourtant qu'une par leur fond le plus intime, r^ d'où le mot célèbre :
« Nous sommes
spirituellement des Sémites »,
-^ on serait tenté de joindre le mazdéisme. S'il
convient cependant de le laisser à part, c'est qu'Ahoura Mazda, du fait de la double coexis-
tence du Temps illimité, Zervan Akarana, coéternel à Ahoura Massda, et
d'Ahriman, l'esprit du
mal, — qui, s'il ne dans sa dépendance, -~
lui est pas égal en toutes choses, n'est cependant pas
ne possède
pas ce caractère d'absolue souveraineté qui, lentement acquis par Yahweh au cours
de sa longue histoire, a été conservé par le Dieu des chrétiens et par le Dieu de l'Islam, en
sorte que l'Islam peut être présenté comme étant à la fois une hérésie juive et une hérésie chré-
tienne.
L'examen des inscriptions, des monuments figurés, des textes littéraires, les
fouillesde Doura-Europos qu'il eut à deux reprises à diriger pendant plusieurs
semaines, et dont il fit un monumental compte-rendu, V amenèrent à penser que
le christianisme ne devait pas être détaché de son contexte qu'il y avait un
;
[11] : ces documents auront été dépouillés, « nous verrons plus clairement aussi de
quand
quelles croyances antérieures s'est inspiré Mahomet, et comment le réformateur religieux de la
Babylonie a préparé la fondation de l'Islam. La position de celui-ci à l'égard du christianisme
qu'il prétend dépasser, mais dont il reconnaît
la valeur relative, n'est-elle pas analogue à celle
(3) C'est ce thème qui se retrouvera dans l'exploitation chrétienne de l'Apocalypse du ps.-Hys-
taspe, infra, N. C XXXV, p. 453, n. 3.
— xxin —
Mais il lui apparut aussi
— et cela est marqué à plusieurs reprises dans Lux
perpétua
— que tout en ayant subi l'influence de son milieu, le christianisme n'y
étaitpas entièrement réductible, il y échappait par on ne sait quoi qui ne per-
mettait de le confondre ni avec les cultes des mystères païens ni avec les spécu-
lations de (
i
)
De l'avènement de celle-ci Cumont
la philosophie néoplatonicienne .
fique s'arrête dans le monde ancien, et cette stase est le prélude d'une régres-
sion qui se précipite à mesure que s'accentue la décadence de l'Empire...
{p. i36) Dès lors les âmes inquiètes, qui sont en quête d'une certitude, cher-
:
chent à l'obtenir non par une application patiente de l'esprit critique, mais par
•une inspiration surnaturelle ou une communication divine ». Au moment où il
rédige ce passage, Franz Cumont pense encore qu'il s'agit là d'une « régres-
sion » qui aboutit à « une exaltation, ou pour mieux dire et, comme pour
—
se couvrir, emprunte l'expression à A. J. Festugière
il une perversion (3)
—
de Mais un peu plus tard, quand il en vient à Plotin,
la piété » qu'il déplore.
il constate, sans regret, semble-t-il, que la raison cesse d'être « comme pour
très grand homme, un prodigieux génie dont la marque ne s'effacera pas, auquel
on ne saurait comparer Proclus, qui est, lui, un homme de grande culture et un
savant collectionneur d'idées, mais non pas un inventeur l'humanité ne lui :
doit rien » (4). D'autre part on ne pouvait que constater l'échec final du néo-
(4) Il semble au contraire avoir cru qu'elle devait quelque chose à Mâni. C'est du moins ce
que donna à penser le portrait qu'il faisait de lui dès 1908 {Recherches sur le manichéisme, I,
p. 52), qui n'est pas sans analogie avec ce qu'il dira de Plotin en 1947 «... son activité ne :
fut évidemment pas celle d'un philosophe éclectique rassemblant laborieusement et agençant froi-
dement les éléments d'une synthèse doctrinale. La réflexion ne le guida pas seule dans la recher-
che de la vérité. Quand l'inspiration qu'il croit divine jaillit en lui des profondeurs du subcons-
cient, il laisse libre cours à son imagination créatrice. Dès lors les figures qu'il remodèle de sa
main puissante et qu'il anime de sa vie intérieure, même quand elles offrent une ressemblance
apparente avec celles des théologies antérieures, sont pénétrées d'un autre esprit et obéissent à
vuie autre volonté »,
— XXIV —
platonisme nonobstant les efforts de l'empereur Julien, qui n'était point une
âme basse ( i ) et c'était un fait que les auteurs chrétiens, les Pères de l'Eglise,
;
eji s' emparant des armes préparées contre le christianisme, et en les retournant
religion nouvelle aux problêmes qui tourmentaient les adeptes des mystères et
les cercles néoplatoniciens(2).
Cette double constatation semble avoir incliné Franz Cnmont à penser qu'à
des questions posées depuis des millénaires s'il y avait une réponse, la réponse
était en effet donnée par le christianisme tel qu'il s'était constitué sous l'impul-
sion de Jésus, mais aussi grâce aux apports du milieu où il s'était développé ;
(1) F. Cumont avait publié, en collaboration avec J. BideZj JuUani Imperatoris Epistulae, legçs,
poematia, fragmenta varia, Paris, 1922.
(2) Infra, p. 382.
(3) Iiifra, p. 346.
(4) C'est là dans sa position un point important : sa réaction est, on le verra plus loin
(pp. 140-141), quelque sympathie que lui inspirât l'homme, très vive contre le système d'Epi-
cure.
« Il est... scabreux de vouloir fixer en peu de mots l'infinie variété des dispositions indi-
(5)
viduelles, et rien n'échappe plus à l'observation historique que ces convictions intimes que par-
fois on dérobe même à ses proches » (Réflexion de 1910 relevée par W. Lameere, Sur la
tombe de Pr. Cumont, dans Alumni, t. XVII (1947-1948), p. 154). A
rapprocher de Newman,
Parochîal sermons, 4, 19, 291 :Hoiv difficult it is ta define things, how impracticable it is ta
convey to another any complicated, or any deep or refined feeling, how inconsistent and self
contradîctory his own feelings seem, when put into words, how he subjects himself in consé-
quence to misunderstanding, or ridicule, or triumphant criticism,..
— XXV —
Le temps des religions « était regardée
n'est pas éloigné, écrivait-il, où l'histoire
avec méfiance comme une machine de guerre
imaginée pour combattre l'Eglise (i).
Mais la véritable question dépasse la portée des études que l'historien consacre aux
phénomènes de la société humaine. Il s'agit de savoir si les affaires du monde sont
conduites par des forces aveugles, par ce que les Anciens nommaient le Fatum, ou si
elles sont dirigées par une Providence qui les mène vers un but qu'elle s'est assi-
gné (2) car si une volonté divine préside à cette évolution (3), on verra néces-
:
sairement dans l'invasion en Occident des cultes orientaux une transition qui devait
finalement assurer l'expansion de la foi nouvelle dans une large portion de l'hu-
manité » (4O.
(1) Cf. dans le discours inaugural du Vie Congrès international de l'Histoire des Religions
à Bruxelles (Le Flambeau, septembre 1935) : « La science des religions, enfant encore débile,
qui devait devenir un géant, était alors en Belgique, et peut-être ailleurs encore, à la fois
sus-
pecte aux croyants qui la soupçonnaient d'être un cheval de Troie inventé pour détruire leur foi,
et méprisée des savants officiels qui n'y voyaient que spéculations sans méthode et sans consis-
tance ».
(2) Il se peut qu'il y ait ici réminiscence d'une page poignante de Loisy, Quelques lettres...
1908, lettre XIX, 28 janvier 1906, p. 47 (cf. aussi Mémoires, t. II, p. 468) : « Je suis comme
vous devant ce grand mur éternel. Je l'interroge et, dans la réponse que je me fais, je crois que
c'est lui, si insensible en apparence, qui me parle ou qui parle en moi. Car après tout, je suis
une pierre de ce mur, caelestis urbs Jérusalem il est d'une certaine manière tout en moi comme
;
je suis tout en lui ; il doit être vivant comme moi, et ce n'est pas un mur de pierre, mais une
construction animée il souffre en moi, j'aurai la paix en lui », Et dans La Crise morale du temps
:
présent et l'éducation humaine, Paris, 1937, p. 227 « Du reste il ne s'agit plus maintenant de
:
la Providence
conçue comme antérieure et extérieure au monde, mais uniquement de l'éternelle
et mystérieuse action de Dieu dans l'univers vivant ».
(3) Ibid. p. 242 « Dieu existe, c'est-à-dire un Etre au-dessus de tous les êtres, une Puis-
:
sance au-dessus de toutes les puissances, un Esprit au-dessus de tous les esprits, qui est le prin-
cipe et la source de toute vie dans l'ordre sensible et dans l'ordre invisible, dans l'ordre éternel
des mondes ; de lui l'on peut dire tout le manifeste et
que rien ne l'absorbe. On le blas-
que
phème inconsciemment lorsqu'on ose « quelque chose qui, en plus grand, nous ressem-
le définir
ble » 2S0
; p. : « grand mystère d'amour, dans lequel rien de ce qui fut n'a cessé d'être, rien
de ce qui est ne disparaîtra, rien de ce qui doit être ne périra, nulle activité vivante ne sera
perdue en qui trouve sa justification le sacrifice de soi qui est requis des hommes, p. 342:
», et
« Le dont nous parlons est avant tout, il est essentiellement un acte d'amour dans un
sacrifice
acte de foi ; or acte d'amour, il est la
vérité, morale et transcendante, de la vie, le contentement
suprême; acte de foi, il est par là même fondé en Dieu, dans l'obscure et solide intuition du
mystère éternel, de l'amour qui se donne, qui s'affirme en se donnant ». Peut-être Fr. Cumont
était-il
déjà sur le chemin de réflexions de ce genre lorsque, rendant compte dans \& Journal des
Savants, août-octobre 1928, de Rostovstzeff, A history of the ancient world, il écrivait, p. 334,
touchant le déclin du monde antique « il est remarquable qu'un historien aussi attentif aux con-
:
les mêmes propos, à peu près dans les mêmes termes, à un ami qui était venu le visiter pendant
sa convalescence : sans doute en préparait-il l'expression pour le Message qu'il méditait. Déjà —
dans la préface de juillet 1906 [^supra, p. XX, note 1], p. XII « La prédication des
:
prêtres
asiatiques prépara ainsi, malgré eux, le triomphe de l'Eglise, et celui-ci a marqué l'achève-
ment de l'œuvre dont ils ont été les ouvriers inconscients ». Et plus précisément, sur la pré-
« En affirmant l'essence divine de l'homme, ils ont fortifié dans
paration du milieu moral :
principal de l'existence terrestre, ils ont affiné et exalté la vie psychique, et lui ont donné une
intensitépresque surnaturelle que, auparavant, le monde antique n'avait pas connue ».
(1) Cf. Rapport sur une mission à Rome dans C. R. de l'Acad. des Inscr. 1946, pp. 386-420.
(2) La Théologie solaire du paganisme romain dans Mém. présentés par divers savants à
l'Acad. des Inscr., XII, 1909, pp. 447-479.
//. 17, 514, etc.
(3)
— xxvii —
obsédé par la pensée de la mort. Il invoque si souvent les raisons qui doivent
nous empêcher d'en éprouver quelque effroi, que par là même il trahit l'ap-
préhension secrète que l'approche de sa fin inspire à son âme sensible : cette
nécessité, note-t-il, nous est imposée par la ndture, dont le cours est réglé
Sénèque, l'espoir qu'il puisse retrouver dans l'au-delà ceux qui ont vécu pieu-
sement, et s'entretenir dans un monde lumineux avec les sages d'autrefois...
D'où vient que les successeurs de Zenon aient été aussi hésitants sur un point
dont, après seize siècles de christianisme en Gaule, nous paraît dépendre toute
la conception de la vie humaine 1 » Le problème, encore que Cumont n'en
parlât jamais, se posaitdonc pour lui. Et il ne pensait pas qu'on pût s'y
dérober Sans doute tant qu'il y aura des hommes,.,, se préoccuperont-ils
: «
il n'en pensait pas moins que, nonobstant toutes ces circonstances nouvelles,
païens » (
i
)
.
Telle est la question qui demeurait posée devant Franz Cumont. Cela aussi,
autant et plus que l'éventuel rétablissement de s\a santé, était sur les genoux
des dieux; et de cela aussi sans doute il en était venu, à dire, suivant la tradition
créée en Gaule par seize siècles de christianisme (2) fiât Voluntas tua (3). :
(1) C£. Loisy, La crise morale du temps -présent et l'Education humaine, p. 227 : « Der-
rière cette immensité et cette éternité de l'univers visible, il y a ce que nous, vermine de la
terre,ne pouvons directement percevoir, que nous pressentons seulement, itiais qui est le prin-
cipe vivant, la vérité intime et profonde de tout. Il y a, il reste, quoi qu'on puisse dire, le
mystère ».
(2) Supra, p. XXVII.
(3) Supra, p. XXVJ.
— HtÙL —
// partie le 4 août pour Wolu-we Sûint^-Piôrret emportant dans sa valise
iî'ïmitatioji Jésus-Ghi'ist. Et peu de jours après, il demanda qu'à sa dernière
de
heure, son ami Mgr Vaês tant lui donner V extrême-onction. C'est ainsi qu'il
révint au giron maternel, lion comme autrefois l'enfant prodigue avec larmes
et sanglots, Ttiais de l'air le plus paisible dû monde, comme s'il n'avait pas eu
conscience de l'avoir jamais délaissé. C'est du moins ce qui paraît ressortir de
ce Message de mai îç^y à l'Académie belge de Rome, où s'étant expliqué
sur les influences qui ont contribué à former le corps du christianisme, il en
vient à parler de « cette Ville Eternelle qui, après avoir, païenne, transmis au
monde latin la civilisation hellénique, devenue chrétienne répandit en Europe
là religion qui est nôtre ».
Ilne dit rien davantage, sinon, à plusieurs reprises durant ses derniers jours,
qu'il étaitbon chrétien, se confiant ainsi, sémble^t-il, sans se plus tourmenter
de terreurs ni s'embarrasser de scrupules, à cette Volonté qu'il sentait bonne :
trépas dans la douce atmosphère de la Villa des Fleurs (2), sans se rappeler
aussitôt leRequiem de Fauré?
— Œuvre païenne, a-t-on dit.
— Peut-être.
Mais encore qu'en sait-on ? Païen et chrétien ne sont plus des mots qui, sinon
par leurs définitions abstraites, s'affrontent aussi résolument qu'autrefois. Car
dans la réalité il apparaît aujourd'hui, d'une part —
et Cumont l'avait entrevu
— que les religions païennes ont connu les aspirations auxquelles devait répon-
(1) S. Jean de la Croix, fohne VÏIl, Obras, éd. Silverio, t. IV ,p. 324.
(2) Il aimait le jardin fleuri de cette demeure, et dans ses dernières heures il
parlait,
presque dans la même phrase, de mourir et d'être transporté dans le jardin ».
«
Qui sait ,si
dans la confusion de ses ultimes pensées, ce n'était
pas précisément la mort qui évoquait en
lui l'idée du
jardin prorais, paîri daeza, le Paradis ? {supra, p. XXVII, infra, pp. 43, 302).
— XXX —
dre la religion chrétienne,et qu'elles en ont parfois pressenti la réponse (i) ;
d'autre part que le christianisme à toutes les époques, a plus ou moins subi
,
V influence du milieu ambiant (2), et par conséquent des religions païennes qui,
comme le phénix, renaissent de leurs cendres, et n'ont jamais fini, pas même
aujourd'hui, aujourd'hui surtout, leur carrière. En sorte que, quels qu'aient été
les sentiments de Fauré, son Requiem est, —
dans le balancement de sa mélodie
laticinante, où, par trois fois, l'angoisse, comme un jet de flamme, fait éclater
un cri (3) —
si péjiétré de l'attente, ou plutôt du regret de n'oser plus
'attendre quelque chose que n'avait pas rêvé le paganism)e et à quoi l'on ne
veut pas, l'on ne peut pas renoncer, que, si désespéré soit-il, le désespoir y
espère ; de l'impossibilité de prier naît la prière ; et ainsi, à l'heure où, les
vieillescroyances semblent vaciller et tendre, devant de cruelles négations, à
se dissiper co77ime songes,il se rattache en fin de compte aux plus jeunes
ferveurs des premières origines, s'il est vrai que rien n'évoque davantage le
cri arraché du milieu de la foule au père douloureux de l'enfant lunatique :
« /e crois. Seigneur : subviens à mon défaut de foi 1 » (4).
Franz Cumont avait en IQ42, au seuil du Symbolisme funéraire des Romains,
inscrit cette grave et tendre dédicace :
AMICAE
SAPIENTISSIMAE
QVAE MECVM HIS STVDIIS
TEMPORVM INIQVORVM
SOLATIVM QVAESIVIT
Le temps de Les mystérieuses portes de l'au-delà^
l'épreuve est passé pour lui.
(1) Cf. supra, p. XXIV, et en outre les travaux d'A. J. Eestugière qui a été pour Fr. Cumont
un disciple de prédilection.
« Maisj même lors-
(2) Cf. dans la préface de juillet 1906 \supra, p. XX, note 1], p. XIV :
que nous nous posons en adversaires de la tradition, nous ne pouvons rompre avec le passé
qui nous a formés, ni nous dégager du présent dont nous vivons. A
mesure qu'on étudiera de
plus près l'histoire religieuse de l'Empire, le triomphe de l'Eglise apparaîtra davantage, pen-
sons-nous, comme l'aboutissement d'une longue évolution des croyances ».
(3) A
l'introït, Dîie exattdi ; au second Kyrie ; à la première reprise du Pie Jesu.
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Et-^
Ettig
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— XXXI I —
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présentés par divers savants à l'Académie des Inscriptions, 1909, XII, pp. 447-
470-
V. U. V. = Religionsgeschichtliche Versucheund Vorarbeiten, Giessen.
Van Gennep = Arnold Van Gennep, Manuel du Folklore français contemporain, I, Du
berceau à la tombe, Paris, 1946, 830 pp. in 8°.
Westrup =' C. W. Westrup, Ancestor Worship, I, Copenhague, 1944.
INTRODUCTION
Sans doute, tant y aura des hommes et que la médecine ne pourra leur
qu'il
assurer le perpétuel renouvellement d'une vigueur juvénile, se préoccuperont-ils
du grand mystère de l'au-delà. Mais jamais peut-être l'idée de la mort ne fut
aussi présente à l'humanité que durant les années que nous avons vécues. Elle
fut la compagne quotidienne de millions de combattants engagés dans une
de ceux, plus nombreux encore, qui trem-
lutte meurtrière, elle hantait l'esprit
blaient pour la vie de leurs proches elle est restée la pensée constante de
;
ceux que poursuit le regret d'un être aimé. Peut-être aussi, en aucun temps,
ne s'est imposée davantage, même aux incroyants, l'espérance ou la foi que
ces multitudes innombrables, pleines de force morale et de passion généreuse
qui soni" entrées dans l'éternité, n'ont point péri tout entières, que l'ardeur qui
les animait ne s'est point éteinte avec la chaleur de leurs membres, que l'esprit
qui les poussait au sacrifice d'eux-mêmes ne s'est pas dissipé avec les cellules
de leur corps.
Les anciens ont déjà connu ces sentiments et donné à cette même conviction
la forme que leur suggérait leur religion. Périclès dans son éloge funèbre des
guerriers tombés au siège de Samos, affirmait que ceux^qui meurent pour leur
patrie deviennent immortels comme les dieux, et, comme eux invisibles, manifes-
tent leur présence par les bienfaits qu'ils répandent i. Aussi bien, la foi des
Hellènes a souvent adoré comme des héros, ceux qui avaient péri en défendant
que l'on conçut, dans l'antiquité, de l'immortalité, sont
leur cité. Ainsi, les idées
souvent à la fois éloignées et très proches des nôtres. Elles deviennent de plus
en plus semblables aux conceptions qui nous sont familières, à mesure qu'on
surtout il est scabreux de vouloir définir en peu de mots l'infinie variété des
dispositions individuelles et rien n'est plus soustrait à l'observation historique
que ces convictions intimes que parfois on dérobe même à ses proches. Aux
époques de scepticisme des âmes pieuses s'attardent aux vieilles croyances et
une foule traditionaliste reste fidèle à ses dévotions ancestrales. Aux temps où
la religion reprend son empire, des esprits rationalistes ou sceptiques résistent
à la contagion de la foi. Il est particulièrement difficile de constater jusqu'à
quel point les idées adoptées par les cercles intellectuels réussirent à pénéti-er
les masses profondes du peuple. Les épitaphes conservées nous fournissent à
cet égard des indications trop clairsemées et trop discordantes. Puis, dans le
paganisme, un dogme n'exclut pas nécessairement un dogme opposé l'un et :
l'autre persistent parfois dans le même individu comme des possibilités diverses,
également autorisées par une tradition respectable. L'on apportera donc à mes
affirmations trop absolues les réserves qu'elles comportent. Je pourrai seule-
ment indiquer ici les grands courants spirituels qui successivement ont introduit
à Rome des idées nouvelles sur l'au-delà et esquisser l'évolution qu'ont subi
les doctrines sur le sort et le séjour des âmep. Combien chacune de ces doc-
trines comptait-elle de partisans aux diverses périodes, l'on n'attendra pas de
moi que je le précise. L'antiquité ne nous a pas laissé de statistiques cultuelles.
Nous pourrons du moins distinguer les phases principales d'une évolution intel-
lectuelle qui fit, le monde romain, passer au moins la majorité des esprits
dans
cultivé? d'abord de la foi à l'incrédulité, et plus tard de l'incroyance à une
foi nouvelle. Le nombre d'entre eux qui, au temps de Cicéron, restaient
fermement convaincus d'une survie consciente de l'âme, était aussi restreint
que le devint, au crépuscule du paganisme, celui des sceptiques inclinant à
admettre que. cette âme périssait au moment du décès. Tel fut l'aboutissement
suprême d'une longue évolution religieuse, que l'on peut suivre pendant les
INTRODUCTION 3
pour atteindre des espérances idéales dans un monde surnaturel. Notre pas-
sage ici-bas sera conçu- comme une préparation à une immortalité bienheureuse,
comme une épreuve transitoire, qui doit avoir pour résultat mie félicité ou une
souffrance infinies. La table des valeurs éthiques en fut bouleversée.
Toutes nos actions et nos pensées, a dit Pascal, doivent prendre des routes
«
si différentes selon qu'il y a des biens éternels à espérer ou non, qu'il est
impossible de faire xme démarche avec sens et jugement, qu'en la réglant par
la vue de ce point, qui doit être notre dernier objet » i.
Toutefois, si étudiant le problème capital de l'immortalité individuelle, l'on
tentait d'établir un parallèle entre le temps présent et l'antiquité, l'on s'aper-
cevrait bientôt qu'il se posait autrefois dans de tout autres conditions que de
nos jours. Nous ne faisons pas allusion à ces théories sur la constitution de la
matière qui font voir sous un aspect nouveau l'union de l'esprit et du corps.
Mais les spéculations des anciens sur le sort des âmes étaient étroitement unies
à une
conception déterminée du monde, que nous ne partageons plus. Les Grecs
ont agité la question de savoir si ce monde était éternel ou non^ et certains
ont cru sa vie formée de longues, périodes, de « grandes années » se repro-
duisant à l'infini. Ils ont imaginé un enchaînement perpétuel des causes qui,
de tout temps, aurait gouverné l'ensemble du cosmos et devait le diriger à
jamais 2. Mais ils n'ont eu aucune notion, même approximative, de l'ancienneté
de l'homme sur la terre ; leur imagination n'a jamais songé à des millions
d'années écoulées depuis l'apparition de la vie sur notre planète. C'est à peine
s'ils accordaient
quelques millénaires d'existence à notre espèce et les temps
1.
Prisées, III, 194 (t. Il, p. 103, Brunschvigg).
2. Définition de l'slfjiapjAévT) Cicéron, De divin,,
:
1, §s, 125.
4 LUX PERPETUA
étaient pour eux tout proches où les dieux se mêlaient encore à la société des
mortels. Si l'idée que se firent les anciens de notre condition humaine s'est
trouvée faussée par l'insuffisance de cette évaluation chronologique, elle l'a
été plus encore par la limitation exigiie de leur cosmologie, car leur eschatologie
s'est modelée sur celle-ci et en a épousé les contours. Or, à l'aurdre des temps
pable mais visible aux yeux ou un mélange d'air et de feu. Même les Plato,-
niciens, qui proclament immatérielle cette essence, enseignent qu'elle revêt
une forme, dès qu'elle descend des hauteurs célestes pour pénétrer dans notre
monde, et croient qu'elle s'entoure d'enveloppes éthérées ou aériennes avant de
venir s'enfermer dans un corps. Elle ne reste donc pas un pur esprit qui
échappe à la limitation de l'espace ; on ne peut dire d'elle., comme de l'âme
universelle, qu'elle n'est nulle part et est partout i. Elle voyage dans le monde
sensible et en habite successivement les diverses parties. Après la mort, elle
se transporte dans une région déterminée de l'univers.
Voyons donc comment est constitué cet univers^. Il est composé de quatre
éléments, dont le plus lourd, la terre, en vertu de sa densité même, est tombé
vers son centre et s'y est aggloméré en une sphère compacte, qui y reste
suspendue en équilibre sans se mouvoir. L'eau s'est répandue sur sa surface, y
2. Cf.Capelle, Die Schrift von der Welt {Neue Jahrb. f. d. Klass. Alterium, VIII),
—P. Duhem, Le système du monde. Histoire des théories cosmologiques, t. I
1905.
(1913) et II (1914).
— Gilbert, Die meteorologischen 'Cheorien des Griechischen Alter-
tums, Leipzig, 1907.
INTRODUCTION 5
a donné naissance aux rivières, qui se déversent dans les mers ou dans l'Océan,
lequel entoure cette île qu'est Voikoumenè, le continent habité par l'homme.
Ou bien ce principe liquide s'élève en vapeurs dans la zone inférieure de
l'atmosphère, qu'épaisissent les brouillards humides et où s'amassent les nuées.
Les deux autres éléments, moins pesants, ont pris place au-dessus des premiers.
L'air enveloppe le globe terrestre d'une couche mobile, continuellement agitée
par les vents par sa nature, il est sombre, quand la lumière des astres ne
:
l'éclairé pas. Troublé au voisinage de la terre par les exhalaisons des eaux, il
se purifie à mesure qu'en ses hauteurs il y échappe davantage ; et il s'étend
sept cercles superposés, d'où selon une opinion fort accréditée, il dirigeait la
course compliquée des « astres errants » et, réglant les révolutions des cieux,
commandait à toute la nature. Au-dessus de ce « cœur du monde » se mou-
vaient Mars, Jupiter et Saturne.Enfin embrassant les sept autres dans son
orbe immense, la sphère des étoiles fixes, était pour certains penseurs, le
moteur qui donnait le branle à tous les rouages de la mécanique céleste et
elle méritait d'être adorée comme le dieu suprême^ : cette sphère marquait
la limite du monde. Au-delà n'y avait plus rien pour les physiciens que
il
l'éther ou le vide. Mais les théologiens plaçaient dans cet Olympe astrono-
3. Cf. Cléomède, I,
11 ; Festugière, Les thèmes du Songe de Scipion (dans Eranos,
XLIV), 1946, p. 372 ss.
INTRODUCTION 7
douter que la réalité des choses est, par rapport à lui, dJoublement incommen-
surable, par son immensité comme par son exiguïté. S'ils ont un instant eu
l'intuition du système solaire, ils n'ont pas pénétré, ni même entrevue les mys-
tèresdu ciel stellaire, dont Herschel, au XYIIP siècle, commença de sonder
lesprofondeurs 1. Celles-ci n'éveillaient pas chez eux la pensée troublante d'une
étendue prolongée à perte de vue au-delà des plus lointaines nébuleuses que
nos instruments puissent atteindre. Le millier d'étoiles du catalogue d'Hip-
parque ne devint jamais pour eux des milliards et ils ne calculaient pas grâce
au spectroscope leur position en myriades d'années-lumière ; trompés par leur
magnitude apparente, ils n'avaient aucune idée de leur grandeur ni de leur
luminosité véritables. Le ciel pour leur astronomie, comme V oikoum^enè pour
leur géographie, étaient des termes dont l'ampleur restait infiniment au-dessous
de la réalité, et l'agilité de a raison, comme ils disaient, pouvait les parcourir
sans effort en un instant d'une extrémité à l'autre. L'énormité des constella-
tions n'était pas suivant leur estimation aussi écrasante que selon notre science
et leursdistances leur suggérait moins qu'à nous l'idée d'un éloignement tel,
que leur mesure dépasse la portée de notre imagination et que les chiffres
même qui l'expriment ne représentent plus rien de concevable à notre esprit.
Le télescope n'avait pas encore peuplé des gouffres que l'œil croyait déser-
tiques d'un fourmillement de mondes succédant aux mondes. En plongeant
leurs regards dans l'espace sans bornes, les anciens n'étaient pas saisis du
vertige des abîmes, ni écrasés par le sentiment de leur petitesse. Ils ne se sont
jamais écriés comme Pascal, méditant sur la disproportion de l'homme avec
la nature incommensurable et muette « Le silence étemel de ces espaces
:
richesses, les lois infaillibles qui gouvernent le cours des astres et le retour
constant des saisons, et cet ordre, comme cette beauté, étaient déjà invoqués
par eux, comme ils le furent souvent depuis, pour prouver l'existence d'un
Créateur 1, Mais
s'émerveillaient surtout de la splendeur des cieux illuminés
ils
C'était pour que croissaient les plantes, que naissaient les animaux, et que
lui
la nature multipliait ses dons, pour lui que tournaient les cieux et que le soleil
échauffait et illuminait l'atmosphère. Il n'est pas surprenant qu'égaré par
l'enivrement d'une telle puissance, son orgueil lui ait parfois persuadé qu'il
était le seul être intelligent de l'univers et que, détrônant les Olympiens, il se
soit proclamé fièrement athée (àOsoç). Pour nous, notre terre n'est plus dans
l'immensité qu'un grain de sable emporté dans un tourbillon; le pullulement de
notre espèce est la multiplication d'animalcules infinitésimaux, la prolifération
d'une poussière vivante et son apparition sur notre planète un incident futile,
coinme le serait sa disparition, dans l'évolution totale du cosmos. Et nous ne
pouvons plus croire sans déraison que le don sublime de l'intelligence n'ait
été départi par un privilège unique qu'à un être aussi infime, ni même admettre
sans une étrange présomption que la vie ne se soit manifestée nulle part sous
une forme plus parfaite et plus durable dans des conditions moins instables,
que celles où notre organisme lutte pour une existence éphémère.
« Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre que vous n'en rêvez dans
La foule vulgaire n'était point aussi favorisée. Mais un fond d'idées tradi-
tionnelles maintenait pour elle la croyance à une rétribution posthume dans
:
les Enfers un jugement concédait aux justes les joies très matérielles des
Champs-Elysées, et punissait les coupables des supplices du Tartare. Cet Hadès
était encombré de légendes si absurdes, qu'elles étaient une victime désignée
et pénétra même avec la force des idées simples et absolues dans les couches
profondes de la population. C'est elle, plus que tout autre, qui depuis l'époque
de Cicéron, répandit à Rome le scepticisme et fit même nier toute survie
individuelle.
monde. L'iépicurisme, pour lequel le genre humain était une création aveugle
du tourbillon des atomes, renda,it incompréhensible pour chacun sa propre
existence ; il n'apaisait pas l'inquiétude qu'éveillait la persuation d'être livré
à une fatalité sans intelligence et sans pitié. En outre, le bonheur purement
négatif qu'il promettait, en représentant la mort comme la fin de nos
misères, paraissait bien pâle à côté de la félicité radieuse dont ses adversaires
'
faisaient luire l'espérance. Toutes les raisons qui, à travers les siècles, ont
alimenté la foi en une existence d'outre-tombe, conduisirent les anciens à
modifier sans cesse leur doctrine de l'immortalité pour essayer de l'adapter à
la science, toujours illusoire, de leur époque, et à remplacer par des formel
nouvelles de survie celles qui semblaient inacceptables et désuètes.
Fantômes exténués végétant dans la nuit du tombeau, ombres insaisissables
descendues dans les cavernes profondes de la terre, âmes plongées dans l'abîme
ténébreux de l'hémisphère invisible, souffles ignés entraînés par les vents à
travers l'atmosphère, démons lunaires nourris des vapeurs s'élevant d'ici-bas,
essences rationnelles au soleil qui les a créées, ou remontant à
retournant
travers le ciel étoile versl'Empyrée, d'où elles sont descendues, toutes ces
conceptions, qui partent de la foi naïve d'une époque archaïque pour aboutir
aux plus hautes spéculations religieuses, marquent l'effort incessant des pen-
seurs pour mettre la vie future d'accord avec la psychologie et la cosmologie
qu'ils professaient.
Mais dans paganisme, qui ne connaît point d'orthodoxie théologique, une
le
la conservation, même quand des conceptions plus avancées se sont fait jour.
Comparables à ces organes atrophiés qui subsistent dans les corps évolués sans
y remplir aucune fonction, les gestes traditionnels se réduisent à n'être plus que
survivances dont la valeur première s'est perdue. L'expression de doctrines
hétérogènes, étrangement accolées, se rencontre parfois dans xme même épita-
phe, où. seule une interprétation symbolique peut en atténuer la contradiction.
Ainsi, l'histoire de l'idée d'immortalité chez les Romains est moins celle de
l'évolution d'un concept, que celle d'apports successifs qui se sont déposés sur
un fonds primitif, comme les sédiments qui forment les stratifications géologi-
ques d'un terrain. C'est xm ensemble smgulièrement complexe de croyances et
point fixe entouré par les cercles mouvants des cieux, pour devenir une pauvre
planète tournant autour d'un astre, qui lui-même se meut dans l'immensité
insondable parmi une infinité d'autres, l'idée naïve que les anciens avaient conçue
du voyage des âmes dans un monde étroitement borné devint inacceptable et
le progrès de la science en discréditant la solution erronée que nous avait léguée
I.Nature et survivance de l'âme Les idées exposées par Rohde, Psyché, ont été cri-
:
tiquées par Otto, Manen (igz-],); cf. Niisson, Gr. Rel., I, p. i6os. R.E., s. v. «Manen»,
;
assises premières, des sédiments successifs et des alluvions récentes. Dans les
religions antiques rien ne se détruit brusquement et les transformations ne sont
jamais révolutionnaires. La foi du passé n'est pas entièrement abolie, quand
se forment de nouvelles façons de croire. Aucune théologie ne formulait alors
le credo d'une orthodoxie canonique, hors de laquelle tout était erreur. Des
opinions contradictoires pouvaient coexister longtemps sans qu'on fût choqué
de leur désaccord, et c'est peu à peu, lentement, que le raisonnement excluait
les unes au profit des autres, non sans qu'il en subsistât dans les esprits et dans
les mœurs des survivances tenaces. Si des novateurs, devançant leur temps,
s'affranchissaient des préjugés généralement reçus et sanctionnés par une
longue tradition, des retardataires s'attachaient obstinément à des croyances
discrédités et rejetées par tous les esprits éclairés. Ainsi, la foi en la vie future
qui avait cours à Rome, se présente comme un amalgame singulier où des idées
naïves,remontant à l'époque préhistorique, se mêlent à des théories scientifiques
importées tardivement en Italie. Le métissage de la population, qui résulta de
l'émigration et de l'esclavage dans un empire unifié et pacifié, y fit vivre côte
à côté des hommes de races diverses et d'un niveau de culture très différent ;
par suite, aux conceptions philosophiques d'une civilisation raffinée se mêlaient
dees souvenirs de la sauvagerie primitive. Un synchronisme apparent dissimule
la coexistence de croyances d'âges très éloignés dans le temps.
Considérons d'abord la plus ancienne de ces diverses manières de se figurer
la survie dans l'au-delà. L'ethnographie a démontré que chez de nombreux
peuples a régné et règne parfois encore la croyance que les morts continuent
à vivre dans le tombeau. Le peu que les fouilles archéologiques nous ont appris
sur les conceptions religieuses des tribus diverses qui peuplaient l'Italie,
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES IS
force qui avait été sienne. Cette force devait se conserver pendant une durée
indéterminée ou même ancienne et la plus grossière est
infinie. L'idée la plus
que le cadavre même n'était pas dépourvu d'une sensiblité obscure, qu'il ne
il croit devoir combattre cette illusion invincible des hommes, qui, tout en
affirmant que la mort .supprime tout sentiment, gardent ime inquiétude secrète
des souffrances que leur dépouille sera sujette à endurer et s'apitoient sur leur
propre sort à l'idée qu'elle pourrait être dévorée par les vers ou par les cair-
nassiers « Ils ne peuvent se séparer d'elle, ils ne se distingent pas de ce
:
ce vœu
appartenait-il au formulaire des prières que l'on prononçait sur la tombe
et son emploi rituel en a-t-il assuré la persistance, même lorsqu'on eut cessé
mêmes des assistants. On en arriva ainsi à penser que ces trépassés qu'on
^
revoyait en rêve et qu'on croyait parfois sentir près de soi, qu'on gardait au
corporelle
—
le feu du bûcher la libérait mais elle continuait à habiter le
;
épitaphes, écrivains
les persistent ainsi à parler d'ensevelir dans le sépulcre
l'âme, l'ombre, les Mânes de celui qu'on y dépose et leur langage exprime
encore, presqu'à leur insu, l'antique croyance qu'on y enfermait, avec le cada-
vre, quelque chose de vivant". Encore au v^ siècle de notre ère la superstition,
populaire gardait la conviction qu'on pouvait emprisonner une âme, non seu-
lement dans la tombe, mais dans une urne cinéraire .
1. Cf. N. C, I.
2. Taylor a fait de ces visions oniriques la source de la croyance a l'immortalité,
et sans doute a-t-il exagéré, mais elles restèrent toujours une des raisons que l'on invo-
qua en sa faveur, cf. -infra, ch. I, 4.
3. Properce, IV, 5, 3 ; cf. VirgUe, En., III, 68.
4. Pline, H. N., XVI, 44, 234 ;
cf. Tite-Live, XXXVIII, 53 et OttOj Manen, p. ^j.
5. Muzzioli, Studi e materiali di st. délie relig., 1939,
XV, p. 42. Cf. Quint., Declam.
X, 7, infra, p. 22, n. i.
i8 LUX PERPETUA
d'une âme dont la nature restait vague et flottante pour ceux-là même qui en
admettaient l'existence, car leurs conceptions furent, dès l'origine, complexes
et multiples ^ Mais certainement cet esprit désincarné, quelles que fussent ses
chent à ce culte des ancêtres qui leur appartient à tous et est intimement lié a
la religion familiale et à la division de la société en gentes. Fustel de Cbu;-
langes qui, le premier, a mis ces faits en lumière, en a conclu déjà que les Aryens
1. Rohde, Psyché (tr. fr.) pp. i8i, 193, 323 ss. — Cf. infra, p. 22, n. 7.
2. Van Gennep, pp. 656, 776, 785 ss.
3. Cf. Nilsson, Gr. Rel., p. 50 ss. ; p. 178 ss.
4. Schrader-Nehring. s. v. « Ahnencultus », t.
I, p. 18 ss. ; Hastings, Enc, s. v.
« Ary an. religion ».
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 19
certains d'entre ces peuples, des textes du XVF siècle prouvent encore la per-
sistance de coutumes mortuaires qui, jusque dans leurs détails, sont semblables
à celles usitées primitivement en Grèce et à Rome~. Même en dehors des popu-
lations de race aryenne, en particulier chez les Sémites, les cérémonies célé-
brées en l'honneur des morts offrent aussi dans leur ensemble une similitude
remarquable avec celles dont les Hellènes et les Italiques avaient conservé la
tradition '\ parce qu'à un certain stade de civilisation, l'on se fit de la condition
des défunts une idée semblable et l'on peut, dans ce sens limité, parler de
l'universalité d'un même culte des morts.
La comparaison des rites funéraires accomplis ainsi par l'humanité presque
entière en éclaire la signification elle montre qu'ils s'inspirent presque partout
:
des mêmes sentiments. Les manifestations de la piété envers les disparus procède
de la crainte plutôt que de l'espoir, d'une aversion, autant que d'une affec-
tion, car les défunts &ont enclins au ressentiment et prompts à la vengeance, si on
les offense ou les néglige*. On appréhende cette force inconnue qui est en
eux, cette puissance mystérieuse qui les fait agir. Si le cours de leur existence
terrestre a été subitement interrompu, surtout s'ils ont péri avant l'âge, on
soupçonne qu'ils ont été victimes de quelque maléfice^ s*ils ont succombé à
;
une longue maladie, c'est par suite d'une invasion d'esprits malfaisants, pro-
voquée par des sortilèges. On redoute toujours le ressentiment ou la malveil-
lance de ceux qui ont été arrachés à leur foyer et à leurs habitudes ils ;
envient, croit-on, les survivants qui voient encore la lumière et jouissent des
biens dont ils sont privés. Dans de nombreuses contrées des deux iiémisphères
on a constaté cette attitude des sauvages envers les trépassés, qu'ils s'ingé-
nient, par tous les artifices en leur pouvoir, à tenir éloignés deux-mêmes et
à bannir de leur demeure. La crainte des morts a été
l'inspiratrice fécondei
.
de rites infiniment variés, précautions prises pour déjouer la malignité astu-
cieuse d'esprits irritables ou pour apaiser leur ressentiment et se concilier leur
bienveillance secourable.
III.
63 : « Maues placari saçrificiis ne noceant ».
5- Cf, infra, ch. vii (morts prématuréesj.
20 LUX PERPETUA
les femmes
s'arrachaient les cheveux, s'égratignaient les joues, se frappaient la
purent détruire une couutme millénaire, regardée comme un devoir envers les
disparus. Les cantilènes attristées et les hurlements aigus des parents et amis,
comme l'emploi de « vocératrices » professionnelles, se sont maintenus dans
plusieurs provinces françaises jusqu'au XIX^^ siècle'. Aujourd'hui encore en Corse
et dans bien d'autres régions de l'Europe et de l'Asie, lorsqu'une vie s'est
complainte funèbre^.
1. Eugen Reiner, Die rituelle Votenklage der Griechen, Stuttgard, 1938 M. Cramer, j
Die 'Cotenklage bei den Kopten (Sitxungsb. Akad. Wien, tome 219, 2) 1.941 (compa-
raison avec les autres peuples).
2. Ernst Samter, Geburt, Hochzeit und Zlod p. 703.
1922, p. 199.
4. Horace, Odes, II, 20, 22 ; Cicéron, De leg., II, 59 ; Lucien, De luctu, 19. Cf.
Lattimore, p. 178 s.
5. Sarc. des Haterii avec les praeficae Rushford, J. R. S., 1915, V, p. 149.
: Rei- —
nach, R. R., II, 240 (Cluny), III, 45 (Florence).
6. Cf. Jean Chrysost., Homil. in loh., LXII, 4 (P. G. LIX. 346 ss.); In epist. aà
Hebraeos hom. IV (P. G., LXIII, 42 s.) ; In epist. ad Corinthios homil. XII (P. G.,LXI,
106) ; Julien, Epist., 136 (p. 197, 9).
7. Cf. Van Gennep, p. 668 s., 679 ss.
8. En Grèce Schmidt, A. Relgw., 1926, XXIV, — En Corse
— Chez p. 294 ss.
— Enciclof-
: :
Italiana, s. v. « Vocero » (XI, 517, 525). les Slaves, infra N. C. IL Dans les
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 21
accueilli dans le sein de la Terre mère, il devait mourir en contact direct avec
elle. Ainsi seulement, il pouvait être admis immédiatement dans le séjour sou-
chez les Germains d'outre-Rhin'', et, en Bretagne, il s'est conservé jusqu'à nos
jours*. Les Irlandais l'ont même transporté aux Etats-Unis où ils continuent
à célébrer leur Iris wake alcoolique.
poir d'obtenir leur protection ont eu une part dans la naissance et dans le
maintien de ces pratiques, mais celles-ci furent inspirées surtout, nous le
disions, par la peur que causaient preuve en
les esprits, et la est qu'elles étaient
les mêmes pour tous les trépassés indistinctement, qu'on les eût chéris ou
détestés .
1. Servius,> En., XII, 395 « Ut extremum spiritum redderent terrae ». Cf. Dieterich,
:
esprits de ceux qui n'ont pas été ensevelis selon les rites souffrent dans l'autre
vie. La
privation de sépulture est un crime inexpiable commis envers ses
parents, une peine redoutable infligée par le droit pénal, une malédiction qui
menace tous les hommes. Car de l'accomplissement exact des cérémonies consa-
crées dépend le repos dans l'au-delà. Sans doute les formules liturgiques qu'on
prononçait avaient- elles le pouvoir de fixer l'ombre dans le tombeau '. Si le
mort n'y a pas été déposé suivant les formes prescrites par la tradition, son
âme est condamnée à rôder sans trêve sur la terre, larve maudite et perni-
cieuse, fantôme inquiet et inquiétant, qui se venge sur les survivants des maux
que ceux-ci qu'invoquent les magiciens comme des démons
lui ont infligés et
redoutables^. Les esprits des naufragés qui périssent en mer vaguent à la
surface des flots ^, et la croyance vulgaire veut qu'ils deviennent des mouettes
voletant çà et là*. On redoute surtout d'être dévoré par les poissons, ce qui
exclut toute possibilité de funérailles décentes *. L'absence d'un enterrement
convenable était ainsi considérée comme une source de tourments infinis pour
les disparus comme pour les survivants. C'était un devoir pieux que de jeter
quelques mottes sur un cadavre abandonné et la charité commandait au passant
le plus presséde s'arrêter devant les restes d'un inconnu pour déposer sur lui
une poignée de glèbe*. Les pontifes, qui se croyaient souillés par la rencontre
d'un cadavre, ne pouvaient cependant, s'ils trouvaient un corps gisant sur le .sol,
le laisser non inhumé''. Ensevelir les morts est resté dans l'Église une œuvre
de miséricorde. L'abandon suprême était le pire des châtiments que dans les
imprécations on souhaitait à ses ennemis**. Il provoquait chez les croyants une
auxiété comparable à celle que leur cause aujourd'hui le refus des derniers
1. Cf. Quititilien, Déclam., X, 7 : Ombre enfermée dans le tombeau par une incan-
tation magique.
2. Jobbé-Duval, of. cit. ;
André Parrot, Malédictions et violation des tombes, 1939,
p. 150 ss.
3. Achill. Tat., Sénèque, Cons. Helv., XIX, 4 ss. Edm. Leblant, Mém. Ac.
XVI, i ;
sacrements. La loi dans les cités grecques comme à Rome privait souvent de
sépulture les suicidés et les suppliciés dans l'espoir que l'appréhension d'un(
sort misérable dans l'au-delà pourrait détourner les désespérés et les criminels
*
de leur funeste dessein Parfois elle défendait seulement que le coupable fût
.
enseveli dans sa patrie 2, peine presque aussi terrible, puisque ses Mânes ne
pouvaient ainsi recevoir les offrandes de ses proches. Aussi, lorsque quelque
accident ^faisait périr à l'étranger un voyageur, un soldat, ou un marin en mer,
ramenait-on, quand on le pouvait, le corps dans son pays natal. Si c'était
impossible on lui élevait au moins un cénotaphe et l'on appelait à haute voix
trois fois le mort par son nom, afin qu'il vînt habiter la demeure qu'on lui
avait préparée^. Lorsque la crémation se généralisa à Rome, le vieux droit
pontifical imagina un autre subterfuge pour que les anciens rites pussent être
accomplis on coupait un doigt au cadavre porté au bûcher et l'on jetait troiis
:
ou inhumée, dévorée par les vers ou par les corbeaux. Pourquoi périr au loin;
serait-il une infortune ? Il n'y. a de patrie que pour les vivants la terre ;
entière est la demeure des morts ^. Mais la fréquence même avec laquelle
ces lieux communs étaient répétés dans les écoles, prouve combien étaient
tenaces les préjugés qu'ils prétendaient déraciner. Les appréhensions irrai-
sonnées qu'inspirait la privation de sépulture subsistèrent jusque sous l'Empire,
non seulement dans la foule crédule, mais encore dans les classes les plus
éclairées. On en trouve des preuves dans le souci extrême que prennent ceux
3. Saglio-Pottier, s. v. «Funus»,
III, ;
1936.
— Funérailles 218,11.
fictives en Bretagne
fr.,p. 179,11. 5).
: Van Gen-
Jiep, p, 819.
4. Infra, N. C, I.
5. Sénèque, Dial.,ïK, 14, 3 ; Cic, Vusc, I, 43, 102.
6. Philon, De losepho, 5 (IV, 66 Cohn). —Sénèque, Epist., 92,34s.; Remed. fortuit, lïl,
2, 3. — Lieu commun de la philosophie, cf. Lucrèce, III, 870 avec la note de Heinïse
(p. 169).
24 LUX PERPETUA
Dessau, 8178 ss. Cf. Parrot, o-p. cit. \_su-pra, p. 22, a. 2].
1.
CIL, XIV, 21 12
2. =
Dessau, 7212.
3. Edmond Leblant,
Les martyrs chrétiens et les supplices destructeurs des corps
(Mém. Acad. Inscr., XXVIII, 2 (iSy^), p. 75-95) ; Cabrol-Leclerq, s. v. «Ad Sanctos »,
p. 479. Cf. p. ex. CIL, V, 5415
=
Diehl, 3863, cf. 3845 n. ; Princeton exped., Prentice,
Greek inscr., III B, 2, p. 106.
4. Lawson, Modem greek folklore, p. 403.
5. "Wiesner, Das altgriechische Votenhaus {A. Relgw., 1938, XXXV, p. 314 ss.).
Sarcophage de Simpelveld.
La morte étendue sur sa couche, devant elle reproduction de sa villa.
Sarcophage de Simpelveld.
Le mobilier ornantla chambre de la défunte.
24 LUX PERPETUA
l'avons vu (p. 15), bien au-delà de la fondation de Rome. Les nécropoles pré-
Dessau, 8178 ss. Cf. Parrot, o-p. cit. [swpra, p. 22, n. 2].
1.
3. Edmond Leblant,
Les martyrs chrétiens et les supplices destructeurs des corps
(Mém. Acad. Inscr., XXVIII, 2 (1875), p. 75-95) Cabrol-Leclerq, s. v. «Ad Sanctos »,
;
p. 479. Cf. p.
ex. CIL, V, 54x5 == Diehl, 3863, cf. 3845 n. Princeton exped., Prenticc,
5
Sarcophage de SiiMpelvei-d.
la chambre de la
Le mobilier ornant défunte.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 25
historiques du premier âge du fer, rappelons-le, ont fourni une quantité d'urnes
cinéraires imitant les types divers des cabanes où s'abritaient les tribus qui
peuplaient
alors la péninsule 1. D'autre part, hypogées grandioses des
les
Étrusques sont souvent disposés selon le plan de leurs demeures, et tous les
visiteurs de l'antique Caeré auront gardé le souvenir de cette « Tombe des
stucs » où sur les parois sont représentés en relief les ustensiles domestiques
qui,
dans la réalité, étaient accrochés au mur des habitations. Les Celtes, en
Gaule et hors de la Gaule, ont, au moins depuis le IV^ siècle avant notre ère,
sculpté des stèles funéraires en forme de maison et y ont déposé les cendres
du mort, qui était censé s'établir à jamais dans cet étroit espace, image réduite
de son ancien domicile 2. Une curieuse découverte faite récemment à Sim-'
avec sa vaisselle rangée sur une table et sur un dressoir en face, se voit en
;
pagation des cultes orientaux, à cet égard comme à plusieurs autres, revivifia des
croyances archaïques. Le nom de « maison éternelle » domtis aeterna^ ^
emprunté aux Égyptiens aux Sémites, apparaît fréquemment clans les ins-
et
1. A. Grenier, o-p. cit.[supra, p. 15, n. i], p. 79 ss. Von Duhn, op. cit., p. 213 ss.,
319 ss.et passim. — Gisela Ricnter, Bull. Metropol.
;
filles*. Le sépulcre
n'est donc pas un lieu de passage, que l'âme traverse sans
s'y fixer pour se rendre dans une autre région du monde il reste à jamais ;
sa résidence. « Ceci, dit une inscription, est notre demeure certaine, celle que
nous devrons habiter » '\ Dans l'Enéide on voit les Troyens élever à Poly-
dore, dont on n'a point les restes, un cénotaphe et y ensevelir son âme
{ardmaîn sepulcro condimus) en lui offrant un sacrifice et en l'appelant à
haute voix^. Car, celui qui n'a point de tombeau devient un esprit vagabond,
un gueux sans abri. Au contraire, lorsqu'on bâtit au défunt un beau monu-
ment, il est heureux de pouvoir y offrir l'hospitalité au passant et il l'invite
à s'y arrêter *.
La conviction que l'esprit des trépassés continuait à résider dans le tombeau
explique seule le souci que l'on avait de lui assurer dans ce séjour inconfor-
table toutes les commodités possibles. « Il est contraire au bon sens, dit
Trimalcion dans le roman de Pétrone^, d'orner les maisons des vivants et dei
ne point donner les mêmes soins à celle que nous devons habiter plus long-
temps. » Parfois on se représente l'ombre logée dans une chambre à coucher
où elle dort un sommeil sans fin mais ce n'est point là l'idée primitive ni
;
croyances ni aux rites de la préhistoire (p. 15). Si c'est un guerrier, on lui don-
nera les armes qu'il portait, un artisan, les outils "qu'il maniait, une femme,
pp. 529-788. Saint Basile, Homil in divites, 9 (P. G., XXXI, p. 303 B) proteste contre
l'habitude d'enterrer les cadavres avec des vêtements de prix.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 27
ont le pouvoir d'écarter les maléfices. De fait, c'est des tombeaux que pro-
qui
viennent la majeure partie des objets d'ameublement et d'usage domestique que
conservent nos musées, et sous le climat de l'Egypte, ils ont pu parfois nous
livrer intact quelque précieux volume, qui était devenu le livre de chevet de
la momie.
Ainei,une coutume funéraire, dont l'origine se perd dans la nuit des temps,
resta en vigueur jusqu'aux derniers, jours du paganisme, auquel elle devait
même une sorte de supercherie inspirée par un souci
survivre. Cependant, par
d'économie qui ne paraissait pas sacrilège, on enfermait parfois dans la tombe
au lieu des objets réels des imitations impropres à tout usage pratique. Des
ombres pouvaient se satisfaire de pareils simulacres et ces fictions décevantes
n'enlevaient pas leur foi aux auteurs de ces fraudes pieuses ^.
Leurs illusions résistèrent même, nous l'avons vu (p. 1 5 ), à la substitution de l'in-
cinération à l'inhumation et le fait qu'il ne restait du défunt que des ossements
calcinés n'abolit pas la croyance qu'il continuerait à se servir de ce qui l'entourait
précédemment sur la terre. Les tombeaux ne nous ont gardé qu'une faible partie
de ce qu'on offrait à ceux qui quittaient ce monde, car souvent on livrait avec
eux leur garde-robe ou leurs ustensiles à la flamme du bûcher, dans la persua-
sion qu'ils les retrouveraient ainsi dans l'au-delà ^ Un mari, raconte Lucien*,
chérissait si tendrement sa femme que, quand il la perdit, il fit brûler avec elle
tous les vêtements qu'elle se plaisait à porter mais il avait oublié une de ses
;
L'antique croyance que les Mânes élisaient domicile dans le tombeau, dont
le vieux droit pontifical leur reconnaissait la propriété^, devait survivre à la
destruction et au morcellement de l'empire. L'on pourrait multiplier les preuves
de la persistance tenace d'im sentiment instinctif que ne fit pas disparaître une
^
foi nouvelle. Grégoire de Tours raconte que près de cette ville, deux tombes
laissées à l'abandon passaient pour avoir été celles de vierges consacrées à Dieu.
1. Fuhrmann, J.A.L, Ans;eiger, 1941, 529 ss. ; Àccad.rom.arch., 1941, XVII, p. 236SS.
Rochette, /. c, p. 688 ss.
2. ;
cf. infra.
3. Lucien, De luctu, 14. Cf. infra, III ; Dessau, 8379, 50 ss. Sur de telles appa-
ritions ; cf. infra, IV.
4. Lucien, Phîlo-pseudès, 27 ; cf.
Hérodote, V, 92.
5. Digeste, XI, 7, 4 :
6.
Grég. de Tours, De gloria conf., 18 ; cf. Saint Augustin, su-pra, p. 26, n. 5.
28 LUX PERPETUA
La mentalité primitive a cru les morts soumis à toutes les nécessités de l'être
vivant. Dans l'étroit logis qu'ils habitent ils continuent à réclamer les. soins
qu'on leur accordait dans la demeure spacieuse dont ils étaient les maîtres en
ce monde et un devoir impérieux commande de les satisfaire, lorsqu'ils l'ont
mérité ^. Avant tout, on doit offrir aux défunts des aliments 2, car comme le corps
humain, le simulacre qui le remplace a besoin de nourriture pour subsister ^
Sa vie débile et précaire ne se prolonge que si elle est constamment sustentée.
Les morts ont faim, et surtout ils ont soif. Ceux dont toutes les humeurs sont
taries, s'est desséchée, sont torturés par le t^esoin de rafraîchir
dont la bouche
leurs lèvres parcheminées^. Ce n'est donc point assez de placer une seule fois
dans la tombe des boissons et des mets, dont on a fréquemment retrouvé les
restes à côté du squelette *, il faut encore par des sacrifices périodiques fournir
aux Mânes des aliments frais. Privés de nourriture, ceux-ci languiraient sans
énergie comme un homme à jeun, et resteraient presque sans connaissance ; à
la longue ils mouraient une seconde fois et définitivement d'inanition. C'est
pourquoi, dans ce genre de sacrifice, la chair des victimes était entièrement
consumée par le feu, sans que rien en fût réservé aux assistants. La foule resta
toujours persuadée que les offrandes brûlées sur l'autel ou les libations versées
sur la fosse étaient consommées par celui à qui on les destinait". Souvent on
trouve la dalle tumulaire creusée d'une cavité dont le fond est percé de trous :
le
liquide qu'on y versait, traversant la plaque perforée, était conduit par un
tube jusqu'au squelette couché dans la fosse ou jusqu'à l'urne contenant les
ossements calcinés ^
. On comprend qu'un incrédule ait, dans son épitaphe, pro-
testé contre cette pratique « .
En : mouillant ma cendre de vin, dit-il, tu feras
de la boue et mort je ne boirai pas » '. Mais combien d'autres textes montrent
la persistance des anciennes idées « Passant, dit une inscription romaine,
:
les ossements d'un homme te prient de ne point souiller le monument qui les
couvre mais si tu es bienveillant, verse le vin dans la coupe, bois et donne
;
m'en » ^ .
4. La coutume d'offrir de l'eau au mort est très répandue Rohde, Psyché, tr. fr., :
199, n. I j Schmidt, A. Relgw.^ 1926, XXIV, p. 314; Sartori [op. cit.], p. 16; Eitrem,
L c. \su-pra, p. 29, n. 4]; Dussaud, R.H.Rel., 1932, CV, p. 282 s.
5. Brinkmann, Zeitschr. f. Âgyptische Sfrache, igi2, CV, p. 69-75.
6Servius, En., III, 67.
7. Fr. Schwenn, Die Menscheno-pfer hei Gr. und Rômern (Rel. V. u. V., XV, 3), Gies-
sen, 1915, p. 59.
8. Ainsi cliez les Scythes Hérodote, IV, 68.71 ; chez les Thraoes
:
Ibid., V. 5 en :
;
Chez les Mongols ces immolations collectives furent encore pratiquées aux funérailles de
Gengis-Khan, en 1227.
19. Symbol., pp. 405, 439 ;
cf. infra, ch, vn.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 31
ou à son défaut d'autres ennemis devra apaiser l'ombre d'une victime qui
réclame vengeance L'idée originelle de la vendetta n'avait pas entièrement
1^.
disparu à l'époque historique. Philopoemen ayant été mis à mort par les
Messéniens, les Achéens firent à ce héros national de splendides funérailles et
lapidèrent sur la tombe des prisonniers ennemis 2. Lorsque Octave, après la
prise de Pérouse, fit mass,acrer trois cents notables sur l'autel de César aux
Ides de Mars, jour anniversaire de son assassinat 3, ce carnage collectif inspiré
la chevelure, qui est une pratique observée chez des peuples très divers, était
déposer des mèches de cheveux sur le cadavre ou sur le tombeau'' et son exis-
tence même est douteuse à Rome^.'
Les Étrusques pratiquaient en Italie l'immolation de victimes humaines sur
la sépulture'.. Mais la cruauté de cette tuerie affreuse la fit remplacer par des
0?- cit. [p. 30, n. 7], p. 84 ss. ; Loisy, Sacrifice, p. 161 ; Nilsson, Relig. Gr., I, p. 166 ss.,
Hastings, s. v. « Death
cf-
125 ss. ;
», p. 43 i Meuli, p. 205.
;
6. Selon
Denys d'Halie, XI, 39 aux funérailles de Virginie, les femmes déposent sur
ia^
couche mortuaire TtXo/.'jj.'t)v àTcoy.etp'jj-Evai SooTpû/ooç Cf. Ovide, Héroïdes, l. c.
7- Mûller-Deecke, Die Etrusker, II, 1877,
p. 223 ; Pfeiffer, S. A. M., 1934, Abh. 10,
P- 12 ss.
32 LUX PERPETUA
emprunta à l'Étrurie ces jeux inhumains, qu'elle devait au cours des siècles
faire adopter dans presque tout le monde ancien et qui y multiplièrent la cons-
truction de vastes amphithéâtres pour des spectacles offerts à des foules
innombrables. Ils furent pour la première fois célébrés modestement en 264,
aux funérailles de Junius Brutus, où ses neveux mirent aux prises trois paires
de champions ^. Leur exemple fut suivi et ces combats funèbres prirent bientôt
une ampleur fastueuse mais l'on n'exigea plus que ce fût une lutte à mort,
il suffisait que le blessé humectât la terre de son sang, tant on avait conscience
qu'en abreuver l'ombre était le but essentiel de ces duels institués en faveur
des défunts.
Le sang, en effet, fut regardé chez tous les peuples de l'antiquité comme le
siège de la vie^ : la vapeur, qui s'élevait du liquide tiède et vermeil coulant
d'une blessure mortelle, était l'âme qui s'échappait du corps avec lui. Aussi ce
corps restait-il inconscient et inerte, tant que cette liqueur psychique lui man-
quait, et en la répandant sur le tertre ou la pierre, qui recouvrait la dépouille
d'un parent ou d'un ami, on communiquait à celui-ci une vitalité accrue *. Pour
le même motif, les femmes avaient coutume, en signe de deuil, de se lacérer
pelage noir s'étaient presque partout substitués aux homicides rituels ^ Ils durè-
rent jusqu'à la fin du paganisme et même ils lui survécurent. L'antique croyance
que le
sang aux défunts se conserva en certains pays avec
frais était nécessaire
une ténacité persistante. Encore au VIP siècle de notre ère, en Syrie, les chré-
tiens s'obstinaient, malgré les objurgations des, évêques, à immoler sur les
tombeaux des taureaux et des moutons et en Arménie, où ces coutumes furent!
'
sanctionnées par le clergé national, les fidèles restèrent persuadés que les tré-
passés souffraient dans l'autre vie, si aux jours fixés par la tradition, on n'avait
2. Varron chez
Servius, En., III, 67, cf. X, 519.
3. Pour Rome,
cf. Servius, En., III, 68 ; II, 352 ; V, 79 ; VI, 221.
pas fait couler pour eux une effusion tonique'. L'islam n'a pas extirpé
ces
vieux rites païens, et les Bédouins continuent à égorger des brebis sur la sépul-
ture à peine fermée, afin que le 4éfunt en reçoive la chaude aspersion, et ils
préparent sur place la victime, dont la chair est distribuée aux assistants 2.
Les autres libations qui sont traditionnelles dans le rituel funéraire des.
Grecs comme des Romains, doivent produire un effet semblable ce sont celles :
coule dans nos veines, on en pourrait citer mainte preuve, mais son usage
funéraire peut s'expliquer par sa propre vertu. Il est la liqueur merveilleuse
qui donne les mystères assure l'immortalité à ceux qui,
l'ivresse divine et dans
grâce à lui, Bacchus, Il pouvait vivifier de même les
sont possédés par
Mânes à qui on Le versait., La mystique dionysiaque est sans doute inter-
venue ici pour magnifier la valeur religieuse attribuée à l'usage liturgique du
fniit de la vigne ^.
Les anciens se sont pareillement attachés à expliquer le choix des autres
libations : le melikraton, le mélange de lait et de miel,
selon les Grecs, est,
a-t-on fait observer, comme nectar et l'ambroisie, la nourriture des dieux ;
le
et si les morts s'en rassasient, ils deviendront pareils aux immortels. Mais
d'autre part le lait est la nourriture des nouveaux-nés ; par suite on le don-
nera à ceux qui ont obtenu la renaissance à une vie éternelle. Le' miel a des
propriétés antiseptiques, il assure la conservation des corps que l'on en
enduit, ce qui suggéra, dit-on, l'idée qu'il prolongeait l'existence des ombres
qui l'absorbaient^. Ou encore la suavité du miel le rendait propre à adoucir
l'âpre rigueur des dieux infernaux, à apaiser l'animosité amère des esprits
1.
Conybeare, Rituale Armenorum, 1905, p. 54 ss., 67 ss. En Mingrélie :
Chardin,
Voyage en Perse (Amsterdam, 171 1), I, p. 224 s.
2. '
Loisy, Sacrifice, p.i6is.,p.i72.
K. Kircher; Die sakrale Bedeutung des Weines (Relig. V. u. V., IX), Giessen, 1910,
p.
3.
12 s. —Les libations de vin sont souvent mentionnées dans les inscriptions C. E. 439, :
I
CHAPITRE I. — LEO VIEILLES CROYANCES J5
religieusesde notre race '. Bien plus, elles ont été et sont encore pratiquées
par une large portion de l'humanité, La croyance, presque universelle, que
les
plus forte que tout raisonnement logique, que si l'on privait l'esprit
du mort
de ce qui lui était dû, on n'eût à redouter son courroux et sa vengeance. Ainsi
nous pouvons retrouver dans certaines coutumes qui se sont perpétuées' au
moyen-âge et même jusqu'à nos jours, des pratiqués qui offrent une ressem-
blance surprenante, jusque dans le détail, avec celles qui étaient suivies au
temps du paganisme ^
L'institution où s'est affirmée avec la plus grande ténacité la persistance des
anciermes idées sur la vie d'outre-tombe, est celle des repas funéraires. Ces
banquets familiaux célébrés en faveur du mort remontent à l'ancienne religion
aryenne. On constate leur existence dans l'Inde et en Perse comme chez les
peuples européens^. Un premier repas, le silicernium desRomains, le Tcsptoetirvov
des Grecs, réunissait les parents immédiatement après les funérailles ; il avait
lieu primitivement autour de la tombe même, plus tard au retour de la
famille dans la maison mortuaire*, après une ablution avait purifié les assis-
tants de la souillure contractée auprès du cadavre '\ Le défunt à qui l'on rendait
les derniers devoirs était censé prendre part à ce banquet, et l'on pensait même
qu'il y recevait, comme hôte, ses parents. Aussi se gardait-on de prononcer
I.
Schrader-Nering, s. v. « Ahnencultus », p. 34, §14. — Cf. pour les Juifs, Eccli.^
XXX, 18 ; X:obie, IV, 18.
a. Nombreux exemples
réunis par Sartori, op. «f [sw^ra, p, ag, n. 2], p. 15 s. En Grèce:
.
en Mingrélie ; Chardin, :
op. cit.
236, 238, 244, etc. Dans le folklore français
[su-pra, p. 33, n. i], pp. Van :
A. Relgw., igz7, XXIV, p. 69. Dans le folklore français Van Gennep, I, p. yS'^i
:
p. 808 ss.
6. Cf. C.-R. Acad. Inscr., 1918, p. 278 s.
7. LyduSj De mens., IV, 26. Cf. maître Eckhart, éd. Gandillac, p. 231.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 37
par l'Église, les théologiens invoquèrent pour la justifier des textes bibliques.
Mais comme il arrive souvent, le souvenir de la raison primitive qui avait intro-
duit cet usage, s'est mieux conservé dans l'esprit du peuple que dans celui des
clercs. On croit encore communément en Grèce que l'âme qui s'est séparée du
pendant trois ou même quarante jours et revient visiter
corps, erre sur la terre
la maison familiale, dans laquelle on lui prépare du pain et de l'eau et l'on
allume une lampe pour qu'elle puisse la retrouver et venir s'y rassasier et s'y
*
désaltérer .
saufs, tous ensemble pour un festin joyeux » ^. Dans les monuments considé-
6. A. De Marchi, Il Culto frivato di Roma antica, Milan, 1896, I, p. 207 ; II, p. 142.
7- CIL, XIV, 3323 Dessau, 8090,=
8 CIL, VI, 26^54 Dessau, 8139.=
38 LUX PERPETUA
bres, dans d'autres tombeaux c'étaient des sièges qui étaient réservés aux con-
vives en souvenir des temps anciens, où les hommes, comme les femmes, man-
geaient assis et non couchés*. Lorsqu'ils étaient de pierre et non de bois, ces
meubles ont pu nous être conservés et, à côté de ceux qui étaient occupés par
les commensaux, il s'en trouve un qui restait vide, celui où le défunt était
censé prendre- place auprès de ses proches.
•
Ces sièges servaient aussi aux visiteurs qui venaient retrouver celui qui s'en
était allé. Comme ils lui avaient tenu compagnie durant sa vie terrestre, puis
autour du lit de parade où l'on avait exposé son corps raidi, ses parents, ses
amis, ses sénateurs restaient longuement assis dans l'hypogée où il était enseveli.
L'on était persuadé que le mort prenait plaisir à une telle société, qui le distrayait
dans la triste monotonie et le pénible isolement de sa nouvelle habitation.
Les philosophes croient devoir protester contre ces illusions. Réfléchissant à
la vanité de ces soins posthumes, Marc-Aurèle note dans ses Pensées Les :
Dyggve, Poulsen, Rhomaios, Das Heroon von Calydon, Copenhague, 1934, p. 354 s^
Cf.
3.
C.-R. Ac. Inscr., 1928, p. 133. —
Cf. Philostrate, Vit. A-polL, IV, 13 ; R. E., s. v.
« Héros », col. 1144 s.
4. Dessau, 7869
« Sedilia circumitum refecerunt ».
:
—
Cf. sur ce qui suit Theodor
Klauser, Die Cathedra im Votencult der heidnîschen und christlichen Antike^ Munster,
1927 Meuli, p. 198.
;
<
, .
tiesrepas funèbres. L'on croyait que les défunts venaient s'y attabler avec lesi
convives et jouissaient avec eux de l'abondance des mets et des v^ns. Lucien
nous raconte avoir vu en Egypte de ces banquets où la momie desséchée était
'
pays sous les Antonins les antiques croyances qui, longtemps auparavant y avait
fait représenter sur les parois des hypogées, comme chez les Étrusques, des
scènes de festin, afin que fût assuré au mort le secours d'une nourriture perpé-
tuelle, car une ombre de mangeur pouvait se contenter d'apparences de mets,.
Rien n'est plus éloigné de nos idées modernes sur la sainteté des cimetières
et le recueillement exigé
par le deuil, que ces beuveries et ces ripailles dont
le culte des
trépassés était l'occasion. Les convives couronnés de fleurs, oints
d'essences parfumées* y buvaient à la ronde {circumpotatio) et ne tardaient
pas à s'abandonner à une bruyante ivresse. Ne croyons pas que ce soit là des
excès tardifs dûs au relâchement des moeurs romaines. Tel fut, dès l'origine,
6. Pétrone, l. c.
40 LUX PERPETUA
le caractère des banquets mortuaires et tel est resté, en bien des pays, celui du
repas des funérailles i. L'on se figurait que le défunt participait à cette liesse
et à cette ébriété, se consolant ainsi de la tristesse de son sort. « Tu appelles,
dit encore Tertullien^, les morts sans soucis {securos), lorsque tu te rends au
tombeau avec des vivres et des friandises pour t'y faire en réalité des offrandes
à toi-même et que tu en reviens gris ». Et vraiment, ces frairies, nous le ver-
rons dans la suite, ne profitaient pas seulement aux morts mais aussi aux
vivants par l'effet d'une confusion entre elles et les orgies bachiques, où le
vin était, pour les participants, un breuvage d'immortalité.
Nulle cérémonie de la religion païenne n'était aussi universellement célébrée
que celle du culte des trépassés dans les régions les plus diverses de l'empire.
Chaque jour, et pour ainsi dire à chaque heure, des familles ou des collèges
se réunissaient dans leur tombeau commun pour y fêter quelque anniversaire
en y consommant le repas funèbre. Les populations restaient fortement atta-
chées à des pratiques dont l'omission leur eût paru non seulement impie, mais
'dangereuse, car les esprits des morts étaient puissants et vindicatifs. Sous les
Antonins l'opuscule de Lucien sur le deuil, atteste avec quelle fidélité scru-
puleuse étaient encore observés, jusque dans leurs détails, les rites consacrés
par une tradition millénaire 3.
Aussi n'est -il pas surprenant que ces usages aient persisté à l'époque chré-
tienne malgré les efforts du clergé pour les combattre*. Saint Augustin^,
morigène ses ouailles qui, à la façon des païens, « boivent avec grand excès
au-dessus des morts —
ce sont ses propres termes —
et qui servent des repas
1. Cf. Aristote, fr. 6ii Rose. — Sartori, of. cit. [supra, p. 29, n. 2], p. 19 ss. ;
Van
Gennep, ss.
p. 779
I,
2. Tertullien, De testim. anintae, 4,
Elle exigea de plus qu'une partie du festin fût distribuée aux pauvres. La foi
en une immortalité spirituelle se conciliait tant bien que mal avec le culte sépul-
cral. Au ciel l'âme restait attachée, croyait-on toujours, au lieu où reposait le
corps qu'elle avait quitté et pour quelque raison secrète se réjouissait des hon-
neurs rendus à la sépulture '. Ainsi dans un grand nombre de pays chrétiens,
et notamment en Grèce, a survécu jusqu'à nos jours la coutume non seulement
de déposer de la nourriture sur les tombes, mais encore d'y festoyer avec l'idée
que de quelque façon mystérieuse les morts participent à ces repas et y pren-
nent plaisir».
*
* *
y a eu de plus persistant » *. Mais ce ne sont pas les seuls dont nous consta-
tions l'existencedans la Rome des Césars. La grande évolution religieuse qui
assura en Occident la diffusion des mystères orientaux, ne pouvai^ rester sans
influence sur les manifestations de la piété envers les trépassés. Une foule de
marchands, de soldats, d'esclaves et d'affranchis originaires du Levant vivaient
en Italie et dans les provinces latines. Ils continuèrent naturellement à suivre
pour les funérailles et les honneurs rendus aux défiants les coutumes de leur}
patrie, et leur exemple trouva de nombreux imitateurs dans la population métissée
des villes et des latifundia. Aussi voit -on apparaître en Europe, même dans
ce culte des morts, où l'esprit conservateur s'affirme avec tant de force,
1. Constit. A-post., VIII, 42 ; Gregor., Anth. Pal., VIII, 166, 167, 170, 172.
— Cf.
Dôlger, A. C, VI, 1936, p. 292 s.
2.Novelle de Valentinien, III, de 447 ap. J. C, n" 23 (éd. Mommsen-Meyer) :
« Amant animae sedem corponim rellctorutn et nescio qua sorte rationis occultae
sepulcri honore laetantur. »
3. Sartori, op. cit. {supra, p. 29, n. 2], p. 18 s.
—
En Grèce : Gjerstad, A. Religiv.,
1928, XXVI, p. 154 ss. ; Schmidt, Ibid., 1927, XXV, p. 63 ss. ; Lawson, p. 535. Chez —
les Slaves, cf. N.
C, Il et Murko, Dos Grab aïs "Cisch., p. 80 ss.
4. Fustel de Coulangesi Cité ant., 12^ éd. (1888), p. 17.
42 LUX PERPETUA
pendant leur vie. On choisissait de préférence, pour cette litière végétale, des
essences comme l'olivier, le laurier, le lierre, dont la verdure persistante sem-
blait être le présage ou la garantie d'une survie après le décès. Pendant
la morte saison, une puissance mystérieuse les rendait invulnérables à la mor-
sure du gel et sous leur écorce glacée conservait dans leur cœur une chaleur
vivifiante ; elle parut apporter la promesse d'une pérennité semblable pour la
expliquent le vieux rite funéraire comme l'avaient fait les anciens si l'on met :
qu'en 1812 on trouva, dans une vieille tombe chrétienne du cloître de St. Seurin
à
Bordeaux, « une couche de branches de laurier et les ossements d'une femme, puis
encore une couche de branches de laurier et les ossements d'un homme et enfin du
laurier dans le fond de la tombe. » [Note communiqué par la M'^e de Maillé].
CHAPITRE I, — LES VIEILLES CROYANCES 43
la verdure de leur feuillage, c'est pour suggérer que ceux qui y sont ensevelis
ne périront pas, puisque, meurent quant au corps, ils vivent quant à l'ârae i.
s'ils
L'on prendra soin aussi d'embellir de plantations des mêmes végétaux funé-
raires les abords de la « maison éternelle » qu'habite l'esprit du mort, car
celui-ci n'est pas un reclus cloîtré dans une étroite cellule 2. Sans doute était-il
ramené vers sa demeure souterraine par la nécessité de se nourrir et de prendre
du repos ; mais il pouvait circuler auprès de son logis obscur. C'était surtout
aux alentours des tombeaux que la crédulité populaire voyait apparaître les
revenants dans la pénombre de la nuit. Seules les incantations des magiciens, •
qui commandaient aux dieux et aux morts, pouvaient appesantir sur ces der-
niers, le poids de la terre et les emprisonner dans l'espace resserré du sépulcre".
Ces vieilles croyances expliquent que les survivants aient pensé faire une œuvre
agréable aux Mânes de leurs proches en entourant le lieu où ceux-ci repo-
saient, d'un jardin, rafraîchi par l'ombre épaisse d'arbres touffus, dans lequel
Rational de Jean Beleth, dans P. L., CCII, œl. 164 ; cf. Stèle d'Antibes, p. 25 ss.
I.
2. Ce qui
suit résume les faits exposés dans un mémoire communiqué le 15 déc. 1944
à l'Académie des Inscriptions et
qui n'a pas encore pu être publié ; cf. C. R. Ac. Inscr.,
1944, V- 496-
3. Quintilien, Declam., X, cf. înfra^ IV.
4. Julien, E-pist., 17^6
= Cod.7 ;
fortune. Le jardin funéraire fut disposé avant tout pour récréer les ombres relé-
guées dans la lugubre solitude de la tombe et mêler quelque agrément à leur
morne survie. Au souci scrupuleux que prennent les vivants d'en fixer l'étendue,
d'en préciser le décor, d'en assurer la pérennité, on peut mesurer l'in-
tensité de la conviction que leur ombre prendrait plaisir à s'y délasser. A
l'origine, sans doute la croyance commune était-elle simplement que la mort,
de quelque façon imprécise, séjournait avec satisfaction dans un lieu charmant,
tout émaillé et parfumé de fleurs. Mais des idées adventices approfondirent
la signification qu'on attachait à ces plantations, dont la piété des survivants
envers l'es trépassés assurait l'entretien. Les jardins dédiés aux dieux Mânes
et plus tard aux âmes héroïsées devinrent la figure terrestre du séjour des
bienheureux dans l'Hadès. Deux conceptions inconciliables se confondaient
ils purent se figurer que les ombres jouis-
souvent dan?, l'esprit des anciens, et
saient dans leurs « paradis » champêtres des mêmes délices qui récréaient
les Élus dans les Champs Elysées.
Mais les cépotaphes avaient aussi un but utilitaire et ces fondations com-
binaient avec un souci religieux un intérêt pratique. Le produit de l'enclos
funéraire, assurait le maintien indéfini du culte qu'on y célébrait. Avant
tout, il fournissait les fruits, le vin et surtout les fleurs que réclamaient en
abondance certaines cérémonies.
Nous venons de voir qu'un vieil usage, qui se perpétua longtemps, voulait
que le mort reposât sur une litière de plantes vivaces. Mais il arriva aussi qu'on
étendît le corps inhumé sur un lit de fleurs. Comme la jonchée de branchages,
cette couche odorante était une imitation, dans la maison étemelle, de celle qui
était en usage dans la demeure des vivants, mais au lieu de la simplicité d'une
civilisation encore rustique, elle reproduisait la somptuosité d'une culture
raffinée.
De même que l'oblation des aliments devait être renouvelée à perpétuité sur
la close, pareillement il fallait, aux dates consacrées, joncher
tombe de fleurs
fraîchement coupées la pierre tumulaire. On
ne se contentait pas d'en parsemer
la sépulture, on en tressait des couronnes ou des guirlandes qu'on déposait sur
le sarcophage ou qu'on fixait sur la stèle portant l'épitaphe *, Ces soins accordés
au disparu lui faisaient plaisir, croyait-on, et il en était reconnaissant à ceux qui
ne l'oubliaient pas. Mais l'on pensait aussi pouvoir ainsi ranimer le mort et
lui rendre une vitalité qui l'avait abandonné.
vint préciser cette antique croyance. La violette était, selon la légende phry-
célébrant cette fête fleurie, croyaient assurer à leurs proches la même immor-
talité qu'avaient obtenue les divinités qu'ils servaient.
Les rites mortuaires ont survécu souvent aux raisons qui les avaient fait naître.
Lorsque se vulgarisa dans le paganisme la croyance à l'apothéose, accordée sous
l'Empire au commun des mortels avec une libéralité étrangement accrue, le,
don des guirlandes et des couronnes ne fut plus regardé comme un secours
destiné à prolonger l'existence précaire, ou comme un réconfort propre à adoucir
le ^ort misérable d'une ombre végétant dans
l'obscurité du tombeau. Il prit le
caractère de la religion prescrivait envers les divinités, dont on
l'hommage que
couronnait les statues et les autels. Il se réduisit même, le jet des fleurs étant
souvent une manifestation profane de sympathie ou d'allégresse, à n'être plus
qu'une marque de piété ou de respect envers celui dont on voulait honorer la
mémoire. Dépouillés de leur caractère païen les rites charmants que consacrait
une tradition atavique, continuèrent à être pratiqués à l'époque chrétienne.
C'était une coutume populaire, dont la sagesse des écrivains ecclésiastiques
tolérait avec quelque dédain la futilité, en lui opposant la vraie spiritualité chré-
^
tienne La foule continua donc à répandre sur' les tombes des défunts qui lui
.
avaient été chers, des roses, des violettes et des lis, en choisissant de préférence
1. Servius,
En., V, 79 « Ad sanguinis imitationem, ubi est sedes animae ».
:
des fleurs pourprées, et elle demeura persuadée qu'un être aimé obtenait par
ces soins quelque réconfort. Si une orthodoxie rigoureuse le niait, elle admettait
au moins que les vivants pussent ainsi chercher quelque allégement à leur
chagrin.
L'oblation funéraire de fleurs était souvent conjuguée avec celle d'aromates,
parfumés comme elles L'une et l'autre furent empruntées par les Romains à
'
l'Orient hellénique, mais pour celle-ci Pline nous fournit des précisions qui
lentes rivalisèrent de munificence dans la recherche des produits les plus rares
de pays lointains pour des funérailles fastueuses. Les grains d'encens qu'on
réservait aux divinités étaient peu de chose à côté des monceaux d'essences
etiam honestissima vitae bona admissa est ; honosque et ad defunctos pertinere coepit.»
5. Emploi de l'encens, cf. Eitrem, Offerritus, p. 198-205.
6. Pline, XII, 18, 82 ss. ; cf. VII, 53, 186.
7. Josèphe, Ant. lud., XVII, 8, 3, § 199 ; cf. II, Chroniques, XVI, 14 (inhximation du
roi Asa, 944-904) ; Jérémie, 34,5 ; II Chron., XXI, 19.
8. Plut., Sylla, 38.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES. 47
dépassée par Néron à celles de Poppée^. On répandait les parfums sur le cadavre,
^
sur le de
litl'exposition ou sur le bûcher on les mêlait aux ossements
''\
enfermés dans l'urne cinéraire^, on les déposait à côté du corps dans la fosse
ou le sarcophage, et les archéologues, en fouillant les nécropoles et les hypogées,
ont ainsi recueilli une quantité prodigieuse de flacons ou d'ampoules ayant
contenu des baumes odorants. La tombe scellée, on continuait à y répandre
^
les huiles de senteur, à s'en servir pour oindre la stèle sépulcrale ou la statue
du défunt à défaut de ses membres réduits en poudre ", en même temps qu'on
consacrait à son effigie fleurs et courronnes. Ou bien encore on brûlait l'encens
ou le nard à la flamme de la lampe allumée sur la sépulture".
Sans doute, à l'origine, l'usage des essences aromatiques eut-il pour but de
rendre moins écœurante la fétidité du cadavre ou d'en empêcher la décompo-
sition par l'embaumementou bien, lorsqu'on pratiqua la crémation, de com-
;
"^
battre par une senteur pénétrante la puanteur des chairs rôtissant sur le bûcher .
Mais cette protection contre des odeurs nauséabondes ne peut expliquer tous les
rites où interviennent les parfums. Quand l'emploi de ces parfums devint une
des jouissances les plus appréciées des vivants, ceux-ci voulurent la faire par-
tager aux défunts et renouveler pour eux un plaisir raffiné, qu'ils avaient aimé
sur la terre. On
crut aussi que les fumigations d'encens et d'autres aromates,
comme la lumière des lampes et des cierges (p. 46) mettaient en fuite des
démons hostiles et protégeaient l'esprit du mort contre leurs attaques''.
Enfin quand la divinité des Mânes eut, par la vulgarisation de l'apothéose,
été égalée à celle des Olympiens, les parfums brûlant dans les cassolettes ou
sur les autels devinrent,de même que la consécration des fleurs (p. 45), une
des manières de manifester sa piété envers les trépassés comme envers les dieux.
D'autre pari la fumée des aromates, comme l'éclat des lumières, était une
forme d'hommage purement profane, que l'on rendait aux personnages honorés
par des cortèges, et l'encens fut ainsi admis dans les funérailles chrétiennes, qui
sont la procession triomphale de l'Élu, né à la vie éternelle''.
Aux esprits des morts, habitant la nuit de la tombe, rien n'était plus indis-
pensable que la lumière. Pour la leur fournir on avait coutume de placer à côté
d'eux, dans leur obscure demeure, des lampes, que les fouilleurs ont retrouvées
en quantité innombrable dans les nécropoles de toutes les régions du monde
ancien". pas nécessaire que ces lampes fussent allumées ; leur seule
Il n'était
1. Cabrol, s. v. « Encens », p. 3.
2. Raoul Rochette, Mémoires Acad. Inscr., z^ série, XIII, 1838, p. 563-571 ; Eitrem,
Opferritus, p. 142 s., p. 153 ss. ; Rushford, J. R. S., 1915, V, pp. 150-164; Cabrol, ss. vv.
« Candélabres », « Cierges », « Lamp'es ».
•
3. Rochette, l. c, p. 566 ss. ; cf. sufra, p. 27, n. 2.
4. Voir Digeste, XL, 4, 44 ;Pétrone, m. Nous avons traité ce sujet dans un artide
sur Les lampes et cierges allumés sur les tombeaux, qui a paru dans les Mélanges
offerts au cardinal Mercati (t. V, p. 41-47). On y trouvera la série des inscriptions qui
mentionnent cette pratique.
5. Cf. Seyrig, RHRel., 1928, XCIII, p. 276; Eitrem, Opferritus,p. 142,
6. Aupaij/ta; cf. Rusch, R.E., Suppl., VII, s. v. « Lychnapsia » Ôtto, Priester tif^"-
;
Vempel im hell. Aeg., igo8, I, pp. 10, 293., 332 ; Relig. orient., p. 243, n. 93 Salem,
;
dans le monde romain ce rite qui n'y apparaît dans les inscriptions qu'à une
date relativement tardive et sporadiquement ; sans doute est-ce aussi à l'Orient
que le mondelatin a emprunté les interprétations qui donnaient à cet usage
cette est une protection contre les ennemis qui menacent le mort ^'. Pour
lumière
le même
motif, à Rome, lorsqu'on expose le cadavre dans la maison, on allumera
des torches ou des cierges auprès de la couche où il repose-*. C'est peut-être
aussi afin d'obtenir une protection contre des puissances hostiles que le convoi
funèbre est accompagné, même le jour, de porteurs de torches, et la même
intention prophylactique, le même souci apotropaïque pourraient suffire à expli-
elle réveillera de même les morts, que paralyse la torpeur d'une existence
amoindrie. Déjà les vieux textes égyptiens affirment explicitement que la flamme
qu'on fait brûler pour le défunt, assure la survivance de son esprit et lui confère
une immortalité divine *. Ce mysticisme fut indéfiniment développé par les
théologiens du paganisme^. Dans la célébration des mystères, la lumière qu'on
introduit, succédant à l'obscurité, est l'acte suprême qui précède, pour l'initié,,
la révélation parfaite. Elle devient dans les spéculations des exégètes la sagesse
qui procure le salut. « Illumination » a gardé en français une double acception,
matérielle et spirituelle. Principe de vie, la lumière rend l'homme impérissable
et le divinise. Toute cette
symbolique qui, durant des siècles, fut un thème à
variations infinies, explique l'importance attachée à ces veilleuses tremblotantes
d'Elvire, vers l'an 300, interdit d'allumer des cierges le jour dans les cimetières,
« parce qu'il ne faut pas troubler le repos des âmes saintes » tant les docteurs
*',
sostome, lorsqu'il leur naissait un enfant, allumaient une série de lampes, ei^
imposant à chacune un nom, et choisissaient jK)ur le nouveau-né celui du
lumignon qui s'éteignait le dernier, convaincus que le bébé obtiendrait ainsi
une longue vie 2,
Le sens mystique attaché à l'illumination de la tombe permet de comprendre
certains rites qui l'accompagnent. Plusieurs inscriptions de Macédoine, pres-
crivent qu'à la fête des roses, en même temps qu'on sèmera celles-ci sur la
sépulture, on y fera brûler une lampe ou un cierge s. Nous avons vu (p. T)2>)
,que la jonchée de fleurs purpurines devait, comme la libation de sang, ranimer
le mort. Mais l'effet de la lumière qu'on entretient près de lui, est identique,
et l'on saisit ainsi le motif qui a fait associer les deux cérémonies de la
« lycknapsia » et de !'« anthoboUa ».
Une curieuse notice d'un paradoxographe grec rapporte que les fleuristes
'avaient l'habitude de faire brûler la nuit une lampe à côté de leurs violettes
ou de leurs couronnes, pensant leur conserver ainsi leur fraîcheur jusqu'au
matin*. A l'origine de cette pratique superstitieuse on trouve toujours la même
idée que la lumière entretient la vie, et empêche celle-ci de s'éteindre, qu'il
s'agisse d'une âme désincarnée ou d'une plante coupée.
Les inscriptions nous apprennent que les lampes sépulcrales servaient souvent
à brûler de l'encens ou d'autres aromates^ et les émanations de substances
odorantes se mariaient avec le parfum des roses et des violettes. Lumières,
fleurs, fumigations sont des formes d'hommage rendu aux trépassés qui datent
1.Mansi, t. II, col. ii, canon 34 j cf. Cabrol, s. v. « Cierges », col. 1615.
Jean Chrysost., In efîst. I ad Cor. homil., XII, 7 (P, L., LXI, p. 105).
2.
3. Paul Collart, BCH., 193 1, LV, p. 58 ss.; Seyrig, RHRel., 1928, XCVII, 275 ^
p.
cf. Z^hes. l. l. s. V. « Cereus », p. 862, 15.
en Italie d'une époque où. l'apothéose dans la pensée des survivants, égalait
à la divinité l'homme vertueux ou éminent. Illuminer à l'aide de lampes ou de
cierges, offrir des guirlandesou des couronnes, brûler des essences aromatiques
dans les temples, et ils sont communs au culte des
étaient des rites très usités
morts et au culte des dieux i. Mais avant d'être conçues comme des actes litur-
giques, exprimant la vénération pour un défunt déifié, ces cérémonies ont
été liées aux croyances les plus primitives en la survivance de l'être humaini
là où étaient enfermés ses ossements ou ses cendres.
Pour l'orthodoxie chrétienne, il reste seulement dans la fosse du cimetière
une dépouille inerte et insensible, que l'âme a abandonnée. Aussi toutes ces
manifestations de la piété envers les défunts, qui supposaient le cadavre doué
encore d'une vie latente, susceptible d'être constamment ranimée, tel l'usage
des luminaires, furent-elles condamnées par les autorités ecclésiastiques comme
entachées de paganisme*. Mais elles furent acceptées ou tolérées dès que, l'ido-
lâtrie vaincue, elles cessèrent de paraître dangereuses pour la foi. On vit se
maintenir ainsi les coutumes consacrées par la tradition de placer des lampes,,
des flambeaux ou des cierges autour du lit mortuaire ou du catafalque, de les
déposer dans les tombes au moment de l'inhumation, de les allumer périodi-i
quemenc sur la sépulture ^.Toutefois les théologiens donnèrent de ces antiques
coutumes une interprétation plus conforme à la religion nouvelle et la lampe
funéraire devint le symbole de la lumière étemelle, où revivaient les âmes
bienheureuses^. Pareillement si, en plein jour, les convois funèbres continuaient
jà accompagnés de torches ou de cierges, c'était, expliquait-on, en signe
être
d'allégresse, pour marquer que le jour du trépas était celui d'une naissance
glorieuse et les obsèques purent ainsi être rapprochées des cortèges des triom-
phateurs \
Mais en dépit de ces interprétations pieuses d'exégètes autorisés, les vieillesi
croyances qui avaient de tout temps fait déposer des lampes dans les tombes,
I. Uae inscription de Salsovia (Mésie) consacrée au Soleil veut, sur l'ordre de Lici-
îùizs, que ce dieu soit adoré à anniversaire « ture, cereis et profusionibus »
chaque
{Bonnet Jahrb. 117, 1908, p. 52). ,
, ,
Bmgham, Origines ecclesiasticae, or, antiq. of the christ. Church, Londres, 1878, t. II,
'H s.
52 LUX PERPETUA
près de lui, les objets qui lui étaient familiers il savait apprécier toutes les
:
commodités qu'on lui accordait, tous les soins que l'on prenait pour rendre plus
confortable sa maison éternelle.
Car si le mort se trouve soumis à toutes les nécessités humaines, il est animé
aussi de sentiments humains. Il éprouve de la bienveillance ou de l'hostilité,
de la reconnaissance ou de la rancune et, s'il ressent vivement les injures,
et se venge de ceux qui le négligent, il favorise ceux qui ne l'oublient pasi.
'Il n'a
point cessé d'être sociable et recherche la compagnie de ses anciennes
connaissances, dont la présence le distrait et le console. Il s'afflige de la dou^
leur de ses proches et les engage à la modérer 2. Il lui plaît d'être appelé par
son nom, car tant que son nom vit dans la mémoire des hommes, il appartient
encore au monde supérieur et n'a pas péri pour lui tout entier *.
1. Paul Collart, /, c.
[p. 50, n. 3], p. 66. Cf. Sartori, Feuer und Licht in
Voten-
Gebraûchen {Zeîtschr. fur Volkskunde, XVII, p. 361).
2. C. E., 59 [100 ap. J.-C], 1198 Stace, Silves, II, 6, 963 V, i, 170 ss. Cf. Jacob-
;
n'étaitpas rompue entre lui et son entourage ; il n'y, avait pas de solution de
continuité entre l'heure qui précédait et celle qui suivait son décès. C'est à
cet égard, on l'a souvent remarqué, que les idées antiques différaient le plus
des nôtres. Les disparus ne cessaient point de se mêler à la vie de leur famille^
ils restaient en communication avec leurs parents et amis, qui se réunissaient
l'aimer, remercie ceux qui s'occupent encore de lui et leur exprime ses souhaits
de bonheur, ou bien il fait part à ses successeurs de la sagesse que son expé-
rience de la vie lui a acquise. Souvent il engage avec eux un dialogue il :
répond à leur salut et à leurs vœux : « Que la terre te soit légère. — Portez-
vous bien dans le monde supérieur ^ » ou encore : « Salut Fabianus — Que
lesdieux vdus accordent leurs bienfaits, mes amis, et vous, voyageurs, que les
dieux vous soient propices, à vous qui vous arrêtez près de Fabianus, allez et
revenez sains et saufs ; vous qui me couronnez ou me jetez des fleurs, vivez
de nombreuses années » *''.
utd^o'jfftv àir' ia-zoï; r^Bï Tcpo; aorj/ Is'jffaw ?] elffopôw Cf. Friedlânder. Sittengesch III, p. 326.
.
,
3. Dessau, 6746.
4. CIL, XI, 5357 = CE., 1098 «Viridi requiesce, viator, herba [, neu fuge si tecum:
:
coeperit umbra loqui ». Sur les vivants conversant avec les morts, cf. Pagenstecher,
Unteritalische Grabdenkmàler, Strasbourg, 1902, p. 123 ss., Lattimore, p. 230.
5- Dessau,
8130, cf. 8129 ss. et l'Index, p. 947.
6. Ibid.,
1967 ; cf. 8139.
54 LUX PERPETUA
Mais si les modernes n'établissent plus comme les anciens la liaison perma-
nente de rapports répétés entre les habitants des nécropoles et ceux de la
cité, si, pour eux, la dépouille qui gît dans le tombeau livrée à la pourriture,
ne garde aucune sensibilité, bien des usages qui s'inspirent des convictions
périmées n'ont pas été abolis. Offrandes d'aliments et de boissons sur la dalle
itumulaire, banquet le jour des funérailles, repas périodiques des parents sur la
sépulture, fêtes générales où l'on accueille les âmes des trépassés, toutes ces
pratiques d'autrefois sont restées en vigueur en bien des pays, et le folklore
abonde en survivances du vieux culte des morts. Les soins rendus à la sépul-
ture n'ont pas cessé de lui être accordés, même par des incrédules on continue ;
tiques. Si l'on interrogeait les foules qui viennent fleurir la tombe du soldat
inconnu ou y ranimer la flamme, et qui font revivre ainsi, sans s'en douter,
culte antique des héros, les réponses obtenues varieraient sans doute à l'infini.
'le
Les gestes consacrés, que l'on reproduit aux funérailles ou dans les cimetières,
ne sont plus, pour les esprits éclairés, qu'un moyen de manifester pieusement par
des signes extérieurs leurs sentiments intimes et de marquer la durée de leurs
regrets et de leurs souvenirs. Ces pratiques ont perdu pour eux la signification
concrète et la portée réelle du temps lointain où l'on croyait généralement
qu'un être animé des mêmes sentiments que nous et soumis aux mêmes besoins
séjournait là où étaient déposés ses ossements ou ses cendres, où le mort n'aban-
donnait pas cette terre, qui l'avait engendré, où il restait en communion cons-
tante avec ceux qui venaient le réconforter dans sa morne demeure. Mais le
commun des hommes ne peut se défendre de l'idée ingénue que sous la pierre
scellée ou gazonné, la dépouille qui est l'objet de sa sollicitude
le tertre y.
reste sensiblede quelque façon mystérieuse. Sur les foules traditionnalistes les
conceptions qui régnaient aux âges les plus reculés de l'humanité n'ont pas
perdu leur empire et, sans le savoir, le vulgaire demeure fidèle à cette religion
des morts qui de toutes fut la plus primitive et la plus universelle.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 55
latins, les notions d'une survie des défunts dans le sépulcre et dans les Enfers 2.
L'ombre ne reste pas confinée dans l'étroite demeure où repose le corps elle :
descend dans une vaste caverne s'étendant à l'intérieur de notre globe, antre
immense peuplé de la foule des générations qui ont quitté le monde supérieur.
La sépujture n'est plus désormais qu'un lieu de passage, par lequel les âmes
s'acheminent vers leur résidence définitive ^ ; la tombe est l'antichambre de leur
habitation permanente, sa porte est celle de l'Hadès lui-même ou de la route
qui y conduit^. Les libations et autres offrandes versées ou déposées sur la
pierre tumulaire vont, par un prodige inexpliqué, réconforter les ombres au-delà
du Styx^ Jusqu'à la fin de l'antiquité, on crut à ce miracle, que renouvelait
.
« Charôneia ».
3. Cf. infra, IV, n. 24. Source sxilfureuse
d'Albunea (non sur la route deTibur, mais
près de Lavinium.) mise en relation avec les Enfers ; cf. Carcopino, Virgile et les origines
d'Ostie, 1919, p. 339 s.
4. Cf. supra, p. 34.
5. Lods, La croyance à la vie future dans l'antiquité Israélite, p. 205 ss.; Voyages
^w
royaume souterrain. Si une forte tradition avait enseigné des doctrines pré-
cises sur la survie des âmes dans l'Orcus, elle n'aurait pu être supplantée,
autant qu'elle l'a été, par les fables pittoresques des Grecs.
Tandis que le culte du double, gardant dans le tombeau une vie indécise,
appartient déjà, nous l'avons vu (p. 35), à l'antique religion aryenne, l'idée
que les divers peuples indo-européens se sont faite des Enfers diffère consi-
dérablement et témoigne d'un développement particulier à chacun d'eux, bien
que son origine puisse remonter déjà à la préhistoire^. On a conjoncture que
la substitution de l'incinération à l'inhumation avait contribué à répandre cette
point séparés, et il se rattache à ce culte des ancêtres qui a été commun à tous
les peuples aryens, et dont certaines conceptions se sont conservées à Rome
avec une fidélité remarquable. Si un corps n'a pas été inhumé ou incinéré selon
de recevoir le défunt, sans doute parce que celui
les rites, les esprits refusent
qui n'a pas lobtenu des funérailles religieuses n'est point purifié de ses souil-
lures etque son contact serait dangereux. Aux origines de la littérature grecque
^
cette exclusion est déjà prononcée dans l'Iliade « Ensevelis-moi au plus
:
l'Hadès. Des âmes sont là qui m'écartent, m'éloignent, ombres des défunts.
Elles m'interdisent de franchir le fleuve et de les rejoindre. » Et à la fin du
paganisme romancier Héliodore partage encore la même croyance'.
le
A Rome, aux « dieux parents » qu'on s'adresse pour qu'ils consentent
c'est
à recevoir parmi eux l'âme de celui qui descend dans l'Orcus. L'exclusion
qu'ils peuvent prononcer nous fait remonter jusqu'aux temps lointains où. le
vieux droit gentilice était encore en pleine vigueur. Les membres de la gens
ou du yÉvoç ont un tombeau commim, ils participent au même culte funéraire ;
l'étranger qui ne l'a point pratiqué ne peut se mêler à eux dans la tombe*.
L'on s'explique que dans ce milieu social soit née la croyance que le nouveau
mort devait aussi être accueilli par ses ancêtres défunts dans l'autre monde, et
que celui qui n'avait pas été enseveli dans le sépulcre de ses pères n'était pas
admis dans leur société aux Enfers. Car la vie d'outre-tombe reproduisait celle
de cette terre (p. 68). Bien plus, c'étaient les Mânes de la famille qui se
chargeaient de conduire leur parent jusqu'au séjour souterrain qu'il devait
habiter à jamais avec eux de même dans le cortège funèbre il était précédé
:
pompeusement par les images de ses aïeux, qui lui montraient le chemin de sa
dernière demeure. Sous l'Empire le thème de la réception des trépassés par
1. Aulu-Gelle, V, 12, 8 ; cf. A.-M. Colini, // tempio di Veiove (Bull. 00mm. archeolo-
gica com., LXX), 194a, p. 46.
2. //., XXIII, 71 ss. (trad. Mazon) ; cf. N. C. IV.
3. Héliod., n, 53, cf. N. C. ihU.
4. Sur ce qui suit, cf. N. C. IV.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 5?
les dieux Mânes dans l'Elysée, élargi et vulgarisé par la rhétorique, devint un
des motifs habituels introduits dans la composition des « épicèdes » ou « con-
solations » et il fut amplement développé par l'imagination des poètes, qui se
plurent
à montrer des personnages illustres accueillant le mort qu'ils voulaient
louer. Mais ses origines, on le voit, nous ramènent jusqu'à l'antique religion
aryenne.
Ces Mânes propices seront des divinités tutélaires qui favoriseront leurs
descendants en cette vie et les préserveront des maux qui les menacent dans
l'autre. protection accordée par la gens à chacun de ses membres était une
La
obligation que si l'un d'eux périssait victime d'un homicide, la ven-
si stricte,
detta contre le meurtrier devenait un devoir pour ses proches. L'individu obte-
nait ainsi du groupe social auquel il appartenait une sauvegarde que ne lui
assuraient pas encore les lois pénales de la cité. Elle ne disparaissait pas à
son décès, mais se prolongeait au-delà de sa vie terrestre, grâce au secours
qu'accordaient à son ombre les « dieux parents ». L'éloge funèbre d'une noble
femme qui avait sauvé son mari proscrit à la fin de la République, se termine
par le vœu :
Je souhaite que les Mânes des tiens te concèdent le repos et
«
peler à eux ceux qui devaient quitter ce monde terrestre et d'abréger leurs
leurs relations avec les vivants eurent beau être obscurcies et même éliminées
rite de naïveté grossière qui avait gardé une forme archaïque. Suivant une
tradition que les Romains empruntèrent vraisemblablement aux Étrusques^,
lorsqu'on fondait une ville nouvelle, on creusait au centre une fosse, qui devait
servir à établir la communication entre les Enfers et le monde d'en haut. Les
colons y jetaient les prémices de fruits ainsi que d'autres offrandes et aussi
une motte de terre de leur ancienne patrie ils établissaient ainsi le contact
:
rompu avec les Mânes de leurs aïeux. Selon toute probabilité cette fosse était
=
C. E. 1224 CIL. IX, 175 C. E. 1572 =
CIL. VI, 6986 =
C.
;
ss.
3. Thulin, Efruskische Disciplin, Gôteborg, III, 1909, p. 18 ss.
éo LUX PERPETUA
caveau inférieur était posée, croit-on, une pierre, le lapis manalis, qu'on pouvait
soulever pour livrer passage aux esprits. Trois fois par an, le 24 août, le
5 octobre et le 8 novembre, l'on procédait à cette cérémonie l'orifice de :
l'Orcus était alors ouvert et les morts avaient le libre accès de l'atmosphère ;
aussi étaient-ce là des jours funestes {religiosi) où toutes les affaires étaient
suspendues.
Quoi qu'il en soit de l'origine du mundus, qui est un sujet de controverses,
il est certain première transformation qui modifia à Rome les antiques
que la
Dîct.,s. V. ; Fowler, J. R. S., 1912, II, p- 25 ; AJA, 1914, 302 ; Basanoff, Dieux des
romains, 1942, p. 4 s. Prétendu Mundus du Palatin Lugli, Roma Antica. Il centra
:
monstrueux dont le réalisme de leur art s'est plu à accuser l'aspect horrible
et qui devaient dans l'autre monde châtier impitoyablement les réprouvés i.
D'autre part le peu que nous savons du contenu des « Livres sur l'Aché-
ron », nous révèle que si, suivant eux, les décrets du Destin s'accomplissaient
inéluctablement, on pouvait cependant retarder l'échéance fatale de dix ans
pour les individus, de trente ans pour les Etats. Ces livres enseignaient aussi
comment, grâce à l'immolation de certaines victimes à des dieux déterminés,
les âmes humaines pouvaienr être divinisées et acquérir l'immortalité elles ;
devenaient ces dii animales, dont Cornélius Labéon continuait encore, sous
l'Empire, à s'occuper longuement. Les combats de gladiateurs furent chez les
Étrusques des jeux funèbres, où le sang des combattants revivifiait les âmes des
morts, avant de devenir à Rome un spectacle cruel de l'amphithéâtre'^.
Le titre même de libri Acheruntici, dérivé du nom de l'Achéron, montre
que le prétendu Tagès y exposait certaines croyances helléniques, probablement
répandues dans l'Italie centrale par le fameux oracle nécromantique de Cumes
*
en Campanie^ Furtwângler semble avoir démontré, en invoquant les repré-
sentations de pierres gravées, que dès le V^ siècle les doctrines pythagoriciennes
de la métempsycose, d'une descente passagère dans l'Hadès et d'une réunion
finale de l'âme avec les dieux célestes avaient été accueillies en Étrurie. Ces
doctrines grecques s'y étaient étrangement amalgamées avec les croyances à
un monde souterrain, où les Mânes des défunts étaient menacés par des démons
affreux et protégés par des génies bienfaisants.
L'influence grecque et sa combinaison avec les traditions nationales se révè-
lent en Étrurie daris une foule de monuments funéraires. Un des plus signi-
ficatifs est le beau sarcophage découvert à Torre-San-Severo, près de Bolsène",
et qui paraît dater du lli^ siècle av. J.-C. Les deux longs côtés sont occupés
par des représentations qui se correspondent d'une part l'immolation des
:
des dieux chthoniens, tels que Pluton et Perséphone, sur les terres cuites archaï-
ques de Locres et d'autres cités helléniques tout indique l'importance qu'avait
,
3. Gianelli, Culti e mitî déliaMagna Grecia, Florence, 1924, p. 218 ss. ; Ciaceri,
Storia délia Grecîa, 1925, t. II, p. 126 ss.
Magna
4. WuiUeumier, X^arente, 1939, pp. 539 ss., 677 ss.
—
Cf. Symbol., p. 29, n. i. Pi- !•
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 63
fait accueillir par Rome certaines de ses dévotions, et lorsqu'elle eut été con-
quise en 209, l'afflux de prisonniers tarentins dut introduire dans la popu-
lation mêlée du Latium une foule d'esclaves qui y propagèrent la foi en l'Hadès
hellénique. A cette introduction directe et massive d'éléments étrangers dans
une ville qui déjà devenait cosmopolite, se joint l'action plus subtile des imita-
tions littéraires le théâtre s'inspirait des tragédies de Sophocle et d'Euripide,
:
et l'on a remarqué que, lorsqu'il est question des Enfers, les écrivains latins
reproduisent avec complaisance et même amplifient l'original qui leur sert de
modèle ,
*. ^.
Comment s'est développée chez les Grecs la croyance à des tourments infer-
répondre avec précision. La raison en est que ces peines infligées aux impies
dans l'au-delà firent partie du credo enseigné surtout par des sectes mystiques,
qui les opposaient à la félicité réservée aux initiés. Néanmoins on peut aper-
cevoir la genèse et marquer l'évolution générale des idées que les Hellènes
léguèrent à tout le monde romain *.
Peu à peu s'était formée en Grèce une conception de l'Hadès qui devait
devenir traditionnelle, et dont les caractères essentiels étaient fixés au moment
où les Latins l'adoptèrent. La croyance primitive, commune à beaucoup de
caveau inférieur était posée, croit-on, tme pierre, le lapis manalis, qu'on pouvait
soulever pour livrer passage aux esprits. Trois fois par an, le 24 août, le
5 octobre et le 8 novembre, l'on procédait à cette cérémonie l'orifice de :
rOrcus était alors ouvert et les morts avaient le libre accès de l'atmosphère ;
aussi étaient-ce là des jours funestes {religiosi) où toutes les affaires étaient
suspendues.
Quoi qu'il en soit de l'origine du mundus, qui est un sujet de controverses,
il est certain première transformation qui modifia à Rome les antiques
que la
en Étrurie avec unepompe comparable à celle de l'Egypte, a été imité par eux
dans mainte cérémonie rituelle. Mais chercher à préciser cette action dans ses
détails serait souvent vouloir expliquer obscurum per obscurius. L'éclectisme
accueillant, dont les monuments
figurés d'un peuple resté énigmatique nous
apportent la preuve sensible, a aussi introduit des éléments étrangers dans ses
conceptions religieuses et en complique singulièrement l'étude. Que ce peuple
se soit beaucoup préoccupé du sort réservé aux morts dans l'au-delà, cela ressort
aussi bien des peintures et des sculptures qui décorent les parois d'imposants
Dict.,s. V. ; Fowler, J. R. S., 1912, II, p. 25 ; AJA, 1914, 302 ; Basanoff, Dieux des
romains, 1942, p. 4 s. Prétendu Mundus du Palatin LugU, Roma Antica. Il centra
:
monstrueux dont le réalisme de leur art s'est plu à accuser l'aspect horrible
et qui devaient dans l'autre monde châtier impitoyablement les réprouvés i.
D'autre part le peu que nous savons du contenu des « Livres sur l'Aché-
ron », nous révèle que si, suivant eux, les décrets du Destin s'accomplissaient
inéluctablement, on pouvait cependant retarder l'échéance fatale de dix ans
pour les individus, de trente ans pour les Etats. Ces livres enseignaient aussi
comment, grâce à l'immolation de certaines victimes à des dieux déterminés,
les âmes humaines pouvaient être divinisées et acquérir l'immortalité elles ;
devenaient ces dit animales, dont Cornélius Labéon continuait encore, sous
l'Empire, à s'occuper longuement. Les combats de gladiateurs furent chez les
Étrusques des jeux funèbres, où le sang des combattants revivifiait les âmes des
morts, avant de devenir à Rome un spectacle cruel de l'amphithéâtre*.
Le titre même de libri Acheruniici, dérivé du nom de l'Achéron, montre
que le prétendu Tagès y exposait certaines croyances helléniques, probablement
répandues dans l'Italie centrale par le fameux oracle nécromantique de Cumes
*
en Campanie^. Furtwângler semble avoir démontré, en invoquant les repré-
sentationsde pierres gravées, que dès le V^ siècle les doctrines pythagoriciennes
de la métempsycose, d'une descente passagère dans l'Hadès et d'une réunion
finale de l'âme avec les dieux célestes avaient été accueillies en Étrurie. Ces
doctrines grecques s'y étaient étrangement amalgamées avec les croyances à
un monde souterrain, où les Mânes des défunts étaient menacés par des démons
affreux et
protégés par des génies bienfaisants.
L'influence grecque et sa combinaison avec les traditions nationales se révè-
lent en Étrurie dans une foule de monuments funéraires. Un des plus signi-
ficatifs est le beau sarcophage découvert à TorrerSan-Severo, près de Bolsène",
et qui paraît dater du me siècle av. J.-C. Les deux longs côtés sont occupés
par des représentations qui se correspondent d'une part l'immolation des
:
des dieux chthoniens, tels que Pluton et Perséphone, sur les terres cuites archaï-
ques de Locres et d'autres cités helléniques , tout indique l'importance qu'avait
prise dans la religion de la Grande Grèce, vraisemblablement sous l'influence du
pythagorisme, les doctrines relatives à la destinée de l'âme dans les demeures
profondes où elle devait descendre. Ces doctrines pénétrèrent à Rome dès une
époque reculée, probablement par l'intermédiaire de Cumes, d'où sont venus
à proximité de l'Averne, où l'on plaçait
les livres sibyllins et qui était située
une entrée des Enfers (p. 56). D'autre part la grande métropole de Tarente
était devenue le siège principal de l'école pythagoricienne et les découvertes
Albizzati, Dissert. Accad. rom. archeoL, sér. Il, 1920, XIV, p. 147-233 j
a. Nilsson,
Gr. Rel., I, p. 776 ss.
3. Gianelli, Culti e miti délia Magna Grecia, Florence, 1924, p. ai8 ss. j Ciaceri,
Storia délia Magna Grecia, 1925, t. II, p. 126 ss.
4. Wuilleumier, Zarente, 1939, pp. 539 ss., 677 ss.
—
Cf. Symbol., p. 29, n. i. Pl. !•
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 63
fait accueillirpar Rome certaines de ses dévotions, et lorsqu'elle eut été con-
quise en 209, l'afflux de prisonniers tarentins dut introduire dans la popu-
lation mêlée du Latium une foule d'esclaves qui y propagèrent la foi en l'Hadès
hellénique. A cette introduction directe et massive d'éléments étrangers dans
une ville qui déjà devenait cosmopolite, se joint l'action plus subtile des imita-
tions littéraires : le théâtre s'inspirait des tragédies de Sophocle et d'Euripide,
et l'on a remarqué que, lorsqu'il est question des Enfers, les écrivains latins
reproduisent avec complaisance et même amplifient l'original qui leur sert de
modèle .
Comment s'est développée chez les Grecs la croyance à des tourments infer-
naux, de quels éléments, populaires ou littéraires elle s'est formée, quelles
vicissitudes elle a subies, ce sont là des questions auxquelles il est difficile de
répondre avec précision. La raison en est que ces peines infligées aux impies
dans l'au-delà firent partie du credo enseigné surtout par des sectes mystiques,
qui les opposaient à la félicité réservée aux initiés. Néanmoins on peut aper-
cevoir la genèse et marquer l'évolution générale des idées que les Hellènes
léguèrent à tout le monde romain ^.
Peu à peu s'était formée en Grèce une conception de l'Hadès qui devait
devenir traditionnelle, et dont les caractères essentiels étaient fixés au moment
où. les Latins
l'adoptèrent. La croyance primitive, commune à beaucoup de
; ... I,
:
;
64 LUX PERPETUA
peuples agricoles, voulait que le sein de la terre, comme les hauteurs du ciel,
fussent le séjour des dieux. C'était de ces dieux chthoniens que dépendaient la
croissance de la végétation et la réussite de la récolte. Ils accueillaient aussi
dans leurs demeures cachées
les esprits des morts qu'on inhumait. Cette
croyance primitive rudimentaire qu'on se faisait du royaume souterrain fut
et
'
enrichie et. précisée par des récits qui prétendirent le décrire Ces merveil- .
leuses excursions dans les profondeurs de la terre, comme les autres fables
loppées par la littérature, d'autres dédaignées ou rejetées par elle, et une minime
partie en est parvenue jusqu'à nous. Les descriptions des poètes ont pu broder
des arabesques autour de motifs stéréotypés toute une floraison mytholo-
:
1. Voir N. C, IV.
2. Furtwângler, A. Relgw., 1905, VI, p. 191 s.
3. Aristoph., Gren., 143, 288 ss., 477, Proclus, In Plat. Remp., II, p. 183, 3oKroll.
4. Pausanias, X, 28, 7,
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 65
type de « Catabase » ne met plus en scène des héros de la Fable, mais desi
hommei dont une léthargie a fait supposer la mort. Tandis qu'ils gisaient
inconscients, leur âme avait quitté leur corps et s'en était allée au séjour des
trépassés. Lorsqu'ils revenaient à la vie, ils pouvaient conserver le souvenir de
ce qu'ils avaient vu et le raconter. Le mythe d'Er dans la République de
^
Platon est l'exemple le plus célèbre d'une telle résurrection suivie d'une révé-
lation.Ainsi s'est développé un genre littéraire qui remonte à l'ancien Orient,
appartient déjà en Grèce à la vieille poésie épique, continue à être cultivé
à travers toute l'antiquité et s'est poursuivi au moyen âge par des visions de
l'Enfer ou du Purgatoire*.
L'épopée a refoulé à l'arrière-plan la croyance primitive à des divinités qui
cumulaient la protection des campagnes et la garde des trépassés, pour leur
substituer celle, plus conforme à l'idéal d'une époque féodale, de souverains
habitant un vaste palais souterrain s. Sa porte, gardée par un chien monstrueux,
Cerbère, s'ouvrait pour laisser entrer les ombres, mais se refermait sur eux à'
jamais. Homère savait déjà que le royaume de l'Hadès était arrosé par quatre
le Pyriphlégéton et le Cocyte, dérivés du Styx, s'y
fleuves :
jetaient dans
l'Achéron, et leurs cours séparait le sombre Erèbe du monde des vivants. Une
simple barque servait au passage de la foule des âmes. Un vieux batelier
hirsute, Charon, les transportait sur l'autre rive, sans jamais, nocher impitoyable,
en, ramener personne.
Ettig, p. 260 ss.. G. Kroll, Gott und Hôlle, p. 364 ss., 39g s.
1.
Aucune distinction n'est faite parmi les défunts d'après leur mérite ou leur
démérite. Ils ne reçoivent dans l'Érèbe ni récompense, ni punition. Une vie
crépusculaire et appauvrie est leur commune condition. Seuls, dans la Nékyia
de l'Odyssée, trois grands coupables se détachent de la foule grise des ombres :
Titye, Tantale et Sisyphe. Tous trois ont commis de graves attentats contre les
dieux, et ceux-ci s'en sont vengés sur eux en leur infligeant des supplices éter-
nels. Le corps gigantesque de Titye est rongé incessamment par des vautours ;
Tantale est plongé dans un étang dont l'eau fuit ses lèvres avides, sous un
arbre dont les fruits échappent à sa main quand elle veut les saisir ; Sisyphe
roule sans trêve vers le sommet d'une colline un rocher qui, chaque fois, dévale
jusqu'au bas de la pente. Afin qu'ils puissent souffrir atrocement ils ont con-
servé dans l'Hadès une vitalité qui manque au commun des morts, pâles fan-
tômes anémiés.
Acette triade homérique de pénitents spécialement châtiés par la divinité,
vinrent s'ajouter dans la suite d'autres damnés qu'un crime inexpiable vouait
à des peines perpétuelles Ixion tournant attaché sur une roue, Thésée et
:
Pirithous enchaînés, les Danaïdes portant de l'eau dans un vase troué, Oknos
tressant un licou dont son âne ronge aussitôt l'autre extrémité, et ainsi de
suite. Il se forma peu à peu un groupe traditionnel de personnages légendaires
dont le crime et la punition devinrent dans la poésie et dans l'art, jusqu'à la
fin de l'antiquité, les thèmes obligés de toute description ou représentation du
Tartare.
Mais ces réprouvés ne sont plus conçus, ainsi que le faisait l'auteur de la
Nékyia, comme des scélérats exceptionnels, à qui les dieux font expier une
injure personnelle. Ils sont devenus les prototypes des hommes qui, pour avoir
commis de semblables forfaits, seront punis d'une manière analogue, les exem-
ples effrayants du sort que le courroux divin réserve à tous ceux qui l'ont
provoqué.
Les premiers auteurs de cette métamorphose des idées eschatologiques, grosse
de conséquences, furent les Orphiques ^, qui transformèrent toute la conception
que la Grèce se faisait originairement de la vie future. Leur prédication'
enseigna que les pécheurs n'étaient pas seulement punis par les divinités en ce
monde, eux et leur descendance, mais qu'ils subissaient dans l'Hadès la peine
des fautes qu'ils n'avaient pas expiées sur la terre. Homère ne nomme qu'une
seule espèce de criminels que les Érinnyes torturent dans les Enfers ce sont :
parjures gardèrent toujours une place à part parmi les suppliciés du Tartare.
L'orphisme au contraire opposa, selon leur pureté ou leur impureté, le sort qui
devait échoir à tous les défunts dans le royaume infernal. Il montra les pro-
fanes, tous ceux qui n'avaient pas été lavés de leurs souillures par les rites
cathartiques de la secte, plongés dans un bourbier obscur, soit que cette fange
dût rappeler la pollution morale de ceux qui n'avaient pas participé aux puri-
fications 2, soit qu'on se les représentât comme ces pénitents qui, assis en hail-
lons dans la boue du chemin, clamaient leurs fautes aux passants. Au contraire
ceux qui avaient effacé leurs péchés, jouissaient dans l'au-delà d'une vie
bienheureuse en prenant part à un festin perpétuel.
Parmi les livres attribués à Orphée, circulait ime « Descente dans l'Hadès »
(xaTaSaaiç tiç
'AiSou) qui, comme les autres oeuvres de ce genre de littérature
(p. 64), devait insister sur les tortures atroces auxquelles les réprouvés
étaient soumis. Si l'esprit grec, épris de beauté et observateur de la mesure,
s'est en général détourné de ces sombres horreurs, on trouve cependant dès
l'époque de sa plus haute culture les premières allusions à ces supplices
raffinés3, que devaient décrire, en détail pour chaque espèce de crime, les
apocalypses de l'époque romaine *i.
Pour appliquer à chacun ce traitement approprié à la nature de ses fautes,
qu'exigeait une morale devenue plus exigeante, la conduite passée des défunts
devait être soumise à l'examen de juges incorruptibles". Dès lors s'imposa peu à
eschatologie évoluée. La
vie dans l'au-delà n'avait pas cessé d'être conçue
comme le
prolongement de celle de notre terre. Même la croyance atavique que
les inégalités de la société humaine s'y perpétuaient, et que le noble y gardait
un rang supérieur à celui de ses serviteurs, ne s'est jamais entièrement effacée.
Nous avons rappelé (p. 30) parmi les offrandes aux morts les antiques sacri-
fices d'animaux et même d'êtres humains, qui devaient assurer au défunt une
existence conforme à celle qu'il avait vécue en ce monde. Si c'était un puissant
seigneur, la coutume n'avait pas disparu d'enterrer avec lui son char, ses che-
vaux et ses armes. Tout ce qu'on enfouissait ainsi était censé l'accompagner
dans cet antre spacieux du sous-sol où il devait descendre *. De même se
perpétuait à l'époque historique la coutume de déposer dans la tombe toute la
variété des choses dont celui qui s'en était allé aimait à se servir. Un chasseur
sera muni de ses épieux et de son filet ^, un artisan des outils de son métier,
une femme de la quenouille et du fuseau qui lui permettront de filer et de
tisser, du miroir, des fards et des parfums qui la mettront à même de faire
sa toilette une enfant aura à sa portée la poupée qu'elle habillait, les jouets
;
qui l'ont amusée \ Tout cela leur servira, pense-t-on, dans l'au-delà. Ce qu'on
mettait à la disposition du mort , lorsqu'on se le représentait survivant dans le
sépulcre (p. 26), doit rester à sa discrétion dans sa demeure infernale. Il est
sans doute difficile de se figurer comment les simulacres d'objets inanimés
pouvaient aller rejoindre ceux des humains dans les profondeurs de l'Hadès,
et l'on songe malgré soi à la patodie de Scarron nous montrant l'ombre d'un
qu'eurent les vivants pour les armes et les chevaux les suit lorsqu'ils ont été
ensevelis dans la terre ^ Les stucs de la basilique souterraine découverte près
de Porta Maggiore, à Ronie, figurent de même des luttes gymniques,
la
qui doivent se livrer dans l'autre vie *. Ovide s'accorde ici avec Virgile il :
sait que parmi ombres exsangues une partie se réunit au Forum, une autre
les
dans la demeure du tyran des Enfers ^, et le reste exerce divers métiers à
l'imitation de son ancienne vie. Ce n'est point là une fantaisie de l'imagination
du poète. Une épitaphe en mauvais latin d'un esclave syrien nous assure qu'il
se réjouii de s'acquitter encore de son service dans le lieu retiré où s'élève le|
palais delà divinité infernale ^ Surtout ceux qui se sont adonnés aux études
iront retrouver les sages d'autrefois et se plairont à renouveler en leur société
de doctes entretiens '. Les Hellènes attribuaient à l'homme une dignité si émi-
nente dans l'univers, qu'ils ont imposé l'anthropomorphisme non seulement à
leurs dieux, mais aux esprits désincarnés et se sont longtemps représenté les
1.
Nogara, Rendiconti accad. rom. arch., 1941, XVIII, p. 236. Fuhrmann, J. A. I.,
Anzeiger, 1941, p. 520 ss.
2.
Virgile, En., VI, 613 ss. et note de Norden au vers 637 ss.
3. Ibid., vers 653 cf. Perrot et Chipiez, t. III, p. 620, à propos des sarcophages
;
chypriotes.
4. Bendinelli,Monumenti antichi, 1926, XXXI, planches 17-18. Cf. Carcopino, Basil.
Pythag., p. 119, qui propose de ces scènes une autre interprétation.
5. Ovide, Met., IV,
443 ss.
6. C. E., 1186 « In secessum numinis tandem ministerio infernae domus officiosus
:
laetatur suo ».
7- Platon, A-pol., 41 a ; Axiochos, 371 c ; Staoe, Silves, V, 3, 25 s. ;
cf. Symbol., p. 313 ss.
70 LUX PERPETUA
simulacres apparaissent dans les rêves, ils s'adressent à leurs proches et leur
font des révélations *. De même au moral ils peuvent être, soit des êtres moroses
et .torpides, animés d'une vie affaiblie, tels que se les représentait la vieille
s'appliquent sans rémission à celui qui a violé celles de sa patrie, son tribunal
composé de juges intègres et perspicaces, ses bourreaux chargés de l'exé-
cution des sentences, les furies et plus tard les démons vengeurs {infr. ch. IV),
et sa prison, qui est le Tartare entouré par de hautes murailles. De même
les peines sont souvent conçues à l'imitation de celles auxquelles étaient con-
damnés les criminels dans la cité^. Tels des prisonniers, les coupables sont"
liés de chaînes qu'ils ne peuvent briser les Érinnyes les frappent de leurs
;
fouets, comme ils sont flagellés sur l'ordre des magistrats. Ailleurs on recon-
naît l'imitation des tourments infligés aux inculpés qu'on soumettait à la tor-
ture. Même la vieille loi du talion s'applique encore dans l'autre monde et
les morts y subissent eux-mêmes le traitement qu'ils ont fait subir à des vic-
times innocentes Ces supplices, inscrits dans le code pénal, et qui s'appliquent
'''.
à des coupables dont uns sont condamnés pour un certain temps et les autres
les
*
*
précédemment de l'Orcus, que l'auteur de l'Enéide ait ainsi suivi les Grecs dans
une épopée destinée à glorifier les traditions nationales. Presque tous les traits
de ses descriptions sont en effet empruntés à l'ancien fonds hellénique, et l'art
souverain d'un grand poète a seul pu prêter un attrait nouveau aux vieilles
figures de la Fable. Mais son dessein n'a point été seulement de raconter pour
la délectation du lecteur un
fantastique voyage au pays des morts. Il a voulu
1.
Dieterich, Nékia, p. 202 ss.
2. Ihid.,p. 206.
—
La métempsycose et la loi du talion Platon, Zoz5, 870 e ; 904 e ;
:
reçue aux Enfers l'ombre d'un moucheron tué par mégarde"*. On en reconnaît
l'empreinte à l'époque des Flaviens dans les Argommiiques de Valerius Flaccus,
dans la Thêbaîde de Stace^ et surtout dans les Puniques de Silius Italiens, ^
Quoique celui-ci ait imaginé une topographie toute personnelle de l''empire des
morts 1, il se montre à l'ordinaire, dans la conception comme dans l'expression,
I. Boissier, Rel. romaine, II'', p. 263 ss. ; 283 ss. ; Nordcn, o-p. cit., p. 20 ss. — Cf.
plonger dans l'abîme ténébreux son ennemi Rufin, c'est encore à l'Enéide qu'il
^
empruntera les éléments et même les termes de sa description du Tartare .
qu'ils accordaient aux aventures des Olympiens, auxquelles ils font de si nom-
breux emprunts. Même un épicurien comme Horace ne s'est pas fait faute de
glisser dans sec Odes des allusions aux figures et légendes de l'Hadès ^^ tant
l'idée de la mort éveillait naturellement dans l'esprit des poètes latins celle des
créations mythiques de leurs prédécesseurs helléniques. Ils ne pouvaient parler
de l'au-delà sans user des motifs longue tradition avait
littéraires qu'une
consacrés. Si Tibulle malade a
pressentiment de sa
le fin prochaine, aussitôt
"ses vers
opposent les Champs-Elysées, parfumés de roses, où se retrouvent et
lutinent les amants, au séjour maudit, gardé par Cerbère, avec l'inévitable série
des suppliciés, Ixion, Titye et les Danaïdes®.
L'influence des poètes épiques, élégiaques ou lyriques, qui, obéissant aux
conventions du genre qu''ils dans leurs compositions une
cultivaient, rappellent
mythologie à laquelle ils ne croyaient plus, s'est étendue jusqu'aux auteurs
d'épitaphes métriques '. Ils parlent des Champs Elysées et du Tartare, du Styx
et de l'Achéron, ils se
plaignent de la cruauté de Pluton qui ravit les mortels
à la fleur de l'âge, ou des Parques qui tranchent le fil de leurs jours. Ils
mentionnent les Furies vengeressies, les supplices de Tantale, de Sisyphe et
d'Ixion, Mais ces allusions ne sont guère que des formules toutes faites du
1. Maubert, /. c. \su-pra,
p. 72, n. 2].
— Sénèque dans V Hercule Furieux, où il s'ins-
pire d'Euripide, suit une autre tradition que celle de Virgile, v. 663 ss.
2. Claudien, In Ruf., II, 423-525.
3. Cf. sufra, p. 5 et N. C, III.
4. Properce, IV, 11, 19 ss. ; cf. IV, 7, 52 s. ; III, 18, 23 ss.
5. Horace, Odes, II„ 14; III, 4, 70 ss.
6. Tibulle,
I, 3, 57-80.
GaUetier, pp. 52 ss., 202 ss. ; 259
7. ss. Cf. Brehlich, Asfetti, p. 14 ss. ; Lattimore,
Pp. 87 ss., 313 ss. ; G. Picard, C.R. Ac. /«.fcr., aosept. 1946. Stèle d'Albano, /«/ra, pi. IL
74 LUX PERPETUA
style versifié. Les fables grecques étaient, nous le voyons ici, devenues fami-
lières, même
à des gens dont les incorrections de langage et de prosodie
trahissent la médiocre culture^. Ces demi-lettrés avaient la tête farcie des mor-
ceaux récités à l'école, et ils s'en appropriaient la parure érudite. Presque
absentes à l'époque républicaine, ces mentions des Enfers et de leurs habi-
tants obligés vont se multipliant avec une fréquence croissante jusqu'au temps
des Flaviens, et l'habitude d'y recourir était si fermement établie, si rigoureuse-
ment imposée par l'exemple des grands poètes, que nous voyons aux siècles chré-
tiens les épigrammes composées pour des trépassés continuer à répéter les mêmes
lieux communs. Des âmes pieuses se sont conformées sans scrupule à cette tradi-
tion scolaire, et n'ont pas répugné à utiliser ces clichés païens, si usés à force
d'avoir servi que leur empreinte première s'était effacée. En dépit de leur foi
ne renonçaient pas à un artifice de rhétorique, dont personne n'était
sincère, ils
dupe. La poésie chrétienne devait y avoir recours jusqu'au moyen-âge^, la
Renaissance et l'époque du classicisme en user et en abuser encore. Cette persis-
tance de l'ancienne phraséologie, regardée comme poétique, indique suffisam-
ment qu'elle ne répondait à aucune conviction religieuse. Et de fait, pour citer
cet exemple, dans la vingtaine d'inscriptions latines qui mentionnent les Champs
et encore plusieurs des figures dont l'imagination des Grecs avait peuplé
l'Hadès n'ont-elles été admises sur ces monuments qu'à cause du sens symbo-
eschatologie qui ne faisait plus descendre les ombres dans le sein de la terrei.
Nous verrons dans un autre chapitre 2 comment les négations des Épicuriens et
les affirmations des Stoïciens éclectiques conjuguèrent leurs efforts pour ruiner
les croyances du passé et comment cette critique rationaliste réussit à ^Driver
ces vieilles chimères de tout crédit dans les milieux éclairés et dans un public
plus large, qui prétendait l'être.
Si Lucien dans ses peintures de l'Hadès reproduit un décor devenu conven-
tionnel, c'est en composant des satires où il imite le rire sarcastique de Ménippe
le Cynique, succès obtenu par ce persiflage suffirait à prouver que toute
et le
pareilles facéties devaient être aussi incrédules que le sont les spectateurs
de l'Orphée aux Enfers d'Offenbach.
Toutefois il faut ici établir une distinction. S'il est vrai que l'on ne croyait
plus, dès qu'on se targuait de quelque culture, aux mythes de l'Hadès hellé-
nique, il s'en faut qu'eût disparu la foi primitive en un séjour souterrain
des morts, sur lesquels régnaient des dieux chthoniens. Cette antique concep-
tion ne fut jamais abolie, et si l'on considère l'ensemble du monde romain et
toutes les classes de la société, on se convaincra que la majorité des hommes
y restait attachée.
On des preuves multiples attestant que cette croyance
pourrait alléguer
universelle,remontant à la préhistoire, ne fut jamais rejetée par la mentalité
populaire. De nombreuses inscriptions funéraires appellent sur le violateur de
la tombe le courroux des dieux souterrains, protecteurs du
repos des morts, et
les opposent aux dieux supérieurs 3. Les papyrus magiques
d'Egypte font sou-
vent appel aux divinités de l'Hadès, et ceux qui croyaient à l'efficacité de ces
formules, étaient convaincus de l'existence d'un abîme obscur « oti séjournent
les démons des hommes qui
auparavant ont vu la lumière » ^. Quand les
'
'
" "
i
! I i i" î 1
i ! "i •^' ^
3. Dessau, 8177
8198 s. ; ;
8202. De même en grec ;
cf. Roscher, Lexik., s. v. kata-
chthonioi Theoi Rohde, tr. fr., p. 543,
;
n. 3 ; IGR, IV, 1479, etc.
4. Pap. Paris, IV de Preisendanz, 445 ss. De même, 1965 et pàp. V, 40a ss. Cf. Jos.
KroU, p. 476 ss.
7é LUX PERPETUA
nécromants évoquent les revenants, il est souvent spécifié qu'ils les font
remonter des gouffres sombres de la terre i. Lorsque l'ombre d'un défunt
apparaît en songe, elle console parfois ses proches en leur donnant l'assu-
rance qu'elle n'est pas plongée dans les ténèbres du Tartare, mais qu'elle est
montée au ciel 2.
Sur l'étendue immense de l'Empire romain la foi héréditaire de bien des
populations avait à peine effleurée par la religion ou là philosophie
été
grecques. Sous une teinture superficielle d'un hellénisme, qui est surtout verbal,
nous voyons se maintenir dans ces milieux des croyances remontant aux âges
les plus lointains, et dans le mélange des races que produisit l'unifciation de
Voîkûuménè. elles peuvent se propager des confins barbares de l'Empire
jouissent plus de la douce lumière du soleil ils ne suivent pas le cours des
;
étoiles et ne voient plus au ciel la luieur de la lune, mais sont plongés dans
une nuit ténébreuse. Ainsi parle l'auteur de l'épitaphe, exprimant de la sorte
les idées les plus simples et lies plus anciennes do son milieu. La conception
remontant aux âges les plus lointains, d'un Hadès obscur, peuplé de monstres
effrayants d'animaux
et hostiles (p. 64), qui menacent celui qui y pénètre^
n'a jamais disparu de la mentalité vulgaire 1. Un courant souterrain de croyances
crépuscule du paganisme. Les convictions des masses sont comme les eaux
profondes des mers, qui ne sont ni échauffées, ni entraînées par les courants
supérieurs. Mais une foule ignorante et crédule ne fut pas seule à conserver
longtemps la foi atavique en un royaume souterrain des ombres, demeure
commune de tous les trépassés. Nous le verrons, l'eschatologie des mystères
lui resta longtemps fidèle et ne lui substitua que tardivement la doctrine de
1. Voir par exemple les représentations de l'Hadès dans le Psautier Barberini (Bi-
grec 372), f°= 16^, 48, 109, 142^, 237^3 «* le Psautier de Londres (Brit. Mus.,
blioth. Vat.,
Add. 19352), f°= 9 et 11^.
2. Ci. infra, ch. v.
3. Cf. infra, ch. viii.
78 LUX PERPETUA
l'atmosphère, entraînée par les vents. Les Pythagoriciens, adoptant cette croyance
du folklore avec beaucoup d'autres, enseignèrent que l'air est plein d'âmes 3. Cet
air, ainsique la terre et les eaux, nourrissait une foule d'êtres animés, créatures
diaphanes comme lui, que l'œil ne pouvait apercevoir, mais qui constamment
faisaient sentir aux survivants leur présence. D'innombrables générations
déftmtes remplissaient les espaces sublunaires de leur multitude. Cette foule,
sans ces^e accrue, d'âmes désincarnées était venue grossir les rangs d'une armée
de démons aériens, avec lesquels elles s'étaient bientôt confondues^.
Originairement le grec, que le latin fiumen rend imparfaitement,
Sat[ji.a)V
est force impersonnelle à laquelle l'homme attribue tous les phénomènes
la
exceptionnels qui frappent son esprit let que son expérience ordinaire ne suffit
pas à expliquer^. Les faits qui semblent déroger à l'ordre normal des choses,
sont les manifestations occasionnelles de cette puissance universelle. Mais le
3. Diogène Laërce, VIII, 32, et prooem. 7 ; Cicéron, Divin., I, 30, 64 ; cf. Symbol.)
p. 113 ss.
4. Andres, R. E., Suppl. III, s. v. « Daimon » ; p. 268 ss.
5. Cf. Nilsson, Gr. Rel., I, p. 205 ss.
•
<
.
,
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 13
âme après sa mort^ ; on pensera même qu'à chaque individu est assigné
un double démon, l'un bon, l'autre mauvais, qui lui inspirent des actes louables
ou répréhensibles ^.
Ainsi, selon les idées populaires des anciens, l'homme vivait constamment
entouré de légions d'esprits se mouvant autour de lui, démons subtils ou âmes
aériennes, dont il pouvait se concilier la faveur et devait redouter l'inimitié.
On retrouve des croyances semblables chez tous les peuples aryens, en parti-
culier chez les Hindous et les Persans^, et même parmi ceux d'autres races,
comme De nos jours encore, le Bédouin du désert se figure
les Sémites.
sur les champs et les bois, étaient les hôtes des arbres, des sources, des antres
obscurs, cependant leur domaine préféré était l'air. Si les trois autres éléments
•produisaient des êtres animés, qui leur étaient propres, à plus forte raison cet air,
principe de vie, ne pouvait en être privé '. Ainsi naquit la croyance que les,
haleines des mortels, âmes sorties de leurs corps, devenaient des démons^.
'
Ceux-ci eurent désormais une double origine les uns n'avaient jamais été
:
soumis à la condition humaine, les autres, leur existence ici bas révolue,
avaient abandonné la terre.
Cette assimilation devait avoir sur le développement des doctrines eschato-
logiques une influence profonde par suite de l'importance grandissante que les
philosophes donnèrent à la démonologie. La croyance aux démons ou, génies
était répandue, si fortement ancrée dans la conscience populaire que les
si
aussi incapable de l'éliminer que la foi en l'existence des dieux, dut lui accorder
une place dans ses systèmes. Lorsque le siège d'une Divinité, conçue comme
transcendante, eut été transporté au-delà du monde sensible, aucune commu-
nication directe ne parut plus possible entre elle et l'homme ou la nature.
Les démons
qui volaient dans la zone sublunaire entre les cieux et la
terre, devinrent les intermédiaires qui faisaient communiquer le divin et
le mortel, Platon, qui a exprimé à leur sujet des opinions singulièrement
aux dieux les prières et les offrandes des humains, à ceux-ci les injonctions'
et les révélations du ciel. « La Divinité ne se mêle pas à l'homme et cependant
la race des démons, qui sont nombreux et de toute espèce, rend possible aux
dieux le commerce
et les entretiens avec les hommes, pendant la veille et
1922, pp. 129, 227 ; Symbol., p. 121, n. ; Andres, /. c. [supra, p. 78, n. 4], p. 298.
3. Platon, Banquet, zoza-zo^a.
Cf. Paul Valette, L'apologie d'Apulée, Paris, 1908,
p. 226 ss.
4. R. Heinze, Xenokrates., 1892, p. 7833.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 8i
degrés dans la hiérarchie des êtres, et en quelque sorte un des trois étages
dont se compose l'univers. La croyance populaire est le substratum sur lequel
reposent toutes les qualités attribuées à ces médiateurs par l'enseignement de
l'école. Jusque chez les on trouve, mêlés aux spécu-
derniers Néoplatoniciens
lations les plus quintessenciées, desemprunts à une superstition parfois gros-
sière*, qui se rattache directement au polydémonisme primitif.
On conçoit combien les vieilles notions romaines des Mânes ou des GénieS(,
comme celle de ces petits dieux familiers qui présidaient dans leur ancienne
religion à toutes les opérations agricoles, furent transformées lorsqu'elles se
combinèrent avec la démonologie savante des Grecs. La manière dont on
conçut dès lors la nature et les fonctions des esprits des morts en fut singu-
lièrement modifiée et élargie et si nous avons cru devoir esquisser ici, en
;
nances. L'on admit de tout temps que l'âme n'était pas rigoureusement confinée
dans le tombeau. Ainsi elle pouvait en sortir pour jouir de l'agrément d'un
jardin entourant lemonument sépulcral^. Mais surtout, si le défunt ne recevait
pas dans sa maison éternelle le culte auquel il avait droit, si l'on violait sa
dernière demeure, si on ne lui versait pas des libations pour lei sustenter et
le revigorer, il venait tourmenter ceux qui l'avaient offensé ou négligé ^
Toutefois, précisément parce que la tombe est le lieu où l'esprit du mort
doit se loger et se nourrir, l'opinion commune voulait qu'il ne s'en écartât guère.
Les philosophes la reprirent et la concilièrent avec une doctrine plus évoluée, en
qui avaient envahi son foyer, le pater familins, à minuit, se levait et parcourait
la maison en silence, les pieds nus, écartant de lui les esprits par un geste.
obscène des doigts. Puis, sans se retourner, il jetait derrière lui des fèves noires'
pour rassasier les Lémures. Ayant ainsi apaisé les âmes exigeantes des anciens
maîtres de la demeure familiale, il les chassait à grand bruit en frappant un
bassin de bronze et en répétant neuf fois l'ordre « Marùes exite paterni ».
:
(p. 156 Koetschau) ; Apulée, Apol., 64 ; Lactanoe, Inst., Il, 26 ; Salluste le phil.,ch. IÇ»
Ammien Marc, XIX, 12, 13 ; Grégoire de Nysse, De anima (P. G., XLVI, p. 88 B).
2. Porphyre, De Abstin., II, 46 ; Macrobe, Somn. Sci-p., I, 13, 95 cf. infra, ch. vii.
Ces esprits, d'abord accueillis, puis expulsés, étaient donc des revenants
qui hantaient les airs dans l'obscurité de la nuit, et les spectres nocturnes,
étant souvent conçus comme maléfiques, le nom de Lémures, qui paraît s'être
appliqué d'abord aux Mânes en général, prit de bonne heure une acception
péjorative et devint synonyme de Larva. On le réserva en particulier aux
ombres errantes et malfaisantes des enfants morts en bas-âge et dejs victimes
d'une mort violente.
Du 13 au 21 février se célébrait, nous l'avons vu, une autre fête éga-
lement d'une antiquité immémoriale, les Parentalia, où les membres des
familles se réunissaient autour des tombeaux pour y rendre un culte à leursi
des conséquences plus funestes. Celui qui omet de s'en acquitter attire le
malheur, non seulement sur le déftmt, mais sur les siens et même sur sa patrie ;
privée des honneurs funèbres vague à la surface de la terre, spectrie,
car l'âme
c'est un
vagabond, dont le sort est comparable à celui de l'exilé privé de foyer
repousse sans pitié et elles sont condamnées à voltiger sur la rive du fleuve
;
glauque, jusqu'à ce que leurs ossements reposent dans un tombeau ou, à défaut
de funérailles, pendant cent années, c'est-à-dire pendant la durée maximum de
l'existence humaine i.
La doctrine qu'a suivie Virgile dans le classement des ombres rencontrées'
par Énée, associe aux misérables qui n'ont pas été inhumés, les enfants qui
ont péri en bas âge et lés victimes d'une mort violente. Ils pâtissent dans l'au-
delà d'une exclusion analogue. Ils ne seront pas admis dans les Enfers jusqu'à
ce que soit révolu le cycle d'années qu'aurait dû normalement atteindre leur
vie, si elle n'avait été tranchée avant l'heure. Eux- aussi, sont ainsi condamnés
à vaguer dans le monde des vivants ;
eux aussi deviennent des fantômes malé-
voles et sont invoqués par les sorciers. Nous y reviendrons à propos des morts
prématurées 2,
Les âmes qui ont ainsi été brutalement arrachées à leur corps, gard-ent un,
attachement pour lui. Empêchées de trouver un asile durable dans les Enfers,
elles séjournent à l'endroit où est restée leur dépouille 3. Cette conviction
a quantité d'histoires de maisons hantées, où aurait été enfoui le
inspiré
cadavre d'une victime d'im meurtre. Son spectre, à la fois pitoyable et redou-
table, continue à y habiter et à s'y promener dans l'obscurité, ou encore s'y
lamente longuement. Lorsque le squelette est découvert et que les Mânes ont
été apaisés, le revenant cesse de venir troubler les vivants. Pline le Jeun'e
raconte en toute confiance l'histoire du philosophe Athénodore*, qui se rendit
à Athènes dans ime maison ainsi visitée" par un spectre et s'y installa pour y
passer la nuit avec sa lampe et ses tablettes. Sans peur, il se plongea dans
l'étude. Le fantôme apparut un vieillard à longue barbe, aux cheveux hir-
:
sutes, secouant les chaînes qui lui liaient les mains et lui entravaient les pieds>
X.
Virgile, Ètt.^ VI, 325, 371 ss., cf. Norden, intix)d., p. 10, et in^ra, ch. vu, '
pareil
à celui que rapporte Pline i.
Suétone n'est pas moins crédule que l'épistolier^.Il raconte qu'après
avait succombé, aucune nuit ne se passa sans quelque cause d'effroi, jusqu'à ce
ajoute le philosophe, les voisins pensent voir des apparitions et entendre des
voix troublantes. On pourrait multiplier les preuves de la crédulité avec laquelle
étaient acclieillies ces histoires de lieux hantés par les âmes en peine des
« biothanates » *. La Most^llaria de Plante qui, à la suite d'un comique grec
pas se moquer de telles superstitions, mais les partager sinon la pièce eût
:
manqué son effet. La large créance dont jouissaient ces contes fantastiques
explique qu'on n'ait cessé de les répéter durant tout le moyen-âge et que de
nos jours encore ils n'aient pas perdu tout crédit.
faut ici faire une première distinction. Ceux qui admettaient l'existence des;
dieux, l'immense majorité, ont toujours cru qu'ils se manifestaient
et c'était
aux hommes par des « épiphanies » *. Leurs fidèles pouvaient les apercevoir,
constater leur présence immédiate, non seulement dans des songes, mais à
l'état de veille. D'innombrables témoignages depuis l'époque homérique jusqu'à
la fin de de telles apparitions.
l'antiquité, attestaient, pensait- on, la réalité
La même possibilité était généralement admise pour les héros, c'est-à-dire
certains morts ayant vécu sur la terre, mais élevés à une condition supérieure.
Car ces demi-dieux étaient tout proches des dieux on les associait dans une ;
commune vénération, et ils faisaient pareillement à ceux qui les servaient dévo-
tement, la faveur d'entrer en communication avec eux. Dans les temples où
s'exerçait la « nécyomancie », des héros d'autrefois venaient guérir les malades
qui y pratiquaient l'incubation ^. Hercule, les Dioscures, Esculape, avaient été
déifiés selon la mythologie par une apothéose et ils pouvaient, comme les.
Olympiens, descendre sur la terre pour venir au secours de ceux qui les invo-
quaient^. Même les guerriers homériques, à qui seuls la vieille poésie épique
avait réservé une vie divine, tels Achille, Hector ou Protésilas, continuaient
à réapparaître sous l'empire romain géants lumineux armés de pied en cape,
:
ils se présentaient à leurs adorateurs, que ceux-ci fussent endormis ou éveillés 'i.
enseigné que la race de l'âge d'or s'était transformée après son trépas en
démons bienveillants, préposés à la garde des hommes ^. Une pareille assis-
tance fut aussi la doctrine enseignée généralement par les Platoniciens. Elle
est par exemple exprimée avec une clarté parfaite par Maxime de Tyr '. Lorsque
notre âme s'est dépouillée de son corps, elle considère avec une vue plus per-
7. Maxime de Tyr, IX, 6d avec les passages parallèles cités par Hobein (p. 105).
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 87
çante le spectacle de notre et, prenant en pitié les âmes d'ici-bas, qui
terre
sont ses congénères, elle se mêle à leur société pour redresser celles qui ont
failli. Il leur est commandé par Dien de fréquenter notre monde, de s'associer
à les espèces d'hommes et à tous leurs sorts, leurs pensées, leurs
toutes
métiers, de venir en aide aux bons, de venger ceux qui subissent l'injus-
tice et de punir ceux qui la commettent. Cette intervention favorable des
esprits des morts dans les moindres affaires de l'humanité était implicitement
admise par tous ceux qui leur rendaient un culte pour l'obtenir.. Une telle;
conviction explique que ses défenseurs aient aussi facilement ajouté foi aux
« épiphanies » de ces protecteurs. Ils étaient d'autant plus disposés à admettre
l'épigraphie funéraire. Une épitaphe de Rome se termine par les mots « Toi :
3. Pseudo-Clément, Recogn., I, 5 -,
cf. Fr, Boll, Zeitschr. Neuiesf. Wiss., 1916, XIX,
P- 139 ss.
3- Cf. CCAG, VIII; 3, p._ 136; Vin, 4, p. 257 : Le prêtre égyptien demande à
Thessalos s'il veut s'entretenir avec l'âme d'un mort ou avec un dieu.
4. Plotin, IV, 7, 15 (Bréhier, p. 188). Cf. Xénophon, Cyrop., VIII, 7, 16 ss. Aris-
'tote, Eudème, fr. 44 Rose = Plutarque, Consol. Apoll., vj.
;
88 LUX PERPETUA
qui ceci et doutes qu'il y ait des Mân,es, invoque-nous en faisant un vœu
lis
et tucomprendras » ^
Mais à ces ombres compatissantes, dont les épiphanies sont comparables à
celles des dieux, s'opposaient les spectres dont l'imagination craintive d'une
foule crédule redoutait l'hostilité. Le peuple romain, comme les autres, a cru aux
fantômes dangereux dont on distinguait parfois dans les ténèbres les formes
indécises, « Larves », revenues sur la terre, dont le paysan du Latium croyait
entendre gémir la nuit dans les forêts la voix troublante, ou. apercevoir aux
carrefours les simulacres d'une maigreur cadavérique ^. Ces esprits souffrants
et errants de ceux qui s'en étaient allés, faisaient du mal aux morts comme aux
vivants ;
les âmes des trépassés avaient à lutter contre eux et ils troublaient en
cette vie la raison ou altéraient la santé des possédés dont ils s'étaient emparési.
Une plèbe inculte n'était pas seule à appréhender la malignité des revenants.
Parmi les philosophes ceux qui, comme les disciples de Pythagore et de Platon,
donnaient dans leur système une large place à l'intervention des démons aériens,
acceptaient sans sourciller les superstitions vulgaires et s'attachaient à les
et le monde
infernal te faire toujours rencontrer les figures des morts ; qu'il
mette sous tes yeux tout ce qui existe, n'importe où, d'ombres, de Lémures, de
Mânes, de Larves, toutes les apparitions des nuits, toutes les terreurs des
bûchers, tous les épouvantails des tombeaux. » Dans le Philopseudès de Lucien,
c'est le
Pythagoricien Arignotos qui du spiritisme le plus
se fait l'avocat
invraisemblable *. Que les romanciers aient accordé à cette fantasmagorie une
place dans leurs fictions, pourrait n'être qu'un moyen de leur donner l'attrait
d'un merveilleux purement imaginaire ^ Mais de graves historiens ne se sont
pas fait faute de rapporter comme réels les plus effarants prodiges®.
L'existence des fantômes était, il est vrai, repoussée nécessairement par les,
généralement par tous ceux qui, comme Pline l'Ancien, niaient toute survie
personnelle*. Les Lémures nocturnes paraissaient au scepticisme d'Horace,
aussi risibles que les sortilèges des sorcières?', En outre cette erreur avait
pour adversaires -certains Stoïciens 3, qui excluaient ces êtres malfaisants d'am
monde ordonné par la bonté de la Providence. Entre les négateurs et les
défenseurs des croyances populaires souvent les meilleurs esprits hésitaient et
n'osaient se prononcer. Pline le Jeune écrit à Sura, personnage consulaire :
« Je voudrais savoir si tu crois qu'il existe des fantômes, ayant une forme
apparence que de notre crainte »*. Mais ce n'est guère qu'une formule de
déférence pour le jugement de son correspondant, car la suite prouve que
l'épistolier est convaincu de la réalité de ce dont il affecte de douter. Plu-
^
tarque rapporte l'opinion de ceux qui prétendaient détruire ces abe;rrations;
néfastes. « Ils affirment », dit-il, « qu'^aucuïi homme raisonnable n'a jamais
des anciens, que les démons méchants et jaloux troublent les hommes de bien
pour les empêcher de conserver une vertu parfaite, qui assureârait à ces sages
infaillibles après la mort un sort meilleur que le leur. Lucien® met en scène
une réunion de philosophes de diverses écoles qui disputent sur l'existence des
démons et des fantômes : le Pythagoricien en est convaincu et assure qu'en,
effet les âmes des morts circulent parmi les hommes et se^ montrent à qui elles
veulent. Un autre prétend que seules les âmes de ceux qui ont péri par
violence reviennent errier sur la terre, non celles des gens qui s'en sont allés
à l'heure voulue par leur, destin. Cependant un troisième soutient que de toutes'
ces inventions rien n'est réel', et Lucien lui-même, est d'avis qu'un robuste
5. Plut., Dion, 2.
6. Lucien, Philopseudès, 29 ;
cf. înfra, ch. vu.
7. îbid., 40.
90 LUX PERPETUA
bon sens est le meilleur remède contre le trouble que causent de vides et
vaines inventions. Mais Lucien est un sceptique qui se gausse de toutes les
*
* *
Les esprits des morts, nous l'avons dit, sont d'ordinaire invisibles, comme
l'air qui les entoure i. Mais leur substance peut s'épaissir assez pour qu'ils
acquièrent une apparence sensible. Leurs formes vaporeuses glissent silencieu-
sement sous les pâles rayons de la lune ou dans « l'tobscure clarté qui tombe
des étoiles ». Mais l'imagination des foules ne se contentait pas de fantômes
aussi fugaces, entrevus dans la pénombre. ISeidôlon pouvait se montrer clai-
rement avec l'apparence de l'être vivant 2, tel qu'il avait été à la fleur de l'âge,
ou du moins au moment de sa mort, parfois légèrement défiguré par les
flammes du bûchera Le peuple se figurait aussi que les spectres, étant des
démons, pouvaient, comme eux, changer d'aspect à leur gré et emprunter la
semblance de monstres terrifiants*. Leurs figures prodigieuses étaient propres
alors à frapper les hommes d'épouvante ^«
Assimilés aux démons, les âmes désincarnées furent conçues comme possé-
dant une intelligence supérieure à celle de l'homme, dont les facultés étaient
obscurcies par son accointance avec le corps. On les supposait en particulier
". Une vieille croyance,
capables de prédire l'avenir qui remonte à l'âge homé-
rique, voulait que les mourants eussent la prévision des événements futurs. L'on
expliquait que leur âme, se soustrayant à la matière, au moment où celle-ci
cessait de la retenir, acquérait une faculté qui devait s'accroître encore lors-
qu'elle
serait entièrement affranchie de sa sujétion à des organes charnels ^
Cette conviction transforma ainsi les esprits des trépassés en agents actifs de
la divination, soit qu'ils fissent connaître leurs présages ou oracles dans des
pour ceux-ci la même valeur que leur vie consciente et logique. La mentalitë
primitive n'établit pas de distinction essentielle entre ce qui est perçu en dor-
mant ou en veillant. Les visions qui défilent devant l'imagination de chacun
pendant le sommeil ont pour lui la même réalité que ce qu'il voit de ses yeux
après son réveil. L'âme du dormeur peut rester simple spectatrice, et les
formes mouvantes des vivants ou des morts qui lui apparaissent sont alors des
viennent la trouver pendant son repos et converser avec elle. Une
visiteurï qui
agilité merveilleuse la rend aussi capable de faire des excursions rapides dans
des régions lointaines et de s'y entretenir avec ses pareilles. Enfin le rêve
peut
contenir un ordre que donne un esprit, et qu'on est tenu d'exécuter si l'on ne
veut courir de graves danger.
Ces idées, qui paraissent avoir été communes à tout le genre humain à un
stade reculé de son évolution, s'affirment encore à l'époque romaine. Les
visions perçuesen songe ne sont pas, suivant la croyance générale, des fictions
des mirages cérébraux produits par une surexcitation des nerfs ou
illusoires,
une digestion laborieuse. On les conçoit encore moins, à la façon des psycha-
nalystes modernes, comme
des images imprimées ou refoulées dans le subcons-
cient, qui s'imposent à nous quand la domination de la raison logique, est
abolie, ou bien comme des stratagèmes ou déguisements plus ou moins efficaces
dont use ce même subconscient pour apaiser les stimulations qui pourraient
troubler notre repos. Pour les anciens, les êtres et les objets qui s'offrent à
la vue du dormeur ne sont pas une création interne de sa personne psychique.
C'est du dehors que lui viennent ces impressions qui l'affectent
parfois profon-
dément, sans qu'il puisse réagir pour les écarter.
Mais, au lieu d'une divinité, ce peut être l'esprit d'un mort parlant et agissant
comme s'il était encore de ce monde, qui s'offre à la vue d'à dormeur, lui
4. Sur rov£îpojtpÎTr)ç cf. Egypte des astrol., p. 127 ss. ; Inscriptions de Dêlos, 2071-
2073, 2151. Cf. 2105 ss.
5. Kenner,
/. c, col.
455 ss.
Augustin, De cura -pro mortuis, xo (P. L., XL, p. 600) ; Prudence, Hymne, VI,
6. S.
25 ss. ; Actes de Paul et 'Chécla, 28-29 0-i P- "^SS' Lipsius). Cf. Saintyves, En marge 'de
la Légende dorée, Paris, 1930, p. 8 ss.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 93
apportant ainsi une preuve sensible que, pour nous exprimer comme un rhéteur
latin, l'homme ne périt pas tout entier, « mais qu'une partie de son être n'est ni
brûlée par les flammes du bûcher, ni éteinte avec ses cendres, ni enserrée dans
*
les urnes cinéraires ou les sépulcres » Le défunt, surtout si son décès est récent,
.
revient ainsi tenir compagnie à des parents ou des amis dont l'esprit est obsédé
par le regret de celui qu'ils ont perdu, afin de leur apporter un réconfort
dans leur affliction une mère qui pleure un fils emporté à la fleur de l'âge
:
voit, selon une épitaphe latine 2, « une forme rayonnant d'une lumière sidérale
descendre de l'éther ;
le jeune homme avait gardé son vrai teint et sa voix, mais
les sombres profondeurs du Tartare, mais, emporté vers les astres, avait été
héroisé dans un céleste séjour. La poésie funéraire a exécuté d'infinies varia-
tions sur ce thème traditionnel*.
Les vivants peuvent ne point rester plongés dans la torpeur et réduits à
l'immobilité, pour attendre l'arrivée du visiteur nocturne qui reviendra les con-
soler. Comme dans l'évanouissement et la catalepsie *, comme aussi
(knzo^uyj.a.)
dans l'extase, de même dans le sommeil, croyait-on, le souffle vital qui animait
l'homme, s'échappant par la bouche, pouvait s'élancer dans l'air ambiant. Si le
dormeur perdait la notion du lieu où il gisait inerte, c'était que l'âme, cessant
d'être passive et purement réceptrice, abandonnait passagèrement le corps. Rom-
pant avec ses attaches matérielles, elle pouvait parcourir l'espace avec une
rapidité merveilleuse et se transporter en un instant aux extrémités del"univers.
Elle devenait ainsi capable de pénétrer dans le monde des esprits et de con-
verser avec les défunts. La littérature antique connaît maint récit de gens que l'on
a cruç privés de vie, et qui, recouvrant la conscience, ont raconté les merveilles
qu'ils avaient vues ou entendues dans les Enfers ou dans le Ciel^ Comme ces
1. Quiatilien, Déclam. ^ X, 2.
2. C. E., 1109 = CIL, VI, 21521, 9 ss.
CIG. 35ii=Kaibel, Epigr., 320; cf Rohde, tr. fr., p. 585, n. i
3.
1947. XVII, i>. 5i=Kaibel, Ep. 372, 325 ; Cf. CIL, VI, 18817
.
— ;
j BuckLer,J.R.S.,
Virgile, En., Y,
723 ss.Lattimore, p. 33 ss. et infra, ch. vi, pi. II (stèle d'Albano).
4. Symbol., p. 363 et 509 ; Mages hellén., I, p. 18 s.
—
Cf. Prudence, Hymne, VI,
28 ss.;
Jamblique, De myst., III, 3; Augustin, Civ. Dei, XVIII, 18.
5- C. Pascal, Credenze, II, 36 ss. ; Wendland, op. cit. [supra, p. 84]. Mages hellé-
nisés, I, p. 18 s.
94 LUX PERPETUA
songes ^
Ainsi la vision ou l'audition d'un être qui a quitté la société des hommes
n'est pas imaginaire. Ceux que le dormeur a vu venir à lui, ou est allé retrouver
au loin, et dont il garde à son réveil le souvenir, vivent réellement et peuvent
révéler à leur interlocuteur son destin, lui exprimer leurs désirs ou lui apporter
un réconfort. Car souvent ces morts sont conçus comme bienveillants et
compatissants, disposés à rendre service aux survivants. Une épitaphe romaine
vient de nous en fournir un exemple (p. 93). D'autres pourraient s'y ajouter
pour montrer la diffusion de cette croyance* si répandue qu'elle a fourni a
un rhéteur un thème fictif de déclamation. Une mère a perdu son fils ;
elle
le voit revenir à elle chaque nuit, il s''entretient avec elle jusqu'à l'aurore,
l'étreignani: et échangeant avec elle des baisers. Mais le mari apprenant les
visites nocturnes du fantôme, craint quelque maléfice et s'adresse à un magi-
cien, qui par ses incantations enferme cette âme errante dans la tombe, privant
ainsi une mère de suprême qu'elle éprouvait et infligeant en quelque
la joie
sorte au défunt un nouveau trépas. Des esprits secourables manifestent surtout
leur puissance curative aux malades qui viennent leur demander la guérison
en se livrant au sommeil dans les temples. Car l'incubation n'était pas seule-
ment pratiquée dans les sanctuaires de divinités ou de héros, mais aussi dans
les lieux où les morts rendaient des oracles
(vexuo[xavT£Îa)
^
Cependant ces morts apparaissent plus fréquemment comme annonciateurs
d'événements lugubres ou pour se plaindre de mauvais traitements. L'imagina-
tion d'un homme exposé à un grave danger est-elle effrayée par l'éventualité
menaçante de sa fin prochaine ? une apparition nocturne, provoquée par cette
hantise, lui révélera son destin : Caius Gracchus fut averti de l'imminence de
sa mort tragique par l'ombre de son frère Tibérius, qui lui apprit dans son
sommeil qu'il ne pourrait éviter le sort funeste auquel lui-même avait suc-
chemars terrifiants est le remords qui torture l'auteur d'un meurtre et fait
surgir devant ses yieux dans ses songes sa victime courroucée. Les reproches
lancinants de sa mauvaise conscience l'incitent à chercher les moyens de fléchir
son persécuteur. Les récits de ce genre abondent ^ Un exemple fameux était
celui du régent Spartiate Pausanias, qui à Bysance, ayant tué par erreur dans
l'obscurité Cléonice dont il voulait faire sa maîtresse, vit ses nuits hantées
par l'ombre de la jeune fille, et, cherchant à l'apaiser, fit évoquer à Héraclée
par r « oracle des morts » cette âme exaspérée, qui lui prédit la fin de ses
maux s'il rentrait à Sparte. Là se réalisa cette prophétie ambigiie, car il y périt
bientôt tragiquement".
Le motif de l'assassin poursuivi par lefantôme de celui dont il a abrégé les
a suggéré une fantaisie poétique à l'auteur du
jours, paraissait si naturel, qu'il
Culex virgilien. Un pâtre, accablé par la chaleur du jour, s'est assoupi et il est
menacé d'être mordu par un serpent. Un moucheron, voyant le danger, lui
enfonce son aiguillon dans la paupière. Le dormeur éveillé en sursaut écrase
d'un geste machinal l'insecte qui est son sauveur. Celui-ci lui apparaît la
nuit suivante et lui reproche son ingratitude. Mort par violence et privé de
I. Valère Maxime, I, 7, 6,
a. TibuUe, II, 6, 35 « Neglecti mittunt mala somnia Mânes ».
Rohde, tr. fr., p. 217, n. i ; Preisendanz, Le. [p. 92,11. 2], col. 2246 Kenner,/. c,
3.
col.
458.
—Cf. Horace, E-pode, V, 91 ss. ; Suétone, Néron, 34.
;
4. Pltitarque, Cimon, 6.
5- Cf. Plésent, Culex.
6. Cic, De divin., I, 27, 57.
96 LUX PERPETUA
sa mort, car l'aubergiste, après l'avoir tué, avait caché son corps sous du
fumier dan:î une charrette, où en effet il fut découvert.
Si l'on en croit les psychologues, peut-être l'homme ne rêve-t-il pas lorsqu'il
est plongé dans une torpeur profonde et certainement les songes les plus clairs
;
Les spectres qui viennent surprendre les vivants au milieu de leurs occu-
pations, en pleine conscience, sont de même nature que ceux qui se présentenit
à eux dans le sommeil et on leur attribue les mêmes offices. Ils peuvent pareil-
lement rendre de précieux services, prédire l'avenir, révéler une chose cachée,
'
consoler ceux qui les pleurent. Ainsi la « Fiancée de Corinthe » qu'une
ballade de Goethe a immortalisée, et qui revient s'unir à celui qui l'a aimée,
ressemble étrangement à la Démaineté de Lucien seulement les traits matériels
;
3. Phlégon, Mirab., i ; Proclus, Republ., II, p. ii6, Kroll ; cf. Wendland, op.
cit.
nécromancie *, qui, comme elle, est étroitement conditionnée par les croyances
en la survie des âmes.
De même que les thaumaturges prétendaient obliger les dieux, au besoin par
glaive de bronze il creuse une fosse carrée et offre autour d'elle aux défunts
une triple libation de lait miellé, de vin et d'eau ; puis il la saupoudre d'une
blanche farine ; enfin il immole une brebis et un agneau noirs et fait couler
dans le trou le sang des victimes en invoquant Hadès et Perséphone, qui doi-
vent donner congé à leurs morts. Alors du fond de l'Érèbe s'empressent vers
le héros les âmes étiolées, avides du breuvage qui leur rendra une vigueur
momentanée.
Cette cérémonie, telle que nous la dépeint l'auteur de cet épisode de
l'Odyssée, s'inspire du
culte des morts plus que de la magie, et le vieil aèdC;
a reproduit sans doute le rituel usité dans les cultes chthoniens de cette*
époque reculée. Les âmes remontent en foule des enfers à l'appel d'Ulysse,
comme elles le faisaient dans les fêtes annuelles des morts à Athènes et à.
Rome (pp, 82-83). Le héros recourt à la prière, non à la menace, il attire les
ombres anémiées par des offrandes alléchantes, il ne leur impose pas, malgré
elles, sa volonté, et elles ne sont point capables de lui révéler l'avenir.
d'opérations magiques ®.
Ce sont probablement les Pythagoriciens de l'entourage de Nigidius Figulus
qui, au temps de Cicéron, introduisirent la nécromancie dans leurs cénacles
occultes à la grande indignation des vieux Romains '. Car la consultation des
esprits était étrangère à la divination anciennement pratiquée à Rome. Le
frêle et pâle essaim des Mânes ne possédait pas, avant qu'on s'avisât de faire
d'eux des démons grecs, une force et ime intelligence supérieures à celles des
hommes. D'autre part le droit pontifical, dans sa protection rigoureuse des
tombeaux, témoigna d'un respect scrupuleux du repos des morts. Troubler leur
quiétude, en les appelant devant soi, était une impiété, et ils ne tardaient pas
à châtier le sacrilège. En général toutes les pratiques magiques sont .con-
Platon, Lois, 909 B, 933 A. Cf. Eitrem, Symbol. Osloenses, 1941, XXI, p. 51.
I.
Cf. su-pra, III.
a.
de l'art illicite.
développèrent la théorie et la pratique de Part suspect qui leur doit son nomi
de magie. Sans doute Eschyle le savait-il déjà et s'est-il souvenu de la puis;-
sance dont se targuait le clergé iranien, lorsque, dans les Perses, il a imaginé
de fairs surgir de la tombe royale l'ombre de Darius, évoquée par des libations,
et des conjurations appropriées^. A Rome, Néron, que les Mages de la suite
1.
Momm&en, Strafrecht, p. 63g s.
(=tr. fr., II, p. 356 s.).
'
puissances du mal. Plus les offrandes qui leur sont faites seront cruelles,
plus elles plairont à la malignité des démons, et plus on sera convaincv^ de
leur efficacité *.
1. Pline,E. N., XXX, i, 6 ; cf. Rivîsta di filologia, 1933, LXXI, p. 146 ss.
2. Lucien, Menî-p-pus sive de Necyomantia. 6 = Mages hellén., II, p. 40, fr. B, 30.
3. Mages hellén., Il, p. 23 (fr, B loC), .n. i, et p. 247, fr. O, 104.
4. Rel. orient., p. 175 s.
5
.
Lucain, VI, 451 j cf. Hopfner, Offenbanmgszauber, II, 3, p. 159, § 366 ; et R- S-,
l. c, col. 229.
6. CCAG, VIII, 3, p. 136, 29; cf. Vettius Valens,
67, 5 5 112, 34} 113, 17, KroU}
Festugière, Hermès, I, p. 56 s.
7. Ps. Clément, Recogn., I, 5.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES loi
était plus occulte L'on y voit aussi quelle terreur inspirait la vue des spectres,
.
empoisonné son mari. Comme elle proteste de son innocence, on fait appel à
la science du prophète pour ranimer le cadavre et rendre une lumière momen-
laisse en repos. Mais Zatchlas le menace des pires tortures s'il ne répond pas.
La victime confesse alors avoir succombé aux artifices criminels de sa nouvelle
épouse, qui lui a fait vider une coupe empoisonnée, afin qu'un séducteur pût
prendre sa place dans le lit encore tiède.
C'est en Egypte que se place la scène de nécromancie décrite dans un
autre roman, les Èthiopigues d'Héliodore^ qui, notons-le, appartenait à une
famille sacerdotale d'Émèse en Syrie. Un combat a été livré à Memphis, une
vieille femme a eu un de ses fils tué, elle ignore le sort de l'autre et vienfc
1.
Egypte des astr., p. 119 ss.
2. Apulée, Mêt.i II, 29.
3. Héliodore, VI, 14.
102 1
LUX PERPETUA
tion daii!î l'oreille. Cédant au sortilège, l'enfant se dresse, mais ne répiond que
Ces deux exemples suffiront à donner une idée des scènes de nécromancie
introduites dans leurs récits par les romanciers. Il est difficile de déterminer
jusqu'à quel point les rites qu'ils décrivent ont été empruntés par eux à la
réalité ou inventés par leur imagination. Ces épisodes macabres nous appren-
nent du moins quelle idée les littérateurs se faisaient de ces opérations magi:-
ques, odieuses aux morts et redoutables pour ceux-là mêmes qui les pratiquaient.
C'est surtout chez les poètes latins du premier siècle de l'Empire que l'on
Mages jusqu'au jour où il en reconnut l'inanité*. Mais rien n'est moins certain,
et peut-être Lucain a-t-il eu lui-même un penchant pour un art vers lequel
étaient attirés beaucoup de ses contemporains, et même des philosophes pytha-
3. Commentaire
de Fahz, op. cit. [supra, p. 97, n. 4], p. 42 ss. Cf. Bourgery, Lucain
et la magie, REA, 1028, VI, 299 ss.
4. Friedlânder-Wissowa, Siitengeschichte, III 10, p. 325.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES loj
préceptes disparates.
Rien ne nous révèle mieux la puissance attribuée à la nécromancie que la
répétition des lois sévères qui Tinterdisaient*. Poursuivre avec une rigueur
implacable le recours à cette magie criminelle était admettre implicitement la
réalitéde son pouvoir. Comme ses adeptes, menacés des peines les plus graves,,
ne pouvaient la pratiquer que furtivement à la faveur de la nuit, elle était
pour la foule un art mystérieux entouré du prestige qu'fc»n prêtait alors aux
révélations ésotériques et aux sciences occultes. L'on vit les empereurs eux-
mêmes user, comme Caracalla, de ces procédés secrets d'une thaumaturgie que
leur législation condamnait 2. La crainte du châtiment suprême ne suffisait
pas à en détourner ceux qui avaient confiance en son efficacité. Tant qu'on
admit la possibilité de contraindre les esprits des morts à seconder les desseins,
même inavouables, du magicien, à coopérer avec lui à des oeuvres néfastes, la
nécromancie fut indestructible. Elle faisait appel à trop de passions humaines
pour n'être pas entendue. Ceux qui, ballotés entre l'espérance et la crainte,
poussés par l'aiguillon de l'ambition, étaient obsédés du désir anxieux de
pénétrer les secrets de l^avenir, recouraient à ces colloques avec les trépassés,
dont on attendait des réponses plus clai,res et plus directes que celles des
oracles souvent ambigus. D'kutres, torturés par un amour malheureux, pen-
saient, grâce à rintervention des esprits, inspirer une ardente passion à celui
ou. à celleles repoussait. Mais surtout en invoquant certains morts,
qui
devenus des démons maléfiques, on espérait assouvir sa vengeance sur un
ennemi détesté, livrer aux pires supplices le persécuteur dont on avait à souf-
frir, condamner au trépas le rival dont on voulait se défaire. Les cérémonies
tance de cette idée à travers les siècles. C'est sur le tombeau de Darius que,
suivant Eschyle, sont offertes les libations qui en feront sortir le spectre du
roi (p. 99) et Horace assure que les sorcières venaient encore la nuit aux
Esquilles, là où se trouvait le cimetière des pauvres, et y versaient dans un
trou, creusé parmi les sépultures, le sang d'une agnelle noire « pour attirer
les Mânes qui doivent leur donner une réponse » 1, Le magicien, « dont l'af-
freux murmure et les paroles impérieuses torturent les dieux supérieurs et les
Mânes », ont le pouvoir de faire sortir l'ombre du tombeau ou de l'y enfer-
mer, les accablant ainsi sous le poids de la terre et les tenant comme enchaînés
dans leur étroite prison*-.
Plus féconde encore en conséquences fatales est la longue survivance de
l'antique conviction que l'âme reste attachée par des liens mystérieux au corps
qu'elle a quitté ^ car cette connexion supposée a inspiré tous les rites de
magie sympathique qui requièrent, nous le verrons, la possession d'un morceau
du cadavre. Elle explique aussi qu'on pensait pouvoir ranimer plus faci-
lement la dépouille inerte d'un homme récemment décédé et obtenir de lui
des réponses plus intelligibles*. Son âme ne s'était pas encore fort éloignée,
on pouvaif la rappeler plus aisément que si elle était déjà descendue au
fond des Enfers, et elle s'y prêtait avec moins de peine. Cependant déjà à
l'époque homérique on invoquait les ombres vivant dans l'Hadès, et les
formules des magiciens révèlent clairement que telle était la puissance qu'ils
s'attribuaient à toutes les époques*. La croyance à la survie dans la tombe et
celle de la descente dans les Enfers étaient différentes par leur origine et
éloignées par leur caractère. Mais dans la pensée des nécromants elles s'étaient
préoccupés de cette armée de génies aériens, auxquels les esprits des trépassés
fournissaient un contingent de recrues constamment renouvelé.
Ces esprits étaient invisibles comme les vents qui les portaient 3, mais non
purement spirituels, ce que la mentalité vulgaire ne pouvait concevoir. Ils
apparaissaient dans les évocations comme des formes indécises et douteuses,
enveloppées d'une ombre obscure ; souvent presque imperceptibles à la vue, ils
manifestaient leur présence par leurs réponses aux questions du consultant,"
sans qu'on s'expliquât comment des êtres dépourvus de langue, de gorge et de
poumons pouvaient être doués d'une voix*. Il est vrai que la voix aiguë de
ces frêles créatures ressemblait parfois à un sifflement à peine sensible \ à
moins qu'un ventriloque, doué d'un organe plus robuste, ne se substituât au
fantôme, abusant de la crédulité de ses dupes**. Ou bien un enfant encore
1. Tibulle, I, a,
45; Ovide, Amours, I, 8, 16 ; Papyrus Magic, IV, Prcisendanz,
/.
c, 1443 s.
2. Hopfner, R. £., /. c, ool. 2218.
3. Pap. Magic, IV, 2730; Tivèç :?)pûnov àtYpia oupfÇovTe;... àvéjjiwv eî'SwXov ïyio^mq; cf. supra,
p. 78 ss.
4. Cicéron, Xjusc,
16, 37.
I,
5. Maxime de Tyr,
VIII, 2, p. 87 ; cf. Lactance, Inst., VII, 13.
6.
BoTiché-Leckrcq, Hist. divination., I, p. 930 s. ; Preisendanz, R. E., s. v. « Neky-
daimon », col. 2263, 11 ss.
io6 LUX PERPETUA
vierge, que lesmagiciens ont souvent employé comme médium, était censé
envahi par l'esprit du mort, qui parlait par sa bouche i. Les apparitions vapo-
reuses et fugitives que les yeux croyaient distinguer dans les ténèbres, s'éva-
nouissaient aux premières lueurs de l'aurore.
S'il fallait se contenter, pour l'étude des procédés employés pour l'évocation
des morts, d'en lire les descriptions poétiques composées sous les. Césars, on
pourrait croire à la perpétuité des rites indiqués dans la Nêkyia homérique..
L'incantation y reste accompagnée des simples offrandes empruntées au culte
des morts on verse toujours dans une fosse des libations de lait et de miel
:
animaux, des plantes, des pierres, reliés par des sympathies et antipathies
secrètes aux esprits des morts, pour contraindre à leur obéir ceux qui se
montrent rétifs ou réticents. Ils combinent, pour obtenir cette servitude, « tout
ce que la nature a produit dans un sinistre enfantement » *. Mais l'attache-
ment supposé que l'âme garde pour le corps dont elle est séparée, reste lai
conviction maîtresse qui commande la plupart des actes accomplis par ces thau-
maturges. Ceux-ci pensaient se rendre maîtres de l'une en agissant sur l'autre :
la vieille idée, qui remonte jusqu'à l'époque où l'on se figurait que l'esprit
qui nous anime survit dans la tombe, près du cadavre dont il a été l'hôte
temporaire, inspire les pratiques de cette magie sépulcrale. Si l'on glisse dans
les sépultures des tablettes de plomb couvertes d'exécrations, les tabellae.
defixionum retrouvées en grand nombre dans les nécropoles', c'est pour assurer
au conjurateur l'intervention de celui qui y est enseveli. Des croyances orien-
tales ont transformé la vieille idée romaine de la d\ew)tio, qui vouaient les
vivants aux puissances infernales. Ranimer le mort et s'en faire un auxiliaire,
le contraindre à subir un interrogatoire est chose relativement aisée lorsqu'on
1. Justin, AfoL, I, ï, i8;Hopfncr, o-p. cit. [p. 97, n. 2], § 8a6 ; cf. Abt, Die Apologie
des Apuleius und die Zauberei, p. 234 ss. (Rel. V. u V., IV), 1908.
2. Lucain, VI, 670.
3. Audollent, Defixionum tabellae, 1904.
4. Friedlânder, Sittengesch., III, p. 325. ^
5. Cf. supra, p. 104, note 4.
CHAPITRE I. — LES VIEILLES CROYANCES 107
s'il a été brûlé, les cendres ou le bois du bûcher auront une force opérante.
Celle-ci augmentera s'il s'agit d'un homme qui a péri de mort violente les :
clous d'un crucifié, la corde d'un pendu, un linge imbibé du sang d'un
gladiateur tombé dans l'arène*. Pour obtenir ces précieuses dépouilles douées
d'un pouvoir mystérieux, les sorciers n'hésitaient pas, disait-on, à violer les
sépultures, à dérober ou mutiler les cadavres, ou même à causer par leurs
maléfices la perte de celui qu'ils voulaient s'asservir après son décès*.
Mais si Ton ne dispose pas de quelque reste humain, le moyen suprême
de se le procurer est de recourir à un meurtre. On mettait à mort quelque
enfant afin de faire servir son sang encore chaud, ses entrailles palpitantes
à des œuvres inavouables ^. L'on allait jusqu'à arracher un fœtus au ventre
de sa mère pour opérer à l'aide de cet embryon répugnant®. Ces assassinats
de nécromants sont attestés par un enseml?le de témoignages convaincants,
et il n'y a
pas de doute qu'ils aient été perpétrés dans l'ombre jusqu'à la fin
de l'antiquité et même au-delà. La croyance aux meurtres rituels qui dans]
certains pays sont encore attribués aux Juifs, est née de ces pratiques san-
1.
Hopfncr, op. cit., I, p. 165, § 645 ss. ; Abt., op. cit. [p. 106, n. i], p. 179 ; Fahz,
op. p. 42 s.
cit.,
2. Alexandre de Tralles, I, 15 (pp. 565, 567, Pietschmann).
3. Lucain, VI, 533 s. ; Hopfner, § 647, Fahz, p. 43.
4. Lucain, VI, 529, avec le commentaire de Fahz.
5 Servius, En., VII, 107 Jean Chrysost., In Lazarum, II, 2 {P. G., XLVEII, p. 583) ;
-,
cf.
Marquardt, Staatsverwaltung, III 2, 113, % ; Hopfner, Offenbarungszauber, I, § 635 ;
Priedlânder, III, p. 324 ; Preisendanz, R. E., s. v. « Nekydaimon », col. 2254 ss.
6.
Cicéron, In Vatin., 6 Lucain, VI, 558 ss. ; Pline, XXVIII, 70 j Ammien, XXIX, 2,
-,
au temps où. la vie d'un esclave n'avait pas plus de valeur que celle d'une
tête de bétail. Encore vers la fin du ye siècle, à ce que rapporte Zacharie le
1. Zacharie, Vie de Sévère d' Antioche, éà. Kugetter (Patrol. orientaîis, II, p. 57).
2. Tatien, 17 ; cf. Mages hellén.^ II, p. 179.
/, c, {supra, p. 170, n. 5].
3. Jean Chr.,
4. Cl. Ehicange, s. v.
CHAPITRE II
LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE
Dans notre premier chapitre nous avons rappelé quelles étaient les anciennes
croyances sur la persistance de la vie dans la tombe, la descente des ombres
aux Enfers et l'évocation des morts. Nous allons essayer d'exposer maintenant
comment ces vieilles idées furent attaquées et discréditées par la critique phi-
losophique.
Polybei, appréciant la religion des Romains, les loue d'avoir inculqué au
peuple des pratiques superstitieuses et des fictions tragiques c'était, pensait-il,
:
thèses opposées, que l'on peut pareillement défendre ou réfuter, la seule atti-
tude raisonnable de l'esprit est l'abstention. Carnéade (214-129) pour échapper
à l'objection qu'une pareille négation de toute certitude de la connaissance
ne permettait de prendre aucune décision et rendait impossible la vie pratique,
compléta la doctrine de la Nouvelle Académie par la théorie du probabilisme,
qui fournissait un motif suffisant de faire un choix'. Mais il n'abandonna pas
la position prise par son prédécesseur au contraire sa dialectique subtile mul-
;
^
I. Diels, Vorsokr. (II, p. 121), fr. 297.
a. Voir Arnim, R. E., s. v. « Arkesilaos ».
3. Voir Arnim, R. E., s. v. «Karneades».
CHAPITRE II. — LA CRITIQUE PHILOSOPHIOIffi 1 1 1
éternité et entre dans l'homme à la naissance, pouvait être capable d'une per-
sistance au-delà de la mort mais à cette pure intelligence, dépourvue de toute
:
1. W.
Jâger, Arlstoteles, Berlin, igaj ; E. Bigiione, VAristotele -perâuto e la fortna-
zione di Epictero, a vol. Florence, 1936 ; J. Bidez, Un singulier naufrage littéraire :
les
épaves de l'Aristote perdu, Bruxelles, i'943.
2. J. Bidez, A propos d'un fragment retrouvé de l'Aristote perdu (Bull. Acad, de
Belgique, XXVIII), 194a. Cf. Rohde (Il 3, p. agô ss, =
tr. fr., p. 510 s.).
M2 LUX PERPETUA
Fait d'une portée plus vaste, l'Aristotedu Lycée, plus empirique et plus
réaliste que Platon, détourna la philosophie des spéculations sur les choses
célestes ou les idées supra-sensibles pour l'orienter vers l'étude des faits réels
et concrets, observables dans là nature ou la société. Passionné pour la vérité,
que tous les hommes, selon lui, aspirent à connaître en vertu de leur nature
mêmei, il fut le promoteur de la grande investigation scientifique que Théo-
phraste et autres devaient poursuivre. Ainsi commence avec lui une longue
période pendant laquelle la pensée grecque se détourne des conjectures
ou théories sur notre destinée d'outre-tombe. Le rationalisme péripatéticien
répugnait à s'occuper d'une existence de l'âme qui ne pouvait être ni conçue
ni définie par la raison. Des disciples immédiats d'Aristote, comme Aristoxène,
future, cette philosophie, vers la fin de la République, n'était pas celle qui
dominait les esprits. D'autres écoles avaient alors une influence beaucoup plus
place au cosmopolitisme. Dans ces luttes sans pitié qui opposaient entre eux
les royaumes des diadoques, à l'insolence d'un triomphe fastueux succédaient
soudain l'humilation et le dénûment de la défaite ; et personne, au milieu de
si brusques péripéties, ne se sentait plus maître de son avenir, ni même assuré
de sa libertéou de sa vie. La conviction se répandit et se fortifia que le monde
était soumis à la domination aveugle et impitoyable d'une déesse capricieuse,
à lui assurer sur la terre un bonheur divin. Même l'étroite limitation dé son
existence n'entame pas la plénitude de sa félicité et il attend avec équanimité
l'échéance fatale de la mort. On conçoit que Montesquieu, séduit par une
telle élévation, ait incliné à « mettre la destruction de la secte de Zenon au
1. Rohde, Griech. Roman ^, p. 216. Cf. Roscher, Lexik. s. v. « Tyche », col. 13 19 s.j
1324 ; Festugière, Epicure, 1946, p. x ss. ; p. 68, n. 4.
2. Polybe, l, I ; I, 4, I ; I, 4, 4.
3. Edw. Bevan, Stoïciens et Sceptiques (trad. Baudelot), Paris, 1927.
4. Sénèque, De const. sap., i « Ut supra fortunam emineat » ; cf. Epist. 120,
: 12.
S- Montesquieu, Esprit des Lois, XXIV, 10.
6. Stoïcisme, cf. Zeller, Phîl. Gr., III, i^^^ fH-ie : Barth, Die Stoa, 5^ éd., par Goe-
deckineyer, 1941.
8
114 LUX PERPETUA
grand Tout. Cette vie cosmique est conçue comme formée d'une série infinie
de cycles exactement semblables périodiquement les quatre éléments sont
:
est de même de la raison qui nous régit, laquelle, suivant la forte expression
sort fatal qui s'impose à l'ensemble dont elles ne sont qu'une parcelle infime.
A la fin de chaque période cosmique la conflagration universelle, Vecpyrosis,
les fera rentrer dans ce foyer divin dont elles sont toutes issues 2. Mais si, les
astres reprenant un cours identique, le cycle nouveau qui recommencera doit
frappé depuis longtemps par les variations de l'Ecole sur un point qui nous
paraît d'une importance capitale. Si Cléanthe admit en effet que toutes les
âmes subsistaient ainsi des milliers d'années après leur bref passage sur la
terre jusqu'à Vecpyrosis finale^, pour Chrysippe au contraire, celle des sages
I. I, 14, 6 ; II, 8, 11
Epict. ï>iss. :
'A7c6(Jitao[i.a
tou QeoO.
a. Cf. p. ex. Sénèque, Consol. Marc, fin.
3. Fragm. Stoic, I, 518 ss. Arttim.
4. EmUe Bréhier, Chrysippe, 1910, p. 171 ».
CHAPITRE n. — LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE 115
penseurs, Mais les Stoïciens n'étaient pas unanimes à les accepter. Nous ne
voyons pas clairement jusqu'à quel point ils s'accordaient à admettre que l'âme,
privée des organes corporels, fût douée de sentiment, ni surtout qu'elle con-
servât une conscience individuelle
se rattachant à celle qu'elle possédait sur
la terre. certain qu'une tendance nettement négative se manifesta à
Il est
Rome parmi les sectateurs de Zenon. Panétius, l'ami des Scipions, l'un des
hommes qui contribua le plus à gagner les Romains aux idées du Portique,
s'écarta ici de ses maîtres et, cédant à l'incrédulité des Grecs de son époque,)
*
nia absolument toute survivance personnelle Cette attitude fut dans la suite .
1.
Cicéron, Cmsc. I, 31, 79 ; Benz, Das 'Codes-problem in der stoïschen Philos., Stutt-
gart, 192g, p. 12 s.
2. Stobée, Ed., I, 922 (= I, 384, Wachsrmith).
3. Cf. înfra, ch. III, p, 157 ss.
4- Bonhôffef, E-pictet und die Stoa, 1890, P.65SS. j Ethik des Efîktet, 1894, p. 26 s. ;
Sarth., of. cit. [p. 113, n. 6], p. 193 ss. 5 Introduction de Souilhé à son édition d'Épic-
'ète
(Paris, 1943).
lié LUX PERPETUA
de lui avoir permis d'y assister Cet optimisme intégral, fortement affirmé
•
et comme tels ils sont suspects de quelque exagération ou parti pris. Mais nous
avons d'autre part la confession d'un Stoïcien qui écrivait, non pour le public
mais pour lui-même, en toute sincérité, et ce Stoïcien était un empereur :
Marc Aurèle, Ses Pensées sont d'un prix inestimable pour qui veut saisir l'état
d'âme d'un des derniers adeptes de cette puissante philosophie, au moment où
elle va cesser de régner sur les esprits 1.
Il semble tout d'abord que sur l'article de l'immortalité les idées de Marc-
Aurèle ne soient pas arrêtées, et que sa pensée hésite entre différentes possi-
bilités. Si T'âme, écrit-il, comme le Veulent les Épicuriens, est composée
pour faire place à d'autres cadavres. Il faut donc croire que les âmes qui
émigrent dans l'air, après avoir persisté quelque temps, se transforment et que
s'enflammant elles sont recueillies par le Feu cosmique pour permettre à
d'autres âmes, qui successivement quitteront la terre, d'occuper leur place.
Ainsi, même dans la supposition d'une survie, celle-ci est étroitement limitée :
les souffles aériens que le moribond expire, seront bientôt changés en feu et
se
perdront dans la Raison universelle 8.
I. Martha, Moralistes sous l'Empire romain, 8^ éd., 1907, p. 171 ss. ; Bonhôffer,
Bpictet [supra, p. 115, n. 4], p. 59 ss. ; Barth., op. cit. [p. 113, n. 6], p. 209 ss. ;
la nature, dont le cours est réglé par la Raison divine, et il serait impie de ne
pas s'y soumettre docilement. En nous y conformant, nous atteindrons le terme
de nos jours favorablement disposés « comme si l'olive mûre, en tombant
bénissait la terre qui l'a portée et rendait grâces à l'arbre qui l'a produite » '.
« De même qu'aujourd'hui tu attends le moment où le foetus qu'elle porte
Pensées,
1. IV, 5 ; IV, 32, 3 , VIII, i8 et passim.
2.
Pensées, VII, 23.
3. Pensées, X, 7 ;
cf. V, 13.
4. Pensées, X, 31 5 XII, 32.
5. Pensées, XII, 5.
6. Pensées, IV, 48, 4.
7. Pensées, IX, 3, 4. Cf. infra, N. C, VI.
8. Pensées, II, 14 j VII, 49.
CHAPITRE II. — LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE 119
'
donner sans regret la société décevante et corrompue de nos semblables .
Bien plus, le repos définitif où sont abolis les impressions des sens, les impul-
sions de l'instinct, les divagations de la pensée, le service de la chair, est, non
Il n'exprime nulle part, comme Platon ou comme Sénèque, l'espoir qu'il puisse
retrouver dans l'au-delà ceux qui ont vécu pieusement et s'entretenir dans
un monde lumineux avec les sages d'autrefois. Son horizon, comme 'celui de
son maître Épictète, est limité à cette vie, où la vertu/ trouve en elle-même
sa raison d'être. Peut-être Marc Aurèle a-t-ll été conduit à nier avec plus de
rigueur toute immortalité par son opposition aux chrétiens, qu'il a persécutés, et
dont, dans les Pensées mêmes, il condamne l'obstination, trop théâtrale à
son gré'.
D'où vient que les successeurs de Zenon, dont nous venons de rappeler les
variations, aient été aussi hésitants sur un point dont, après seize siècles de
christianisme en Gaule, nous paraît dépendre toute la conception de la vie
humaine ? Sans doute les penseurs de la Grèce classique n'ont-ils jamais subor-
donné cette vie à une autre existence elle reste toujours pour eux l'objet
:
2.
Pensées, VI, 28.
3. Pensées, XI, 3, a; cf. Festugière, La Sainteté, Paris, 1942, p. 68.
4. L'idée d'xm sage supérieur à rhumanité est commtxtie à toutes les écoles, et elle a
été fortement affirmée par les Cyniques. Mais l'orgueil stoïcien est allé dans cette voie
plus loin qu'aucune autre philosophie grecque, car non seulamcnt il affirme que le sage,
près, est semblable à Dieu (Sénèque, De const. sa-pientis, VIII, 2), mais il
à l'immortalité
va jusqu'à soutenir qu'il lui est à certains égards supérieur {Efist., LUI, 11, cf XCII,.
120 LUX PERPETUA
après la mort ? ne dépend pas autant que pour les modernes de préoccupations
éthiques. Elle est plutôt une conséquence qu'on tirait de théories physiques
ou psychologiques.
Or si ces théories admettent des solutions diverses du problème de l'immor-
talité, elles s'opposent absolument à la foi en l'existence d'un Hadès souterrain.
Fondées sur les propriétés des quatre éléments, elles sont incompatibles avec
la croyance traditionnelle ;
car suivant la cosmologie du Portique, lorsqu'après
chaque destruction de l'univers, celui-ci se reconstitue, la terre, qui est des quatre
éléments le plut lourd, se précipite au centre du monde et s'y agglomère en
sphère; sur celle-ci s'étalent les eaux, dont la densité est moindre et qui rendent
humide une portion de l'air qui les entoure ; enfin au-dessus de l'air s'incurve
le cercle brûlant de l'éther. Il s'ensuit que la terre doit former une masse!
solide et pleine, non un globe creux, capable de recevoir dans un hypogée
immense, la foulei Innombrable des morts ^ En outre, s'il est impossible de
supposer, comme voulait la mythologie, que certains héros ont été trans-
lei
3, 27, 30
; LXXIII, 12-14). Même prétention dans l'hermétisme, Poimandrès, X, 24 (Ij
p. 125 et note 87 Nock-Festugiène) ; et encore chez maître Eckhart, trad. Gandillac,
pp. 248-258 ; trad. Petit, pp. 138-139.
1. Servius, En., VI,
127 cf. Pline, H. N., Il, 63, 158 ; cf. infra, ch. IV.
;
Ainsi leur psychologie, comme leur cosmologie, obligeait tous les Stoïciens
sans exception à rejeter la mythologie infernale. Cependant certains d'entre eux
la mentionnent, mais conformément à leur habitude, ils usent des termes
pour eux que le décès, le transfert de l'âme dans un nouveau milieu c'est :
et ces démons eux-mêmes n'étant d'ailleurs pour le philosophe que des person-
pourra les interpréter comme étant les éléments, et les transporter dans les
zones supérieures du monde *. Mais ce système d'exégèse symbolique aboutissait
Mésie, après avoir constaté mélancoliquement que chez les morts il n'y. a ni
amour, ni amitié, et que sa dépouille gît comme une pierre enfouie dans le
sol, le défunt ajoute « j'étais auparavant composé de terre, d'eau et de
:
souffle aérien
(uveO{xa);
mais
j'ai péri je repose et ayant rendu au
ici tout
Tout. C'est le sort de chacun. Mais quoi D'où mon corps est venu, là il
!
est retourné
lorsqu'il s'est dissous*. » Parfois on insiste davantage sur l'idée
que ce souffle cosmique, qui recueille le nôtre, est la divinité qui remplit et
gouverne l'univers « l'esprit sacré que tu portais s'est échappé de ton corps
:
;
ce corps reste ici semblable à la terre ; l'esprit suit le ciel qui tourne,
l'esprit
1.
Epictète, Diatr., 11,6, 18 ; cf. III, 26,4: KâGoSo.;.
2.
Epict., Diatr., III, 3, 15.
3. Bonhôffer, Efict. [sufra, p. 115, n. 4], p. 65.
4. Symbol., p. 125, n, 5 et 6.
5- Arch. €pig. Mitt. aus Oesterr., VI, 1882, p. 30 (Tomi).
122 LUX PERPETUA
ment toutes choses, l'esprit n'est autre que Dieu^, Ailleurs on lit cette brève
formule qui résume la même idée^ : « Les cendres ont mon corps, l'air sacré
a enlevé mon âme. » Très caractéristique est cette inscription d'un tombeau
romain : « Me voici morte et je suis cendre ; cette cendre esjt terre ; si la
Terre est une déesse, moi aussi je suis déesse, et ne suis pas morte
^ » Un lieu .
commun, souvent répété, veut que la vie soit un prêt que noua recevons de la
nature et que nous lui restituons au décès * par là même qu'elle nous a fait :
naître elle nous condamne au trépas^. C'est une dette que nous acquittons
envers elle en rendant à chacun des éléments ce qui lui est dû^
Ces vers expriment, sous des formes diverses, la même grande pensée la :
mort est la disparition dans le sein de la nature divine. Ce n'est pas la con-
servation d'une personnalité éphémère qu'il nous faut espérer. Énergie fugace,
détachée du Tout, notre âme doit y rentrer comme notre corps ; tous deux
sont absorbés par Dieu. Le souffle de feu de notre intelligence, comme la
matière et les humeurs de nos organes, sont recueillis dans le réservoir iné-
puisable quj, les a produits, de même que le seront un jour la terre et les
cieux. Tout doit s'abîmer dans le même ensemble^ se perdre dans le
puissance unique qui forme et régit l'univers^ comme s'y éteindront les
astres fatigués quand leurs millénaires seront révolus. La résistance à cette
loi suprême est vaine et douloureuse, la révolte contre l'ordre irrésistible
des choses est impie. La grande vertu qu'enseigne le stoïcisme est Ja sou-
mission au Destin qui conduit le monde, l'acceptation joyeuse de l'iné-
luctable, selon les arrêts irrévocables de la Raison divine. Sous mille formes
la littérature
philosophique les
épitaphes ressassent le précepte que,
et
ne pouvant nous opposer au sort omnipotent, il nous faut supporter ce maître,
parfois rigoureux, sans larmes et sans récriminations. Le sage qui détruit en
lui le désir de toutes les contingences jouit d'un calme divin^ même sur cette
3. Dessau, 8168
=
C. E., 1353 (cf. 974) « Mortua heic
ego sum, et sum cinis is
:
;
cinis terra'st, / seive est Terra dea, ego sum dea, mortua non sum. »
4. Sénèque, Rem. fort., II, 4 Epict., Diatr., i, i, 32;
Vettius Valens, p. 330, 33? ;
Kroll ; cf. Rohde, Psyché, II*, p. 394 (= tr. fr., p. 586, n. 5).
E. 1567 « Mors hominum natura, non poena est. Cui et
5._C.
:
contigit nasci, instat
mori ». Rapprochements avec Sénèque Hosius, Rhein. Mus,, 1892, XLVII, p. 463.
:
terre,,au milieu des tribulations mais ceux que poussent et que tiraillent les
;
Le déterminisme de l'astrologie,
stoïcien est en liaison étroite avec celui
parle de ce qui vient après la mort, il ne s'agit pljus que des funérailles ou
de la gloire posthume ^ On n'y voit jamais qu'on promette au malheureux
que l'adversité infligée par les étoiles hostiles, accable de traverses et d'infir-
mités, une consolation ou une compensation dans l'au-delà. L'astrologie scien-
tifique des Grecs limite son horizon à cette vie, bien que dans son vocabulaire
subsiste des traces de la croyance à l'Hadès*, et que dans les mystères elle
ait inspire certaines théories eschato logiques ^. En faisant ainsi abstraction de
toute immortalité, elle se conforme à la tendance qui dominait dans le Por-
tique au moment où elle se répandit.
1. C. E., 1498 =
CIL, VI, 11743 « Evasi, effugi, spes et fortuna vakte /, nil mihi
:
les deux écoles aboutissent à peu près à la même négation, elles y sont par-
venues par des voies différentes, et en tirent des conséquences morales oppo-
sées, l'une exaltant l'action conforme à la vertu, l'autre recommandant la
la liaison transitoire des atomes qui l'avaient produite était à jamais abolie.
Le souffle vital que le moribond expirait, battu par les vents, se dissolvait
dans l'air, disait Épicure, comme un brouillard ou une fumée, avant même
que le corps fût décomposé *. C'était là d'ailleurs une conception, si ancienne
1. Zeller, Phil. Gr., III, i, p. 420 ss. ; Guyau, La morale d'Epicure, 3» éd. (1886),
p. 103 ss. ; C. Martha, Le poème de Lucrèce, 3e éd., pp. 113-172; IJseaer, Epicurea, 1887.
2. Cf. Festugière, Epicure, 1946, p. x ss.
3. Cf. supra, p. iio j Rohde, tr. fr., p. 534 ss. Sur la physiologie d'Épicure, la
nature
de l'âme et la peur de la mort, cf. Constantin Vicol, Cicérone e l'epicureismo dans Ephe-
meris Daco-Romana, 1945, p. 215 ss.
4. Symbol., p. 121, n. i ; Fnedlânder, Sitteng., IV s, p. 3665 Cf. C. E., 59p.
CHAPITRE II, — LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE I25
qu'Homère avait déjà usé d'une comparaison semblable et l'idée que la vio- ;
lence du vent peut agir sur les âmes désincarnées comme une force destruc-
trice, était déjà familière aux enfants d'Athènes du temps de Platon'. Mais
si l'âme se résout ainsi, aussitôt après la mort, en ses principes élémentaires,
comment des fantômes peuvent-ils venir nous effrayer durant les veilles, ou
des êtres aimés nous visiter dans nos rêves. Ces simulacres (siocoXa) ne sont
pour Épicure que des émanations de particules d'une ténuité extrême que
les corps émettent constamment, et qui conservent leur forme
quelcjues temps
et apparence ces particules, comme la couleur et le parfum, agissent sur nos
;
sens et éveillent en nous l'image d'un être évanoui'. Toutefois les atomes
dont l'âme était composée sont indestructibles. Impérissables, ils permettront
à la nature de domier naissance à de nouveaux êtres, peut-être semblables aux
précédents ; mais aucune conscience de leur liaison ne réunira l'ancien homme
au nouveau, si celui-ci voit le jour.
à redouter. La mort qui passe pour le plus horrible des maux, n'en est point
un en réalité, puisque la destruction de notre organisme abolit en lui toute
sensibilité*. Le temps où nous n'existons plus n'est pas plus pénible pour nous
que celui où nous n'étions pas encore^. De même que Platon avait conclu
d'une préexistence supposée de l'âme à sa persistance après le décès, Épicure
tirait de notre ignorance d'une vie antérieure une conclusion opposée ; et cette
conviction que nous périssons tout entiers pouvait seule, suivant lui, assurer
notre tranquillité intérieure en nous délivrant de la crainte des tourments
éternels*.
n'est pas de doctrine du maître sur laquelle ses disciples insistent avec
Il
folie est la vôtre de renouveler la vie dans la mort Où les créatures trou- 1
veront-elles jamais le repos, si le sentiment reste aux âmes dans le ciel, aux
ombres dans les enfers ? Cette crédulité complaisante nous fait perdre le
plus grand bien de notre nature, la mort, et redouble les douleurs de la der-
nière heure par l'appréhension de ce qui suivra. Si vraiment il est doux d©
vivre, pour qui peut-il l'être d'avoir vécu ? Combien plus aisée et plus cer-
taine est la croyance que chacun peut tirer de sa propre expérience, lorsqu'il
se représente sa tranquillité future d'après celle qui précéda sa naissance ».
Dans une de ses tragédies, œuvre de jeunesse, Sénèque fait déclamer par
le chœur des Troyennes une longue profession de foi du plus pur épicurisme.
1. Lucrèce, III, 38 ss. « Et metus ille foras praeceps Acheruntis agendus / funditus
humanam qui vitam turbat ab imo. »
2. Epicuriens à Rome Zeller, /. c, p. 37a ss. ; Friedlânder, Sittengeschichte, IV ^
:
p. 366.
3. Sali., Catîl., 51, 20 ; 52, 13. Cf. les nombreuses épitaphes Perpûtuad Securitati
Dessau, Index, p. 945.
4. Pline, H. N., VII, s^, iço.
5. Sénèque, Vroad., 382 ss.
CHAPITRE II. — LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE 137
Il ordonna par un oracle de brûler les livres de celui qu'il appelait « l'aveugle
dieux a détruit leurs écrits, en sorte que la plupart font aujourd'hui défauC '.
Mais l'Ecole avant de s'éteindre avait durant plusieurs centaines d'années
conquis une multitude d'adhérents. Les textes abondent, qui prouvent combien
elle avait réussi à discréditer les fables- sur les Enfers imaginées par les poètes
*
et qui avaient
longtemps obsédé l'imagination populaire. Cicéron proclame
qu'aucune vieille folle ne croit plus aux demeures profondes de l'Orcus et
aux lugubres régions peuplées de morts livides. Personne n'est assez puéril,
répète Sénèque, pour redouter Cerbère et les Larves qui apparaissent sous la
forme de squelettes 5. Qu'il y ait des Mânes, dit Juvénal^, un royaume sou-
terrain, un passeur armé d'une perche, des grenouilles dans le gouffre du
Styx, et que tant de milliers de morts puissent passer l'onde noire dans
une seule barque, les enfants même ne le croient pas, Pline l'Ancien'' présente
cet argument
paradoxal, que s'il y avait une cavité infernale, le zèle des
mineurSj qui ont creusé de profondes galeries dans la terre, aurait percé sesi
parois et même le dévot Plutarque *, lorsqu'il vient à parler des punitions
;
réservées par la mythologie aux méchants, ne voit en elles que des contes de
1.
Lucien, Alex., 61 ; cf. 47.
2. Ibid., 38 ; cf. 44 et 47.
3. Julien, Ep., 89 (p, 141, 23, Bidez-Cumont).
4. Cic, Cw5c., I, ai, 48 ; cf, I, 6, 10 ; Nat. deor., Il, 2, 5.
5- Sénèque, Efist., 24, 18 ; cf. 82, 16. Cf. supra, ch. i, p. 83.
6. ss. Cf.
Juvénal, II, 149 Pausanias, III, 25, 4.
7. Pline, H, N., II, 63, § 158. 1
8.
Plutarque, Mon -posse suav. vîvi sec. Epie, 27, p. 1105. Cf. Pascal, I^, p. i6o s.
i28 LUX PERiPEltTA
nourrices, bons à effrayer les enfants. Il est caractéristique qu^en certains pas-
sages Cicéron et Sénèque raillent les Épicuriens de s'attaquer encore à des
chimères qui ne sont plus acceptées par personne et de répéter toujours la
même chanson contre des superstitions que chacun trouve ridicules '
.
qui s'étendait sur la paroi d'un portique dans la petite ville d'Oenoanda, en
Lycie. Un bon bourgeois, nommé Diogène, qui paraît avoir vécu sous les
Antonins, était un partisan convaincu de la doctrine d'Épicure ; sentant appro-
cher sa fin, il voulut en graver sur le marbre un exposé pour l'édification
présente et future de ses concitoyens et des étrangers. Il ne manque pas d'y
montrer son mépris de la mort dont, il a, dit-il, appris à se moquer. « Je ne
me laisse pas effrayer par les Titye et les Tantale que certains représentent
dans l'Hadès je ne suis pas saisi d'horreur en songeant à la putréfaction de
;
mon corps... Quand la connexion de notre organisme est déliée, rien ne nous
touche plus. » Ce sont des idées que nous trouvons partout reproduites sous
des formes variées, car l'épicurisme ne trouva pas seulement des partisans
convaincus dans les cercles cultivés il se répandit dans les couches les plus
;
est si souvent répétée qu'elle s'écrit parfois par de simples sigles « Non :
fui, fui, non sum, non euro. » « Je n'étais pas, je fus, je ne suis pas, peu
m'importe ». L'homme rentre dans le néant dont il est sorti ^. On a remarqué
que cette formule épigraphique était gravée surtout sur des tombes d'escla-
ves, qui n'avaient guère de motifs d'être attachés à la vie. Des gladiateurs
adoptent aussi cette sentence aux misérables qui devaient dans l'arène faire
:
XXXII,
Dessau, 8132
p. 76 ss. 5
ss.
et Stèle d'Antibes, p. 32 s. —sensLouis cf.
Robert, Inscr. collection Frôhner,
79' 90-
CHAPITRE II. — LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE 129
ainsi, mais toi, répandant la terre sur mes restes, dis- toi que je suis redevenu tel
que j'étais quand je n'étais pas ». Cette dernière pensée est fréquemment
exprimée. Ainsi sur une tombe romaine on lit Ntous ne sommes rien, et
:
nous fûmes. Vois, lecteur, combien, mortels, nous retournons vite du néant au
néant*. La vie est une courte veille entre l'inconscience de deux sommeils
infinis.
Parfois ces défunts adoptent un ton plaisant qui peut paraître macabre. Tel
un affranchi qui, jovial jusque dans la tombe, vante les agréments de sa nou-
velle condition « Ce qui reste de l'homme, mes os, repose doucement ici,
:
m nihil a nihilo quam cito recidimus » ; c£. Anthol. Gr., VÎI, 339. Cf. Berhlich, As-petti,
P- 59-
5. C. E., 1247 = CIL, VI, 7193. Cf. Lucien, De luctu, 17.
130 LUX PERPETUA
le souverrain bien « Es, bibe, lude, vent », « Mange, bois, amuse-toi et viens
:
bains, le vdn et l'amour consument nos corps, mais ils font la vie, les bains,
la vie et l'amour^ » ; et un vétéran de l'armée fait graver sur sa tombe un
conseil tiré de son expérience « Tant que je vécus, je bus volontiers
:
buvez, :
Pierre) ;« Amici qui legitis, moneo, miscete Lyaeum / et potate procul redimiti tem-
pera flore / et venereos coitus ne denegate puellis /cetera post obitum terra consumit
et ignis. » >
qui passe par les espérances ou les craintes de l'avenir, se représente plai-
samment comme un gros pourceau du troupeau d'Épicure^. C'est ainsi que le
vulgaire avait les préceptes de celui qui en réalité prêchait la
interprété
modération et le renoncement pour parvenir au vrai bonheur, et qui flétrissait
ceux qui se^ jetaient dans les jouissances et se hâtaient de faire bonne chère,
en songeant aux privations dont ils souffriraient dans l'au-delà 2. Un épicu-
curisme dégénéré, érigeant en vertus la gourmandise et la volupté', put devenir
une règle de vie pour ceux que la bassesse de |eur âme yi prédisposait, comme
les jouissances équivoques de certains cultes restèrent pour des populations
grossières,
encore proches du naturisme, la forme toute matérielle qu'elles
concevaient de la félicité présente et future^.
Sans doute, à côté de ces témoignages d'une incrédulité parfois ostenta-
toire, pourrait- on, dès la fin de la République, trouver certains indices d'un
temps qu'un poète « Charidas, que sont les choses d'en bas ?
: .
Obscuriti^
—
profonde. —
Remonte-t-on de là Et Pluton ? Une ? — Pur mensonge. — —
fable, —
Alors nous sommes perdus. Voilà mon dire véridique ». Catulle
^
dira avec un accent « Le soleil peut se coucher et réapparaître,
plus amer :
mais nous, notre brève lumière une fois éteinte, il nous faut dormir une
.
I-
Horace, Epist., I, 4, i6.
2. Cf. Martha, op. 124, n. i], p. 14a.
cit. [p.
3. Sénèque, De
benef.^ IV, 2, i : « Apud Epicureos virtus voluptatum ministra est,
luis
paret, illis deservit. »
4- Cf. înfra, ch. V
(Mystères).
5
Callimaque, Epigr., 13 Anthpl., VII, 524. =
°-
Catulle, V, .4 « Soles occiderc et redire possunt
:
/ (Nobis, cum semel occidit brcvis
^^x nox
/, est perpétua una dormienda. »
132 LUX PERPETUA
grecque, on sera frappé de la proportion minime d;'entre elles qui font allusion
aux récompenses ou aux joies d'outre-tombe. Il n'en est pour ainsi dire jamais
question à l'époque hellénistique. La plupart dte ces morceaux se bornent à
vanter les mérites inoubliables diu défunt, à exhaler les regrets que cause
sa perte, à se plaindre de la cruauté du destin inexorable imposé aux mortels.
Pour citer un exemple épigraphique, longue épitaphe d'un mercenaire
la
Cretois décédé à Gaza se termine simplement par un rappel trivial du chemin
de l'Hadès commun à tous^. Lorsque par exception cet Hadès est mieux
défini, il est le gouffre sombre qui engloutit les générations humaines et d'où
nul ne remonte à la lumière. Les épitaphes latines versifiées, qui s''inspirent
de celles des Alexandrins, en partagent d'abord le triste pessimisme, et c'est
tardivement qu'on voit se multiplier peu à peu celles qui expriment des espé-
rances plus consolantes '^ Au siècle d'Auguste le scepticisme n'avait pas gagné
seulement les cercles des littérateurs et des philosophes dans une large por- ;
les rédacteurs de ces textes mortuaires, comme d'ailleurs les auteurs contem-
passage
Truors aut finis aut transitus^
: L'bn ne choisit pas entre les deux
.
termes du dilemme, mais on laisse la question ouverte. La vie future était géné-
ralement regardée comme une hypothèse métaphysique consolante, comme une
simple possibilité entrevue par certains penseurs, comme /une espérance reli-
gieuse,
mais non comme im article de foi.
« Si, dit Tacite, il est un asile pour les mânes des hommes vertueux, si les
grandes âmes ne s'éteignent pas avec le corps, repose en paix ». Mais à côtfé
ont aimé et admiré dans son caractère le fera vivre dans la mémoire des
lommes durant l'éternité des âges. On voit ici comment la perplexité, où
'on se débattait lorsqu'on, songeait à la survivance
psychique, donnait aux
yeux des anciens une valeur plus grande à l'immortalité terrestre *. C'est
)our
beaucoup d'entre eux le point essentiel, parce que, seul, il est certain.
Ne pas tomber dans Tabîme de l'oubli paraît une récompense suffisante des
lauts faits les
plus glorieux. « La mort, dit Cicéron'', est redoutable pour
ceux dont la vie éteint tout entière, non pour ceux dont le renom est impé-
s''
"^•C. B., 180, 1147, 1190, 1339, etc. Cf. Lattimore, p- 56 § 8 ; p. 59 § 9 j p. 320.
2.
Platon, A-poL, 40 c, 41c; cf. Dieterich, Nekyia, p. 136.
3-
Sénèque, Efist. 65, 24 ;Marc-Aurèle, III, 3, etc. 5 Martha, o-p. cit. [supra, p. 124,
•
I]} p. 119.
Cf.4-
Priedlânder, Sitteng., III, p. 326 ss. ; Lattimore, p. 242 ss.
Parad. Stoic, II, 18 : « Mors est terribilis iis quorum cum vita omnia extin-
^-
bUntur, non iis
^-
quor^im laus emori non potest. » Cf. Symbol., p. 254.
Cic, Pro Rabirio, X, 29 ; De senect., XXIII, 82.
134
.
LUX PERPETUA
bienfaits que produit l'amour de la gloire, Cicéron*, qui n'en était point
exempt, remarque finement que même les philosophes qui prétendent en
démontrer la vanité, ont soin de placer leur nom en tête de leurs livres, et
montrent ainsi le prix qu'ils attachent à ce dont ils prêchent le mépris. Plus
encore qu'aujourd'hui l'espérance d'une notoriété durable, le souci de continuer
à occuper de soi ses semblables après soti décès, la préoccupation d'être jugé
favorablement par l'opinion publique, même posthume, était pour beaucoup
de gens une hantise secrète ou! avouée, qui dominait leur pensée, dirigeait
leurs action? 2. Même ceux qui n'avaient joué qu'un rôle modeste dans le
monde, et ne s'étaient fait connaître que d'im cercle restreint, cherchaient à
rendre leur souvenir inoubliable en se construisant le long des grandes routes
de solides tombeaux» dont l'inscription perpétuierait leur nom. Les épitaphes
commencent souvent' par la formule « Memoriae aeternae », à la Mémoire
éternelle, et nous en avons hérité, bien quje l'idée qu'elle représente n'ait plus
pour la plupart de nous qu'une valeur très relative. Elle se rattache dans
l'antiquité à cette vieille croyance d'uttie communion de sentiments et d'un
échange de services entre le mort et ses descendants, qui célèbrent le culte
funéraire. Lorsqu'on cessa de croire fermement que le défunt pût sentir et
agir, les offrandes furent faites dans une autre intention on aima à penser
:
que celui qui s'en était allé, ne périssait pas tout entier tant que son souvenir
subsistait dans le cœur de ceux qui l'avaient chéri et dans l'esprit de ceux
qui apprenaient à louer ses bienfaits ; il ressuscitait pour ainsi dire dans
l'image que se faisaient de lui les descendants des amis qui l'avaient connu
et des admirateurs qu'il avait conquis. Êpicure lui-même disposa dans son
testament que le jour de sa naissance serait commémoré chaque mois ; et ses
disciples célébraient encore cette fête mensuelle sous l'Empire. La joie qui
régnait dans les banquets de ces disciples, qui étaient tous des amis, devait
se renouveler périodiquement après sa mort, lorsque leurs successeurs se réuni-
1. Vro Archîa, II, 26; cf. "Cusc, I, 15, 34; et Platon, Banquet, 208 c-e. Cf. Pascal,
Pensées, Brunschvicg, fr. 150 ;
« Ceux qui écrivent contre (la gloire) veulent avoir w
gloire d'avoir bien écrit. »
"^
2. « On ne s'avoue pas toujours le désir vague de faire parler de soi, quand on
sera plus, mais il est toujours au fond die; notre cœur. » M'«e du Chatelet, citée p^f
Bellessort, Essai sur Voltaire, 1925, p. 127.
3. Diog. Laert., X, 16
= fragm. 217, Usener ; Pline, N. H., XXXV, 5 ; cf.
F^^'
la
philosophie. Or enseignée dans les écoles se souciait peu de
la rhétorique
de son apparence
faire éclater la vérité, elle se contentait la vraisemblance. :
*
Elle apprenait à soutenir avec un égal talent des thèses opposées et plus
une proposition était paradoxale, pltis celui qui la défendait pouvait faire
montre de sa virtuosité 2. De là une prédilection pour des sujets absurdes,
qui faussaient l'esprit en y oblitérant le sens du réel, et qui n'étaient choisis
qu'en raison de la difficulté de les traiter 1.
Les disciples des rhéteurs ne se croyaient pas obligés d'approfondir les
connaissances transmises par les générations passées, de faire un tri entre les
théories vraies ou fausses des érudits d'autrefois. Ils se contentaient d'acquérir
une teinture superficielle des disciplines qui pouvaient servir à l'art oratoire
et leur permettraient de prononcer devant des juges un plaidoyer émouvant,
ou de débiter un discours d'apparat applaudi par un auditoire mondain de
dilettantes. A l'ère des découvertes succède ainsi celle de la vulgarisation,
aux œuvres originales se substituent les compilations. Après les sommes
exposant l'ensemble des faits admis par les diverses branches d'une science
qui ne se renouvelle plus, viennent les manuels puis les résumés de manuels.
;
à l'immortalité.
humaines
Cette aspiration à la béatitude d'une vie affranchie des misères
I. s.
Religions orient., p. 39
a. Cf. La fin du Monde selon les Mages occidentaux (R. h. rel., CIII, 193 1, p.
00 ss. ; Relig. orient., p. 220, n. 56.
,
138 LUX PERPETUA
dont les passions et les désirs, plus que des raisonnements, déterminent les
idées, etdont on ne s'empare que par des affirmations tranchantes constam-
ment répétées*. En réalité la lutte est trouvée circonscrite entre la négation
si'
1. Cf. Rousseau, Profession de foi du vicaire savoyard (début) «Le doute sur les
:
choses qu'il nous importe de connaître est un état trop violent pour l'esprit humain. Il n'y
résiste pas longtemps, il se décide malgré lui de manière ou d'autre, et il aime mieux
se tromper que ne rien croire. » Cf. Cicêron, De senect., XXIII, 85 ; "Cusc, 1, XVI,
39-40.
2. Cf. su-pra, p. 127.
3. Symbol., p. 60, n. 4 j et Cléomède, De motu cire, II, i, § 87.
4. Plut., Non fosse suav. vivi sec. E-p., 26, p. 1104 s.
CHAPITRE II. -r- LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE 139
4
vu, est formée, comme toute la nature, de ces atomes dont la combinaison
transitoire se .dissout au moment du décès pour ne jamais se renouveler.
Toute sensibilité de notre être est abolie à jamais, et il ne peut plus
len dureraucune souffrance. Mais, opposent les adversaires, si tout se termine
avec cette vie terrestre, les méchants cesseront de craindre un châtiment dans
l'au-delà et ne seront plus détournés du mal, les sages d'espérer une récom-
d'être, de tous les amours le plus ancien et le plus vif, surpasse en douceur
la crainte puérile (du Tartare). Aussi ceux qui perdent leurs enfants, leur
femme, leurs amis, préfèrent-ils qu'ils existent quelque part et subsistent en
souffrant des peines, plutôt que. de les voir supprimés, détruits et réduits au
néant. Ils se plaisent à entendre et à dire des défimts des expressions comme
« il s'en est allé », « il nous a quittés », et tout ce qui implique un changement
de son âme, non une destruction ». L'on voit indiquée dans ces lignes une
des raisons majeures qui firent obstacle au triomphe de l'épicurisme un :
instinct profond, inné dans l'être humain, lui inspire le désir de se survivre.
Il ne peut se résoudre à disparaître tout entier. Même lorsque la raison croit
I. Cf. Rohde, Psyché, II 2, p. 368 s. = tr. fr., p. 564 ss. Cf. infra, ch. V.
a. Plut., l. c, 1104 c.
140 LUX PERPETUA
3. Marc Aurèle insiste sur cette opposition, IX, 39 ; cf. IX, 28 XII, 14 ; Plotin, II,
;
gig, 65, p. 124, Bréhier. Cf. Platon, Lois, X, 903 b-d où la mention de la métempsycose
trahit une influence pythagoricienne.
4. Cf. A. J. Festugière, L'enfant d'Agrigente, Paris, 1941.
CHAPITRE II. — LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE 141
ils
éphémères et chancelantes, qui ne sont nées pour
se sentent des créatures
rien de considérable ». La valeur de l'effort désintéressé, et du dévouement
total que le stoïcisme mettait en relief par la divinisation des héros, s'efface
dans l'épicurisme, qui ne développe aucune qualité virile. L'altruisme pouvant
aller jusqu'au sacrifice de soi-même en est exclu par une éthique utilitaire,
qui en tarit les sources. Mais de tels sentiments existent dans l'être humain,
et c'esc le rabaisser que de prétendre les supprimer. De même c'est le mutiler
L'IMMORTALITÉ CÉLESTE
le système du monde
construit par leurs astronomes ne se fut pas effondré.
Admise par judaïsme alexandrin, enseignée à la fin de l'Empire romain
le
par
des mystères orientaux et par les Néoplatoniciens, elle fut adoptée par les
grandes religions qui succédèrent au paganisme et devint, sous des formes
diverses, en Europe et en Asie, la foi commune d'une large portion de l'huma-
nité. On nous excusera si, recherchant la genèàe et le mode de transmission
d'une doctrine si considérable, nous devons entrer dans certains détails qui
I.
CapeUe, De hma, stellis, lacteo orbe animarum sedibus (Diss. Halle), 1917 cf. ;
une existence au moins verbale, puisque grâce à saint Paul, nous parlons
encore d'être transporté au troisième ciel *•.
nature que les feux du ciel^. Ainsi étaient formulées deux théories qui, nous ,
Rel. orient., p. 288, n. 41, et Rougier, op. cit., p. 72, qui invoque le "Cimée, p. 90 b i
Kat àvSpw-jtoK; slvai icpôi; Oeoùç ffuyYsvEiav xaxà tô ^txijziM avSpojirov ÔEpjxoO cf. Delatte, Vi^ ;
de Pythagore, 1922, pp. 126, 208 ; Rougier, oj». cit., p. 76 ss., et surtout Festugière,
R.E.G., 1945, p. 31.
— Cf. infra, p. 159, n. 2.
CHAPITRE III. — L'IMMORTALITÉ CÉLESTE
qu'on y ait mis la destinée de l'homme, sur la terre comme après la mort,
en relation avec ces « dieux visibles » Pausanias prétend savoir que les Chal-
.
et en ont convaincu les Hellènes et en particulier Platon '. «Sous cette forme
absolue, une telle affirmation est sans doute inexacte, mais elle a conservé
un souvenir infidèle d'une grande vérité. Il est certain que les Pythagoriciens
sont entrés de bonne heure en contact avec ces « Maguséens », qui s'étaient
établis à proximité des cités grecques d'Ionie. Une tradition antérieure à
Aristoxène de Tarente, le disciple d'Aristote, voulait que Pythagore lui-même
eût été à Babylone se mettre à l'école de Zoroastre, assertion certainement
mensongère, mais où s'est concrétisé le souvenir des rapports qui ont existé
pythagorisme et les Mages d'Asie Mineure *. Nous avons montré
entre l'ancien
mathématiques lui sont venues de Babylone &, et c'est des Maguséens qu'elle a
reçu cette doctrine de l'immortalité céleste, qui se présente comme ime com-
binaison de l'eschatologie mazdéenne avec la théologie astrale des « Chal-
déens ». La transmission des résultats scientifiques auxquels une patiente
observation du ciel avait conduit ces Chaldéens, s'est conjuguée avec celle
'de
croyances religieuses qui, dans l'esprit d'un clergé d'astronomes, en étaient
le corollaire.
Les Grecs ont toujours cru que des héros privilégiés pouvaient être enlevés
par les dieux, corps et âme, pour aller vivre avec eux dans l'Olympe, échap-
pant ainsi au destin imposé aux humains Mais cette croyance diffère radi-'
dramaturge de Syracuse, mais qui certainement sont anciens, car Euripide les
a connus ^. Une indication déjà plus précise nous est fournie par Aristophane,
dans la PaiX: représentée en 421, à propos du polygraphe Ion de Chios, poète
ami de Sophocle, qui avait écrit en prose une oeuvre de philosophie pytha-
goricienne et qui venait de trépasser Trygée étant monté au ciel sur un
:
scarabée, assure que « quand quelqu'un meurt, il devient un astre dans les
airs » et qu'Ion, auteur d'un dithyrambe commençant par les mots « Etoile
du matin », s'est lui-même mué en cette étoile*.
A côté de ces témoignages exactement datés, nous pouvons invoquer celui
des Pythagoriciens eux-mêmes. Parmi les vieux akousmata, les préceptes
transmis oralement dans l'Ecole, il s'en trouve un qui dit « Que sont les :
îles des Bienheureux ? Le soleil et la lune^ ». Ainsi ces îles où sont trans-
portés les héros, et qu'Homère situait dans l'Océan lointain aux confins de
la terre, transférées par ces philosophes, suivant leur système
avaient été
habituel d'allégorisme, dans les deux astres majeurs, baignés par les flots lumi-
neux de l'éther. La lune était pour eux la « terre éthérée » ou « terre olympi-
que » (p. 175) jusqu'où s'élevaient, en quittant ce bas monde, les âmes des
héros et des sages. Cette théorie reprenait, en la faisant entrer dans un système
philosophique, la vieille croyance populaire que la lune est le séjour des morts.
Sur une infinité de stèles funéraires, notamment en Afrique et en Gaule, est
figuré le symbole du croissant, emblème de résurrection (p. 173).
abstraitepour étayer une croyance religieuse adoptée par l'Ecole, il est impos-
sible d'y voir l'origine même du dogme de l'immortalité céleste, dont les
Pythagoriciens auraient été non seulement les propagateurs, mais les auteurs*,
puisque ce dogme préexistait à eux dans le mazdéisme le plus ancien comme
dans les Upanishads, sous le triple aspect stellaire, lunaire et solaire que lui
avaient reconnu l'Inde et l'Iran.
Nous ne pouvons tenter de déterminer ici l'étendue des emprunts faits au
mazdéisme par l'eschatologie et la démonologie pythagoriciennes. Mais si l'on
cherchait quelles similitudes les rapprochent, on trouverait de curieuses ressem-
blances entre la conception que se faisaient de la nature et du sort de l'âme
les
disciples' du sage de Crotione et celle que révèle, à l'étudier de près,
le caractère de ces divinités
psychiques auxquelles les Perses rendaient uni
culte sous le nom de Fravashis. Si l'on
dégage, dans le Yasht qui leur est
consacré, comme l'a fait jadis Soderblom'\ les éléments primitifs qui y, sub-
i-_Rougier a eu tort, selon nous, de soutenir cette thèse {of. cit.), mais il a eu le
mérite de mettre en lumière les doctrines pythagoriciennes dont il tire abusivement
cette conclusion.
2- Nathan Sôderblom, Les Fravashis, dans Revue hist. des relig. 1899, XXXIX,
PP- 229-260, 317-418. Cf. Moulton, dans Hastings, Encycl., s. v. « Fravashi » et
^ehtnann, ihid. s. v. « Ancéstor worshî-p » (Iranian).
U8 LUX PERPETUA
sistent encore
malgré la transformation que leur a fait subir la théologie maz-
déenne, on verra que ces Fravashis sont conçues comme des déités aériennes
dont le domaine propre est l'espace intermédiaire entre le ciel et la terre.
Elles préexistent à la naissance de l'être humain et, après s'être associées à
lui, elles lui survivent. Elles s'unissent non seulement à l'homme, mais aux
animaux. Enfin une connexion étroite est établie entre les Fravashis et les
étoiles. Pour les Pythagoriciens aussi l'âme vit au ciel avant qu'elle vienne
s'incarner dans un corps après la mort elle devient un de ces démons dont
; .
la multitude peuple les airs. Celles qui donnent la vie aux animaux ne diffèrent
pas de celle de l'homme, et d'autre part elles sont des parcelles de ce feu
de l'éther qui brille aussi dans les astres. Il faudrait une analyse plus poussée
pour déterminer si ces analogies doivent s'expliquer par la communauté d'une
origine indo-européenne les traits communs appartenaient déjà à la
et si
Cic, De amie, XXIII, 88; Horace, Ode, XXVIII, 5; Diels, Vorsokr., 35^ 3!
1.
cf. Bidez, Siir un fragment de l'Aristote -perdu dans Bull. Acad. Belgique, 1942, p. 2og.
L'influence pythagoricienne se manifeste avec une évidence indiscutable dans le passage
de la Re-publ., 614 c ; cf. Aristote, fr. 200 Rose ; Platon, Lois, X, <)bbd; Xlimée go c, d.
2. Bidez, Eôs, p. 24 ss.
3. Ibid., p. I ss.
romaine. Nous avons rappelé précédemment (p. iio) qu'à l'époque alexandrine
l'Académie, infidèle aux doctrines de son fondateur, aboutit au doute métho-
dique^ et aucune doctrine ne lui parut plus hypothétique que celle qui pré-
tendait éclaircir le mystère de l'au-delà.
L'héritage de Platon fut recueilli par les Néopythagoriciens, qui firent de
lui, non sans quelque apparence de raison, le disciple du Maître, qu'ils véné-
raient comme le Sage par excellence. Ce furent eux qui, dans une société
devenue sceptique, se firent les défenseurs, les propagateurs et les rénovateurs
de la croyance à l'immortalité céleste. Après l'avoir prêchée dans l'Egypte
figure légendaire, dont déjà au temps d' Aristote on savait peu de chose de
certain''. L'école n'avait pas eu, ce semble, jusque-là, une théologie nettement
nysos et elle le resta, mais elle subit aussi l'action plus lointaine des religions,
de Babylone et de l'Egypte, en particulier de ces doctrines « chaldéennes »
que les Grecs avaient appris à mieux connaître après les conquêtes d'Alexandre.
Ce vaste éclectisme ouvert à toutes les nouveautés scientifiques ne provoqua
pas une rupture avec le passé. Les théologiens réussirent à concilier avec elles
même les plus scabreuses et les plus absurdes, par un
les traditions poétiques,
loi, qu'ils n'hésitèrent point, par une fraude pieuse, à mettre leurs propres écrits
sous leurs noms vénérés. Rarement la littérature apocryphe vit s'épanouir une
floraison aussi luxuriante que dans ces milieux d'illuminés s.
En bref, nous n'avons sur le développement que prit le pythagorisme dans
l'Egypte des Ptolémées que des indications éparses et souvent suspectes, presque
toute la littérature philosophique de cette époque a3^ant péri et les fragments
qui nous sont parvenus d'oeuvres pythagoriciennes n'étant souvent que des
pastiches pseudépigraphes difficilement datables. Néanmoins on peut affirmer
éd. 1613.
2. Cf. SymboL, p. 3 ss.
3.
Cf. Zeller, Philos. Gr. III, 2, p. 115. « Littérature formée de pastiches et ai
faux » Louis Delatte, Les traités de la Royauté d'Ecphante, Diotogène et Sthe^n-
:
que cette secte occulte exerça une action considérable, puisqu'elle influença,
comme nous le verrons, un stoïcisme devenu éclectique, au point de lui imposer
multiplier les récits établissant une connexion entre l'Etat romain et les anciens
çonneux, à qui tous les philosophes étaient suspects, il jouit au contraire d'une
faveur singulière auprès de ses successeurs. L'on a pu relever des traces
indubitables de la propagation du pythagorisme en Asie Mineure, où le
pseudo-prophète de Lucien, Alexandre d'Abonotichos, se conformait à ses
doctrines dans les oracles qu'il rendait \ En Occident, peut-être cette philo-
sophie avait-elle, dès une date ancienne, pénétré en Gaule et été connue
des Druides 2, La preuve la plus éclatante de sa diffusion nous est fournie,
nous espérons avoir pu le démontrer, par la sculpture funéraire qui, pendant
des siècles, pour le choix de ses sujets et pour la manière de les traiter, s'est
'
philosophie résidait moins dans sa doctrine que dans ses observances ; et quand
ses conventicules furent dissous, elle se fondit aisément dans l'école qui se
donnait comme sa continuatrice. De fait le pythagorisme avait exercé une
action puissante, non seulement sur les théories de Posidonius et de Plotin,
mais aussi sur les cultes orientaux répandus sous l'Empire.. Il avait donné le
premier type de ces mystères savants où la connaissance ou « gnose » était
à la fois la condition et le but de la sanctification*.
Ce serait en effet une erreur de considérer le pythagorisme comme une
pure philosophie, tels que le furent l'épicurisme ou le stoïcisme. Ses sectateurs
formaient une église plutôt qu'une école, un ordre religieux et non une aca-
*
démie des sciences ^': Une découverte récente faite à Rome nous a appris
qu'ils se réunissaient dans des basiliques souterraines construites à l'imitation
de la caverne de Platon', où les hommes enchaînés ne voient, selon le granid
mystères. Des rites secrets, des purifications variées y étaient pratiqués on, ;
divine qui y réside. Le souci constant du sage sera d'empêcher son âme
d'être polluée par le contact avec la chair. Il s'abstiendra de viande et
d'autres mets qui pourraient la corrompre ;
une série de tabous la protégera
rend digne d'une immortalité bienheureuse qui lui permet d'échapper défini-
tivement au cycle des réinvcarnations ^
Mais à côté de ces hautes spéculations, de ce mysticisme éthéré, la foi en
l'efficacité de rites archaïques pour assurer le salut se maintenait dans l'école.
Il fallait qu'ils fussent pratiqués aux funérailles pour que le défunt jouît d'une
félicité posthume''. Le corps, couvert d'un linceul blanc, devait être étendu
sur une jonchée de feuillage ( Q%\.^ri.c, ), qui avait été en Grèce et ailleurs la
couche primitive des vivants et des morts. L'on, prenait soin au moment du
décès de consulter les auspices en silence ([j:£T'eiJ9r,(j.(aç), comme on le faisait
sur le rivage avant de lever l'ancre. Il fallait se garder d'attirer par quelque
école, fut transférée dans la lune pour être rendue acceptable à des esprits
plus instruits^. Si l'antique division des cieux en trois étages superposés
1. Purifications Diog. Laërce, VIII, 33 ; Vers dorés, 68 ; Philostrate, Vita A-p., VI,
:
(p. 184) ne disparut jamais entièrement, elle fut cependant reléguée dans
l'ombre par celle des sept sphères planétaires, contenues dans une huitième.
Toutes ces diverses traditions et innovations eurent pour effet de produire une
grande variété de croyances et de spéculations. La confusion s'accrut encore
lorsqu'une philosophie devenue éclectique élabora des systèmes mixtes, où le
stoïcisme et le pythagorisme furent appelés à se compléter l'un l'autre pour
la création d'une eschatologie scientifique.
CHAPITRE III. — L'IMMORTALITÉ CÉLESTE i57
Cicéron, qui le célèbre comme le plus grand de tous les stoïciens*. Lorsqu'il
mourut à 84 ans, après avoir rempli de son activité toute la première moitié
du ler siècle, le prestige dont il jouissait, parmi les Romains comme chez les
Grecs, était immense Pompée, qui le visita à son retour de Syrie, entretint
:
avec lui une correspondance suivie. Posidonius dut cette souveraineté intel-
lectuelle aussi bien à la merveilleuse variété des connaissances dont il fit
A. Schmekel, Die Philosophie der Mittleren Stoa, 1892, p. 238 ss. ; Bevan, Stoics
1.
and 86 ss., trad. Baudelot, Paris, 1927
Sce-ptics, p. Karl Reinhardt, Poseidonios, 1921 j
;
Kosmos und Sympathie, 1926, pp. 308-376 P. Schubert, Die Eschatologie des Poseido-
-,
nius
{Verôjfentlichungen des Forschungsinstitut f. vergleich. Religionsgesch., Il, Heft. 4),
Leipxigj 1927.
—
Parmi les auteurs qui ont soumis les théories de Reinhardt à une cri-
tique incisive nous citerons Jones, Classical Philology, 1932, XXVII, p. 1 13-135 ; S.
Blanfcert, Seneca (epist. 90) over Natuur en Cultur en Posidonius, Amsterdam, 1941.
Cf. aussi M. Van den
Bruwaene, X^races de Posidonius dans le premier livre des Vus-
culanes (^Antiquité classique, 1942, XI, p. ^^ ss.). Sur l'xtjxrjvoi T,>.iou dans Sextus
Empiricus, cf. Symbol., p. 190, n. 4, et sur le mythe du De facie, qui n'a pas pour
source Posidonius, ibid., p. 196 ss.
2.
Cicéron, Hortensius, fr. 18, Muller « Omnium maximum Stoïcorum » ; cf. Sén.,
:
son style abondant, imagé et coloré'. D'un esprit plus érudit que critique,
il n'a point construit un système métaphysique original, qui soit comparable
à celui des grands chefs d'école, mais il fut dans le Portique le représentant
le plus éminent de ce syncrétisme qui régnait à son époque par lassitude
des discussions stériles entre les sectes opposées. Il prêta l'appui de son
autorité et de son éloquence à cet éclectisme dont Panétius lui avait donné
moniseï-, en écartant comme étrangers les textes qui à une concordance générale
mêlaient quelques divergences mais procéder ainsi, c'est admettre implicite-
;
tels Athénodore de Tarse, qui fut le maître d'Octave, Antipater de Tyr, qui
convertit Caton d'Utique à sa morale. C'est singulièrement restreindre la
4. Manilius, II, 115 « Quis caelum possit nisi caeli munere nosse, et reperire deum,
:
^isi
qui pars ipse deorum est... ni sanctos animis oculos natura dedisset cognatamque
sibi mentem vertisset ad
ipsam... caeloque veniret quod vocat in caelum sacra ad com-
mercia rerum». Cf. Relig. or., Le, note
5. Cf. Myst. ss.
astral., appendice, p. 279 [26]
léo LUX PERPETUA
le ciel lui accorde la révélation de sa nature et lui apprend les lois qui dirigent
ses révolutions.
Pour l'astrologie, cette extase mystique qui fait abstraction de la vie
future 3, enivre l'homme dès ceitte vie terrestre d'une « ivresse abstème » :
c'est la récompense immédiate d'une dévotion savante, née dans des temples
qui étaient aussi des observatoires.
Mais lorsque s'affirma la croyance en une immortalité céleste, le transport
passager concédé à l'homme ici-bas devint une anticipation de la béatitude
que l'âme devait ressentir après la mort. Alors, échappant aux limitations des
faibles organes des sens, la raison apercevra directement toute la splendeur
de l'univers et obtiendra l'intelligence complète de ses mystères. Cette forme
de l'eschatologie est la projection dans une éternité lumineuse des croyances
dont la source première avait été « l'émotion cosmique » que fait naître la
vue du ciel étoile.
Or l'érudition de Posidonius s'était consacrée spécialement à l'étude des
corps célestes. avait écrit sur ce sujet* un ouvrage qui comprenait au moins
Il
trois livres. La définition que donne de lui saint Augustin « grand astrologue :
1. Cf. Sextus
Empiricus, Math. VII, 93 :
Tà'6jji.ota
twv ôii.o(wv eTvai -iioooxivA. C. Reinhardt,
Posidonius, p. 417; Kosmos u. Symrp., p. 178 ss.
2. Sur ce qui suit, cf. Mystic. astral.
« Magnus astrologus de
5. Aug., Civ. Dei, V-, 5 :
idemque philosophus », à propos
la géniture des jumeaux ; V. 2 « Posidonius multum
:
astrologiae deditus... Fataliuw
siderum assertor » ; cf. Cicéron, De fato, III, 5, avec les notes d'A. Yvon, p. 30. —
Bouché-Leclercq, Astral, gr., p. 545.
CHAPITRE III. — L'IMMORTALITÉ CÉLESTE i6i
rlastroiogie. Il fit couler dans le lit aride d'un stoïcisme devenu scolastiquo
im large courant d'idées dérivées à la fois du pythagorisme platonicien de son
époque et des vieilles religions astrales de l'Orient. Mais il resta foncièrement
stoïcien en se refusant à admettre la spiritualité de l'âme et la transcendance
de L'âme, formée selon lui d'un mélange d'air et de ,feu, se mêle
Dieu.
aussitôt après le décès aux esprits, invisibles comme elle, qui peuplent l'atmos-
et, divinisés,
ils peuvent veiller sur elle et nous protéger'.
y était regardé non seulement comme insoluble, mais comme oiseux, indigne
de
préoccuper sérieusement, l'homme qui devait mettre son activité au service
de l'Etat. La
question du culte à rendre aux Mânes avait été réglée une foiS'
pour toutes par l'ancien droit pontifical' Le vieil esprit romain se méfiait
fies
spéculations sur l'au-delà, qui détournaient dangereusement les esprits des
1.
Diog. Laërce, VII,
i, 138-139
=
Fragm. Sfoïc. II, p. 144 Arnim j cf. Cic, Somn.
^«p. 4 (Globus) unus caelestis est extimtis, qui reliques omnes complectitur, sum-
: «
ipse deus arcens et oontinens ceteros. » Cf. Boyancé, Songe, p. 80 ss.
'ïius
voluptate perspicit ». Stace, Silves, V, 3, 19 ss., avec la note de VoUmer (p. 525).
i62 LUX PERPETUA
Songe de Scipion a été considéré comme tel, et récemment encore Van den Bruwaene
{A. C. 1929, VIII, p. 127 ss.) a voulu démontrer qu'entre Cicéron et Platon il fallait
admettre l'intervention d'un intermédiaire stoïcien, qui serait Posidonius. Cette opinion
a été combattue par Reinhardt [supra, p. 157, n. i] et par Harder, TJeber Ciceros Som-
nium Scipionis {Schriften der Kônigsb. Gelehrter Gesellschaft, V, 3), Halle, 1929, et niée
absolument par P. Boyancé, Songe. —
Festugière, Les thèmes du Songe de Scipion {Erd-
nos, XLIV, 1946, p. 370 s.), par iine analyse sagace des thèmes développés dans
le
Songe, a montré qu'il était une mosaïque de lieux communs. Le seul trait propre
3.
Cicéron est l'exaltation des vertus patriotiques, qui lui fait attribuer l'immortalité aux
grands politiques. ,;,,,; 1
i
.
CHAPITRE m. — L'IMMORTALITÉ CÉLESTE 16?
vision dont rien ne garantit la réalité. Mais en 45, Cicéron est frappé d'un
deuil cruel par la perte de sa fille imique Tullia sa douleur lui persuade
;
quent éternelle sa vie ici-bas est une peine qui lui est infligée
;
elle naît pour :
Sur la vanité de l'immortalité terrestre, cf. sufra, ch. II, p. 133 ss.
1.
Pierre Boyancé, L'a-pothéose de Z\ullia (R. E. A., 1944, XLVI, pp. 179 ss.), pense
2.
q.ue cette apothéose et la construction d'un hérôon ont été suggérées à Cicéron par la
lecture de la Consolation de Cranter.
3. Consol. frag. 8 (= Lactance, Inst., III, 18) « Scelerum luendorum causa nasci
:
nomines ».
ié4 LUX PERPETUA
vers cette religion nouvelle qui apportait de l'Orient une philosophie mystique.
UH crtensius et les Tusculanes., rédigés dans cette même période de sa vie,
nous montrent l'empire que le néo-stoïcisme de son maître rhodien et le néo^
pythagorisme, qui comptait des tenants même au Sénat, exerçaient alors sur
son esprit désabusé et attristé, et comment il cherchait dans les doctrines lumi-
neuses d'une survivance remplie de félicité une consolation aux maux privés et
publics dont il se sentait accablé. A la fin du De senectute, après, avoir résumé
d'après les philosophes grecs les preuves traditionnelles de l'immortalité, le
vieillard, qui se sent proche de la mort, exprime par la bouche de son héros
une aspiration ardente à voir luire le jour qui l'introduira dans' une assemblée
divine et lui fera quitter la tourbe fangeuse d'ici-bas*. Mais il ajoute : « Si
1 Cato, XXIII, 84
. « O praeclarum diem, cum in illud divinum animorum oonci-
:
lium ooetumque profisciscar, cumque ex hac turba et ooUuvione discedam ». Cf. XXI, T]-
2. XXIII, 85 « Quod si in hoc erro, qui atiimos immortales esse credam, libenter
: ,
erro, nec mihi hune errorem, dtim vivo, extorqueri volo » ; cf. Zlusc., I, 11, 24; I>
16, 39.
.3.
La plupart des passages de Sénèque relatifs à cette eschatologie ont déjà été
réunis par Badstûbner, Beitràge zur Erklàrung der philosophischen Schriften Senecas,
Hambourg, 190X, p. 10 ss.
.CHAPITRE III. — L'IMMORTALITÉ CÉLESTE 165
garder à .
S'il condamne l'hédonisme des Épicuriens, il ne s'est pas fait faute de citer
1.
Episf., 45, 4.Cf. Martha, Les moralistes sous l'Empire romain, 8^ éd., p. g ss, ;
— ;
[
''
Tartare et jugeait oiseux qu'on s'attardât encore à les combattre', son senti-
ment s'attachait au dogme, introduit dans le Portique, de l'immortalité céleste.,
^
Il l'impose en certains passages avec force elle est pour lui une foi, souvent ;
4. Epist., 106, 4
« Animus corpus est».
5. E-pist., ^j, 8 ;
:
50, 6.
— Epist.
^7^ Sénèque combat la doctrine singulière de certains
^
didit astris »,
6. Consol ad Helv., 6, 7 ; n? 7 j Epist., 120, 15.
7. Epist., 92, 30 ; 41, 5 ; 79j 12 ;
Consol. ad Marciam, 24, 5.
8. Consol. ad Helviam, VI, 7.
9. Cf. l'exposé de Barth, op. cit., p. 165 ss.
10. Epist., 14, I. Cf. Symbol. 21, n. 7 ; 364, n. 4.
II. Dial., IV, De ira. II, 19, i.
12. Consol. Marc, XI, 3.
13. Epist., 78, 22.
14. De vita beata, 8, 2 ; Epist., 58, 23 ; 92, 33.
CHAPITRE III, — L'IMMORTALITÉ CÉLESTE 167
templation des êtres célestes. Aussi le sage a-t-il hâte de briser définitivement
les liens qui l'enchaînent^, de sortir par la mort, d'une geôle étroite, de quitter
ce corps qui n'est pour lui qu'un logis malsain, où il est passagèrement
hébergé*,
qii'une enveloppe dont il se dépouille comme d'un vêtement'', et de rompre
ainsi toute cohabitation avec un « ventre dégoûtant et fétide » ®. Dans tous
ces développements souvent répétés, Sénèque parle comme les Pythagoriciens
et les Platoniciens, et sa rhétorique elle-même renchérit sur eux.
Le sage est un dieu sur la terre '•, et lorsqu'il la quitte il rétourne vivre
^
parmi les astres dans la société de ses égaujc Mais la plupart des hommes .
ne s'élèvent point à une telle perfection il faut que leur âme séjourne :
quelque temps dans la zone voisine de notre globe pour y effacer les tares
contractées dans cette vie mortelle" ; elle est pu,rifiée de ses souillures par
les éléments entre le ciel et la terre, d;ans cet
espace plein d'effroi, où le
tonnerre et la foudre, le souffle des vents, les précipitations des nuages, de
la neige, de la grêle provoquent comme un tumulte incessant '".
Allégée du
poids de ses fauites, elle s'élance vers les hauteurs célestes où elle retrouve les
C'est sa parenté originelle avec les dieux, c'est la communauté d'une même
essence, qui inspirent à l'esprit humain le désir de s'occuper des choses
1.
E-pist., 65, 16 s. ;
De tranquill. anîmae, XI, i.
2. 16.
Efist., 65,
Cons. ad Marciam, 2 Cons. ad Polyb., g,
3.
65, 21
;
5. Cons. ad. Marciam, 25, i Ef., 92, 13 « Corpus animi est velamentum ».
;
:
Efist., 102, 27, s'oppose à la doctrine épicurienne sur le plaisir du ventre. Cf. supra,
6.
en.
II, p. 141, n. 2.
7> Consol. ad Marciam, 26 ;
Consol. ad Helvîam, XI, 5. Cf. Symbol., p. 264 ; p. 271.
8. Consol ad Helvîam, 20, 2 ; Quaest. nat. I, Prolog. 12. Cf. Symbolisme, p. 128 ss.
9- Consol. ad Marc, 25, i ;
10.Cons. ad Helv., 20, 2 ; Quaest. nat., I, Prol. 14. Cf. infra, ch. IV, p. 208 ; Symbol.,
P- 126 ss.
n. Consol. ad Marc, Cf. Mystic. astral., p. 274, n.
25, 2. i.
i68 LUX PERPETUA
du, temps 2, Sa pensée s'attache à l'étude des forces divines disséminées dans,
le monde et surtout à l'observation du ciel eit des astres, et cette application
est pour lui une source intarissable de délectation ^
;
car la nature n'a rien
produit de plus grand et de plus splendide que le firmament, dont l'âme, qui
en est une particule détachée, est la contemplatrice et l'admiratrice^. Il est
l'objet le plus digne de solliciter les recherches de la raison. Il détourne
celle-ci de tout ce qui est médiocre et vil et lui procure à la fois les plaisirs
les plus purs et l'élévation la plus sublime ^ Avant même qu'elle soit délivrée
de sa prison charnelle, elle peut, dans le ravissement de l'extase, s'élever jus-
qu'aux hauteurs Mais lorsque le trépas l'aura libérée de la nécessité
célestes'^.
de se servir de ses organes corporels, jouissant du spectacle merveilleux que
lui offre le chœur des étoiles ^, elle comprendra pleinement les causes de
leu.r course ininterrompue et pénétrera les secrets les plus intimes de la
nature. La contemplation des astres,au milieu desquels elle vivra, comme, du
haut de son observatoire, la vue de la terre qu'elle a quittée^, lui vaudront
1. Quaest N., Prol. 17 Consol. ad Eelvîam, VIII, 6 (Cf. Manilius, II, 115); E-pist.^
;
93, 9 5
De Provid.., 1.
5. Sur la cognatio de l'homme et de Dieu, cf. Consol. ad Helviam,
II, 7 ; Epist., 108, 17.
2. Ad
Helviam, 20, z Efist., 102, 20, 22 3 Cf. Cicéron, Hortensius, fr. 50 Mûller.
;
3. Ad
Helviam, 20, 2 Epist., 102, 27-28; Quaest nat., Prol., 17; De Beneficîis, IV, 23.
;
4. Cons. ad Helviam, 8, 4
« Animus oontemplator
admiratorque mundi » Epist.,
:
; %
56. Idées de Posidonius cf. Myst. astral., 268, note i.
:
5. Quaest Nat., IV, 4, 2 De Benef., IV, 23 cf. Barth, op. cit., p. 155 ss.
; ;
6. Epist., 79, 12. Cf. Consol. ad Helviam, VIII, 6 L'idée d'une extase, qui ravit l'es- :
prit et le transporte au milieu des constellations, est beaucoup moins accusée chez Sénèque
que chez d'autres auteurs (ci. supra, p. 160). Un tel mysticisme répugnait à l'esprit romain,
et Sénèque, qui a dû en trouver l'indication dans ses sources, n'y fait allusion qu'en
Epist., g^, 9.
8. Consol. ad Marc, 25, 4 ; Consol. ad Polyb. 9, 3 5 cf. Symbol., p. 123, n, 3.
9. L'idée est platonicienne, cf. Epinomis, pp. 896 c et 992 b. Même idée dans les tois,
X ; "Cimée, 90 bd. Cf. Ed. des Places, A. C., 1942, XI, p. 97.
CHAPITRE III. — L'IMMORTALITÉ CÉLESTE 169
ici- bas, la splendeur éclatante des sphères éthérées, où toutes les ténèbres
3. épicurien, cf. supra, p. 125. Episf., 92, 34, reprend la pensée de Lucrèce
Argument
(Cf. supra, ch. I, p. 16) qu'il impoite peu que le feu détruise le corps, que la terre le
recouvre, que les carnassiers le dévorent. Sur ces exhortations à mépriser la mort, dont
Sénèqùe a donné le meilleur exemple par sa propre fin, cf. Barth., op. cit. [supra,
p. 165, n. i], p. 176 ss.
4. Consol. ad Polyb., IX, 8 Epist., 92, 31 ; 120, 15 ; Quaest nat., I, Prol. 8-13.
;
qui nous débarrassera des téguments corporels où nous sommes enserrés '.
« Le jour crucial que nous redoutons comme le dernier est celui de notre
objet. Mais il ne fait ici qu,e suivre Platon^. Sans doute si les œuvres des
prédécesseurs grecs du moraliste romain n'avaient pas péri, y trouverions-nous
développées déjà les mêmes idées que chez lui, et il apparaîtrait que ce direc-
teur de conscience n'a fait que les transposer en latin et les vulgariser en
leur prêtant l'attrait de son éloquence pittoresque, incisive et pressante.
1. Cf. N. C. VI.
2. Efist., io2j 28-29 : « Dies iste quem tanquam extremum reformidas aeterni na-
talis est ».
Nous avons marqué les voies par lesquelles la foi en l'immortalité astrale
rature religieuse et philosophique et indiquer la part qui revient dans ses trans-
formations à chacun de ses adhérents. Nous devons nous contenter d'exposer
brièvement ici, pour terminer ce chapitre, quelles furent les diverses formes
que prit successivement cette grande doctrine çschatologique.
Des croyances répandues chez beaucoup de peuples par le monde mettent
la survie de l'âme en relation avec les astres. Longtemps on se figura
naïvement qu'un nouveau soleil était créé chaque matin 2 ou du moins chaque
hiver, qu'une « nouvelle lune » naissait chaque mois ,
et des traces de cette
idée primitive ont survécu dans les religions de l'antiquité et jusque dans
notre langage moderne. Mais lorsqu'on se rendit compte que les mêmes
luminaires célestes, après avoir amorti leurs feux et perdu leur éclat, réap-
paraissaient pour recouvrer bientôt leur splendeur, que les étoiles qui s'allu-
maient au, crépuscule étaient les mêmes qui s'étaient éteintes à l'aurore, leurs
vicissitudes furent mises en rapport avec la destinée de l'homme, qui devait,
comme eux, renaître à une vie nouvelle 3. Diverses tribus sauvages associent
ainsi les astres et spécialement la lune à la résurrection des morts. Le disque
stellis, lacteo orbe animarum sedibus (Diss. Halle), 1917. Goindel dans Roscher, s. v.
« Sternbilder », p. 1065 ss.
2. C'était encore
l'opinion des Épicuriens, cf. Symbol., p. 60, infra, ch. IV, p. 195.
3. Symbol., p. 218, n. i ; p. 211, n. 6.
172 LUX PERPETUA
C'était aussi une opinion très répandue, et qui a survécu dans le folklore
européen, que chaque homme a son étoile au ciel^. Elle est éclatante, s'il
que chacun naissait, comme nous le disons encore, sous une bonne ou mau-
vaise, étoile. AstnosiÂs en latin est l'équivalent de notre « malchanceux » ^
Cette doctrine d'une astrologie rudimentaire fut incorporée dans le système
de la généthlialogie savante. Bien que celle-ci attribuât aux planètes et
aux signes du zodiaque une influence prédominante, elle enseignait aussi,
comme le vou,lait l'opinion populaire, que chacune des étoiles les plus bril-
lantes (Àa[j.Tïpol àa'T£peç),si elle était dans une position favorable, assurait au
nouveau-né richesse, puissance et gloire .
Une autre croyance largement admise à travers le monde était celle que
^
les esprits des morts allaient habiter la lune En Orient, elle conserva une .
1. C. R. acad. inscr., 1918, p. 278 ss. Cf. Freistedt, Altchristl. Gedâchnisstage tind
ihre Beziehung zum J enseitsglauben der Antike, 1928. Cf. sufra, ch. I, p. 28.
2. Capelle, o-p. cit., p. 19 ss.; Mani «né sous une étoile brillante dans la race des
maîtres » Scheftelowitz, Entstehung der Mani-Religîon, Giessen, 1926, p. 15.
:
pendant la
première moitié du mois. De même selon les Manichéens, durant
le croissant, le disque de la lune se gonfle d'âmes, conçues comme lumi-
neuses, qu'il puise sur la terre, et, pendant le décours, il les transvase dans
le soleil. Ou bien, usant d,^ime image bien antérieure à lui, Mani disait encore
que la barque de la lune, qui vogue dans le ciel, se chargeait d'âmes qu'elle
transbordait chaqu,e mois su,r le vaisseau plus grand du soleil
'
,
.
astraux sont identiques à ceux dont se servaient déjà les Babyloniens, créateurs
de la triade Sîn, Shamash, Ishtar. Mais ce n'est pas seulement chez les peuples
sémitiques que nous trouvons sur les tombeaux le croissant, soit isolé, soit
accompagné d'autres figures il est d'une fréquence particulière en pays
:
celtique, et l'on a démontré que cet emblème de la lunule n'y est ni d'impoar-
tation romaine, ni d'origine germanique, mais appartient au vieux fonds de la
religion indigène. Il est possible que les Druides aient placé dans la lune
l'autie monde, V or bis alms\ on les hommes poursuivaient une existence que
la mort n'interrompait point; mais l'examen des monuments montre qu'aux
traditions autochtones se sont probablement mêlées en Gaule les doctrines
orientales des mystères de la Grande Mère, et peut-être aussi celles du pytha-
gorisme.
Pour rme croyance fort ancienne voulait que les morts l'accompa-
le soleil,
âmes montaient dans la barque de Râ et, après avoir parcouru avec lui le cercle
à,u ciel, s'enfonçaient avec lui dans la région inférieure par une fente de la
1.
Symbol., p. 178 ss.. Transformation morale de cette croyance dans le mazdéisme :
* *
où se meuvent les esprits des morts prit une force nouvelle et une signification
plus profond,e lorsque fut admise la doctrine de l!immortalité astrale ; car
l'atmosphère, que les âmes devront nécessairement franchir pour atteindre les
sphères célestes, ne sera plus pour elles qu'un séjour transitoire, un lieu de
passage jusqu'à l'astre le plus proche de notre globe, la lune.
Pourles Pythagoriciens l'espace compris entre la terre et la lune est
« rempli d'âmes » \ Il est constamment parcouru par le va et vient d'une
foule d'entre elles, dont les unes descendent ici-bas, saisies du désir de
s'incarner dans un de leurs épreuves terrestres révolu,
corps, d'autres, le cycle
remontent vers Ces philosophes enseignaient,
les sphères supérieures. comme —
l'avait fait déjà le mazdéisme que les —
Vents, conçus comme des divinités,
peuvent favoriser ou contrarier l'ascension des esprits des morts et, en les
secouant dans leurs tourbillons, les châtier et les alléger du poids de leurs
fautes 2'. Ou encore ils admettaient qu'un dieu psychopompe conduisait ces
âmes vers leur demeure céleste et les protégeait contre les attaques des démons
aériens qui tentaient de s'opposer à leur vol'. Nious aurons à reparler de
ces idées mythologiques à propos des peines des Enfers *, car pour les défen-
seurs de l'immortalité céleste, ces inferi sont la zone inférieure du monde,
remplie du trouble des éléments, qui s'étend à proximité de notre terre, et oii
les éîd'ôla restent exposés à de cruels tourments.
Les Pythagoriciens admirent qu'après avoir été purifiées dans les airs,
les âmes allaient se fixer dans la lune. A la question « Que sont les îles
:
répondait « le soleil et la lune » ^. Ces astres étaient pour eux des îles mou-
:
vantes baignées dans un fluide lumineux, que leur révolution rapide faisait
bruire autour d'elles. Ces penseurs, qui agitèrent toutes les hypothèses scien-
I.
Diogène Laërce, VIII, 32 ETvai uâvra tôv àspa i|/u)(^â)v è[ji.-j:).swv. Cf. A. Delatte, Vie
:
de
Pythagore, 1922, p. 129, n. 12, p. 226 ss.
2. Cf.
Symbol., p. 117,
3. Cf. infra, ch. VI, p. 300.
4. Cf. infra, ch. IV, p. 208.
5-
Jamblique, J^. P., XVIII ; 2
=
Diels, Vorsokr., 3, p. 358, 18. Cf. Plut., De genio
Socratîs, 22, p. 590 c ; Hiéroclès, In aur. carmen, fin.
6. Cf.
Symbol., pp. 167, 184, 188 j su-pra, p. 146.
176 LUX PERPETUA
les Champs Elysées, les prairies de l'Hadès, où étaient admis les Elus. Dans
ce séjour sélénien, comme, selon Homère, dans les îles Fortunées, les héros
se reposaient à jamais, et Pythagore lui-même s'y réjouissait au milieu des
tiques, plus robustes que ceux de notre faune, y firent croître ydes plantes
étranges, plus vigoureuses que la flore d'ici-bas. Les séléniens, nourris des
vapeurs de l'atmosphère, n'étaient point, selon eux, soumis aux besoins humains.
Pans son Histoire Véritable, Lucien a parodié ces folles imaginations avec
une outrance comique et une obscénité bouffonne*.
A côté des Néopythagoriciens, les Stoïciens éclectiques, et en particulier
Posidonius, firent à l'eschatologie lunaire une place dans leur système, et ils
les exhalaisons qui montent du sol et des eaux. Ces globes innombrables
par
d'un feu doué d'intelligence, forment un chœur animé, évoluant autour de
l'astre des nuits. Les Champs Elysées ne se trouvent pas, selon cette théorie,
sur lalune elle-même, qui cesse d'être l'habitat des héros, mais dans le fluide
ardent et pur qui environne celle-ci et où ne pénètrent que des âmes pures
comme lui'. A
ces âmes d'élite, qu'ont divinisées leurs vertus, est réservée
une demeure sublime, « là où l'air obscur qui s'étend de la terre jusqu'au
cours de la lune, vient toucher les cercles étoiles ». C'est ici que Lucain fait
vivre les Mânes de Pompée^, promu au rang de demi-dieu, ici aussi que siège,
« sinon dans les astres, tout proche cependant des astres », le père de Trajan^ ;
et tout à la fin du paganisme, l'fempereur Julien, au début de sa satire des
Césars, se figure ceui-ci banquetant, comme il convient, à un niveau inférieur
au festin des dieux, qui se réunissent au sommet du ciel : « Il parut bon, dit-il,
corps dont ils étaient revêtus et aussi la révolution de cet astre les y, soute-
naient » *.
Cette zone, la plus basse des sept sphères planétaires, où l'éther serein
confine à notre atmosphère embrumée, est la frontière entre le monde des
dieux et celui des hommes, « l'isthme entre l'immortalité et la génération » s,
tinction entre les deux moitiés de l'univers, l'une active, l'autre passive, les
cieux que remplit un éther inaltérable, qui ne sont soumis ni au devenir ni
à la
corruption^ et notre monde sublunaire composé de quatre éléments où
tout naît, se transforme meurt. Néopythagoriciens et Néostoïciens, insistant
et
sur cette opposition, se
plurent à faire saillir le contraste entre la splendeur et
I. ss.
Symbol., p. 192
2. Lucain, IX, 5 ss. : « Qua niger astriferis oonectitur axibus aer, / quodque patet
terras inter lunaeque meatus, / semidei Mânes habitant, quos ignea virtus / innocuos
vita
patientes aetheris imi / fecit et aeternos animam collegit in orbes ». Dans un sys-
tème religieux de zones cosmiques, qui paraît avoir pénétré chez les
Etrusques, entre
la lune et la terre
habitent, dans la partie supérieure, les demi-adieux {hemithei), dans
la cf. St. \Veinslx>ck, J. R. S. 1946, XXXVI,
partie inférieure les héros ; p. 104 ss.
3. Paneg., 89, 2 « Si non sidéra, proximam tamen sideribus obtines sedem»;
Pline,
Fragm., Stoic, 817, Arnim.
cf.
séjour des dieux et dans l'Tiabitat des humains où pénètrent les âmes descen-
dant ici-bas dès qu'elles ont franchi le cercle de la lune.
Le croissant, nous le rappelions plus haut (p. 173), apparaît souvent sur les
monuments funéraires de l'époque romaine, soit isolément, soit associé à divers
symboles et, en Afrique comme chez les Celtes, il exprime discrètement de
vieilles indigènes, qu'il est difficile de définir exactement. Cet
croyances
emblème n'est figuré sur les épitaphes de Rome et de l'Italie que très excep-
tionnellement '. Toutefois certaines œuvres de la sculpture y révèlent, plus
clairement que les emblèmes astraux, quelle était dans les classes aisées —
celles qui pouvaient s'offrir de tels marbres —
la diffusion de la croyance à
l'iimmortalitô lunaire. Pour ne citer qu'un exemple particulièrement révélateur,
un bas-relief romain du Musée de Copenhague nous montre les bustes accolés
d'un frère el d'une sœur, et l'effigie de la fillette est posée sur un large crois-
sant et entourée de sept étoiles, images des planètes^. Ce motif fait évidem-
ment allusion à la croyance que la lune est le séjour des âmes innocentes,
comme celle de cette enfant inconnue ^
Dans ce qui précède nous avons constaté commentla philosophie et la phy-
mortalité astrale. Ce
fut cette alliance qui leur donna la force de s'imposer
aux esprits cultivés. Par leur accord avec la science du temps elles satisfaisaient
en même temps la raison et la foi. Seulement, comme toute cette eschatologie
reposait en réalité sur une cosmographie erronée, son sort se trouva ,lié à celui
moraux de cette terre, celui qui règle le jeu compliqué de leurs révolutions
sera l'arbitre des destins, le maître de toute la nature. Placé au centre du
"Chéol. solaire, p. 471) que l'ordre « chaldéen » eds planètes fût adopté déjà par Archi-
inède, et il ajoute foi à l'assertion de Théon que, plus anciennement, certains Pythagori-
ciens l'avaient admis.
2. Cf. infra, N. C, VIL
3. Cf. supra, p. 144. Ce qui suit résume ma
"Chéol. solaire, p. 449 ss.
lïiundi animum ac planius mentem Vhéol. sol., ; p. 461, n. 3. Sur l'idée que le soleil
«st le Nous du monde, cf. R. Jones, Classical 1932, XXVII, p. 1 13-125 ;
Philology,
Boyancé, Songe, p. 80 ss. Si VEpzcharme d'Ennius reproduit les idées du poète sicilien,
celui-ci
pensait que, le soleil est la source du Nous Varron, De l. lat., V, 59
: « Epi- :
monter de la terre les vapeurs et les nuées, elle ramène aussi à lui l'essence
invisible qui anime
le corps. Il exerce ici-bas une attraction à la fois physique
et psychique. raison La
de l'homme remonte vers son principe originel et
retourne au foyer divin dont elle est issue. Les rayons du dieu sont les véhi-
cules des âmes dans leur ascension vers les régions supérieures. Il est Vana,-
gogue qui retire l'esprit de la matière qui le souille i.
Ainsi, de même qu'il écarte et ramène à lui les planètes, par une suite
d'émissions et d'absorptions, il projette, semeur infatigable, ses effluves ignés
dans les êtres qu'il appelle à la vie, et après le trépas il les attirera de nouveau
vers lui pour les recueillir dans son sein. Un cycle perpétuel de migrations
fait ainsi circuler les âmes entre le ciel et la terre, comme les astres s'éloignent
et se rapprochent tour à tour du foyer rayonnant, cœur et esprit du grand
défunts héroïsés (p. 146). Les Grecs, à la suite des Orientaux, avaient réussi
à constituer un calendrier luni-solaire ; ils construisirent aussi une eschato-
logie ot\ intervenaient les deux astres majeurs, qiii selon leurs prêtres sont les
*
divinités qui assistent Leur théologie savante imagina
ceux qui vont mourir .
sition des corps, mais que le soleil est l'auteur de la vie intellectuelle, le
créateur de la raison. Elle met en œuvre d'autre part la vieille croyance que,
lorsque les âmes quittent la terre, elles sont encore entourées d'un fluide subtil
Veidôlon, qui garde l'apparence de la personne dont il s'est détaché 2. Les
théologiens admirent donc que les âmes qui descendaient sur la terre se revê-
taient, dans la sphère de la lune et dans l'atmosphère, de ces corps vaporeux,
hgie de Plutarque, 1942, p. 177 ss. Sur la (Joctrine de JambUque, qui place l'Hadès entre
je
soleil et la lune
(Lydus, De mensib., IV, 148, p. 167 Wûnsch), cf. infra, ch. VIII.
ûes traces de l'eschatologie luni-solaire se t]y)uvent aussi dans les mystères de Mithra
«t dans
les Oracles Chalddiques \ cf. infra, ch. VIII, p.
364,
4- Symbol., p.
245 et pi. XXII bis.
'
,
i82 LUX PERPETUA
d'une; enfant décédée à dix ans avec un croissant sur le sommet de la tête,
puis la même
morte —
car elle est seule nommée dans l'épitaphe sous
—
les traits d'une femme, dont la chevelure est ceinte de la couronne
héliaque,
aux sept rayons. L'artiste a manifestement voulu exprimer ainsi l'idée que,
l'enfant prématurément enlevée, après avoir mené dans la lime une existence
transitoire, était élevée vers l'astre, qui recueille les âmes quand leur purifi-
'
cation est achevée et leur destin révolu .
oùpavî'oi?..
'
HXuciotç R. Ph., 1909, XXXIII, p. 6 ss., et înjra, note.
;
sortdigne des princes qui avaient mérité l'apothéose, A la mort de Jules César
appanit une comète que l'on crut être l'âme du dictateur reçue parmi les
Immortels^ et Ovide n'hésite pas à nous montrer Vénus descendant invisible
;
d'apparaître, qui était l'âme déifiée de son favori^. Mais comme en Grèce
l'héroïsatioii finit par être décernée par la simple volonté des familles en
deuil aux parents dont elles pleuraient la perte, de même le catastérisme se
vulgarisa au point d'être accordé à des défunts d'im très modeste mérite.
Le ciel presque entier, observe à ce propos Cicéron, s'est recruté dans le genre
humain^. Danc une inscription d'Amorgos', un jeune homme, enlevé par
les Moires à
l'âge de vingt ans, s'adresse ainsi à sa mère « Ne pleure pas, :
p. 177.
3. Pline,H. N., II, 25, 93 Suétone, Caes., 88
; Servius, Ed., IX, 47 et En., VIII,
;
"pi. Auguste régnant est déjà un astre qui illumine la terre avant de briller dans le
ciel cf. Kaibel, Epgr., 978.
:
Manilius, I, 385 ;
1935 nous montre tm bébé de deux ans emporté vers le ciel, où il siégera,
dit l'épitaphe, avec l'étoile du matin et du soir et il exhorte son père à ne ;
Par la faveur des dieux il protège les jeunes garçons ses compagnons de jeux
dans les rudes palestres.
Les inscriptions funéraires qui s'expriment avec cette précision sont excep-
tionnelles. Nombreux au contraire sont les textes épigraphiques et littéraires
qui affirment que l'âme du défunt est montée vers les astres pour y vivre avec
les Immortels, mais en laissant indécise la position qu'elle y occupe. On dira
qu'elle s'est envolée vers le vaste ciel ou vers l'Olympe 3, que l'éther l'a reçue,
qu'elle est au sommet du monde et suit les évolutions des armées célestes*,
mais le lieu où se réunissent ainsi les Bienheureux restera vague ; on ne pré-
cisera pas dans laquelle des sphères supérieures ou des constellations ils seront
accueillis.On savait que leur demeure se trouvait quelque part, très haut au-
dessus de nous, mais on ne se hasardait pas à fixer leur séjour exact.
Cependant, de très bonne heure, les théologiens voulurent mettre de l'ordre
et de dans cette eschatologie astrale. Comme ils avaient combiné
la précision
les doctrines de l'immortalité lunaire et solaire, ils tentèrent de les concilier
toutes deux avec l'immortalité stellaire. Noiis avons noté au début de ce
chapitre que c'était une idée très répandue en Orient, et admise notamment
dans le mazdéisme et le manichéisme, que l'âme monte vers la lumière éter-
nelle par trois degrés. Le verset où saint Paul révèle aux Corinthiens qu'il
1. Galieti, Rôm. Mitteil., 1943, LVII, p. 70 ss. Cf. î»/r<î, ch. VI,
planche II. Comparer les
vers attribués à Platon (Apulée, A'poL, 10 =
Diog. Laërce, III, 23) 'AcrxTip irpiv jxev eXa^- :
iTîç èvl Çwolffiv 'Ewo;,/ vôv ôe ôavwv 'XàfX'Ttîtî "EffTCepoi; ev cpôt[;,évot<;. Vénus
séjour des âmes bien-
heureuses :cf. Symbol., p. 84, n. 8|; p. 248.
2. HaussoTollier, Ibid., p. 8. Dans une curieuse épitaphe récemment découverte à
Mactar en Tunisie, une morte dit qu'elle habite les Champs Élysées, mais elle -place
ceux-ci au-dessus du Soleil et des étoiles; cf. G. Picard, C. R. Ac. Inscr., 20 sept. 1946.
3. P. ex. Virgile, Georg., IV, 226
« Nec morti esse locum sed viva volare
/ sideris
in numerum et alto succedere caelo ». Cf. les textes recueillis par Friedlânder, Sitteti-'
gesch., m, p. 308 ; Rohde, Psyché, 11^, p. 384
== tr.
fr., p. 579, n. i. Cf. Lattimore,
p. 34 ss.,_p. 312 ss.
4. Maxime de Tyr XVI (X), 9 Ssoïç xat ôswv Tratu! cîUYyiYvoji,ÉvT(, bràp axpav tou oùpavou
:
ài\iXSoi ffujjLTTsptTroXouffa
xal ffuvT£TaY[i.îv/) axpaxi^ Geûv Kaibel, 650 -^ç eT<;
; [cf. infra] :
orTpaTÎv); e'-jJ-'-
a été ravi jusqu'au troisième cieli, indique combien cette conception surannée
était restée vivante. Lorsque Lucien, au début de son Icaroménippe, nous
parcourt en une bonne journée un aigle au vol rapide, ce voyage burlesque par
dessus les nuages est une parodie de celui que certaiins croyants faisaient
accomplir aux âmes Les Néoplatoniciens adoptèrent parfois la même divi-
2.
1. II Cor., i2ly 2
'ApurayâvTa eux; -rpîtou oùpavoQ Sur les trois deux, et les sept cieux qui
:
3. ;
Cf. Plotin, I, 6-7 (p. 103 Bréhier).
Relig. or., p. 282, n. 69
Origène, Contra Celsum, VI, 22 (p. 92 Koetschau). Cf. R.H.Rel., 193 1, ClII,p.46ss.
4.
Dans un mithréum d'Ostie une mosaïque figure ces sept portes, celle du milieu, qui
appartient au soleil, étant plus grande que les autres, cf. C. R. Ac. Inscr., 1945, p. 415-
Sur l'échelle, cf. infra, ch. VI, p. 282.
5 Macrobe, Comm. Somn. ï, 9, 10
Sci-p.,
« Hae autem animae in ultimam sphae-
: :
que les âmes d'élite aspirent à retrouver mais seules celles qui ont atteint la
;
évolué avec le choeur des astres, s'élève itpôi; x-r)v ay.pav àiî^tSa tûv vor,Twv [Cf. p. 184, n. 4]
et veut voir le Grand Roi.
3. A. Religiv., igo6, IX, p. 323 ss. Cf. Hermès Trism., II, p. 383, n. 228, éd. Nock-
Pestugière.
4. Plotin, III, 4, 6 et infra, ch. VIII ; Porphyre, De regr. animae, 2, 3, Bidez (infra,
ch. YIII,
p. 368); Augustin, Sermo, CCXL (PL. XXXVIII), p. 1132, 38.
5- Selon Eusèbe, Vit. Const., IV, 69, l'empereur a été représenté siégeant uirlp oùpa-
v'.wv
âi];!8a)v Èv a'Ospdp ôtaTpipfi Stavaitaudjj.evûv Cf. L'Orange, Domus Aurea (dans Serta
Eitremiana), 1942, p. 81.
6.Doctrine des sept cieux dans le judaïsme et le christianisme :
Charles, o-p. cit.,
p- XXX ss. [p. 185, n. 4], Bousset, op. cit., \_su-pra, p. 185, n. i].
7. Cf.
infrUy ch. V, p. 258.
b
Cf. Denis, Origène, p. 363 de Paye, Origène
; Charles, op. cit., p, xliii ; (Bibl. éc.
hautes Et. 1923-1928).
i88 LUX PERPETUA
« demeures des cieux », qui sont les sphères étoilées, et elles saisissent la
nature des astres et les causes de leurs mouvements ; enfin lorsqu'elles auront
faitde tels progrès qu'elles seront devenues de pures intelligences, elles seront
admises à contempler face à face les essences rationnelles et verront les choses
invisibles, jouissant infiniment de leur perfection. Bien qu'Origène ait été
condamné par l'Église, ses idées ne devaient point être abolies. La conception
d'une lumière infinie, située au-delà des orbes du monde, où les âmes trouvent
le repos dans la lumière éternelle et obtiennent la contemplation de Dieu,
était à la fin de l'antiquité, commune aux philosophes et aux docteurs de
l'Église Du moment que la science chrétienne adoptait la conception antique
'
.
I. -— Où PLACER L'HADÈS ?
gnement ésotérique réservé aux sages de l'école, aux [xa6"r]fji-ai;ixot. Sans doute
ne fut-elle pas admise sans résistance, mais aucun écho des discussions que
provoqua cette innovation radicale n'est parvenu jusqu'à nous. Elle choquait
les
opinions généralement reçues, elle rompait avec des convictions ancestrales
et elle était en contradiction notamment avec la
Nekyia de l'Odyssée, évocation
190 LUX PERPETUA
' ^
clairement ;
Plotin s'en est encore souvenu ;
et l'érudition des scoliastes nous
fournit sur cette doctrine philosophique des indications précises". Après la
mon le corps est détruit dans la terre, l'âme, qui est une particule de l'éther,
Odyssée, XI, 601 ss. Sur cette interpolation, cf. Rohde, Nekyia {Rhein. Mus.,ï),
2.
4. Lucrèce, I, 122 s. « Quo neque permaneant animae neque corpora nostra, sed
quaedam simulacra modis pallentia miris ». Cf. Rohde, Psyché, tr. fr. p. 535, n. 2.
5. C. E.
1339.
6.Virg., Aen., Y, 81, avec la note du sooliaste de Vérone (Thtlo et Hagen, III,
p. 432) « In:tria hominem dividit, animam quae in caelum abit, umbram quae ad infe-
ros, corpus qu(od traditur) sepulturae. »
7 Pline, H. N. VII, 55 § 90.
8. Plotin, I, I, 12 ; VI, 4, 16 ; cf. R. Ph.^ l.c. [n.
i], p. 238 et infra, ch. VIII, p. 347»
à propos de Plotin.
9. Servius, En., IV, 654; Pseudo-Probus, Comm. BucoL, p. 334, I; cf. Pascal, Ij
P- 170-
CHAPITRE IV. — TRANSFORMATIONS DES ENFERS 191
remonte au ciel ;
mais l'ombre ou simulacre descend dans les Enfers. Cette
'
Parmi les doctrines qui furent alors suggérées pour répondre à la fois aux
exigences de la raison et de la morale, la plus proche des croyances antérieures,
et qui en est pour ainsi dire un élargissement, est celle qui situe les Enfers,
non dans les cavités de la terre, trop étroites pour contenir la multitude infinie
des morts, mais dans l'hémisphère inférieur de l'univers.
Cette conception, étrangère à la Grèce ancienne, est étroitement liée au
système du monde qui se représente le ciel des étoiles comme une sphère solide,
entourant la terre pareillement sphérique, immobile au centre du cosmos. La
ligne de l'horizon partage le ciel en deux hémisphères ; l'un supra-terrestre
appartient à la vie, l'autre infra-terrestre à la mort. On ne se trompera pas
en rattachant la diffusion de cette doctrine dans le monde hellénique à l'in-
vasion de l'astrologie chaldéo- égyptienne, qui se propagea victorieusement à
partir du lie siècle av. J. C. L'astrologie, en effet, en a maintenu la tradition,
nous l'avons montré ailleurs^, dans quelques-unes de ses doctrines capitales
i.Cf. N. C. XIIL
2. Cf. Symbol.^ p. 36 ss., que résument les pages qui suivent. ;
192 LUX PERPETUA
cette doctrine et l'aient propagée. Partageant les divinités par couples, ils assi-
Fig. I.
— Dioscure, symbole des hémisphères, avec l'Océan et la Terre.
Ce sont encoreles Pythagoriciens qui firent des Dioscures les symboles des
mêmes hémisphères. Castor et PoUux, qui selon la mythologie vivaient tour
à tour chacun de deux jours l'un, représentaient les moitiés du ciel qui,
dans sa rotation quotidienne passe alternativement du domaine de la vie à
celui de la mort, au-dessus et au-dessousde la terre ; et cette interprétation
Lactantius Placidus, 'Cheb., IV, 527. Sur la distinction pythagoricienne des deux
'
I.
des deux héros jumeaux les a fait reproduire avec cette signification cosmique
sur un grand, nombre de sarcophages (Fig. 1)1,
Selon leur coutume ces philosophes cherchèrent dans la vieille poésie épique
des textes sacrés —
j'allais dire scripturaires
—
qu'ils pussent invoquer à l'appui
de leurs spéculations. Homère et Hésiode 2, regardés comme les maîtres infail-
libles de toute science, concevaient le Tartare comme un gouffre ténébreux^,
aussi éloigné du disque terrestre, contenant l'Hadès dans son épaisseur,, que
le ciel l'est de celui-ci. « Une enclume d'airain, dit la Théogonie, tomberait
du ciel durant neuf jours et neuf nuits avant d'atteindre le dixième jour la
terre, et de même une enclume d'airain tomberait de la terre durant neuf jours
vieux poètes, dans l'abîme glacial qui en occupe le tréfonds, que sont châtiés
les impies.
Cette conception de l'Hadès mythologique jouit d'un certain succès. Un
des dialogues, faussement attribués à Platon, mais qui est en réalité une
œuvre syncrétique du l^r siècle avant notre ère, VAxiochos^, prétend nous
apporter une révélation du mage Gobryès sur le séjour des morts. La terre^
pour lui, occupe, immobile, le centre de l'imivers, et du ciel sphérique se
mouvant autoui d'elle un des hémisphères appartient aux dieux célestes,
l'autre aux dieux infernaux. La description que l'auteur fait de ces Enfers
léchées par les bêtes sauvages, brûlées constamment par les torches des Peines,
I. Cf.Symbol, p. 74 ss.
z. Cf. Symbol., p. 45.
Homère, IL, VIII, 13 ss.; Hésiode, "Chéog., yzo ss.
3. Axîochos, p. 371 ; cf. SymboLj p. 47 ss.
4- Virgile, Georg., 242 ss. Cf. Symbol., p. 54.
5. Plut., De gen. Sôcratis, p. 590 F.
i3
194 LUX PERPETUA
aux extrémités de la Terre, voulaient que les Enfers fussent situés au revers du
monde habité par les hommes sur la face inférieure de notre globe, dans l'hé-
misphère austral \
Mais si l'on considère l'ensemble des témoignages assez pauvres que l'on
peut recueillir, on s'apercevra que ces doctrines n'obtinrent jamais une diffusion
comparable à d'autres croyances que nous examinerons dans la suite. Ces théo-
ries n'avaientjamais été qu'un essai d'adaptation des vieilles traditions hellé-
niques sur l'Hadès, discréditées par les attaques des incrédules, à un système
scientifique du monde. Mais les mêmes de la cosmographie obligèrent
progrès
à rejeter une telle accommodation, comme incompatible avec la science.
Car tout d'abord, si l'on assignait comme domaine aux morts la moitié
inférieure du. globe terrestre,on se heurtait aux objections des géographes qui
y logeaient des êtres vivants les Antipodes ^ Ces géographes étaient arrivés
:
à la conclusion que dans l'hémisphère austral devait exister une zone tempérée,
soumise aux mêmes conditions physiques que celle de l'hémisphère boréal et
qui, par suite, devait être habitée par des êtres semblables aux hommes. Cette
théorie, qui fait honneur à la perspicacité des' savants alexandrins, fut géné-
ralement admise jusqu'à l'époque de Cicéron, par les esprits cultivés ^ mais ;
elle était invérifiable, puisqu 'aucun marin grec ou romain n'avait pénétré
dans cette portion de la terre, et elle ne parvint jamais à se faire accepter du
grand public. Le bon sens vulgaire s'insurgeait contre l'idée paradoxale
d'hommes marchant la tête en bas, et la doctrine des Antipodes finit par être
abandonnée à l'époque chrétienne et même formellement condamnée comme
hérétique par le pape Zacharie*. Il fallut les découvertes de Magellan et de
ses émules pour qu'on se rendît à l'évidence des faits.
Si les mythologues qui avaient voulu — comme le fait encore le Purgatoire
de Dante —
placer des morts ou de certains morts dans les eaux de
le séjour
l'hémisphère austral, n'avaient eu pour adversaires que les partisans des Anti-
podes, ils auraient pu maintenir victorieusement contre eux leurs positions.
Mais défenseurs d'un Hadès antarctique, furent mis en déroute par des
les
adversaires plus redoutables les astronomes *. Une tradition constante depuis
:
1. Symbol., p. 53.
2. Symbol., p. 57 ss.
3. Cic, Rêp., VI, 20 = Songe de Se, 6. Cf. R. E., s. v. « Antipodes », « Antichtho-
nes ».
4. Lettre à S. Boniface, en 748.
i. Symbol., p. 59 ss.
CHAPITRE IV. — TRANSFORMATIONS DES ENFERS 19 S
que les physiciens se trompaient et que le soleil allumait ses feux chaque matin
pour les éteindre chaque soir. La tradition ancienne reçut un appui inespéré
d'Épicure^ qui, conformément aux principes de sa physique, admit que le
soleil était formé d'atomes, qui s'aggloméraient et s'enflammaient à l'aube pour
se disperser à la fin du jour. Ainsi, même des esprits instruits pouvaient
hésiter, etVirgile* n'ose prendre position : ou bien dans l'hémisphère inférieur
règne le silence d'une nuit perpétuelle, ou notre crépuscule est l'aurore de cette
moitié du monde, et inversement. La révolution nocturne du soleil n'était
1.
Servius, Georg., 247
I, É11., XV, 584
;
=
Usener, Epicurea, fr. 346.
2. « Aut intempesta silet nox/ semper et obtenta densentur
Virg., Georg., 247 ss.
I, :
îiocte tenebrae ;/ aut redit a nobis aurora diemqLue reducit. » Cf. Servius, Georg., I, 243;
Probus, Georg., I, 23g et 244.
3. Cléomède, II, i.
4. Ptolémée, Synt., I, 3.
196 LUX PERPETUA
des armes que la science hellénique avait fourbies. Il n'en subsista- qu'une
croyance vague, populaire, anti-scientifique, qu'on peut suivre jusqu'à l'époque
'
byzantine, à l'existence d'un Tartare situé dans les ténèbres au lieu le plus
profond du monde*.
• *
Ainsi^ pas plus qu'à l'intérieur de la terre, les Enfers ne pouvaient se trouver
au-dessc-us, et l'on fut amené à les reporter sur la terre même où nous
vivons. Le globe terrestre n'étaii-il pas suspendu au-dessous des cercles super-
posés des cieux, et ne pouvait-on lui appliquer, comme im terme approprié,
le nom
d'Inferi^ Mais alors
? il fallait que le séjour dans ce monde inférieur
fût conçu comme un châtiment, que les pécheurs fussent punis en étant soumis
à la conditioD humaine. Ce fut la doctrine de la métempsycose qui permit de
regarder comme une expiation la descente de l'âme ici-bas, et les souffrances
que faisait endurer à celle-ci sa réincarnation purent être substituées aux peines
de l'Hadès souterrain'.
D'où provenait la théorie de la transmigration*,, qui se propagea en Grèce
dès l'époque archaïque, quels en furent les auteurs et les premiers défenseurs,
ce sont là des questions encore mal élucidées. Ses antécédents remontent jus-
qu'aux brumes de la préhistoire, et elle est le développement d'idées familières
De nos jours encore l'esprit des sauvages ne distingue
à la mentalité primitive.
pas, comme la classification de notre science, les trois règnes de la nature;
une même énergie anime tous les êtres qui nous environnent et qui sont suppo-
sés semblables à nous-mêmes. Les non-civilisés attribuent souvent aux bêtes
une intelligence humaine ou même divine. Aussi trouve-t-on répandue dans
les deux hémisphères la croyance que les esprits des morts peuvent s'incarner
dans les animaux et même se loger dans les plantes*. On s'abstient d'abattre
ou de déraciner certaines espèce, d'en consommer la chair ou les fruits, de
1. Symbol., p. 63.
2. ServiuSj En., VI, 127 ; cf. VI, 43g.
3. Cf. sur ce qui suit Lucrèce et le symbolisme -pythagoricien des
Enfers (R. Ph-.
IQ20, XLIVj 229 ss.).
p.
4. Sur la métempsycose, cf. Schmekel, Mittlere Stoa, 1892, p. 433 ss. ; G. F. Moore,
Metempsychosis (Harvard Univ. Press) 1914 Hopf, Antike Seelenwanderung-Vorstel-
;
btngen (Diss. Leipzig 1934) Stettner, Die Seelenwanderung bei Griechen und Rômern
;
»
(Tûbinger Beitrâge, XXII), Berlin, 1934 Hastings, EncycL, s. v. « Transmigration
;
5. Frazer, Spirits of the corn, II, 285 ss. Cf. Votemism and exogamy, IV, 45 ss. i
crainte do nuire à un chef ou bien à un parent qui sont allés y habiter. Cette
conception animiste de la nature, commune à une foule de peuplades diverses,
est une forme rudimentaire de la métempsycose.
Mais ce qui fait la grandeur de cette théorie qui devait séduire une multi-
^
tude d'adeptes au cours des siècles et à travers le monde, c'est qu'elle a trans-
formé une illusion naïve, sans portée morale, en une doctrine de rétribution et
de libération. Revenir sur la terre s'enfermer dans un corps qui la souille et la
fait souffrir, devient un châtiment infligé à l'âme pécheresse. Celle-ci ne
1.
Dieterich, INekyia, p. go ; Wûnsch, Das Frûhlingsfest der Insel Malta, 1902, p. 3 4 ss.
Hopf, Q-p, cit. [p. 196, n. 4].
2.
Eitrem, R. E., s. v. « Tierdàmonen », ool. 987 ss.
Hérodote, II, 123^ cf. Enée de Gaza, 'Chéofhr., P. G. LXXXV, pp. 889, 892.
3.
4. Maspero, Et. de mythol. êgyft., VIII, 1916, p. 77 ss. Wiedeman, Herodots zwei-
;
*es
Buch, Leipzig, 1890, p. 457 ss.-, Plinders Pétrie dans Hastings, l. c, p. 431 s.
S- Cf. N. C, XIV.
I9S LUX PERPETUA
nique, avant et après Platon. A l'époque qui nous occupe elle était devenue
depuis longtemps un thème rebattu, un sujet de controverses dans les écoles, et
Pythagore était généralement reconnu comme le Maître qui l'avait révélée aux
Grecs. Elle n'était pas seulement une théorie que discutaient les penseurs,
mais aussi im article de foi religieuse. Nous pouvons laisser indécise la question
de savoir si, comme l'affirment les anciens, les Druides y croyaient et si les
Étrusques l'avaient aussi adoptée". Mais il est certain qu'en Orient la trans-
migration fut acceptée par nombre de sectes gnostiques et par les Manichéens,
et elle devait s'y transmettre jusqu'à nos jours chez les Alaouites et les D^-uzes
du Liban, chez les Yézidis de Mésopotamie.
La descente de l'âme du ciel sur la terre est une déchéance le corps est ;
un tombeau où elle est ensevelie, une geôle où elle est captive. Ces vieilles
doctrines ne cessent d'être reprises et répétées
pythagoriciennes (p. 147)
jusqu'à la fin de l'antiquité \ Mais
l'idée orphique que cette déchéance
est le châtiment d'un péché originel, la suite d'un crime commis par les Titans,
auteurs de notre race, et que doivent expier leurs descendants, cette idée est
sinon tout à fait oubliée, du moins reléguée dans l'ombre*. Au contraire la
conception également ancienne qu'une amère et cruelle nécessité contraint les
°
âmes à s'incarner prend un relief nouveau par suite de la diffusion du fata-
lisme astrologique. L'alternance de leur descente et de leur montée est conçue
comme régie par une loi inflexible analogue à celle des progrès et rétrograda-
3. Virgile, En., VI, 734 Macrobe, Comm. in Somn. Se, I, 18, 9. Autres textes
;
=
C. R. Acad. Inscr., 1930, p. 102 Jos. Kroll, Hertnes 'Crismegîstos, 1914, p. 272.
;
I^î 8,5 (p. 222, II) Porphyre, V. Plotini, 225 Pa-p. magie. Par., 605. Cf. M.M.M., I»
;
suivant eux elle s'y associait. Nous l'avons vu précédemment (p. 67), le
criminel, plongé dans une mare de boue ou soumis à d'autres supplices, est à
la fois châtié et purifié dans le Tartare. Son âme y demeure jusqu'au moment
où elle remonte à la lumière
pour être réintroduite dans un nouveau corps
d'homme ou d'animal. Certains anciens distinguaient la doctrine de la réin-
carnation ou, pour trsduire exactement le mot grec, de la « réincorporation »
et celle de la renaissance ou palingénésie .
(a£T;£Vo-ti)p,àTa)a-tç) [nyjki.yytvt'jia.]'
Ce dernier mot n'est pas pris ici au sens stoïcien de retour éternel des choses,
d'une série de cycles cosmiques où se reproduisent exactement les mêmes
phénomènes (p. 114). Il désigne une suite de transmigrations séparées par des
intervalles. Dans la première espèce de métempsycose, il n'y a point à propre-
ment parler de renaissance, puisque l'âme ne quitte pas la terre, mais y accomplit
sans trêve sa marche ininterrompue à travers le monde vivant. Selon cette
plaisir des sens, son âme s'attache à son corps. Elle ne peut d'abord se séparer
1. Vhéol.
solaire, p. 17 [463] ss. Cf. Sotion dans Sénèque, Epist., 108, ig « Nec :
tantum caelestia per certos circuitus verti, sed animalia quoque per vices ire et animos
per orbem agi ».
2. Cf. Rohdie, II, 123 ss. = tr. fr. p. 364 ss. ; Jos. Kroll, op. cit.,
3- Servius, En., III, 68. — p. 272.
Cf. Dieterich, Nekyia, p. 143 s. ; Rohde, tr. fr. p. 374,
J^'
3 j J- Dey, naXiYY£V£<îîa. Religions gesch. Bedeutiing von "Cit. 3, 5 (Neutest. Abhandl.,
XVII), Munster, 1937.
4. Platon, Républ. 615 ; Phèdre, 249, a Virgile, En., 748
;
cf. Chalcidius,
;
136.
—
'^elon les Commenta Bern. Lucani, IX, i (p. 290, Usener"), 462 ans.
200 LUX PERPETUA
perdues. Elle désire rentrer dans cette chair qui a été pour elle l'instrument
de la volupté ; elle recherche cette demeure qui lui permettra de retrouver
ses habitudes sensuelles, devenues pour elle une seconde nature i. Aussi, quand
les temps sont accomplis, est- elle saisie d'un amour irrésistible pour ce corps
éjpais
où elle doit s'enfermer. Une un charme magique
fascination semblable à
l'attire vers cet objet vœux, qui fera son, malheur 2. La fatalité qui la
de ses
pousse à s'incarner et à souffrir est regardée ici moins comme une loi iné-
luctable de l'univers que comme une nécessité interne, un destin que l'âme
s'est à elle-même créé. \Janankè n'est plus ici cosmique, mais psychique. Un
Ainsi les maux que subissent les âmes ne sont pas imputables au créateur
mais à leur propre malice. Toute tendance vicieuse contractée pendant leur
existence corporelle a pour elles des conséquences redoutables par leur durée.
La perversion du caractère produit des effets funestes non seulement dans
cette vie mais dans plusieurs autres à travers les siècles. L'homme détermine
par ses dispositions acquises son propre avenir dans une suite de générations.
La corruption qui le gangrène lui interdira d'aspirer à une vie céleste et lui
fera préférer une renaissance terrestre. C'est à ces doctrines que fait allusion
Virgile lorsque dans l'Enéide il nous montre les ombres rassemblées dans un
lieu écarté des Champs-Elysées et nous révèle qu'un millénaire étant révolu, un
dieu appelle vers le fleuve Léthé en grande troupe, afin qu'elles
les y boivent
l'oubli du passé et « recommencent à vouloir entrer dans des corps »'^.
docle, qui fait passer les âmes coupables dans des formes d'hommes, d'animaux
Macrobe, Somti. Scip., I, g, 5 ; Porphyre, De Styge, dans Stobée, Ed. I, 445, 25;
1.
De regr. anim., fr. 11 (p. 40, 5, Bidez) ; CI. Mamert., II, 3
=Philolaûs, fr. 22^ T^or-
so^r., P, p. 149, 3. Cf. Symbol., pp. 21, n. 4 ; 265, n. 2 ; 364, n. 4.
2. Plotin, IV, 3, 13; cf. C-R. Acad. /«5cr., 1930, p. 100, n. 6, et f»/y«, ch. VIII, p. 352-
I. G. XIV, 1196, Akîa kXop.îvqi, Platon, Réf., X, 617 C; Lois,
ô 6E0Î o..va!-io.', Cf.
3.
904.
4. Virgile, En., VI, 747.
CHAPITRE IV. — TRANSFORMATIONS DES ENFERS 201
sophique, en particul'ier celle des Épicuriens et des Stoïciens, eut rendu inac-
ceptable pour tout esprit cultivé la foi en l'Hadès mythologique (p. 127),
même des Pythagoriciens rejetèrent les fables qui avaient cours au sujet du
Tartare. Au premier siècle avant notre ère, nous voyons le Pseudo-Timée de
Locres déclarer que ces récits sont des fictions salutaires il est vrai — —
inventées par Homère pour détourner du mal ceux que la vérité n'aurait pas
suffi à maintenir dans la bonne voie 2. De même, dans le discours que les
tarisme. Mais certains, tirant les conséquences logiques des prémisses admises
et justifiant théoriquement une croyance qui remontait aux origines (p. 196),
affirmaient que la vie du règne végétal elle-même dérivait du même principe
que celle du règne animal et que la transmigration s'étendait jusqu'aux plantes ^
C'est à cette doctrine que songeait Sénèque lorsqu'il nommait Apocolokyntosis,
« transformation en citrouille », l'apothéose de l'empereur Claude, que sa
stupidité avait prédestiné à cette métamorphose^.
Cette doctrine eschatologique pouvait sembler difficilement conciliable avec
celle d'une rémunération éthique. Si, dans la nature, une chaîne ininterrompue
unit l'existence de toutes les espèces, si une fatalité inexorable veut que la vie
se propage de l'homme aux êtres inférieurs, cette nécessité semble en contra-
diction avec tout espoir d'une récompense posthume. Pour mettre d'accord
la croyance à la rétribution future avec celle du cercle inéluctable des migra-
tions, on établit tme échelle de valeur morale parmi les animaux eux-mêmes ;
les hommes injustes s'incorporaient dans les espèces sauvages, les justes dans
les espèces paisibles^'. Hermès Trismégiste prétend même savoir que les
meilleurs des hommes deviendront parmi les oiseaux des aigles, parmi lès
quadrupèdes des lions, parmi les reptiles des dragons, parmi les poissons dep
dauphms ^ On enseignait aussi que les philosophes éminents se transforrt\aient
en abeilles ou en rossignols ceux qui avaient nourri le genre humain de
:
1. Hermès Trism. dans Stob., I, 49, 48 (p. 416, Wachsm. ; cf. p. 465, 15). Enée de
Gaza, P. G. LXXXV, p. 889 ss.
—
C'est le genre de métempsycose qu'Hérodote, H, 123,
attribue aux Egyptiens, cf. supra, p. 197.
2. Jamblique, V. Pyth., 108 Ovide, Met., XV, 174 ss.
; Sénèque, Epist., 108, 19 ss.
;
Le sort même de ces privilégiés pouvait ne pas sembler fort enviable selon
débauchés, qui devenaient dans une autre existence des pourceaux, les peureux et
les paresseux des poissons, les personnes légères et frivoles des oiseaux ^.
Trouver pour chacun des personnages illustres du passé l'animal qui convenait
le mieux à son caractère était un jeu d'esprit divertissant, et le côté merveilleux
hom., II, 29 (PG., XL, 584 a). Cf. Hermès Trism. dans Stobée, Ed. I, 49 (p. 417
Wachsm.) ; Zeller, Philos. Gr., III, i, pp. 713, et 768, et infra,ch.Yllî, pp. 358 et 376.
204 LUX PERPETUA
interprétèrent allégoriquement *•
Les Enfers sont, nous le disions, notre terre parce qu'elle est le plus bas
des cercles cosmiques (p. 196); et nous, qui croyons vivre, sommes en réalité
des morts enfermés dans le tombeau du corps. Les quatre fleuves .infernatux
de la. Fable, le Pyriphlégéton, FAchéron, le Cocyte et le Styx sont la colère,
le remords, la tristesse et la haine. Le Léthé est l'oubli qui empêche l'homme
de se souvenir de sa vie antérieure '. Les Furies, qui brûlent les criminels
de leurs torches et les flagellent de leurs fouets, deviennent les vices qui les
torturent*; on spécifie même qu'elles représentent trois péchés capitaux :
poussant jusqu'au sommet d'une colline un bloc de pierre qui roule chaque
fois au bas de la pente, est l'ambitieux, qui s'épuise en vains efforts pour
^
atteindre la cime des honneurs • Titye dont les vautours dévorent sans trêve
le foie, qui toujours se reconstitue, est le pécheur rongé par des remords sans
cesse renouvelés,ou l'amoureux que déchire l'angoisse de la jalousie. Tantale,
qu'épouvante un rocher suspendu au-dessus de sa tête, est l'homme qui vit
dans la crainte perpétuelle des malheurs dont le menace l'aveugle destin, et
à une roue, le malchanceux continuellement éprouvé par les vicissi-
•Ixion, lié
tudes de la fortune. Les Danaïdes, qui remplissent éternellement un vase
dont l'eau fuit à mesure qu'elle y est versée, désignent les âmes insatiables
de jouissance, qui peinent en vain pour satisfaire leurs désirs toujours inas-
souvis*. L'ingéniosité des Pythagoriciens se plaisait ainsi à varier l'inter-
nation, puisque l'âme était détruite au moment du décès par la dispersion des
atomes. La transmigration qui, pour les Pythagoriciens, avait été la raison
d'être de tout cet allégorisme, fut passée sous silence, et seule subsista la
partie négative de la doctrine l'affirmation que les supplices du Tartare,
;
dénués de toute réalité, désignaient les tourments que les passions infligent
aux humains en cette vie. Lucrèce a pu ainsi introduire dans son poème une
digression qui concilie avec les principes de l'épicurisme l'antique mythologie
de l'Hadès.
L'adoption de ce symbolisme par les négateurs de l'immortalité était peu
1. R. Ph., c, p. 233.
/.
2.
1014 ss. Cf. Juvênal, XXII, 191 ss.
Ltacrèce, III,
3. Macrobe, /. c. Cf. R. Ph., /. c. ;Lucrèce, III, 978 ss.,
4. Lucrèce III, 1003 ss. Cf. Rohde, Psyché, tr. fr., Excursus, p. 603 ; Carcopino Basil.
Pythag., pp. 131 ss. 280 ss.
; Symbol, p. 30.
;
S- R. Ph., /. c, p. 232, n. 3.
6. Cf.
Festugière, Éficure, pp. 109 ss.
2o6 LUX PERPETUA
par la majorité des esprits. L'on est frappé de ce fait que dans les milliers
d'inscriptions fiméraires, grecques ou latines, il n'en est aucune qui fasse clai-
rement allusion à la métempsycose i. On pourrait supposer qu'elle n'y est pas
mentionnée parce que la réincarnation étant conçue comme un châtiment,
les épitaphes évitent d'en parler, de même qu'elles se taisent sur les peines
que l'ombre peut subir dans les Enfers, et que dans l'immense production de
la sculpture funéraire on voit représentées très rarement des scènes du Tar-
tare". Mais si la croyance à la transmigration avait été largement répandue,
déplorer la
privation. L'on peut croire aussi que le bon sens terre-à-terre
de la foule romaine répugna toriours à croire que l'intelligence humaine
pût êtie transférée dans des brutes obtuses et immondes. Les polémistes
se gaussent de ceux qui s'imaginent que l'âme raisonnable se cache dans les
cavernes avec les serpents, porte des fardeaux comme les bêtes de somme
ou se nourrie de chair crue comme les carnassiers*. La doctrine de la trans-
ne fut jamais dans le monde romain, commue dans l'Inde, la foi vivante qui
dominait les pensées et dirigeait les actions d'une large portion de la société.
Etrangère au judaïsme orthodoxe *, elle fut dès l'origine combattue par
l'Eglise* elle était en contradiction avec le dogme de la résurrection de
:
«
« «
I.
Grég. de Nysse, De anima (PG-, XL VI, p. iio B). Cf. Théodoret, Graec. aff.
curae (PG., LXXXIII, 1106 C).
z. Cf.
sufra, p. 203, n. 4.
3. Schurer Gesch. Jûd Volkes im Zeitalter ]. C, II, p. 391. Admise par les Cabba-
listes
Hastings Enc. s. v. « Transmigratioa » (Jewish), p. 435.
:
Si l'âme s'était épaissie par son contact avec le corps, si elle se trouvait
alourdie par les appétits matériels dont elle n'avait pu durant la vie se libérer,
son poids même l'obligeait à séjourner dans cet enfer atmosphérique, voisin
de la terre, jusqu'à ce que, purifiée, elle eût été délestée du fardeau de ses
fautes. Dans ces bas-fonds de l'atmosphère qui la recevaient d'abord, elle
errait plaintive, surprise des supplices qu'elle endurait *. Car si elle était tachée
et salie, les ouragans la saisissaient dans leurs trombes, les tempêtes la roulaient
et la secouaient et en arrachaient ainsi violemment les souillures qui s'étaient
incrustées en elle. Les Vents, divinités tantôt vengeresses et tantôt bienfai-
santes, savaient lui faire expier rudement ses crimes, mais ils pouvaient au
au contraire l'élever vers les hauteurs de l'éther. Si, exempte de fautes, elle
avait gardé sa pureté native, de douces brises la soulevaient et, l'échauffant
de leur haleine, la portaient jusqu'aux astres^. Ce pouvoir attribué aux Vents
sm* le sort des âmes les a fait souvent représenter sur les stèles funéraires
soufflant vers l'image du mort dont ils doivent faciliter l'ascension®.
Selon une croyance très répandue, les Enfers ne sont pas seulement cette zone^
voisine de ce bas monde, où s'exerce surtout la malfaisance des puissances
1. Macrobe, Somn. Scip., I, ii, 6 : « Inter lunam terrasque locum mortîs et infe-
rorum vocari ». Cf. Symbol., p. 117 ss.
et des Elus. Dès lors l'âme sera soumise, avant d'être purifiée, à d'autres
épreuves encore. Sans doute de vieilles idées orien,tales sur l'océan céleste
et le fleuve de feu furent-elles formulées avec une rigueur nouvelle par les:
exhalaisons de la terre, et elle pénètre ensuite dans la région ignée qui s'étend
au-dessus. C'est à un triple châtiment par l'air, l'eau et le feu, qu'elle est
donc soumise, ce qu'après Cicéron, Virgile a ^exprimé dans des vers souvent
commentés 2. Parmi les âmes « Igs unes s'envolent légères suspendues aux
vents, pour d'autres le péché qui les infecte est lavé dans un gouffre
immense ou brûlé par le ficu ». Le stoïcisme voyait dans les tares qu'il fallait
effacer, des sortes d'excroissances, enracinées dans les âmes conçUtCs comme
matérielles, et qui y laissaient des cicatrices profondes ^.
Cette doctrine du passage au travers des éléments n'a pas été seulement
celle de théologiens spéculatifs. Elle a pénétré dans les mystères*, surtout
dans ceux de Bacchusi, où les mystes étaient soumis à des fumigations par
la torche et le soufre, à des ablutions, puis à une ventilation, afin
que, puri-
fiés par le feu, par l'eau et par l'air, ils pussent éviter les épreuves semblables
Hans Une autre vie (Fig. 3)^. Dans le rituel, cette cathartique était rappelée aux
bacchants par l'emploi du van mystique (ATxvov). Le van agité par le mois-
sonneur nettoie le blé en le dépouillant de la baie qui l'enveloppe et des
paillesqu'emportent Ips souffles de l'air ; de même les vents enlevaient les
1. Ibid., p. ss.
130
2.
Cicéron, "Cusc, I, 18, 42 Virg., En., VI, 740 ss.
; Aliae panduntur inanes / sus-
:
pensae ad ventes, alixs sub gurgite vasto / infectum eluitur scelus, aut exuritur igni » ;
Sénèque, Consol. ad Helv., XX, a ; Servius, Georg., I, 243.
cf. aussi
étaient lapidées et brûlé,es dans les zones de la grêle et du feu, que les poètes
Fig. 3.
— Purification bachique par les éléments
Cette doctrine du passage à travers les éléments obtint une large diffusion
et jouit d'une faveur durable. On en peut relever les traces dans les mystères
d'Isis et les papyrus magiques d'Egypte, dans les livres gnostiques et le
manichéisme. D'autre part elle s'est conservée dans les apocryphes chrétiens,
et les
Byzantins n'en avaient pas perdu le souvenir. Celui-ci n'a même pas
entièrement disparu de nos jours l'abbé Terrasson ayant introduit la puri-
:
Les souffrances que le trouble des éléments faisaient subir aux âmes dans
leur traversée de l'atmosphère n'étaient pas le seul danger qu'elles eussent à
Clément Alex,, EcL -pro-phet., 25 (III, p. 143 Stâhlin) ; Servius, Georg., I, 165 ;
1.
Cf. Symbol., p. 135, n. i,
2.
Lydus, De mens., IV, 149 (p. 167 Wûnsch) j et Pseudo-Apulée, Ascle-pîus 28 (p. 66
Thomas); cf. Symbol., p. 136.
3. Symbol. , p, 137 et pp. 130 ss. ; , 1 ; ,
21 a LUX PERPETUA
pompes .
qui transférait l'Hadès quelque part entre la terre et la lune, ne peut aujour-
d'hui être saisie nulle part mieux que dans le Vie livre de l'Enéide. En
racontant- la descente d'Enée aux Enfers;, Virgile s'est inspiré d'antiques « Cata-
bases »^, de récits poétiques des Grecs. 11 reste fidèle en apparence à la tra-
dition mythologique et littérairei, il garde le décor conventionnel, la géogra-
phie immuable du royaume des ombres mais il n'admet plus la vérité littérale
;
4. Macrobe, Somn. Scip., I, 2, 8 ss.; Proclus, In Vim., II, p. 48, 15, DieU. Cf. Sym-
bol., p. 140, n. I.
5. Cf. supra, ch. I, m, p. 71.
CHAPITRE IV. — TRANSFORMATIONS DES ENFERS 215
l'allégorie. La descente aux Enfers prend donc., chez Virgile, une portée beau-
coup plus élevée que ne l'aurait eue un simple exercice littéraire. Elle est
l'expression d'une conviction ou du moins d'une espérance, et non une fan-
taisie brillante exécutée sur un vieux thème poétique^.
vrai de caractère.
Une foi qui a longtemps dominé les esprits ne disparaît qu'avec peine et
laisse derrière elle des traces persistantes dans les sentiments et dans les
usages. N'avons-nous pas vu se perpétuer jusqu'à nos jours dans l'ancienne
Gaule la coutume de placer dans la bouche ou la main du mort la pièce de
monnaie qui servait à payer à Charon le passage du Styx^f?
Si l'on parcourt les recueils d'épitaphes métriques, on verra qu'elles con-
tinuent en grand nombre à parler des Champs-Elysées et du Tartare^ et de
tous ces figurants du drame des Enfers que la poésie grecque avait popu-
larisés mais toute cette phraséologie de la langue versifiée, nous avons déjà
;
noté ce point, n'est pas autre chose que réminiscences littéraires ou métaphores
traditionnelles\ Cependant parfois cette mythologie infernale est curieuse-
ment développée. Ainsi la longue inscription d'un tombeau romain * nous
montre un jeune homme descendant de l'éther pour annoncer à ses proches
qu'il est devenu un héros céleste et ne s'est point rendu dans le royaume de
Huton. « Je ne m'enfoncerai pas tristement vers les ondes duTartare, je ne serai
pas l'ombre à qui l'on fait passer les flots de l'Achéron, et je ne repousserai
I-
1
1-
Symbol., p. 382, n, i ; sur le « sou du mort » cf. Van Geimep, I, p. 719 ss.,
3.Cf. su-pra,
p. 93.
4. C. E. 1109, 1924; cf. I G, XII, 5, n° 62, 7 ss. et une épitaphe de la voie La-
Dicane, Athenaeum, 1926 (N. S., IV), p. 103.
214 LUX PERPETUA
temps modernes.
De même sculpture funéraire continuait à répéter souvent les thèmes
la
traditionnels.Les sarcophages nous montrent parfois le défunt conduit par
Hermès psychopompe en présence de Pluton et de Proserpine. Les monu-
ments funéraires reproduisent aussi. Charon dans sa barque. Cerbère comme
gardien de l'Hadès^ Oknos et son âne, les supplices typiques des grands cri-
minels Tantale, Ixion, Sisyphe, et surtout celui des Danaïdes^. Mais ces
images traditionnelles étaient répétées sans que l'on crût à leur réalité^ et elles
n'avaient plus que la valeur de symboles. A considérer l'ensemble des
évidemment pas de croire qu'il était le maître de l'empire des ombres^. Les
fresques des sectateurs de Sabazius près du cimetière de Prétextât nous mon-
trent la défunte V'ibia enlevée par Plu ton et descendant {discensio) dans la
demeure profonde où elle est admise au festin des âmes pieuses ^. Nous
montrerons plus loin (p. 236) comment les mystères, qui furent en général
conservateurs du passé, ne répudièrent que tardivement la vieille conception
d'un royaume souterrain des morts.
Cette croyance à l'existence des Inferi, qui se maintenait dans les couches
profondes du peuple, bien que battue en brèche et çn partie supplantée par
d'autres doctrines, devait recevoir une force nouvelle de la renaissance du
platonisme, qui considérait comme inspirés les écrits du divin Maître. Dans
plusieurs de ses dialogues Platon parlait avec tant de précision du transfert
des âmes dans les entraillesde la terre, que même la subtilité de ses interprètes
tardifs éprouvait quelque peine à donner au texte une autre portée, bien que
1.
Dessau, 8190 : « Nec superis comprobetur, nec inferi recipiant » -,
cf. 8184, et
N. C, III. Cf. Dittenberger 3, 1241.
2.
AudoUent, Defixionutn tabellae, 1904. Index, p. 461 ss. ; A. Religws. XXIV, p. 178.
3. Cf. supra, ch. I, iv, p. 97.
4. Plutarque, Non fosse suav. vivi sec. E-pic.^ 27, p. 1105.
5. Symbol., p. 181, p. 22i.
6. Cf. injra, ch. V, p. 257, fig. 7.
2ié LUX PERPETUA
jouira dans les sphères célestes d'ime vie bienheureuse, ; si au contraire elle a
m'érité des peines, elle sera reléguée sous la terre) '^. Précisant ailleurs sa
1.
Porph,, Sentent, ad intellig.^ XXIX, 1-2 avec les notes de Mommert. Cf. Symbol-,
p. 20 r, n. 2; înfra, ch. VIII, p. 368, à propos de Porphyre j cf. ch. II, p. 126, 10 ss.
2. Proclus, In Remf. Plat., II, p. 131,20-132, 13 Kroll.
nicien Celse croyait aux peines éternelles de l'Enfer, mais il invoque pour
n'échappa pas à son action. Porphyre nous a conservé, d'après « certains Pla-
toniciens », un système où l'influence de la théologie perse est sensible*.
Au-dessous du Dieu suprême. Principe incorporel, indivisible, immuable, iau-
dessous des étoiles fixes et des planètes « dieux visibles », vivent d'innom-
brables démons. Les uns sont des esprits bienfaisants qui donnent la fécondité
aux animaux et aux plantes, la sérénité à la nature, l'industrie et la culture à
l'homme. Ils servent d'intermédiaires entre, les divinités et leurs adorateurs,
transmettant au ciel les hommages et les prières, et du ciel les présages .et
les conseils. Au contraire, les autres, les anti-dieux ( àvTÎÔeot ) sont des êtres
pernicieux, auteurs de tous les maux qui nous affligent. N''étant pas entourés
d'un corps solide, ils échappent aux perceptions de nos sens, mais peuvent
prendre des formes variables, apparaître et disparaître. la fois violents et A
rusés, ils multiplient leurs embûches et fondent soudain sur le monde pour
y provoquer les pestes, les famines, les tempêtes, les séismes. Ils allument
dans le cœur de l'homme les passions néfastes et les désirs coupables et pro-
voquent les guerres et les séditions. Habiles à tromper, ils se plaisent aux
I.
Origène, C. Cels., VIII, 48 ss.
z. Cf. Relig. orient., p. 280, n, 53 5 Mages hellén.,
142, p. I, 178 s,; II, 275 ss.j
Bousset, A. f. Religiv., 1915, XXIII, p. 134-172.
"
2i8 LUX PERPETUA '
et pures, elles montent vers l'éther lumineux où résident les puissances divines.
Si au contraire elles sont vicieuses et souillées, elles descendent dans les pro-
fondeurs du sol, où commande le prince des Ténèbres, et elles subissent et
infligent la souffrance comme les dévas pervers, qui habitent les sombres
demeures de l'Esprit malin.
Ce fut à ce compromis que s''arrêta le paganisme au terme de son évolution.
Le dualisme oriental lui imposa sa formule définitive. Il n ''admit plus, comme
les anciens Grecs, que les ombres de tous les morts dussent descendre du
tombeau dans d'immenses cavernes creusées dans le sein de la terre il ne ;
Pluton. Il ne les transporta pas non plus, comme l'avaient voulu la plupart
des théologiens du début de notre ère, tous deux côte à côte au-dessus de
nous, dans l'atmosphère et les sphères étoilées. Il les sépara radicalement et,
scindant en deux moitiés le séjour des âmes défuntes, il plaça l'une dans la
voudrions indiquer ici comment une antique conception hellénique, celle des
tourments infligés aux damnés, fut modifiée par l'eschatologie mazdéenne, qui
fit sentir son ascendant dans le monde
hellénistique et dajns l'empire romain.
Les vieilles croyances grecques, nous l'avons vu (p. 70), se représentant
l'Hadès comme une reproduction de la cité dans l'autre monde, les supplices
imaginés pour les pécheurs ressemblaient dans une lairge mesure à ceux que
le droit
pénal appliquait aux délinquants. La justice infernale était comme une
cour d'appel, incorruptible et infaillible, des tribunaux terrestres. Mais la
législation criminelle prévoyant pour chaque espèce de délit une peine déter-
minée," le droit qui régissait les Enfers devait pareillement réserver à chaque
sorte de faute un châtiment approprié. Cette déduction logique conduisit à
un développement indéfini des pénalités d'outre-tombe. De même que les
moralistes et criminalistes détaillaient et classaient les infractions aux lois
divines et humaines, théologiens s'attachèrent à énumérer les catégories
les
de coupables emprisonnés dans le Tartare. Sans doute personne, en Grèce,
n'a jamais formulé article par article un code pénal applicable au royaume
de Une
Pluton. telle classification aurait impliqué utie multiplication de
220 LUX PERPETUA
»
tortures épouvantables qui offensaient à lai fois l'amour du beau et le sens
de la mesure qui caractérisent la; mentalité hellénique. La fantaisie légère des
anciens Grecs ne s'est pas appesantie lourdement sur l'horreur des malédic-
tions éternelles, et leur génie lumineux ne s'est point complu à en décrire
la sombre cruauté i. La littérature a évité de s'étendre sur ce sujet repoussant,
et Aristophane 2 ou Platon ^ n'y font allusion qu'en passant. Les
Romains,
que leur esprit juridique aurait pu conduire à une systématisation des tortures
de l'Orcus, furent préservés de cette aberration par la sobriété de leur ima-
gination (p. 57). Il est caractéristique que même Virgile, quoique interprète
d'une tradition hellénique (p. 212), énumère une série de forfaits qui ont
conduit leurs auteurs dans le Tartare, mais, sauf pour les grands pénitents
mythologiques, ne fait allusion que par prétérition aux formes infiniment
diverses de supplices qu'ils ont à subir, évitant ainsi d'introduire dans son
tableau des atrocités qui répugnaient à son sens esthétique, plus délicat que
celui de Dante. Mais il ressort suffisamment de sa composition même qu'il
avait sous les yeux des modèles anciens, où péchés et peines étaient comme
enregistrés sur deux colonnes parallèles*. Le peu que nous apprennent les
écrivains suffit ainsi à nous prouver que ces visions hallucinantes n'étaient
pas étrangères au paganisme gréco-latin.
Celui-ci s'est souvent représenté le monde souterrain sous un aspect très
différent de celui que la tradition littéraire a consacré. côté de l'Hadès A
créé par les fables des poètes et les mythes des philosophes, un autres vivait
dans l'imagination populaire, qui a toujours affectionné les histoires d'ogres
et de croquemitaines et qui savait qu'entre le ciel et la terre, comme le veut
HamleL, et aussi dans les profondeurs de notre globe, il y avait une foule de
choses qu'ignorait la philosophie.
Dans la Grèce ancienne, le démon Eurynomos que Polygnote^ avait peint
à Delphes de couleur bleu-noire —
celle des mouches de la putréfaction —
rongeant la chair des morts et ne leur laissant que les os, est certainement
une création de la croyance vulgaire. Plutarque*', parlant des esprits supers-
titieux, donr le sommeil même est troublé par des cauchemars, compare ceux-ci
à une vision du lieu des impies, avec des spectres à faire frissonner, des
apparitions monstrueuses, des Peines qui flagellent. C'était ainsi que la dévotion
d'une foule anxieuse se figurait l'Hadès, et Virgile, en plaçant à l'entrée du
monde souterrain comme à la porte du Tartare, des monstres, ou plutôt l'ombre
de monstres, pour en assurer la garde, est le. fidèle interprète d'une tradition
^
qui, par
delà les vieux poètes, remonte au plus ancien folklore .
Mais la peinture d'un séjour des damnés où des pécheurs de tout genre
étaient soumis à des expiations en rapport avec leurs forfaits paraît avoir été
surtout l'œuvre de oonventicules ésotériques, qui prétendaient révéler à leurs
adeptes les mystères de l'au-delà et insistaient fortement sur l'opposition d'une
élite,purifiée par les initiations et une vie austère,, et d'autre part une tourbe
scélérate adonnée à tous les vices". Les auteurs de « Catabases » (p. 65)
ou d'apocalypses imaginèrent les tortures les plus effroyables pour épouvanter
les âmes craintives et les pousser à chercher dans une cathartique et une dis-
cipline religieuses le moyen d'échapper à la menace qui pesait sur elles. Celse
reprochait aux chrétiens d'épouvanter les simples par des tableaux terrifiants
de l'autre monde, comme on le faisait dans les mystères de Bacchus^
Il s'est constitué ainsi, en marge dès œuvres littéraires que lisaient les
esprits cultivés, une autre littérature, qui s'adressait aux masses superstitieuses
et qui a
disparu presque tout entière. Mais ses productions étaient abondantes,
et
lorsque s'ouvre la période romaine, nous voyons qu'elles ont agi même sur
les compositions des
poètes et des philosophes. Sous les Fiaviens, Silius Italicus,
qui n'imite pas la réserve délicate de Virgile, son modèle (p. 72), accentue
dans sa description des Enfers la cruauté des supplices*. Un mythe que Plu-
tarque a introduit dans son livre sur la vengeance tardive des dieux ^, nous
montre les hypocrites, qui ont caché leur scélératesse sous les apparences de
la vertu,
obligés de retourner du dedans au dehors l'intérieur de leur âme
« en se tortillant comme des
scolopendres de mer accrochées à l'hameçon »,
les
querelleurs haineux se dévorant l'uti l'autre entrelacés comme les vipères,
les avares insatiables
plongés tour à tour dans des lacs d'or brûlant, de plomb
I.
Virg., En., VI, 284-289, 575 avec les notes de Norden; Dieterich, A'ey^;yw, pp. 48 ss.,
54 s.j 195 n. I
Gruppe-Pfister, dans Roscher, s. v. « Unterwelt », p. 77.
;
glacé et d'âpre fer, enfin, Néron, tyran matricide, le corps percé de clous
'
rougis au feu .
Lucien lui-même, dans son voyage, d'une outrance comique, aux « Iles des
impies » *, dont le sol est hérissé de couteaux et d'aiguillons et où coulent
des fleuves de fange, de sang et de feu, se fait raconter par ses guides la» vie
de chacun des suppliciés et le .motif de son châtiment. Ainsi Cinyras, le roi
de Chypre, coupable d'un inceste, est enveloppé d'une fumée aveuglante
et suspendu par les parties honteuses. Les pires tourments sont réservés aux
menteurs et aux historiens qui ont altéré la vérité, comme Ctésias et Hérodote,
crime dont, heureusement pour lui, Lucien se proclame exempt.
On se demandera à qui les auteurs d'apocalypses ont emprunté les fictions
effroyables de ces cauchemars de bourreaux. Il n'est pas douteux qu'à l'époque
hellénistique le fonds sous-jacent de la Grèce ancienne s'est accru d'un apport
de l'Orient. C'est là que les créations féroces de la théologie infernale ont
d'abord pris une ampleur et une netteté longtemps incoiînue en Europe. Les
^
Egyptiens ont longuement décrit dans leur « Livre des Morts » et illustré
d'une imagerie fantastique les épreuves posthumes de ceux qui ont méprisé
les préceptes d'Osiris. On est tenté de retrouver aussi dans le catalogue des
fautes et de leur punition cet esprit classificateur des Babyloniens qui apparaît
dans la rédaction du code d'Hammourabi comme dans les recueils de prodiges
et de présages. Un livre mazdéen, l'Artâ-Virâf-Namak *, nous offre un dénom-
brement méthodique des pécheurs et de leurs supplices, d'une précision de
casuiste, que n'égale celle d'aucune des œuvres conservées en grec. Rédigé en
pehlvi, cet ouvrage est, à la vérité, d'époque tardive ; mais les antécédents
remontent certainement dans l'Iran à une époque fort ancienne". C'est pro-
bablement d'Asie Mineure que les Étrusques apportèrent en Italie la croyance
à un Orcus peuplé de démons hideux, où Charon et les Érinnyes prennent
un aspect farouche, qui rappelle celui des diables du Moyen-Age*. Le syn-
crétisme de la période alexandrine est un fleuve sans rives où divers affluents
ont mêlé leurs eaux. Si le naufrage de la littérature sacrée du paganisme gréco-
Phédon 114 a €t
I Cf. sur le sort des parricides :
Platon, j
Sil. Ital., XIII, 835 ss. i
romain ne nous permet pas d'y suivre pas à pas la transmission de cette fan-
tasmagorie horrifique, ni de mesurer la proportion des ingrédients qui sont
entrés dans sa composition, l'apocalyptique juive, qui s'est développée depuis
le IP siècle avant notre ère^, supplée en quelque mesure à ce manque d'in-
infligées à ceux-ci y est déjà mise en relation avec une faute déterminée 3.
qui, punis par des anges vêtus de noir, subissent le châtiment que leur a
mérité le caractère de leurs fautes. Les blasphémateurs sont pendus par la
langue, les faux témoins ont du feu plein la bouche, les riches restés sans
pitié pour le pauvre se roulent vêtus de haillons sur des cailloux aigus et
brûlants. D'autres tortures paraissent être de simples jeux d'une fantaisie
macabre : les adultères sont pendus par les pieds, la tête plongée dans \m
bourbier brûlant ;
les meurtriers sont jetés dans un cachot rempli de serpents,
tandis que les ombres de leurs victimes les contemplenti ; et ainsi de suite.
Cet apocryphe, longtemps admis comme authentique, et attribué au Prince
des Apôtres, était le premier ouvrage chrétien où les pénalités de l'au-delà
fussent formulées avec une telle abondance et une telle précision. Dans la
littérature païenne elle-même, il ne nous est parvenu aucune peinture aussi
effrayante des atrocités du Tartare. Il n'est pas surprenant que cette œuvre
calypse de Paul renchérit sur l'horreur des tortures énumérées dans celle de
Pierre 1. Les auteurs de diableries dans l'antiquité ont dû se délecter à l'in-
vention de supplices inouïs, comme plus tard certains hagiographes ont pris
plaisir à décrire et le peintre de St-Etienne-le-Rond à représenter les souf-
frances invraisemblables infligées aux martyrs. Une lignée de visionnaires
cultiva au Moyen- Age, le genre dont l'Orient et Rome lui avaient légué la,
dans l'au-delà 1. Mais ce feu infernal est aussi conçu comme l'instrument d'un
châtiment éternel pour des criminels incurables, et il ne peut alors avoir une
fonction lustrale, puisque ceux qu'il fait souffrir restent à jamais coupables.
La torture qu'il inflige est purement punitive. A
l'époque ancienne il n'ap-
paraît pas
sous cet aspect, et n'a pas alors sur les autres genres de peines
il
la prédominance qu'il obtin't plus tard. Une théorie scientifique peut y avoir
1. Platon, Phédon, p. 114A ; cf. Dieterich, Nekyia, p. 197 ss. Cf. swpra, p. 20g.
2. Feu central c£. Plésent, Le Culex, p. 158 ss.
:
(uOp voepov) qui pour l'école de Zenon était l'énergie divine vivifiant et gou-
vernant toute la nature'.
Ce dogme capital de l'eschatologie iranienn'e, en faveur duquel la prédica-
tion d'un clergé influent s'accordait avec l'enseignement d'une puissante secte
mention^ en des termes qui ont cessé, pour la première fois, d'être ambigus,
1939' P- 32- , . . .
?•
196 201.
;
5- Cf.
Symbol., p. 130, n. 3, et su-pra, p. 211.
Cf-
Symbol.^ p. 46, n. 4; Plutarque, De sera niim. vîndicta, 22, p. 567 c; Olym-
•
.
In
Gorgiam, XLVII, 7 (p. 227 Norvin)j Salluste philos., 19 avec la note de
Piod
'^ock, p. XCI.
Vigouroux, Dict. de la Bible, Feu de l'Enfer
7' s. v. « ».
228 LUX PERPETUA
anges ^, et les théologiens de toutes les époques ont consacré à ces versets
des commentaires infinis, qui formeraient toute une bibliothèque '^ Mais, même
chez certains écrivains ecclésiastiques, tel Lactance, et surtout dans les oeuvres
apocryphes se retrouve encore à l'époque chrétienne, l'idée d'un « fleuve de
feu », avec des détails qui sont manifestement empruntés à l'eschatologie
mazdéenne^
La même influence iranienne est manifeste dans la diffusion de la croyance
à des démono chargés d'exécuter les sentences prononcées contre les âmes
coupables chez les Grecs, ce sont les Érinnyes qui brûlent ceux-ci de leurs
:
torches, ou les flagellent de leur fouet '\ Platon ne connaît pas de démons
pervers créatures aériennes, ces génies sont pour lui les intermédiaires béné-
:
voles entre les dieux et les hommes, les « interprètes » à qui sont confiés les
^
messages entre le ciel et la terre Mais ils sont aussi les psychopompes chargés
.
XIX,
1. Math., XVIII, 9 5
cf. Marc, IX, 43-47; Luc, XVI, 24; Afocal., XXI, 8;
20 ; XX, 10.
2. Cf.Vigoureux, Dîct. de la Bible, l. c. et Dict. théol. cathoL, s. v. «Feu», t. IV|
;
p. 20 ss,
6- Platon, Phédon, 107 d.
R. Heinze, Xenokrates, 1892 ; cf. Soury, o-p. cit., pp. 62, 64.
7.
8.
Plutarque, Quaest. rom.., 51, p. 277.
9. Aai[j.wv tpGovEpôî ou pcécx.ivo; Lehrs, Pofulàre Aufsàtze, 1875, p.
:
40 ss. Cf.
iw^^
ch. VII, p. 314.
CHAPITRE IV. — TRANSFORMATIONS DES ENFERS 229
doctrine qui enseignait l'existence de démons entre les dieux et les hommes ;
^
la
des données éparses dans les oeuvres des écrivains grecs, surtout chez Plutarque^
et chez Porphyre s, permettent d'apercevoir
sur quelles affinités s'est fondé
ses pouvoirs pour gouverner la terre''. Ils favorisaient les justes et châtiaient
les impies en faisant souffrir leurs corps, ils atteignaient les âmes logées
;
dans cette enveloppe, comme chez les Perses l'on arrachait et l'on fouettait
les vêtements et la tiare des grands à qui une punition devait être infligée".
Les démons malveillants et malfaisants ne sont autres que les dévas soumis
hordes d'esprits pervers et trompeurs qui répandent une infinité de maux sur
la terre
*,. Les sombres sacrifices nocturnes qu'on leur offre doivent les apaiser
et détourner les effets de leur hostilité ^ Mais les âmes coupables précipitées
dans l'Hadès deviennent les victimes de ces démons implacables qui habitent
le monde souterrain'". Leur malignité les prédestinait à devenir des tortionnaires.
als
-politisches Problem, 1935, pp. 16-25, ^^^ Aman, Die Zeusrede des Ailios Arts -
'>
teides, 193 1, p. 85 cf. Origène, Contra Celsum, VIII, 35, et Baden, Der 'Al-q^r^ç
;
Locres, 17.
—
Cf. l'exorcisme, Delatte, Anecdota Athe-
niensia, I, p. 257, 13 j Grégoire Naz., Contra Mlian., 1, ^^, col. 577 ; Hopfner, Offen-
230 LUX PERPETUA
fantômes, que chassait sa seule présence. Ces croyances, adoptées par les Pytha-
goriciens, se propagèrent parmi les Grecs lorsqu'ils acclimatèrent chez eux
1': persique (opviç Trepcrixàç} que le mazdéisme regardait comme un
oiseau
animal protecteur des fidèles contre les entreprises des démons. Elles
sacré,
se répandirent plus tard dans l'empire romain, et l'on peut juger de leur popu-
larité par leur longue persistance. Après la chute du paganisme. Prudence
formule encore cette foi superstitieuse en des termes que n'aurait pas désavoués
un sectateur de Zoroastre. Elle était encore bien vivante vers l'an mille, à
l'époque où écrivait le canoniste Burchard de Worms, et Shakespeare, qui
l'a rappelée poétiquement dans la première scène d'Hamlet,. etopêchera
qu'elle s'éteigne jamais dans la mémoire des hommes cultivés. Elle s'est
conservée aussi dans les traditions populaires et se retrouve aujourd'hui eïncore
dans le folklore de bien des pays ^.
Aux démons on substitua ou associa souvent les messagers ou anges, (àyye^oi)
des cultes perso-syriens. La conception que se faisaient d'eux les Grecs avant
Alexandre fut modifiée à l'époque hellénistique, lorsqu'on se servit de leur .
nom pour traduire les termes de mal'akh, des cultes sémitiques, et de yazata du
barungszauber [cf. supra, p. 97], I, p. 225, § 825 ; cf. Plotin, IV, 8, 5 (p. 223, 5, Bré-
hier)
— Aa!|j.ov£(; xl[iwpot, cf. Hermès Trism., p. 24, n. ^j-, p. 233, n, 5; p. 223, ch. XXIj
Sous l'influence des Oracles Chaldaîques (p. 361) ces anges, création com-
plexe du syncrétisme oriental, furent même, à, la fin de l'antiquité, introduits
dans la philosophie platonicienne^ ils y interviennent comme im élément
;
1.
Anges du paganisme : R. H. Rel., 195, pp. 161-182; Andres, R. E., Suppl, III,
s. V. « Aiigelos ». Sur
(ï«ge et diable, cf. Meillet, Linguist. histor., 1926, pp. 347-348.
2. Clément Alex., Strom., III, 6, Mâyot XaTpEuo'jffiv ÔLy-filoK; xat
48 (p. ai8, 7, Stàhlin)
—
:
ss.; II, p. 283, fr. 10 ss. ; p. 372, n. 5; Preisendans:, R. E., s. v, « Ostanès », col. 1618.
37 (p- 77, 4, Thomas) cf. Aug., Civ. Dei, IX, 19 5 Jos. KrolL, Lehren des H.
; 'Crismeg.,
P- 70 ss., 408. Cf. n. 4 ci-après.
4. Philon, De gigant., 16 (p. 45). Dans l'hermétisme ;
Lactance, Divin. înst.,ïï,i^,2;
Asclefius, 25.
5- Dibelius, Die Geisterwelt im Glauben des Paulus, 1907, que suit Andres, /. c,
col.
1023.
6. Math. XXV, 41 :
AiaSôXtp ^%\ xotc àYyÉXot; aùxoù ; cf. Barnab., Epist., i8 ; TertulL,
Ûe Cf. Dicf. de théol. cathol., s. v. « Angélologie ».
spectac.j 8.
7- Apocal. de Pierre [cf. supra, p. 223], 21, 23. Cf. Dieterich, Nekyia, p. 60 ss. ;
Hénoch, LUI, 3 ; XX, 3 ; Hermas, Simil, VI, 3, 2 cf. VII, 2, 6. ;
Cf.
Proclus, In Cratyl. 160 (p. 89, Pasquali).
Proclus, In Rempubl., I, p. 91, 21, Kroll ; II, p. 255, 21. Cf. KroU, De Orac.
8.
poursuivre les méandres par lesquels ce nouveau courant d'idées a pénétré dans
la théologie populaire des peuples divers. Seul le judaïsme permet de suivre
dans une certaine mesure les phases de cette évolution. Mais nous apercevons
clairement l'aboutissement de ce mouvememt d'idées.
Dès l'instant que des Elus fut transporté au Ciel parmi les astres,
le séjour
où l'on situa désormais Champs-Elysées 2, Pluton ne devait plus régner
les
que sur les âmes à qui leur vertu n'avait pas valu un sort bienheureux. On
retrouve souvent dans les inscriptions funéraires l'expression de cette opposi-
tion nouvelle entre les deux parties du monde, auxquelles répond ime dis-
tinction parmi les défunts. « Je ne pénétrerai pas tristement, dit une épitaphe
métrique de Rome 3, jusqu'aux ondes du Tartare, mon ombre ne sera pas
transportée sur les flots de l'Achéron... car la sainte Vénus voulut que je
ne connusse pas le séjour des ombres silencieuses et me porta dans les temples
brillants du ciel » Le même contraste, devenu un lieu oommim, est accusé
.
brièvement dans d'autres inscriptions^, ainsi celle que composa Lollius Bassus
pour Germanicus, décédé en l'an 19 à Antioche* « C'est moi Hadès qui :
ils deviennent l'im à l'autre, comme dans le mazdéisme des Maguséens, des
4. Cf. Galieti, iîom. Mï«., 1943, LVIII, p. 70 ss., cité, ch. VI, p. 297; AnthoL, VU»
241, 12, etc.
5. AnthoL, VII, 39 j.
6. Mages hellén., I, p. 69 ; II, p. 87 ss.
CHAPITRE IV. — TRANSFORMATIONS DES ENFERS 233
des Enfers et les dieux qui le gouvernent sont frappés d'épouvante sa victoire ;
est une défaite infligée aux puissances hostiles du monde souterrain. Il bris©
la domination de la Mort adverse, qui empêche notre race d© participer à
la durée sans fin des dieux bienfaisants. La loi fatale imposée aux hommes
Mort.
Sans doute le succès d'une telle conception a-t-il pu être favorisé par
l'enseignement des mystères oh un dieu, après avoir péri, revenait à la vie et
par son salut assurait celui de ses fidèles^. Mais l'origine de cette doctrine
1.
Sénèque, Herc. fur., 606 (cf. Jos. Kroll, o-p. cit. {infra, note 3], p. 429) ; Oedipus,
610 ; Staoe, Z:héb., VIII, début (cf. Kroll, p. 451).
2. Cf. Kroll, p. 491 Symbol., p.
; 479.
3. Cf. Jos. Kroll, Gott und Hôlle, Der Mythos vom Descensus Kampfe (Stud. Bibl.
Warburg, XX) Leipzig, 1932. Sur le thème de la xaxâSaffiç et les Mages, cf. Mages
hell.^ I, p. 112 ss,; II, p. 158 ss.
4. Kroll, pp. 364 ss., 399 ss. Cf. Rohde, tr. fr., p. 250, n. i ; Symbol., p. 457 ;
479 ss.
mirando :
/ dux vitae mortuiis régnât vivus/.
CHAPITRE V
par la foi des générations innombrables qui s'y étaient attachées. Cette vérité,
que les penseurs cherchaient à découvrir par le raisonnement, ou certains mys-
tiques à atteindre par une communication directe avec le ciel, était ici garantie
par une tradition séculaire et par les manifestations quotidiennes des dieux
qu'on adorait.
Leur antiquité même devait rendre l'action des mystères conservatrice
du passé. Mythes et rites remontaient
—
du moins ils le prétendaietiit
— à une époque reculée il est naturel qu'ils aient continué à trans-
:
théologique, une grande liberté doctrinale. Elle était d'autant moins dan-
gereuse que la signification profonde qu'on prétendait attribuer aux traditions
sacrées n'était dévoilée qu'à une élite d' « époptes » '. Ces « sages » ne
partageaient pas la foi naïve du vulgaire admis aux grades inférieurs. L'^allé-
gorie- permettait par des explications ingénieuses de concilier des fables
amorales ou des pratiques grossières avec la plus haute spiritualité et d'ac-
corder avec des mythes inintelligibles les conquêtes de la science la plus avancée.
Qu'ils soient grecsou orientaux, les mystères prétendent tous atteindre le
même butobtenir pour l'initié une vie bienheureuse dans un autre monde ;» et
:
malgré la diversité de leur origine, les moyens par lesquels ils espèrent y
atteindre offrent de nombreuses ressemblances, dues souvent à ce que les plus
récents se sont organisés d'après le modèle d^s plus anciens. Avant tout,
l'ordinand doit s'engager par des serments, dont la violation serait pour lui
redoutablCj à garder secrètes toutes les révélations qui lui seront faites ^, tout
ce qu'il verra et entendra dans les cérémonies auxquelles il sera admis à par-
ticiper. Il recevra alors communication du « discours sacré »(î£pbç Xôyoç),
gique, à son triomphe. Ce n'est pas, comme l'a déjà noté Aristote, à leur
intelligence que ce spectacle fait appel, mais à leur^émotivité. Ils n'y reçoivent
pas une instruction ([xaGETv)
mais une impression (Tcaôsïv)^. cette représen- A
tation sacrée,répétée à des intervalles réguliers dans des fêtes solennelles,
l'ensemble des adeptes du culte assistait ; chacun d'eux en particulier devait
accomplir d'autres actes rituels ou subir certaines épreuves pour atteindre les
grades successifs de l'initiation. Il avait à prononcer des paroles (xà 'kzyoïJ.eva)
qui assuraient l'efficacité sacramentelle de la cérémonie, formules qui pouvaient
aussi servir de mots de passe, permettant à l'étranger de se faire reconnaître
de On montrait aussi au myste certains objets sacrés, les
ses coreligionnaires^.
symboles (au fjt.^oÀa), auxquels on attachait une signification occulte, et qui étaient
employés dans les initiations le dévot pouvait emporter dans sa demeure cer-
:
tains de ces « symboles », dont la vue; devait être celée aux profanes, mais
1. Harvard theol. revîew, 1933, XXVI, p. 151 ss.. Cf. Realenc. f. Ant. und Chr.,
I, 667 ss., s. V. « Arkandisziplin ».
2. Bidez, A -pro-pos d'un fragment d' Aristote (Bull. Acad. Belgiqiae, 1942, XXVIII),
p. 201 ss.
—
Esch. Agam. vv. 177-178 Z-^va... tov Ttâôsi |JLâ6o(;/6évxa zoplco; l'5(^£iv.
:
d'après la théologie des clergés qui l'ont enseignée, mais du moins aux origines
elle offre un caractère commun. Nous avons vu (p. 68) que le genre d'exis-
tence des ombres dans l'Hadès était primitivement conçu comme un prolon-
gement de celui que chacun avait aimé avant sa mort. Les joies qu'obtiennent
comme récompense les Elus sont une répétition indéfinie des divertissements
auxquels ils se plaisaient pendant la vie humaine. Ces jouissances purenient
matérielles sont celles de simulacres de l'homme, qui continuent à être affectés
par les sensations d'êtres de chair et d'os, non celles qu'auraient pu rechercher
des âmes spirituelles dont les perceptions ne dépendraient pas d'organes cor-
porels. Le sort imaginé pour les initiés aux Mystères reste conforme à cette
conception naïve ils n'échappaient pas à la règle commune, mais leur béa-
;
titude reproduisait à jamais les émotions les plus profondes qui les eussent
enchantés pendant leur vie passée, celles qu'ils avaient éprouvées dans ce
ravissement passager, qui les avait transportés lorsqu'ils participaient aux céré-
monies troublantes des cultes secrets. Cette allégresse, parfois extatique, qu'ils
obtenaient vivants pendant des heures trop brèves devait, après leur mort,
leur être accordée à perpétuité par la reproduction des spectacles ou des actes
liturgiques qui l'avaient jadis éveillée dans leur âme. Nous allons voir l'ap-
plication que reçut ce principe dans les diverses religions grecques ou orien-
tales.
Nombreux où des mystères furent institués
furent les temples de la Grèce
eux remontent à une antiquité très reculée
et plusieurs d'entre Mystères de '^.
Zeus en Crète dans l'antre de l'Ida, mystères d'Hécate à Êgine", mais surtout
mystères de Déméter célébrés dans maint sanctuaire, la déesse de la Terre
ayant été
constamment mise en relation avec
les morts, et le secret angoissant
que cachait
le royaume souterrain inclinant les esprits à chercher ime révéla-
tion pour l'éclaircir. La plupart de ces cultes ésotériques n'ont qu'une impor-
tance locale, mais quelques-uns ont, jusqu'à la fin du paganisme, accueilli des
dévots venus de lointains pays. Les Cabires de l'île solitaire de Samothrace,
ces dieux énigmatiques de la mer, devenus les protecteurs des navigateurs,
acquirent sou? les Diadoques, dont les flottes sillonnaient la Mer Egée, un
prestige qu'ils
ne perdirent pas entièrement à l'époque impériale, où les listes
d'initiés, conservées jusqu'au me siècle, mentionnent de nombreux noms
'
romains .
Quelques-uns de ces mystères helléniques nous ont livré des docu-
ments d'un haut intérêt, telle la fameuse inscription d'Andanie en Messénie ^
Mais nous savons très peu de chose de leur contenu religieux ; et spécialement
pour la question qui nous occupe ici, nous sommes dans une ignorance presque
absolue des promesses d'immortalité qu'ils pouvaient offrir aux époptes. Nous
avons peu d'indications sur leurs cérémonies rituelles, moins encore sur leur
valeur spirituelle. C'est seulement à Eleusis que se laissent entrevoir certaines
clartés ^.
ELEUSIS. — Parmi les mystères antiques, il n'en est point dont l'histoire,
s'étendant sur la longue durée d'un millénaire, nous soit aussi bien connue que
celle des Êleusinies. Nées de l'humble culte agraire rendu à Déméter et
Koré par deux familles sacerdotales d'un canton de l'Attique, ces fêtes partici-
pèrent plus tard de la primauté intellectuelle et politique d'Athènes, et la
Grèce entière s'associa à leur célébration. Leur prestige incomparable se main-
tint même sous la domination de Rome. De tous les cultes secrets de l'Hellade,
ce sont les seuls dont le renom fut alors non seulement panhellénique mais
universel. Romains, beaucoup de nobles esprits, comme Cicéron,
Parmi les
subirent l'impression ineffaçable de leurs cérémonies et y trouvèrent un réconfort
moral. Plusieurs empereiu:s vinrent à Eleusis se faire initier^. Les Césars
1.
Kern, E. E., s. v. « Kabeiros », X, 1398 et s. v. « Mysterien » (t. XVI,
ool.
1275 ss.) ; cf. IG., XII, 8, 38
(t.
s. — Cf. ss.)
ma note, R. H. Rel., CXXVII, 1944,
?• 57-
2.
IG., V, I, i390 =
Dittenberger, Syll., ÏP, 736.
Rohde, Psyché, tr. fr., pp. 229-247; Paul Foucart, Les mystères d'Eleusis
3. Wila- \
inowitz, Glaube der Hellenen, t. II, 475-480 (sur l'époque romaine) Roussel, L'ini- ;
tiation
préalable et le symbole éleusinie7i, B. C. H. 1930, LIV, pp. 50-74 Nilsson, ;
p. 619 où l'on trouvera (p. 620, n. i), une bibliogr. plus complète;
Griech, Rel., I,
^usson, Die Eleusin. Kulte der Demen (Ei-anos, XLII), 1944, pp. 70-76.
4- Wilamowitz, of. cit., II, p. 475 ; Kern, R. E., s. v. « Mysteriea », ool. 1254 ss.
240 LUX PERPETUA
fices liturgiques était fortifiée leur foi en un bonheur futur que dispensaient
« les deux déesses ».
Cicéron' parmi tous ses mérites, n'avait rien produit
pensait qu'Athènes,
de meilleur pour l'existence humaine que ces mystères qui donnaient une raison
de vivre dans la joie et de mourir avec un « bon espoir », et cette expression
(àyaÔ-r] qui est traditionnelle chez les écrivains grecs, paraît empruntée
èXtcîç)
au rituel même
d'Eleusis ". L'assurance d'une immortalité bienheureuse, obtenue
par la participation aux cérémonies occultes, était le bénéfice essentiel que
l'on en attendait. Cette conviction ne résultait pas d'un enseignement dog-
matique qui aurait éclairé l'ordinand sur la destinée de l'âme après le décès,
d'une sagesse théologique dont on lui aurait révélé les arcanes. Elle a pu être
fortifiée par l'émotion religieuse éprouvée par lui, par la vue d'un drame
sacré reproduisant le mythe de Déméter, qui faisait passer le spectateur de
l'inquiétude à la confiance, des ténèbres à la lumière, de l'effroi à ^allégresse^
Mais la condition indispensable pour être sauvé était d'avoir été soumis à
une purification sacramentelle. Cette cathartique était l'acte essentiel qui,
en faisant du myste un être « pur et saint » (xaOapoç, ôcrtoç), lui conciliait la
faveur des divinités qui devaient le recevoir dans le royaume des ombres,
Précisément pour ce motif que les ablutions rituelles et autres lustrations déli-
vraient de toute pollution celui qui s'y soumettait, aucun pécheur n'était exclu
de cette rédemption, et la religion d'Eleusis a pu paraître indifférente au
mérite ou au démérite de ceux qu'elle accueillait. La seule exception était
l'exclusion des assassins, sans doute parce qu'une souillure aussi grave paraissait
indélébile ou que la présence même de ces criminels eût attiré dans U
même l'esclave, et les Romains le furent aussi, sans doute à la condition d'en-
tendre la langue du culte. A
l'origine aucune condition de moralité n'était
requise, et l'on ne voit pas que la conduite du néophyte en ce monde
ait influé
sur soa sort dans l'autre. C'est tardivement que s'est introduite dans la religion
éleusinienne, sans jamais y prédominer, l'exigence d'une pureté à la fois rituelle et
spirituelle'''. ;Ainsi
à Eleusis, au moins primitivement, toute idée d'une rétri-
bution future proportionnée à la moralité de l'initié était absente de la piété.
"
impies et les joies qui attendaient les initiés dans les Enfers ; il ne leur com-
muniquait pas une révélation semblable à certaines apocalypses ou « Des- ,
centes dans l'Hadès », qui aurait pu les guider dans leurs pérégrinations pos-
thumes. A
Eleusis, comme l'a justement noté Rohde^, la survivance consciente
de l'âme n'était pas enseignée, mais présupposée et la conception de la vie
future que se faisait, le clergé restait conforme à celle qui, dès une époque
myrte, chantaient et dansaient au son des flûtes les chœurs des ombres
pieuses. Mais ce qui paraît être
propr;ement éleusinien, c'est l'idée que les
bienheureux reproduisaient éternellement aussi dans les Enfers, à la lueur
^
des torches, les cérémonies de la nuit sacrée Ainsi ce saint émoi, cette
.
I.
Hérodote, VIH, 65, 4.
2- Celse dans Origène, C. Cels.^ HI, 59.
3. Rohde, tr.fr., p. 242.
4- Aristoph.j Grenouilles, 146 Bopêopov Ttolùv xai axwo àeîvwv ; cf. Plutardue,
: De
"^«ima, fr. VI, 5, p. 725.
S' Aristoph., l.c, et 237, 449 ss,, 613 ; Plut., /. c; Axiochos, p. 371 D.
16
2^2 LUX PERPETUA
sur la terre (p. 68), s'était transformée en l'attente d'une répétition indéfinie
des joies les plus élevées auxquelles le croyant pût atteindre.
Les mystères d'Eleusis n'avaient donc pas apporté aux Hellènes une concep-
tion nouvelle du sombre royaume où régnaient Pluton et Proserpine mais ;
Mais le « bon espoir »• qu'ils faisaient luire changea de sens avec les convic-
tions intimes des participants. Chacun des philosophes le comprenait selon
son système^. Après son initiation Marc Aurèle ne cessa pas de croire que
l'âme était absorbée à la mort dans les éléments de l'univers ^, et pour
Épictète, qui niait absolument toute survie personnelle (p. 116), les Éleusinies
Le clergé d'Eleusis n'a donc point guidé les esprits dans les voies nouvelles
il n'en a point dirigé l'évolution, il l'a suivie ;
que se fraya l'eschatologie ;
romain, elle apparaîtra très restreinte. Le culte secret des deux déesses,
privilège d'antiques familles sacerdotales, resta toujours attaché à la glèbe
de l'Attique et inséparable de la religion officielle de l'Etat athénien. Sa
célébrité sans égale put engager les fondateurs de nouveaux mystères à s'ins-
pirer de ses rites *, et l'étendue de sa renommée favorisa ainsi son action indi-
recte. Mais le télestérion d'Eleusis ne possédait pas de succursales^ ; il ne fut
pouvaient faire concurrence à des religions dont les sectateurs, animés d'un
ardent esprit de prosélytism,e, bâtissaient leurs temples ou ouvraient leurs cha-
pelles dans toutes les provinces de l'empire, et dont les communautés essai-
maient et proliféraient de l'Orient à l'Occident et aspiraient à la conversion
de tout le genre humain.
I.
Epict., III, 21, 15.
a.
Julien, p. 173 a-h ;
cf. Salluste phil., 4. ; Bidez, Vie de Porphyre, Gand, 1913,
P- 22.
3. Eunape, V. sofh., p. 475, 40 ss.; pp. 476, 29 ss. Didot 5
cf. Bidez, La vie de l'em-
fereur Julien, Paris, 1930.
4- Cf. N. C. IX.
5- Kern, R. E., s. v. « Mysterien », col. 1250.
6.
Suétone, Claude, XXV, 13.
7- Pausanias, I, 37, 4.
244 LUX PERPETUA
elle commença d'être mise en circulation dès le VF siècle avant notre ère,
et se prolongea jusqu'à l'époque romaine. Le nom célèbre du musicien et poète
livres sacrés sans doute, mais dont le texte n'avait aucune fixité canonique
garantie pai une autorité ecclésiastique, et qui paraissent avoir été soumis à
des remaniements continuels. De la plupart de ces ouvrages, et surtout des
plus anciens, nous n'avons conservé que des citations fragmentaires, parfois
défigurées par une interprétation tendancieuse. Il n'est pas surprenant que
réduits à utiliser des sources aussi troubles et aussi intermittentes, les érudits
aient différé d'avis sur presque toutes les questions qui se posent à propos de
peut se faire au moins une idée générale de ce que fut la religion cathartique
^
et mystique des conventicules orphiques .
L'orphisme, religion de salut fondée sur des livres, a une doctrine aux,
contours plus fermes que celle qu'enseignait ou que présupposait la tradition
liturgique d'Eleusis. Il a élaboré une théologie cohérente où la nature et 1^
destinée de l'âme sont déduites de prémisses mythologiques. Dionysos enfant
a été dépecé et dévoré par les Titans, que Zeus, pour les châtier, a frappés
de sa foudre. De leurs cendres a été formé l'homme, qui unit ainsi en lui
un élément pervers provenant des Titans et im principe divin reçu de Dionysos
cx>mplétée jusqu'en 1938 par Ziegler, R. E., s. v. « Orpheus », col. 1042, 40 ss.. Ont
paru depuis :
Nilsson, Griech. Rel. I (1940), p. 643-662 ; Boulanger, Le salut selon
rOrphisme (dans Mémorial Lagrange), Pans, 1940. —
Littérature orphique Keydell et
:
Ziegler, R. E., s. v. «
Orphische Dichtung ».
2. Cf. infra, p. 248. Festugière, Hermès, I, p. 345.
3. Cf. N. C, X.
CHAPITRE V. — LES MYSTÈRES 245
qu'ils
ont absorbé. Le genre humain est par suite entaché, dès son origine,
d'une contamination « titanique », qui éveille en lui des instincts brutaux
et lui inflige ici-bas une série ininterrompue de maux*. Il doit se laver de
héréditaire pour que son âme, égalée aux dieux, puisse un jour
cette souillure
Après le décès, cette âme descendra dans l'Hadès où, suivant ses fautes
ou ses mérites, elle sera ou châtiée ou récompensée. L'idée d'une rétribution
future en vertu d'un jugement posthume, est ici nettement affirmée '. Les
constamment, mais en vain, l'eau du bain purificateur'. Alors que les révé-
lations d'Eleusis n'insistent pas sur les tourments des réprouvés, l'orphisme
s'est plu à décrire les « maux infinis réservés aux damnés ». L'on a dit de'
1.
Platon, Lois, III, 16, p. 701 b-c ; Plutarque, De esu camium, I, 7, p, 996 c (=
Kern, fr, aïo).
2. Platon,
Cratyle, p. 400 c (= Kern, fr. 8) ; cf. Philolaos, fr, 14, Diels ; Boyancé,
R- E,
G., 1941, LIV, p. 160 ss.
3. Platon, Epst., VII, p. 335 a.
4. Bdpêopoç Platon, Réf., 363 d;
: cf. 365 a; Phédon, 69 c (cf. Kern, fr. 4 et 5).
Allusion déjà chez Asius {Poet. lyr.
gr. \ t. II, p. 406) ; souvent mentionné plus tard ;
cf.
Symbol., Index, s. v.
5. Cf. Plotin, I, 6, 6 (p. 102, Br.).
Platon, Gorgias, 493 b
6.
Rép., 363 e.
;
lui qu'il avait; été lepremier à créer l'Enfer^!. Il est au moins à l'origine de
cette littérature hallucinante qui, imaginant pour chaque espèce de faute une
torture raffinée, pourrait nous conduire, en passant par les mythes de Plu-
elle obtiendra les plaisirs que les dieux accordent aux justes elle aura accès :
*
« aux prairies sacrées et aux bosquets de Perséphone » et y passera tout son
Elysées ne sera que temporaire. La descente dans l'Hadès se place dans l'in-
tervalle entre deux vies terrestres, car l'âme doit se réincarner pour poursuivre
sa destinée, soit qu'elle se dégrade davantage en se logeant dans des animaux
immondes, soit qu'elle passe dans des êtres de plus en plus parfaits. Lorsque
dans les demeures successives que cette transmigration lui impose, étapes sur
la voie de la délivrance, elle aura évité toute association et commerce avec
le corps et aura réussi à répudier tout attachement pour son ^enveloppe char- .
Sur la métempsycose, cf. su-pra, ch. IV, p. 197 ss. Sur le retour au divin, Méautis,
Mélanges Glotz, 1932^ t. II, p. 579 ss.
CHAPITRE V. — LES MYSTÈRES 247
I. cx)I.
Ihiâ,.^ 1400 ss.
Symbol., p. 499, add. à la p. 18, n. 4
2. Cf. Ziegler, /. c, p. 1412.
;
Cf. N. C, XI.
4. Epigène chez Clém. Alex., Strom, I, 21, 131, 5
=
Kern, fr. 222.
5. Lamelle d'or du ii^ siècle à Rome, infra, N. C, XI.
CHAPITRE V. — LES MYSTÈRES 249
ou n'ait pas pratiqué dès l'origine en Grèce un culte secret réservé aux seuls
initiés, il est certain qu'elle a influé sur la théologie de certains mystères.
Une dédicace, récemment découverte à Rome, nous a révélé que les fidèles
de Mithra avaient identifié leur dieu perse avec le Phanès orphique La .
raisonde cette assimilation est sans doute que l'un et l'autre, lorsqu'ils étaient
apparus, avait fait briller la lumière dans le monde. Un bas -relief qui repré-
sente dans le cercle du zodiaque ce Phanès mithriaque sortant de l'œuf cos-
Beaucoup plus anciens et plus intimes furent les rapports établis entre
l'orphisme et les mystères de Dionysos, Celui-ci était depuis l'époque archaïque
le dieu principal de la secte, qui voyait dans son démembrement par les
Cf. Mithra et l'orphisme, R. H. Rel., 1934, CIX, pp. 63-72 ; et Ziegler, /. c, ool.
2.
Cf. N. C, XI.
4. Epigène chez Clém. Alex., Strom, I, 21, 131, 5 Kern, fr. 222. =
5. Lamelle d'or du ii^ siècle à Rome, infra, N. C, XL
CHAPITRE V. — LES MYSTÈRES 249
ou n'ait pas pratiqué dès l'origine en Grèce un culte secret réservé aux seuls
initiés,il est certain qu'elle a influé sur la théologie de certains mystères.
Une dédicace, récemment découverte à Rome, nous a révélé que les fidèles
de Mithra avaient identifié leur dieu perse avec le Phanès orphique La .
raison de cette assimilation est sans doute que l'un et l'autre, lorsqu'ils étaient
apparus, avait fait briller la lumière dans le monde. Un bas-relief qui repré-
sente dans le cercle du zodiaque ce Phanès mithriaque sortant de l'œuf cos-
mique, d'où jaillissent des flammes, nous montre qu'un syncrétisme intem-
pérant avait combiné dans la composition de cette figure divine des éléments
hétérogènes. Sans doute la quadruple combinaison Zeus-Hélios-Mithra-Phanès
qu'atteste l'inscription romaine n'est-elle pas antérieure à la syncrasie radicale
qui, sous l'Empire, prétendait reconnaître dans le panthéon entier des divinités
solaires. Cependant peut-être les Mages d'Asie Mineure, que nous savons
avoir subi après les conquêtes d'Alexandre une influence profonde de l'hellé-
nisme, ont-ils déjà rapproché les antiques poèmes orphiques de leur système
zervaniste, et assimilé leur premier Principe, le Temps infini, dont était issu
Beaucoup plus anciens et plus intimes furent lés rapports établis entre
l'orphisme et les mystères de Dionysos. Celui-ci était depuis l'époque archaïque
le dieu principal de la secte, qui voyait dans son démembrement par les
Orphiques la croyance au festin étemel réservé aux initiés elle l'a répandue :
dans tout le monde gréco-romain et, comme nous allons le voir,' elle l'a fait
vivre, sous des formes successives, jusqu'à la fin du paganisme, et même au-delà.
*
* *
Bacchus*. —
Aucun des mystères de l'antiquité n'a été plus largement
répandu à l'époque romaine, que ceux de Bacchus. De même que, selon la
légende, Dionysos parcourut le monde en triomphateur, ainsi ses thiases
conquirent des adeptes dans toutes les régions de l'Empire. Parmi les religions
païennes de salut, nulle ne fut plus populaire, et par suite nulle n'a exercé
une action plus étendue sur la croyance à l'immortalité. Les sculptures des
sarcophages et des stèles sépulfcrales^, les peintures des caveaux funéraires^
reproduisent en quantité innombrable des scènes empruntées à la légende ou
au culte de Bacchus, les ébats des Satyres et des Ménades qui forment son
cortège, et des emblèmes dionysiaques tels que masques de théâtre ou
canthares d'où naissent la vigne et le lierre, consacrés à ce dieu de la végé-
*
tation .
1. La bibliographie jusqu'à l'année 1935 est donnée par Kern, R. E., s. v. « Mys-
terien », col. 1314. Ajouter. Festugière, Revue biblique, 1935, XLIV, pp. 192 ss., 371 ss.;
Nilsson, Griech. Rel., I, 1941, p. 532-568, qui traite en détail de la période ancienne ;
Loisy, Mystères, pp. 213, 223. Pour l'époque romaine, cf. Relig. orient., pp. 195 ss. ;
303 ss.. Inscription de Torrenova Am. J. A., 1933, XXXVII, pp. 215-261 ; cf. Wila-
mowitz, Glaube der Hellenen, II, p. 290.
:
—
Sur les (rûp-êoAa cf. swpra, p. 237, n. 4.
2. Scène d'initiation sur un sarc. de la villa Médicis, M. Cagiano di Azevedo {Istituto
d'archeol., opère d'arte, XIII), 1942 M. Lehman-Hartleben et Olsen, Dionysiac sarco-
;
3. Peintures de l'Isola^ sacra Calza, Not. Scavi, 1928, p. 153 ss.. Cf. Carcopino,
:
Bull. Ant. France, 1928, p. 305 ; "Wilamowitz, Studi ital. filologia class., 1929, VIIIj
p. 89 ss.
4. Cf. Stèle d'Antibes, p. 5 ss.
5 .
Platon, Phèdre, 265 a. L'analyse que Rohde a faite dans Psyché (II *, p. 15 ss.
= tr. fr. 280 ss.), de l'enthousiasme dionysiaque, compte parmi les pages les plus for-
tes de ce livre remarquable.
CHAPITRE V. -• LES MYSTÈRES 251
et déchiraient des chevreaux ou des faons, dont elles mangeaient crus les
morceaux sanglants, pensant s'assimiler ainsi les vertus divines de la bête
immolée. Ou
bien elles se revêtaient de la dépouille fraîche de leur victime
s'identifier ainsi avec leur dieu. Ailleurs dans leurs « omophagies »
pour
c'étaitun taureau, forme animale de Dionysos, dont les mystes dépeçaient
et dévoraient les chairs pantelantes ^ comme autrefois les Titans avaient mis
en pièces Zagreus enfant et consommé ses membres. Les sacrifices humains,
qui transformaient les banquets rituels en ripailles de cannibales, n'avaient
peut-être pas disparu partout, même à l'époque de la plus haute civilisation
hellénique *,
de chansons grivoises, soit que, placé avec d'autres symboles dans le van
mystique, il fût découvert au cours de l'initiation. Si Bacchus lui-même n'est
pas ithyphallique, ses compagnons, Satyres et. Silènes, le sont démesurément,
et par suite les acteurs comiques furent, à l'origine, pourvus de ce membre
1.
Arnobe, X, 19 ; cf. Haussoullier, R. E. Gr., 1919, XXXII, p. 256 ss. ; Nilsson,
Gr. Rel., 1, pp. 145, 543.
2.Relig. orient., p. 307, n. 26 ; cf. Kern, l. c, p. 1305, 60.
3.Am. J. A., /. c.,\_su-pra, p. 250, n. i], p. 252 ; Nilsson, p-. ^^j ss.
4. Aux phallus funéraires a succédé Priape, qui est un phallus anthropomorphisé ;
CIL, VI, 30992 « Custos sepulchri pêne destricto deus, ego siim mortis et vitai locus »
:
;
cf.
Saglio-Pottier, Dict., s. v. « Priapus », col. 646.
5. Am. J. A., /. c, p. 252, n. 3 et pi. XXXII, 2.
252 LUX PERPETUA
Où Oéfjiiç Èv-
To09a XEiffô •
ai l el TÔv ^e-
[xè(= [iT])
« A nul n'est^permis
Tov|Kfëpr?0 î
de reposer ici,
sinon à qui
admis dans les thiases. Ceux-ci n'ont nulle part reproduit un type uniforme,
comme prouvele la diversité de la titulature mentionnée daris les inscriptions.
Ils ne s'astreignirent pas au conformisme des mystères orientaux ; ni leur
doctrine, ni leur organisation n'eurent jamais la même homogénéité. Dans
bien des cités des conventicules fondés par des particuliers subsistèrent à
côté du culte de l'Etat ; et des observances aberrantes s'y maintinrent ou y
naquirent. Protégés par le secret dont ils s'entouraient, ils pouvaient échapper
à toute réglementation policière, et la fureur des anciennes orgies s'y main-
tenait parfois dans des rites grossiers, délirants et même homicides, 2. Dans
les pays où l'extatisme était endémique, comme l'Asie Mineure et l'Afrique,
les magistrats des cités eux-mêmes participaient, sous les Césars, à la folie
'
publique
des bacchanales .
Il est certain que les thiases furent introduits en Italie dès l'époque de la
plus
ancienne colonisation grecque". Une inscriptibn de Cumes nous montre
qu'au début du V^ siècle ils avaient leurs cimetières particuliers (fig. 6), où.
seuls les admis ^ et d'autres indices nous montrent que le dieu
initiés étaient
1. Lucien De saltat., 79; Augustin, Epist., 17, 4; cf. Strabon, XI, p. 512; Am.
J. A., /.
c, p. 234, n. 8.
2.
Relig. or., p. 197; Kern, R. E., s. v, « Mysterien », col. 1304 ss.; Maiuri, La
villadei Misteri, 193 1, p. 165 ss.
3. Relig. or., l. c, fig. 12. Cf. infra, N. C, X.
4. Relig. or., p. 305, n. 14 ss. ; Kern, l. c, col. 1313.
5- Platon, Lois, 637 b. Cf. Wuilleumier, Varente, 1939, p. 496 ss.
6.
Relig. orient., p. 197.
7- Relig. or., p. 198 s.. Controverses sur le S, C. des Bacchanales, cf. Frânkel', Her-
mès, 1932, LXVII, p. 369 ss.; contesté par T. Keil, Ibid., 1933, LXVIII, p. 276. Cf.
Krause, ibid., 1936, LXXI, p. 214.
—
Au point de vue juridique, cf. Béquignon, R. A.,
194I) XVII, p. 184; au point de vue religieux, Méautis, R, E. A., 1940, XLII,
P- 476 ss.
8. Rel.
or., p. 60 ss.; 306, n. 25. ; ;
-
:
! .
254 LUX PERPETUA !
;
;
Une brève indication d'un scoliaste nous apprend que César « transporta
le premier à Rome » les cérémonies de Liber pater', c'est-à-dire qu'il y
'
Athènes, sous les Antonins, les règlements des lobacches témoignent du souci
de maintenir la décence, d'éviter toute altercation dans des réunions où l'ébriété
pouvait favoriser le désordre ^
Cette transformation progressive de la religion dionysiaque affecta profon-
dément sa conception de l'immortalité. Aux origines lointaines des baccha-
nales, morbide qu'elles provoquaient était probablement, comme
l'exaltation
dans les des tribus sauvages, la seule jouissance qu'on y recherchât, la
fêtes
seule fin qu'on se proposât*. Cette folie collective secouait le joug qui pesait
sur la conscience de l'homme raisonnable, et elle semblait lui communiquer
une puissance surhumaine. La surexcitation pathologique produite par des
danses giratoires et des courses épuisantes, par une tension nerveuse de l'être
entier poussée jusqu'au paroxysme, provoquait des hallucinations où les mystes
se figuraient commander à toute la nature. Les bacchantes, lorsqu'elles étaient
possédées, faisaient couler des rui'sseaux de miel et de lait^. L'extase (^exaTacrtç)
est proprement la « sortie » de l'âme qui, quittant passagèrement sa demeure
qu'elles produisent,
ont pour effet de faire du myste un bakkhos. Ainsi devait
grandir nécessairement l'idée qu'il partageait la vie impérissable de la divinité
à laquelle il s'était égalé, en laquelle son âme était absorbée. De même que
Dionysos avait eu sa passion, et après avoir péri était ressuscité, de même
ses serviteurs devaient après leur trépas renaître pour l'éternité.
Quand les bacchanales furent devenues, dans les villes grecques ou romaines,
une fête de citadins, le ménadisme n'y survécut guère que dans la persistance
d'une musique bruyante et de danses rituelles. Plus de courses folles à travers
la nuit, où l'ébranlement de l'organisme surexcité le faisait communier avec
ports religieux qui pouvaient ravir les mystes en ce monde nourrissaient leur
âme d'espérances, et leur faisaient attendre le renouvellement indéfini de
la
troupe des Satyres, les mystes de Bacchus marqués du sceau sacré et les
,
était la participation à des repas rituels, parfois égayés par des danses et
accompagnés d'une musique qui, croyait-on, purifiait les âmes. Les convives,
puisant largement dans le cratère la liqueur que selon la légende la présence
de leur dieu avait suffi à faire jaillir, étaient bientôt échauffés par les vapeurs
du vin et s'abandonnaient à une joyeuse ébriété. Cette ivresse qui délivrait
l'esprit des soucis et donnait l'illusion d'une vie plus heureuse et plus intense,
était regardée, nous le disions, comme une possession divine. Elle était unie
anticipation de la béatitude d'outre-tombe qu'assurait aux mystes l'admission
à ces banquets liturgiques. Mollement étendus dans des prés parfumés de
senteurs exquises et éclairés d'une pure lumière, les initiés, couronnés de
fleurs, devaient prendre part à. tm festin étemel, où un vin inépuisable leur
verserait l'oubli de toutes les peines et les mettrait continuellement dans cet
état d'euphorie dont ils avaient eu un avant-goût sur la terre*.
Les Orphiques et les Pythagoriciens avaient aussi imaginé la félicité d'outre-
tombe sous forme d'un banquet perpétuel", et il est difficile de savoir s'ils
la
'ont transmis cette conception aux mystères de Dionysos ou s'ils l'ont reçue
essentiels, favorisait, avec les excès de la boisson, d'autres écarts d'un déver-
gondage religieux. Nous en trouvons la preuve dans un hypogée voisin de
la Catacombe de Prétextât, et qui servait à la sépulture des fidèles deSabazius",
dieu thraco-phrygien proche parent de Dionysos, si même il ne faut pas
l'identifier avec lui. Les peintures fameuses, qui décorent un caveau, nous
montrent la défunte Vibia emportée par Pluton et conduite dans le monde sou-
terrain (fig. 7). Son « bon ange » y introduit son ombre voilée dans le jardin
de délices où sept « prêtres pieux » sont attablés. Mais leur piété s'accommoda,it
d'une morale complaisante. Les inscriptions de cet hypogée recommandent de
manger, de boire et de se donner du bon temps tant que l'on vit ; et les
divertissementsqu'elles préconisent ont une saveur erotique très accusée ^
Parmi les populations barbares de l'Anatolie, d'où Sabazius est originaire,
Fig. 7.
— Introduction, de Vibia au banquet des bienheureux.
1.
CIL, VI, 142 = C. E., 317, « Manduca, [b]ibe, lude et veni ad me. Cum vives
benefac, hoc tecum feres... qui basia, voluptatem, iocum alumnis suis dédit » ;
cf. Rel.
orient., 198 et 306, n. 25.
2. Cf. Une pierre tonibale erotique de Rome (A. C, 1940, IX, p. i
ss.). Repré-
sentatipns lobscènes sur les sarcophages : Carmina Salmas., 319 (Riese, Anthol. lat.,
I> p. Cf. Friedlânder, Sittengesch., III, p. 305, n. 5 ; Fris Johansen, Front the
263).
collections of. the
Ny-Carlsberg Glyptothek, III, 1942, p. 133.
3. Cf. Symbol., p. 87, n. 3 ; 84, n. i ; Reclus, La survie des ombres, Paris, 1908,
P- 174 8S.
«7
258 LUX PERPETUA
gnaient que celui qui a suivi la route escarpée de la vertu, arrivé au sommet
de la rude montée, pouvait se délasser de ses peines et obtenir le salaire de
son labeur Il prenait part dans la clarté sereine de l'éther au festin dès
.
mystères tout initié parfait devenait un bakkhos et par suite devait partager
le sort de son dieu. L'admission au banquet olympique, qui avait été longtemps
Aux mystères depuis longtemps célébrés dans les cités helléniques ou hellé-
niséeSj etdont l'influence s'étendit sous l'Empiré aUx pays latins, vint s'ajouter
celle des religions orientales., successivement propagées en Occident et qui
ciellement adoptés par le peuple romain. Dès lors la pierre noire, symbole
de la déesse de Pessinonte, fut adorée dans un temple qu'on lui construisit
sur le Palatin. Mais le clergé exotique et équivoque qui le desservait fut soumis
à une étroite surveillance. C'est seulement sous le règne de Claude que les
fêtes de la Magn-a Mater acquirent une soleimité impressionnante ;
et des céré-
monies barbares prirent alors une signification spirituelle qui fit désormais
leur valeur»
des temples
magnifiques la pompe émouvante de sa liturgie, et il compta une
foule de dévots dans le monde grec et latin. Récemment encore on a exploré
sur la pente de l'Aventin des salles oii se réunissait un
collège modeste,
composé de petites gens, qui prouve combien la dévotion égyptisante s'était
répandue dans la plèbe romaine 2.
Un peu plus tard arrivèrent les dieux sémitiques l'Atargâtis, ou « déesse
:
portées en Occident par les marchands, les esclaves, les soldats orientaux. La
plus important pour le sujet qui nous occupe, la plupart avaient pris la forme
de mystères, c'est-à-dire qu'ils prétendaient assurer le salut de leurs fidèles
par des cérémonies occultes, que l'initié s'engageait sous serment à ne pas
révéler^.Le prestige sans égal dont jouissaient les mystères d'Eleusis rend
probable qu'ils aient été imités dans l'organisation de ces nouvelles dévotions.
Une double tradition veut que l'Eumolpide Timothée soit intervenu à l'époque
de Ptolémée, lors de la fondation du culte de Sérapis, et qu'il ait écrit sur
la légende de la Grande Mère, probablement comme interprète des promesses
1. Même dans le culte romanisé de la. Magna mater Servius, Georg., II, 394 « Hynuii
: :
Libero apud Graecos graeca, apud Latinos latina voce dicuntur. Hynmi vero Matris
deum ubique propriam, i. e. graecam, linguam requirunt ».
2. Cf. supra, p. 237, n. i. Voir N. C, XII. ^ ;
CHAPITRE V. — LES MYSTÈRES 261
la parenté spirituelle créée par une initiation remplaçât le lien du sang, qui
unissait jadis les membres d'un clergé héréditaire ou les fidèles d'une même
nation.
Le souvent plus conservateur que la mythologie, et celui des cultes
rituel est
1.
Relig. orient., p. z^z, n. 4.
2. Stèle d' Amibes, p. 13 ss.
3. Relig. orient., p. 53 et 225 ss.
4- Hrm. Mat., De err. -prof, rel., 3. Cf. Rel. orient., p. 46, et supra, p. 45 sur le
»2es violae.
5- Cf. Rel. orient.,
p. 90 ss. et p. 243 ss.. Cette fête était encore célébrée le 3 no-
vembre au temps de Rutilius Namatianus, en
417 ap. J.-C. (I, 375).
262 LUX PERPETUA
célébrées en Egypte dès une époque reculée!. Isis, accablée de douleur, partait
en quête des membres dispersés d'Osiris mis en pièces par Typhon, et le corps,
les divers morceaux retrouvés, était reconstitué et ranimé. Les fidèles s'asso-
ciaient par leurs plaintes désolées aux angoisses de la déesse et par une explo-
sion de joie à son allégresse finale. La vieille coutume de modeler un Osiris
végétant, c'est-à-dire une image formée d'humus et de graines dont la ger-
mination devait favoriser celle des champs, témoigne encore du caractère
agraire de la fête égyptienne^.
L'Adonis ou Tammouz phénicien était aussi un dieu de la végétation, un
« esprit du blé » et ses fêtes, qui se plaçaient au début de l'année sothiaque
marquée par le lever de Sirius et fixée au 19 juillet du calendrier julien-,
aussi vivra ;
aussi vrai qu'Osiris n'est pas anéanti, lui non plus ne sera pas
anéanti » *•. De même, lorsque pendant la veillée où l'on pleurait Attis ou —
i. Cf. Moret, Mystères égyptiens, 2? éd., 11927, p. 3 ss, et Mélanges Capart, p. 316 ss. ;
dont les conclusions sont contestées par le P. de Vawx, R^vue biblique, 1933, XLII,
p. 31 ss.
Jardins d'Adonis
4. Rel. orient., p. 252, n. 23. La ha^te antiquité des croyance
:
Adonis —
étendu sur sa couche funèbre, une lumière était introduite, le prêtre
murmurait lentement « Ayez confiance, le dieu est sauvé
:
pour vous aussi ;
1. Firmicus Maternus, De err. prof, rel., zz, i. Rapports du itôvoç avec l'immortalité,
cf.
Symbol., 425 ss.
2. Graillot, Culte de
Cybèle, Paris, 1912, p. 207.
3. M. A. M. A., V, p. XXXIV ss. p. 175 ss.
;
lible, e^ quand notre âme se retirera, nous nous réfugierons en toi. Ainsi tout
ce que tu accordes retombe en toi. On t'appelle à juste titre Mère des dieux,
toi dont la piété surpasse celle de toutes les divinités. » Il n'est pas douteux
qu'en Asie Mineure la majorité de la population resta toujours' fidèle à la
vieille croyance que les ombres des morts descendaient dans le sein de la
Terre divinisée ^«
Mais dès l'époque des Achéménides, des Mages émigrés de l'Iran, avaient
^
allumé leurs pyrées à côté des temples phrygiens et lydiens le clergé iranien ;
voisina pendant des siècles avec celui des dieux indigènes, et il était inévitable
que les croyances plus avancées des conquérants perses vinssent modifier
celles des cultes autochtones. L'on a pu relever plusieurs indices de ce syn-
crétisme*. L'eschatologie si fortement constituée du mazdéisme, transforma
grande divinité solaire' que l'on conçut comme le créateur et le sauveur des
âmes, ainsi que le voulait l'héliolatrie de l'époque romaine.
Aucun peuple n'a été plus préoccupé que les Égyptiens par le souci d'as-
surer le bonheur de sa vie future. Aucun ne s'est fait construire des tom-
beaux aussi grandioses, ni plus somptueusement décorés ; nulle part la reli-
gion n'a des précautions plus minutieuses pour assurer la survivance
pris
et la félicitédes morts, et la littérature funéraire est ici d'une richesse qui
n'a d'égale en aucim autre pays.
De cette vaste production littéraire du temps des Pharaons, quelle portion
n'était pas périmée sous les Césars ? Quels textes relatifs aux funérailles ou
nous l'avons dit (p. 260), veut que Ptolémée Soter ait consulté un Eumol-
pide d'Eleusis, Timothée, au moment de fonder celui de Sérapis^. L'on
doit toujours se souvenir que le culte ne prit la forme de mystères qu'à
D'autre part nous possédons sur les mystères isiaques tm témoignage élo-
quent de la piété de leurs adeptes. C'est le récit coloré de la triple initiation
à laquelle se soumet Lucius, le héros des Métamorphoses d'Apulée. Mais pour
suggestives que soient ces pages, où se révèle la ferveur ardente des prosé-
lytes de
religion égyptienne, le romancier africain éveille notre curiosité
la
je suis revenu porté à travers tous les éléments. Au milieu de la nuit j'ai vu
le soleilrayonnant d'une blanche lumière, je me suis approché jusqu'en face
des dieux des Enfers et des dieux supérieurs et je les ai adorés de près. Voici
que je t'ai rapporté ce qu'après l'avoir entendu il te faut pourtant ignorer. »
^
Ainsi l'initiation offre le simulacre d'une mort suivie d'un retour à la vie .
Le myste descend dans l'Hadès pour remonter au ciel après s'être purifié en
passant à travers les éléments ^ Il serait vain de rechercher par quelles.
2. Cf. N. C, XII.
3. Apulée, Met., XI, 23.
4. Sur les multiples commentaires de ce texte énigmatique, cf. Relîg. or., p. 245,
n> 106. Ajouter Willy Wittman, Das Isisbuch des A-puleius, 1939.
5- Cf. Apul., Met., XI, 21
;
« Ad
instar voluntariae mortis et precariae salutis ».
6.
Passage à travers les éléments, cf. su-pra, p. 209.
aéé LUX PERPETUA
bénéfice essentiel obtenu dans l'initiation. Car cette vue déifie celui à qui
elle est accordée*', et c'est pourquoi, après avoir dans la liturgie nocturne,
où l'on faisait succéder aux ténèbres tme vive lumière, aperçu le soleil res-
plendissant, le néophyte est devenu lui-même un dieu solaire, dont au sortir
du sanctuaire il revêt la « robe olympique » et porte les insignes pour se
présenter à l'admiration de l'assemblée des fidèles.
L'Egypteest le pays d'oii la dévotion contemplative a pénétré en Europe.
Dans temples, dès l'aube, les images des dieux étaient offertes à l'ado-
les
ration muette des dévots". Car ces statues n'étaient pas de^ froides effigies
de pierre ou de métal. Dès qu'elles avaient été consacrées selon les rites ^,
la divinité était venue les habiter ;
elle s'était incorporée dans leur matière
et l'animait d'une vie mystérieuse, et le fidèle qUi s'absorbait dans leur con-
templation fervente se sentait pénétré d'une « inexprimable volupté » *.
même les prêtres enseignent qu''Osiris ou Sérapis règne sur les morts et
n'est autre que l'Hadès des Grecs. Ses fidèles restent persuadés qu'il habite
les entrailles de la terre ^. Mais un passage de Plutarque^ nous révèle comment
une interprétation platonicienne s'opposait à cette tradition sacerdotale. En
réalité le dieu siège très loin de la terre et n'est souillé par aucun contact
avec ce qui est sujet à la corruption et à la mort. Les âmes, tant qu'elles sont
enfermées dans les corps, n'ont point de commerce avec lui, et l'intelligence
philosophique même ne l'aperçoit que comme dans un rêve indistinct. Mais
lorsque ces -âmes désincarnées se transporteront dans l'Invisible*', le dieu
lui-même deviendra leur guide et leur roi, et, étroitement attachées à lui,
insatiables de sa vue, elles s'éprendront passionnément de sa beauté ineffable
et inconnue des hommes.
Acôté de cette forme mystique d'une immortalité contemplative où des
croyances égyptiennes se combinent avec des idées platoniciennes, une autre
doctrine était conjointement admise, La théologie égyptienne ne s'est jamais
souciée d'établir un accord cohérent entre les notions qu'elle avait admises.
Le principe de contradiction n'existe pas pour elle, et des traditions opposées
y ont subsisté concurremment, sans qu'on se mît en peine de les harmoniser.
Le vague de l'esprit égyptien s'accommodait sans peine de telles divergences.
Ceci est vrai en particulier de l'eschatologie.
Selon le récit d'Apulée, son héros déjà initié à Isis, apprend à Rome
à Osiris, car si les cultes des deux divinités sont associés
qu'il doit l'être aussi
au point de n'en former qu'un, leurs rites diffèrent grandement®. Lucius
voit alors en songe un membre du clergé, vêtu de lin, portant un thyrse, des
rameaux de lierre et des symboles secrets, qui l'invite à préparer un abon-
dant festin religieux. Le lierre et le thyrse caractérisent Dionysos, à qui
•
4. Tô àeiSéï;
= 'AiSr)? cf. supra, p. 208.
J. ApuL, Met., XI, 27.
6. Hérodote, Diodore, I, 11, 23, 25 ; CIG, 4893 ; I. G., XIV, 1366. Cf. Sour-
II, 42 -,
posthumes devait étancher sa soif à une source limpide. Sur les tombes
des fidèles des dieux alexandrins on trouve souvent- gravé le souhait :
*
« qu'Osiris te donne l'eau fraîche »
A l'origine, c'est dans le sein de la terre que le juste devait se réjouir
éternellement avec les bienheureux ^. Mais même
transformation que dans
la
les autres mystères s'opéra dans les croyances des fidèles de Sérapis, sous
l'influence de l'héliolâtrie. Celui-ci devint urf grand dieu cosmique, identifié
à la fois avec Zeus et avec le Soleil, maître du monde, parce qu'il règle
les révolutions du ciel (p. 179) ^ où il fait monter ses serviteurs''. Par
suite, le rafraîchissement {refrigerium) que le dieu accorde à ceux qui l'ont
fidèlement servi se transformera en un festin céleste auquel participeront les
3. Relig. orient., p. 75
et 235, n. 22 ; p. 92 et 244, n. 5 ; cf. Symbol., p. 420, n. 5.
4. Relig. orient., p. 246, notes 112 m,
Is. Lévy, Journal Asiatique,
-,
1927, CXXI,
p. 300 ss. ; Petrarca, Bull, comunale, 1933, LXI, p. 211.
5. Diodore, I, 92. 1
toute sagesse, passait pour être l'auteur ^. On y voit à quel point la philosophie,
une philosophie mal digérée, avait été appelée à nourrir le vieux mysticisme
du clergé indigène.
Ces œuvres n'appartiennent pas à une secte pratiquant un culte, imposant
à ses adeptes des initiations sacramentelles \ mais elles prétendent enseigner
une doctrine ésotérique révélée confidentiellement par un maître à quelques dis-
ciples qu'il en a jugés dignes *. Elles adoptent la forme de leçons orales, telles
que les philosophes en faisaient dans leurs écoles ". Elles ne font pas partie
d'une religion secrète où les actes liturgiques auraient une importante prépon-
jdérante, mais d'un enseignement doctrinal où le livre, transcription de la
parole vivante, est le mode de transmission de la vérité. Elles sont les pro-
duits de mystères littéraires. Toutefois, si l'on considérait ces écrits hermé-
tiques d'un point de vue uniquement philosophique, on ne pourrait leur accorder
qu'une valeur très médiocre. Un éclectisme confus et superficiel y amalgame
sans critique des doctrines hétérogènes. Le dualisme platonicien s'y combine
malaisément avec le panthéisme stoïcien et avec la religiosité du néopytha-
gorisme. Des contradictions choquantes pour notre mentalité y peuvent être
relevées, parfois àpeu de lignes d'intervalle. C'est le défaut de clarté et de
logique habituel de l'esprit égyptien (p. 428). Mais ces œuvres abstruses'
s'imposenc à notre attention par la ferveur religieuse qui les anime. Elles ne
prêchent pas une philosophie, mais une théologie ; leur but. essentiel est d'as-
surer le salut par la science. Si elles prétendent inculquer une gnose, c'est
que connaître Dieu est le moyen de s'unir à lui s. L'âme humaine ou du moins
la raison est une parcelle détachée du Nous divin, et qui aspire à le rejoindre.
I.
Relîg. orient., p. g/[ ; Symbol., p. 387.
a.
Joseph Kroll, Die Lehren des Hermès Xlrismegistos, Munster, 1894 ; ^. Kroll, R,
E., s. V. « Hermès Trism. » ; et surtout Festugière, Hermès, I, 1944.
3. Festiigièrej op. cit., 1, p. 82 ss.
4. Sur cet ésotérisme, qui s'étend à toute la littérature occulte, cf. Eg. des Astrol.,
P- 152 ss.; Mages H, pp. 315, n.
hellén., 8 ; 316, n. i ss.
5- Festugière, R. E. G., 1942, LV, p. yy ss.
6 Poimandrès, X, 15, cf. IX, 4.
270 LUX PERPETUA
Mais elle est enfermée dans" un corps qui la corrompt et la souille, et la faiblesse
de nos organes limite notre perception de la divinité. Les purs, les parfaits
les religieux {religiosi), qui forment une élite restreinte, peuvent seuls
(TiiXtioi)
échapper à cette restriction spirituelle, et ils s'affranchissent en même temps de
l'esclavage où le Destin, déterminé par les astres, maintient le reste des hommss.
Après leur mort ces âmes pieuses retourneront à la source céleste dont elles
sont issues. s'élèveront victorieusement à travers les airs peuplés de
Elles
démons, uns bienveillants, les autres hostiles. Les impies y sont livrés
les
à la vindicte des esprits vengeurs, ou secoués sans trêve par les tourbillons
des éléments *. Seuls, les Élus qui l'ont mérité par leur piété, parviennent
aux sphères étoilées et, se dépouillant, comme de vêtements, de leurs passions,
ils iront, essences ignées, se réposer dans la clarté de l'éther (p. 146). Telles
sont, dessinés à gros traits, les thèmes que développe l'hermétisme, non sans
variations, même
sur des points capitaux. Nulle part dans la littérature ancienne
l'alliance d'une philosophie triviale avec une théologie traditionnelle n'apparaît
plus crûment.
De l'Egypte, passons enfin aux peuples sémitiques et iraniens. Dans la
prit la forme des mystères helléniques, mais avec une hiérarchie de sept
(p. 249),
Pour être moins apparente que celle de l'hellénisme, la part que prit Rome
à la constitution définitive du mithraïsme n'en fut pas moins considérable.
Le seul fait que celui-ci devint par excellence une religion militaire, dont
les
temples se retrouvent sur toutes les frontières, nous révèle à la fois une
des raisons de sa puissance et un des traits distinctifs de son caractère. Mais
les découvertes de
spelaea du dieu perse se sont multipliées aussi au cœur
de l'empire, dans la ville de Rome et à Ostie. D'autre
part les fouilles entre-
prises en Europe et en Asie ont montré que ce culte pratiqué par les soldats
était partout en Orient et en Occident semblable à lui-même. Or une
religion
largement adoptée par l'armée n'a pu l'être sans la tolérance, mais aussi la
I.
Relig. or., p. 132 ss.; Mages hell., I, p. i ss.
Z. C.-R. Acaâ, Inscr.) 1945, p. 416 ss.
3. Mages hell.y I, pp. 32 ss., 9a ss.
272 LUX PERPETUA
impériale, il dut en revanche être soumis à ime censure, qui élimina d'im culte
foncièrement barbare tout ce qui pouvait sembler immoral ou subversif.
Il est impossible de reconnaître aujourd'hui quels changements furent opérés
dans les mystères persiques devenus romains nous sommes trop mal informés
:
de leur rituel et de leur doctrine. Nous savons seulement que l'acte essentiel
de la liturgie était un repas sacré où les participants ( p.£Téj(^ov'i:eç) recevaient
des serviteurs (ùuiqpe'vOuvteç) le pain et le vin dont l'absorption devait
leur conférer la force et la sagesse en cette vie, et dans l'autre une immortalité
glorieuse ^.
Cette immortalité céleste est un dogme cardinal du mithraïsme syncrétique
répandu en Occident, comme du zoroastrisme orthodoxe de l'Iran ; mais la
conception qu'on s'en faisait avait été modifiée par l'astrolâtrie babylonienne.
Une échelle symbolique formée de sept portes superposées surmontées d'une
huitième y représentait l'ascension de l'âme à travers les sphères planétaires ,
jusqu'au ciel des fixes. Mais les théologiens enseignaient aussi que le soleil,
régulateur intelligent des phénomènes cosmiques, était aussi le créateur de la
raison humaine, qui remontait vers son auteur après s'être libérée de son corps \
Un syncrétisme religieux analogue caractérise la religion composite de la
Commagène, telle qu'elle se révèle dans les inscriptions et les sculptures du
roi Antiochus (69, 34 av. J.-C), qui descendait à la fois de Darius et des
Séleucides *. Ici aussi le culte perse se combine avec la pratique de l'astrologie,
et pareillement la langue grecque s'est substituée aux idiomes indigènes. Si
les prêtres doivent continuer à porter les vêtements sacerdotaux des Perses,
l'hellénisme a identifié les dieux avestiques avec les Olympiens. Fait essentiel, ,
abandonne le corps, si elle est aimée des dieux, s'élève « vers les trônes célestes
de Zeus-Oromasdès » (Ahoura-Mazda). La religion pratiquée dans ce petit
1. Cf. sur ce po'mt C.-R. Acad. Inscr., 1945, p. 419 et, à propos du bas relief de
Bàris, ibid., 25 avril 1947.
2. M. M. M.,I, p. 320 ss. ; R. A., 1946, XXV, p. 184 ss.
royaume devait plus tard être répandue par les fidèles de Jupiter Dolichénus
confins occidentaux de l'Empire/.
jusqu'aux
Nous sommes très mal informés des doctrines théologiques admises en Syrie
dans ces grands sanctuaires où un clergé instruit méditait et dissertait sur la
nature des puissances divines et la signification de pratiques, parfois impu-
diques et cruelles, héritées de lointains aïeux 2. Même pour Hiérapolis l'opus-
cule très superficiel de Lucien nous rapporte seulement ce que pouvait observer
ou apprendre un touriste curieux et sceptique, qui ne s'inquiétait guère de
spéculations religieuses ^ Nous connaissons l'existence de mystèresi syriens*,
mais nous ignorons presque entièrement quelle sagesse supérieure on prétendait
y communiquer aux initiés. Le paganisme sémitique, comme celui de l'Asie
Mineure, subit successivement l'influence de l'astrolâtrie babylonienne, du
mazdéisme ides conquérants perses, et du polythéisme hellénique. Mais la civi-
lisation de l'empire séleucide nous sont si mal connues que
et la littérature
nous distinguons avec peine les courants spirituels qui, dès l'époque alexandrine,
s'y rencontrèrent et s'y confondirent. Toutefois il est certain que les rapports
nères, s'étendaient de part et d'autre d'une frontière que n'avait pas marquée
la nature, et elles continuèrent toujours à se sentir unies malgré leur séparation
igné qui nous anime remontait au ciel pour y vivre au milieu des étoilesj
divines. Cette immortalité astrale, nous l'avons vu (p. 147), peut êtr« conçue
sous diverses formes, elle peut être luni-solaire, planétaire, stellaire. Mais
toujours règne que l'idée les âmes pieuses échappent à l'oppression d'une
nécessitédéterminée par les révolutions du ciel, participent à l'éternité des
dieux sidéraux auxquels elles sont égalées.
Un recueil de vers, les « Oracles chaldaïques » (Aoyia j^aXSaixà), est pour
qu'il fut propagé par les cultes iraniens et sémitiques, on sera frappé de sa
similitude avec les doctrines enseignées
déjà dans la Grèce ancienne par le
pythagorisme. Ce n'est point là une rencontre fortuite. L'idée que les âmes
sont parentes du feu céleste, en descendent à la naissance et y remontent après
la mort, fut selon toute probabilité, nous l'avons montré précédemment (p. 144),
l'astrologie. Mais
réagirent à leur tour sur les mystères orientaux quand
ils
SURVIVANCES MYTHOLOGIQUES
Le voyage vers l'au-delà.
airs, nous avons montré (p, 148) comment les penseurs avaient mis l'as-
cension de l'esprit des morts en relation avec la constitution physique de
l'univers. Les rayons du soleil, enseignaient-ils, étaient doués d'un pouvoir
alternatif de répulsion et d'attraction, qui faisait mouvoir les planètes, et qui
projetait à la naissance les âmes vers la terre et les ramenait, après la mort,
vers l'astre qui était « la raison du monde » (p, 179). Ou bien, selon
une autre doctrine, l'âme, souffle igné, s'élevait en vertu de sa légèreté à
travers l'air dense &t humide qui avoisine notre terre, pourvu qu'elle ne fût
pas alourdie par son contact avec le corps, et encrassée par sa sensualité. Si
elle était appesantie
par fange de passions sordides, elle se traînait dans
la
cet air épais et lourd, privée de la clarté d'en haut dans les Enfers brumeux
de l'atmosphère inférieur (p. 185). Ces théories établissaient une connexion
entre la destinée future de l'homme et l'ordre général de la nature ; l'eschato-
logie s'insérait dans une cosmologie savante.
Mais à côté de ces imaginations hardies d'esprits spéculatifs, qui embras-
saient à la fois dans une vaste synthèse le sort des défunts et toute l'économie
du cosmos, de très anciennes idées d"une mythologie naïve n'avaient pas cessé
d'avoir cours. Elles continuaient à alimenter la dévotion des foules, à inspirer
des rites funéraires, et à fournir à l'art, en peine de figurer le voyage pos-
thum-; d'un eldôlon vaporeux, des motifs traditionnels, parfois indéfiniment
reproduits" par le pinceau et le ciseau jusqu''à la fin de la civilisation païenne,
Dès que s''af f irma la foi en un séjour souterrain où se rassemblaient les
ombres détachées du cadavre et séparées du tombeau, naquit aussi l'idée d'un
périlleux voyage que le défunt devait accomplir pour gagner cette demeure
lointaine 1. On sait quelles prescriptions minutieuses contient en Egypte le
Lim\e des Morts, pour permettre à ceux-ci de se rendre en toute sûreté aux
Champs d'Aalou^, Ces textes écrits à l'intérieur des cercueils ou plus tard
1. La
croyance à une longue route que doivent parcourir les défunts est commune
à beaucoup de peuples non-civilisés; cf. Dieterich, Mithrasliturgie^, 1943, p. 181 ss..
On la trouve dans le Nouveau comme dans l'Ancien Monde. Ainsi les Indiens Mojave
de Californie croient que les trépassés doivent trouver leur chemin à travers un laby-
rinthe compliqué à la recherche de giboyeux terrains de chasse, que seules les âmes
des justes peuvent atteindre, tandis que les méchants errent péniblement et intermina-
blement. Cf. John P. Harrington, Z^he mystic maze of the Mojave Indians (Publ. an
bureau d'ethnologie), Washington.
2. Livre des Morts bibliographie dans Hastings, Enc, VIII, p. 96
:
; Sethe, Die "Co-
tenliteratur der Aegypter {S.A.B., 1931, p. 520 ss.). Survivance en Abyssinie, bande-
lette avec formules pour trouver le chemin du ciel :
Journal asiatique, 1928, p. 99-
CHAPITRE VI. ~ SURVIVANCES MYTHOLOGIQUES 277
sur un rouleau de papyrus qui y était: déposé, étaient censés être lus par le
des bêtes féroces, que représentent les vignettes de l'Illustration, et lui assurer
toutes les jouissances que l'Égyptien pouvait attendre d'une vie indéfiniment
prolongée.
Les lamelles d'or orphico-pythagoriciennes découvertes dans les tombeaux
du Midi de et qui datent du iv^ ou iiie siècle avant notre ère, nous
l'Italie,
ont pareillement conservé des vers d"un guide des défunts dans l'au-delà.
« Tu trouveras à gauche de
^
Citons le plus caractéristique de ces morceaux :
un phylactère —
devaient T'empêcher de s'égarer sur la route des Champs
Élysées, et lui permettre d'accomplir exactement tous les actes nécessaires à son
salut. C'était une sorte de liturgie d'outre-tombe, qui devait assurer au myste
I. Sur ces
lamelles, cf. su-pra, ch. V, p. 248. Les vers traduits sont ceux de la tablette
de Petilia
(Harrison-Murray, Prolegomena, Cambridge, 1903, p. 601 ss. ; IG, XIV,
038 ; Diels, l/orsokr., II, 66, n. 17 (113, p. 17^).
z. Libri Acheruntici cf. supra, en. I, pp. 9, 60, et 61.
;
sur le chemin des plaisirs décevants, l'autre réussit à l'engager sur celui des
labeurs austères, qui m'ènent à la vraie félicité. Cette même opposition, lieu
commun qui se transmet à travers toute la littérature gréco-latine^ inspira aux
Pythagoriciens le symbolisme de la lettre Yj formée d'Une haste verticale que
surmontent deux branches divergentes *. La haste figure la voie commune à
tous les hommes avant qu'à seize ans ils aient atteint l'âge de la raison et
gia etrusca {Rendiconti Ace. Lîncei, 1915, p. 529)- Cf. Storia delV arte Etrusca, i()VJi
index, p. 578.
3. Chemin des morts dans les Enfers, cf. supra, ch. I, p. 68.
4. Hésiode, O. et D., 287 ss.
impose d'abord de dures fatigues (tuovoi)^ majs quand ceux qui la gravissent
parviennent
au sommet, ils obtiennent un repos bien mérité. L'autre branche
au contraire est égale et douce, mais elle conduit à d'âpres rochers et aboutit
qui est désignée comme étant la Vertu ('ApeTY)); au-dessus, un laboureur con-
duisant sa charrue personnifie le travail ardu et persévérant de l'homme
vertueux plut haut encore, celui-ci est étendu sur une couche, comme le
;
1. Pascal, I, p. 115.
Publié par J. Keil et A. von Premerstein {Ersle) Reîse in Lydien (dans Denkschr.
2.
Akad. Wien, 1910, LUI, p. 34, n. ^^^ fig. 28) ; reproduit par Brinkmann, l. c. et Sym-
bol., pi. XLin, 3. Nous l'avons mentionné plus haut, ch. III, p. 153.
3. Sur cette division des Enfers, cf. Dieterich, Jslekyia, p, 191 ss. et sufra, ch. I, p. 68.
4. Cf. infra, ch. VII, p. 321.
S- Platon, Gorgias, 524 a; cf. Proclus, /;? Remp., I, p. 85 et II, p. ^132 ss., Kroli ;
Olympiod., In Phaed., p. 192, 21, Norvin.
28o LUX PERPETUA
des âmes. Ils envoient à droite celles qui par leurs miérites se sont rendues
dignes de pénétrer dans les Champs Elysées, ils chassent sur le chemin de
gauche les mécha;nts qui doivent être plongés dans le Tartare, car dans l'un et
l'autre
monde^ pour les Pythagoriciens «.droite » est synonyme de bon et
«I gauche
» de mauvais. Platon a exécuté des variations sur ce thème qu'il leur
emprunte 1, et ce sont eux encore qui ont transmis à Virgile ce motif tradi-
tionnel 2.
routes^ dit Cicéron, deux courses des âmes qui sortent des corps, car celles
qui sont co'ntaminées par les vices des hommes et se sont abandonnées aux
passions suivent un chemin détourné qui les exclut de l'assemblée des dieux.
Mais pour celles qui au contraire ont conservé leur innocence et leur pureté,
et qui dans un corps humain oïit imité la vie divine^ s-'^ouvre un accès aisé
auprès de ceux-ci^ afin qu'elles retournent là d'où elles sont parties » '*.
On prétendit même fixer avec précision l'itinéraire que les esprits des
morts devaient suivre pour gagner la cime du monde. La Voie lactée*, pri-
mitivement regardée comme la chaussée pavée d'étoiles par laquelle les
dieux montaient au palais de Zeus, devint le chemin qui conduisait les héros
défunts de le terre au zénith. Héraclide Pon tique paraît avoir le premier
1. Plat., Re-publ. 614 c cf. AristxDte, fr. 195 (p. 13 13 a 24). Deux ou trois routes des
ombres, Rohde, Psyché, II, p. 220
cf.
;
=
tr. fr., p. 444, n. 3 ; Ch. Picard, R. A., 1940,
XVI, p. 59 et 1945, XXIII, p. 154 Symbol., p. 427, fig. 85.
;
2. Virg., En., VI, 540 ss. avec les notes de Norden. Sur Virgile, c£. swpra, p. 68.
;
supra, ch. III, p. 174 ; Relig. or., p. 301, n. 28; Mages hell., I, p. 81 ss.; Boyancé, Songe,
p. 133 ss.
CHAPITRE' VI. — SURVIVANCES MYTHOLOGIQUES 281
soutenu que les âmes parvenaient par cette route à la haute demeure des
bienheureux ^, et il en accrédita si bien l'opinion qu'elle se maintint jusqu'à
l'époque chrétienne. Paulin de Noie croit encore qu'Élie sur son char et
Hénoch, enlevé vivant, ont pour atteindre le Paradis "\ D'autres
utilisé cette piste
Après avoir été populaire dans la société antique ^, l'image des deux chemins
dpposés du bien et du mal devait se transmettre aux écrivaiins ecclésiastiques.
Ils la reçurent du judaïsme hellénisé ", qui lui-même l'avait empruntée aux
moralistes païens. Elle apparaît dans les plus anciennes œuvrps de la litté-
rature chrétienne, la DMachè des Apôtres et VÊpître de Barnabe. La voie
du bien devient pour eux celle de la vie ou de la lumière, la route du mal,
celle de la mort ou des ténèbres. A l'une sont préposés des anges resplen-
dissants de Dieu, sur l'autre régnent les démons de Satan '. Les auteurs pos-
térieurs usent souvent de ces métaphores introduites dans le langage de
Quand la croyance à xip voyage aux Enfers souterrains se fut aihsi trans-
formée en l'idée d'une traversée vers le ciel, comment s'expliqua-t-on que les
morts eussent le pouvoir de gagner la zone supérieure du monde ? Pour s'y
transférer ou y être transportés, à quel moyen eurent-ils recours ? Nous l'avons
vu (p. 277), selon les Étrusques on pouvait effectuer la longue course
vers l'Hadès souterrain à pifed, à cheval ou en voiture. Pour l'ascensiion vers
3. Norden, p. vj. Cf. Plut., He deo Socr.,'2Z, p. 591 a-c ; Favonius Eulogius, p. 14, 5,
Holder.
4. Sénèque, A-pocol., I, 2.
5. Festugière, Idéal religieux des Grecs, 1932, p. 81, n. 9 ; Symbol., p. 424, n. i.
6. Noter Sap. Sirach (= Eccli.), 21, 11.
7' Cf. Symbol., p. 424.
Apost., VII, 2, avec les notes de Funck ; Prudence, Cathem., X, go ;
8. Constit.
1434 ; Courcelles, R. E. A., 1944, XL VI, p. 66ss.. Nombreux textes chrétiens avec
C. E.
leur filiation C. Taylor, Journal of Philology, 1893, XXI, p. 243 ss.
-,
pasteur
chenu trayant ses brebis pour des milliers d'Élus vêtus de blanc'. Le
symbolisme du moyen âge continua à regarder l'échelle comme une garantie
du salut qui conduira les justes au ciel, et l'art byzantin représenta cette échelle
allégorique avec un curieux réalisme ^. Le moine Jean Climaque, qui vivait au
VP siècle, doit son nom à im ouvrage où, s'inspirant du songe de Jacob, il
traite des trente échelons, vices à fuir, vertus à pratiquer, par lesquels le
chrétien peut parvenir au séjour des Élus, et les riianuscrits illustrés de cet écrit
ascétique nous montrent les moines grimpant à l'échelle mystique un ange:
que d'autres, arrachés à mi-hauteur par des démons ailés, sont précipités dans
la gueule ouverte d'un dragon, qui représente l'Enfer '. D'autre part, dès l'an-
tiquité cet emblème de salvation fut adopté comme phylactère par la magie,
*
qui le conserva à travers les siècles et aujourd'hui encore une petite échelle
Barque.
—
La croyance que les trépassés voguent à travers la mer vers une
terre reculée où ils vivront désormais, est commune à beaucoup de peuples dans
les cinq parties du monde s. En Babylonie, pour aider les morts à accomplir
leur longue course vers l'Occident, où le soleil se couche, afin de pénétrer avec
lui dans les régions infernales, on leur donne une barque, des mets, des boissons,
des dieux dans la harque de Râ, de même que les divinités traversaient les
I. Pio Franchi, La -passio Perfet. et Felic, 1896, p. iio. Echelle à l'époque chrétienne;
cf. Cabrol, s. v. « Echelle du ciel ».
a. Perdrizet, La Vierge de miséricorde, Paris, 1908, p. 208 ss.
3. Charles Morey, East-christian faintings in the Freer collection, New- York, 1914,
t>. 17 ss.
Insein der Seligen {A. Relgw., 1928, XXV), p. 245 ss.. Vaisseau sur un
sarcophage de
Sidon Contenau, Syria, 1920, I, p. 35 ss.. M. Fernand Benoît a rassemblé une abon-
:
dante documentation sur les barques représentées sur les monuments funéraires dans
les Mémoires de l'Institut d'histoire
provençale, 1946, XXI, pp. 59-75.
6.
Thureau-Dangin, Revue d'assyriol., 1921, XVIII, p. 184 ss.
7- Erman, Aegypt. Religion, p. 93 ss., p. 130 Paribeni, Monumenti antichi dei Lin'
;
eschatologique ne paraît pas avoir passé dans les mystères d'Isis en Occident,
mais en Orient elle se conserva dans le manichéisme. La lune était pour lui
un bateau qui, tous les mois, se chargeait d'âmes lumineuses qu'elle transbor-
dait ensuite sur le grand navire du soleil'. En Grèce, la conception des îles
des Bienheureux aux confins de la terre, où étaient
situées par delà l'Océan,
transportés des mortels favorisés des dieux pour mener une existence exempte
de soucis et de labeurs, est antérieure à la colonisation des Hellènes. Elle
appartient à l'époque minoënne^, et le célèbre sarcophage d'Haghia Triada,
peint pour un mort divinisé par une apothéose, nous montre un sacrificateur
offrant l'esquif à l'aide duquel s'opère le passage vers la terre marine des
héros ^ Née ou développée en Crète sous l'influence de l'Egypte, adoptée par
les Grecs, introduite dans l'Odyssée, cette idée ne devait plus être effacée du
credo de la religion hellénique que les morts dussent naviguer vers les îles
:
notamment en Italie ^.
Ce mode de locomotion posthume, admis depuis les âges les plus reculés,
ne disparut pas; de l'imagination des croyants lorsque le séjour des Élus fut
transféré au ciel et que les Pythagoriciens voulurent reconnaître dans le soleil
et la lune les îles des Bienheureux baignées par les flots de l'éther ". Des bar-
conduisant des nacelles '. Mais la traversée que les âmes doivent accomplir
dans la barque du salut est désormais celle de l'atmosphère, et c'est dans
les cieux qu'elles atteindront le port où elles trouveront un mouillage tran-
5. Usener, of. cit., p. 218; Paribeni, /. c, p. 126; cf. Macchiono, p. 69 [61] ss..
Pagenstecher, Votenschiffe in a-pulischen Grâhern (Symbolae in honorem J. De Petra),
Naples, 191 1, p. 62 ss.. Chez les Celtes, cf. H. Hubert, Les Celtes, t. II, p. 298.
6. Cf. Symbol., p. 183, n. 2 et swpra, p. 146, n. 5.
quille '. Une des particularités de l'art funéraire des Romains conforme
à leur esprit concret, est qu'il use de représentations empruntées à la réalité
pour exprimer des idées allégoriques '^. C'est ainsi qu'un sarcophage d'Ostie
RAW5'VnA/^FVNCTA-£5T
RAWS-yiJA/î
ET-
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*^ MOCEKTS
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M-AKr-î3ASltDE5'FRVM- LEG-X-GEM"
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STERBMEVI
Fig. 6.
— Barque portant une morte bienheureuse (Itala felix).
qui représente le port de Trajan avec son télèbre phare, paraît devoir s'appli-
quer à la navigation des âmes, qui, après avoir été ballotées sur les flots de
1.
Symbol., p. 169 auquel est empruntée notre fig. 6. Les textes qui expriment cette
idée abondent ;
cf. p. ex. le papyrus de Favorin, rispî cpuY-îj;, col. 25, 1. 20 ; Hermès
Trism., VII, i Sénèque, Consol. ad Polyb., VII, 6. Cf. supra, p. 169.
;
2. Cf.
Symbol.^ pp. 348 ss., 460.
a86 LUX PERPETUA
Cétacés bienfaisants qui avaient sauvé Arion, Taras et d'autres héros mytho-
logiques et qu'on voyait s'ébattre joyeusement sur une mer paisible les jours
de borace, ils peuvent être devenus les emblèmes d'une navigation propice
vers le pays des morts ', même si ces sauveurs aquatiques n'ont pas transporté
sur leur dos les défunts dans l'autre monde ®,
Cheval. — L'art funéraire des Étrusques, nous l'avons vu (p. 277), figure
souvent un cavalier d'outre-tombe sur la route conduisant aux Enfers. Des
croyances qui remontent à l'âge préhistorique et se sont perpétuées jusque
1. Guido Calza, La necrofoU del Porto, p. 203, fîg., 107, p. i6g. Cf. Am. ]. A.,
1944, XLVIII, p. 214.
2. Piper, Mythol. der christl. Kunst, I, p. 218 ss. ; Cabrol, Dict., s. v. « Lampes »,
t. VIII, p. 1212 ; Campbell Bomier, Xlhe shif of the soûl (dans les Proceedings of the
amer, -phîloso-phical Society, 1941, LXXXV, pp. 84-91. Cf. Am. J. A., 1942, XLVI, p. 269.
ss.. Ch. Picard, R. H. Rel., 1931, CIII, p. i ss.
3. Symbol., p. 166, p. 306
4. Rumpf, Die antiken Sarko-phagreliefs, V, i, Berlin, 1939 {Die Meerwesen)
refuse
d'admettre cette interprétation symbolique des Néréides pour en revenir à l'id-ée d'un
motif purement décoratif (p. 31 ss.), mais ses arguments ne m'ont pas convaincu. Cf.
aussi Nock, Am. J. A., 1946, p. 167 ss. — Sur les Iles des bienheureux, cf. à propos du
poète Philiscos, Wilamowitz S. A. B., 1912, p. 547.
5 Raoul Rochette, Deuxième mémoire Acad. Inscrift., t. XIII, p. 230 ; Cabrol, Dict.,
.
nation est analogue à celle des nacelles mortuaires mises au jour ailleurs. Dans
une tombe de Pergame, l'on a même pris soin de 'déposer les éperons à côté
du cheval '.
Mais comment continuer à ajouter foi à une chevauchée posthume, si les
1. Das Pferd im Votenglauben (J. A. I., 1914, XXIX, pp. 179-255) ; Ducati,
L. Malten,
Osserv. suîlademonologia etrusca {Rendic. Ac. Lincei), 1915, p. 515 s.. Comparaison du
mort avec un cheval rapide, encore dans un oracle d'Apollonius chez Philostrate, V. A.,
VIII, 31.
_
N. C. XXL
2.
Schrader-Nehring, I, s. v. « Bestatungs Beigaben » cf. supra, ch. I, p. 30; infra, N. C. II.
;
Artémidore, I, 56.
3.
4. Symbol., p. 439 ss., cf. Frazer, Adonis, Attis, Osiris, p. 246 ss.
5- 11.
XXIII, 170 Rohde, tr. fr., p. 12 ss.. Même coutume chez les Scythes, Héro-
;
dote, IV, 71 ss. cf. Minns, Scythians and Greeks, 222 ss.
; 1913, pp. 87 ss. 165 ss. ; ;
6
Pline, Efist., IV, 2, 23 ; cf. Saglio-Pottier, s. v. « Venatio », p. 688 ; Symbol.,
PP- 405, 439-
7- Lucien, De luctu, 14 ; cf. Cataplus, 21 ;
C. E., 218 [Lethen incolis) ; Galletier,
P- 330 ss.
8.
Malten, c, p. 222, n. i j Samter, Geburt, Hochzeit und 'Cod, p. .206, n. 5.
/.
âmes doivent s'élever dans les airs ? Pour que l'équitation puisse conduire au
ciel, faut que le coursier soit pourvu de robustes ailes. Dès le me siècle
il
phères célestes *. Il n'est donc pas douteux que Pégase fût regardé comme
le psychopompe agile, qui, dans un vol audacieux, soulevait jusqu'à la hauteur
des voûtes étoilées les mortels privilégiés qui avaient obtenu d'y résider à
jamais. La mythologie consacrait Pégase au soleil et c'était vers cet astre qu'il
ramenait les âmes auxquelles celui-ci avait donné la vie et qu'il rappelait à lui ^
C'est pourquoi ce Pégase sauveur a été représenté seul, même sans cavalier^
comme un symbole d'immortalité. Il en est déjà ainsi sur l'hydrie d'Alexandrie.
A Rome, dans l'hypogée des Nasoni^, un Pégase occupe un médaillon dessiné
au sommer de la voûte, à la place la plus appropriée aux images symboliques,
rappelant l'ascension vers les cieux '.
Dans une des tombes de la voie Latine, un médaillon de stuc décore de
même le centre de la voûte ; mais la place de Pégase y est prise par un autre
I. 'Pégase et l'apothéose dans Bull. soc. archéol. Alexandrie, 1924, XX, p. 193. Sarc
avec cheval ailé : Notizie Scavi, 1886, p. 24 = CIL, VI, 2015a.
a. Babelon, Camées de la Bibl. Nat., 1897, P^- XXVIII, p. 122. Furtwângler, Ântike
Gemmen, pi. 60.
3. Cohen, 112, p. 39^^ n° 1185.
4. Haverfield, Archaeol. Aeliana, 1909, p. 7; cf. nos Et. syr., p. 92, fig. 41.
5. Et. syr., p.
—
94 ss.. Cf. supra, ch. III, p. 180. Infra, N. C. XXI.
6. Bartoli (éd. de 1706), pi. 2 ; Montfaucon, Ant. expL, Y, p. 52, pi. 7. Cf. Mi-
chaelis, J. A. I., 1910, XXV, p. 108, Beil. 2. Rapprocher la légende musulmane de l'as-
cension de Mahomet emporté par Borak :
Blochet, R. H. Rel., 1899, XL, pp. 203
ss.
n'est peut-être là qu'une interprétation tardive, car une relation était établie
Chur. —
L'idée d'un trajet accompli dans un véhicule a évolué parallèlement
à celle de la chevauchée. Comme on enterrait ou incinérait avec un puissant
Mais tout d'abord ce même char, ainsi que le cheval, devaient conduire
le défunt jusqu'au royaume de Pluton\ De nobles personnages habitués à
rouler carrosse, ne pouvaient déchoir en faisant ce long trajet en un plus
modeste appareil. L'interprétation des représentations sépidcrales qui y voit un
I.
Petersen, Ann. Istit., 1860, p. 348 ss. ; Monutn., VI, pi. 43-44 5 cf. Altmann,
P- 225 ss. ; nos Et. syr., p. 94, fig. 42.
Ombre voilée Symbol., p. 102 p. 322, n. 3 ; De Ruyt, p. 19, n° 42.
a. :
;
3. Et. syr., l. c.
4. Monum. antichi Ace. Lincei, 1903, XIX, p. 59 j cf. Et. syr., p. 95, n. 2.
Paribeni,
A. Grenier, Les Gaulois, 1945, p. 86 ; cf., p. 84.
5.
6.
Virg., En., VI, 656 « Quae gratia currum / armorumque fuit vivis, quae cura
:
nitentes / pascere
equos eadem sequitur tellure repostos ».
7- Hérodote, VII,
103.
Benndorf, Das Herdon von Giôlbaschi, Vienne, 1899, p- 31.
8. Cf. i
|
«9
290 LUX PERPETUA
voyage vers l'Hadès, est certaine pour les monuments Étrusques, où le véhicule
qui transporte le mort est accompagné de démons infernaux*. Les cippes
romains, fréquents dans la haute Italie, qui reproduisent le vieux motif étrusque,
n'ont point d'autre signification*. De même, lorsqu'on place dans les tombes
près du cadavre des réductions de chars en terre cuite, c'est certainement dans
l'intention de faciliter ainsi au défunt ses courses posthumes ', comme lorsqu'on
y dépose une petite barque on entend lui procurer une traversée rapide.
^Toutefois aux antiques croyances qui s'attachaient à un rite ancestral
s'étaient mêlées, en certaines régions, des idées mystiques encore mal élucidées.
Kazanlik en Thrace avec représentation d'un quadrige Am. ]. A., i945> XLIX, p. 402 ss.
:
246 b.
c'est ainsi que dans la Catacombe de Sabazius à Rome se voit une simple
mortelle ravie par le dieu chthonien'. Enfin l'attelage ailé réapparaît encore
sur le plus ancien monument romain de l'apothéose d'un divus^.
L'on a expliqué les ailes dont sont munis ces animaux mythiques, ainsi repro-
duits à travers les siècles par l'art funéraire, comme symbolisant la rapidité
de leur course 6, et il se peut que parfois on leur ait donné ce sens terre à
terre. Mais dès l'époque préhellénique il est probable que l'artiste a voulu
exprimer ainsi l'idée d'une apothéose qui devait élever jusqu'au séjour des dieux
célestes un mort divinisé \ L'intention de figurer le transfert du défunt au ciel
apparaît clairement sur ime stèle de Felsina où Phosphores, l'étoile qui précède
le lever du soleil, indique à l'aurige la direction à suivre'', et aussi sur \me
ume cinéraire de Volterra où, sous les pieds des chevaux lancés au galop, est
couché un monstre marin
^, motif souvent reproduit pour indiquer que le char
comme un cheval solaire (p. 288), le char des morts fut identifié avec le
quadrige d'Hélios. L'idée que l'aurige divin conduit un attelage à travers les
champs du ciel existait depuis une époque très reculée en Babylonie et en
.
Syrie, aussi bien qu'en Perse et en Grèce et elle est sans doute le développe-
p. 147 et pi. XV; Ducati, Renâic. Accaâ. Lînceî, 1915, p. 518 ss. ; Storia del arte
etrusca, 1927, p. 278 ss. ReinacH, R. R., II, p. 206, 1-8.
;
1.
Ducati, Le -piètre funerarîe felsinee (Monum antichi. Lincei, XX), 191 1, p. 523 ss. ;
A.
Greniei-, Bologne villanovienne et étrusque, 1912, p. 429, fig. 412 ; p. 154, fig. 150;
De Ruyt. of. cit.
2.
Quagliati, Ausonia, 1909, III, pp. 136 ss. ; 152 ss. ; cf. Malten, A dif.,p. 230 s., fig. 22.
3. Symbol., p. 102.
4. Cf. infra, p. 292.
5. Ducati, /.
c, p. 691.
6. A Haghia Triada, cf. Paribeni, op. cit. [p. 289, n. 4], Cf. Symbol., p. 27, fig. i,
Pl- 174 et pi. XVI.
7- De Ruyt, p. 125, n. 148, fig. 54.
— Phosphoros devant le char de l'apothéose, cf.
Symbol., p. 338, note i ; Et. syr., p. 87, n. 4 ; et infra, p. 296.
8. De Ruyt, p. 70, n. 75, fig. 33.
Cf. M. M. M.y I,
9- p. 177 ss.
29 i LUX PERPETUA
ment de cette croyance très répandue chez les peuples primitifs que le
disque
radieux qui se meut chaque jour de l'Orient à l'Occident, est une roue courant
sur le firmament
'
que ce dieu, sa mission terrestre accomplie, avait été emporté par le Soleil,
son allié; vers les sphères célestes, par-dessus l'océan et le sort triomphal qu'il ;
faisant place au souverain sur son quadrige, resta un article de foi jusqu'à la
fin du paganisme. Un panég^'^riste de Constantin assure que, son père Constance,
qui mourut à York aux confins occidentaux du monde, avait partagé la course
nocturne de l'astre du jour pour remonter avec lui de l'Orient au zénith ",
et un oracle rendu à Julien l'Apostat lui prédisait qu'après avoir vaincu les
Perses il serait conduit vers l'Olympe sur un char flamboyant, secoué dans
les tourbillons de l'orage, pour atteindre le palais de son père dans la lumière
éthérée '. Julien se regardait en effet comme le fils spirituel du Soleil qu'il
espérait aller rejoindre*.
Symbol., p. 97.
5. Komemann, Klio, VII, p. 278 ss. ;
Éi. syr., p. 98, n. 3.
é. Paneg. Yl (Maxim, et Const.), 14 (p. i6q Bâhrens).
7. Eunape, Hist., fr. 26 (F. H. G., IV, p. 25).
8. Cf. infra, ch. VILI, p. 380.
CHAPITRE VI. — SURVIVANCES MYTHOLOGIQUES 293
Oiseau. —
Il était possible de gagner les astres avec une célérité encore
1. ÏÏt.
syr., p. 105, n. I ; €t infra, ch. VIII, p. 355.
2. Cf. Et. syr., p. 99.
3. Ibid.
4. Esperandieu, II, n. 1510 ; Altmann, n. 76 ; cf. 208.
5- CIL, VI, 29954, cf. supra, ch. III, p. 180.
6-
Weicker, Der Seelenvogel in der alten Lîteratur und Kunst, Leipzig, igo2 ;
cf.
7. Symbol., pp. 109, 327. Sur les volaticae muUeres qui sont des striges, cf. Wol-
ters, Akad. Munich, 1928, Abhandl. i, p. 14.
294 LUX PERPETUA
bas-monde. La magie ramasse souvent les idées que l'évolution des croyances
a laissé tomber, et les sorciers prétendaient, s'il faut en croire Arnobe, pouvoir
munir d'ailes leurs dupes, lorsqu'elles se libéreraient de leurs corps, afin de leur
permettre de voler vers les cieux". Lorsque les écrivains nous disent ainsi
que l'âme pure « s'envole » vers les astres, cette expression si souvent
répétée à la suite de Platon ^ n'est pas une simple métaphore, ^mais plutôt
une façon de parler traditionnelle, prise d'abord au sens matériel et que le
langage avait conservée en donnant une signification figurée. Une épi-
lui
futuras putatis, quibus ad caelum pergere atque ad sidéra volare possitîs » ; cf. II, 62.
3. Platon, Phèdre, 146
b ; cf. Symbol., p. 109, n. 3 ; p. iio, n. i ; Horace, Odes,
III, 2, 23 {fugiente -penna) ; Kaibel, Efigr. 312, 3.
4. Diogène Laërce, III, 44 ; Anthol. Pal., VII, 62.
5. Lucien, Icarom., 2-3.
6. Courcelle, R.E.A., 1944, XL VI, p. 66 ss.
7. Et. syr., pp. 40 ss., 58 ss. ; Mouterde et Poidebard, Le limes de Chalets, 1945'
p. 213 et pi. CXVII. i ,
CHAPITRE VI. — SURVIVANCES MYTHOLOGIQUES 295
vigoureux rapace lenlevait, non dans ses serres, comme il fait Ganymède,
mais sur son dos les mortels jugés dignes de monter vers le ciel. Ce
type n'est pas emprunté à la nature ;
nul oiseau de proie^ dans aucun pays
du monde, n'a jamais soutenu ainsi im fardeau. Un motif aussi étrange s'inspire
manifestement d'une légende de la Fable^ peut-être du mythe babylonien
d'Elanai, L'ancien Testament nous fournit la preuve que le motif de l'aigle
transportant une charge sur le dos était courant dans les pays sémitiques 2.
Un récit qui apparaît d'abord dans le Pseudo-Callisthène, a utilisé ce vieux
thème oriental ^. Il raconte qu'Alexandre^ arrivé aux extrémités de la terre,
voulut entrer au séjour des Bienheureux, Dans cette région vivaient de grands
Fig. 7.
— Apothéose d'Homère entre l'Iliade et l'Odyssée.
oiseaux blancs très familiers. Des soldats s'amusèrent à se hisser sur leur
échine et ces bêtes merveilleuses s'envolèrent aussitôt en les emportant.
Alexandre en captura deux, leur imposa un joug auquel il suspendit un sac
de cuir où il s'installa, puis il tendit au bout d'une longue lance un foie
de cheval comme appât aux rapaces qui, pour le dévorer, prirent leur essor et
élevèrent le conquérant jusqu'au ciel ; après quoi ils le ramenèrent sur la terre.
C'est là un conté oriental qui, au cours d'une longue vie, assuma des formes
variables et dont les héros sont des personnages divers. Les oiseaux blancs y
deviennent parfois des griffons ou des aigles.
C'est encore un aigle qui apparaît portant Homère assis sur son dos dans une
LUX PERPETUA
ensuite largement reproduit pour figurer celle des empereurs sur les bas-
reliefs, pierres gravées ou médailles de consécration^. L'aigle, oiseau du dieu
solaire^ porte à son maître, les princes qui ont été les protégés et les représentants
du Sol invicius sur la terre. Le cérémonial des funérailles impériales à Rome,
réglées par un protocole
traditionnel, montre combien était restée vivace cette
croyance d'origine asiatique. On lâchait toujours du sommet du bûcher, où
le cadavre devait être incinéré^ un aigle, qu'on supposait devoir emporter
'
l'âme du souverain vers les espaces éthérés .
L'aigle n'exerça pas en faveur des princes seuls la fonction qui lui était
dévolue. Le mode singulier d'aviation que les artistes n'hésitèrent pas à
imposer aux Césars, fut étendu par eux au commun des mortels. Ainsi
sur une stèle funéraire provenant de Rome'*^ on voit un jeune homme drapé
dans sa toge, dangereusement campé sur le dos d'un aigle lancé en plein vol.
A droite un enfant ailé tenant une torche semble lui montre la- route c'est :
Paulina, sur la Voie Triomphale, figurent cette fillette conduite dans les
Champs Élysées par Érôs sur un bige attelé de deux colombes s.
Nous l'avons fait observer plusieurs fois, la mentalité des anciens admettait
la coexistence de traditions contradictoires sur la vie d'outre-tombe, et la
juxtaposition de croyances opposées ne la choquait ni dans la poésie ni
dans l'art funéraire. Les représentations du voyage dans le ciel nous en
offrent maint exemple. Les défunts pouvaient être conduits dans un char
ou portés par un cheval ou par un aigle, et l'on voit combinés ou rappelés
simultanément deux de ces modes d'ascension. Sur un diptyque consulaire
2. Ibid.^ p. 75.
3. Comme l'affirme Hérodien, IV, 2, 11 ; cf. Dion Cassius, LVI, 42 ; LXXIV, 5 ;
Et.
syr., p. 72, n. 3. .
, ^
4. Bas-Relief du Musée National de Copenhague : Et. syr., p. 87, fig. 39..
5. Cf. supra, p. 291, note 7.
6. Tombeau d Octavia Paulina :
Symbol. ^ p. 345, fig. 76.
Stèle d'albano Laziale.
Le mort emporté sur un cheval, dont un aigle tient la rêne dans son bec.
296 LUX PERPETUA
ensuite largement reproduit pour figurer celle des empereurs sur les bas-
reliefs, pierres gravées ou médailles de consécration". L'aigle, oiseau du dieu
solaire, porte à son maître, les princes qui ont été les protégés et les représentants
du Sol invictus sur la terre. Le cérémonial des funérailles impériales à Rome,
réglées par un protocole traditionnel, montre combien était restée vivace cette
L'aiglo n'exerça pas en faveur des princes seuls la fonction qui lui était
dévolue. Le mode singulier d'aviation que les artistes n'hésitèrent pas à
imposer aux Césars, fut étendu par eux au commun des mortels. Ainsi
sur une stèle funéraire provenant de Rome'*, on voit un jeune homme drapé
dans sa toge, dangereusement campé sur le dos d'un aigle lancé en plein vol.
A droite un enfant ailé tenant une torche semble lui montre la-^ route c'est :
syr., p. 72, n. 3.
4. Bas-Relief du Musée National de Copenhague : Éf. syr., p. 87, fig. 39.
5. Cf. supra, p. 291, note 7.
6 Tombeau d'Octavia Paulina :
Symbol., p. 345, fig. 76.
Stèle d'albano Laziale.
Le mort emporté sur un cheval, dont un aigle tient la rêne dans son bec.
CHAPITRE VT. — SURVIVANCES MYTHOLOGIQUES 297
s'appuie en même temps sur un aigle éployé prenant son vol^ qui l'aide à
monter dans les airs 3. Plus étrange est le sujet figuré sur une stèle trouvée
récemment à Albano près de Rome*. Elle porte l'épitaphe d'un enfant de
deux ans qui, ravi par l'aigle de Zeus, dit l'épitaphe, siégera comme parèdre
de l'étoile du matin et du soir ; et le bas-relief qui accompagne l'inscription
nous montre ce mort héroïsé le front surmonté d'un astre à sept rayons^ chevau-
chant un coursier lancé au galop, tandis qu'un aigle a saisi dans son bec
crochu la corde tressée d'un licol et dirige l'ascension de cette monture d'une
ombre.
L'ivoire British Muséum n'associe pas seulement le char à l'aigle de
du
l'apothéose à sa partie supérieure, l'empereur divinisé est soulevé sur les
,:
bras de deux génies des Vents et porté vers les dieux, qui à côté du zodiaque
se préparent à l'accueillir. Cette forme de l'ascension est étroitement liée à
l'idée du vol des âmes ailées qui fendent les airs. La force des vents pouvait
être conçue comme l'intervention, dans l'eschatologie, d'im facteur purement
physique, et comme
recommander aux yeux des philosophes stoïciens
telle se ;
mais elle reposait sur un fond mythologique que réussissait mal à dissimuler
une interprétation rationnelle. Les Vents étaient pour un polythéisme naturiste
des divinités bienveillantes ou
hostiles^ qui favorisaient ou contrariaient la
montée des esprits des morts. Leur souffle bénin et propice pouvait élever
doucement ceux-ci vers leur séjour céleste. Mais les ouragans pouvaient aussi
les saisir dans leurs tourbillons, les cyclones les entraîner dans leurs trombes
et en airacher violemment qui s'étaient attachées à eux et les
les souillures
alourdissaient. Nous avons déjà signalé cette double fonction des Vents à
Echelle, navire, cheval, char, oiseau, et même vents, tous ces moyens
supposés d'atteindre le ciel, répondent aux conceptions naïves d'une époque
très reculée. Ils partent de la supposition qu'un poids doit être soulevé ils ;
Suivant une opinion largement accréditée, les épreuves de cette âme cessaient
lorsqu'elle parvenait à la sphère de la lune, frontière entre le monde du
devenir, soumis à la mutabilité et à la corruption, et la région de l'univers
où les mouvements harmonieux des astres divins sont régis par des lois
éternelles.C'est là, qu'après des tribulations sans nombre, l'âme en peine
devait trouver à jamais le repos s. Mais les périls auxquels cette âme éta'it
exposée pouvaient ne point disparaître, lorsqu'après avoir franchi la zone dan-
gereuse de l'air, elle atteignait la lune. Ceux qui croyaient que les esprits des
défunts remontaient vers l'empyrée en traversant les sphères planétaires, se
représentaient celles-ci comme percées chacune d'une porte que gardait un poste
avec un commandant (àp)(^ojv)®, ou,
comme on disait souvent aussi, un douanier
coups de celles-ci ils immunisaient les fidèles par des tatouages (aTtyp-aTa),
des sceaux (appayiSeç) ou des onctions '. Les instructions qu'on donnait aupa-
ravant au mort pour lui faciliter la descente dans les Enfers (p. 248), servent
maintenant à lui rendre aisée l'ascension vers les sphères sidérales. Les pré-
tentions des magiciens rivalisaient à cet égard avec celles des prêtres orien-
taux. Ils se targuaient même de pouvoir transporter leurs clients au ciel durant
leur vie terrestre*. Le papyrus de Paris, faussement dénommé « Liturgie
mithriaque », offre l'exemple le plus caractéristique de cette littérature supers-
titieuse ^,
Toutefois le bienfait suprême qu'on espérait de la religion au moment de
la mort était qu'elle fournît à l'âme un guide pour la sauvegarder dans le
voyage accidenté à travers les tourbillons de l'air, de l'eau et du feu, et les
sphères mouvantes des cieux, dans cette région du monde que hantaient les
diables toujours aux aguets. Dans un mythe du Phédon*, Platon avait déjà
parlé du démon personnel de chacun des trépassés qui, après l'avoir accompagné
pendant sa vie, était chargé de lui servir de « conducteur » dans l'Hadès,
afin qu'il ne s'égarât pas sur cette voie souterraine coupée de bifurcations et
de carrefours. Le même mot (v^yeuLcôv) est appliqué plus tard au psychopompe,
qui mène les âmes vers le ciel, qu'il soit un démon'', un ange^ ou un
der Gnosis, 1907, p. 8 ss., p. 21 ss.. Cf. R.E., s. v. « Gnosis », col. 1510, § 6. ''Ap)(wv ;
Relig. Orient., p. 264, n. 88.
1. Symbol., p. 144, n. i et add. p. 502.
2. Dieterich, Mithrasliturgie, p. 6, p. 20 ss.
3. Cf. su-pra, ch. V, p. 237 ; Relig. orient., 215, 13 ; 261, 68. Lilliebjorn, Ueber reli-
giôse Signierung in der Antike, Diss. Upsal, 1933.
—
N. C. XXV.
4. Arnobe, II, 62.
—
Surpra, p. 294.
5. Dieterich, /. c.
6. Platon, Phédon, 107, d. Cf. Hiéroclès dans Photius, Bihl. p. 466 b, ; Boyancé, Les
deux démons -personnels (R. Phil., 1935), p. 190.
7. Démons psychopompes Lucien, Demosth. encomium, 50 ; Olympiodore, In Phaed.
:
C. m, I
(p. Norvin), et D, pt' (p. 233, 25).
192, 15
8 Les anges du paganisme (R. H. Rel., 1915, p. 178 ss.) ; Andres, R. E. Suppl. III)
s. V. « Angelos », p. iio, 28 ss. j Pap. mapca, I, 178 ss. (p. 10, Preisendaniz). Ange-
CHAPITRE VI. — SURVIVANCES MYTHOLOGIQUES 301
dieu^. Son intervention est signalée non seulement par les philosophes platoni-
ciens, mais aussi dans les inscriptions funéraires, telle la curieuse épitaphe
métrique d'un marin mort à Marseille
2 « Parmi les morts il y a deux sociétés : :
l'une se meut sur la terre et l'autre se mêle dans l'éther aux chœurs des étoiles.
il cumulait cette fonction avec celle de protecteur des justes dans leur trajet
aérien^ dont il assurait la sécurité '\ Une épitaphe du premier siècle de notre
ère s'adresse ainsi au défunt « Hermès aux pieds ailés, te prenant par la
:
main, t'a conduit vers l'Olympe et t'a fait briller parmi les étoiles » *. Ce
messager n'a jamais été dépouillé de la charge qui lui appartenait tradition-
nellement, et les philosophes pouvaient justifier par une interprétation psycho-
logique la mission du dieu de la raison auprès des morts ^. Toutefois c'est à
Hélios que le rôle d' « anagogue » est le plus souvent dévolu à la fin du
paganisme sous l'influence combinée d'un mazdéisme chaldaïsant" et de la
théologie solaire^. A la fin des Césars l'empereur Julien se dit convaincu que
Mithra,
— le Sol inzJictus qu'il conducteur
s'est rendu propice — sera le
&s &o«Ms' dans la cataoombe des Sabaziates, iîe/. orient.^ -p. 64; cf sw^ra, ch. V, p. 257. Cf. .
Nock, Harvard theological review, 1941, XXXIV, p. 102 ss.. Anges psychopompes et
Vents Pisciculi {Festschrift Dôlger), Munich, 1939, p. 70 ss.. Anges chrétiens psycha-
:
1929, XXX, p. 87; Seyrig, Helio-politanus {Bull. Musée Beyrouth, I, p. 924), et Antiquités
Syriennes, III, 1946, p. 145, n. 16. N. C. XXVII. —
5- Hermès Trism., Point., XII, 12 ; cf. Ammien Marc, XVI, 5, r.
6. M. M. M., I, p. 210 ; Mages hell., p. 285, n. 2.
7. Cf. su-pra, ch. III, m, p. 180.
8.
Julien, Césars, p. 336 c 5 cf. N. C. IX.
302 LUX PERPETUA
rejoindre les héros et retrouver les dieux. Mais si l'on se demande quelles
idées avaient cours sur le séjour qu'habitaient ces âmes bienheureuses et sur
la félicité qui leur était réservée, on s'apercevra que de vieilles traditions
mythologiques continuaient jusqu'au bout à coexister avec les doctrines des phi-
losophes. Ceux-ci peuvent enseigner que les sages éprouveront dans l'autre
vie une joie indicible au spectacle de notre monde et des cieux étoiles, dont
leur raison pénétrera alors tous les mystères*. Ou bien, pour ces théologiens^
la béatitude céleste ou supra-céleste consistera à s'absorber dans la contem-
procher Bistâmî, que le paradis des hoûris ne saurait rassasier le cœur des élus (L.
Massignon, Essai sur les Origines du Lexique technique de la Mystique musulmane,
p. 252).
CHAPITRE VII
L'ASTROLOGIE
ET LES MORTS PRÉMATURÉES*
I. —•
Doctrines astrologiques et opérations magiques.
_
I. Le contenu de ce chapitre a fait l'objet d'une conférence à l'Eoole Normale supé-
rieure en 1943, et la majeure partie en a été imprimée, sans les notes, dans les Publi-
cations de cette Ecole
(Section des lettres, tome II), Paris, 1945.
2. Cf. su^ra, ch. III, p. 14a.
3' Maniliùs, IV, 14 ; Cf. Relig. orient., p. 165, û. 58.
304 LUX PERPETUA
inexorable règle avec une rigueur mathématique le sort qui nous est échu,
aucune prière ne peut modifier ses arrêts, et les supplications adressées aux
dieux étant impuissantes à obtenir d'eux quelque faveur ou à détourner, grâce
à eux, un malheur menaçant, le culte devient inefficace et déraisonnable. 11
se trouva en effet des adeptes éminents de l'astrologie qui proclamèrent cette
conviction et s'abstinrent de toute pratique religieuse. Suivant eux les céré-
monies sacrées étaient, pour parler comme Sénèque, « les consolations d'esprits
maladifs » ''.
C'est ail prix d'un illogisme flagrant que la souple dialectique des Grecs
ses adversaires '\ Si le caractère et les actions des individus dépendent fata-
lement de la position des étoiles, s'ils sont des héros ou des criminels nés,
il n'y a plus ni mérite, ni démérite, ni vertu, ni vice les récompenses et les
;
1. Sénèque, De
Provid., V, 7 « Fata nos ducunt, et quantum
:
cuique temporis res-
tât, prima hora disposuit». Ci. Relig. or., p. 286, n. 18, et infra, p. 308, n. z.
2.Sén., Quaest nat., II, 35 « Expiationes et procurationes nihil aliud esse quamaegrae
mentis solatia. Fata inrevocabiliter ius suum peragunt, nec uUa oommoventur preoe » ;
qui ont
formulé ses préceptes, partageaient le scepticisme scientiste des clercs
de l'âge hellénistique. Les espérances dont les vieilles religions avaient bercé
riiumanité étaient fallacieuses. C'était de leur vivant que ceux qui contem-
plaient
avec une ferveur intense le ciel étoile, pouvaient être transportés, dans
le ravissement de T'extase, au milieu des divinités sidérales qui leur révélaient
leur natuie et la cause de leurs mouvements harmonieux ^. Ptolémée a iraduit
cette conviction en des vers expressifs^ :
cependant en une doctrine aberrante, qui n'a pas été transmise dans les traités
des doctes généthlialogues, s'est maintenue la croyance à des peines pos-
thumes. Des souffrances n'y sont pas infligées aux ombres des trépassés comme
un châtiment de leurs fautes ; elles sont indépendantes de leur innocence ou
de leur culpabilité et sont la conséquence du moment où s'est produit le décès.
Cette malédiction s'attache aux morts prématurées.
*
* *
à voltiger sur les bords du fleuve infernal. La croyance que certains rites
doivent être accomplis sur la tombe pour que le défunt puisse être reçu dans
puis les suicidés, qui, sans être criminels, ont haï la lumière et, de leur propre
main, mis fin à leurs jours (v. 435), les amoureux qu'un cruel souci a con-
duits à leur perte, enfin les guerriers qui sont tombés dans les combats (v. 479).
Entrant enfin dans le Tartare, le héros voit les supplices des grands cou-
'
pables condamnés à des peines perpétuelles puis il passe dans les Champs
;
passage
de Tertullien' qui, combattant les erreurs païennes, cite pareillement,
les autres sont obligés d'errer sur la terre jusqu'à ce que se soit écoulé le
nombre des années qu'aurait dû atteindre leur vie, si un accident fatal n'en
avait interrompu le cours. Servius confirme la précieuse indication du
polé-
'
miste africain et attribue cette doctrine aux Physici Les érudits ont relevé .
Beaucoup de peuples ont cru que les enfants morts en bas âge avaient
dans l'au-delà une condition différente de celle des adultes, et ils ont observé.
I-
TertuU., De anima, S5, 4 ss. ; 56, 6. Cf. Mages helL, II, p. 287 (Ostanès, fr. 13).
i-
Servins, Aen., IV, 386 ; VI, 545.
3- Lucien, Cataplus, 5 ss.
4- Olympiodore, In Phaed., D, pjj.6' (p. 242, Norvin).
5- Norden certainement fourvoyé en cherchant dans lellepî (jLavci/.ïii; de Posidonius
s'est
cette source théologique. Il a cédé ici aux idées exagérées de son temps sur le rôle de
Posidonius (cf. supra, p. 157). . , ,
>
îo8 LUX PERPETUA
comme les Romains, des rites particuliers pour leur inhumation.', mais le
trait caractéristique de la croyance qui nous occupe est une prolongation sup-
posée de la vie terrestre jusqu'à un terme déterminé pour ceux qui en ont été
privés prématurément, et c'est cette idée qu'il importe d'éclaircir.
Si l'on considère l'ensemble de cette théorie, on sera frappé du fait qu'elle
ne tient nul compte de la culpabilité ou de l'innocence des morts qu'elle
condamne à de longues souffrances. Son auteur n'a aucun soupçon d'une
rétribution dans l'au-delà. L'idée qui domine son classement est que le
moment de la mort est fixé par le Fatum, qui gouverne la vie de chacun. Un
déterminisme rigoureux excluait chez lui l'idée d'une responsabilité morale,
l'admission d'un mérite ou d'un démérite dont dépendrait le sort des âmes.
De plus, son esprit systématique lui a fait soumettre au même traitement
des enfants, encore dépourvus d'intelligence, et des hommes faits, responsables
de leurs actes. L'inclusion dans sa de guerriers morts en combattant nous
liste
fournit un indice que cette doctrine n'a pas été imaginée en Grèce, car les
Grecs, nous le verrons (p. 332), n'ont pas rédxiit à une condition misérable,
mais ont au contraire héroïsé et vénéré ceux qui défendaient leur cité les
armes à la main.
On ne se trompera pas, pensons-nous, en mettant la diffusion de cette doc-
trine eschatologique en rapport avec la propagation dans le monde hellénique
de l'astrologie orientale ; car cette pseudo -science a toujours prétendu pouvoir
prédire h^. moment du décès d'après la position des astres au moment de la
naissance,
Nascentes morimur, finis que ab origine pendet^.
1.
J. A. King, Infant hurial (Classical Review, 1903, XVII), p. 83 ss.. Van GemieP)
Rites de -passage, 1909, p. 218 ss. —Pour les Juifs, cf. Ad. Lods, C.-R. Ac. Inscr.,
1940, p. 436 ; 1943, p. 271 ss.
2. Manilius, IV, 16 ; cf. Relig. or., p. 286, n. 8 ; Sénèque, De prov., V, 7 :
(sufra,
p. 304, n. i).
3. Bouché-Leclercq, Astrol. gr., p. 404.
CHAPITRE VII. — L'ASTROLOGIE ET LES MORTS PRÉMATURÉES 309
pitres
sur ce sujet
(Tcepl y povwv ^w^ç)*-
La fin naturelle peut être hâtée par
l'intervention d'un astre meurtrier (àvatp£TYiç),
c'est-à-dire de Saturne' ou de
Mars, qui, dans certaines conditions, provoquent de brusques décès. Parfois ils
ravissent les bébés à la mamelle, avant qu'une révolution du soleil soit
accomplie ce sont les aTpoç)ot ou non nutriti, auxquels fait allusion Virgile,
:
voquent des accidents qui brusquement mettent fin à une carrière inachevée.
Les traités d'astrologie consacrent ainsi des prédictions aux enfants morts en
bas âge en même temps qu'à toutes les espèces de « biothanates », dont ils se
plaisent à détailler la variété. Les mots mêmes de biueothanati , dont se sert
Tertullien,ou par contraction biothanati, en grec [3tato0àvaTot ou [3toQàvaTot,
sont des termes techniques, appartenant d''abord en propre au langage des astro-
logues et qui ont été introduits par eux dans l'usage grec et latine La
présence, parmi ces accidents, des victimes de l'amour est due à l'intervention
de Vénus dans une conjonction maléfique, comme celle des victimes de la
guerre à l'influence de Mars dans un lieu défavorable
''^
les diverses
espèces de spectres qui apparaissent aux vivants ^ On y distingue
5- Cf. Erich
Ebeling, T,od und Leben nach den Porstellungen der Babylonier, Berlin,
^93^5 Ij p. 131 ss. ; p. 145 ss. ;
cf. G. Çontenau, La médecine en Babylonie, Paris, 1938,
P- 83 j Thureau-Dangin, Revue assyriol., 1921, XVIII, p. 187.
3Ï0 LUX PERPETUA
brûlés, qu'ils aient succombé à la faim ou à la soif, soient morts par les
armes dans un massacre sanglant, ou aient été condaninés pour quelque offense
envers une divinité ou un roi. On trouve mentionnés aussi les hommes et les
femmes morts vierges à l'âge nubile, les àYafji,ot ou innupti. Cette multiplicité
d' « ahores » ou de « biothanates » rappelle absolument celle que les Grecs
"
ont été amenés à citer d'après les influences combinées des étoiles.
D'autre part, si on lit les textes rédigés sous l'Empire par les maîtres de
la divination astrale, on sera frappé de leur ressemblance avec les vers de
comprendra comment elles ont pu naître dans l'esprit de ceux qui pratiquaient
cette mantique savante. Le nombre des années de chacun est déterminé par
son horoscope, et les doctes généthlialogues assuraient pouvoir en supputer le
total. Mais souvent l'expérience ne confirmait pas leurs pronostics. La mor-
logue menteur dont le grand renom les a abusés tous deux » *. D'autres
clients des pseudo-prophètes, au lieu de jouir de la longue existence qu'on leur
avait fait espérer, la voyaient écourtée par quelque malheur fortuit. Mais
les démentis que la réalité infligeait aux prédictions des observateurs du
cieln "ébranlaient pas plus leur confiance dans la valeur de leur discipline
que des diagnostics trompeurs ne détruisaient la foi des médecins en l'efficacité
de leur art. Convaincus à la fois de l'irrévocabilité des arrêts du destin
et de de leurs méthodes, les astrologues se persuadèrent que la
l'infaillibilité
succombait avant que fût atteinte la somme des jours que lui avaient con-
cédée les étoiles, ne quittait pas en réalité la société humaine. Il continuait
à hanter la terre, jusqu'à ce que fût accomplie la durée, voulue par le
Fat'um, de son séjour ici bas. Alors seulement, le cycle de sa vie étant révolu,
il était admis dans le séjour paisible des ombres heureuses.
Nous croyons pouvoir nommer l'auteur qui, selon toute apparence, fut, sinon
l'inventeur de cette doctrine, du moins son plus ancien propagateur dans le
monde hellénique.
Parmi let successeurs immédiats de Bérose, Critodème fut un des premiers
auteurs qui révélèrent aux Grecs les arcanes de l'astrologie babylonieniae ^. On
lisait de lui un livre intitulé « Vision » dont le début nous a été
("Opaaic;),
conservé 2. « Après avoir parcouru les mers et traversé de vastes déserts, je
fus jugé digne par les dieux d'bbtenir un havre sans danger et un
mouillage
très sûr », Le refuge où Critodème a trouvé un abri contre les
orages de ce
inonde, est la foi en la puissance des astres divinisés, dont dépendent tous les
événements de notre terre. Son œuvre n'était pas un traité didactique for-
mulant sèchement les théorèmes de la divination sidérale des Chaldéens, mais
un écrit diffus, qui s'abandonnait à des spéculations mystiques et qui, impo-
sant au lecteur par des serments redoutables le silence sur son contenu, lui
un recueil d'oracles mêlés à une abstruse mathématique, qui seule nous a été
à-dire les moments critiques qui mettaient l'existence en péril. D'autre part
^
il avait consacré des chapitres aux enfants décédés en bas-âge et enfin aux
victimes de morts violentes. Or l'on constate que certains gei^res de biotkanati,
qui selon Critodème doivent leur sort à l'influence des astres, se retrouvent
invoqués dans les textes babyloniens comme des revenants qui survivent après
le trépas *.
Faut-il supposer que dans ce livre ésotérique, à demi religieux, à demi
astronomique, Critodème parlait déjà des" âmes attendant, dans des sortes de
limbes à la porte de l'Hadès le moment d'y entrer, le cours normal de leur vie
parcouru ? Ou bien Virgile a-t-il emprunté cette localisation des ombres,
provisoirement exclues du royaume de Pluton, à quelque « Descente aux
Enfers » de Tépoque hellénistique ? Ou enfin est-ce le poète lui-même qui a
adapté la doctrine astrologique formulée en Orient à la topographie mytholo-
gique du monde souterrain, telle qu'il l'avait reçue des Grecs ? Les documents
dont nous disposons ne nous permettent pas d'élucider ce point, mais on
notera qu'à Rome, longtemps avant Virgile, Plante savait déjà qu'Orcus ne
recevait pas sur les bords de l'Achéron ceux qui avaient été privés prématu-
rément de la vie ^.
La théorie propagée par Critodème mettait en œuvre et systématisait des
croyances bien antérieures à lui, comme c'est le cas pour beaucoup de postulats
astrologiques, gui sont de la mythologie formulée en axiomes. Nous en
®
trouvons la preuve chez Platon qui, dans le mythe d'Er, où il expose des
idées empruntées à l'Orient, fait ime allusion rapide à des croyances trop
futiles, selon lui,pour être répétées, relatives au sort des enfants décédés en
naissant ou après une brève existence.
A
travers toute l'antiquité on trouve établie une opposition entre la mort
ture vita careo cf. L. Banti, Studi ital. di filologia classîca, N. S., III, ss.
; 1930, p. 67
6. Platon, Ré-p., bi$ c j cf. Mages hellén., I, p. 185, n. 5.
CHAPITRE VII. — L'ASTROLOGIE ET LES MORTS PRÉMATURÉES 315
s'exprimer comme les mythographes, par les décisions sans appel des Parques,
ou, si l'on en croit les astrologues, par le jeu compliqué des étoiles. A tout
individu, dès sa naissance, est assignée une certaine durée de vie celui qui :
prolonge celle-ci jusqu'au terme qui lui a été fixé, meurt selon son destin
à son jour {sua die), de sa mort {sua morte)
(jtaTa p.oTpay),
nous dirions —
de sa belle mort 2. Mais les théoriciens eurent beau affirmer que cette fatalité
ne souffrait pas d'exceptions et s'imposait inexorablement, la foi naïve de la
foule ne partageait pas ce sentiment. De même que, tout en iadmettant avec
les astrologues et les Stoïciens qu'une nécessité inéluctable gouvernait le
monde, l'iiommc du peuple continua de prier les dieux dans les temples de
détourner les maux dont il se voyait menacé, pareillement il consentit, en
dépit de la logique, que la longueur de la vie accordée par le Fatum
fût raccourcie par l'interposition arbitraire d'une volonté humaine troublant
l'ordre du cosmos. L'astrologie prétendait calculer exactement le nombre des
années qu'un thème de géniture promettait au nouveau-né, mais, malgré le
déterminisme absolu qu'impliquait ses postulats, elle ne réussit pas à éliminer,
imême chez ses adhérents, l'idée que certaines personnes mouraient « avant leur
heure {ante horarn) ou leur jour « {ante diem), « avant leur destin »
(upb
Le pythagorisme, qui
subit l'ascendant de l'astrologie, s'empara de ces idées
et les
adapta à ses spéculations. Selon cette philosophie une même harmonie
préside à tous les phénomènes physiques, et cette harmonie, comme la musique,
est soumise à des lois numériques*. Ces lois s'appliquaient donc à la durée
de la grossesse, une arithmétique compliquée était mise en œuvre pour
et
prouver, par la somme obtenue, que l'enfant naissait viable à sept ou neuf mois,
mais non S huit —
car telle était la doctrine de la secte et elle s'est perpétuée
dans le folklore jusqu'à nos jours. La gestation devenait ainsi une mélodie
dont l'avortement était une fausse note. La nature, disait-on, ressemble à un
artiste qui parfois brise l'instrument dont il tend trop les cordes et parfois,
ne les tendant pas assez, ne peut les faire résonner. Or ces lois harmoniques
réglaient nécessairement non seulement la formation de l'homme, mais sa
dissolution « C'est un rapport fixe et déterminé de nombres, dit un philo-
:
sophe i, qui unit les âmes aux corps, et, tant qu'il subsiste, ce corps continue
d'être animé, mais dès qu'il fait défaut, l'énergie cachée qui maintenait cette
union, se dissout —
et c'est ce que nous appelons destin et temps fatal de la vie » ,
Or, quand le terme voulu par la nature est atteint, l'âme se détache sans
effort du corps où son office ne peut plus s"exercer, mais lorsqu'elle en est
chassée brutalement et que le lien qui les joignait est brisé par la force, elle
en est troublée et subit un mal qui la corrompt.
Ces idées avaient pénétré profondément dans la conscience populaire. La
distinction entre une fin naturelle où s'accomplit sans résistance et sans peine
notre destinée, et celle que provoque brusquement une intervention étrangère,
est fréquemment marquée, non seulement dans la littérature^, mais dans les
accueillez-moi aussi dans THadès, malheureuse qui n'ai point été emportée par
un arrêt des Moires, mais par une mort violente et soudaine par suite d'un
courroux injuste » ^. Plus pittoresque est une épitaphe gauloise d'un jeune
homme de dix-neuf ans « Les choses humaines sont comme les citrons qui
:
te )>
Plotin, I, 9 (p. 133, 4, Br.) par Porphyre. Cf. infra, ch. VIII, p. 366, et N. C. XVIII.
— Cf. sur cette harmonie, Cic, Z^usc, I, 19 ; Philon, De somniis, I, 22, § 139 ; Hermès
Trism. dans Stobée IV, 52, 47. Ps. Asclefius, 27.
2. Aulu-Gelle, i Justin, 9, 8, etc.
13, ;
3.
C. E., 1604.
4. Kaibel, Epgr., 624
=
IG., XIV, 902. Autres textes cités par Schuke, /. c, p. 696 ss.
pitoyable le sort des enfants décédés en bas âge et bannis du séjour des Élus,
et tous deux leur font proférer une plainte sempiternelle. On a cherché le
motif pour lequel, fait surprenant, ces êtres inoffensifs furent tenus pour
malfaisants. Hopfner, qui s'est surtout occupé de cette question, est d'avis
que « ces âmes qui n'ont pas goûté l'es joies de la vie, qui sont mortes sans
connaître l'amour ni laisser de postérité, gardent le désir passionné de l'exis-
tence où elles n'ont pu réaliser leur destinée. Elles sont remplies d'envie et
d'aiiimosité envers les vivants et, les haïssant, s'efforcent de leur nuire » '^. Cette
explication contient sans doute une part de vérité, mais elle n'est pas suffisante.
Si, comme nous l'avons indiqué en commençant, la source lointaine de cet
ensemble de superstitions macabres doit être cherchée en Orient, on songera
surtout à ces atroces immolations d'enfants qui furent si longtemps pratiquées
dans le paganisme sémitique : sacrifice des premiers nés qui, analogue à
l'offrande des prémices des fruits et des troupeaux pour protéger la récolte
ou le bétail, devait pareillement garantir l'existence de la famille ^ sacrifice ;
sacrifice d'un fils ou d'une fille pour détourner des maux menaçant ses
parents ou la communauté entière s. Des inscriptions récemment découvertes en
a. Hopfner, Offenbarungszauber, § 334 ss., 348 ss., résumé par l'auteur, R. E., s. v.
« Necromantie », cx>l.,22i9. Cf. Tertull. De anima, ^y.
3. Exode, XIII, 13; cf. Loisy, Sacrifice, p. 233SS.; Hastings, 5«c.,s. v.' «Firstborn».
4. Hugues Vincent, Canaan, à' açths l'exploration récente, 1907 et Loisy, of. cit., ;
p. 369.
5- Roscher, Lex,, s. v. « Kronos », p. 1501 ; Dussaud, Origines cananéennes du sacri-
fice Israélite, 1921, p. 163 ss.; Loisy, Sacrifice, ^p. 112, 232 ss. ; Goossens, Hier a-po-
lis de Syrie, 1943.
3 lé LUX PERPETUA
1. Carœpino, R. H. R., 1932, CIV, p. 59a ; Gey, Mél. Ec. fr. de Rome, 1937, LVIII,
p. 88 ss. ; Mages 342, n. i ; p. 352.
hell., II, p.
2. Critodème, C. G. A. G., VIII, 2, p. 64, 31 j cf. Egypte astrol., p. 187, n. 2.
CHAPITRE VII. — L'ASTROLOGIE ET LES MORTS PRÉMATURÉES 317
valent causer. Les Grecs croyaient que ces esprits brutalement désincarnés
devenaient semblables aux démons subtils pernicieux dont l'air était rempli.
et
Comme eux, ils faisaient partie de la suite d'Hécate, déesse des enchantements,
et comme eux^ ils étaient soumis au pouvoir des magiciens 1. 'Dans l'île de
Lesbos, Gello, vierge enlevée avant l'âge, devient un fantôme qui tue les
enfants et cause les décès précoces. Il suffisait qu'un adolescen,t, qu'une jeune
fille eussent succombé prématurément pour qu'on soupçonnât le poison, un
maléfice ou quelque machination impie d'avoir causé leur perte. Nous avons
conservé une quantité de sépultures de ces morts, privés de la lumière avant
leur maturité, sur lesquelles ont été sculptées deux mains dressées la paume
en avant, tendues vers le ciel par un geste de prière : Ces « mains Supines »
soient pareilles.
Frazer, étudiant à travers le monde entier les croyances qui s'attachent à ces
biothanati^, constate que parmi les esprits des morts, qui tous éveillent Teff roi,
ilssont jugés particulièrement redoutables. En les privant de la vie, on leur
a causé un mal dont ils cherchent à tirer vengeance ; ils poursuivent le meurtrier,
s'ilspeuvent à la guerre ou qu'ils aient suc-
le découvrir, soit qu'ils aient été tués
combé à un assassinat. Mais comme dans leur courroux ils confondent souvent
les innocents et les coupables, ils deviennent dangereux pour toute la commu-
recourait aux opérations ou cérémonies les plus étranges et les plus compli-
quées pour se protéger contre la fureur de ces terribles démons en les dépis-
tant ou en se prémunissant contre leurs coups. Les mêmes conceptions provoquant
des réactions semblables, on peut faire des rapprochements curieux entre les
1.
Rohde, tr. fr., appendice, p. 611.
2. Cf. H (Memorie Accad. pontif romana archeologia, série
sole vindîce dei delitti .
P- 69 ss., et Syria, 1933, XIV, p. 385 ss. S. E. G., IV, 123 j VI, 803.
;
royaume des esprits, mais continuent à rôder sur la terre à la recherche des
ennemis qui les ont abattus dans la fleur de leur jeunesse. Si on se les figure
dans la demeure des morts, ils y habitent —
comme dans l'Enéide un —
*
1. Frazer, p. 92.
2. Rohde, 217; cf. 'Pra.zer,ip. xoy.,Banti, op. cit., \supra, p. 312, n. 5], p. 75 ss.
tr. fr., p.
3. Platon, IX, 865 d. Cf. Xénoph., Cyrop., VIII, 7, 18; Boyancé, Revue études
Lois,
latines, 191 5, XIII, p. 107 ss.
4. Tertull., De anima, ^y
« Bas potisslmum animas ad vim et iniuriam facere, quas
:
pas le repos dans la tombe avant que les rites funèbres eussent été accomplis
sur leurs restes pareillement pour que les biothanati trouvassent le repos,
',
il
que leurs Mânes fussent apaisées par le châtiment des assassins *.
fallait
Cette assimilation des deujf: catégories d'âmes en peine, devenues démoniaques,
que nous trouvons rapprochées par Virgile et par TertuUien remonte, nous
l'avons vu (p. 309), à l'ancienne Babylone où les unes et les autres étaient
mises simultanément au service des sorciers. C'est en Orient qu'on continue
à les trouver le plus fréquemment unies ,dans les textes magiques jusqu'à
l'époque romaine. Ainsi, pour prendre cet exemple, une série de conjurations,
datant du m^
siècle de notre ère, découvertes dans l'île de Chypre, fait appel
îium ante diem mortuorum et ideo metuendas... Lémures umbras terribiles biothana-
torum ».
7. Cf. supra, pp. 22 et 84.
8. Cf. Tite
Livcj III, 58, 11 ; Suét., Aug., 15.
320 LUX PERPETUA
à la fois aux esprits des morts jetés dans la fosse commune, à ceux qui ont
péri par violence ou avant l'âge, ou qui sont privés de sépulture'.
Les nécromants s'attribuaient la puissance de faire surgir des Enfers les
fantômes de tous les défunts, mais ils évoquaient de préférence les ombres
de ceux qui avaient succombé à ime mort violente ou prématurée. Les papyrus
magiques, pour nombreux qu'ils soient, ne forment qu'une partie secondaire
de la littérature consacrée autrefois à ces pratiques néfastes. Nous apprenons
notamment par Tertullien * qu'Ostanès le Mage perse, Nectabis l'Egyptien et
d'autres théoriciens illustres des sciences occultes s'étaient occupés longuement
des évocations des « ahores » et des « biothanates ».
Par des cérémonies occultes, où persiste la tradition d'antiques croyances,
ils pensaient se rendre maîtres de l'âme en agissant sur le corps. L'idée
primitive que celui-ci reste lié de quelque façon à l'esprit désincarné, qui avait
été son hôte temporaire, inspire les pratiques de cette magie noire.
Nous avons parlé de ces évocations à propos des nécromants (p. 107), et
rappelé comment ceux-ci s'efforçaient d'obtenir quelque portion du cadavre,
ou, à défaut de restes corporels, quelque objet ayant appartenu au défunt,
et comment ils n'hésitaient pas, pour se les procurer, à violer les tombeaux,
ou même à mettre à mort des enfants pour faire servir leur sang et leurs
devait l'achever sur la terre sans trouver de repos, et, devenue un esprit mal-
faisant, elle prêtait son secours aux devins et aux nécromants. Cette conviction,
I.
TertuU., De anima, c^.
Servius, Aen. VI, 136
2- Schol. Perse, III, 56 ; ci. supra, ch. VI, p. 278.
;
3- Philon, Quis rer. div. hères, 294 (III, p. 67, 5. Cohn-Wendl.) ; Leg alleg., II, 53
(I) p.
100, 29).
4- Sénèque, Cons, ad Marciam, 23, i.
21
322 LUX PERPETUA
des humains, elles sont alourdies de moins de fange. Libérées avant de s'être
mêlées de trop de matière et imprégnées de trop d'éléments terrestres, elles
remontent d'un vol plus léger vers leur première patrie et se dégagent plus
aisément de tout ce qui les souille et les altère. » De même Plutarque^ déve-
loppe l'idée que l'esprit qui s'est rapidement débarrassé du corps et des affec-
tions terrestres que celui-ci inspire, s'élèvera sans peine à un état plus parfait
et plus heureux d'ans un monde me^illeur.
Il difficile de savoir jusqu'à quel point les espérances conçues par
est
I. Plut., Consol. ad uxorem, ii, p. 6ii E. Cf. TertuU., De anima, 56 fin « Animas
immaturas et innuptas et pro conditione aetatis puras et innocuas ; C. E., 1233, i5'
a. C. E., 395; 397 ss.; 12325 cf. Galletier, p. 46. !
J. R. S., 1927, XVII, p. 49 ; C. E., 398, 428 ; CIL, XI, 6435; cf. Symbol, p. 55
i
3.
S.E.G., IV, I.
4. C. E., 428 : « Si sapiunt aliquid post funera Mânes » ; cf. Ibid., 1147.
5. Cf. su-pra, p. 244.
CHAPITRE VU. -- L'ASTROLOGIE ET LES MORTS PRÉMATURÉES 323
les adeptes des cultes secrets^ qu'ils soient grecs, comme celui de Bacchus,
ou orientaux^ comme ceux d'Isis, de Cybèle, de Mithra, de la Caelestis afri-
caine ^ Peut-être même des oblats étaient-ils consacrés à la divinité aussitôt
après leur naissance. On se les représente dès lors jouissant dans l'au-delà
des joies que ces mystères promettaient à ceux dont ils assuraient le salut.
des parents enclins à le croire que ces créatures innocentes montaient vers le
^
ciel étoile. Ainsi, pour prendre cet exemple, une épigramme de Thasos parle
d'une vierge anthophore,
—
probablement de Déméter et Koré qui fut
—
enlevée par Moires les
inexorables, mais résidant parmi les astres par la
volonté des immortels, elle a pris place dans le séjour sacré des Bienheureux.
Chose curieuse, une épitaphe d'Afrique qui reprend l'expression même de
Virgile^,, affirme contrairement au poète qu'un bébé « emporté au seuil de
lavie », ne s'est point dirigé vers les lyiânes, mais vers la lumière céleste.
On pourrait allonger la liste de semblables inscriptions. Un bas-relief romain
du Musée de Copenhague figure le buste d'une petite fille posé dans un grand
croissant qu'entourent sept étoiles, rappelant ainsi qu'elle s'est élevée vers la
lune, séjour des Élus *. Les enfants qui ont pris part aux cérémonies de Bacchus
vivent doués d'une jeunesse éternelle dans les prés fleuris des Champs-Elysées,
au milieu du cortège des Satyres
et des Naïades, et ils participent à de nou-
velles qui renouvellent la divine ébriété des bacchanales terrestres^.
orgies
Sur les sarcophages de ces enfants, im groupe souvent reproduit nous montre,
au centre de la composition, le jeune myste que la liqueur capiteuse fait tituber,
soutenu par ses compagnons dans ce thiase élyséen. Ainsi s'appliquent aux
« ahores » les diverses formes de la vie future que les mystères avaient
imaginées pour les adultes. Le sort des uns n'est ni pire ni meilleur que
celui des autres.
i- Initiation des
enfants, cf. Symbolisme, p. 282 ss.
—
Elle paraît avoir été souvent
accordée à sept ans, l'âge de la raison (su-pra, p. 321) Kaibel, Efigr., 153
: =
Cou-
gny, Anthol. suppl. II, 316; CIG, 6206; Symbol.^ p. 282, n. 5.
2-
Symbol., p. 282, n, 3.
3- CIL, VIII, 8567 =
C. E., 569 « Puer parvus vitae e limine raptus / non ta-
:
î^en ad
Mânes, sed caeli ad Iximina pergis ; cf. CIL, VI, 10764 =
C. E., 1535 ; VT,
12087 =
C. E.j 611, et 1061 « An superas convisit luminis auras, innocua aeternis
: .
oondita sideribus ».
4- Symbol., p. 242 et pL XX;
Immortalité lunisolaire d'une enfant de dix ans Ibid.,:
même des .écoliers aient été jugés dignes d'être héroïsés pour leur modeste
savoir d'élèves appliqués. Les inscriptions et les sculptures funéraires ne laissent
subsister à cet égard aucun doute i. La douleur des parents qui avaient suivi
avec admiration l'éveil d'une intelligence précoce chez un fils trop tôt enlevé
à leur adoration, cherchait un réconfort dans la pensée que les études où il
s'était distingué lui assuraient un sort favorable dans l'au-delà. Une série de
*
* *
On
pourrait multiplier les exemples de ces apothéoses précoces. Nous indi-
quons seulement, en invoquant un cas caractéristique, comment les préjugés
populaires
ont pu se combiner pour les « ahores » avec la doctrine de l'im-
mortalité astrale. Une croyance répandue
chez des peuples divers veut que
les retraites des bois ou
profondeur des
la eaux soient peuplées de génies fémi-
nins, qui s'éprennent de la beauté des jeunes gens et les enlèvent pour les
associer à leur vie. En Gaule, comme chez les Celtes d'Ecosse et d'Irlande,
de nombreuses légendes gardent le souvenir de fées qui hantent les grottes
sylvestres^ les sources fraîches ou les rivières transparentes1. Suivant le folklore
emporter dans leurs retraites oii ils jouissaient avec elles d'une vie immortelle^.
La Fable racontait que le bel Hylas avait été ainsi ravi à Cius, et la sculpture
funéraire s'est plu à figurer ce mythe, en particulier sur les tombeaux d'en-
fants ^ L'adolescent dont l'amour des Nymphes avait fait un bienheureux^
était prototype du destin réservé aux défunts dont la sépulture portait son
le
image. Sans doute à l'origine était-ce au fond des bois, dans les antres des
montagnes, près des sources limpides que les Nymphes entraînaient ceux dont
^
elles faisaient les
compagnons ou les compagnes de leurs ébats divins ;
1.
Sébillot, Folklore de France,!, p. 439 ss.; II, pp. 192 ss.; p. 344. — Cf. Abeghian,
ûie armenische
Volksglaube, p. 105 ss., p. 108.
2. Le
Braz, Légende de la mort chez les Bretons^, 1902, Introd., p. XXII.
3. Lawson, pp. 140 ss.
4. Aristote, Eth. E-udem., 1214 a, 23; Roscher, I,e.\-., s. v. Nuu/ftilr.TtTot, p. 514, 48 ss.
Pfister, R. E., Suppl. VII, s. v. « Daimonismos »,
5
Callimaque, Epigr., 2/^. ; Rohde, I, p. 374
p. 104.
=
tr. fr. p. 570, n. 3. — Cf. Plut., De
^efectu orac, 21, p. 421.
6.
Robert, Sarkophagrel., III, i, pp. 163 ss., pi. XLIII, no 139 ; Reinach, R. R., III,
P- 167,
298, 483; Espérandieu, VI, 5268 ; Roscher, s. v. « Hylas », col. 2706, 3.
7- Théocrite, XIII,
72, avec la scholie.
8.
IG, XIV, 2067 ; Kaibel, Ep., 571.
32é LUX PERPETUA
ou bien c'était dans eaux profondes des fleuves que l'enfant devait être
les
soustrait à la mort :
noyée dans le Nil, est divinisée, et les Nymphes
Isidora,
qui l'ont ravie lui ont construit le temple où lui sera rendu un culte différent
selon les saisons ^ ;
ou encore on se le figurait, quittant la terre et se mêlant
au cortège des Naïades dans les prés fleuris des Champs-Elysées Mais il 2'.
se produisit aussi une combinaison entre cette croyance populaire et celle des
vents ravisseurs qui saisissent les âmes aériennes (p. 208). Les Nymphes ou
Néréïdes provoquent dans l'air des tourbillons, et cette trornbe qui passe enlève
les enfants qui n'ont pas été gardés avec assez de soin les jours de tempête s.
Ainsi paraît être née l'idée que, comme le souffle des Vents élève les âmes à
travers l'atmosphère, c'est vers le ciel que les Nymphes emportent les enfants
dont elles se sont emparées. Une épitaphe latine dit qu'un bambin de huit ans
raptus a Nymphis une anima boita superis réédita^, et suivant une épi-
est
qui partageaient les mêmes regrets. La religion adopta donc une opinion tout
opposée à celle de la magie, pour laquelle les « ahores » sont des esprits malé-
^
fiques. Qu'ils soient appelés en Grèce héros ou ailleurs dieux qu'ils soient "',
1. SE G, VIII,
473, 474.
—
Ceux qui pieurent dans le Nil sont divinisés (Héro-
dote 90)
II, sur cette croyance égyptienne, cf. Griffith, Zeitschr. f. aegyft. Sfrache,
;
1909, XLVI, p. 132 ss.; Kees, Ibid., 1913, LI, p. 127 ss., et Studies presented to Grif-
fith, 1932, p. 402.
= C
— Enm,Grèce E, 1233, cf. su-pra, p. 255 ; Staoe, Silves, II, 6, 10. Cf. C. E.,
2. CIL, 686
enfant, joie de la demeure de Perséphone, AnthoL, VII, 483.
1143.
—
:
6. Poucart, Le culte des héros chez les Grecs [Mém. Acad. Inscr., XLII), 1918, p. 163 ss.
XI, p. 29 ss. ; Suétone, Calig., 7, et Ernst Hohl, Klio, 1938, XIII, p. 269 ss.. Cf. Symbol-,
V- 346-
9. IG., III, 1460 (Attique) :
"Hpwa xt)? (juyyevsi'aç.
CHAPITRE VII. — L'ASTROLOGIE ET LES MORTS PRÉMATURÉES 327
liques, équivalents des héros grecs. Mais sur les plus vieilles épitaphes chré-
tiennes se trouve déjà exprimée & la conviction que les enfants, étant sans
péché, sont conduits par les anges au séjour des Élus, et y intercèdent en
faveur de leurs parents « Sois reçue, ma fille, au nombre des âmes pieuses,
:
parce que ta vie fut exempte de toute faute, car tu ne recherchais que les
jeux de ton jeune âge » dit une inscription métrique qui se lisait autrefois
sous le portique de Saint-Pierre*. Une autre, plus ancienne, est ainsi conçue :
2.
Kaibel, B-pig., 314. !
3. CIL, VI, II 38
= Dessau, 673.
4'. Bréhier, Doctrines -philos, de Philon, 1908, p. ia8 ss.. Cf. Dôlger, A. C, II, 36 ss.
5- Diehl, 3354 ; cf. 3355 ; Cabrol, s. v. « Aiiges », p. 2125 ; p. 2130. Cf. Peterson,
^om. Quartalschr., 1934, p. 176.
6-
CE., 1439 cf. 1400. Am. J. Arch., 1932, XXXVI, p. 460, n° 18.
;
*^
Parvulis pueris sedes in caelo super astra dabis ; illos pro nobis oro... puras enim
scitnus esse
puerorum preces ».
328 LUX PERPETUA
propos des supplices des danmés (p. 223). Des fragments conservés de cette
œuvre étrange nous révèlent que les enfants qui étaient le fruit d'un avorte-
ment, ou avaie*nt été exposés, étaient confiés aux soins d'un ange qui les ins-
plissaient donc, avant d'être admises au ciel, le cycle entier des années qu'elles
auraient dû passer ici-bas. Il y a là un souvenir manifeste de la condition
transitoire, de la vie complémentaire que le paganisme attribuait aux « ahores »,
avant de leur ouvrir l'accès de l'Hadès.
Mais ce sont là des doctrines aberrantes, résidus d'un système périmé. Dans
le paganisme comme dans le christianisme grandissant, s'affirme et
finissant,
s'impose la conviction que, comme disait Ménandre en un autre sens-*^, celui
qu'aiment les dieux meurt jeune.
*
* *
Les hommes dont les jours étaient écourtés par un accident brutal ne for-
maient pas comme les « ahores » une classe uniforme, et l'on voulut par
suite les soumettre à des traitements différents. Les théoriciens distinguaient
en effet plusieurs catégories de « biothanates », dont quatre sont énumérées
par Virgile. Cette classification semble bien, nous l'avons vu (p. 308), avoir
pour auteurs les astrologues qui prétendirent dénombrer, selon la position des
étoiles, les genres de mort réservés aux victimes des planètes meurtrières et
l'enfant chrétien est mort précocement parce qti'il a pliu à Dieu. Cf. S. Cyprien, De mot-
talitate, 23 (I, p. 311, 20).
CHAPITRE VII. — L'ASTROLOGIE ET LES MORTS PREMATUREES 329
tragique et, s'il faut en croire Plutarque, on laissait son corps sans le brûler
ni l'inhumer pour qu'on pût voir qu'il ne se putréfiait point 3.
Un sentiment de crainte se manifeste dans ces prohibitions qui rendent
tabou le cadavre foudroyé : des primitifs en présence d'une mort
l'effroi
1. A. B., Cook, Zeus, II, p. 13 ss. ; III, p. 1114SS.; N'ûsson, Griech. iîe/., I, p. 63 ss.
2. Hésychius, s. v. 'Bl6aiow ; Pollux, IX, 41 ; Artémidore, Oneirocr.y II, 9 (p. 95, 5
Herscher) ; cf. Euripide, Su-pfl., 933 ss.
3. Plut.,
/. c,
p. 665 c. Cf. infra, N. C. I.
4. Cf. Quintilien, /. c, [p. 329, n. 7] sur le « tyrannus fulminatus ».
5. Cf. Rohde, /. c, [p. 329,
n. 2] ; Anthol. Pal., VII, 49. — Supra, p. 17.
6. Servius, Aen., II, 649.
7. Rohde, /. c.
— Sur Vanodos de Sémélé, cf. Boyancé, R. E. A., 1942, XLIV, p. 209 ss.
8 Charax, Anon. de incred., 16 (p. 325 West.) = F. H. G., III, p. 638, fr. 13 ;
cf. Artémidore, /. c, et l'article de Carcopino sur les lois royales (Mél. Ec. fr. Rome, 1937)•
9. Cf. p. ex. Aristide, I, p. 47, Dindorf ; Pseudo-Clément, Mages hell., II, p. 51.
CHAPITRE VIL — L'ASTROLOGIE ET LES MORTS PREMATUREES 531
propre
aux foudroyés Toutes ces idées se sont répandues avec la propa-
.
gation
de l'immortalité astrale par le pythagorisme. On en trouve la trace
dès le nie siècle avant notre ère dans les lamelles d'or exhumées des tombes
de Thurium*. Ennius introduisit cet élément dramatique dans la légende
de Romulus. Tandis qu'il passait une revue au Champ de Mars un orage
éclata, au milieu des grondements du tonnerre le roi fut enveloppé d"un
et
nuage Cicéron assure que Tullus Hostilius fut comme lui emporté
et disparut.
sumé, ajoutent qu'on lui rendit un culte au lieu même où il avait été frappé,
et ils notent que l'on a conservé depuis lors la coutume d'enterrer, comme
préjugés dont nous avons esquissé la longue histoire*. Ils devaient survivre
à l'écroulement du monde romain, et les voyageurs modernes en ont encore
iioté la sîurvivance dans les usages et les croyances des peuples du Caucase *.
*
* *
8.
Cyrille, c; Vie de saint Hypatios citée par Usener, /. c, [p. 329, n. 2], p. 479.
/.
9- Chez les Ossètes [Mages hell., P- 54) et les Circassiens (Cook, Zeus, III,
p. 11 14
à II, 12). Prosternations quand l'éclair briUe Cyrille, Catech., VI, 34 (P G. :
(^•ote
XXIII, 600) avec la note des Bénédictins.
3?2 LUX PERPETUA
imposait de les ranger parmi les biothanati et l'on peut trouver dans les papyrus
^
magiques des preuves qu'on les a parfois considérés comme des revenants
redoutables. Ceci est d'ailleurs conforme aux idées de la mentalité primitive,
qui redoute la menace de ceux qui ont péri dans les luttes entre tribus sau-
vages \ D'un bout à l'autre de l'antiquité apparaît sporadiquement l'idée que
les âmes des soldats qui ont succombé les armes à la main, se transforment
en esprits nocifs, qu'il faut chasser ou apaiser par des rites appropriés*. Nom-
breuses aussi sont les légendes de troupes de fantômes qui reviennent combattre
aux lieux où s'est livrée une bataille meurtrière l'on entendait dans la nuit :
1. Nommés par Virgile, JS«. VI, 477 ss., et par Lucien, Cataplus, 6} cf. TibuUe, I,
10, 37 ss.
2. Top. magie, IV, 1390 ss. (I, p. ii8, Preisendanz), où TjpwEc désigne ceux qui
ont été tués dans la mêlée ;
cf. Hopfner, Offenbarungszauber, I, p. 251.
3. Cf. supra, p. 306.
A Verrius Flaccus, Argon., 424 ss. ; cf. Boyancé, Rev. et. latines, 1915,
Cyzique
4.
XIII, p. 107 ss.
:
—
A Antioche sous Trajan Malalas, p. 272.
—
:
I, p. 169, n. 2.
6. Ronde, tr. fr., p. 549 ss. ; Louis Robert, Études anatoliennes, Paris, 1937, p. 97 ss.
7. Tyrtée, fr. 9 (12) (Diehl, Anthol., I, p. 13) ; Heraclite, fr. 24, Diels.
CHAPITRE VII. — L'ASTROLOGIE ET LES MORTS PREMATUREES 335
de la faveur des dieux. On sait quel culte était rendu à Athènes aux dépouilles
des soldats réunis dans une sépulture commune de la nécropole du Céramique,
et comment chaque année, lors de la fête des Epîtaphia, un orateur officiel
était chargé de prononcer leur oraison funèbre. L'inscription que l'État fit
graver pour les Athéniens morts en 43 2 devant Potidée, affirme que l'éther
a recueilli leurs âmes, comme la terre leurs corps 1. Périclès^, célébrant ceux
qui étaient tombés au siège de Samos, assure qu'ils sont devenus immortels
ainsi que les dieux, et qu'invisibles comme eux, comme eux aussi ils se mani-
festent par leurs bienfaits. Hypéride, faisant l'éloge des victimes de la guerre
les citations prouvant que depuis les temps les plus anciens ces idées ont été
traditionnelles chez les Grecs. Virgile lui-même, par une de ces contradictions
qu'explique l'emploi d'une double source, après avoir relégué les morts tués
à la guerre en dehors de l'Hadès comme le voulait la doctrine astrologique,
les a fait figurer dans les Champs-Elysées à côté des prêtres pieux, confor-
riers ceux qui versaient leur sang pour rester fidèles à leur religion persécutée
et leur promirent une survie glorieuse 2. La foi en cette récompense céleste
devait plus tard faire affronter tous les supplices aux chrétiens qui conquirent
la palme du martyre.
*
* *
Ainsi la religion et la philosophie ont éliminé, dans une très large mesure,
la croyance à une survie malheureuse des morts par violence. Il n'en a pas
été de même pour les suicidés 3, Chez beaucoup de peuples le suicide a pro-
on rendait ainsi les derniers devoirs". L'aspect horrible des morts par stran-
gulation fit naître la croyance que le souffle vital avait en vain fait effort
pour sortir de leur gorge serrée'. Une vieille inscription latine nous apprend
qu'un riche habitant de Sarsina en Ombrie a donné à ses concitoyens le
terram d'un cimetière, mais il en exclut ceux qui se sont loués comme gla-
diateurs,ou qui ont exercé une profession infamante, ou qui, de leur propre
main, ont péri par la corde. Une telle association, qui est une flétrissure,
prouve quelle réprobation superstitieuse s'attachait à ce dernier genre de
mort, qui passait pour le plus impur de tous s. La frayeur qu'il inspirait
faisait attribuer par les magiciens un pouvoir redoutable à la corde qui avait
causé la fin atroce du désespéré, à toutes les parties de son corps"'. Des
et
2.
Eschine, Ctésifh., 244 ; cf. Frazer, p. 120, n. 90.
—
N. C. XXXIII.
3. Platon, Leg., IX, p. 873 d.
4. Servius, Aen., XII, 603 ; cf. Dig. III, 2, loi, 11, 3.
5- La signification des oscilla est controversée; cf. R. E., s.v. «Oscilla», pp. 1572,59;
^575) 31. Varron chez Servius, Ibid., et Servius, Georg., II, 389.
6.
Virgile, En., XII, 603 ; Pline, H. N., II, 63, 156 ;
cf. Le Braz, Légende de la mort
cÂez les Bretons^,
p. 54.
7- CIL, I, 141 8 = Dessau, 7846.
8.
Bayet, o-p. cit., p. 295 ss.
9. Lucain^ VI, 543 ss.. Fahz, of. cit., [supra, p. 97, n, 4].
10. Cultures Dianae à
Lanuvium, CIL, XIV, 2112, b, 5 Dessau, 721a. =
33é LUX PERPETUA
un article disposant que celui qui, pour un motif quelconque, se sera occis
lui-même, perdra son droit à l'inhumation. Cette clause est-elle formulée pour
prévenir une fraude onéreuse pratiquée au détriment de cette sorte de société
d'assurance mutuelle contre l'abandon suprême ? peut-être mais elle est ;
inspirée aussi par la croyance que les honneurs funèbres ne peuvent détourner
la malédiction qui pèse sur le suicidé et rend sa compagnie indésirable, voire
4. R. E., s. V.
« Peregrinus », p. 660, 60.
5. Benz, Das 'Codes-problem in der stoïschen Philoso-phie, 192g, p. SS *®- 5 Bonhôfer,
Epiktàt und die Stoa [supra, p. 115], pp. 38 ss. 188 ss. ;
CHAPITRE VII. — L'ASTROLOGIE ET LES MORTS PRÉMATURÉES 337
pas
survivre à la liberté, passa pour l'idéal sage, aussi digne qu'Hercule du
^Q l'apothéose 1, et
lui-même, que Plutarque^ nous montre lisant et relisant
le Phédon
avant de se percer de son ëpée, espérait certainement obtenir l'ïm-
niortalité promise aux âmes héroïques. La religion même pouvait ennoblir
certaines formes de suicide. Si Cléopâtre pour échapper à la honte d'une cap-
tivité se fit mordre par un aspic, c'est que ce reptile libérateur était le ministre
de Râ et élevait vers le Soleil, son maître, ceux qu'il privait de la vie terrestre 3.
comme à d'autres égards, les Néopythagoriciens et après
Mais sur ce point
eux les Néoplatoniciens ramenèrent les esprits aux vieilles croyances religieuses.
Plotin, cédant à l'opinion qui prévalait de son temps, avait d'abord permis
1.
Zeller, Philos. Gr., IV, p. 254, n. 3.
2.
Plut., Cato, 68.
3- Spiegelberg, S.A.M,, 1925, II, n.° i ;
cf. Tarn, Cambr. Ane. hist.,X, p. iio. Com- —
parer l'histoire de Zarmanos l'Indien, qui monta sur le bûcher à Athènes (Nicolas de
ûamas, fr. 91
=F. H. G.,
III, p. 420).
4' Plotin, 9,I,fin cf. I, 4, 8; I, 4, n6 et Bréhier, t. I, p. 78, n, 2.
; ;
R. E. G.,
5-
1919, XXXII, p. 53 ss. ; Bréhier, t. I, p. 132.
Porphyre, De Abstin., II, 47.
6-
une familiarité intime avec le corps, elle reste, après le décès, alourdie et
épaissie, elle ne peut entrer dans l'Invisible, et c'est pourquoi on peut voir
les spectres des méchants vaguer autour des tombeaux*. Les Néoplatoniciens
ont tiré de ces prémisses la conclusion que l'iiomicide de soi, acte désespéré
toujours accompli sous l'empire d'une passion, loin de relâcher lé lieu de
l'attachement corporel, le renforce et par là même enchaîne l'âme indisso-
lublement aux restes mortels du défunt.
Tout à la du
paganisme ces vues ont encore été développées par
fin
*
* *
Aplus forte raison ceux qui avaient été condamnés au dernier supplice
ils voués à cette survie misérable' et devaient-ils subir les pires
paraissaient-
châtiments réservés aux impies. Ces esprits pernicieux, transformés en démons^
continuaient à nuire au genre humain. L'un des personnages que Lucien
^
fait parler dans son Philopseudès trouve vraisemblable l'opinion que seules.
vont et viennent les âmes de ceux qui ont péri violemment par exemple si
—
un hommes'est pendu, ou s'il a eu la tête tranchée, ou s'il a été empal^ —
mais qu'il n'en est point ainsi de ceux qui sont morts conformément à leur
destin. Même après le triomphe du christianisme, ces esprits désincarnés conti-
nuèrent à être redoutés. Au iv« siècle, saint Jean Chrysostome croit devoir
combattre à Antioche le préjugé des gens simples qui se figurent que les
^
âmes des victimes d'une mort violente deviennent des démons le diable, :
selon l'orateur sacré, a répandu cette opinion fausse pour dépouiller de leur
gloire les martyrs. Les païens en effet appelaient par dérision biothanati les
chrétiens qui s'offraient volontairement au bourreau et se voyaient condamnés
au dernier supplice*. L'empereur Julien raille ces « athées » qui, poussés
par les démons, recherchent la mort et pensent s'envoler au ciel après avoir
expulsé violemment leur âme de leur corps &. Le divin Crucifié lui-même
n'avait-il pas subi une peine qui le rangeait parmi ces suppliciés à la fois
^
méprisables et
dangereux ? Sozomène raconte, légende significative, que
lorsque Jésus et les deux larrons eurent expiré, les soldats romains craignirent
de s'attarder le soir près des trois croix les esprits de ces morts devaient
:
1.
Ascle-pius, 29 (p. 67, 7, Thomas).
2.
Lucien, Philops., 29.
3. Jean Chrysost., Or. 2, In Lazarum, i (PG. XL VIII, 983). Les Perses massacrés
a Antioche sont devenus des
esprits malfaisants, supra, p. 332, note i. ,
4. Du Cange, s, v. « Biothanati ».
S- Julien, Fragm. episf., 288 b (p. 128 Bidez-Cuniont) .
6.
Martyre de S. Aréthas, Boissonade, Anecd., V, 23, 14.
7. Sozomène, II, i.
8. Zacharie le Schol., Vie ^e Sévère, p. 10, 1.
35 ss. ;
cf. M. M. M., I, p. 361.
340 LUX PERPETUA
Déjà en bien des villes, au temps du paganisme, les lois sacrées ou civiles
avaient refusé les honneurs funèbres aux suicidés, —
afin, dit un rhéteur,
que ceux qui n'avaient pas craint la mort craignissent quelque chose après
la mort
'
—
et surtout aux criminels, dont les cadavres n'étaient pas lavés,
mais enfouis sans aucune cérémonie dans un charnier commun (TcoXuàvSptov)".
A Rome ceux qui avaient été exécutés en prison étaient traînés par le bour-
reau à l'aide d'un croc jusqu'aux Gémonies, puis jetés dans le Tibre. La
carence des rites funèbres créait un second motif pour que ces condamnés
souffrissentdans l'au-delà 3. Aussi les familles s'efforçaient-elles d'éviter à
ceux qui leur étaient chers cette aggravation affreuse de leur peine, et elles
pouvaient obtenir des magistrats que les corps des suppliciés leur fussent
rendus. Mais les autorités réfusèrent souvent cette consolation suprême aux
chrétiens qui voulaient rendre les derniers devoirs à leurs frères martyrisés. En
dispersant le:' cendres de ces saints, les païens cherchaient à empêcher que
leurs restes devinssent l'objet d'un culte, et les fidèles craignaient que ceux
résurrection ^.
La législation sacrée du judaïsme ne condamnait pas le suicide rigoureu-
semenc et absolument, et l'on ne voit pas que les premiers chrétiens l'aient
formellement interdit ; mais la discipline de l'Eglise, comme la tradition
païenne, ne tarda pas à prescrire, pour ceux qui attentaient à leur vie, la
privation des funérailles religieuses, et cette prohibition fut sanctionnée par les
conciles-'. Le droit civil en vigueur à l'époque chrétienne continua à appli-
4. Cf. Leblant, Les supplices destructeurs des corfs \su-pra, ch. I, p. 24, n. 3].
5. Sur la privation de sépulture au moyen-âge, cf A. Bayet, op. aï., [sM;prfl, p. 334,
. n. 3];
I. Du Cange, s. v. « Biothanati ».
%•
Lawson, p. 408 ss. Schmidt, Volkslehen der Griechen, I, p. 169 ss.
;
des « biothanates », lorsqu'il nous montre les âmes des traîtres précipitées
1. Dante, Inferno, XXXIII, 128 ss. — [Mais ici l'idée est différente de celle du Dih-
bouk. Dans le Dibbouk un vivant est possédé par l'âme d'un mort jusqu'à ce que soit
révolu le temps que celui-ci aurait dû vivre (Infra, N. C. XVI, p. 412). Chez Dante
au contraire une âme morte avant l'heure étant reléguée au profond de l'Enfer, son
corps reste sur la terre (134), niû par un démon (131) qui lui conserve les apparen-
ces de la vie (157) jusqu'à ce que soit révolu le temps qu'elle aurait dû vivre, 132 :
mentre che il tenvpo suo tutto sia volto. Ce sont bien deux cas de possession, mais
inverses l'un de l'autre : le terme en est celui qui était assigné à l'existence en ce
monde, dans le Dibbouk, du possédant, et chez Dante, du possédé. Aussi bien peut-
être ne s'agit-il dans le second cas que d'un artifice littéraire pour reléguer plus vite en
Enfer des ennemis encore vivants] [L. C.].
2. Le Braz, of. cit., [supra, p. 335, n. 6], t. II, p. i, et p. 253; Gciler von Kaisersberg
(1445-1510), cité par Weinreich, A. Relgw., 1906, IX, p. 220. Cf. A. Bayet, o-p. cit.,
p. 93 ss.
CHAPITRE Vin
LE NÉOPLATONISME
I. — Plotin
I-
Platon, V.iméé, 22 b-c,
Festugière, Hermès Vrism., I, p. 20 ss. Cf. Festu-
2. Cf. p. ex., ss.
, Hérod., II, 142 ;
gière, R. H. Rel., 1942, CXXV, p. 32-57 ; colloques supposés entre Grecs et Orientaux.
344 LUX PERPETUA
et s'initier aux mystères des Brahmanes, des Juifs, des Mages, des Égyptiens,
des fixes par la porte du Cancer, puis les cercles des planètes, dont chacune
successivement leur communiquait les qualités et les passions qui leur étaient
propres ^ Leur vie terrestre accomplie, elles allaient d'abord se présenter
1. Leemans, Studie over Numénius van A-pamea (Mém. Acad. Belgique, XXXVII)i
1937; Bentler, R. E., Suppl. VII, c. 664 ss., s. v. «Numénius»; H. Ch. Puecb,
Numénius d'A-pamée et les théologies orientales au 11° siècle (dans Mélanges Bideii
Ann. Inst. orient, belge, II), 1934 cf.
Henry, A. C, 1937, VI, p. 399 ss.
;
devant les juges infernaux, qui siégeaient au centre du monde. Celles des justes
s'élevaient, en passant la porte du Capricorne, jusqu'à la Voie Lactée où
elles formaient la rnultitude innombrable des étoiles et ces âmes divinisées y ;
châtiment de leurs fautes dans zones planétaires, car c'était là que coulaient
les
ainsi le mythe d'Er de la République avec plus d'ingéniosité que de bon sens.
Proclus qualifie ces élucubrations de « prodigieuses » et n'y voit qu'un centon,
où les phrases de Platon étaient cousues aux formules de l'astrologie et des
Mais, malgré l'absurdité de certaines de ses divagations, Numé-
'
initiations .
1.
Proclus, In Remf., II, p. 228, 26 ss. ;
Cf. Origène, C. Celsum, V, ^y (= fr. 31
Leemans).
Vacherot, Hist. de l'école d'Alexandrie. I, 1846, pp. 360-599 ; Zeller, Philos. Gr.,
2.
III, pp. A66-631 ; W. Ralph Inge, Côe -philos, of Plotinus, 2 vol., 3^ éd., 192B
2, -,
résumé par 1 auteur, Hastings Encycl., s. v. « Neoplatonism », IX, 1917, pp- 309-318 ;
Emile Bréhier, La -philos, de Plotin, Parisi, 1928 ; Paul Henry, Plotin et l' Occident, Lou-
vain ];)934.
3. Porphyre, V. PL, 3.
4. Cf. N. C, XVII.
346 LUX PERPETUA
système, inséparables
une conception originale de la nature et de la destinée
:
Le premier Principe d'où dépend tout ce qui existe, est, comme chez Platon,
l'Un ou le Bien. Mesure de toutes choses, cette Unité est nécessairement trans-
cendante aux objets qu'elle mesure. Mais pour Platon le Bien restait dans
la sphère des Idées, modèles éternels des réalités sensibles
pour Plotin, il
;
exprimer : c'est plus tard que l'on raisonne sur cette lumière soudainement
aperçue ^
Comment ce Premier Principe, qui est absolument simple, peut-il produire
l'infinie diversité des êtres, la multiplicité naître de cette unité ? Si l'Un n'avait
pas créé l'Intellect, son activité serait restée latente. Mais par cette émanation
il n'a rien Il rayonne comme le soleil, qui
perdu de lui-même. répand par-
tout la lumière sans s'épuiser jamais. De même il ne pénètre pas seulement le
des variantes
importantes. Cf. Paul Henry, La Préfar. évang. d'Eusèbe et l'édition fer-
»î«e des œuvres de Plotin par Eustochios (Bibl. éc. Hautes Etudes, se. religieuses, L.
Paris, 1935) ; Les états du texte de Plotin, Paris, 1938, pp. 77-124.
1.
Enn.^ III, 8, 10.
2.
Enn., V, 3, 13. Injra, p. 359.
3- IK V, 3, 17 (p. 73, Br.).
-
N. C. XXIV.
348 LUX PERPETUA
lui, mais cequ'il y a de plus grand après lui le Nous ou Intellect ^. Cette
:
3
visible est tel que la vision, et la vision telle que son objet >^
conime le feu a une chaleur interne et répand cette chaleur autour de lui •
Ainsi l'âme anime et dirige l'univers, dont toutes les parties vivent grâce à
elle, par son unité et son omnipotence, est semblable au'^ Père qui l'a
qui,
engendrée 1. De son désir de créer d'après le modèle que lui offre le Nous
notre monde est né et a pris sa forme. Les astres, la terre même, sont pénétrés
pal"
la Psyché aussi bien que les animaux et les plantes. Comme le Nous
embrasse la multitu'de des Idées, de même l'Ame totale, indivisible, contient la
variété infinie des âmes individuelles celles-ci coexistent dans son sein, tout
:
en demeurant distinctes par leurs qualités, car elles subissent à des degrés
variables l'action de la Matière à laquelle elles se sont unies.
La Matière n'est pas pour Plotin cette substance pondérable et mesurable
dont s'occupe notre physique. Elle est dépourvue de toute forme et de toute
le monde sensible. A ces trois degrés de l'Univers répond une division tri-
partite de l'homme en Intellect (voûç), Ame (^ux,/)) ^^ Corps (o-coaa). La dis-
tinction est traditionnelle dans la philosophie grecque. Mais Plotin l'insère
dans son système du monde. Le Nous appartient au' monde intelligible c'est ;
par lui que nous nous élevons à la contemplation des réalités spirituelles ;
divers, discutés dans l''école romaine, sans liaison méthodique entre eux, et
assez arbitrairement groupés d'après leut contenu dans l'édition de Porphyre.
Il n'est pas surprenant dès lors qu'elles nous offrent dans leurs divers
traités pour ainsi dire des états successifs de la pensée de Plotin, des vues
instantanées de son enseignement dans une leçon donnée, et que les opinions
qui y sont exprimées ne s'accordent pas toujours entre elles. C'est ce que nous
allons constater en abordant, après ce préambule, la doctrine plotinienne de
l'immortalité.
L'opinion de beaucoup la plus répandue pendant les premiers siècles de
l'Empire considérait comme matérielle l'essence de l'âme. La vieille croyance
que le double était formé d''une substance plus subtile que le corps humain,
dont il conservait la forme, était restée celle des masses populaires dans
tous les pays du monde ancien. Les Stoïciens ne s'en éloignaient guère lors-
qu'ils définissaient l'âme comme un souffle igné, analogue à l'éther.. Et pour
les Épicuriens elle était un éphémère composé d'atomes, qui ne tardait pas à
se désagréger. Ilpas étonnant que certains écrivains chrétiens, Ter-
n'est
tullien, par exemple, aient partagé une doctrine qui était celle de la plupart
de leurs contemporains i. Cette âme matérielle pouvait voyager comme les
astres à travers l'espace, descendre des sphères étoilées et y, remonter, venir
se loger dans un corps humain, et l'occuper tout entier.
Mais dès quel'on proclamait avec Plotin la spiritualité absolue du principe
qui nous anime, ce qui avait paru auparavant simple et naturel devenait
mystérieux. Si l'âme est un pur esprit, elle échappe aux limitations de l'espace :
elle est partout et nulle part '\ Comment peut-elle se transporter d'un séjour
céleste ou supra-céleste en ce bas monde ? Comme le fait observer M, Bréhier',
une aporie fondamentale de la pensée plotinienne a été de concilier le pro-
blème psychologique que pose la destinée de l'âme avec le problème philo-
sophique de la constitution de la réalité. On ne peut comprendre les spécu-
lations du subtil dialecticien si l'on ne tient compte de cette interprétation, ou
rents, comme une modification interne de cette âme dans son passage graduel
du monde intelligible au monde sensible, ou inversement cette transformation
l'adaptant à la structure rationnelle de l'univers. Mais, nous le verrons, cette
accommodation resta toujours imparfaite. Il y a dans le langage et même dans
la pensée. de Plotin des résidus persistants des vieilles croyances en l'immor-
Un passage caractéristique entre tous montre que le Maître dans ses leçons,
ne se faisait pas faute d'invoquer les croyances vulgaires à l'appui de ses
doctrines. Dans le traité où il reprend et complète les arguments formulés
par ses prédécesseurs pour établir l'immortalité ou pour mieux dire, l'éternité
de l'âme, il ajoute une dernière preuve pour ceux que sa dialectique n'aurait
^
pas convaincus et qui demanderaient « une foi mêlée d'un élément sensible ,» .
Elle est tirée de l'existence partout répandue d'un culte des morts, destiné à
1.
Cicéron, 'Cusc, I, 12, 27 ;
cf. supra, ch. I, p. 13 j Aristote, Eudème, fr. 44, Rose.
2.
Enn., IV, 8, fin : Iloôç xoùç Seopivouç it((txewi; at(j9ï|t;£i XExpa|xivfj(;.
n'exerçant nulle activité intellectuelle, car elles ne' doivent rechercher aucune
connaissance qu'elles ne possèdent déjà. De même qu'elles sont transparentes
l"une pour l'autre, elles peuvent par introspection voir en elles-mêmes l'in-
le contact avec les idées. Mues par le désir louable de communiquer leur;S
dons à tous les degrés inférieurs de la réalité, elles trouvent ainsi l'occasion
d'exercer certaines facultés demeurées latentes dans l'intelligible 2, et l'expé-
rience du mal peut même leur faire mieux apprécier la valeur du bien
pendant son passage sur cette terre elle ne recherche pas les beautés corporelles,
qui ne sont que des reflets et des ombres, mais continue à se tourner vers
la beauté véritable et s'efforce de se soustraire aux sortilèges qui l'entourent,
qu'offrent les simulacres du monde des sens avec les réalités du monde des
une inclination
idées, elle peut être séduite par leur attrait décevant et, cédant à
arrivées au point le plus éloigné, elles ignorent même d'où elles viennent,
comme des enfants arrachés à leur père et élevés longtemps au loin le
méconnaissent, et eux-mêmes avec lui^. Celles qui se complaisent ainsi dans
leur nouvelle condition vivent au milieu des ombres comme si elles étaient
1.
Enn., IV, 8, 5 (p. 223, Br.).
2.
/&., IV, 8, 7 (p. 225, 3, Br.). Même idée chez Porphyre (infra, p. 358).
S- Ib., I, 6, 8 (p. 104, 12, Br.) ; cf. V, 8, 35 (p. 137, 35). Cf. Bousset, Haupipro-
bietne der Gnosis,
p. 205, note.
4- Ib., V, 8, 3 (p. 221, Br.).
S. Ib V, I, I (p. 15, Br.).
0-
Ib., V, 8, 3 (p. 104, 13, Br.) ; rV, 3, 27 (p. 96, 8, Br.). Cf. Porph., infra, p. 362.
7- Ib., IV, 8, 5 (p. 223, 5). Cf. m, 4, 6; supra, ch. I, iv, p. 92.
Ï3
354 LUX PERPETUA
tandis que son eidôlon surgit du fond de l'Hadès. On a soutenu que ce passage
des Ennéades, qui exclut tout contact entre la matière et l'âme supérieure
vouée à la contemplation, trahissait l'influence de la philosophie hindoue \
Mais l'emprunt paraît être fait à une école beaucoup plus proche du Platonisme.
Nous l'avons vu ailleurs', les Pythagoriciens, adoptant la doctrine de l'im-
mortalité céleste, voulurent la concilier avec la croyance traditionnelle aux
Enfers en dédoublant l'âme, dont une partie, la psyché, montait vers les
cieux, tandis que V eidôlon s' enionca.it dans le monde inférieur^ Et pour soutenir
cette théorie audacieuse, ils à interpoler dans l'Qdyssée, à
n'hésitèrent pas
propos d'Héraklès, des vers qui la justifiaient. C'est à ces vieux philosophes
que Plotui a pris l'idée que l'âme était double, et que seule sa partie adventice,
ne lui appartenant pas en propre, descendait dans le monde matériel, qui
Le flux dela prédication de Plotin est un torrent rapide, qui charrie ainsi
maint débris arraché à la montagne où il prend sa source. Mais si, dans les.
chapitres que nous citions, le sens allégorique se discerne sans peine, ailleurs
il moins apparent. Ainsi lorsque nous lisons que l'âme, en sortant du
est
corps igné ou aérien^, lequel est invisible, et qu'elle passe ensuite dans un
corps terrestre ou, ce qui revient au même, qu'elle s'enveloppe, à mesure
qu'elle descend,
de vêtements qu'elle dépouillera en remontant ^ ; ou encore
lorsque Plotin admet que l'âme commence par se loger au ciel dans un corps
sphérique comme
les astres, qui s'allonge ensuite pour devenir un corps
terrestre*, ce ne sont pas là de pures métaphores, de simples réminiscences
verbales, mais des rappels d'opinions communes, répandues avec la doctrine de
l'immortalité astrale et auxquelles le philosophe n'a pas hésité à se référer dans
ses entretiens scolaires. Il avait pour principe d'accepter les thèses généralement
admises tant que leur fausseté n'était pas démontrée s. Mais l'aboutissement
de la pensée mystique de Plotin est l'affirmation que la descente de l'âme
(///GoSoç T^ç 4'^X^*')
^^
P^^* ^^^^ entendue comme un voyage effectif à
travers les sphères des étoiles fixes et des planètes jusqu'à notre terre, comme
elle encore pour Nuniénius (p. 344). Il ne peut être question d'un
l'était
déplacement local pour une âme immatérielle. Sa chute est une transformation
purement psychique *. De la méditation intérieure à laquelle elle se livre
dans le monde intelligible, elle passe à l'état où elle reçoit des impressions et
subit des émotions dans le monde sensible \
Toutefois les âmes peuvent ne pas rester empêtrées dans les liens qui les
maintiennent dans un milieu inférieur, avilissant pour leur véritable nature,
I
source pour elles de misères et de tribulations infinies. Il leur est donné
i
au contraire de s'élever à un niveau supérieur en faisant prévaloir en elles-
mêmes le Nous. Bien que plongées sur notre terre dans l'abîme de la matière,
leur tête reste fixée au-dessus du ciel^. Leur père Zeus, prenant en pitié leur
I.
Enn., IV, 3, 17 (p. 84, 3, Br.); cf. IV, 3, 32 (p. loi, n. iBr.).
2-
IV, 3, 9 (p. 75 Br.). Cf. infr'a, p. 378, note 3.
Ib.,
3- Ib., I, 6, 7 (p. 103 Br.). Cf. infra, p. 358, note 4 N. C. XXVII.
-,
4- ^b; IV, 4, 5. (p. 106, 15 Br.) et IV, 3, 15 (p. 82, i ss.). Cf. Symbol., p. 123,
''ote, et su-pra, p. 344.
P' 185, et
infra, p. 369.
7.
Enn., IV, 8 (p. 212 ss. Br.).
^-
^^-^ IV, 3» 12 (P- 79 Br.).
956 LUX PERPETUA
peine, a rendt! sujettes à la! mort les chaînes qui les font souffrir, et il leur
accorde, par intervalles, de venir retrouver l'Ame de l'univers, qui règne
éternellement sur le monde intelligible sans se tourner vers les choses d'ici-bas '.
Lorsque notre âme est sortie d'un corps, son sort est déterminé par les fonctions
qu'elle a le plus développées c'est pourquoi il faut « fuir vers le haut
:
»,
Celui-ci est comme le bon conseiller qui, dans une assemblée tumultueuse où les
cris des factieux menacent de couvrir sa voix, arrive à imposer sa volonté'.
Toute âme, même incamée et envahie par les sensations et les impressions,
garde donc im côté supérieur tourné vers le Nous et la divinité*. Sa condition
ici-bas prépare son destin dans l'au-delà. En cette vie l'âme s'est sentie attirée
que 5. Mais si la beauté corporelle lui cause une sensation profonde et peut
l'enflammer d'amour, elle ressent une émotion bien plus intense lorsqu'elle
aperçoit en elle-même et chez autrui la beauté de la vertu ou de la science,
Elle est saisie d'étonnement et transportée d'allégresse quand, au lieu des
apparences, elle voit les réalités idéales : « L'étoile du soir et celle du matin
sont moins belles que la face de la justice et de la tempérance » *. Mais
cette ivresse amoureuse ne ravit l'âme que si sa propre nature la rend capable
d'une telle vision. Celle qui s'est inclinée vers les plaisirs impurs et salie
par ses vices, en sera privée, comme un homme plongé dans un bourbier,
et elle ne pourra éprouver la délectation esthétique que procurent les beautés
qui se révèlent en dehors des organes des sens '. Enfin ceux que leur
perfection en rend dignes éprouvent le désir de monter plus haut encore
vers cette Beauté absolue, d'où émanent toutes les autres, qui n'en sont que
les reflets. En celui qui la contemple s'éveille une passion ardente, qui le
Mais seuls s'élèvent jusqu'à l'objet de cette aspiration ceux que leur activité
y a préparés*. L'homme peut vivre d'une Vie purement matérielle, soumis à
ses instincts naturels, ou bien il peut, en obéissant à la raison, mener la vie
l'intelligence même et participer à une vie divine®. Ceux qui, ayant dépouillé
dans leur ascension spirituelle tout ce qui est étranger à Dieu, ont le privilège
de contempler ce Souverain Bien qui est au delà de la beauté, de la vertu
et du savoir, ne font plus qu'un avec lui'=.
pendant les années où Porphyre le connut, cette
Plotin obtint quatre fois,
1.
Bréhier, Philos. Plotin, p. XII.
2.
Enn., V, 5, iz (p. 104, 7 Br.); c£. I, 6, 7 (p. 103, i)j I, 8, i
(p. 116); VI, 7,
20
(p. 93).
3- Ibid., III, 2, 3 j;p. 28 Br.).
4- IV, 4, 16 (p. 117 Br.).
Ihid. ; cf.
5- IK I, 7, I (p. 103 Br.),
6-
Ih., I, 8, 2 (p. 116); cf. I, 9, 10 (p. 186).
7, I (p. 108); V, I, 8 (p. 26); III, 9, 9 (p. 176).
7 Ibid., I,
o-
Porphyre, V. Plot., 23.
—
W. R. Inge a noté que l'extase est pour Plotin, et
^ussi
pour Porphyre, qui ne l'aurait obtenue qu'une seule fois à l'âge de soixante-huit
une faveur très exceptionnelle. Au contraire chez certains mystiques chrétiens
^s,
cUe se
présente comme un état fréquent et prolongé. Plotin n'eût pas approuvé les
iiMyens pratiqués délibérément par eux pour y atteindre. L'esprit helléniq_ue est en
général hostile à cette forme de
l'ascétisme, et Plotin ne le renie pas entièrement.
358 LUX PERPETUA
suggère la même observation que celle de leur descente. Il associe dans son
langage, et même dans sa pensée, la vieille doctrine de l'immortalité astrale,
que imposait l'adoption de celle-ci par Platon, avec un mysticisme qui
lui
s'élève au-delà de l'intelligible. Les âmes qui sont là-haut, dit-il dans un
passage que nous suivons pas à pas, sont, les unes dans le monde sensible,
^
les autres en dehors. Les premières séjournent soit dans le soleil ou une autre
planète, soit dans le ciel des fixes, chacune selon que sa raison s'est comportée
ici-bas. Car notre âme est unie non seulement au monde intelligible, mais
à l'Ame du monde, celle qui se distribue dans les astres selon la diversité de
ses puissances. Chacune des âmes humaines, lorsqu'elle est libérée, va dans
l'astrequi répond au caractère qu'elle s'est acquis par ses actions en cette vie.
Quant aux âmes supérieures, qui sont sorties du monde sensible^ « leur
nature dépasse celle des démons ; elles ont surmonté toute la fatalité des
naissances, et l'ordre entier des choses visibles ». Dans leur ascension elles
se dépouillent des vêtements dont elles s'étaient enveloppés dans leur descente*,
comme dans les mystères se dévêtent les initiés qui doivent se purifier, et ayant
abandonné tout ce qui est étranger à Dieu, chacune voit seule à seul, dans
sa simplicité et sa pureté l'Être dont tout dépend, principe de la vie et de
l'intelligence. A mesure que l'âme
s'élève, ne perd pas ses facultés si elle
dépendait
de son union avec perceptions des organes des sens,
le corps : les
elle se hâte vers le haut, plus elle les oublie i. Au plus haut degré de
plus
la vie spirituelle, son intelligence même cesse de s'exercer ; elle perd toute
conscience de soi : « L'âme ne se meut plus parce que le Bien auquel elle
s'unit est immobile ; elle n'est même plus une âme, parce qu'il ne vit pas,
mais qu'il est au-dessus de la vie ;
elle n'est pas non plus intelligente
parce que le Bien ne pense pas, et qu'elle doit être semblable à lui » 2.
Les dernières paroles adressées par Plotin sur son lit de mort à Eustochios
expriment l'aspiration profonde de toute sa vie Je tâche d'élever le : «
'
divin qui est en nous vers le divin qui est dans l'univers » Une philosophie .
qui regarde comme le but suprême de la vie humaine l'union avec un Dieu
transcendant, et qui espère l'obtenir par une purification progressive de l'âme,
est Elle est dominée par l'idée maîtresse que la
essentiellement religieuse.
créature, soumise à l'esclavage de la matière corruptrice, peut garder un amour
ardent des vérités supérieures, et que l'élan qui porte la raison vers le Bien
et le Beau divins arrive déjà en cette vie à satisfaire cette passion incoercible.
L'étude théorique de la voie qui conduit au Priemier Principe est elle-même un
moyen de monter jusqu'à lui*. Un mysticisme fervent s'allie dans les spécu-
lations les plus abstruses du philosophe à une métaphysique subtile elle ;
la
vivifie, lui prête une force émotive qui explique l'attirance qu'elle exerça
et la grande transformation qu'feUe opéra dans les esprits à la fin du
monde antique.
Plotin connaissait les cérémonies secrètes célébrées dans les temples de
sa patrie ; et il fait souvent allusion à ce qui s'accomplissait à l'ombre des'
sanctuaires. aime à emprunter des comparaisons aux mystères et à se servir
Il
de leur en un certain sens la sublimité de son mysticisme est la
langage ;
1.
Enn.^ IV, 3, 1% (p. 100, 13 Br.V
2.
Ibîd., VI, 7, 35 (p. iio, 4a Br.). Sufra, p. 347.
3- Porph., Pu. Pla,t.^ Z '^i,<sa.<; TSipâaSai -rô Èv ^[Ji.Tv ôeTov àvâyeiv Ttpôç TÔ èv Ttj!) TtâvTt Ôeîov.
:
4- Enn., III, 20, i (p. 62 Br.). Cf. Bréhier, V. de Plotin, p. 24 ss. ; et sufra, p. 347.
Cf. Le culte
5- égyptien et le mysticisme de Plotin {^Monuments Piot, XXV), 1922,
PP- 77-92.
360 LUX PERPETUA
que celui à qui sur cette terre un dieu a daigné se manifester trouve dans
cette apparition lumineuse une garantie dé son bonheur dans l'au-delà, a
précédé dans le paganisme la doctrine néoplatonicienne que la vision béatifique
conduit à l'absorption libératrice dans le sein de Dieu. Comme tous ses
contemporains, Plotin croyait aux épiplianies des dieux, à F « autopsie » qui
dans les temples permet de les voir face à face, et lui-même en rapproche
la contemplation philosophique du Beau absolu \ Mais il n'est pas une sorte
l'intervention d'un prêtre n'est pas nécessaire pour que l'extase la ravisse, ni
le secours d'un dieu psychopompe pour qu'elle atteigne et dépasse les limites
du monde sensible. De même que la raison échappe aux sortilèges de la
^
magie aussi bien qu'à l'influence des étoiles ^ elle demeure indifférente aux
prières récitées dans les temples *. La spiritualité altière du grand métaphy-
sicien dédaigne tout cérémonial rituel. Elle reste intellectualiste et imbue de
rationalisme grec. Pour elle, pas obtenu par l'intercession d'un
le salut n'est
fièremeni le Maître, non pas à moi d'aller vers eux », signifiant ainsi que
l'âme devait attendre dans une retraite solitaire et un recueillement silencieux
1. P'. Plot., lo ;
Porphyre, Enn., I, 6, 7 (p. 108 Br.).
Enn., IV, 4, 40 à 44 (p. 147 ss. Br.); cf. IV, 3, 15 (p. 82).
2.
3. Enn., III,
I ; II, 3 cf. Porph., V. Plot., 15 ; Firmicus Maternus, Mathes., I, 7,
;
18 ; Bouché-Leclercq, Astrol. gr., p. 600 ss ; Cari Schmidt, Plotins Stellung zum Gnos-
tizismus (Texte u. Unt, XX, 3), 1901, p. 44.
4. Les seuls dieux du paganisme dont Plotin admette l'existence réelle sont les
as-
tres. Or ces astres n'entendent pas les prières qu'on leur adresse, et il n'y a pas en
eux de volonté de les exaucer. Elles n'agissent —
comme les incantations magiques-;
que par une influence sympathique sur l'être que l'on supplie, en vertu des liens qui
unissent toutes les parties de la nature (Enn., IV, 4, 40 à 42, p. 148 ss. Br.).
5. Porph., V. Plot.,
10. Le sens de cette hautaine réponse, qui surprit ceux qu'
l'entendirent, ne paraîtra pas douteux si on la rapproche d'Enn., V, 3, 17 (p. 73, 3°
qui, selon Suidas, vivait sous Marc Aurèle et était le fils d'un autre Julien,
« philosophe » chaldéen et auteur d'un livre sur les démons^. Le Théurge
lui-même avait composé, sur. ces hexamètres souvent ambigus, un livre d'exégèse,
qui paraît les avoir surtout mis en valeur. Il les présentait certainement comme
une révélation reçue d'une divinité. Mais, énigmes irritantes, où, quand,
comment cette révélation avait-elle été obtenue, nous l'ignorons. L'épithète
de « chaldaïque », indique qu'elle prétendait exprimer la sagesse présumée
de l'ancien clergé babylonien, et l'importance qu'elle accordait au culte du
Feu, qui caractérise le mazdéisme, semblerait indiquer pareillement une origine
iranienne, réelle ou fictive. C'est tout ce que l'on peut hasarder sur sa
provenance. On est ramené à la même origine par un dualisme opposant
les démons, qu'évoquent les impies, aux dieux, dont les théurges obtiennent
les théophanies '. i-i^:.J
:
-Iv;.,-! |\?;,|;?^
die
Schriften des Synesios (Schriften der Kônigsberger Gelehrtenges., XVIII, i) j Bidez,
J^ie de
l'empereur Julien, p. 73 ss.
a.
Kroll, R. E., s, v. « Iulianos », n"» 8, 9.
3. Cf. Jambl., De myst.^ Hj 31 j et sur les àvrlGEot, su-pra, ch. IV, p. 217.
362 LUX PERPETUA
aussi bien que les esprits des morts i, mais c''était un art réprouvé dont
^
l'exercice était puni par le code pénal. Les théurges se flattaient de produire
les mêmesprodiges, d'obtenir les mêmes apparitions par des pratiques pieuses ;
seule la pureté parfaite de leur âme leur valait de jouir de la vue des dieux
lumineux. Aussi bien, pour assurer la réussite d'une opération magique, est-il
souvent recommandé de se sanctifier (àyveuetv). Lorsque les sorciers
soumettaient ainsi à leur volonté une déité, un démon ou un fantôme, c'était
souvent pour les interroger, afin d'être éclairés par les réponses qu'ils en
obtenaient^. Les Oracles Chaldaîques sont un recueil de réponses du mênje
ordre données à Julien le Théurge par la divinité, surtout semble- t-il par
Hécate, déesse à la fois du ciel, de la terre et des enfers, conçue comme la
maîtresse de la nature entière*. La mantique resta toujours un des actes
essentiels du culte des
théurges^. Lorsque les auteurs nous parlent de
« mystères dont la connaissance aurait été révélée par Julien et transmise
»
2. Le nom de « théurge » paraît avoir été pris d'abord par Julien, qui mit en circu-
lation les oracles ; il fut introduit par Porphyre dans le langage philosophique et s'op-
posa dès lors à celui de magicien (Porph., E-pist. Aneb., 46 ; Aug., Civ. Dei., X, 9-10;
Eunape, V. Sophist., Maxime, p. 474-58 Didot.
—
Cf. Èitrem, La théurgie chez les
Néoplatoniciens et dans les
papyrus magiques {^Symbol. Osloenses, XXII, 1942, p. 49 ss.
3.
Cf. supra, ch. I, p. 92.
4. Cf. Marines, V. Procli, 28.
5. Jambl., De myst., II, 31.
6. Cf. Bidez, Les mystères néoplatoniciens (R. B. Ph. H., 1928, VII, p. 1477 ss.);
Vie de l'empereur Julien, ch. XII, p. 73 (= tr. ail, 1940, p. 83 ss.).
7. Cf. supra, p. 360, et pour les théurges, Eunape, V. Soph., Jambl., p. 458, 29 Di-
dot ; Marinos, V. Procli, 28.
8. August., Civ. Dei, X, 9. —
Cf. infra, p. 374.
CHAPITRE VIII. -- LE NÉOPLATONISME 3^3
ouvrages pour n'en conserver que deux les Oracles chaldaîques et le Timée
:
I.
Bidei, Ilotes sUr Julien (Bull. Acad. Belg., 1904), p. 501. Cf. ibid., 1919, p. 418.
a. T^. Procli, fia.
Marinos,
364 LUX PERPETUA
la nature, et seuls, grâce à leur piété, les théurges sont capables de se soustraire
à l'a domination de la Fatalité ' Dans son abjection, la masse grégaire, « lie »
.
Mais la semence ignée qu'il renferme incite cet esprit déchu à remonter
vers sa source lumineuse. Cette ascension est quelquefois représentée comme
produite par des agents physiques. Les Vents sont les véhicules qui élèvent
les âmes légères vers le ciel<^, et celles-ci sont attirées aussi vers lui par les
éléments aériens, lunaires et solaires, dont elles se sont revêtues en descendant
sur cette terre ^. Le Soleil surtout, le dieu aux sept rayons avait, conformément
à une vieille doctrine des « Chaldéens », le pouvoir d'attirer jusqu'à lui
les âmes plongées dans l'abîme 6. Ailleurs au contraire, c'est la mythologie
qui doit expliquer cette montée de l'esprit des morts. L'âme a besoin d'un
dieu psychopompe qui lui serve de guide dans son voyage posthume il lui ;
7. KroU, De orac. chald., p. 54; cf. Symbol., p. 262. Norden, note au vers VI,
657 de l'Enéide.
CHAPITRE VIII. — LE NÉOPLATONISME 3^5
de la théologie qu'illustrent les vers imagés des oracles offre une similitude
les auteurs des opinions qu'il accepte ou qu'il combat, de crainte sans doute
qu'un patronage illustre ne donnât une valeur fictive à une thèse dont le contenu
seul importait. Après s'être absorbé dans sa méditation, le philosophe rédigeait
d'un seul jet et ne se corrigeait pas^. Son orthographe était fautive, son grec
les hésitations d'une pensée qui se cherche. Par endroits le style des Ennéades
mystique donnent à ses diatribes, où l'on croit entendre encore la parole d'un
maître passionné, une force singulière de persuasion s.
Au contraire Porphyre'' est un styliste formé à l'école de Longin, qui fut
le
critique littéraire le plus célèbre de son temps, un polygraphe, qui s'est
essayé dans des genres très divers, philosophie, religion, histoire, rhétorique,
sciences exactes et sciences occultes, vaste production dont nous n'avons
conservé que Ja moindre part. Son érudition 'était immense, son savoir,
La chute de l'âme dans le monde matériel est pour celle-ci une redoutable
épreuve.
L'homme ne peut s'élever sur le chemin ardu de la perfection, et
purifier
âme qu'en renonçant aux plaisirs des sens, en s 'affranchissant de
son
toutes les passions que suscitent en elle son union avec le corps. La mollesse
et la volupté s'opposent à l'effort nécessaire pour monter vers les cimes ^
L'âme n'y peut parvenir qu'en s'abstrayant par la force de sa volonté de tout
rejoindre l'Être incorporel qui est partout et nulle part, et qui par son
omniprésence propage dans l'univers entier son irradiation inépuisable et
son énergie inlassable. La connaissance que du mal pendant
la raison a acquise
son passage ici-bas le lui fait détester, et elle n'éprouvera plus le désir de se
réincarner ^ Essence purement spirituelle, ravie par une vision béatifique,
dont l'extase terrestre est une anticipation éphémère, elle jouira dans le sein
de Dieu d'une félicité éternelle*. Porphyre, en tout ceci, reste fidèle à
l'enseignement de Plotin qu'il s'est borné à développer et à préciser avec une
tendance ascétique plus caractérisée. Celle-ci résulte de l'opposition' radicale
établie par lui entre l'âme, qui aspire constamment au divin, et un corps
impur et corrupteur, A mesure que cette âme est descendue ici-bas, elle s'est
revêtue de tuniques successives, qui l'ont couverte d'une enveloppe subtile
de plus en plus épaisse. Proche encore de sa pureté originelle, elle a pris
im corps éthéré. Voisin de l'immatériel passant ensuite de la raison à
;
1.
Porphyre, B-p. ad, Marc, 6 ss.
—
Cet opuscule, « testament spirituel du paga-
nisme », vient d'être traduit en français par le P. Festugière. —
Cf. Vacherot, op. cit.
[supra, p. 345, n. 2], II, p. 53 ss.
2. De
regres. anim., fr. 7 (p. 35, 13 ss. Bidez) =
Aug., Civ. Dei, X, 27 ; cf. De
Abstin., II, 49 et 54.
3. De an., fr.
11, i (p. 39, 5 B.)
=
Aug., C. D., X, 30 cf. fr. 11, 6 (p. 42,
2 B.). —regr.
Même idée chez Plotin, supra, p. 356.
;
gibles, si elle renonce à l'activité rationnelle pour vivre de la vie des sens,
elle s'en trouve à la fois alourdie et souillée.
Le Nous échappe à l'action des purifications rituelles, mais celles-ci agissent
sur l'âme pneumatique. La cathartique des théurges peut l'aider à rega-
gner le ciel. Si les cérémonies du culte, les initiations aux mystères sont
superflues pour assurer le salut du sage, elles peuvent être nécessaires à la
foule des âmes appesanties par leur inclination vers la matière ^. Grâce à
la théurgie ces âmes, encore entourées d'un corps diaphane, 3 peuvent être
portées à travers les airs par un démon ami*, car l'atmosphère est l'habitat
des démons, qu'ils soient bienfaisants ou hostiles. L'âme qui a franchi ce
passage redoutable ira vivre dans les sphères astrales ou même au delà, dans
l'empyrée parmi les dieux et les anges qui y ont leur séjour". Mais elle ne
peut s'élever jusqu'à l'Être suprême, afin de s'unir à lui pour toujours. Son
bonheur ne sera pas éternel". Elle sera contrainte de redescendre sur la terre,
de s'y incarner dans un nouveau corps humain, bien que selon Porphyre, —
qui s'oppose ici à Plotin, — elle ne subisse jamais la déchéance d'habiter
celui d'un animai.
Porphyre réservait donc à une élite de penseurs contemplatifs la rédemption
définitive au seindu Bien absolu que Plotin assignait comme but à l'existence
humaine. Il maintenait pour la masse la nécessité du culte pratiqué dans les
temples, mais sans lui accorder d'autre vertu que l'efficace limitée d'un salut
imparfait et temporaire ».
IV, p. 203.
8. La doctrine de Porphyre se rapproche singulièrement de celle des Upanishads; ci.
Salet, Les U-pan., morceaux choisis, du Mundaka Upanishad)-
Paris, 1920, p. 19 (tiré
CHAPITRE VIII. -- LE NÉOPLATONISME 369
rjadoration d'un même Dieu 2. La flamme allumée par Plotin « resta ardente
sur ses autels » 3. Sans doXite beaucoup de ses lecteurs ne comprenaient-ils
1.
Eunape, V. So-ph., Plotin, p. 455 Didot.
2.
Relig. orient., p. 185 ss.
3- Eunape, l. c. : DXwxtvou Ospiaol pwp.o(.
Sent, ad intell., ag, ^
4-
(p. 14, Mommert); cf. supra, ch. IV, p. 216.
5- Cf. su-pra,
p. 353.
370 LUX PERPETUA
à son humidité, elle a attiré vers elle des vapeurs denses et troubles qui
l'entourent d'un eidôlon opaque, et celui-ci l'entraîne dans les abîmes souter-
rains, où son poids même tend à la précipiter *.
L'explication est ici purement
physique imaginée par un stoïcien.
et pourrait avoir été
Plotin ne fait que des allusions fugitives aux démons qui, comme le voulait
Platon, sont les bourreaux des âmes ^. La démonologie a pris chez Porphyre
une tout autre importance. Il rendait en général les démons responsables de
tout ce qui dans le polythéisme était incompatible avec sa conception philo-
l'esprit des impies. Ce sont aussi ces dévas qui supplicient les âmes des
réprouvés au fond des Enfers. Nous sommes loin de la pure doctrine plo-
tinienne.
Leplus curieux de tous les fragments qui nous révèlent des idées de
Porphyre sur l'Hadès est tiré de son livre « Suîr le Styx », lequel, sui-
1. Sent, ad, intellig.^ ag, 3 (p. 15, Momm.), cf. supra, ch. IV,
p. 216. Cf. Symbol.,
p. 201, n. 2.
2. Cf. supra, p. 353.
3. Cf. supra, ch. IV, p. 229, Mages helL, I,p. 177; II, p. 275. Le même dualisme —
oppose dans l'épitre à Marcella (11, 16, ig ss.) l'âme du pécheur où se loge un mau-
vais démon, à l'âme du juste, habitacle de Dieu. Cf. aussi De Abstin., I, 31, II, 46-
4. Extraits du nspi STuyôç dans Stobée, Ed., 1006 à 1037.
5. Cf. supra, pp. 150, 190, 193, et Symbol..^ pi.
8 ss. ; Stobée, p. 1037 '• '^^"''^^^ tzo)^^'^
6E0CT0cp(aç Ye[;.ôvTu)v.
....
6. Cf. le fragment du nepl 2x0^0?, où les interprétations homériques de Kronios sont
mentionnées avec éloge; Stob., Ed., II, i, 19 (p. 18); cf. Porphyre, De Antro nyf^'
pharum, 2.
CHAPITRE Vin. — LE NÉOPLATONISME 37 1
prédictions. D'autre part les dieux eux-inêmes peuvent être punis pour leurs
fautes, car ils sont sujets à la colère, à la haine et, étant animés de passions.,
ils exposés à pécher. Comme ils .sont supérieurs à l'humanité, leurs
sont
crimes méritent un châtiment plus douloureux, non point dans l'Hadès avec
les ombres pécheresses, mais au-dessous de l'Hadès
profondeurs dans les
du Tartare, domaine de Kronos, où ont Ce que
été précipités les Titans.
sont les le démon inexorable du Styx l'est
Érynnies pour les âmes perverses,
pour les dieux déchus. Telles seraient les croyances enseignées par Homère.
Ce serait un miracle si un écrivain aussi abondant que Porphyre qui, au
cours d'une longue vie, écrivit sous des influences diverses, était resté toujours
d'accord avec lui-même. De fait sa pensée n'a cessé d'évoluer, et il y. a un
abîme entre ses premiers essais et les œuvres de sa maturité. Mais même dans
sesdernières productions, on constate qu'à côté du haut idéalisme que Plotin
lui a inculqué, il garde même des superstitions de
la foi en des croyances et
la
religion populaire n'a jarnais renoncé à tenter de mettre d'accord avec
2. Il
sa
philosophie, à l'aide d'interprétations subtiles, les traditions les plus prodi-
gieuses et les plus extravagantes. Cependant, malgré toutes ces concessions
au polythéisme
vulgaire, son esprit nous paraît doué d'une sobre lucidité, si
nous lui
comparons la crédulité aveugle de Jamblique. Les anciens l'ont déjà
noté
parmi les néoplatoniciens « les uns comme Porphyre et Plotin accordent
:
^^
prééminence à la philosophie, les autres aux doctrines hiératiques, comme
Jamblique, Syrianus et Proclus » s.
accepter avec une foi aveugle une foule de cultes et de superstitions. Il faut
1. Cf. Etinape, V. Sofh., Jamblique (p. 458 ss. Didot), biographie où des anecdote^
apparaître des démons et pouvait s'élever, prétendait- on, jusqu'à dix coudées
du sol par ujn phénomène prodigiexix de lévitation*.
Sur les disciples qui accoururent de toute part pour s'instruire en écoutant
sa parole 'il exerça une étrange fascination. LeuT dévoueraient, ou plutôt leur
adoration s'exprime avec une exaltation lyrique dont l'outrance prête aujourd'hui
à sourire". Il apparut aux païens comme un nouvel Esculape, médecin des
Cette vénération sans bornes pour un esprit qui fit prédominer dans ses,
pouvoir limité d'une volonté humaine, mais comme s'il appartenait à la société
des dieux *. Ce n'est pas à l'aide de l'intelligence qu'il s'unit à ceux-ci, car
1. ss.
Sufra, p. 361,
2. 'Ev0oOî ô 'Ià[ji6Xtj(o<;, ito).u(ji«0T]i; 6 *o"tvt? (Bidez, /. c, p. 37, n. i).
— Cf. Olympiod.,
In i
Phaed., A, X, 157 Norvin).
(p.
3. Julien, fr. 161, p. 214, 21 (Bidez-Cumont) ; cf. E-p., 98 (p. 158, 18).
4. Eimape, V. So-ph., p. 458 ss. Didot.
—
Lévitation, attribuée paretUement aux Brah-
manes Philostr., V. Apoll., m, 15, I ; XVII, 2.
:
dans ce cas les philosophes pourraient obtenir cette union théurgique par une
opération mentale. Or il n'en est pas ainsi i. On n'y parvient que par des
Les secrets qui assurent la puissance du théurge lui sont confiés à l'occasion
des théophanies qu'il est capable de provoquer. L'extase n'est plus comme
pour Plotm et Porphyre u,n privilège rarement accordé, recherché dans une
retraite solitaire par la suppression de toute activité, par l'abolition de la
pensée dans une quiétude absolue. Elle est produite par des actes et des
formules liturgiques capables de susciter les apparitions divines dans l'irra-
diation d'une lumière surnaturelle. Les communications que le fidèle en reçoit
sont des oracles révélateurs de toute sagesse. Ces apparitions ont pour l'officiant
une telle importance que le Livre des mystères s'attache à déterminer avec
une prolixité d'une précision puérile à quels signes on reconnaît les divers
esprits de la hiérarchie que l'on peut évoquer, dieu, archange, ange, démon,
héros, ou âme d'un défunt 3. Jamblique assure aussi que si un dieu descend
sur la terre, la foule des puissances qui lui sont soumises le précèdent ou lui
font cortège. Il faut les honorer pour que le dieu lui-même daigne apparaître,
Mais seuls les théurges savent quelle forme de sacrifice doit leur être offerte,
afin qu'aucun ne soit négligé et que toute la cérémonie ne perde ainsi son
efficace merveilleuse*'.
La magie se flattait d'obtenir des effets semblables, mais la théurgie se
présente comme l'antithèse de cet art réprouvé s. Les « Chaldéëns » ne
recourent pas à la menace pour contraindre les dieux à une théophanie comme
le font les Egyptiens en conjurant les démons". Leurs prophètes ont enseigna
à Jamblique ce qui distingue les évocations des théurges pieux de celles des
sorciers maléfiques. Les dieux véritables, qui sont les seuls dispensateurs du
seulement à ceux qu'ont purifiés les cérémonies sacrées. Lorsque leur éclat
2. Cf. Eitrem, La théurgie chez les Néoplatoniciens et dans les pafyrus magîqii^
dans Symbol. Osloenses, 1940, XX, p. 49 ss.
3. De myst., II, 3 ss., répondant à Porphyre,
Lettre à Anébon, 10.
4. De myst., V, 21.
5. Cf. supra, p. 362.
é. De myst., VI, 5 (p. 249, Parthey), III, 31 (p. 176, 2).
CHAPITRE VIII. — LE NÉOPLATONISME 375
passion désordonnée,
comme
la lumière du soleil chasse l'obscurité. Les
célébrants sont ainsi élevés par eux à une piété parfaite, à une morailit-é
exempte de toute malice en même temps qu'ils obtiennent la plus haute
révélation pour l'intelligence. La «gnose » la plus infaillible ne devait-elle
une instruction reçue directement de la bouche d'une puissance céleste
pas être
descendue sur la terre ?
Si au contraire des criminels, dont l'âme est souillée, cherchent à entrer
en communication avec la divinité, ils n'y peuvent parvenir. Au lieu de
peut être accomplie qu'avec l'aide des puissances, supérieures héros, démons, :
anges, dieux ^. Seule la présence divine obtenue par des prières hiératiques
la réalisera dans sa
plénitude. Cette théophanie fait entendre au visionnaire
des oracles qui lui révèlent des vérités ésotériques, elle fait pénétrer dans
son âme
la divinité qui en élimine toute perversité, et elle apporte au théurge
l'assurance qu'il s'unira de même après sa mort au Dieu suprême.
Sur les conditions où se produisent, selon Jamblique, la descente de l'âme
à la naissance et son élévation vers le ciel nous ne trouvons
après la mort,
que des indications éparses dans des extraits fragmentaires et dans le livre
« Sur les
mystères » L'ouvrage sur l'âme ( 7r£pl ^ujcj^ç ) aurait pu mieux
.
1.
Ibid., p, 179, 5 ss.
2.
Stob., Eclog., 1, 1058 ss.
3. Extraits du Ttspt 4''^X''i'^> Stob., Eclog. ^ 859 ss.; 1058-1061.
37é LUX PERPETUA
souffrir,
—soit enfin qu'elle eût été entraînée en ce bas monde malgré elle, en
vertu d'un jugement qui l'y condamnait. En tout cas l'âme était soumise à une
alternance constante de la vie supérieure et de la vie inférieure, que lui impo-
saient ses transmigrations. Mais cette métempsycose, comme l'avait déjà affirmé
7. Sur le Tartare et les démons souterrains selon les théurges, cf. Porphyre, Epit^^
à Annebon, 3. ; Olympiodore, In Phaed., p. 189, 18; 230,28; 241, 8, Norvin, et passitn;
Julien, Epist., 89, p. 140, 3 ss. Bidez-Cumont Proclus, supra, ch. IV, p. 216.
;
CHAPITRE VIII. — LE NÉOPLATONISME 377
ne consentait pas que fussent éternels les supplices infligés aux âmes. Cette
aurait été contraire à leur nature supérieure, qui exigeait qu'après
pérennité
un temps déterminé elles remontassent dans l'intelligible.
Comme tous les Néoplatoniciens, Jamblique admet que l'ascension de l'âme
Julien l'Apostat. Sans doute les raisons qui décidèrent l'empereur à renter
cette restauration d'une idolâtrie décadente sont-elles complexes, et des motifs
que la religion des aïeux avait créés et préservés. L'homme d'Etat put se
croire appelé à être le sauveur de l'Empire, que l'abandon de ses traditions
sacrées et la conversion à une foi subversive avaient accablé de maux. Mais
si la politique n'y fut pas étrangère, l'apostasie de Julien, ses propres paroles
en témoignent, fut avant tout le résultat d'une crise psychologique de son âme
inquiète. Il obéit à une vocation intime, à l'appel d'un tempérament mystique i.
Il raconte lui-même que dès son enfance de la splendeur du
l'attrait
accorda dès lors aux mystères platoniciens une adhésion enthousiaste. Nous
avons conservé de lui une lettre où il presse son ami Priscus de lui procurer
le commentaire de Jamblique sur les Oracles chaldmçues, et proclame ce
sage « le maître vraiment divin, le premier après Pythagore et Platon » *.
S'il renia le christianisme, ce fut avant tout l'œuvre des théurges platoniciens,
dont il se montre éperdument épris. Le rhéteur païen Libanius ^ note que
Julien fut sauvé « lorsqu'il eut rencontré des hommes imbus des doctrines de
Platon, qu'il eut entendu parler des di^*ux et des démons qui en vérité ont
fait cet univers et le conservent, qu'il eut appris d'eux ce qu'est l'âme, d'où
elle vient, où elle va, ce qui la fait déchoir, ce qui la relève, ce qui la déprime,
ce qui l'exalte, ce que sont pour elle la captivité et la libération, comment elle
I.
Bide^, op. cit., p. 83 ss.
a.
Jul., Or., IV, p. 130 C ss.
3. Eunape, V. Sofh., p. 474, 25 ss. Didot.
4. Julien, Efist., 12 ; cf. Or., IV, p. 146 A.
5. Libanius, Or., XVIII, i8 ; cf. Bidez, o-p. cit., p. 80.
38o LUX PERPETUA i
dans les mystères de Mithra i. Le Soleil, moteur des sphères célestes, était aussi
le créateur des âmes qu'à la naissance il envoyait ici-bas dans la matière et
faisait après la mort remonter dans son sein. Les purs rayons de l'astre
par l'effet des initiations qu'il a obteriues, se croit uni à Hélios par unei
relation mystique'. Il se figure être le suivant fidèle ou le fils spirituel du
dieu invincible, qu'il ira rejoindre à l'heure fixée par le destin, et Mithra,
hypostase du soleil, sera le psychopompe qui le guidera vers les cieux, où
il jouira d'une vie divine*. Cette vie sera étemelle si ses mérites lui ont
valu cette récompense suprême ; sinon, elle durera de longs siècles avant
qu'une réincarnation ramène son âme ici-bas. On voit comment les indications
épai-ses dans les écrits du prince philosophe révèlent, malgré la réserve que le
secret des mystères lui impose, que sa foi confiante était celle de l'eschatologie
des théurges platoniciens.
L'échec de la réforme tentée par Julien marque la défaite définitive du
polythéisme, et par suite la déchéance désormais irrémédiable d'une philosophie
qui persistait à soutenir une cause perdue et était par là même condamnée. Mais
elle manifesta encore sa puissance par l'ascendant qu'elle prit sur ses adver-
saires. Fait significatif, la réaction passagère de l'Apostat fut suivie immédia-
tement, dans la seconde moitié du IV^ siècle, par la grande entreprise
intellectuelle cappadocier", Basile et les deux Grégoire, qui, à
des Pères
l'exemple d'Origène, voulurent réaliser une fusion entre la théologie chrétienne
et la science de leur temps. Ils firent nécessairement de larges emprunts au
platonisme qui régnait alors en maître sur les esprits, et leurs écrits sont farcisi
d'idées plotiniennes sur l'essence strictement immatérielle de Dieu et de
l'âme, et la destinée de celle-ci s. Ces évêques, disciples des philosophes,
réussirent dans une large mesure à rallier les classes instruites à la cause
du christianisme.
1.
ZeUer, Philos. Gr., III, i, p. 746 ss.
2.
Dodds, vp. cit., p. XXV.
3- Pierre Courcelle; Les lettres grecques en Occident, 1943, p. 436.
4. H. J. Marrou, S. Augustin et la culture antique, Paris, 1938, p. 28 ss. ; 418 ss. ;
plus les controverses qui se poursuivaient dans les écoles de l'Orient. Il est
significatif que l'œuvre de Proclus, dont l'autorité fut si grande chez les
Grecs, semble être restée inconnue en Occident pendant toute la durée de
sa vie, ec qu'elle ne paraisse pas avoir été traduite en latin avant qu'au
XII le siècle Guillaume de Moerbecke assumât cette tâche. Il fallut attendre
la renaissance
éphémère de la culture hellénique dans l'Italie pacifiée de
Théodoric pour qu'on s'y adonnât à l'étude des derniers Platoniciens. Boëce
*
les mit à contribution, en particulier pour sa Consolation, testament spirituel
qu'il écrivit ava,nt sa mort tragique (5/5), presque exactement à la date où
Justinien mit fin définitivement à l'existence millénaire de l'Académie athé-
nienne (529). Habent sua fata Ubelli cette oeuvre pathétique, d'une grande
:
théologie de l'Église.
De leur vivant Plotin et Porphyre avaient acquis leur réputation à Rome
et y, avaient joui de la faveur de l'aristocratie et de la cour. Longtemps après
leur mort, leur prestige devait se maintenir dans les cercles intellectuels de
1. Sous l'influence de leurs idées il se forma en Occident une
l'Europe latine
école néoplatonicienne dont l'histoire n'a pas encore été suffisamment étudiée.
On continuait à lire au IV« siècle les œuvres du Maître génial qui avait
fondé une métaphysique nouvelle, et celles du clarificateur lucide de sa pensée.
C'est ainsi que saint Augustin, pendant son séjour à Milan, fut amené à en
prendre cormaissance.
Dès avant sa conversion il lut dans les traductions de
Marius Victorinus des traités de Plotin, notamment le célèbre exposé « Sur
le beau » (p. 357) et parmi les œuvres de Porphyre, il connut le livre
Sur le retour de l'âme à Dieu, dont les théories le préoccupaient encore dans
sa vieillesse, à l'âge où il écrivait la Cité de Dieu^. Il a décrit lui-même,
en des pages émouvantes, l'effet profond que produisirent sur lui ses premières
lectures. Ce fut comme un éblouissement, une révélation soudaine qui illumina
son esprit. Il fut dès l'abord conquis par un spiritualisme intégral, et par
une conception optimiste de la création, qui le délivraient des doutes que
lui avaient laissés, le matérialisme et le dualisme manichéens 3. Les doctrines
plotiniennes de la transcendance de Dieu, du mal considéré comme une
privation, du Nous Verbe médiateur, lui paraissaient s'accorder
identifié avec le
merveilleusement avec la foi chrétienne. Pour la question dont nous nous
préoccupons surtout ici, Augustin apprit dans ces livres que l'âme immatérielle
doit fuir tout contact avec le corps, que descendue du ciel dans le monda
I-
Augustin, E-p. CXVIII, V, 33 {Corp. scr. eccl. lat.^ p. 697) « Plotini : schola
Ronaae floruit ». Cf. Paul Henry, o-p. cit. [sufra, p. 345, n. 2], p. 234 ss.
2. Cf. N. C. XVIII.
Cf.
3- Henry, of. cit., p. 140.
4. Aug., Civ. D., X, 29, 2 « Omne corpus esse fugiendum ut (anima) beata
:
posait
permanere cum Dec » ; cf. Henry, op, cit., p. 128, 237.
5- Cf. Rétractations, I, i, 3 ; sur la préexistence de l'âme, cf. Courcelle, p.
167 ss.;
et H. de
Leusse, Le problème de la préexistence des âmes chez M. Victorinus Afer
Ulecherches de se. religieuse, XXIX), 1930, p. 236 ss. Cf. N. —
C. XXIV, XXVIII,
<»-XIX.
384 LUX PERPETUA
dit, non sans quelque apparence de que Plotin, bien que païen, a
raison,
influencé la théologie chrétienne plus qu'aucun autre penseur 2.
Plus tard les idées platoniciennes, même celles de Proclus et des repré-
sentants tardifs de l'École, se répandirent dans l'Europe latine par d'autres
truchements. B'oëce ne fut pas le seul intermédiaire chez qui le pavillon
chrétien couvrit une marchandise de contrebande. La dernière philosophie
hellénique s'infiltra dans le monde occidental dès que la connaissance des
Pères de l'Église grecque s'y répandit. Mais les œuvres qui eurent à cet
égard l'action la plus profonde furent celles du pseudo-Denys l'Aréopagite,
dont, on s'en souviendra, un exemplaire envoyé à Louis le Débonnaire par
Michel le Bègue fut traduit par Scor Erigène^ et lui inspira ces dangereuses
spéculations qui furent
—
tardivement il est vrai répudiées par l'Église.
—
On peut suivre l'influence exercée par l'audacieux système de ces apocryphes
syriens attribués à Denys sur les mystiques du moyen-âge* jusqu'à Maître
Eckhart qui, au XIV^ siècle, puise encore abondanmient dans cette source
trouble. Mais préciser ici les voies par où cheminèrent ces infiltrations païennes
déborderait largement le cadre de ce livre, doctrines multiformes inclinant
volontier.^ vers le panthéisme, et qui frôlent souvent l'hérésie quand elles ne
s'y perdent pas. Le mysticisme des derniers païens se transmet ainsi comme
ces eau:; souterraines qui jaillissent et s'épanchent à la surface du sol loin des
hauteurs d'où elles sont descendues.
1. Comme l'a noté déjà Vacherot, cit. [sufra, p. 345, n. z\ en termes excellents,
t. m, p. 9.
— N. C. xxviii.
o-p.
Éf *
monter vers le ciel pour vivre au milieu des astres divins. De ces hau.;teurs'
éthérées ils pouvaient jouir du speotacle enivrant de la merveilleuse beauté du
monde, ouïr les accords de l'harmonie des sphères ; et la^ raison, libérée des
organes corporels, satisfaisant le désir insatiable de savoir, qui est inné en
elle, était pleinement instruite des causes éternelles de tous les phénomènes
de la nature.
Cette eschatologie donnait déjà le ciel pour patrie au principe igné qui
nous anime ; mais l'âme, qui continuait à habiter le cosmos, n'était pas conçue
comme incorporelle. Ce fut le néoplatonisme qui, transférant la demeure
des esprits vertueux au delà des limites de l'univers dans un séjour supra-
sensible,spiritualisa cette conception matérielle de la félicité dans l'au-delà.
L'extase de Plotin ne s'arrête pas aux dieux visibles du firmament à ses yeux :
l'âme qui a gardé sur la terre uiie pureté parfaite peut être emportée au
delà même du monde des idées
et, dans un élan d'iaraour, atteindre l'Unité
divine où elle se plonge, affranchie de toute conscience et de toute forme.
Selon cette ardente enfermée ici-bas dans une gangue
spiritualité, la prisonnière
terreuse, soumise aux épreuves que lui infligent ses appétits matériels, aspire
a5
386 LUX PERPETUA
à trouver une paix éternelle et une joie inexprimable dans l'immuable contem-
plation de l'Être suprême.
Vision béatifique de la splendeur de Dieu^, perception immédiate de toute
vérité, amour mystique de la Beauté ineffable, voilà les sublimes spéculations
qui devaient être indéfiniment reproduites et développées après la chute du
paganisme. Effort impuissant pour se représenter un état inconcevable à
toute imagination humaine, elles expriment la fervente aspiration des âmes
religieuses vers un idéal de perfection et de félicité.
I. N. C. XXIX.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
I. — INHUMATION ET INCINÉRATION.
(Chapitre I, p. 15).
L'inhumation et l'incinération ont été pratiquées des milliers d'années avant notre
ère par des populations de races très diverses, et ces deux modes de sépulture se dis-
putèrent la prédominance depuis l'époque la plus primitive dans tous les pays occupés
par les Indo-européens (Schrader-Nehring, s. v. « Bestatung », t. I, p. 102 ; Hastings,
s. V. « Aryan religion », p. 16 ss.). Les historiens ont tenté d'expliquer l'existence de
l'un ou de l'autre
usage par des raisons générales applicables à l'humanité entière et
iavoqué des motifs très différents de cette double coutume. On a supposé que la cré-
matioti avait été adoptée par des peuples sans demeure fixe, mus par le désir d'em-
porter dans leurs pérégrinations les cendres dp leurs ancêtres défunts, afin de sous-
traire les de ceux-ci aux injures de leurs ennemis (Rohde, Psyché, trad. fr.
restes
p. 23 ss.). D'autre part les anciens ont déjà pensé que la crémation avait pour objet
d'obtenir une séparation rapide et
complète du corps et de l'âme, afin que celle-ci
pût atteindre plus sûrement le pays des morts (Rohde, p. 23, n. i cf. infra, p. 390).
;
Ou bien l'on a allégué qu'en brûlant les corps on voulait détruire la puissance
nocive prêtée aux
trépassés, opérer une destruction radicale qui séparât le défunt de
la société des vivants. Nilsson (Griech.
Rel., I, p. 162 ss. p. 352 ss.), après avoir
;
passé en revue les théories qui ont été émises, constate qu'aucune d'elles ne rend
compte de l'ensemble des faits observés, et il s'abstient sagement d'en proposer ime
nouvelle dans l'état présent de nos connaissances.
Des circonstances locales, qui nous
échappent entièrement, ont sans doute agi en
certaines régions déterminées dans un sens ou dans l'autre, et l'on ne
peut formuler
auxquelles aurait été soumise une même évolution sur toute l'étendue de
de lois
la terre.
Parfois un changement dans la manière de traiter les morts est dû à l'arrivée
dun peuple nouveau. Les fouilles de Canaan ont
prouvé que cette région était habitée
par une population d'incinérants depuis le iv^ millénaire et que celle-ci fut remplacée,
vers l'an
2500 par une popxilation sémitique d'inhumants (H. Vincent, Canaan d'après
l'Observation récente, Paris, 1907, p. 207 ss. cf. Dîct. de théologie catholique, s. v.
;
«
Crémation »). Inversement, en Grèce, à l'époque minoënne et mycénienne les corps
étaient enterrés et non brûlés la crémation y apparaît depuis la période des vases
;
a dessins
géométriques, et doit avoir été introduite par les tribus helléniques au temps
"e l'invasion
dorienne (Nilsson, l. c). Mais de telles constatations ne résolvent pas le
388 LUX PERPETUA
reprendre ses droits, s'affirmer sous le règne des Samnites et ne cesser définitivement
à l'époque de Sylla qu'avec la complète romanisation du pays [Recherches sur Capoue
préromaine, Paris, 1942, p. 394 cf. p. 414). ;
Pour revenir à Rome, l'on sait que, dans des passages parallèles souvent invoqués,
Cicéron [De leg. II, 22, 56) et Pline l'Ancien (VII, 54 § 187) assurent que le vieil
usage romain était d'enterrer les morts « Cremarë apud Romanos non fuit veteris
:
erui cognovere, tune institutum ; et tamen multae familiae priscos servare ritus, sicut in
Cornelia nemo ante Sullam dictatorem traditur crematus, idque voluisse veritum talionem
eruto C. Mari cadavere ». Selon le Naturaliste la cause du passage de l'inhumation à
la crémation serait donc la crainte de la violation du tombeau. L'antériorité de la
première sur la seconde paraît prouvée par la pratique de l'os resectum. Avant de livrer
le cadavre aux flammes, on lui coupait un doigt que l'on enterrait selon les rites, afin
de rendre ainsi au mort les derniers devoirs (Festus-Paul, s. v. « Membrum » p. 135
Lindsay). « Membrum abscidi mortuo dicebatur, cum digitus eius decidebatur, ad
quod servatum iusta fièrent reliquo corpore conbusto » (cf. Cic, De leg., II, 22 § 5$, 57).
C'est évidemment une survivance d'un mode traditionnel de funérailles que l'on ne
croyait pas pouvoir entièrement négliger. Il y a plus. A
Rome les enfants morts avant
la première dentition, c'est-à-dire avant le septième mois, ne pouvaient être brûlés,
mais devaient être enterrés (Pline, H. N., VII, 16 § 68 et 72 cf. Fulgence, Sermones ;
antiqui 7 (p. 113 Helm) ; et Forcellini, s. v. « Subgrundarium »). Pline regarde cet usage
comme appartenant au mos gentium. On le retrouve en effet en Grèce (Nilsson,
of. cit., p. 161) ;
et ailleurs encore était
largement répandu (Schrader-Nehring, s. v.
il
« Friedhof »,
p. 384), quelque' signification qu'on veuille, lui attribuer (Dieterich, Mutter
Erde, 1905, p. 21 ss.; cf. King, Infant btmal dans Classical Review, 1903, XVII, p. 83 ss.),
On a retrouvé souvent les restes de ces bébés dans des vases enfouis sous le sol de la
demeure. Primitivement les adultes mêmes étaient ensevelis à Rome dans les maisons
selon Servius {En. VI, 152) « Apud maiores omnes in suis domibus sepeliebantur»;
t
(cf. V, 64) et cette notice paraît digne de créance, car on retrouve la même coutume
;
chez beaucoup de peuples non civilisés (Cf. Frazer, La Crainte des Morts, I, p. 36 ss.
et son commentaire d'Ovide, Fastes, II, 615, tome II, p. 467 ss. Pascal, Credenze, ;
12, p. 88, n. 3 Wiestrup, t. I, p. 47). LaJ loi dut intervenir pour interdire cette prati-
;
que, afin d'éviter la contagion provenant de miasmes fétides (Isidore, Origines, XY, Hj
I :« Prius
quisque in domo sua sepeliebatur. Postea vetitum est legibus, ne foetore
ipso oorpora viventium contacta inficerentur.») Lorsqu'en 260, sous le consulat deDuilius,
le Sénat interdit d'ensevelir les morts dans l'intérieur de la ville (Servius, En., XI, 206),
l'enterrement domestique fut définitivement banni, bien qu'il pût encore être exception-
nellement pratiqué, s'il faut entendre ainsi les vers de l'épitaphe IG. XIV, 1853
= Kaibel, Ep. 682; Cougny, II, 456 Toi^àp çyd) xooe a7j|j;,« ^(Xotç axaOjioïatv exsuda / ôcpp»
:
Mais le culte des Lares, c'est-à-dire des esprits des ancêtres, continua toujours à être
célébré au foyer familial où primitivement les aïeux avaient été inhumés (Frazer, / ^'i
NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 15) 389
821 ss. ; Marg. Waites, A.J. Arch., 1920, XXIV, p. 241 ss.).
C'est par le même attachement à une ancienne coutume, conservée, bien qu'eût disparu
le motif qui
l'avait fait naître, qu'on brûlait avec le mort ou qu'on déposait près de ses
cendres, des armes, de la nourriture, des objets dont il s'était plu à se servir {supra,
ch. I, p- 26), comme on
le faisait pour la dépouille qui était censée vivre encore dans sa
dernière demeure cf. von Duhn, op. cit., I, p. 425 ss. ; Nock, Amer. Journ. Philology,
;
antica I, 1946, p. 222 ss. von Duhn, I, p. 431 et passim. La légende veut que Numa,
•,
qui était d'origine sabine, ait défendu de livrer son corps au feu (Plut., Numa, 22). De
cette dualité primitive des inhumants et des incinérants l'on a même tiré les conséquen-
ces les plus étendues pour le développement de l'ensemble des institutions romaines (A.
tumuloque luliorum infertur ». Cf. Pétrone, m, 2 ; Serv., En., III, 68; Lucien, De
hctu, 21). Des raisons économiques contribuèrent certainement à faire prévaloir l'inci-
nération..
Acquérir un terrain à proximité d'une route et y construire un caveau était
devenu une affaire très dispendieuse. De
plus, le nombre des esclaves s'étant multiplié
dans toutes les familles
riches, il devint impossible de bâtir des mausolées assez vastes
pour contenir les corps de tous les affranchis qui avaient le droit d'y être déposés.
La crémation
permit de loger leurs cendres dans les columbaria. Dans la nécropole du
siècle qu'on vient de déblayer sous la basilique de St-Pierre, on a trouvé dans
«"-iiie^
J-es
mêmes édicules des sarcophages luxueux et de modestes urnes cinéraires (cf. C.-R.
Inscr., 1945, p. 392). Au m^ siècle la pratique de la crémation fut progressive-
Acad.
abandonnée j elle disparut presque entièrement au cours du iv^. (Macrobe, Sat.,
'i^ent
« Licet urendi
7) 7 corpora defunctorum usus nostro saeculo nuUus sit ». Cf.
'
^wgham, Origines ecclesiasticae, Londres, 1878, t. II, p. 1239, et pour l'Afrique, Gsell,
390 LUX PERPETUA
Monuments antiques de l'Algérie, 1901, t. II, p. 39). Dans le cimetière de l'Isola Sacra
d'après les constations de Calza {La Necropoli del Porto di Roma, 1940, pp. ^n et
63), pour la période la plus ancienne, celle d'Hadrien, l'incinération est exclusivement
employée. Avec l'époque des Antonins commence la promiscuité des deux rites avec ;
Cyrop., VIII, 7) et l'on se persuade que cette Mère féconde le fera renaître à une vie
;
nouvelle (Dieterich, Mutter Erde, 1905, p. 12 ss. p. 27 ss.). Nombreuses sont les
;
épitaphes exprimant la pensée que la terre a recueilli ceux qu'elle a engendrés (C. E,,
809 : « Mater terra genuit, materque recepit »; 11 29 « Quaegenuit tellus, ossa teget
:
p. 37). Mais au corps que recouvre la glèbe les inscriptions opposent souvent l'esprit
qui est monté vers les astres {supra p. 146 cf. Prudence, Hymne X, 10 ss.).
;
L'incinération détache l'âme de ce corps, qui est détruit, et facilite son ascension vers
le séjour céleste, d'où elle est descendue, ou sa réunion à l'élément igné dont elle
est formée Servius, En. III, 68
;
« Romani comburentes cadavera, ut statim animae
:
Ainsi les Stoïciens voyaient dans l'incinération des morts comme une anticipation
de Vecpyrosis qui devait détruire le monde entier par le feu; mais, comme le note
Lydus (/. c), l'idée d'une décomposition de l'organisme humain en ses éléments
( àva(jxoi)(EEwffi; ) est bien antérieure aux doctrines des philosophes. Que le feu
favorisât ou non la montée de l'âme vers les deux en l'allégeant et en la purifiant,
de toute antiquité il paraissait certain à l'opinion commune que l'ombre échaii-
pait victorieusement à la combustion du bûcher, let qu'un je ne sais quoi continuait
à vivre, qui n'était pas brûlé par les flammes, ni éteint avec les cendres, ni empri-
sonné dans l'urne ou le sépulcre; cf. Properce, IV, 7, 2 « Sunt aliquid Mânes,
:
letum non omnia finit / luridaque evictos effugit umbra rogos » Quintilien, Declani; ;
X, I, 2 >« Non totum mori hominem. Illud quod nec flammis uritur, nec cineribus
:
»
extinguitur, nec urnis sepulcrisque satis premitur Suétone, Aug., 100
;
« Delatus :
(Augustus) in campum, crematusque nec defuit vir praetorius, qui se ef figiem cremati
:
Ubi tacite assident mensae tanquam muti (5), nec utuntur cultris (6) ministrantibus
duabus mulieribus, sed absque cultris, cibumque hospitibus apponentious. Singuli vero
de unoquoque ferculo aliquid infra mensam abiciunt, quo animam pasci credunt, eique
effundunt (7). Si quid forte décidât in terram de mensa, id non toUunt, sed desertis,
(1) Sur la coutume de mettre des pièces de monnaie dans la tombe comme « viatique » cf.
supra p. 213, ce qui est dit de l'obole de Charon, et Van Gennep, I, p. 719 ss., sur « le Sou
du mort ».
(2) Faim
et surtout soif des morts cf. supra, ch. I, p. 29.
:
(3) Sur les lamentations funèbres, cf. supra, p. 20. Des détails précis sur les lamentations
usitées chez les Russes sont donnés par Olearius ou Oelschûger qui fut ambassadeur du duc
de Holstein de 1633: à 1639, cf. Voyage en Moscovie, trad. Wicquefort, 2^ édition, 1727, t. I,
p. 375 ss. Les parents, hommes et femmes se rangeaient autour de la couche du défunt et
:
pleuraient sa perte, en lui demandant pourquoi il s'était laissé mourir. Les femmes continuaient
à proférer ces
plaintes pendant le cortège funèbre. Celles-ci étaient reprises encore sur la
sépulture et répétées certains jours de l'année.
(4) Banquets fimèbres à trois jours déterminés : cf. supra, p. 36. Olearius signale chez les
Russes un premier repas, arrosé d'hydromel et d'eau de vie dans la maison mortuaire, lors-
qu'on y rentre (p. 379 b.), et un deuil de quarante jours pendant lequel on fait trois festins,
les
troisième, neuvième et vingtième jours.
(5) Silence observé de peur qu'une parole de mauvais augure irrite le mort : cf. supra, ch. I,
p. 36 et N.C. V, p. 396. Une légende voulait qu'Oreste, arrivant à Athènes encore souillé du
meurtre de sa mère, n'eût pas été reçu par les Aréopagites, mais qu'on lui eût servi un repas
sur une table
séparée et sans lui adresser la parole (Euripide, Iphig. Taur. 943 ss.; Plutarque,
Quaest. conviv. 613 b ; 643 a). Peut-être est-ce là un mythe étiologique destiné à expliquer
le silenceobservé à une certaine époque pendant les théoxénies en l'honneur du héros Oreste
(cf. Deubner, Attische Veste, 1932, p. 93 ss.).
(6) Probablement à cause de la prohibition de se servir du fer pour un usage qui était!
antérieur à l'âge où fut introduit ce métal. Les exemples d'une telle défense sont nombreux ;
(7) Reliefs du festin jetés sous la table pour nourrir les morts, cf. Malten, R.E. Suppl.
IV, s. V. « Ker »,
p. 892 ; et supra, p. 36.
392 LUX PERPETUA
ut ipsi loquuntur, animis, quae nuUos habent vel cognatos vel amicos vivos, a quibus
excipiantur cpnvivio, relinquunt manducandum. Peracto prandio surgit a mensa sacri-
ficulus et scopis domum verrons animas mortuorum cum pulvere, tanquam
pulices,
haec dicens eicit « Bdistis », inquit, « bibistis, animae ite foras, ite foras (i). Post
: :
haec incipiunt convivae inter se oolloqui et certare poculis, mulieribus viris praebiben-
tibus et viris vicissim illis, seque invicem osculantibus ».
Déjà Fustel de Coulanges {Cité antique, p. 112) a fait observer que les renseignements
qui nous sont transmis sur l'organisation de la gens datent d'une époque où celle-ci
« n'était plus que l'ombre d'elle-même. » Mais la persistance qui caractérise les cou-
tumes fiméraires permet de reconstituer dans une large mesure ce qu'a été, dès l'époque
aryenne, le culte gentilioe des morts (Schrader-Nehring, s.v. « Ahnencultus », p. 37,
§20. Cf. Westrup, Ancestor worshif, Copenhague, 1944, tomel; Schrader dans Hastings,
s.v. « Aryan religion », p. 28
ss.j.
Ce culte est célébré par les descendants ou proches
parents du défimt, qui ont droit à l'héritage, et qui d'autre part ont l'obligation d'offrir
sur le tombeau les sacrifices rituels (Isée VI, 51 ETvai xlr)pôvo|ji,ov jcal lit', -uà fxv/jfAaTa
:
famille assurait à l'individu une protection que ne garantissaient pas encore les lois de
la cité. La tombe où l'on fait les oblations funèbres, est la propriété de la gens ;
elle est commune à ses membres mais le corps d'aucun étranger ne peut y être intro-
;
duit (Mommsen, Droit -pénal, tr. fr. III, p. 125). Sans doute appartenait-il à la gens
d'accueillir parmi ses morts ou d'exclure de leur société celui qui venait de décéder,
comme elle paraît avoir décidé en commun si l'enfant nouveau-né devait être agrégé au
groupe familial, ou si l'adoption pouvait y faire entrer, celui qui n'en faisait pas partie
par sa naissance. La cérémonie de cette adoption était un véritable rite d'initiation par
lequel un néophyte obtenait de participer au culte familial (Samter, Familienfeste der
Griechen und Rômer, Berlin, 1901, p. 9 ss. Roussel, R.E.A., 1943, XLV, p. 12 ss.).
;
(1) Esprits des morts invités, puis expulsés : cf. supra, p. 82 et înjra N. C. V
sur les Lemuria
p. 396. En Courlande, le maître de la maison préparait les mets pour les âmes, puis, quand
elles étaient rassasiées, il les expulsait et les empêchait de franchir de nouveau le seuil. (Deubner,
côté de celle de la survie dans la tombe. L'admission dans l'Hadès est étroitement liée
à celle qui est accordée
dans la sépulture commune de la gens. L'àracsoi;, Vinse-pultus,
n'est pas reçu dans
le monde souterrain {sufra p. 84). Les esçrits des morts eux-
mêmes lui en interdisent l'accès. On trouve exprimée cette croyance depuis l'âge homé-
là fin du paganisme. (Cf. Homère, Iliade, XXIII, 71 ss. : Bà-TiTE p.£ or-ut
rique jusqu'à
i;a7i(JT;« TcûXaç 'AJSao irEpr^ffor I ir^Xi jjls e'pyo'jac '^yyja.i,
e'.'âwXa xajiôvtwv, / o05£ \xz irto
^'icy^n^ai ùirèp
àXX' a'jTwi; àXâ\7)|j.ai àv' EÔpuTturEî ''A'i8oî 8w. Héliodore, 5 52 Budé)
iroTapto èûoiv, II, :
(p.
^iXxâti) . . .
suSrjXo; eT Ttep; y^v I'ti
cp£po,uÉvr)
tô [ji-ev
toiouto'j ffW[/.aTO(;
ou upôî ^!av £Çt|XxO-/j<;
i|"Jj(*(^
AbuUiam N. libertam Nigellam » ; cf. Dessau, 8129 b « Ossa Nicenis hic sita sunt. :
x.ptaEt
èv
Moipwv fjpTracrf/évov, àXXà piaîwi / a'tcpvtSttf) Gavàxwt [X'/jvioî è^ àSîxou. S. E. G., VIII, 799,
Egypte) 'AXXà /.axaj(^6oviot, A-r\^r\(<C) o'i vaÎEXE ^ûpov 8aî(;i.ovst; ÏXeto. 'Eur^âpEi hb/^ziz. Inscription
:
'lo'jXiov
[Tejpévxtov jtkUpy^ov c'Ke.>.p(rj<;')
v.'
naÀjJ.(upTjVÛv)' Tôv ôpâcuv èv cxpaxtaïc, cxEvap'jv
aÇtov avSpa AùpvjXt'a 'Appta Oâ^j/s Ttôaiv çtX'.ov, ov ij^u^ai 8éÇaa6at [sic)
Oavôvxa,
TcoXéfjioiat,
« Vos
itaque inferi ad quos me praecipitem di superi coegerunt, minimo cum tor-
mento admittite ». En revanche on exprime le souhait que les Inferi ne reçoivent
pas un ennemi Dessau, 8184 « Cum mortuus fuerit, inferi eum non recipiant »;
: :
8190 « Nec superis oomprobetur, nec inferi recipiant »j cf. 8196. Suétone {Tlib. y^)
:
raconte qu'à la mort de Tibère les gens du peuple prièrent « Terram Matrem deos
que Mânes ne mortuo sedem ullam nisi inter impios darent ». M. C.B. Welles, qui a
donné de l'inscription de Doura-Europos un commentaire fort érudit {Harvard Xlheolo-
gîcal revieiv 1941, XXIV, P.79SS.) a réuni une série d'autres exemples de la réception
des défunts
par les Mânes. Mais on notera que dans ces textes il est question des
Mânes en général comme décidant du sort de ceux qui se présentent à l'entrée des
Enfers, de même qu'ailleurs le droit de les recevoir ou non est reconnu à Orcus
(Plaute, Mostellaria, 499 « : Nam
me Accheruntem recipere Orcus noluit, quia
praemature vita careo ». Cf. Pseudol, 795 : « Orcus recipere ad se hune noluit », et
Augustin, Civ. Dei, VII, 3 Isidore, Etym. VIII, = n, 42 Orcus receftor mortium (dont
:
Mars est Veffector) ; ou d'une façon générale aux puissances infernales (cf. sufra
Jahresb. Inst. Wien, igi^, XVIII, Beibl. p. 45 : Toùi; irapc(Xaêôvxaç •r,(j.â(; y.a.iayBrMo\i<;
S"'j<;.
S.E.G., VI, 402 (Salamine de Chypre) :
[Jtr|xE <\i-jx'^,^
aùxcj ôno yOova TrpoffSi^otaOs.
Mais ces façons de s'exprimer datent d'une époque où les croyances de la société
gentilice étaient en voie de disparition, et l'on peut en citer d'autres où survit encore
l'idée
que ce sont les proches parents, les ancêtres du défunt, qui sont appelés à
accueillir celui-ci dans son nouveau séjour. Dans l'Enéide (X, 819 ss.) lame de
Lausus mourant, exhalée dans les airs, s'en va chez les Mânes, et Énée précise
qu'il remet cette âme aux Mânes de ses parents. « Tum vita per auras concessitmaesta
ad Mânes ...
Teque parentum manibus... remitto. » Selon Lucien, (Peregr., 36) le
cynique Pérégrinus se jeta sur le bûcher en s'écriant (AaîjjiovEi; (AVjTpîjjot
xal Tîaxpûoi :
394 LUX PERPETUA
Sé^aaGI [AE EÔiJ.EV£~(;. En. se suicidant, Pérégrinus obéit aux préceptes du cynisme (R.E. s.v.
lui en amitié, ne vous querellez pas ». C'est un nouvel indice de la fidélité des Slaves
aux vieux rites funèbres que nous avons relevée plus haut (N. C. II, p. 391).
Aux témoignages littéraires que nous avons invoqués s'ajouterait celui, particulière-
ment évocateur, d'un monument figuré, si un beau sarcophage de Vulci représente
bien, comme on l'a supposé, le mort accueilli par ses proches à l'entrée des Enfers
(Fr. Poulsen, Dus Helbigmuseum der Gly-ptothek, 1927, pp. 130 et pi. 118; DeRuyt,
Charun, p. 78 et fig. 84).
Les Mânes ne se bornent pas à attendre l'ombre du parent qui doit se présenter à
eux dans le monde souterrain. De même que sur la terre les images des aïeux
{imagines maiorum), marchant en tête du cortège funèbre, conduisent le mort jusqu'à
sa dernière demeure (Saglio-Pottier, s. v. « Funus », p. 1399 R.E. s.v. « Bestat-
;
tung » p. 351, 30 SS.5 et en dernier lieu. Borner, Ahnencult, p. 104 ss.), pareillement
les Mânes servent de guides au défunt depuis la terre jusqu'aux fleuves infernaux (sup-a
p. 58). Lucrèce parlant de l'Averne, oii l'on plaçait une des portes de l'Orcus, dit (VI,
763) « lanua ne forte his Orci regionibus iesse / credatur, post hinc animas Àcheruntis
:
in oras / ducere forte deos Manis inferne reamur » cf. C. E., 542
;
=
CIL, II,
4427 (Tarragone) « Mânes si superent miseram m^e abducerent coniugem ». Cf.
:
sancta Erebi / suèdes insontem Magnillam ducite vestras, / per nemora et campos
protinus Elysios ». De même dans le mazdéisme les Fravashis, qui sont les Mânes
iraniennes, vont à la rencontre du juste et l' aident dans son périlleux voyage (Sôderblom,
R.H.R., 1899, XXXIX, p. 383).
Les Mânes des parents, qui protègent en cette vie leur descendance, continuent à
exercer leur puissance tutélaire en sa faveur dans la vie d'outre-tombe. Une inscrip-
tion de l'époque républicaine exprime ce souhait à une femme de grand mérite
(Dessau, 8393, 79) « Te di Mânes tui, ut quietam patiantur et ita tueantur opto ».
:
Il ne faut pas traduire, comme on l'a fait, « tes Mânes », les Mânes de ta personne,
ce qui rendrait la phrase peu intelligible, mais « les Mânes des tiens », ceux de tes
proches, et en particulier de tes ancêtres immédiats, père et grand-père. Dans l'ex-
pression Mânes tui, le possessif tui équivaut au sui de l'expression juridique sut
heredes, qui immédiatement après la mort du fater familias prennent l'administra-
tion de la propriété familiale (Westrup, op. cit. t. II, p. 64 ; III p. 266), les « di
inferi -parentum », (Dessau, 7999 et la note). Cf. CIL, VI, 9659
=
C. E. 1583 :
« Diis parentalibus suis. Hune lapidem posuit supremum ut remanerent ossa etcineres
C. fratris sui et sua, ubi requiescerent. » CIL, VIII, 2185 « Parentes Mânes estote
:
romain. Cf. Schol. Pind. Olytnp., II, 104 b : ô'xi ol àSixo'jjjiEvoi tùyjnç tow xaTa)(Oov(oti;
'rp[ii7^ TTOiouvrai, '(va È7nxo'jp''j(7Wfftv aùrot;, oTov 'BXixToa t'Ï) 'AYaj/.^p'ovt.
La réception du mort dans bonne heure un motif recom-
les Enfers devint de
mandé par la rhétorique pour ses «
« consolations » mais les
épicèdes » ou ;
littérateurs préférèrent faire recevoir le mort dans l'Hadès par des ombres illustres,
ses parents. Déjà Hypéride dit {Epit., XII, 10,
plutôt que par p. 67 Blass) :
'!•>/ "AiSo'J XoyîtjaaGai àçcov tÎv£<; ol xôv i^yi^rJyx 8£|uoo-â[7,£Vot Totoûtov, x.t.X. Cf. Juvénal,
II5 153 ^^- ' ^* Holland, A. Relgw., XXIII, 11926, p. 209. Stace dans ses Silves a
fois usé et abusé de ce lieu commun (II, i, 194 ss. ; III, 3, 22 ;
plusieurs
V, I, 253 ; V, 3, 284 ss. Cf. les notes
de Vollmer, pp. 317, 354, et d'Henri Frère, t. II,
p. 183). Sénèque dans sa parodie de rApocolocyntose (ch. 13 ; cf. Weinreich,
Seneca's afoc, p. 122 ss.), s'il fait recevoir Claude par de grands personnages, n'oublie
pas cependant
de mentionner ses proches parents. Des vers (260 ss.) du Culex —
virgilien sont interprétés généralement comme décrivant la réception triomphale du
moucheron dans l'Elysée. Plésent (Le Culex, p. 60) soutient au contraire que Proser-
pine lui en interdit l'entrée parce qu'il n'a pas été inhumé. Mais ce serait le seul texte
où il serait question de protéger les abords de l'Elysée.
La réception est transportée au ciel et attribuée au «
caelicolorum chorus » C. E.
1109,
'
33
=
CIL, VI, 21521. Dans un appendice à l'article de Welles cité plus haut,
M. Arthur Nock a traité de la croyance chrétienne à la réception de l'âme par les
anges, les martyrs et les saints jusqu'à VOrdo commendationis animae du Pontifical
romain. [Les textes célèbres Suhvenite. {Studi e Vesti, 86, p. 280), Chorus angelorum
:
{îb. 281), In paradisum {ih. 87, p. 509), se trouvent déjà (M. Andrieu, ih. 86, p. 277)
dans le Pontifical romano-germanique du x« s., très importante compilation originaire
de St-Alban de Mayence, et qui est le lointain ancêtre du Pontifical romain (cf. Ord.
rom. I, in-8, Louvain, 1931, pp. 495 ss., et Pont. rom. du XIl^ s. (St. e 86, pp. 4SS.). C
M. A., par malheur, n'en a pas donné l'édition. Mais il a indiqué que les éléments s'en
trouvent dans Hittorp, T>e div. cath. Eccl. off., Martène, De ant. Eccl. rit. ; et Gerbert,
Mon. vet. Ut. alem. —
Les textes ci-dessus mentionnés se lisent dans Martène (1788),
t.
II, Subvenite, p. 387, Chorus angelorum, ib., In paradisum, p. 388. Mais ils sont cer-
tainement bien antérieurs au x^ siècle] [L. C.].
mentar zu den Froschen des Aristophanes {Sitzungsb. Akad. Wien, phil. KL, CXCVIII,
4) 1922, p. 37 ss.j Jos. KroU, Gott und Hôlle [cf. supra, ch. IV, 11, p. 233, n. 3],
P- 371 ss.
Certaines idesoentes aux Enfers appartiennent déjà à l'amcienne Egypte et à la Babylonie
396 LUX PERPETUA
République de Platon est inspiré par les doctrines des Mages (Bidez, Eôs, p. 43 ss.).
Le judaïsme a traité aussi le thème de voyages au pays des morts cf. Ad.
Lods, ;
C.-R. Ac. Inscr., 1940, 435-443. Dans la littérature grecque la série des xaraSâcrEK;
tU "AiSou commence avec la Nékyia de V Odyssée, qui est en réalité une scène de
nécromancie (cf. supra, p. 97), et l'ancienne poésie épique racontait celles d'autres héros
(Minyas, etc. Cf. Rohde, Psyché, tr. fr., p. 249). On attribuait à Orphée une
« Catabase ». Les tablettes orphico-pythago ri ciennes de la Grande Grèce nous transpor-
tent dans les Enfers (cf. supra, p. 248) et Pythagore lui-même s'y serait rendu (Isi-
doi-e Lévy, La légende de Pythagore, 1927, p. 79 ss.). Le mythe de l'épreuve imposée
à Héraklès, qui doit s'emparer de Cerbère, est très ancien (Gruppe-Pfister, p. 39),
Il devait être transformé plus tard par la philosophie religieuse {supra, p. 233). Ce
motif littéraire fut exploité par le théâtre grec mais des scènes qu'il avait imaginées
;
nous n'avons conservé que la parodie d'Aristophane dans les Grenouilles. Les mythes
de Platon dans le Gorgias (p. 523) et dans la République (X, 12, p. 14 ss.) se rattachent
directement aux révélations que prétendaient apporter les Catabases. Parmi les écrivains
postérieurs qui ont recouru à cette fiction, le plus remarquable est Héraclide Pontique
(Bidez, Eôs, p. 52 ss.); mais tout ce qu'avaient composé d'analogue les auteurs de
l'époque hellénistique a péri. Nous ne pouvons nous en faire quelque idée que par
leurs imitateurs latins, dont nous avons parlé pp. 212, 221.
V. — LES LEMURIA.
(Chapitre I, p. 82).
cf.
Apulée, De deo Socr., 15 (p. 24 Thomas) « Hune (l'esprit des morts) vetere latina
:
Lemurios domo extra ianuam eicere », d'où il ressort que c'était un terme rituel.
Tous les actes et les paroles des Lemuria indiquent une origine lointaine, où la reli-
gion et la magie se confondaient encore (cf. Ovide, Fastes, V, 410 ss. avec le commen-
taire de Erazer Jacobsen, Mânes, I, 39 ss.). Le pater familias se lève la nuit et, les
;
pieds nus, parcourt silencieusement la maison, écartant de sa personne les Lémures par
un geste apotropaïque des doigts, mimique obscène encore employée aujourd'hui con-
tre la «iettatura». Sur la nudité des pieds dans le culte funéraire, cf. Samter, Fest-
schrift fur Otto Hirschfeld, 1903, p. 253)5 dans la magie et la religion en général, ci
NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 82) 397
Heckenbach, De nuditate sacra (V. u. V. IX), 191 1; et nos Fouilles de Doura,<p. 60 ss.
Le silence doit être observé pour ne pas éveiller la colère des esprits des morts par
ch. I, p. 47 et N. C, II, p. 391). Le père de
quelque parole déplaisante (cf. supra,
famille se lave ensuite les mains et, sans se retoxirner, jette derrière lui, aux Lémures,
des fèves noires, dont il s'est rempli la bouche. Les fèves, à cause des flatuosités
contenir les esprits aériens des défunts (Delatte,
qu'elles provoquent, passaient pour
Paba Pythagorae cognata dans Serta Leodensia, Bibl. fac. de Liège, XLIV, pp. 33-57)-
Elles ont été par suite mises naturellement en rapport avec les Lémures [Borner, p. 36,
11. 2 Schrader, l. c). Cette offrande appropriée devait apaiser les esprits (Schol. Perse,
;
« Lemuria autem dicuntur dies, quando Mânes placantur »), et en leur livrant
V, 185 :
ces âmes contenues dans les fèves, on croyait se racheter soi-même et délivrer les siens
de la mort (Ovide, Fastes, V, 438 « His, inquit, redimo me meosque fabis».) hepater
:
se relavait ensuite les mains pour se purifier, puis il faisait un grand vacarme
familias
en frappant un bassin de bronze, et il répétait neuf fois la formule « Mânes exite
». Le son produit par un instrument de métal est un moyen souvent employé
paterni
pour chasser les démons et fantômes (Frazer, /. c. cf. Rohde, I, p. 56, n. 2
;
tr. fr. =
p. 46, n. 3 326, n. i).
; 224, n. I ;
Les esprits, après avoir été nourris, sont expulsés sans cérémonie. Le rite se retrouve
aux Anthestéries athéniennes (OûpaÇe /-^pEç, oôxet, 'AvOccruTjpta), dans l'Inde et chez les
Slaves (supra, N. C. II, p. 392), et il n'est pas douteux qu'il remonte à la vieille reli-
gion aryenne (Rohde, tr. fr. p. 196, n. 3 ; Malten, R. E., Suppl. IV, s. v. «Keres»,
p. 892 Schrader, dans Hastings, s. v. « Aryan religion », p. 26 b). Pendant les Lemu-
;
ria l'on tenait fermées les portes des temples (Ovide, Fastes, V, 485), de même que
ceux-ci étaient entourés d'une corde à Athènes aux Antesthéries, sans doute pour
empêcher les morts de les souiller de leur présence en y entrant (Deubner, Attische
Teste, 1932, p. 112).
Les érudits ont été embarrassés par l'existence à Rome d'une double fête générale
des morts, et peut-être n'ont-ils pas clairement aperçu le caractère fondamental qui
les
distingue (cf. Warde Fowler, "Che roman festivals of the Republic, 1899, p. 106 ss.).
Les Parentalia, comme les Lemuria, remontent tous deux à la préhistoire, mais dès
rorigiue leur objet et leurs rites les différencient. Les Parentalia sont consacrés aux
Mânes des ancêtres, dont les restes sont ensevelis dans le tombeau c'est sur le tom-
:
beau qu'est célébré le repas auquel ils doivent prendre part, et ils y demeurent en
repos, si les oblations qui doivent les rendre propices, leur sont offertes {supra, ch. I,
p- 29). Les Lefnuria au contraire, sont la fête des esprits qui se meuvent dans l'atmo-
sphère, des âmes aériennes qui à certains jours viennent visiter leurs demeures d'autre-
fois. C'est dans cette demeure
que sont accomplis les rites qui doivent les apaiser. Ces
cérémonies sont nocturnes, celles des Parentalia, diurnes, et les calendriers indiquent
que les dates des Lemuria sont néfastes celles des Parentalia au contraire ne le
;
puissent pénétrer librement dans la maison cf. Perdrizet, R.E.A., 1905, VII, p. 30 ss.
;
Pour des superstitions germaniques analogues, cf. Samter, Die "Coten im Hause dans
les Neue Jahrb. fur das Klass. Altertum, 1908, XXI, p. 78 ss.
Les Lémures étaient donc des âmes qui hantaient les airs dans l'obscurité de la nuit,
et ces visiteurs nocturnes, qui voulaient une fois l'an être admis dans la maison fami-
liale^ n'y étaient pas reçus sans effroi. Ils passaient pour des hôtes dangereux, dont il
fallait subir la présence, mais qu'on congédiait dès qu'on les avait rassasiés. Ces reve-
nants étaient ainsi souvent conçus comme malfaisants, et le nom qui désignait d'abord
les Mânes en général (Ovide, Fastes, V, 483 « Lémures animas dixere silentum »
: ;
Schol. Perse, 1. c. « Lémures dicuntur dii Mânes ») prit de bonne heure une accep-
:
num ante diem mortuorum et ideo metuendas » ; Schol. Acr., Ibid. « Umbras ter-
:
ribiles biothanatorum » (Cf. supra, ch. VII, p. 3i9). Cette acception défavorable
de « Lémures » prédominait déjà au temps d'Horace (Ép. II, 2, 209. Cf. Perse, V,
185 ; Apulée, Apol., 64, Augustin, Civ. Dei,lX, 11 ; Martianus Capella, II, 162).
NOTES COMPLÉMENTAIRES (pp. 170 et 178) 399
mensibus tenet nos maternus utérus, et préparât non sibi sed illi loco, in quem videmur
emitti iam idonei spiritum. trahere et in aperto durare, sic per hoc spatium, quod ab
infantia patet in senectutem, in alium maturescimus partum, alia origo nos expectat,
alius rerum status, nondum caelum nisi ex intervallo pati possumus. Proinde intrepi-
dus horam iUam decretiorem prospice. non est animo suprema sed corpori ... excutit
redeuntem natura sicut intrantem ... dies iste quem tanquam extremum reformidas,
aeterni natalis est ». Juste Lipse a déjà rapproché ce pasisiage de ce que Mégasthène
rapportait
des Brahmanes selon Strabon fXV, i, 59, p. 712) nleicToui; S'aûtoii; :
•
sTvai lÔYOUç Tvspî
Toi3 ôavocTou vojjliÇsiv yàp bs tov êv6â8î p(ov coc; Sv à/.[/.'/)V zuo|xÉvtj)v
TOV Se Oàvaxov £i<; tov ovxwç ptov xal tôv £i!i8at[j,ova xôv cptXoaoït'fiaatîi,
Eivat,
8iô cri à(i>tvîaei iirXsfarx^
yévEfftv
^^pYJo-Gat irpoç xov Ixoip-oOâvaxov.
— Il n'est pas impossible que la
connaissance de ce parallèle hindou soit arrivé jusqu'aux Pythagoriciens, qui l'au-
raient introduit dans la philosophie grecque. Aristoxène de Tarente racontait, d'après
Eusèbe {Prae-p. ev., XI, 3, 8) qu'un Indien s'était entretenu de philosophie avecSocrate
et aurait soutenu que la connaissance des choses divines devait précéder l'étude
de la vie humaine (cf. Philostrate, V. Apoll., III, 18). Cette légende est certaine-
ment apocryphe, mais elle témoigne de la considération dont jouissait la sagesse des
Brahmanes, comme celle des Mages perses et des Chaldéens, aux yeux de ce Pytha-
goricien du iv° siècle, élève d'Aristote (Mages hellénisés, I, pp. 17, 33). Cf. Pausa-
nias, IV, 32, 4 ; et sftpra, p. 4. Il est certain que les découvertes de ces dernières
années tendent à rendre plus vraisemblable l'existence de rapports spirituels entre
l'Inde et le monde méditerranéen. La trouvaille d'un ivoire hindou delà déesse Laksmé
à Pompéï —
donc importé avant l'année 79 de notre ère est venu illustrer d'une —
façon curieuse les rapports artistiques établis entre l'Italie et le lointain Orient (Maiuri,
Le Ariî, 1939, I, p. 112 ss.). Au point de vue philosophique, Emile Bréhier a recueilli
les
preuves d'une conception correcte de la pensée hindoue chez les Grecs {Philoso-phie
de Plotin,
1928, p. 186 ss., cf. infra, N. C. XVII). Mais d'autre part, une des réflexions
de Marc Aurèle, IX, 7c6xe Iy.
'il^ ^lït^i
3, 4 :
i^c, \r\<:,
-n;Epi|j.îvet(; È'jjLSpuov yasToôi; Y'^''^'"''-'^';
'OU ovixioç sv xo uou to'J xoûxou êxTCEusixat
EçÉlOr), èy.Sé^eaOai x-f|v t5ipav -^ i}/.uj(^âpt6v èXuxpou
(cf. supra, ch. II, p. 118) prouve que la comparaison du décès avec un accouchement
s'est offerte naturellement à l'esprit de plus d'un penseur.
Le dernier vers indiquerait que Chorô a été placée dans le septième cercle, c'est-à-
dire celui de la lune, qui est la plus basse des sept planètes. Mais W. VoUgraff, Mne-
mosyne, 1922, L, p. 256, a fait observer que âv nuxXotcv £6S6|jlo;; pouvait être dit
,
pour Èv ToTç èuxà >cr/:).oiî (cf. p. ex. Eschyle, Sept contre Vhèbes, 125 iir'jXxii;
:
VIII. — L'EMPYRÉE.
(Chapitre III, p. 187).
IX, 39 Lydus, De mens., IV, 22 ; Jamblique, De mysteriis, VII, 2 (p. 251, 16 ss.)
— ;
(Chapitre V, p. 240).
L'hymne homérique de Déméter se termine déjà par la double promesse que les
initiés jouiront d'un sort privilégié dans l'Hadès ténébreux, et .qu'en cette vie ils seront
comblés des biens de la terre (i). De même Socrate (2) rappelle les deux bienfaits
que Déméter, au terme de ses courses errantes, accorda à î'Attique l'agriculture, :
qui
élève l'homme au-dessus des animaux, et les mystères, qui inspirent à ceux qui y
« les plus douces espérances pour la fin de leur vie et pour toute la durée
participent .
du temps ». Cicéron, qui dans sa jeunesse avait reçu à Eleusis l'initiation (3), parle
presque
dans les mêmes ternies de ces mystères qui, en révélant à l'homme un degré
supérieur
de culture, lui ont donné, non seulement une raison de vivre dans la joie,
mais aussi l'espoir d'une vie meilleure au moment de sa mort (4). Rohde a conjecturé (5)
que cette annonce
d'un destin bienheureux dans une autre vie comme bénéfice suprême
de la participation aux cérémonies secrètes d'Eleusis, devait avoir été faite par l'hiéro-
phante aux époptes, en d'autres termes que
les expressions dont se servent Isocrate
et Cicéron sont empruntées au rituel même des mystères, Hemsterhuis avait déjà
exprimé une opinion semblable, que Lobeck (Aglaophamtts, p. 69, note b) repoussa dédai-
gneusement « quasi dicas hoc nostrum gute Hoffnung haben e libris sacris fluxisse ».
Il est certain que l'expression àYaÔYjv èXirtSa lyzvi et d'autres analogues étaient
employées couramment, comme notre « avoir bon espoir », et il serait aisé d'allonger
la liste des exemples qu'en cite Lobeck (6). Mais le fait caractéristique est de trouver à
Eleusis cette formule appliquée à la mort et à la vie future.
(1) Hymne à Déméter, 480 ss. : "OXStoi; oç xàS' ourcoitev ô'ç S'àTE^Y;?
Upwv, ô'c oô TTo6'ô(jLoîtov nep Onô
/ attrav tjzi
S'rci5(^6ov(wv ovGptÛTtwv./
EupG&Evxt.
— 487 ;
Mey'
T'a[JLfiopo(;
(/)i6ioç ô'vttv' ixsîvai
irpoeppovÉax; (ffXwviai littj^oovfwv àvGpwicwv
cp6îi;.£VG(;
— Çôîftp
Cf. Sophocle, fragm. 753,
Nauck :
ïp!i;
oXStoi xeïvot ppottôv / ol xaùra Sspyâéwei; |j-ôXwc' è; "^8ou, toIç 8s y^P [Ji^votç
Èxs'ï
Ç-^v Ictt!, Toïi; S'aXXoiai iravT' Iy.z~. xaxa. Cf. Foucart, Mystères d'Eleusis, p. 362 ss.
peperisse atque in vitam hominum attulisse, tum nihil melius istis mysteriis, quibus ex agresti
"nmanique (ou animalique ? cf. Isocrate), vita exculti ad humanitatem mitigati sumus, initiaque,
ut
appellantur, ita rêvera principia vitae cognovimus, neque solum cum laetitia vivendi rationem
accepimus, sed etiam cum spe meliore moriendi.
(5) Rohde, Psyché, tr. fr. p. 245.
Cf. Lucien, J^era
_^\°) p. ex. II, 31 Toûxou; (Ctésias et Hérodote) ôpwv Èyw ^(^pYjcrxài;
hist., :
(parce qu'il n'a pas menti comme eux). Jamblique, V. Pyth.., XVII, 74 ;
E-yov ta;; iXittoa;
'-ynlle, Contra lulîan., V. p. 163 E, et d'autres passages cités par Wyttenbach,
Epistola critica
super nonnuUis locis luliani
imperatoris, 1769, p. 32.
—
Philon d'Alexandrie emploie à plusieurs
cpt'ises des formules comme èXi:;ç e'n; IXnlt; èXixtSEç
ypriQxr, awxrjpîav, ffwxTjpfaç, âyaOat,
26
402 LUX PERPETUA
Un argument très convaincant, nous semble-t-il, peut être invoqué à l'appui de la
suggestion de Rohde. Tout à la fin du paganisme Julien l'Apostat, étant étudiant
à Athènes, se fit secrètement initier. Il eut des entretiens avec « le plus divin des
hiérophantes » et il « absorba avidemment sa sagesse » (i). Il n'est pas surprenant
que l'impression profonde que ces révélations durent produire sur son esprit mystique
soit restée ineffaçable, et que le souvenir des paroles entendues à Eleusis lui soit
lorsqu'il écrivait, revenu souvent à l'esprit. L'enseignement des mystères qui, imis dans
la défense suprême d'une religion menacée, étaient alors animés d'un même esprit
(2),
se résumait pour le dernier empereur païen dans la perspective d'un bon esjOoîV pour
le grand voyage posthume. C'est la grâce qu'il implore dans l'invocation qui termine
son discours sur la Grande Mère (3), c'est la conviction qu'il exprime en rappelant
que Mithra sera son guide, lorsqu'il devra quitter ce bas monde (4) et, s'adressant à
Théodore, nommé par lui grand prêtre d'Asie, il lui rappelle que s'il exerce pieuse-
ment son sacerdoce, il fera naître beaucoup^ d'allégresse ici-bas et un espoir meilleur
encore pour la vie future (5) —
la ressemblance avec les termes dont se sert Cicéron
est frappante.
Si l'origine de cette formule de l'àyaO-^ è^tcîc réservée aux mystes doit être
cherchée dans la langue sacrée d'Eleusis, cet emploi liturgique nous permettra de
mieux saisir la portée d'un passage du Phédon. Dans tout le développement auquel ce
morceau appartient la philosophie est assimilée ou plutôt opposée à une initiation (6) :
le sage qui en cette vie a affranchi son âme de toute sujétion au corps qui la souille,
s'assure la béatitude future que les lustrations des mystères procurent à leurs adeptes.
Ainsi la mort dont Socrate est menacé est pour lui un voyage rempli d'un « bon
p. 243.
(1) Eunape, Vie des sofh., pp. 476, 16 ; 477, 41, Didot ;
cf. Bidez. Vie de l'empereur Julien,
1930, p. 115 ss.
(2) Cf. nos Relig. Or., p. 189 ss.
èXitiSoç vcEjx'va 6eÔv EÙp.£v7i xaOîaxa; asauxw Une relation intime s'établit à
cette
âyaQïiç
date entre les mystères de Mithra et ceux d'Eleusis ; un Tcarrip xti; Miôptaxf,? TeXEXYJç devint
même hiérophante, et Prétextât était à la fois sacratus Eleusiniis, hierophanta et pater patrnni
de Mithra (CIL VI, 1778-9).
(5) Epist. 89, p. 452 C (= 124, 11 Bidez-Cumont) S'j 8'el xaXûç aùxo
(la grande-prêtrise)
:
[xeyâXaç vipv o\ Seo! \xzzx xr,-v xsXeutyiv èX.7:î8aç, ÈirayysXXovxai. Orat., VII, p. 233 Le Soleil D :
•
s'adressant à Julien 'AXX' 'i!6i, èW,, [i.£Tà àyaO-^; ÈXTt(8o;
:
i]\t.t1(; yàp
aoi
itwzy-joîj awriaôiie^^'
Epist. 136 (= ,p. 196, 23 Bidez-Cumont) Ceux qui fréquentent les temples ô'ttwi; xàç àyaflài;
:
(6) La comparaison est habituelle. Les platoniciens mirent en parallèle les actes successifs
d^
espoir »,
comme elle l'est pour quiconque s'y est préparé en purifiant sa pensée» (i).
De même dans la République Platon parle du philosophe q^ui, ayant vécu une vie
pure de
toute injustice et impiété, la quittera saintement « avec un bel espoir » (2).
S'il y a, comme
paraît certain, dans ce.s paroles de Platon un souvenir des
il
(1) Phêdon, 67 B :
UoXXti è)vT:Î<;
àcpixojj.ivtp
01
i^îù uopEuôfjiai, Ixeï Ixavax; Xf/^aanSat xoùxo,
ou E'/exa -f)
irpaYti-atsia •fjjj.tv
iv xti) TtapsXOôvxt ^icf) yâyovev, âuxe -î) à7ioSi^[j.îa •?)
vOv irpoaxaTxoiJiévY)
liETà styaQTÎc; sXttîSoç ytveTxi, xac àXXtJ) avSpi ô'c
^yeïxai o\
itapeuxeudtoQai xi^v Sidtvoiav tîx;
•-'.s/a9app.£V7)v.
(2)Ré-publ., VI, 496 E Kaôapôç àSixîaç xe xa; àvoalwv È'oywv xôv xs èvOâSî p'ov ptaxrexat
:
v^v à^xHay^v aùxoîj [;.£xà xaXYJç eXnrtSoc; 'iXeciç xz xa'. eij[/.ev^î aTcalX^^Exai. Cf. Hiéroclès,
•/.v.
commentaire sur les derniers Vers Dorés (70-71) (Mullach, Fr. Phil. Gr. I Toùxo (l'immortalité :
céleste) "reipa; xwv uôvwv xô xâXXtixov xoùto, Jji; DXâxcov cpvjalv, ô [iiya; àywv xa; èXir'ç yj (jieyaXv),
TO'jTO otXoffooîaç TcXEfkaxo? xapTtôç. Cf. Plutarque, De iranquill. animi, fin (p. 477 E) :
Ilpoç
xô XoOT'jv "Xewv èXit'Sa xa; I'vovxeç.
x/iV cpaiSpàv
(3) Sur ces Iustrations, cf. Foucart, op. cit., p. 57 ss. Elles sont figurées sur plusieurs bas-
reliefs cf. Roussel B.C.H., 1930, LIV, p. 57 ss. et pi. II. Il ressort de ces représentations
;
que le myste était purifié par l'eau (hydrie), par l'air (van) et par le feu (torches) exactement
comme dans les mystères de Bacchus (c£. Symbol., p. 135 ss. et supra, p. 211, fig. 3). Les
petits sont Tcpoxâôapuit; xat irpoâyveuaiç xwv p,eyàXwv. Schol. Aristoph., Plutus, 846 ; cf.
mystères
Roussel, [supra, p. 239J note 3], p. 65.
/. c.
(4) Cf. Philostrate, V. A., IV 18 L'hiérophante refuse d'initier Apollonius parce qu'il
:
est un
magicien et que, comme tel, il n'est pas xaOapcx; xà 8aipi.6vta, la magie faisant appel aux
démons malfaisants.
_
(5) Plutarque, De anima, fr. VI, S (p. 725) :
DEpuwv èuxscpavwfjevoî ôpytdcÇEt xac aûvsaxiv
xa;
ooiot;
xaôxpoïç àvSpctcrt. Cf. Symbolisme, p. 475, n. 2. Les initiés sont par excellence
« les
purs » dans ce monde et dans l'autre, cf. Rohde, Psyché, tr. fr., p. 237 ,n. 2.
(6)Kern, R. E., s. v. « Mysterien », col. 1248, 38.
.(7) En Argolide, notamment à Phliunte (Pausan., II, 14, 1) et surtout en Arcadie, de
vieilles divinités de la Terre furent assimilées à Déméter et leur culte rapproché des mystères
Eleusis
(cf. Kern, /. c, col. 1269 ss.) ; mais pour ne pas remonter au-delà de l'époque
a
exandrine, nous rappellerons seulement l'intervention de l'Eumolpide Timothée dans la
reforme du culte de Cybèle orient, n. et dans la fondation de celui
{Relig. p. 223, 16, 17)
404 LUX PERPETUA
d'autres exemples de l'emploi de cette locution Firmicus Maternus décrit une scène :
empruntée à des mystères, sans préciser lesquels (i) après des lamentations nocturnes :
autour de la statue du dieu couchée sur une litière la lumière est apportée et le
prêtre murmure Sappetts fiûcTat toï5 Oeoù aEatoffjjiÉvou./l'ffTat y^p û[xTv h. irôvtov aiOTT^o'a.
:
Cette formule liturgique paraît bien s'être inspirée des Vers Dorés pythagoriciens
(63 ss.) : 'AXXà (î'j Oiouci i-Kil Oïïov yévoi; èffxt
PpoxoTfffv... (j/u^-^v
3î tcôvwv aTto twvSs ffaiôast-.
(Sur le TTÔvoç, cf. Symbol., pp. 422, 425 ss.). Firmicus Maternus (C. 24) la commente en
ces termes « Sacerdos... liberato deo suo bonam animam gerere socios fiduciam bojiae
:
spei habere persuadet. » D'où l'on peut inférer que la bona spes équivaut pour lui au
salut.
Porphyre enseigne dans son épitre à Marcella (2) que ce salut n'est obtenu que par
la conversion à Dieu. Celui qui s'est épris d'amour pour Lui, doit nourrir son âme
toute sa vie de « bons espoirs»; car c'est par eux que les hommes de bien l'emportent
sur les méchants. Ces « bons espoirs » qui durent jusqu'à la fin de notre existence
terrestre sont nécessairement ceux du bonheur dans l'au-delà.
Une curieuse épitaphe trouvée à Carnuntum (Dessau, 9093, cf. Symbol., p. 163)
est gravée « coniugi incomparabili, quae dum explesset fati sui laborem, meliora
sibi sferans, vitam functa est ». Nous y trouvons la même opposition que plus haut
entre le tcôvo; ou labor et le « meilleur espoir » (3). L'auteur de l'inscription était
affilié aux mystères de Mithra il parle en effet plus loin d'un
probablement :
enfant que « dii nefandi vita privaverunt », expression qui trahit l'influence du dua-
lisme iranien (4).
L'sX-:; àyaSiri a pénétré Une épitaphe de Tell-el-Jahou-
jusque dans le judaïsme.
dieh, en Egypte (5), est celle dune morte dont son
destin a abrégé les jours, mais
qui nourrit un « bon espoir de la miséricorde divine. »
Les exemples cités prouvent à l'évidence que si râyaOï) sXit(<; peut s'appliquer aux
contingences de cette terre, elle est par excellence celle du bonheur dans l'autre vie.
Dans le même ordre d'idées, je citerai encore deux textes où la même espérance est
exprimée, mais où l'épithète qui lui est adjointe n'est pas àyaôVi ou y-aX-rî, Une épi-
de Sérapis (Jbid., p. 232, n. 4 ; supra,ch. V, p. 260). Dans la communauté bachique de Terre Nova
les titresde hiérophante et de dadouque, et peut-être celui Tcupcpôpoî, sont emjpruntés à la hié-
rarchie d'Eleusis {ci. A.]. Arch. 1933, XXXVII, p. 239 ss.).— Influence éleusienne dans la rédac-
tion des Hymnes orphiques, composés vers l'an 200 de notre ère en Asie Mineure (sMpra, p. 247;
cf. R.E., s. v. « Mysterien », col. 1251, 24 ss., et «
Orphische Dichtung », col. 1330, 51 ss.).
Lorsque le faux prophète Alexandre d'Abonotichos institua le mystère de Glykon, il imita la
proclamation [Kp6ppr,(j<.!;)
de l'hiérophante dans la Stoa Poikilé et d'autres cérémonies
d'Eleusis (Lucien, Pseudomantis, 38).
(1) Firmicus, De err. prof. rel. 22. On a rapporté cette formule à la veillée nocturne {fM-
nychis) du culte d'Attis, ou à celui d'Adonis (cf., p. ex. Dieterich, Mithras Liturgie 2, p. 217) 1
taphe,
trouvée à Lyon, (i), est consacrée « Bonae memoria et spei aeternae spiri-
tuique incomparabili ». Parlant de l'apparition des esprits des morts, Jamblique (2)
assure que si ces spectres sont purs et appartiennent à l'ordre des anges, leur vue élève
l'âme et la sauve. Cette épiphanie se produit
« pour une espérance sacrée », et elle
amène les biens auxquels aspire cette espérance ; les esprits impurs au contraire
détruisent les fruits de cet espoir et, abaissant l'âme, clouent ceux qui les aperçoivent
à leur corps.
Pour finir, mentionnons encore cette épitaphe chrétienne où l'espérance apparaît dans
une formule qui dérive de celles qu'employait déjà le paganisme (CE. 2099, Aqui-
« Dulcis vita fuit tecum, comes anxia lucem / aeternam
taine) :
sperans, nanc cupit
esse brevem. »
X. — CONVENTICULES ORPHIQUES.
(Chapitre V, p. 244).
L'existence même
de ces conventiçules a été niée par certains érudits, en particulier
par M. Boulanger, dans unarticle d'ailleurs très digne de considération (supra p. 244,
n. i). La secte
orphique, selon lui, aurait été formée « non de petites communautés,
mais d'ascètes isolés. L'orphisme est une religion livresque qui procure le salut de
l'âme par la pratique de l'ascétisme individuel ». Cf. dans le même sens Boyancé
R. E. A.
1938, XL, p. 167. Mais cette opinion nous paraît être contredite implicite-
ment par le plus ancien texte qui mentionne les orphiques, celui d'Hérodote, 11, 81,
où parlant de l'interdiction d'ensevelir les morts dans des vêtements de laine, il affirme
que l'usage orphique et bachique est en réalité égyptien et pythagoricien. De même
suivant Diodore (i, 92, 3), dont la source est Hécatée d'Abdère, Orphée aurait imité
les
usages funéraires des Égyptiens. Il ressort au moins de ceci que les Orphiques
avaient des coutumes funéraires spéciales, analogues aux cérémonies compliquées pra-
tiquées lors du décès et de l'inhumation par les Pjrthagoriciens, qui les croyaient
nécessaires au salut de l'âme {Symbol., p. 167, n. 2; cf. C. R. Acad. Inscr., 1943,
P- 114 ss.). Conune le niort ne pouvait évidemment présider lui-même à ^es propres
funérailles, il faut que ces rites orphiques aient été accomplis par les survivants de la
même observance, ce qui suppose l'existence d'associations cultuelles soucieuses de
réserver à leurs membres un enterrement religieux. Elles avaient même vraisemblable-
(1) CIL. XIII, 1916 ; c£. Hirschfeld, Kleitte Schriften, p. 173, n. 4. L'inscription a
, été
déclarée chrétienne à tort, mais peut-être faut-il y reconnaître une influence chrétienne.
(2) Jamblique, De mysterits, II, 6 (p. 83 Parthey) 'H twv ^'JJC'^v Géa xwv fAïv
:
ày^pâvccov
'-a'. Ev 8è
âyyi'Xujv xà^et ISpufjisvajv àvaYwydç èffxi xat 'l'^Yf? aojxr'ptoç èir' âXTrtot
lep^ Èv.cpaiveTa!,
J'*-
W Tj ïhz.i; lepà àvxnrotîÏTat àyaôûv xouxwv uapéysi xy.v Sdffiv, t) Ss xwv exéptov xaTaYcoyôc
rr|V 8î tooî xai TtaôtÔv
^^'- ylvETiv uixxp-^ei, cp8s(pti xïjc; èX'n:(Soi; xàp-ïïo'ji; TtX'f|po'î upoaY)Xo'jvTWv xobi;
4o6 LUX PERPETUA (p. 248)
Ctimes (v^ siècle), su-pra p. 252, fig. 6 Où 6s|xt; èvroOGa xeTcOat, []ù. (= d jx*^) t6v peêaxyeuuivov
;
{Relig. orient, p. 197, fig. 12, et en général sur les Confréries d'ôfji'ÎTacfot, W. VoU.
graff, L'inhumation en terre sacrée (Mém. sav. étrang., Acad. Inscr. 1946
Wilamowitz, Studi ital. di filologia class., 1929, VIII, p. 89SS. —Découverte présumée
cf,;
'Ex xaOxpwv xaGapà, et on lit à la dernière ligne le nom romain KaixtXîa XcxouvSstv»;
cf. Harrisson, Prolegomena to Greek religion, Cambridge, 1903, p. 673 ss. ;
et M. Guar-
ducci, l. c.
NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 260) AOl
Il est souvent difficile de préciser quand furent institués dans les cultes du
Levant les mystères, tels que nous les trouvons organisés à l'époque romaine.
Nous ajoutons ici quelques indications à celles qui sont réunies dans nos Religions
Orientales.
1° Cultes d'Asie Mineure. — Cf.
Relig. orient, p. 223, n. 17. Un pcrTv^ptov d'Attis —
à cf. Buckler
Robinson, Sardis, t. VII, n° 17.
et Mystères célébrés àPana-
—
Sardes,
mara Roussel, B.C.H., 1927, LI, p. 123 ss.
:
—
Les initiations au culte de la Magna
Mater avaient lieu à Rome, le 28 mars, après les grandes fêtes de l'équinoxe ; Cf.
Graillot, Cybèle, p. 175 ss.
2° Culte d'Isis et de Sérapis. —
L'ancienne religion égyptienne connaît déjà des
mystères d'Osiris à Abydos. Cf. Relig. or., p. 243, n. 98 Moret, Mystères égyp- ;
tiens, 2^ éd., 1927; supra ch. V, p. 262. Dans les Mélanges Capart {Annuaire Institut
d'Histoire Orientale III), Bruxelles, 1935, p. 316 ss., Moret a montré comment les
anciens cultes agraires, avec leurs rites « naturels », ont évolué vers une religion
morale de salut. Les « mystères » romains d'Isis et de Sérapis se rattachent proba-
blement à l'ancien ésotérisme égyptien, mais on n'a pas de preuve directe de leur
existence avant la période impériale cf. Relig. or. p.
232, n. 4. A l'époque hellénistique
;
le mot n'apparaît pas, que nous sachions, dans les documents du culte
jj-oîT-r^ptov
isiaque cf. Roussel, R.E.G., 1929, XLII, p. 163 ss.; Brandy, Xlhe réception of the
;
Egyptian cuits hy the Greeks, 330-30 B. C. (Univ. of Missouri Studies, X), Columbia,
1935. Les hymnes à Isis, découverts par Vogliano à Mâdinet-Mâdi dans le Fayoum,
et qui datent de la fin de
l'époque ptolémaïque, invoquent Isis comme la dispensatrice
des biens de cette terre, mais non comme la donatrice d'une félicité d'outre-tombe (Vo-
gliano, Primo rapporto degli scavi di Mâdinet-Mâdi (Pubblicazioni dell'Università di
Milan, 1936 cf. R.A.,
1936, VIII, p. 236.
Milano),
3° Mystères Syriens.
—
;
que le mort pouvait participer dans l'autre vie aux jeux du jeune dieu (CE., 1109,
vers 22). —
Des inscriptions importantes découvertes à Thouria en Messénie (Valmin,
Bull. Société des Sciences de Lund, 1929, p. 24 ss.) mentionnent dès le 11^ ou, au
plus tard, le i<='' siècle av. J.-C. des (i.'ja--rio!z de la déesse syrienne. Il se peut qu'ils
aient subi l'influence des mvstères d'Andanie réformés au i^r siècle cf. Real-lex.
Ant. tind Christ., p. 859, n. i. —
Le « petit temple » de Baalbek, dit temple
;
f.
spelaea romains remonte au temps des Mithradate du Pont. Cf. C.-R. Acad. Inscr.,
^945) V- 418 ss.
408 LUX PERPETUA (pp. 191 et 197)
Nous avons cru autrefois {R. PH., 1920, XLIV, p. 238), que cette « polypsychie »
avait été imaginée par les Pythagoriciens d'Alexandrie à limitation de la religion
égyptienne, qui connaît plusieurs espèces d'âmes, dont l'une, le kâ, a longtemps été
interprétée comme étant « le double » du défunt, opinion qui, abandonnée, a été
reprise et appuyée d'arguments nouveaux par }A^ Weynants-Ronday (Les statues
vivantes, Bruxelles, 1926). Mais les vers de l'Odyssée qui impliquent la distinction
entre l'âme et Veidôlon aoivent avoir été interpolés avant l'époque hellénistique, puis-
qu'ils sont déjà condamnés par Aristarque. Il semble donc que leur insertion dans la
Nékyia homérique est l'œuvre d'un Pythagoricien plus ancien, c'est-à-dire d'une
période où une influence égyptienne paraît devoir être exclue. L'idée d'une coexis-
tence dans l'homme de plusieurs âmes ayant des fonctions différentes appartient d'ail-
leurs à la religion primitive de la Grèce, comme à celle de beaucoup d'autres peuples;
cf. Nilsson, Griech. Relig., I, 179 ss. ; Élie Reclus, La survie des ombres, 1908, '
p. 298 ss.
, i
,
,
qui reste à déterminer, ont connu la métempsycose hindoue et l'ont considérée comme
la source de la leur propre. Cf. Philostrate, V. Apoll. III, 19 Les Indiens l'au-
:
rîs, 19) P-
^21 ;
Silvestre de Sacy, Religion des Druzes, 1838, p. 1159. Faut-il croire
que ce dogme
a été emprunté par tous ces cultes au pythagorisme ? Il paraît bien
l'idée de la transmigration s'est de l'Inde en Babylonie et
plus probable que |)ropagée
en Syrie, qui furent, durant toute l'antiquité, en relation avec ce pays. Le second motif
être invoqué est que la métempsycose, dans la tradition grecque, est étroi-
qui peut
tement liée à la foi en l'immortalité céleste (déjà chez Platon, Ornée, 900, ss.). Or celle-
ci est, selon toute probabilité, d'origine chaldéo-persique [supra, p. 143), il est vrai-
semblable que la première s'est propagée avec la seconde de l'Asie dans le monde
hellénique et qu'elles ont été admises ensemble par les Pythagoriciens. La trans- —
migration nous offrirait donc une preuve de l'influence de la pensée hindoue sur la
influence dont nous avons indiqué la possibilité pour un passage
philosophie grecque,
de Sénèque (supra, p. 399, N.C. VI) et que nous retrouverons chez Plotin {infra, N.C.
XVII, p. 41a).
Le coq était pour les mazdéens un animal sacré; et si l'on cherche quelles croyances
ont inspiré la vénération qu'ils avaient pour lui, on verra que les livres saints du zoroas-
trisme le célèbrent à un double titre. Il est le volatile bienfaisant qui arrache les
hommes à l'indolence paresseuse et à la torpeur du sommeil, et qui les appelle à la
prière matinale et au travail. Il est aussi l'oiseau apotropaïque dont le chant, annon-
ciateur du jour qui va poindre, met en fuite les démons qui hantent la surface de la
terre durant l'obscurité de la nuit et les fait redescendre dans les abîmes infernaux
(Cf. surtout Vendidad, Farg. XVIII, 15, t. II, p. 245 Darmesteter ; et t. III, p. 12 ;
Yasht VI, I ss., t. II, p. 104 Darmesteter ; et t. II, p. 314 ; Gray dans Hastings Enc,
V. « Cock » ;
s.
Nyberg, Relig. des alten Iran, 1932, p. 65 ss.).
Nous avons montré ailleurs qu'au vi^ siècle, quand l'oiseau persique (opvtç TtEpaixôi;)
fut acclimaté en Grèce, les idées religieuses qui s'attachaient à lui s'y propagèrent en
même temps que lui-même {Le coq blanc des mazdéens et les pythagoriciens dans
C.-R. Acad.
Inscript. 1942, pp. 284-300). Elles devaient avoir en Occident une vie
durable. Les deux thèmes parallèles développés dans l'Avesta et les livres pehlvis,
celui du
coq adversaire des esprits malins qui vaguent la nuit sur la terre, et du coq
héraut de l'aurore, quî ranime l'activité des dormeurs et les convie à la prière, sont
encore traités par les écrivains chrétiens du iv^ siècle, et sont rappelés notamment dans
les
hymnes qui devaient se chanter à l'aube (Cf. G. Van der Leeuw, Gallicinium,
dans les
Mededeelingen de l'Académie d'Amsterdam, Nouv. série, IV, np 19, 1941 ;
solvit
polum caligine, hoc omnis erronum chorus vias mundi deserit ». (Cf. Ambroise,
Hexaemeron, V, 24, 88); et elles sont exposées avec une clarté parfaite dans l'hymne
410 LUX PERPETUA
ad Gallicînium du Cathemerinon de Prudence (I, i vers 37 ss. « Ferunt
vagantes :
yàp 8yi xa: à)vEy.Tp'ovEî rJS'o ipSYJî r^^zov) . H était impossible à un fantôme de
demeurer sur la terre au-delà du chant matinal ; et les ombres ne pouvaient sortir des
Enfers qu'après la chute du jour (Properce, IV, 7, 89 « Nox clausas libérât umbras / :
;
errât et abiecta Cerberus ipse sera »). L'idée que les spectres ne supportent pas la
lumière du soleil est fréquemment exprimée ; cf. Énée de Gaza, Zlhéofhraste, p. 20,
p. 60, éd. Boissonnade ; Hopfner, Offenbarungszauber, I, p. 225, § 825 II, § 459. ;
Lucien {Philofseudès, 14) met en scène un magicien qui évoque l'ombre de Chrysès,
aimée par Glaukias et qui reste avec lui jusqu'à ce que les coqs se fassent entendre ;
à ce moment tous les fantômes s'évanouissent. Her2ig, Lukîan als Quelle fur die antike
Zauberei (Diss. Tûbingen, 1940), p. 48, a montré que Lucien dépend dans ce récit
d'une tradition bien antérieure à lui, et remontant peut-être jusqu'à Héraclide Pontique,
qui serait un des propagateurs de la doctrine iranienne. [Cf. Gn. 32 2^-^^].
En Occident la foi en la puissance du coq pour mettre en fuite les esprits des ténè-
bres était encore vivante au temps de l'évêque Burchard de Worms (f 1025), qui con-
damne (Burchard, 19, PL. CXL, col. 971)
cette superstition « Credidisti quod qui- :
tes quod periculosum sit, eo quod immundi spiritus ante gallicinium plus ad nocen-
dum potes tatis habent quam post, et gallus suo cantu plus valeat eos repellere et
sedare, quam illa divina mens, quae est in homine sua fide et crucis signaculo ». Cette
croyance superstitieuse s'est transmise jusqu'à Shakespeare, qui l'a mise en œuvre dans
la première scène d'Hamlet. En affirmant le pouvoir de la « trompette du matin »,
qui chasse les esprits errants à travers le monde, le grand dramaturge empêchera que
la vieille tradition mazdéenne s'éteigne jamais dans le souvenir des hommes {Hain-
let, I, i, V. 150 ss.). Le spectre d'Elseneur « faded on the crowing of the cock The —
oock, who is the trumpet of morn, / doth with his lofty and shriU sounding threat /
awake the god of day, and at his warningj, / w-ether in sea or fire, in earth or air /
the extravagant and erring spirit hies / to his confine ». Marcellus rappelle ensuite
qu'à la Noël le coq chante tout le long de la nuit et qu'alors aucun esprit n'ose
se
montrer, aucune fée n'a de pouvoir. Il ne semble pas que les commentateurs aient réussi
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 230) 411
à retrouver la source dont dépend Shakespeare. Peut-être est-ce par une tradition orale
qu'il
a connu ces légendes populaires.
La même croyance au pouvoir apotropaïque du coq s'est transmise aux Byzantins
comme le prouve une énigme de Basile Mégalomitès (Boissonade, Anecdota graeca, III,
p. 445 : Aûxoî) owv^o-avToç Ttàç 8a([i.'i)v Un exorcisme tardif, attribué à Héliodore
cfeôyei.
pour tenir les spectres errants éloignés de leurs demeures, les paysans peignent avec
de la poix des croix à l'extérieur de leur porte, tandis qu'à l'intérieur ils y suspendent
un écheveau de fils emmêlés. L'esprit ne peut entrer qu'après les avoir comptés, mais
avant qu'il y soit parvenu, le coq chante, et le revenant doit regagner sa tombe (Fra-
zer. Golden Bough^, t. IX; Vhe Scafe goat, p. 153, n. i, citant Strauss, Die Bulgaren,
Leipzig 1898, p. 454). De nombreux témoignages attestent que dans divers pays d'Al-
lemagne l'on est persuadé que tous les diables, spectres et sorcières s'enfuient au pre-
mier chant du coq, qui est regardé comme un animal bienfaisant {Handwôrterbuch des
deutschen Aberglaubens, t. III, p. 1340 ss. s. v. « Hahnen krâhen»). On pourrait multi-
plier les citations. Des croyances analogues ont été signalées chez les Lituaniens (Gray,
l-c. p.
695), les Arméniens (Manuk Abeghian, Die Armenische Volksglaube, 1899, p- 27),
les
Arabes, qui probablement ont pris cette idée aux Perses (Wellhausen, Reste Arabischen
Heidenfutns^,i8gj,ip. i5i),ietmême, en dehors des peuples indo-européens, chez les Chinois
[P.C.].
—
[Et jusque chez les Coréens. Cf. C. Haguenauer, Le Ki-Kouei de Yi-'Csing et le Kye-
Rim de l'histoire (dans Mélanges offerts au prof. Kano, de l'Université de Kyoto), p. 16:
« La Corée
antique adorait non seulement les astres, mais aussi les hautes montagnes
dont la cime se perd dans les nuées. L'existence de pareils cultes amène naturellement
à se demander si le
coq blanc de la légende
—
l'épithète prend ici toute sa valeur
—
n'est pas en relation avec l'astre solaire ». C'est là une autre idée, mais
qui pourrait
venir de la même source, puisque si le coq en général a été l'oiseau de Sin et deMèn,
dieux lunaires, l'un de Babylone et l'autre d'Anatolie, le coq blanc appartient à Ahou-
ra-Mazda, dieu de lumière, et à Mithra, dieu solaire, le second adoré dans des antres
(Porphyre, Antr. Nym-ph., 5), le premier, sans statue, autel ni temple, sur les plus hautes
cimes (Hérodote, I, 131). Et nous rejoignons ici, avec l'antique tradition coréenne, la
question du Trône vide sur laquelle nous espérons revenir ailleurs] [L.C.].
412 LUX PERPETUA (p. 341)
XVI. — LE DIBBOUK.
(Chapitre VII, p. 341).
entreprises
à Palmyre dans ces dernières années ont achevé de démontrer l'impor-
tance du trafic par caravanes entre la ville du désert et les ports de la basse Méso-
potainie
où abordaient les vaisseaux de l'Inde ; cî. Seyng, Syria, 1941, XXII, p. 252 ss.
De Palmyre les marchandises étaient transportées en Egypte et dans les ports de la
Méditerranée.
Toutefois ces découvertes ne peuvent établir qu'une possibilité, c'est-à-dire l'existence
de conditions favorables à une communication spirituelle entre Alexandrie et l'Inde. La
question
de savoir si ces communications ont laissé leurs marques dans les doctrines plo-
tiniennes, ne peut être déterminée que par une critique serrée de ces théories. Nous
avons signalé des similitudes frappantes relevées par M. Bréhier (su-pra, p. 346, n. i).
La question d'une dépendance à l'égard de l'Inde se pose aussi pour la forme que prend,
dans un passage dePlotin, la croyance à une chute et à une ascension de l'âme, et ceci
touche plus directement à notre sujet (cf. Arpad Szabo, Scholastik, 1938, XIII, pp. 87-
96).
Infidèle à la tradition platonicienne, qui croit que la qualité même de l'âme est
avilie par son incorporation, un chapitre des Ennéades (I, i, 12) formule une opinion
très différente :l'âme ne s'enfonce pas dans la matière, elle se borne à l'illuminer
(DAciiTTew), et ce qui s'incarne est une image ou un reflet (eïS-.oXovl, qu'elle projette
vers le J^as. M. Szabo retrouve la mêmedoctrine dans la philosophie Samkhya, dont
la pierre angulaire est la différence essentielle de l'âme et de la matière. Mais la
théorie de Plotin semble bien lui avoir été suggérée par une théorie pythagoricienne
sur la dualité de l'âme, dontl'E'îSwXov seul descend dans les Enfers, comme nous l'avons
fait observer p. 354.
On pourrait invoquer en faveur de la vraisemblance d'un apport hindou dans la phi-
losophie grecque de l'époque impériale le passage de Numénius (Eusèbe, Pré-p. évang.
IX, 7 = fr. 9 Leemans) où il impose à celui qui veut traiter du problème de Dieu
en premier lieu les Brahmanes, avant les Juifs, les Mages et les Égyptiens. S'il n'est
pas douteux qu'il ait pu s^informer avec sûreté des doctrines de ces trois derniers
clergés, à plus forte raison doit-on croire qu'il avait des connaissances précises sur
celles du
premier, qu'il nomme en tête de son énumération.
On discute depuis longtemps sur le sens qu'il faut attribuer à l'expression Platoni-
corum libri employée par saint Augustin {Conf. VIII, 2, 3). Pour ne citer
que les
auteurs les plus récents, le Père Henry soutient qu'elle désigne certains traités des
ennéades. Pour TheUer ce sont les oeuvres de Porphyre, à l'exclusion de Plotin. Cour-
167), a donné de bonnes raisons d'admettre que ces
celle
(o;p. cit. [p. 381, n. 3] p.
mots
s'appliquent aux deux philosophes conjointement, conclusion vers laquelle incli-
iiait
déjà Charles Boyer, Christianisme et néoplatonisme dans la formation de saint
Augustin, Paris, 1920, p. 81. Si le P. Henry a prouvé que saint Augustin s'est servi du
414 LUX PERPETUA (p. 36)
chapitre itspi lou y.a'Xo'j de Plotin, CourceUe a démontré qu'il a déjà connu, avant sa
conversion, le De regressu animae de Porphyre.
Au point de vue psychologique, il paraît invraisemblable qu'Augustin, enflammé
d'un enthousiasme juvénile pour le platonisme, n'ait pas eu la curiosité de lire tous
les « livres platoniciens » qu'il pouvait se procurer. Il a certainement connu la version
latine des Ennéades composée par Marius Victorinus. Celle-ci doit nécessairement
avoir été une interprétation, comme toute traduction de cet ouvrage profond, d'une con-
cision souvent sibylline, et selon toute probabilité le rhéteur latin avait déjà mis à
profit les sommaires et commentaires aujourd'hui perdus, que Porphyre avait ajoutés
à son édition de traités plotiniens {Vita Plot. 26 cf. Bréhier, t. I p. XXIII). Boyer
;
(o/). cit. p. 83) note que nous avons conservé des fragments d'une traduction de
Vlsagoge de Porphyre faite par Victorinus. « Cette traduction tient de la paraphrase
et du commentaire. Parfois même le traducteur expose ses propres idées »v Telle a
dû. être aussi la version latine des Ennéades.
les musulmans du Turkestan oriental, à Menges dans Sitzungsb. Akad. Berlin, 1933,
pp. 1177 ss. et p. 1185, § 15).
Mais la théorie remonte bien au-delà de Johannès Lydus, et elle a longtemps après
lui laissé des traces persistantes (i). On la retrouve encore au xiv^ siècle, chez maître
Eckhart, sermon Elegi vos de mundo (éd. Gandillac, Paris, 1942, p. 231) : « Lorsque
l'enfant est conçu dans le sein de la mère, il a constitution, forme et figure voilà :
l'œuvre de la nature. L'enfant demeure ainsi quarante jours et quarante nuits ; mais au
quarantième jour Dieu crée l'âme bien plus vite qu'en un clin d'oeil, pour que l'âme
(1) C'est au même système que se rattache l'opinion, encore très vivante aujourd'hui, que
l'en-
fant naît viable au septième mois, mais non pas au huitième, cf. Philon, Commentaire allégori-
que des saintes Lois, 1, 4, 9 (éd. E. Bréhier, collection Hemmer-Lejay, Paris, 1909, p. 8)
'
Ttç -^àp oùx otSsv oxt xtov Pp£(f>ôjv xà [Xiv kuTa(i.rjva yôvifxa, xà ok TrXsito ^pôvov irpooXaêdvxa, wç oxxw
graeci, 429, 13 ;
Passio S. Perpetuae, 15 (T. and St. I, p. 84). Selon l'évangile arménien de l'en-
subitement à la septième heure, Anne mit au monde sa sainte enfant ». Cf. Zoroastre d'après —
Proclus, in Remp., 2, p. 34, 3 KroU (= Mages Hellénisés, II, p. 161-162).
NOTES COMPLÉMENTAIRES (pp. 36, 276, 288) 415
donne au corps forme et vie. ». Et qui plus est, chez Bérulle au début du xyii^ siècle,
ch. 26 (Œuvres, Migne, col. 484) « Ce corps n'a eu besoin de qua-
j/ie de Jésus,
:
« il n'occupe pas plus de place et. n'est plus sensible et remarquable que les enfants
des autres mères au bout des quarante jours de leur conception. »
Ces propos de Bérulle semblent empruntés à S. Thomas d'Aquin, S. Vhéol. 3, 33, i,
qui, à
la vérité, ne parle pas des quarante jours, mais incontestablement les suppose.
S. Augustin ayant dit en effet,
Div. quaest. LXXXIII, 56 (éd. bénédict. 1701, t. VI,
col. 19 C), qu'autant d'années (46) pour édifier le Temple, autant de jours (46) il a
fallu pour achever le corps du Christ,., ut quoi anni fuerunt fabricatione templi, tôt m
Mes fuerint in corporis dominici perfectione, S. Thomas estime au contraire qu'il a suffi
d'un instant pour que le Verbe s'incarnât, alors que chez le commun des hommes
(5.
Vhéol. 3, 33, 2) successive cor-pus formatur et disponitur ad animam [L. C.].
Il
garde ceux dont II a décrété la mort, et renvoie les autres jusqu'au terme fixé » ; et
chez les Juifs, Zohar, i, 130 A
(Pauly, II, p. iio) durant le sonuneil «l'âme du juste
:
parcourt l'espace sans être importunée par les esprits impurs j et quand elle est arrivée
parmi les anges supérieurs, ceux-ci lui font connaître l'avenir de manière véritable »
(cf. supra, pp. 88 et 94 sur l'incubation, p. 92 sur l'oniromancie).
s en séparent et la remettent entre les mains de Douma pour qu'il la jette dans l'en-
fer... et cette
peine dure douze mois ». [L. C.].
]ovi sacratum vehebant equi hos eximiae magnîiudinis equus, quant Solis appellabant
:
sequebatur [Symbol, p. 434, note 2 cf. Mages hellén. II, p. 121, note 6, et
; p. iaa^
note 2, qui rappelle que les Perses sacrifiaient des chevaux blancs au Soleil. Cf. aussi
Loisy, Sacrifice, p. 220, sacrifices de clievaux au Soleil chez les Parthes, les Massagètes
et les Spartiates).
Comme les morts accompagnaient Hélios dans sa course (supra, p. 173), le cheval
solaire, mais non pas toujours, fut ainsi associé aux morts et devint sym-
souvent ailé,
bole d'immortalité. Cf. le Pégase de l'hydrie d'Alexandrie, m^ siècle avant J.-C,
supra,
p. 288 mais il peut aussi, quand même il n'est pas ailé, représenter le défunt (bas-
;
reliefs de Béotie, dans Rohde, Psyché, trad. fr. p. 198, note 5).
D'autre part au nie-ii« siècle avant J.-C, le cheval sans cavalier est dans l'Inde, —
conune le siège vide, l'empreinte des pieds, le parasol le symbole du Bouddha (Ph, —
Stern dans Masson-Oursel, L'Inde antique et la civilisation indienne, p. 417), sans doute
parce que Çâkyamouni était déjà devenu un héros solaire cf. sur ce dernier point La ;
(p. 242)
—
qui le prédestinaient à être un « roi à là roue », çàkravartin (p. 241).
les sourcils le rayonnant û.rj).â.
Devenu Seigneur [Bhagavai) par Tillumination [bodhi) (pp. 229-233), ses pieds portent
des roues aux milliers de rayons (p. 233) et au moment de sa mort il manifeste sa
;
gloire « sa peau resplendit comme l'or vif, et le brocart dont Pukkura l'avait revêtu
:
Darius. Il est aussi le frère de ces chevaux d'Hercule (= Verethraghna ?) qui, chez les
Parthes, chassaient sans cavalier [Symbolisme, p. 434, note 2) de ceux que les Rho- ;
diens précipitaient chaque année dans la mer pour renouveler l'attelage du Soleil (Loisy,
Sacrifice, pp. 220 et 435) chez les Celtes, du dieu Rudiohus, cheval sans cavalier,
;
trouvé près d'Orléans à Neuvy en Sullias (H. Hubert, Les Celtes, II, p. 288) ; chez
les Germains, du cheval attelé au char qui porte le disque du Soleil (Ile de Seeland,
dans S. Reinach, Orpheus, éd. de 1925, p. T85), et du cheval blanc qui dans les expédi-
tions militaires servait de monture au dieu {ibid., p. 197) ; enfin dans le domaine slave,
de ceux de Svantovit à Rûgen {ibid., p. 211) ou de Triglav à Stettin {ibid., p. 212) (i).
Mais d'autre part si le culte du Bouddha se comporte aussi comme un culte funé-
raire, notamment par des offrandes de fleurs, de parfums, de lampes ardentes [cf.
supra, pp. 33, 45, 48] (2), il se peut que le cheval qui le représente ne soit pas seule-
ment celui du Soleil, mais encore et indivisément celui qui symbolise le défunt. Nous
retrouvons ainsi dans l'Inde une vieille croyance de l'Occident. Et dans les deux cas
le monde indo-iranien, le monde gréco-romain, le monde italo-celte et le monde ger-
mano-slave se rejoignent une fois de plus dans l'unité indo-européenne [L. C.].
^1 où il est
(1) Cf. aussi, en dehors du domaine indo-européen, // Reg. 23
des
question et
chars du Soleil et des chevaux que les rois de Juda avaient dédiés au grand Luminaire à l'en-
trée de la maison de Yahweh. Enfin, sans parler du chariot de l'Arche, / Sam. 6 et // Sam. ''
6 3 qui était traîné par des vaches, Yahweh aussi avait un char, n^!D~lD) 1 Chron. 28 ^^ et Is. ôô^"-
(2) Et en outre Fr. et lam-pes sur les tombeaux, dans Miscellanea Giovanni
Mercati, t. V, 1946. — Cumont, Cierges
Sur l'usage actuel dans les temples bouddhiques de Ceylan : A. Che-
s'il
s'y est complu (3), cela lui sera donné ». Ce texte s'inspire manifestement de Deut. 30^^ :
« choisis donc la
J'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction :
vie, afin que tu vives ». Mais l'accent en est différent. Dans le Deutéronome, c'est en ce
inonde que se fait le choix, et rien ne donne à penser que l'homme ne puisse
plus se
détourner de la vie, bonne ou mauvaise, où il s'est une fois engagé. Chez le Siracide au
contraire il semble que le choix, une fois fait, doive être nécessairement subi :
e'vavxi
àvôptiirtjùv ?) Çwt) xal ô OàvaToç"
xal 8'iàv EÙSoXY^ar), SoÔTjaEtat ocùxtf).
(1) Cf. Festugière, Fatalité, et libre arbitre dans Corpus Hermet., Nock-Festugière, I, p. 193-195.
(2) Festugière,
^
à propos de C. H. 4, 8 (Nock-Festugière I, p. 55) renvoie aussi à Rêp. 2, 379 b :
oux Tcâvxwv
apa ys a'ixiov xô aYaâov Dieu), àXXà xwv [jiev eiS èj^ôvxwv aïxoov, xwv Se xaxwv àvafxiov,
(=
^t encore xwv
2, 379 c :
àyaôwv oôSéva aXXov aîxiaxéov, xwv 8e xaxwv aXX' axxa 8sï ÇitjxeTv
y-oÙ jjlÈv
^^f
«'.Tia, àXX' o'j encore Tim. i2d, et en outre Geffcken, Zwei griech. Apologeten,
xôv Ôcdv. Cf.
P- 103, note
4; etDieterich, Nekyia, p. 115, note 1. A rapprocher, en ce qui concerne la—
damnation, du ps.-Denys, Ep. 10 {PC, 3, col. 1117 6 oûSs yàp èv xotî atwŒi xoï; :
impio\Liw>.(;
«rtioi; eotjd xwv
è^ aùxoù Sixaiwv àcpoptfffxwv 6 Seoç, àXX' o\ xoù Osoû navxeX.Sx; sauxoù; àqjopCtravxE;.
(3) xai S'kàv eôSoxv^ur), So6i{(TETat aOxtJ). Hier, :
quod placuerit^ei, dabitur illi,
27
4i8 LUX PERPETUA (p. 345)
Nous sommes ici très près du mythe d'Er et de l'Avesta le choix paraît définitif
: •
il détermine une destinée qui s'imposera désormais à celui qui a opté pour elle, qui lui
sera donnée, ooer^aExxi aÔTw, Les deux systèmes ne diffèrent que par le moment où se
fait le choix, dans l'Avesta et le mythe d'Er, avant la venue de l'âme en ce monde •
chez le Siracide, lorsque l'homme est en âge de choisir. Encore n'est-ce pas sûr car :
xoù 6eoù •f]|j.ïv xE ÔTtTÎpSe xat ÛTTàpÇet. Ce n'est pas la perspective de Jésus ben Sira, mais
c'est exactement celle du Deutéronome [L. C.].
Penseurs de la Grèce, t. I, Lausanne, 1904) a montré pour le culte des Mânes, qui est
celui des Pères (-pitârali) (p. 33) ; pour le cycle de Pythagore, qui paraît être la roue
de l'hindouisme (p. 139) 5 pour la doctrine de Mélissos, qui se retrouve dans les
Védànta (p. 221). Cf. aussi Rohde, Psyché, éd. française, p. 364 sur les Orphiques,
le x'jxXoç zr\ci yeviffEwç (ô x?;; [jLoîpaç xpoj(^ô(;) =
rota fati et gêner ationîs), l'àTtoxaxiiiTTadii;
xwv iitâvxwv p. 386 sur l'instabilité du complexe de l'âme chez Heraclite et les Jaïna
; ;
F. Cumont, Recherches sur le Symbolisme funéraire des Romains, Paris, 1942, pp. 104
et 177 sur l'ascension du souffle vital {prâna, âtman) au travers des airs vers la Lune,
pour finalement se fondre en Brahman, premier principe. Etre éternel; J. Bidez, Eôs, sur
Platon et le monde oriental ; cf. aussi René Berthelot, La -pensée de l'Asie et l'astroUo-
Paris, 1938.
logie,
Mais —
et c'est ce que n'ont pas su distinguer certains de ces auteurs, notamment
M. René Berthelot, —
autant les conceptions philosophiques et religieuses des Grecs et
des Romains se rapprochent de celles de l'Inde, autant s'éloigne des unes et des autres
musée de Copenhague, qui serait un chaudron à cervoise sacrée, celle-ci étant considérée comfflc
équivalent du sôma
=
haôma, pour une cérémonie analogue au Yasna ; peut-être aussi du
xuxewv grec (//. 11, 624, 641; Od. 10, 234; "cf. Loisy, Mystères^, p. 69).
NOTES COMPLÉMENTAIRES (p. 347) 419
qu'il est,
mais seulement ce qu'il n'est pas », Plotin, Enn. 5, 3, 14 (Bréhier, p. 68) xal :
vào XéYO(i.£v ô' \x.f^ èffttv. ô' 81 èaxtv ou \h[0\xz-i.,. 5, 3, 17 (p. 73) : tiw^ av ouv ToiJxo yévo'.TO ;
"hQzkz Trâvta [cf. infra, p. 430, note i, ps.-Denys]. Cette idée n'appartient pasen propre à Plo-
tin; elle est déjà chez Clément d'Alexandrie, Strom., s, ïi (Stâhlin, t. II, p. 374)
:
oùj^
î èaTtv, 8e inf\
laxi
Yvtopbavteî. Quoique Stâhlin n'en indique pas la source, il est peu
probable qu'elle y soit originale, et il se peut qu'elle remonte à Philon (i) ou plus haut
encore.
D'où qu'elle vienne, elle était appelée à une immense fortune c'est d'elle en effet :
qu'est née la doctrine scolastique de l'inconnaissabilité de Dieu, qui devait un jour ébran-
ler, presque évincer le dogme paulinien et johannique que Dieu est essentiellement con-
naissable parce que son essence est l'Amour, non pas 'épt-oç, mais à^^âuri caritas, c'est- =
à-dire amour désintéressé, don de soi, dénué de toute convoitise {infra, N. G. XXVIII,
Erôs et Aga-pè). Et c'est la plus grande aventure qu'ait jamais courue le christianisme.
La théorie de la connaissance par non-savoir a été introduite dans l'Eglise chrétieime,
après Clément d'Alexandrie, par le ps.-Denys, Hier. cél. 2, 3 {PG. 3, col. 140 d) :
(1) Cf. Philon d'Alexandrie, De mutât, nom. 1 (10), sur Ex. 33^3^ o'ij/et xà o-rrt'ffw
jjlou
•
xat x{
flï'jjj.aaxôv Et xô ov àvOp'ÔTroiç «xxxzXrj'rtxov, ÔTidxe xal 6 èv èxàaxtp voùç ayvtoaxo; x£î
T)p.Tv ;
yàp i^'.i-tr^<^
O'jcriav sTSev ; c'est l'idée qui dominera
E. Bréhier, Idées philos, et relig.
la théologie scolastique.
de Philon
2, 8°, 1925 il faudrait,
pour comprendre Dieu, devenir Dieu soi-même, fr. Man-
:
gey II, 651 ; car lui seul peut se comprendre. De praem. et poen. 6. Cf. Oàes Salom. 26 ^2. —
(2) Nicolas de Cuse, De docta ignorantia, 1440.
'^"s
quaeratur, occultus est ; ut inventus quaeratur, inimensus est... Et invenientem capaciorem
facit ut rursus
quaerat impleri ubi plus capere coeperît... Hic autem semper quaeramus, et
puctus inquisitionis non sit inquisitionîs. Cf. aussi S.
finis de —
Vie de Moïse, Grégoire Nj'sse,
" rapprocher {Mages hellén. I, 229, à propos d'ayvwcyxoi; Oeôi;) de Lactantius Placidius et Recogn.
neme7it., en notant que «xaxdtXriirxoc; (= incomprehensibilis) et àyvwcrxoç (= incognitus) ne sont
le Dieu àxaxàXï.Ttxoî n'est pas inconnu, mais à connaître progressivement et
pas^ synonymes
:
indéfiniment, d'une connaissance qui ne sera jamais adéquate à son objet. L'anaphore de la
l'urgie byzantine de S. Jean Chrysost. appelle Dieu àxaxàlTjTrxo; : elle ne l'appelle pas ayvwdxoç.
420 LUX PERPETUA (p. 347)
mais radicalement inconnaissable en son essence fLossky, l. c. pp. 23, 29, 32, 83), est
cependant connu grâce aux énergies divines (p. 68) qui par leur rayonnement manifes-
tent aux créatures tô •y^'W'n^ôv xoù Geou {Rom. 1 1^), tout ce qui de Dieu leur peut être
connu (Lossky, le. pp. 83, 85, 159). Cette manifestation de Dieu par les énergies est
totale (p. 83). « Totalement inconnaissable dans son essence, Dieu se révèle donc totale-
ment dans ses énergies, qui ne divisent point sa nature en deux parties —
connaissable et
inconnaissable,
—
mais signalent deux modes différents de l'existence divine, dans l'essence
et en dehors de l'essence »; ibid. ainsi « la Trinité demeure en nous réellement par
:
ce qxi'EUe a de communicable, par les énergies communes aux trois hypostases, c'est-
à-dire par la grâce », en sorte qu'en fin de compte, chaque âme travaillant avec la
grâce à se dilater et à se transcender (p. 6) (i), le Saint-Esprit (p. 238) « supplée
à toutes les insuffisances, fait dépasser toutes les limitations, confère à la connais-
sance de rincognoscible la plénitude de l'expérience, transforme les ténèbres divines
en lumière dans laquelle nous communions avec Dieu ». Nous sommes ici plus près,
du moins en apparence, de Jamblique [su-pra, p. 377), que du pur intellectualisme
de Plotin qui n'attend aucun secours étranger à lui-même {supra, p. 360). Je dis
du moins en apparence, parce qu'il y a loin de la théurgie de Jamblique qui
— :
est une magie divine sans doute, mais une magie tout de même (supra, p. 374), à —
l'action spirituelle de l'Esprit divin comme se la représente l'Eglise orientale Lossky, ;
le. p. 238 :sans le Saint-Esprit « les dogmes seraient des vérités abstraites, des auto-
rités extérieures imposées du dehors à une foi aveugle, des raisons contraires à la
raison reçues par obéissance et adaptées ensuite à notre mode d'entendement, au lieu
d'être des mystères révélés, des principes d'une connaissance nouvelle s'ouvrant en nous
et adaptant notre nature à la contemplation de réalités qui surpassent tout entende-
ment humain ».
En Occident au contraire, la notion d'apophase venue à la fois de S. Jean Damas-
cène et du ps.-Denys traduit d'abord par Huduin, Abbé de Saint-Denys, puis par Jean
Scot Erigène {supra, p, 384), s'aggrave non seulement par un retour délibéré à l'Aris-
totélisme, mais par une théorie de l'analogie qui réduit la connaissance des choses divi-
nes à n'être plus qu'un mimétisme de connaissance (2) et qui n'a de commun que le
nom avec celle qui fleurit chez S. Augustin et dont a peut-être abusé S. Bonaventure,
S. Thomas d'Aquin entend répondre à la question posée par Aristote, Anal. post. 2, i
(éd. Didot, I, p. 153) : Yvdvce; 8è ô'xt l'o-Tt {première question), xE êuxt Çrjxov)[j.ev {seconde
question). A cette seconde question S» Thomas fait deux réponses :
moins pouvons-nous savoir ce qu'il n'est pas, Contra Gent., i, 30 Non enim de Deo
:
capere quid est, sed quod non est, et qualiter alia se habeant ad ipsum, ut ex prae-
dîctis patet ibid. i, 14
;
et sic ipsam (= divinam substantiam) apprehendere non pos-
:
sumus cognoscendo quid est, sed aliquam habemus notitiam cognoscendo quod nonesi;
(1) Même idée dans l'Islam c'est le s«r/i al sadr, dilatation de la poitrine, ouverture àa
:
cœur, Qor. 39^3 « Celui dont Dieu a dilaté le cœur pour l'Islam... ». Et aussi 6^25 et 94
;
— Sur la grâce, Qor. 4172 « Ceux qui croient et qui font le bien, Il leur paiera exactement
;
Ann. de Philos, chrét., janvier 1906, p. 377 et Pierre Rousselot, L'intellectualisme de S. Tho-
;
S, VheoL, I, 3 (début) sed quia de Deo scîre non -possumus quid sit, sed qtiid non
:
sit non possumus considerare de Deo quomodo sit, sed -potius quomodo non sit. Pour
S. Thomas se réfère lui-même {S. X^heol. i, 2, 2) à S.
cette première réponse Jean
Damascène, de Bide orthod. 14 (PC, 94, col. 797) ô'^t
pv ouv ïazi ôedç, S^Xov. Tl Si ia-ti
:
•/.xt'
ûôffîav v.a.\ cpjîTiv, «y.axâXv)Tn:ov xoùto -izaMitkixx; v.%\ ayvwstov. Ibîd. Col. 8oo "caùxa yàp oii :
expressément
:
cette proposition —
S. Zlheol. i, 12, i (éd. Vives, t. I,
p. 182) : Deus est
secitndiim se ignotus ; mais Opusc. LXIX, super Boeth. de Zlrin. {Opusc. éd. Vives,
t, VII, p. 347) ••. dicimur in finem nostrae conditionis
:
tanquam ignotutn cognos- Deum
cere, quia tune maxime mens in Dei cognitione perfectissime invenitur quando cognos-
citur ejus essentiam esse supra omne id quod apprehendere potest in statu hujus vi<jt^ae,
et sic, quamvis maneat ignotum quid est, scitur tamen quia est ; (ce qui est à rappro-
cher de Maïmonide, Guide des Egarés, i, 58, trad. Munk, Paris, 1856, t. I, p. 241 :
« Nous ne saisissons de Lui autre chose sinon qu'il est, mais non pas ce qu'il est) 3
ignotum, ici, ne se rapporte pas directement à Dieu, mais à quid est (Deuis). C'est
aussi du même point de vue que C. Gent. 3, 49, 5, attribue au ps.-Denys, in libro de
Mystica Z^heologia, d'avoir dit que cum- Deo quasi ignoto conjungimur (i) cf. en outre ;
o58È SoÇa. —
ou cpatvexai. Où8' — ôvofxaÇexott apa, où8l XÉYExat, où8è 8o|âÇexai,
,
oô8è
que a Dios el aima antes le ha de ir conociendo por lo que no es que por lo que es...
Et chez Pascal lui-même. Pensées, « Ainsi on peut bien connaître
Brunschvicg, fr. 233 :
iqu'il y a un Dieu sans savoir ce qu'il est ». C'est de ce point qu'il faut partir pour
comprendre comment s'est contaminée et altérée, sous la double influence de Plotin et
d'Aristote, la notion paulinienne de là vision béatifique. Cf. infra N.C. XXIX, Piston
béatifique [L.C].
(1) Probablement PG. 3, col. 997 B : xal Trpoç t-^jv ëvwaiv, w; ètpixxôv, àY^tioTOuç àvaxà67)xi xou
tJTtep Ttàcrav oùalav xal Yvûtriv.
422 LUX PERPETUA (pp. 265 et 357)
Sufra, pp. 265 et 357 sur V illumination dans les Mystères et selon Plotin (i). i\
n'est pas exclu que cette idée de l'illumination ait exercé quelque influence sur les
cérémonies du baptême chrétien. Déjà VE-pitre aux Hébreux, 6 *, 10 ^^ applique aux
baptisés le titre de «wTiffQévTcç, peut-être par référence à // Cor. 4
^ t&v ocoxtariaèv xoù :
eùayyEXtou... Tcpoç tpwxidfjiov tt); yvj'jjîw; xr^^ So^'^ç t'jO Oôoô sv Tzorxsémi^ yptcy-oij. Et aussi
1^ Hat àvctora èx xwv vexcwv / xal suKpa'joei aot ô ypioxdç
Ephés. 5 :
(cf. Loisy, Lfl naissance
du Christianisme, Paris, 1933, pp. 285, ss.). Chez Clément d'Alexandrie, Paedag. I
8è 8t' ou x6 ayiov èxeïvo xo t7tux/|pcov £7ro7rTej£x«t (cette allusion à l'ETtoTnxetx est très
cpi&xiff[x.a cpwç
significative, surtout si on la rapproche de Protrept. 12 ; Strom. 5, 11 ; cf. déjà II
Petr.f I-*-^); Paedag. 30, I :
[i-îa yjor., aux-r, to\5 tffoxîtriJiaxoç xo \x},
xôv aùxov eTvai xw irolv
-i]
XoôaïcyOat xov xpôitov. Il en est de même chez le ps.-Denys, qui s'en explique comme suit
dans Hier. eccl. 3, I (PG. 3, col. 425 A) ouko Bt, xa: xr,v 'lepàv xv]? Qzo-(Z\tala.ç xeXex/v,
:
È~£i8r, Trpwxou tfwxcx; (aexaoiSioat, xa! TtïTÔv icxtv àpj^r, twv Ostfov
(pojxaywyiwv, Èx xoù TEXoujjiévou xï|V
minatio mea in deliciis meis (cf. Ps. 139 11-12). Ces expressions sont à rapprocher de
ce que dit Lucius de son initiation aux mystères d'Isis (Apulée, Métam. 11) ... diein :
le myste {supra, p. 358), entièrement dépouillé de ses vêtements pour son initiation (3),
reçoit après l'immersion une robe blanche accipe vestem candidam (4), et un cierge
: :
dextra gerebam flammis adultam jacem, et tout de blanc vêtu sume jam vultum lae- :
tiorem, candido isto habitu tua congruentem. Tel était aussi, comme celui du clergé
(1) Comparez Asclepius 32 (C.H. Nock-Festugière, p. 341) Sed tîbi, deus summe, gratias :
ago, gui me
videndae divinitatis luminasti lumine. Cf. Bousset, Kyrios Christos, pp. 108-203.
(2) Dans la même Préface de bénédiction du cierge pascal, a vitiis saeculi et calîgine fecca-
torum segregatos rappelle étrangement Lactance, Institut. 78, se référant à Hystaspe descrrpta :
iniquitate saeculi hu-jus extremi pios ac fidèles a nocentibtts segregatos {Mages hellén., t. Hj
p. 370 et Fin du Monde, pp. 84, note 2, et 85).
(3) Le baptizand se dépouille non seulement parce qu'il va se baigner, mais aussi pour prou-
ver qu'il ne conserve sur lui aucun amulette. C'est une garantie ajoutée aux exorcismes. Très
significatif est à ce point de vue le texte d'Hippolyte, Trad. apost. 21 (p. 49 Botte)
« Qu'ils :
se déshabillent... Qu'on baptise ensuite les hommes adultes, et enfin les femmes, après que celles-
ci ont délié leurs cheveux et déposé leurs bijoux d'or que personne ne descende dans l'eau
:
(4) Au rite byzantin, pendant qu'on revêt de sa robe blanche le nouveau baptisé, le
chœut
chante :
^txwvà [ioi Tt%pics-j(ou (ftûXEiv'v,
ô àvaêaXXôjxevos fwî ^c l|j.àTiov (EùyoXoytov xô (J--'y*i
chrétien, levêtement de l'hiérophante (i). Enfin il n'est pas jusqu'à la forme du congé
ne de part et d'autre, sensiblement la même
soît, XaoT; atpsdtç chez Apulée, Ite, :
qui
Plissa (= missio) est dans l'Église chrétienne (2).
Mais là ne se bornent pas les analogies rituelles de l'initiation dans le Christianisme
et dans les Mystères. La catéchèse, la « tradition
» du Pater et du
Symbole de la
foi sont comparables à la communication du discours sacré, Upôç Xô'^o^ (sufrap. 237) (3);
la renonciation à Satan et la « reddition » du Symbole, aux XeyojjLeva [ibla.) (4).
L'initiation, comme
baptême, comportait des onctions, qui de part et d'autre s'appe-
le
laient également (supra, p. 300) comme dit S. Athanase à propos de l'Esprit,
ffcfpayTSeç
ad Seraf. I, 23 (PG. 26, col. 585 AB) XP'''^(^^
''^^-
<^'?9<^'{'< (5-
:H y avait aussi dans les
Mystères une imposition de tatouages, ax^Yii-axa (supra, p. 255 et p. 300 et Relîg. ;
orient. \ p. 215) (6), par exemple une feuille de lierre pour les mystes de Bacchus
(1) Plutarque,
De Iside, 3, p. 352 C ; 4, p. 352 ;
D
cf. Fouilles de Doura-Eurofos, p. 58 ; et
Egypte des Âstrol., p. 118, avec la note 4. L'on ne peut s'empêcher de relever à ce propos
l'étrange phrase où TertuUien assimile au vêtement d'Osiris le linge dont le Christ johannique
se ceint pour laver les pieds de ses apôtres, De cor. 8 {PL. 2, col. 88) : et cum linteo circutn-
«
Semper ilicet finem rei significat, ut actum est. Sic judices de concilio dimittebantur, suprema
dicta cum praeco pronuntiasset ilicet, quod significat ire licet ».
pàpêapoî »] TtatSEov, xaî X^yst àTcoxaff(TO[i.xt. Il n'a jamais certes été question de refuser le
baptême aux barbares comme on leur refusait l'initiation aux Mystères (supra, p. 240). Mais
l'on voit, à cette
disposition du rituel byzantin, l'importance suprême qui s'attachait, dans le
Christianisme comme dans les Mystères, au lepoi; lôyo^ et aux X£YÔjj.£va (supra, p. 237). On —
pourrait aussi rapprocher des (rûfJiSQXa confiés au nouvel initié pour qu'il les emportât chez lui
[ibid.) l'usage qui permettait aux chrétiens de conserver chez eux l'eucharistie, s'il était sûr,
comme tend à le penser dom Botte (Trad. apost. d'Hippolyte, p. 23) que le vase que les bapti-
zands doivent « apporter pour l'eucharistie » fût destiné à cet. usage (§ 20, p. 49). Mais le
.
point au moins douteux. Il s'agit vraisemblablement des ampoules contenant vin, lait, miel,
est
« huile d'eucharistie »
(ou d'action de grâces) (§ 21, p. 49), pour l'oblation qui est expressé-
ment prévue de la part des nouveaux baptisés au § 20 (p. 49) « car il est convenable que :
celui
qui en est digne offre alors l'oblation ».
(5) Voici le texte d'Athanase eî8è xô Ttveùpi.a: xai (Tcppayi? èaxtv... rj Se acspa-j'iç xr.v
j^pîcjjLa
HoptsTjV j^ptaxoO ŒcppaytÇo'noç ïyzi. xaî xa^xT)? ol caipaYi^ôjjiEvoi pLsxé^ouat, p.opcpo'jjAsvoi xax'
xoù
ofixto 8s s'xdxwç y.y.\ xoivtovo'. ôsîac; tp'jc7£W!; yivdfJtEOa îix; eTtcev 6 Fléxpoç
"'-'xvjv... ff?)paYiÇô(ji.evot,
(// Pair. 1 4), xaî ouxw
\KexijEi
Tcâda xxtat; xovj X^dyou £v xqj irvE'jfjiaxi.
-fj
En faisant les onctions —
de chrême confirmation du nouveau
(jj.upov) pour la baptisé, le prêtre byzantin dit CTopayiç :
owpeà:; Ttve'jfxaxo; àyi'ou, àpiy^v. Sur ces termes, ctepayt'î etc. Cf. G. Wobbermin, Relîgionsgeschichtliche
Studien, Berlin, 1891.
(6) Cf. aussi Perdrizet, Rev. des Et. aitc, XII, 1910, pp. 236 ss. ; A. Relgiv., XIV, 1911,
'PP- 54, à 129 ; Graillot, Cybêle, p. 182 et 297-
424 LUX PERPETUA (pp. 265 et 357)
(supra, p. 252 et Stèle du danseur d'Aniibes,-^. 31) (1). Or la même pratique se retrouve
chez les Jacobites et chez les Abyssins, qui impriment au fer chaud une croix sur le
front ou le bras de l'enfant, les premiers avant, les seconds après le baptême ( J. B. Thiers
Vraité des su-perstitions, 1697, t. II, pp. 95-96). Les Syriens catholiques portent encore
aujourd'hui ces signes ; mais, si je les ai bien vus, tatoués à l'aiguille et non pas au
fer chaud (2). Ce tatouage est dans les deux cas, comme chez les primitifs (Chante-
pie, Manuel d'hist. des relig., pp. 18 et 31) et les Hindous Ramânwjas {ibid. p. 425), la
marque de l'appartenance au dieu (3). La tradition en est ancienne dans le paganisme:
Hérodote, 2, 113, raconte qu'il y avait aux bouches du Nil un temple d'Héraklès où
les esclaves en fuite pouvaient trouver asile et même obtenir l'affranchissement s'ils
acceptaient de recevoir les marques sacrées du dieu t,v Se ItzX Tîje; Tiidvoî, xô xal vîîv
:
(1) Cf. Perdrizet, Cultes et mythes du Pangée dans Annales de l'Est, XXIV, 1 et Wila- ;
ficatif, A. Cohen, Le Talmud, Paris, 1933, p. 256). Il se peut toutefois que tel n'ait pas été
le sens primitif de ce rite. On pourrait y voir initialement un simulacre de castration. Cf. l'em-
24=_26 avec le commentaire de
ploi de part et d'autre d'un couteau de silex, Ex. 9 Loisy, Relig.
d'Israël 3 p. 91 pour la circoncision à rapprocher, pour la castration, de Clément d'Alexan-
;
drie, Protrept. 2, 15 cf. aussi Graillot, Cybèle, p. 296. Pour l'élimination du métal, cf. supra,
p. 391, note 6.
— ;
Dei es, non teneat te catena ferri (BéruUe haec catena fabri) sed catena Christi. Cf. encore
pièce 295, lettre du P. Bertin à Michel de MariUac (Dagens, t. II, p. 155) « Et il y » :
quelque temps qu'on demanda ici [« Rome"] l'approbation de sa Sainteté d'une confrérie
ou
congrégation des Esclaves de la Vierge, lesquels, pour marque, portent une chaîne au col et une
au bras et sa Sainteté les a renvoyés et n'a voulu donner l'approbation ».
;
NOTES COMPLÉMENTAIRES (pp. 265 et 357) 425
de Carthage au contraire (397), canon 37 (Mansi, 3, col. 734), autorisait cette obla-
tion, mais
le jour de Pâques seulement, et sous la condition qu'elle fît l'objet d'une
bénédiction particulière (cf. supra, p. 423, note 4) distincte de l'eucharistie :tit in
sacramentîs corporis et sanguinis Domini nihil offeratur quant quod ipse Dominus ira-
didit, hoc est partis et vinum aqua mixtum. Primitlae vero, seu lac et mel quod uno
die solemnissimo in infantum mysterio solet offerri, quamvis in altari offeranttir, suam
tamen haheant 'propriani benedictionem, ut a sacramento Domini corporis et sanguinis
distinguantur (3). L'importance de ce canon apparaîtra clairement à qui voudra bien se
(1) Barn. ;
6 De Cor. 3 ; Adv. Marc. 1, 14.
Tert. —
C'est un rite propre à Rome et Alexan-
drie (Duchesne, 359) qui survit encore aujourd'hui chez les Coptes et les Ethiopiens (Du-
p.
chesne le, p. 349, et H. Denzinger, Ritus Orientalium, in-8, 1863, t. I, p. 37). Il a disparu de
bonne heure à Rome, peut-être supprimé par S. Grégoire le Grand (Duchesne, le. p. 333, note 2,
d'après Usener, le). Mais l'oraison pour la bénédiction du lait miellé [c£. la note suivante] a
subsisté au cérémonial du Samedi-saint de Pâques dans le Pontifical romano-germanique (Hittorp,
De div. cath. Eccl. offic, éd. de 1610, col. 87 CD) ; dans le Pontifical romain du XII^ s. (éd..
Andrieu, Studi e Testi 86, p. 262) ; dans le Pontifical de la curie romaine au XIII^ s. (id. St.
e T.
87, p. 453) ; et jusqu'au xivs siècle dans le Pontifical de Guillaume Durand (id. St. e T.
88, p. 539), ancêtre immédiat de l'actuel Pontifical romain, d'où elle a été éliminée.
—
Moléon,
Voyages liturgiques de France, Paris, 1752, p. 30, dit que de son temps à Saint-Maurice de
Vienne, le lundi de Pâques, avant les vêpres, le clergé se réunissait à l'archevêché, où il trou-
vait « des tables garnies de miel et d'autres choses avec du vin », ce qui est en rapport avec
l'introït de la messe du jour introduxit vos in terram fluentem lac et mel.
:
(2) Sacramentaire lêonien, éd. Feltoe, p. 15, messe du samedi de Pentecôte pour les nouveaux
baptisés (= Muratori, t. I, col. 318).
(3) C'est de ce canon 37 du troisième concile de Carthage que provient la lettre apocryphe
adressée « à tous les orthodoxes » par le pape Alexandre 1er, « cinquième successeur de
« In sacramentorum quoque oblationibus qui inter missarum
», Mansi, t. I, col. 638
S. Pierre :
solemnia Domino offerantur, passio [col. 639] Domini miscenda est, ut ejus cujus corpus et
sanguis conficitur, passio celebretur, ita ut, refulsis opinionibus superstitionum, punis tantum et
vinum aqua permixtum in sacrificiis offerantur. Non débet enim (ut a patribus accepimus et
ipsa ratio docet) in calice Domini aut vinum solum, aut aqua sola offerri, sed utrumque per-
mixtum, quia utrumque ex latere ejus in passione sua profluxisse legitur ». Mais le sens primitif
s'en est à
peu près effacé. L'auteur ne pense plus ici (sauf en ce qui concerne l'eau pure) à
l'ancienne coutume (qui pourtant explique l'incise repulsis opinionibus superstitionum) de con-
sacrer autre chose
que du pain et du vin, mais seulement à celle qui avait persisté, qui persiste
encore aujourd'hui chez les Arméniens grégoriens, de consacrer du vin pur au lieu de vin
trempé.
G est avec ce sens rétréci
que le texte du ps.-Alexandre I« est passé d'une part au xi^ siècle
chez Bernon de Constance, «
Micrologue, ch. 10 (PL. 151, col. 983) sanctus Alexander, Papa
:
quintus a beato Petro, constituit ut panis tantum et vinum aqua mixtum in sacrificio Domini
offeratur,quia de latere Domini sanguis et aqua simul profluxerunt » ; et d'autre part dans la
buUe Exultate Deo du 22 novembre 1439
{Decretum pro Armenis) (Denzinger 1°, 1908, n" 698,
426 LUX PERPETUA (pp. 265 et 357)
rappeler la lettre de Jean Diacre à Sénaire {PL. 59, col. 405 CD) quod autem quae- :
sistis, ciir in sacratissimum calicem lac mittatur et mel, et Paschae sabbato cum sacri-
f iciis of f eratur, illtid in causa est
quia scriptum est in V. (Lev. 20 ^'^) ... Introdu- C :
cam vos in ierram ... fluentem lac et rnel ... Baptizatis ergo hoc sacramenti gsnits
offertur, ut intelligant quia non alii, sed ipsi, qui participes fiuni corporis et sanguinis
Doniini terram repromissionis accipient ... [^06 A) ut nutriti talibus sacramentis incor-
:
du III" concile de Braga (Mansi 11, col. .154) qui, en 675 interdit de substituer le
lait au vin dans la célébration de l'eucharistie lac pro vino in divinis sacrificîis dedi-
:
care... Cesset ergo lac in sacrificando offerri (i). Cf. à ce propos l'écrit gnostique Lf^re
de la prière d'Azeneth, où un ange substitue au pain que celle-ci apporte pour le
sacrifice, un rayon de miel qu'il qualifie «pain de vie» (Batiffol, L'Eucharistie^, 1913^
p. 190, note 3).
Jean Diacre semble dire que l'on mêlait le lait et le miel dans le calice avec le vin'
et l'eau lors de la cérémonie de la nuit pascale. Un tel mélange est connu de
Virgile,
Géorg. I, 344 : « Cui tu lacté favos et miti dilue Baccho ». Saint Jérôme connaît aussi
de semblables mixtures, mais il parle tantôt de lait et de miel, tantôt de vin et de lait,
Contra Lucifer., 8 (PL. 23, col. 164) « ...velut in lavacro ter caput mergitur, deinde
:
vinuni emamus, sed et lac, quod significat innocentiam parvulorum, qui mos ac typus
pp. 239-240).
— Sur la consécration d'eau pure au lieu de vin trempé, cf. A. Harnack, Brot
und Wasser (T. U. VII, 1892) contredit par Batiffol en ce qui concerne Justin, Dict. d'Arch.
chr. s. v. « Aquariens » sur la consécration de pain et de fromage (ou peut-être de lait),
;
Philastre, Haer. 74 {PL. 12, col. 1186) et Epiphane, Haer. 49, « Artotyrites » et Passio S. ;
quod mulgebat dédit mihi quasi buccellam {ihiû <\iMiiioy) et ego accepi junctis manibus et
;
{Gai. 4 6-7). Pour éclairer cette idée, l'on peut comparer mutatis mutandis —
ce que leBayan, —
trad. Fagnan, Alger, 1901 (dans E. F. Gautier, Siècles obscurs du Maghreb, Paris, 1927, p. 251)
tombeau de Qoftân, on dispose un tas de terre et l'on dit « Ceci, c'est le riz » ; une pierre
:
usage, un sabre, un fusil et un pistolet. Cf. aussi le bouc émissaire substitué au peuple {Lev.
16 20.22) ou le rachat du premier-né de la femme dû comme tous les autres à Yahweh {Ex-
22 29.30)^ puis obligatoirement racheté {Ex. 13^3 et 34^9) moyennant cinq sicles d'argent
{Nu 18 16).
— Sur le lait, cf. Salluste philos., De dits et mundo, 4.
NOTES COMPLÉMENTAIRES (pp. 265 et 357) 427
in occidentis Ecclesia hodie usque servatur ut renatis in Christo vinum lacque tribua-
tur ». C'est aussi ce qui ressort clairement du témoignage de Clément d'Alexandrie,
paed. I, 6, qui s'explique longuement, non seulement sur le mélange d'eau, de lait et
de miel (i, 6, 52 ; i, 6, ^o, 4) mais sur l'addition de ce lait au vin, i, 6, 51, i (Stâh-'
va'. th xa'. vXuxcï, èitwoîXïiC 8è
lin I, p- 120) :
[).i\w iTZiixiyyox'Xi ydtXa oïvqi xïr^y i\ [xîÇtç...
È^oppoStaiY«? iJTîô "fî^ o'-'vou to -(%\a, •/.%<. (rjrîÇexxi. Quant à Hippolyte, il dit expressément
avait durant la nuit pascale quatre oblations distinctes, qu'il énumère dans cet
qu'il y
ordre (§ 23, pp. 53-55) « panem... calicem vino mixtum... lac et mel mixta simul...
:
aquam L'ordre de présentation est ensuite inversé lorsqu'il énumère les diacres
».
porteurs
des coupes « primus qui tenet aquam, secundus qui lac, tertius qui vinum ».
:
coupe.
Des traces de l'ancien état de choses ont longtemps subsisté une de mes grands- :
mères, née en 1825, m'a raconté que dans son enfance, donc vers 1835, le curé de
Crézancy (Aisne), son village natal, un jour de l'année que je crois être le 6 août,
fête de saint Sixte et de la Transfiguration, pressait dans le calice une grappe de raisin.
J'avais cru comprendre que c'était avant l'offertoire ; en ce sens, Beleth, Rational, 144
[PL. 202, col. 147) « Et notemus quidem Christi sanguinem eadem die {6 août) con-
:
fia ex novo vino, si inveniri possit, aut aliquant-uluTn ex matura uva in calicem expressa,
et quod racemi benedicantur unde homines communioent » ; d'où Durand de Mende,
Rational, 7, 22. Mais il se pourrait que ce fût plutôt à la fin du canon, comme il est
fait du dans la liturgie byzantine. Quoique ma grand-mère ne m'ait pas parlé
ÇÉov
de raisins bénits, il s'agit sans doute ici de la même cérémonie que Moléon (Zc.,p. 132)
signale à Saint-Martin de Tours où, le 6 août, « à la grande messe le célébrant, après
ces paroles du canon sed veniae, quaesumus, largitor admitte, bénit les raisins nou-
:
veaux présentés sur l'autel par les marilliers, par l'oraison Benedic, Domine et hos
novos frucfus uvae [Muratori, t. I, col. 746], et après avoir dit in nomine Domini
nostri ]esu Christi, il presse un grain ou deux de raisin dont il fait couler le jus dans
le calice avec le
précieux sang en disant -per quem haec omnia... Ensuite les maril-
:
T)e ecclesiast.
officiis, i, 12, PL. 105, col. ici 3 1«, à propos de la bénédiction de l'huile
des infirmes, in eo loco ubi solemus uvas et en Orient (Moléon, p. 447,
benedicere) ;
d'après Goar, pp. 694 à 696) cf. Rahmani, Les Liturgies orientales et occidentales,
;
Beyrouth, 1929, p. 257 « Dans les eucolqges syriens et grecs se trouvent des prières que
:
le
prêtre récite en bénissant le raisin et les fruits aux deux fêtes de la Transfiguration
l'Assomption. Leur teneur indique que les susdits fruits étaient distribués pour le
et de
repos des âmes des trépassés et donnés en aumône aux pauvres » (i).
déjà conjoint avec le précédent, est condamné et interdit en 675 par le troisième con-
cile de Braga, en même temps que la substitution du lait au vin dans la célébration de
l'eucharistie, comm:e il a été rapporté plus haut (p. 426).
Il est manifeste que nous sommes en tout cela fort loin de l'eucharistie paulinienne
et synoptique. Et il est vraiment difficile de n'y pas soupçonner quelque influence des
milieux orientaux où se développait le christianisme. Il ne s'ensuit pourtant pas qu'il
faille expliquer le christianisme par les Mystères, en le ramenant, en l'assimilant aux
Mystères, ou penser, avec Casaubon, De reb. sacr. et eccles. exercitat., Londres, 1644, que
ses rites ont pu leur être empruntés. La ressemblance des cérémonies, parfois peut-être
l'identité des formules, n'impliquent nécessairement aucune communauté de ï^eltan-
schmtung. Et il y a, comme il a été dit plus haut (p. 384), entre le néoplatonisme et le
christianisme, une antinomie fondamentale (Cf. infra, N. C, XXVIII, Erôs et Aga-pé).
Mais réciproquement cette antinomie n'empêche pas que des convertis aient pu introduire
dans le christianisme des coutumes et même des formes de pensée qui venaient d'ail-
leurs. Cf. Relig. orienta, p. X. Les chrétiens eux-mêmes avaient le sentiment que le bap-
tême leur donnait la vraie lumière, xô tpwi; tô àXriOtvôv (/o. i^), comme le chante encore
aujourd'hui après la communion la liturgie de S. Jean Chrysostome s'i8o|jiev xo tpûx; xà akri-
:
61VÔV que les mystères chrétiens étaient les vrais Mystères, donc aussi des Mystères, mais
dont les autres ne devaient être considérés, selon les uns que comme une très fâcheuse
préfigure
—c'est le cas, semble-t-il, de Clément d'Alexandrie (Protrept. 11, 112, i
(Stàhlin, I, p. 79) ; cf. Cl. Mondésert, Cl. A. Paris, 1944, pp. 208 ss., 227) selon —
les autres,comme une parodie démoniaque ainsi pense :
Justin lorsqu'il constate des
ressemblances un peu troublantes entre la cène mithriaque et la cène chrétienne, Afol. I,
66 {PG. 6 col. 429), à
propos
de la consécration du pain et de la coupe Sirep xa'. èv -coTî
:
xoù Mi6pa TrapsSwxav ybECTÔai [jit[jLY)(ïà(jievoi ol TrovYjpot 8a£[iovEç" oxi yo^p apxoç xal
fjL'jffxripfotç
TTOxrjptov uSaxoi;
xfOexat èv xaïç xoû (jluoujjisvou vzkt'iixi^ [iEx' èTttXoycov Ttvwv. •?] ÈTcdixaiTÔs, i\ (JiaQEiv
SûvauGe. Ainsi encore Tertullien, ^e Cor 15 ;
De fraescr. haeret. 40. [L. C.].
Porphyre dit dans le irspl STuyéc, probablement d'après Kronios le pythagoricien que
« les tourments que subissent les coupables [inse-pulti et impies] viennent de leur ima-
nez-vous à trépassés » ? On leur remettait, qui une miche entière, qui un quignon de pain. Le
tout était béni le dimanche suivant au cours de la messe, et vendu aux enchères à l'issue de
la cérémonie, pour le produit être affecté à la célébration d'un Requiem c'est du moins ce :
que mon père me racontait quand j'étais enfant. Il y a encore quelque intérêt à lire sur
ces
questions et sur les cérémonies des funérailles (infra N. C. XXXI), l'essai de Jean-Baptiste
Thiers, De la sainteté de l'offrande du pain et du vin aux messes des morts, non confondus
avec le pain et le vin qu'on portait sur les tombeaux, in 16°, Paris, 1781, à la suite du Traite
des cloches.
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 371) 4*9
gination (i).
»rapprocher A
l'enseignement de CîUamâtravâdins, des Vijnânavâdîns =
suivant lequel c'est par leurs propres actes, non démons, que les damnés sont par les
les démons sont des hallucinations des damnés (La Vallée-Poussin, La
—
:
poursuivis
morale bouddhique, Paris, 1927, p. 199)- Us n'en sont pas moins réels, car Vacte
est conçu comme une réalité objective, distincte de celui qui l'a produite « C'est toi :
seul qui as fait ces mauvaises actions. Seul tu dois en manger le fruit ». (Majjhima, 3,
« L'acte de personne ne périt c'est le maître de l'acte qui le prend»
118, ibid. p. 195).
:
(Suttanipâia, 666, ibid. p. 202). Ce qu'on nomme le destin (daiva)^ c'est Va.ct& ancien»
8, 81 Yâjnavalkya, I, 348, ibid. p. 202). « L'acte poursuit celui qui
[Bodhicarya, ;
ibid. p. 203).
C'esten un sens analogue que le Qoran dit que toute âme est l'otage (peut-être plu-
tôt :
gage ou la caution) de ses actes {Qor. 52 ^\ 74*^)- Mais l'idée est pourtant
le
assez différente. Selon le Qoran l'homme est récompensé pour ses bonnes actions, et
puni pour ses mauvaises d'où certains théologiens de l'Islam tireront que la rétribu-
;
l'âme qui voit la bonté de notre Seigneur Jésus, il n'y a selon moi d'autre enfer que
le
péché » et Ruysbroeck, Se-pt degrés, ch. 12 {Œuvres, trad. des Bénédictins d'Oos-
;
Dans le monde indo-iranien au contraire l'acte est objectif, extérieur, on dirait pres-
que transcendant à son auteur, qui en devient le prisonnier et la victime, tel Oreste en
proie aux Furies à la fin des Choé-phores v. 1053 oûx zW: Sô|at twvSs irTipLâTijùv i\in'\..
: :
dent, leurs âmes revêtues d'enveloppes éthérées ayant la ressemblance avec les corps
qu'ils possédaient en ce bas monde » 51,38 B (Pauly, 1. 1, p. 236) « Car dans :
l'Eden inférieur les âmes sont enveloppées de vêtements dont l'essence correspond au
(1) Cf. aussi Corpus Hermet., 10, 20, avec la note de Cumont (Nock-Festugière, t. I, p. 133)
qui renvoie à Rev. de Philol., 1920, pp. 230 ss. sur Lucrèce et le symbolisme pythagoricien des
Enfer\s.
430 LUX PERPETUA (p. 355)
lieu les âmes jouissent de ces enveloppes dont elles sont entourées, aussi
;
longtemps
que dure leur séjour dans ces palais. Mais dès qu'arrive le moment de monter à une
région supérieure, elles sont dépouillées de leur enveloppe ». Ici va apparaître une idée
toute différente, qui est celle du vêtement de lumière ou du «corps glorieux» (i); ibid.
(p. 237) « Malgré cette enveloppe, les âmes peuvent voir les formes célestes et con-
:
templer la gloire de leur Maître. Dans ce palais les âmes peuvent également contem-
pler la lumière qui se dégage des âmes des convertis qui montent et descendent; chaque
fois, avant de monter, ces âmes s'entourent d'une enveloppe de lumière éclatante, mais
à peine accessible à l'œil des autres âmes ». De même chez les chrétiens, Aphraate,
Demonstr. XXII, De morte et novissimis tem-poribus 11 {Patrol. Syr., t. I, col. 1014) :
301] (2). Mais surtout la transfiguration dès ce monde apparaît dans Ex. 34 2^-^",
orsqu' après la grande théophanie Moïse redescend de la montagne où/. tIoei ô'xi SeSo-
•
{>. :
^acrOa: od/t; ttj ^p 'j[ji.axoç xoù upodiÔTc /u sv x^p XsXsîv aùxôv aùxtû.
-f, De cette scène grandiose
il est
impossible de ne pas rapprocher la théophanie zoroastrienne que rapporte Dion
Chrysostome, Or. 36, ch. 40 (dans Mages hellén. t. II, p. 28 [cf. aussi, t. I, p. 29]) :
"Ov llÉpaat lÉYO'Jffiv sotoxi aocpix; /.a: Stxaiojjvr,? àTcoywpv'ffavxa tI)v àXXwv /.aO' auxov Èv ôpEi v.r.
uopôî avwÔE"^ tîo'XXoù xaxaax,ï'v|^3ivxoç, auvEywî te xâEdOau Tbv oùv
•
PaaiXia uav xot? ÈXXoytafiJT'TO'.i; népiT'jûv àcptxvEÏcrOcc. 7cXy,!T'!ov, pouXôfxsvov E'j^aaOat xîjj ÔEqf» xa!
xov àvSpa [== Zoroastre] e^eXOew Èx xoù Tupoî â^raOri. oavivxa Se aùxoîc; "Cktwi 6appETv XEXEÙaai
xat Oùffat G'jCTÎaç xivà:;. à; t'Xovxo; eU xov t6t:ov xou ôeoù. De
part et d'autre l'illumination est
le signe sensible d'une communication de la vie divine.
Ainsi en est-il encore aujourd'hui selon la théorie mystique de l'Eglise orientale. Il
est à remarquer en effet que si la mystique occidentale, fondée principalement sur la
méditation de la vie de Jésus et r;effort pour s'y conformer, tend à se manifester par
la stigmatisation, la mystique orientale au contraire, qui se présente comme une asso-
ciation de plus en plus intime à la vie de la Trinité, se traduit plutôt par la glorifi-
cation du corps, qui se revêt de lumière [remarque de M^i^ G. Fays"] ; cf. Lossky, /. c.
[su-pra, p. 419], p. 213, et tout le ch. 11, pp. 215 à 234). Cette lumière n'est perceptible
qu'à ceux qui en sont eux-mêmes pénétrés (pp. 221 et 226 [cf. supra, Zohar, 1. 9]) ;
(1) Cette notion du corps glorieux n'est, pas à confondre encore qu'elle y soit peut-être —
apparentée
—
avec celle du corps de feu, (Jcf)[/.ato; Truptvou Xaêôjjievoç {Corp. Hermet. 10, 16)
Nock-Festugière, t. I, p. 121).
(2) Cf. Plut., De Is. et Osir. 21. Sur le tombeau d'Osiris où [i.6vov
Se xo'jxou ol lEpeil :
XÉyoutnv, àXXà xaî x(ï)v aXXwv ÔEtov, oaot fxrj à.'^i-^vc);zo\. \in\K àtfôapxoi, xà \ù» ffcôfxaxa itap'
auxo'.C
« Ce sont les énergies divines, les « rayons de divinité » dont parle Denys
:
pp. 217-218
rAréopagite (i), vertus créatrices qui pénètrent l'univers et se font connaître, en dehors
des créatures, comme la lumière inaccessible dans laquelle habite la Trinité». Cette trans-
reflet de celle du Thabor, n'est pourtant pas totalement inconnue du monde
figuration,
occidental il est raconté dans la Vie de Ruysbroeck^ ch. 15 {Œuvres, t. VI, pp. 295-296)
:
qu'étant
un jour demeuré plus longtemps que de coutume dans les bois où il s'était retiré,
les religieux allèrent à sa recherche.
« TJn frère, qui lui était assez intime, [sMpra,
p. 430],
remarqua de loin un arbre qui semblait par en haut tout enveloppé d'un rayon de
feu. S'approchant alors en silence, il trouva l'homme de Dieu assis sous cet arbre, pncore
tout ravi hors de lui par la grande douceur de la ferveur divine. De ceci il apparaît
clairement de quelle ferveur intérieure d'esprit et de quelle splendeur il était enflammé
en même temps qu'illuminé, alors que le rayonnement en paraissait au dehors d'une
façon si
manifeste » (2) [L. C.].
« Vision
béatifique de la splendeur de Dieu, perception immédiate de toute vérité,
amour mystique de la Beauté ineffable, voilà les sublimes spéculations qui devaient
être indéfiniment reproduites et développées après la chute du paganisme ». Il ne faut
pourtant pas se dissimuler que, comme il a été dit plus haut {supra, p. 384), il y avait
«entre le néoplatonisme et les dogmes de l'Eglise plus que des divergences secondaires,
une antinomie fondamentale sur des points essentiels », qui peut-être se ramènent à
un seul l'irréductible opposition entre Erôs et Agapè. L'on pourra consulter sur ce
:
col. 1000 A ... -Kohi Tr,v ÛTCEpo'jatov toij Osîou œkôxo'jç àxTÏva. -rcâvxa àips^iiv [c£. supra,
— p. 419,
:
(2) A rapprocher, pour la stigmatisation de S. François d'Assise, de // Cel., 211, éd. Edouard
û'Alençon, Rome, 1906, p. 328 Et ideo stigmata exierius fulgehant in carne, quia intus radix
:
fltissima
{crucis) excrescebat in mente.
(3) Cette notion, si complètement étrangère au Christianisme, se maintiendra indéfiniment à
travers le moyen âge. C'est elle qui fait dire à maître Eckhart {Pourquoi la connaissance est-
432 LUX PERPETUA
vie contemplative selon Platon, p. 275, note 4 p. 33g p. 356) et c'est pourquoi il; ;
:
pense que les dieux, n'ayant besoin de rien, n'éprouvent pas l'érôs {Banquet, 200-201),
Plotin admettra au contraire {Enn. 6, 8, 13) que Dieu est_ Èpâffj,iiov y-aî Epu); aÙToç y,^[
autoù è'pw;, curieuse formule qui, quoique symétrique à la formule chrétienne ô Oeôi;
àyâTt,]
Èaxîv, a un sens diamétralement opposé.
La contradiction entre è'pwi; et à-^à.-K-r\ est telle que le mot même d'è'pw; est étranger
au Nouveau Testament. Autant que nous sachions, il apparaît pour la première fois
dans la littérature chrétienne chez Ignace d'Antioche, Ep. aux Romains, 72 ô t\xhc^
—
:
èpon;
contexte l'exige, aussi bien qu'une référence implicite
qui s'entend le
ÈffTaupcoOrj,
à Rom. 6 (2)
6 —
« Mon désir a été mis à mal », ou
: « Ma concupiscence a été :
matée »(3), mais qu'Origène, par un contresens volontaire, selon l'esprit de l'exégèse
alexandrine, s'est plu à interpréter « Mon Amour (= le Christ) a été crucifié »
:
(/«
Cant. prologue, trad. Rufin, PG, 13, col. 70 D); et quelques précautions qu'il ait prises
pour expliquer comment, quand il s'agit de Dieu, les deux mots peuvent être pris l'un
pour l'autre (4), imais en ramenant, si je l'entends bien, epwç au sens d'àYâirT) précisément
parce qu'il est dit, / lo. 4^, ô'xi ô Ôeoç àyânT] èjt'v, l'usage du mot finit par impo-
ser la chose, en sorte que la notion d'Ëpiuç, non contente de contaminer celle d'i^(iivr\,
tendit à se subistituier à elle et y réussit presque entièrement. Cette transformation est
due au ps.-Denys, qui est le canal par où les idées plotiniennes s'insinuèrent dans le
christianisme et finirent par s'imposer à lui [supra, p. 384). C'est ainsi que lorsque la
citation d'Ignace se retrouve dans Div. Nom., 4, 12 {PG. 3, col. 709 B), nous sommes,
cette fois, beaucoup plus loin partis epioç n'est plus interprété comme synonyme d'àyâTtr).
:
L'auteur le proclame vénérable et laisse clairement entendre qu'il lui donne la préférence.
A la vérité, il n'ignore pas —
et cet aveu est d'un grand intérêt que le mot est com-
—
battu comme contraire à la parole divine, 4, 11, col. 709 A itXv '{va -caùTa skelv :
\i.r\
èpâcrO-/)x'. aùxïjç (=Ta Sagesse), ÇiQ^î, {Prov. 4^-^)- Mais il proclame qu'il y a
y-*'
x-r,pr'(7£t
ae
un autre parti, auquel il se rattache délibérément, qui considère le nom de l'È'pwi;
comme plus divin que celui de VàjiTzt], 4, 12, col. 709 B xafxoi l'oo^s xktï xwv xa6' •fip.ài; :
lepoXdywv xaî ôîtôxepov sTvai xô xou epwxoi; ovo[j[.a xoO xYt; àyàity,?. Ici c'est nettement la tendance
plotinienne qui prévaut. Mais la lutte montre bien qu'il s'agit d'orientations différentes
et inverses, et que des deux mots, c'est àyâirr, qui exprime authentiquement la notion
chrétienne de l'Amour. (Cf. Div. Nom. 4, 15, col. 713 AB, la définition de rè'pwi; dans
l'hymne du prétendu Hiérothée).
Plus tard, particulièrement au xiii^ siècle, l'aristotélisme se combinant avec le ploti-
elle mieux que l'amour ? dans Schulze-Maizier, Meisters Eckhart deutsche Predigten und Trak-
« La
pierre aussi a de l'amour » parce qu'elle a tendance
à
tate, 1938, p. 375)
Leipzig, :
tomber. L'amour se voit ainsi, chose incroyable, assimilé à la pesanteur. Mais déjà S. Augus-
tin avait écrit, Civ. Deî, 11, 28 « Nam velut amores corporum momenta sunt ponderum, sive
:
deorsum gravitate, sive sursum levitate nitentur. Ita enim corpus pondère sicut animus amore
fertur quocumque fertur ».
(1) Rom. 6^ : xouxo yiviocxovxeç, ô'xi ô TiaXaiôç tjjjlwv avOpoJno; 5uve<7xaupu)0rj '(va xaxapyvi"'{l ,
tion ou d'information brochant sur le thème de l'^ptoç, la Charité en Dieu en vint à être
considérée comme un Iptoç, tel que Dieu ne puisse aimer que soi, ou, s'il aime
aOtoO
autrui, que pour d'où l'on conclut que de la part de l'homme la charité ne peut
soi ;
T'offrir l'action de grâces qui Te conviendrait. Viens donc en moi Te remercier Toi-
même. Voilà la véritable action de grâces d'autre, il n'en est point ». La position de
:
Ghazzâlî est particulièrement nette, et a été fort bien exprimée dans ce passage de Ihya,
4,296,5, Mahabba, bayân,
10 (A. J. Wensinck, i« -pensée de Ghazzàlï, Paris, 1940, pp. 20-
« En Dieu il n'y a pas de considération d'autrui comme tel
: Il ne considère que
:
21)
soa propre être et ses propres actions, parce que seuls existent son être et ses actions.
Aussi comprend-on qu'Abfl Sa'ïd al-Mïhani, entendant quelqu'un réciter en sa présence
les paroles du Qoran (5 s») « Dieu les aime et ils aiment Dieu », ait dit
: « En vérité
:
Il les aime. Lui qui n'aime que Lui-même, car II est tout, et rien n'existe hors Lui, et
quiconque n'aime que son être, ses propres actions et ses propres oeuvres, son amour
ne dépasse guère son être ni ce qui en dépend. En sonune. Dieu n'aime que Lui-même,
et les termes désignant son amour pour l'homme doivent être compris dans le sens que
Dieu ôte le voile qui couvre le cœur de l'homme, afin qu'il voie Dieu avec son cœur,
ou dans le sens que Dieu lui permet de s'approcher de Lui, selon Sa volonté de toute
éternité... »
Tous ces auteurs, tant musulmans que chrétiens, tendent, quoi qu'ils en aient et si
inconsciemment que ce soit, à revenir à la position plotinienne (supra, p. 346) L'Etre :
« résorbe l'âme en
lui, non parce qu'il veut la sauver, mais par une nécessité de sa
nature ». C'est en quoi Plotin se montre étranger et opposé au christianisme, exacte-
ment comme à'pojç l'est à àfii^-q. Et c'est l'influence de son esprit sur celui des doc-
teurs chrétiens qui a détourné le christianisme de son orientation première, par l'entre-
mise d'abord du ps.-Denys, puis de la scolastique aristotélo-plotinienne {supra p. 384)
[L-C.].
ut întellectum in actu \ Comp. ad fr. Reginaldum, 10^ Ad hoc igitur quod îpse Deus :
per essentiam cognoscatur, oportet quod ipse Deus fiât forma întellectus ipsius (l'éd.
Vives, 1856, porte ipsum qui n'offre aucun sens) et confungatur ei, non ad unam natu-
ram constituendam, sed slcut specîes intelUgibilis intelligenti ; c'est à dire que l'essence
divine informe l'âme comme une matière, l'actue comme une puissance, en sorte que
celle-ci n'a plus de vie propre. Et c'est en cette vision fascinatrice que consiste selon
S. Thomas d'Aquin la béatitude, ibid. 106 et quîn ultimum finem hominîs dîcimus bea-
:
titudînem, in hoc consista hominîs félicitas sîve beatiiudo, quod Deum videat per essen-
tiam. Nous sommes ici très près du mysticisme intellectualiste plotinien {supra pp. 360
et 384) auquel V. Lossky, l. c. [supra, p. 419] (pp. 63-64) oppose la permanence de
la tradition paulinienne « L'idée même de la béatitude recevra en Occident un accent
:
quelque peu intellectuel, se présentant comme une vision de l'essence de Dieu... Dans la
tradition de l'Eglise d'Orient il n'y a pas de place pour une théologie et, encore moins,
pour une mystique, de l'essence divine. Pour cette spiritualité la fin dernière, la béati-
tude du Royaume céleste n'est pas la vision de l'essence, mais avant tout la partici-
pation à la vie divine de la sainte Trinité, l'état déifié des « cohéritiers de la nature
divine » [77 Petr. i *, Rom. 8 i''], dieux créés après le Dieu incréé, possédant par la grâce
tout ce que la sainte Trinité possède par nature ». Et si, en dehors de la théologie
orthodoxe et des mystiques augustiniens, nous cherchons à retrouver l'accent des écrits
pauliniens, c'est, plutôt qu'aux scolastiques occidentaux, à vm spirituel musulman que nous
devrons nous adresser, 'Atiyah Dârânï (ap. Massignon, Essai sur les origines du lexique
technique de la mystique musulmane, p. 199) « Pourquoi tolérerais-Je un châtiment
:
pour ceux qui à la nuit pleine cherchent à Me complaire ? Par Moi-même Je l'ai juré ! :
(1) Sur le dejamiento, cf. J. Baruzi, S. Jean de la Croix, in-80, Paris, 1924, p. 258 avec
la
note 1. Sur l'union mystique conçue comme absorption en Dieu {ib. p. 262), cf. ibid. p. 261,
note 4, la citation de Melchor Cano, Censura... sobre... Carranza ...pusieron una union per- :
manente sine ullo medio inter Deum et vires animae nostrae, ut forma materiae et anima
corpori ». Ce que Cano reproche aux Alumbrados, ce n'est pas de concevoir une union directe,
sine ullo medio, entre Dieu et les puissances de l'âme comme entre l'âme et le corps car :
ter de façon permanente, una union permanente. Cano ne verrait aucune difficulté à l'union
directe, même en ce monde, s'il ne s'agissait que d'un état transitoire comme l'extase aristotéli-
cienne ou plotinienne {supra, pp. 347 et 357),
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 83) 435
et failli cara
cognatîo. Une autre trace s'en retrouve au second concile de Tours (567),
canon XXII (Mansi, t. IX, col. 803) Suntenimqui in festivitate cathedrae domni Pétri
:
afostoli cibos mortuis offerunt, et post missas, redeuntes ad domos proprias, ad gen-
P' 129). Ce texte ne se rapporte pas directemient à la cathedra entendue au sens àecara
cognatio. Il ne signifie pas que, faute d'avoir à leur portée le tombeau de l'Apôtre,
festoyaient chez eux en son honneur. Mais il signifie qu'après être allés
,
les fidèles
'
que c'était le 22 février,
s
acquittaient des rites des parentalia. Il atteste donc la persistance de la cara cognatio
"Connaît ce monde
périssable ne Me
connaît point. Quiconque se familiarise avec les créatures
"S
peut être mon ami. Celui qui est mon ami ne connaît ni l'agrément ni la peine que ce monde
anges»; Ibd Adham (mort en 160/777) (ap. Massignon, Essai sur les origines... p. 226) :
*
Tourne vers Dieu ton visage, et Dieu tournera son visage vers toi et te comblera de sa
grâce »
[comparer la bénédiction d'Aaron, Num. 6 2*-26]. « Et quand il viendra à Moi, je lève-
Moi, et il Me considérera tout à son aise. Puis Je dirai
les voiles entre lui et « Reçois :
1^1
*
(absir) ». Quel mal vous ont fait vos ennemis, puisque Me voici votre Paix» ?
bonne nouvelle
j
res, mortifications, aumônes, actes de charité) quae caros vestros juvare -possunt, haec
sunt refrigeria quiescentium, haec remédia defunctorum. (Cf. Klauser, le. ; Liet^manij
Petrus urid Paulus in Rom^, Berlin, 1927; Parrot, Le « Refrigerium » dans l'au-delà
171 pp. in-80 Paris, 1937, pp. 135 ss. ;
et supra, pp. 37 à 40). [L., C.].
« Sans doute les formules liturgiques qu'on prononçait (aux funérailles) avaient-ellej
le pouvoir de fixer l'ombre dans le tombeau », qui allait être à jamais sa demeure,
domus aeterna {supra, p. 25, infrà, p. 446). Il peut en être ainsi même quand, faute de
restes à ensevelir, on doit se contenter d'un funus im.aginarium {supra, p. 24) tel fut :
le portait au bûcher. Il semble ne s'agir ici que de s'assurer du décès. Servius est d'ac-
cord sur le délai de huit jours {En. 6, 218). Mais la conclamatio qui se fait à ce moment,
et paraît précéder l'incinération, est selon lui «la dernière». Il y en avait donc eu une
ou plusieurs autres auparavant, mais Servius ne dit pas en quelles circonstances. Il dit
seulement, en se référant à Pline, Hist. Nat., qu'elles se faisaient par intervalles, et que
c'était pour s'assurer que la vie avait cessé. Il est donc ici d'accord avec le scholiaste
de Térence.
Il n'ignore pourtant pas qu'il
y en avait une autre raison, En. i, 223 « Umbrae :
w
(1) On peut se demander, encore que dom Morin n'y ait pas songé, s'ils ne seraient pas
saint Césaire d'Arles.
(2) Cette conclamatio se faisait aussi, dit Servius {En. 1, 223 et 3, 67-68) pour ceux li"
avaient péri en terre étrangère, et elle était triple, comme on le voit dans En. 6, SOS « TuflC :
egomet tumulum Rhoeteo in litore inanem / constitui, et magna Mânes ter voce vocavi »•
(3) Il subsiste quelque chose de cette cérémonie à la mort du Pape où, avant
de faïf'
a
dresser l'acte de décès, le cardinal camerlingue, frappant d'un marteau d'argent le pontife
*"
front, l'appelle trois fois par son nom de baptême. N'ayant pas obtenu de réponse, il
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. az) 437
nomen defimcti tertio vocatum, dioebatur voie, vale, vale ». Contrairement à ce qui a
:
été dit pliis haut, il semble que cet adieu se faisait, non pas ayant l'incinération, mais au
moment où le tombeau se refermait sur les cendres et sur l'ombre (i). C'est ce qui
résulte non seulement à' En. 3, 66-68
« Inf erimus tepido spumantia cymbia lacté, san-
:
dicimus more solemni, id est tertio vale ». Après quoi tout est fini, 6, 510
: « Omnia :
Sacrifice ou offrandes, appel, salut, cette cérémonie a tous les caractères de T'iSpuatç
par laquelle
im dieu est incorporé à sa statue (^ôavov, a^aX^-a), à son autel (pu>ix6î), ou ins-
tallé dans son sanctuaire ( vaoç ) ou son enclos sacré ( téfievoî ) (sufra, pp. 23, 26 et
cf. en outre Ch. Picard, Manuel d' Archéologie grecque, Sctxlpture, période archaï-
^29 ;
Horus, je te presse la bouche, moi, ton fils qui t'aime » (Ph. Virey, Zlombeau de
Rekhmarâ, p. 139) ; pour les statues divines comme pour les momies, un rite de « l'ou-
verture de la bouche, des yeux et des oreilles », àf ro, ou oun ro (A. Moret, Rituel
alors : « vere Papa mortuus est » (Lucius Lector [Mgr Guthlin], Le Conclave, Paris, s. d.,
p. 147).
(1) Ces cérémonies sont à rapprocher de ce qui se passe dans les funérailles chinoises, Wey-
nants-Ronday, Les statues vivantes, Bruxelles, 1926, p. 185 Le prêtre lit une lettre adressée au :
(2)Vortrag gehalten in der feierlichen Sitzung der Kaiserl. Akad. der Wissensch., 27 mai 1909,
pp., Vienne 1909. Je n'ai pu, à mon grand regret, trouver cette brochure à Paris.
*1
(3) A la notion d"{8puotç a succédé celle d'inauguration, de dédicace, èyxatvtÇetv, qui corres-
pond pour le sens à hébr. 'IJH) ancien égypt. hnk, lequel signifie préparer, au sens d'offrir,
èÇslOs'îvf2i. Pausanias (3, 7) savait aussi que si la Victoire aptère était sans ailes, c'était
pour qu'elle n'eût pas moyen d'abandonner le camp d'Athènes, 'A9T|Vctîwv 8è ff|v nîxt|V
aÛTôOi àeî jiévstv, oùx ovtwv tcteowv. et qu'à
Sparte la vieille statue d'Ares Enyalios avait
les pieds entravés TtsSai; èox'.v è'j^wv 'Evuàlioç, à^aXjia àpjç^a'ïov, afin, pensaient les Lacédémo-
niens, qu'elle ne. pût s'enfuir : outtote xôv 'EvjàXiov cpô'jyovxa, oi)(^ï;ffeo9a£ oiptaiv,
htjfx^i^m
Taïç TréSatç ( 3 )
.
La notion
d"t8pu<n(; pas, n'était on vient de
dire, propre aux Indo-Européens. le
Elle existe chez les Sémites, suivant lesquels il y a une présence, une inliabitation
(hebr. sekinah, arabe sakinat, cf. ass. sakânu) du dieu dans son trône (môtab) ou
(1) Cf. Ph. Virey, op. cit. pp. 130-154, et La religion de l'ancienne Egypte, Paris, 1910,
guère éviter de rapprocher le rite du baptême romain par lequel au dernier scrutin, immédia-
tement avant la renonciation à Satan (supra, p. 423, note 4) le célébrant, en touchant de son
doigt humecté de salive les oreilles et les narines du baptizand, dit Ephpheta, quod est ada- :
perire [Les narines sont substituées à la bouche à cause du baptême des femmes, De Sacrant, 1,
3 quia mulieres baptizantur']. Ce rite est emprunté à l'histoire de la guérison du sourd-muet
:
dans Me. 7 Mais il n'est pas exclu qu'il s'y trouve, précisément à l'occasion de la nou-
^^.
velle naissance, une vague réminiscence de l'animation de la statue divine. Comparer l'animation
d'Adam, Gn. 2 l'animation d'une figurine de terre, Ev. de l'enf., armén. et arabe, éd.
"^
;
de la création des cardinaux, il n'en est pas de même de la double cérémonie de Vocclusio
et de Vaperitio arts (V. Martin, Les cardinaux et la curie, Paris, 1930, in 12°, p. 32) le pape :
en ouvrant le consistoire, déclare fermer la bouche aux nouveaux cardinaux, afin qu'ils ne puis-
puis au cours de la cérémonie, s'adressant de nouveau à eux, il
sent émettre leur avis leur
;
dit « Nous vous ouvrons la bouche, de sorte qu'en consistoire, dans les congrégations et dans
:
les autres fonctions cardinalices, vous puissiez émettre votre avis » Sans doute veut-on expri- .
au fond de tout cela le relent d'une très vieille idée c'est que le pape substitue chez le car-
:
dinal qu'il vient de « créer » une personnalité nouvelle à l'ancienne, au vieil homme, un
homme nouveau.
du
(2) L'histoire n'est pas tout à fait claire il
y a aussi dans la querelle une question
:
double genre, masculin et féminin, de Oeôç Mais cet élément paraît secondaire par rapport a"
.
premier.
(3) Il pouvait arriver en d'autres cas que l'intention fût différente il y avait aussi une :
après coup, on avait lié les pieds, ...xal TtiSaç rep'. to'ji; TtoaL. Les hommes espéraient ainsi
s as-
tuaire ( ;
arabe b^ram etc.); dans son idole (hébr. ;02, Ql^. arabe sanam), Ex. 32 *-^ et
Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques 2, pp. 92-93 sur le taureau, image du dieu
babylonien Hadad, et son rapport avec Yahweh) dans son arbre sacré, {Gn. 21 33), ou ;
divin iHl'ffi'H). Deut. 1621. Cf. A. "Vincent, La religion des Judéo-Aràméens d'Elé-
pieu
à 621 et Râbi'ah. al Idawïah, mort en 185/801
phantine, in-80, Paris, 1937, pp- 562 5
Dieu sur cette terre. Il n'y est pas enclos, mais il n'en est pas absent ».
drimis.
A cet appel, pour manifester
l'agrément qu'Abraham et Ismaël, selon Qor. 2*^^
avaient déjà la Ka'ba, Yahweh répond, // Chron. 7 1-3, non seulement par
demandé pour
un embrasement spontané de l'autel, // Chron. 7 ^ (= Ex. 40 2*), mais par une théophanie
(qui se trouve une première fois avant la prière de Salomon, donc trop tôt, dans / Reg.
8 10.11 et II Chron. 51*), // Chron. 7I « Et la gloire de Yahweh em-plit la maison »
:
y.x! 80^'/ xupEou IsCkt^isi {'isTù) '^""'^ oTxov Le mot est significatif : N ;53 comme ass.
malû.,qui veut dire em-plir, indique la prise de possession (cf. Is. ô^ dans O' Ex. 2922; ;
Ex. 28 3). Trois notions sont à distinguer ici 1° TT^U/, installer ou introniser, einsetzen
:
(hiph. '2M}'\, setzen lassen) ; 20î^;Q, emplir, fiillen, qui suppose que Dieu vient occu-
per la maison ; 30 njn. dédier, vouer, widmen, qui est offrir le temple à celui pour
qui on l'a construit. Ces trois notions concourent et s'unissent dans l'idée plus générale
de consécration,
"C/"[p, Einweihung,
ou d'appropriation, qui leur est commune et permet
de passer de l'une à l'autre.
Ainsi obtient-on que Yahweh soit parmi son peuple, / Reg. 8 ^'^ ysvoito (Tl'') >"JptO(; :
(^JQÎJ) xa6ù); ^v [/.età xwv iraTiptov •^.jjlwv, et Ps. 132^* « C'est ici le
ô Oîdî :
:?)
[j.(ov [X-eO' -^iiJLtôv
lieu de mon
repos pour toujours. / Ici je résiderai, car je l'ai désiré ». Infra p. 441,
n. I.
(1) Porphyre, De Abst. 2, 56 (dans Eusèbe, Trêp. êv., 156) dit de l'autel des Aoufiaxïjvot d*Ara-
l^ie : à ypûvrat wç ^oâvw (Lagrange, Relig. sémit. pp. 191 et 261).
(2) Lammens (Vincent, /. c. p. 609), arabe bayt, à l'origine, ne signifie pas une
Suivant
"laison, mais une enceinte de pierres circulaire (comme le bidental des Romains), au centre de
laquelle était une pierre levée, d'oiï chez les Cananéophéniciens beth-el ]> bétyle. Le sens de
maison proviendrait de la tente de cuir {qobba) qui était habituellement dressée près du bétyle,
cf. Gn. 28 22. _
Infra, p. 440, n. 3.
440 LUX PERPETUA
aussi dans cette cérémonie les traits qui caractérisent la constitution de la domus aeterna,
lorsque, réunissant les restes dans le tombeau, on y fixe l'ombre avec eux animamque :
sufremum voce ciemus {En. 3, 68). C'est à cette conception de la survie, non dans les
espaces célestes ni dans l'Hadès, mais d^ns la sépulture elle-même, que se rattache le
culte des Parentalia (cf. sufra, N. C. V, p. 396 et XXX, p. 434).
Il est passé quelque chose de ces idées dans le christianisme. Non pas peut-être dès
l'origine, où l'inhabitation du Seigneur dans l'Eglise est d'ordre proprement, strictement
« car où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au
spirituel, Mt. 18^0 ;
milieu d'eux ». Texte qui apparaît capital à qui veut bien se souvenir de l'assimilation
21
que le Christ selon Matthieu fait de lui-même à l'Auteur de la Loi, 5 « Vous avez :
entendu qu'il a été dit aux anciens... Et moi, je vous dis... » ; 5 i'? car « je ne suis :
pas venu abroger, mais accomplir » ; de telle sorte que, pour comprendre en sa pléni-
tude le sens du « je suis là au milieu d'eux », il n'est que de le rapprocher de son
parallèle talmudique, Pirqé Aboth, 3, 8
« Et d'où vient que
:
lorsque dix hommes s'as-
semblent pour prier [c'est le minian\ la sekînah est au milieu d'eux ?... Et d'où vient
que lorsque deux s'assemblent pour étudier la Loi, la sekinah est au milieu d'eux ? ... »
D'où il résulte que dès l'origine le Christ glorifié a été considéré par les chrétiens
comme la réalité spirituelle dont la sekinah avait été la forme impersonnelle et abstraite.
Et c'est sans doute ainsi que s'est concrétisée plus tard, sous les influences conjuguées
du sémitisme et de l'aryanisme, l'idée que sa présence résidait dans l'autel, De Sacra-
mentis, 5, 2, 7 {PL. 16, col. 447) « Qtuid est autem altare nisi forma corporis
:
Christi ? » (i) et aujourd'hui encore dans la monition adressée par l'évêque à l'ordi-
nand sous-diacre dans le Pontifical romain « Altare quidem sanctae Ecclesiae Christus
:
Jacob erigebat lapidem in titulum, fundens oleum desuper votum vovit Domino vere ; ;
solemnis, tua fiât habîtatione sublimis ». La nuance était encore plus marquée dans la
collecte de la messe de consécration qui est passée du pontifical romano-germanique aa
pontifical romain du xii^ s. (4), St. e 86, p. 193 C
« Deus, qui invisibiliter omnia
:
est in altari ».
(2) Déjà au ive siècle, S. Ephrem Syrien, Hymni de Virginitate, éd. Rahmani, p. 13 « pa"^ :
elle {=^ l'huile) les autels sont oints et deviennent dignes du sacrifice ».
(3) Sous réserve de ce qui est dit supra, p. 439, note 2. Sur Béthel considéré comme nom
d'un
dieu distinct de Yahweh, cf. R. Dussaud, Origines cananéennes du sacrifice israélite, Paris,
1921, pp. 231 ss.j comme identifié à Yahweh après avoir été temple divinisé, dieu-temple, cf.
A. Vincent, le, p. 577 ss.
(4) M. Andrieu, Les Ordines romani, Louvain, 1931, t. I, p. 186.
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 22) 441
cotitines et tamen. pro sainte generis hutnani signa tuae potetitiae visibiliter ostendis,
tuae înhabitatîone illustra, et concède ut omnes
templum hoc, <;quaesumus>, majestatis
qui
hue deprecaturi conveniunt, ex quacumque ad te tribulatione clamaverint, consola-
tionis tuae bénéficia consequantur ».
ad eam, Domine, Spiritus tuus sanctus ut, te jubente, sit in hoc loco famulo tuo quieta
dormitio ; et tempore judicii cum sanctis omnibus vera resuscitatio ». p. 512
— :
le se'ôl ou
l'Hadès, ni dans les espaces célestes. Un sommeil total, où rien ne luit. Mais
une promesse
pour l'avenir. Cf. infra, N. C. XXXV, p. 450.
Peut-être ces textes se rattachent-ils à un ancien état de la pensée judéo-chrétienne
qui se retrouve encore dans le Qoran, 50 et 75^" (3) selon lequel l'âme, n'ayant pas
^'^^
1*
halte, pausatio, paraît bien être celle de Ps. 132
(1) Cette au-rr) xaxâ-irautjtç iiou, que
:
-Jj
Vulgate hiéronymienne traduit par haec requies mea. De là vient l'antienne Haec requies mea,
la
132, qui est un psaume d'intronisation de Yahweh (S. Mowinkel, Psalmenstudien, 1921-
14 du Ps.
(2) C'est une idée bien différente de celle de S. Augustin, qui affirme, De Civ. I, 12 De =
cura pro
mortuis, 2 (4) que « nuUus sensus est in corpore occiso ».
1* « Avons-Nous été fatigué par la première création ? Et ils sont dans le doute
(^) Qor. 50 :
Rapprocher S. Augustin —
qui pourtant çrçit à la survie dç l'âme en attendant le jugement,
442 LUX PERPETUA
de vie indépendante corps, le défunt s'endormait tout entier du sommeil de la terre
du
jusqu'au jour où serait ressuscité pour les grandes assises du Jugement, comme
il
par
ime création nouvelle. Ecce nunc in -pulvere âormiam, dit Job 721. Et cette poussière
n'est pas celle du se'ôl ou de Varallou où survivent à demi-conscientes les ombres exté-
nuées des morts, non c'est la poussière de terre en laquelle il a été dit que nous
:
devions retourner, Gii. 3 ^^ quia -pulvis es et in fulverem reverteris. Ansi parle Job
:
lui-même, 10
^ et in -pulverem reduces me. Mais viendra le jour où cette poussière
:
victebo Deiim meuni [selon la Vulgate le sens de l'hébreu est autre]. C'est l'idée sous-
5
jacente au vœu dont sont encore aujourd'hui gravées tant de stèles chrétiennes in s-peni :
beatae resurrectionis Aussi n'avons-nous nulle part rien rencontré dans les textes chré-
. . .
tiens qui rappelle le animant sepulcro condimus de Virgile. Comment en serait-il autre-
ment ? Ces textes oscillent entre deux conceptions ou la vie de l'âme séparée, en voyage
:
vers l'au-delà, donc absente du tombeau ou, dans le tombeau même, un sommeil si
;
profond de tout l'être qu'il n'est point d'âme vagabonde qu'il y ait lieu d'y fixer.
sionibus vestris... Ambulate, sancti Dei, ad locum praedestinatum qui vobis praeparatuffl
est ». C'est l'appel que nous avons entendu retentir et aux funérailles (supra, p. 436)
et à la consécration du lieu saint {supra, p. 439). Et l'on suppose, aussitôt après, qu'il
a été entendu, qu'il est exaucé « Sub altare Dei sedes accepistis... Exsultabunt sancti
:
— Civ. I, 12 =
De cura pro mortuis 2 (4) « terra ... quam totam implet praesentia sui
:
(Deus) qui novit unde resuscitet quod creavit ». Cf. infra, p. 458, note 2.
« Sed ïHe
(1) Cf. S. Ambroise, Ep. 22, à sa sœur Marcellina (PL. 16, col. 1023 B) :
(= Christus) super altare, qui pro omnibus passus est isti sub altari, qui illius redempti sunt
;
sed de reliquiis Stephani aram Deo » (éd. des Bénédictins, t. V, col. 886). Duchesne, Ori- —
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 328) 443
Tant il est vrai que les idées, en se transformant, se perpétuent, et que les plus loin-
taines traditions des civilisations antiques, soit indo-européenne, soit sémitique, à
moins qu'elles ne remontent au delà de l'une et de l'autre, se survivent dans un jour
nouveau et avec une vertu nouvelle dans la religion qui, sans s'y asservir elle n'en —
est pas absente, mais elle n'y est pas enclose ( )
—
en a recueilli l'archaïque héritage
1
[L. C.].
Le Rituel romain, dans VOrdo sepeliendi farvulos, prescrit que les enfants qui sont
morts avant l'âge de raison soient couronnés de fleurs ou d'herbes aromatiques ou
odoriférantes en signe de l'intégrité de leur chair et de leur virginité.
Nous sommes ici tout à fait à l'opposé de la malédiction qui pesait sur les « ahores ».
Les enfants baptisés, morts en bas âge, ont maintenant un sort privilégié. On leur appli-
que les paroles du Ps. 24
^-^ « Quis ascendet in montem Domini ? aut quis stabit in
—
:
loco sancto ejus ? Innocens manibus et mundo corde, qui non accepit in vano ani-
mam suam, nec juravit in dolo proximo suo ». Ce que le Rituel d'Alet^, 1677, explique
ainsi « Il faut traiter les corps de ces petits enfants comme des temples dans lesquels
:
le saint Esprit a toujours fait sa demeure c'est pourquoi il est bon de les enterrer
:
séparément des autres chrétiens ». C'est peut-être ici la tardive interprétation chrétienne
d'une coutume qui avait' primitivement la signification contraire, et qui a survécu, avec
son sens primitif en ce qui concerne les enfants morts sans baptême, sur qui s'est con-
centrée l'antique malédiction qui avait d'abord frappé l'ensemble des « ahores » {sufra,
pp. 327-328) [L. C.].
gines du culte 5, 1920, p. 427 a bien vu que « ce rituel est exclusivement funéraire. On pré-
pare le tombeau du saint, on l'y transporte, on l'y enferme, on répand un parfum à l'intérieur
sépulcre ». Et plus loin, p. 435 : « De ces deux rituels \le romain et le
«t à l'extérieur du
gallicanl, ^^ premier, le rituel de type funéraire, est certainement et purement romain, comme
on le voit et
par ses documents et par son accord avec ce que nous savons des anciens usages
romains en ce genre de choses ». L'antienne Sub altare Domini sedes accepistis se trouve
déjà dans VOrdo de Saint-Amand (Duchesne /. c. pp. 498-499), dont le ms. {Paris. 974), qui est
du ixo s.,
reproduit im exemplaire bien plus ancien (M. Andrieu, Les Ordines romani, t. I,
pp. 492-493). Et dans la première messe de la Dédicace au Sacram. Léonien (Muratori, I, col.
« Qui ut in omni loco dominationis tuae beati Pétri
308) :
apostoU magnifiées potestatem, non
solum ubi venerabiles ejus reliquiae conquîescunt, sed ubicumque pretiosa reverentia fuerit invo-
cata, tribuis esse -praesentem, nunc etiam perseverare demonstres. . . ».
sn-premum voce ciemus {En. 3, 68). C'est à cette conception de la survie, non dans les
espaces célestes ni dans l'Hadès, mais dans la sépulture elle-même, que se rattache le
culte des Parentalia (cf. su-pra, N. C. V, p. 396 et XXX, p. 434).
Il est passé quelque chose de ces idées dans le christianisme. Non pas peut-être dès
l'origine, où l'inhabitation du Seigneur dans l'Eglise est d'ordre proprement, strictement
« car où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au
spirituel, Mt. 18^0 :
milieu d'eux ». Texte qui apparaît capital à qui veut bien se souvenir de l'assimilation
21
que le Christ selon Matthieu fait de lui-même à l'Auteur de la Loi, 5 « Vous avez :
entendu qu'il a été dit aux anciens... Et moi, je vous dis... » 5" car « je ne suis -,
:
pas venu abroger, mais accomplir » ; de telle sorte que, pour comprendre en sa pléni-
tude le sens du « je suis là au milieu d'eux », il n'est que de le rapprocher de son
« Et d'où vient que lorsque dix hommes s'as-
parallèle talmudique, Pirqé Aboth, 3, 8 :
semblent pour prier [c'est le minian\ la sskinah est au milieu d'eux ?... Et d'où vient
que lorsque deux s'assemblent pour étudier la Loi, la sekinah est au milieu d'eux ? ... »
D'où il résulte que dès l'origine le Christ glorifié a été considéré par les chrétiens
comme la réalité spirituelle dont la sekinah avait été la forme impersonnelle et abstraite.
Et c'est sans doute ainsi que s'est concrétisée plus tard, sous les influences conjuguées
du sémitisme et de l'aryanisme, l'idée que sa présence résidait dans l'autel, De Sacra-
mentis, 5, 2, 7 {PL. 16, col. 447) « Q"uid est autem altare nisi forma
:
corporis
Christi ? » (i) et aujourd'hui encore dans la monition adressée par l'évêque à l'ordi-
nand sons-diacre dans le Pontifical romain « Altare quidem sanctae Ecclesiae Christus
:
Jacob erigebat lapidem in titulum, fundens oleum desuper votum vovit Domino vere ; ;
solemnis, tua fiât habitatione sublimis ». La nuance était encore plus marquée dans la
collecte de la messe de consécration qui est passée du pontifical romano-germanique au
pontifical romain du xii^ s. (4), St. e C 86, p. 193 : « Deus, qui invisibiliter omnia
(1) Cf. De Sacram. 4, 2, 7 {PL. 16, col. 437) : « Forma corporis altare est, et corpus Christi
est in altari ».
(2) Déjà au iv^ siècle,S. Ephrem Syrien, Hymni de Virginitate, éd. Rahmani, p. 13 : « par
elle (= l'huile) les autels sont oints et deviennent dignes du sacrifice ».
(3) Sous réserve de ce qui est dit supra, p. 439, note 2. Sur Béthel considéré comme nom d'un
dieu distinct de Yahweh, cf. R. Dussaud, Origines cana7jêe7ines du sacrifice israêlite, Paris,
1921, pp. 231 ss.; comme identifié à Yahweh après avoir été temple divinisé, dieu-temple, cf.
A. Vincent, le, p. 577 ss.
(4) M. Andrieu, Les Ordines romani, Louvain, 1931, t.
I, p. 186.
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. zz) 441
contines et tamen. pro salute generis humani signa tuae potentiae visibiliter ostendis,
templum hoc, <;quaesumus>, majestatis tuae inhabitatione illustra, et concède ut omnes
qui hue deprecaturi conveniunt, ex quacumque ad te tribulatione clamaverint, consola-
tionis tuae bénéficia consequantur ».
Pource qui touche aux morts, il n'en subsiste presque aucun vestige, si nette est dans
le christianisme la distinction entre le corps qui retourne à la terre, et l'âme qui entre-
prend, assaillie par les démons et les vents, mais assistée par les anges et les saints
(Symbolisme, pp. 129, 143, 379 ss., 502, 504), le périlleux voyage vers l'au-delà que décrit,
selon les religions antiques, le chapitre VII ci-dessus. Il n'est pourtant pas exclu qu'il en
reste quelque chose dans la cérémonie de la bénédiction d'xm cimetière au Pontifical
romain, où, quoique la distinction de l'âme et du corps y soit toujours scrupuleuse-
ment observée, le soin que l'on prend cependant de « purifier, bénir, sanctifier, consa-
crer » le cimetière afin de le préserver de l'incursion des esprits mauvais, atteste
suffisamment qu'il s'agit d'établir, non pas un -pudrîdero, mais un lieu de repos, quîetis
sedem, un dortoir, didcis requies et -pausatio (i) mortuorum, où attendre en paix l'heure
de la résurrection. L'idée est encore plus nettement exprimée dans deux prières pour la
bénédiction du loculus, de la tombe individuelle. Pontifical romano-germanique, puis
Pontifical romain du xii« s. {St. e C 86, p. 288) : «
te, Domine, sancte Pater,
Rogamus
omnipotens aeterne Deus, ut digneris benedicere hoc sepulcrum et loculum
et sanctificare
in eo collocatum, ut sit remedium salutare in eo quiescentium, et redemptio animarum,
atque tutela et munimen contra saeva jacula inimici ». « Sanctificetur illud habita-—
culum. Domine Deus, per nostram supplicationem, et fugatur ab eo spiritus immundus
per virtutem Dni nostri J.-C, ut sit placita requies corporum fidelium quae post
modum in eo collocabtmtur » (2). La même note est encore donnée par deux oraisons
de XOrdo
sefeliendi clericos romanae fraternitatis, Pontif. de la curie rom. au xiii° s.
{St. e C 509)
87, p. «
Respice, Domine, super hanc fabricam sepulturae ; descendat
:
ad eam, Domine, Spiritus tuus sanctus ut, te jubente, sit in hoc loco famulo tuo quieta
dormitio ; et tempore judicii cum sanctis omnibus vera resuscitatio ». p. 512
— :
la
Vulgate hiéronymienne traduit par haec requies mea. De là vient l'antienne Haec requies mea,
du ps. Mémento, Domine, David dans Vordo pour la bénédiction d'un cimetière au Pontif. rom.
au xiie s., éd. M. Andrieu, St. e T. 86, p. 287. Et l'on voit ainsi appliquer aux morts ce verset
14 du Ps. 132, qui est un psaume d'intronisation de Yahweh (S. Mowinkel, Psalmenstudien, 1921-
1924). La halte (nn^JD) ou déposition de l'Arche est devenue symbole du repos du défunt
{supra, p. 439) Haec requies mea in saeculum saeculi
: hic habitabo, quo7iiam elegi eam.
:
(2) C'est une idée bien différente de celle de S. Augustin, qui affirme, De Civ. I, 12 De =
cura pro mortuis, 2 (4) que « nullus sensus est in corpore occiso ».
1* « Avons-Nous été fatigué par la première création f Et ils sont dans le doute
(3) Qor. 50 :
Rapprocher S. Augustin
—
qui pourtant çrpit à la survie de l'âme en attendant le jugement,
442 LUX PERPETUA
de vie indépendante du corps, le défunt s'endormait tout entier du sommeil de la terre
jusqu'au jour où il serait ressuscité pour les grandes assises du Jugement, comme par
une création nouvelle. Ecce nunc in -pulvere dormiam, dit Job 7 21. Et cette poussière
n'est pas celle du se'dl ou de Varallou où survivent à demi-conscientes les ombres exté-
nuées des morts, non c'est la poussière de terre en laquelle il a été dit que nous
:
devions retourner. G». 3 ^^ quia -pulvis es et in -pulverem reverteris. Ansi parle Job
;
victebo Deum meum [selon la Vulgate le sens de l'hébreu est autre]. C'est l'idée sous-
;
jacente au vœu dont sont encore aujourd'hui gravées tant de stèles chrétiennes in spem :
beatae resurrectionis... Aussi n'avons-nous nulle part rien rencontré dans les textes chré-
tiens qui rappelle le animam sepulcro condimus de Virgile. Comment en serait-il autre-
ment ? Ces textes oscillent entre deux conceptions ou la vie de l'âme séparée, en voyage
:
vers l'au-delà, donc absente du tombeau ou, dans le tombeau même, un sommeil si
;
profond de tout l'être qu'il n'est point d'âme vagabonde qu'il y ait lieu d'y fixer.
peut-il être le lieu d'une double inhabitation du Christ et de ses témoins « Deus, dit :
une oraison de Vordo pour la consécration d'un autel, qui ex omnium cohabitatione
sanctorum aeternum majestati tuae candis habitaculum... ». D'où la coutume de l'Eglise
de Rome, à laquelle fait allusion S. Ambroise, Ep. 22 à sa sœur Marcellina, PL. 16,
col. 1019, sur l'invention des corps saints de Gervais et Protais, qui lui permit, comme
le réclamait le peuple, de dédier une basilique à la romaine « Sicut romanam—
—
:
sionibus vestris... Ambulate, sancti Dei, ad locum praedestinatum qui vobis praeparatum
est ». C'est V appel que nous avons entendu retentir et aux funérailles {supra, p. 436)
et à la consécration du lieu saint {supra, p. 439). Et l'on suppose, aussitôt après, qu'il
a été entendu, qu'il est exaucé « Sub altare Dei sedes accepistis... Exsultabunt sancti
:
— Civ. 1, 12= De cura pro mortuis 2 (4) « terra ... quam totam implet praesentia sui
:
{Deus) qui novit unde resuscitet quod creavit ». Cf. infra^ p. 458, note 2.
« Sed ille
(1) Cf. S. Ambroise, Ep. 22, à sa sœur Marcellina {PL. 16, col. 1023 B) :
(= Christus) super altare, qui pro omnibus passus est isti sub altari, qui illius redempti sunt
;
Tant il est vrai que les idées, en se transformant, se perpétuent, et que les plus loin-
taines traditions des civilisations antiques, soit indo-européenne, soit sémitique, à
moins qu'elles ne remontent au delà de l'une et de l'autre, se survivent dans un jour
nouveau et avec une vertu nouvelle dans la religion qui, sans s'y asservir elle n'en —
est pas absente, mais elle n'y est pas enclose (1) —
en a recueilli l'archaïque héritage
[L. C.].
Le Rituel romain, dans VOrdo sepeliendi -parvulos, prescrit que les enfants qui sont
morts avant l'âge de raison soient couronnés de fleurs ou d'herbes aromatiques ou
odoriférantes en signe de l'intégrité de leur chair et de leur virginité.
Nous sommes ici tout à fait à l'opposé de la malédiction qui pesait sur les « ahores ».
Les enfants baptisés, morts en bas âge, ont maintenant un sort privilégié. On leur appli-
que les paroles du Ps. 248-4 « Quis ascendet in montera Domini ? aut quis stabit in
—
-.
loco sancto ejus ? Innocens manibus et mundo corde, qui non accepit in vano ani-
mam suam, nec juravit in dolo proximo suo ». Ce que le Rituel d'Alet^, 1677, explique
ainsi « Il faut traiter les corps de ces petits enfants comme des temples dans lesquels
:
le saint Esprit a toujours fait sa demeure c'est pourquoi il est bon de les enterrer
:
séparément des autres chrétiens ». C'est peut-être ici la tardive interprétation chrétienne
d'une coutume qui avait- primitivement la signification contraire, et qui a survécu, avec
son sens primitif en ce qui concerne les enfants morts sans baptême, sur qui s'est con-
centrée l'antique malédiction qui avait d'abord frappé l'ensemble des « ahores » {sufra,
pp. 327-328) [L. C.].
gines du culte 6, 1920, p. 427 a bien vu que « ce rituel est exclusivement funéraire. On pré-
pare le tombeau du saint, on l'y transporte, on l'y enferme, on répand un parfum à l'intérieur
et à l'extérieur du sépulcre ». Et
plus loin, p. 435 « De ces deux rituels \le romain et le
:
gallicanl, le premier, le rituel de type funéraire, est certainement et purement romain, comme
on le voit et par ses documents et par son accord avec ce que nous savons des anciens usages
romains en ce genre de choses ». L'antienne Sub altare Domini sedes accepistis se trouve
déjà dans YOrdo de Saint-Amand (Duchesne /. c. pp. 498-499), dont le ms. {Paris. 974), qui est
du ix° s., reproduit un exemplaire bien plus ancien (M. Andrieu, Les Ordines romani, t. I,
pp. 492-493). Et dans la première messe de la Dédicace au Sacram. Léonien (Muratori, I, col.
« Qui ut in omni loco dominationis tuae beati Pétri apostoU
308) :
magnifiées potestatem, non
solum ubi venerabiles ejus reliquiae conquîescunt, sed ubicumque pretiosa reverentia fuerit invo-
cata, tribuis esse praesentem, nunc etiam perseverare demonstres. , . ».
La main du suicide ( aùxoxeîp ) est tranchée pour être enfouie à part. II semble
qu'il rapprocher de ce rite le supplice du parricide à qui, selon le code pénal
faille
français de 18 10, le bourreau coupait le poing avant de le mettre à mort cet usage a :
34°)-
On a (p. 340) qu'à Rome le cadavre du supplicié était, à l'aide d'un
vu plus haut
croc, traîné par le bourreau jusqu'aux Gémonies pour y être exposé, et ensuite jeté au
Tibre qu'à Athènes il était, sans cérémonies, envoyé à la fosse commune, TtoluâvSpiov
;
{ibid.). Des usages analogues se pratiquaient dans le monde sémitique, (i), notamment à
Jérusalem où le cadavre était abandonné sans sépulture au val de Hinnom (2), lieu maudit,
autrefois souillé par les sacrifices humains du haut-lieu de Topheth {]er. 7 31-33 et 19^),
qu'à cause de cela le pieux roi Josias avait proclamé infâme (// Reg. 23 ^o), et d'où est
venue dans l'Evangile la géhenne (hébr. Ge-hinnom) « où le ver ne finit ni ne
s'éteint le feu » (Me. 9 *8 -^Js. bb 2^) ou bien encore il était, dans les mêmes parages,
;
enfoui sans appareil dans un charnier de biothanates, comme fut peut-être le Hakeldama
de l'Evangile {Mt. 27''-^), champ d'un potier devenu « champ du sang », ce sang
n'étant pas celui de Judas comme il est dit dans Act. 1 1^^ mais plutôt des enfants qui
avaient été si longtemps dans le voisinage jetés au four de Topheth (Loisy, Synoptiques II,
p. 627, note 4), en holocauste à Baal, à moins que ce ne fût à Yahweh (Dussaud,
Sacrif. israélite, pp. 171-172).
A l'heure actuelle le Code pénal français dispose, à son article 14, que les corps des
suppliciés seront délivrés à leurs familles si elles les réclament,
« à la charge par elles
de les faire inhumer sans aucun appareil » {supra, pp. 22 et 340) ; à défaut, ils sont
enterrés dans un quartier spécial du cimetière, et leurs tombes ne doivent être mar-
quées d'aucun signe ou monument.
Tous ces usages sont des survivances des traditions antiques qui font l'objet du pré-
sent ouvrage {supra, pp. 23, 339-340). Et ils ont leur commune origine dans l'idée que
les Biothanati sont rejetés de la communauté des morts, et par suite exclus de l'Hadès
{supra, p. 339). [L. C.].
Même doctrine chez les chrétiens en ce qui concerne la guerre contre l'Infidèle :
passent en troupe les âmes de soldats morts en guerre contre les SarrasLas, et messagers
de guerre et de mort. Ce ne sont pourtant pas des âmes errantes et malfaisantes de :
blanc vêtues et portant la stola de pourpre, elles sont en chemin vers le paradis « Pro-:
sed ideo per hanc provinciam nobis contigit habere transitum, quoniam plures ex hac
regione infra brève temporis spacium nostro sunt addendi coUegio » [L. C.].
Le présent ouvrage a montré que toute l'antiquité, aussi bien indo-européenne que
sémitique, a cru que les morts conservaient une vie amenuisée et débile, soit dans
leur tombeau individuel familial ou collégial (supra, pp. 24 et 223) soit dans un
royaume d'Hadès, Orcus, se'ôl, aralloîi, etc, conçu d'abord comme souterrain [supra,
p. ,55), puis transféré à la surface de la terre dans l'hémisphère austral [supra p. 191),
ou dans l'atmosphère au-dessous de la lune [sttpra, p. 208).
(1) Nous prenons le vers dans la perspective du poème, qui suppose une campagne contre les
Infidèles. M. Robert Fawtier [La Chanson de Roland, in-12o, Paris, 1933), a montré qu'en réa-
lité la Chanson de Roland a pour origine une retraite désastreuse de l'armée Caroline et un
combat du 15 août 778 où l'arrière-garde, commandée par Roland, succomba sous les coups de
chrétiens Basques et Navarrais.
(2) La thèse du cardinal Mercier fut censurée par son confrère le cardinal Billot le 25 mars
1915, La France catholique à Rome, p. 26 « Dire
:
que le seul fait de tomber consciemment
pour la cause juste de la patrie « suffit à assurer le salut », ce serait « substituer la patrie
à Dieu... oublier ce qu'est Dieu, ce
qu'est le péché, ce qu'est le pardon de Dieu ».
446 LUX PERPETUA
Il arrivait que cette précaire survivaace se présentât comme un sommeil si pro-
fond que le défunt ignorait tout, même sa propre mort, Eccl. 96 :
dre ». « Peut-être, dit à ce propos Lagrange [Le Judaïsme avant Jésus-Christ, p. 265),
s'agit-il ici des âmes des morts, qui sont comme endormies
» (2). Une survie si réduite
tendait à se confondre avec l'anéantissement et c'était, au temps de Jésus, l'opinion ;
des Sadducéens {Me. ïz^^, Mt. 22^^, Le. zo^', Act. 238), qui, niant la résurrection, sans
peut-être se prononcer sur l'immortalité de l'âme, s'en tenaient à l'ancienne conception
du èe'ôl.
Dès lors la protestation contre la mort, qui est au cœur de chaque être humain
{supra, pp. Iet 139) avait le choix entre deux moyens d'affirmer sa volonté de persévérer
dans c'était ou, distinguant nettement l'âme du corps, de proclamer l'immor-
l'être :
talité de l'âme, ou d'imaginer qu'un jour viendrait où, les corps ressuscitant, les
êtres humains, rétablis dans leur intégrité première, retrouveraient dans un monde
renouvelé ou trouveraient dans un autre monde, la plénitude de la vie.
Les chapitres qui précèdent ont expliqué comment s'était développé et petit à petit
imposé le premier système. Il a fleuri même chez les Juife, notamment dans les
œuvres de Philon d'Alexandrie qui admet que l'âme, à la mort, s'en retourne là d'où
elle était venue, &'0£v f.XOïv àrtio jotjç, c'est-à-dire à Dieu {De Abrah. 258) et ignore la
résurrection (3). Néanmoins l'opinion générale s'y montra plutôt favorable au second.
Celui-ci n'y était pourtant pas traditionnel. Il était même récent. Israël avait long-
temps gardé la croyance archaïque à la vie souterraine de la tombe ou du se'ôl, domus
12 0'
aeterna, maison d'éternité, D;2ï 11)2 {supra,, p. 25) (4), Ps. 49 ;
sepeliendi clericos dans Pontif. de la Curie rom. au XIIl^ s., éd. M. An-
romanae fralernitatîs
drieu, St. e T. 87, p. 512), des traces d'une doctrine qui, sans nier la résurrection, ne la suppose
pourtant pas de nécessité « Omnipotens sempiterne Deus,
:
qui humano corpori animam ad
imaginem tuam inspirare dignatus es [G«.l 26, 2 '', infra, p. 457, n. 1] tu imaginera tuam cum
sanctis electis <^tuis> aeternis sedibus praecipias sociari ». (Il faut toutefois noter qu'il s'agit là
non de impersonnel, voùç rouah, mais de l'âme, '\'^yj,, nêphes, qui doit conserver ici sa
l'esprit
personnalité, puisque l'on-demande qu'elle soit associée aux saints élus). Cf. infra, p. 455. C'est —
peut-être aussi
—
quoi qu'il fasse mention de la résurrection, Div. Nom. 6, 2 {PG. 3, col.
856£>), Eccl. hier. 7, 1, 1 (col. 553), 7, 3, 10 (col. 565) le cas du ps.-Denys, Eccl. hier. —
7, 1, 3 (col. 556 S), 7, 3, 4 (col. 560). Il y a dans ce chapitre 7 une triple répétition qui
donne à penser qu'il a été remanié et interpolé ; cf. Stiglmayr, Die Eschat. des ps. - D, dans
Ztschr. fiir. kathol. Théologie, 1899, pp. 1-21.
p. 33..
— ;
Persistance de la notion
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 232) 447
Kat o\
râcpot
aôxwv o!x(at aùtwv e'.t; tov aUova. JScc^. 126 ; ^'xt
âTiopE'jô-/)
ô
avôpwTrot; eU olxov
aîwvot; aiJToij
(i). Et la foi à la résurrection apparaît tard, comme la réalisation de ce
avait d'abord été une métaphore. Car ce n'était encore chez Ezéchiel 37 ^-i* qu'iine
qui
image qui symbolisait la future renaissance du peuple d'Israël. Dans Is. 26 1^ l'image
tend à se réaliser et à se tourner en espérance :
inscription ombrienne de 373 {CIL, XI, 4629) : « aeternamque domum Cominienus Amantius
paravi, nobisque sancti \jjue\ tui Mânes nobis petentibus adsint » opinion combattue par
S.
Augustin, supra, p. 26, note S.
— La formule
« In pace et in domo se christianise dans
;
aeterna Dei » {Dict. d'Archéol. chrét. Défunt », col. 447). L'évolution s'en achèvera dans
s. v. «
le texte de la -préface des morts « Tuis enim fidelibus, Domine, vita mutatur, non toUitur ;
:
immensam pertinet gloriam ut non solum mortalibus tua Deitate succurreris, sed de ipsa etiam
mortalitate nostra remedium provideris, et perditos, unde perierant inde salvaris ». Qor,
—
35 10 « C'est Dieu
:
qui envoie les vents, et ils poussent un nuage, et avec lui Nous arrosons
un
pays mort et Nous ranimons la terre morte. Ainsi la résurrection ». Cf. aussi 43 '^^ et !
en outre 7 5f'
;
12^ ; 30*9; 50 9-11. jnfra, p. 456.
(3) Avec DiUmann et Fr. Martin, contre Charles qui croit que le texte ne s'applique qu'à
Israël. Cf.
Lqisy, Relig. d'Israël'^, p. 285.
—
Il n'y a pas lieu de se référer à Job 19 25, dont
* ^
(4) Cf. Qor. 84
«
Lorsque la terre... aura rejeté ce qui est en elle, et sera vide » ; 99
: :
9
qu'elle secouera sa charge » ; 100 « dans tombeaux
"^
quoi une fois devenus poussière, serons-nous pour de bon créés de nouveau ? »
!
17
53 « Et qui nous fera revenir à la vie ?
: Dis Celui qui vous a formés la — :
;
—
:
igeT.es ;
Ne lui souvient-il pas que Nous l'avons formé alors qu'il n'était rien ? » ; 50 1* :
« Avons-Nous été fatigué par la première création ? Et les voilà dans le doute au
sujet de la seconde » !
(1)On distingue aujourd'hui dans le « quatrième livre d'Esdras » (éd. du texte, latin Bensly
et R. James, T. and St. III, 2) trois documents 1° IF Esdr., qui sont les chapitress 3 à 14,
:
apocalypse juive éditée par vme main chrétienne, éd. en colonnes des diverses recensions, B.
Violet, die Ezra-Apokalypse, dans le Corpus de Berlin, 1910 restitution de l'archétype entrad.
fr., Gry, Les dires prophétiques d'Esdras, in 4°, Paris 1938 2° F Esdr., qui sont les ch. 1 et 2, ;
— ;
brève apocalypse chrétienne, trad. Labourt d'après le texte latin, Revue biblique, 1909, pp. 412 ss;
— 3° VI Esdr., qui sont les ch. 15 et 16 dans l'éd. Bensly et James déjà citée. Gry, le.
—
« A la
p. 409 résurrection, pour les justes leur droiture sera révélée
:
pour les impies <^ leurs
crimes^ seront dénoncés ». IP Esdr. 7^12.113 —
« Praesens saeculum non est finis, gloria .
;
in eo <C. i^oti !> frequens manet propter hoc oraverunt qui potuerunt pro invalidis. Dies enim
:
sation des empereurs, d'Antinous, d'Apollonius de Tyane, supra, p. 298 ; sur l'immortalité psy-
cho-corporelle, Rohde, Psyché, trad. fr., pp. 64 et 568-573.
(3) Supra, p. 415. N. C. XX.
(4) Même formule en Israël : Berak. 60 B ; Pesiq. R 143 A ;
et prière juive du matin dans
Bonsirven, le, p. 323.
(5) Cf. infra, p. 456.
— C'est pourquoi le Qoran suppose que la géhenne, qui est conçue comme
une fournaise mobile [cf. IF Esdr. 4*8 .: « Et steti et vidi : et ecce fornax ardens transiit
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 232) 449
depuis
le livre de Daniel {su-pra, p. 447) et aussi, pour une large part, les Sémites
chrétiens.
Eusèbe raconte en effet (Hist. eccl., 6, 37, éd. Schwartz, t. IJi, p. 592) qu'Origène
fut appelé à Synode unen Arabie pour discuter avec des chrétiens de ces parages
qui
soutenaient que l'âme, au moment du trépas, meurt avec le corps et qu'elle est
détruite,
mais qu'au moment de la résurrection, elle revivra avec lui o'i
klt-fav tyjv :
stiàxïiv y-v.
a-jvS'.x'pQîîpîdG-/'., àvajxâaîw; xatpov aùv aùxoT; àvaêtw-
a'jôtî oî tcoxe xocuz tov x'/jç
coram me ;
et factura est, cum transisset, et flamma, et vidi, et ecce superavit fumus » la
jékenne ayant été préparée dès avant la création du monde (cf. /s. 30 33) Gry, le. pp. 42, 47,
155 et 179] actuellement vide, arrivera au Jour du Jugement pour happer et engloutir les damnés,
réfléchira, mais à quoi bon ?... ». Ce verset du Qoran n'est pas sans rappeler Ps. 97 (96)3 .
«
Ignis ante ipsum praecedet, et inflammabit in circuitu inimicos ejus », et surtout IV Esdr.,
7 '3 « Et
quid habebunt dicere in judicio vel quomodo respondebunt in novissimis tempori-
;
)us ? »
Gry, p. 183.
—
Certains chrétiens, Evode par exemple dans une lettre à laquelle répond
S.
Augustin (Ep. 163), croyaient aussi que « depuis la résurrection du Seigneur jusqu'à l'époque
du
Jugement, l'enfer est et restera vide ». Cf. infra, p. 451.
Mansi I, col. 789. Ce synode aurait réuni quatorze évêques sous la présidence (î) d'Ori-
(1)
D'après Héféle-Leclercq, Hist. des Conc. t. 1 1, pp. 163-164, il aurait été tenu entre 244 et
be.
249. Cf. S.
Augustin, De haeres. 83, se référant au texte cité d'Eusèbe «
qui dixerunt animas :
cum
corporibus mori atque dissolvi, et in fine saecuU « utrumque resurgere » ; Niceph. Call.
Iccles. hist.
5, 23, sans indication de source {PG. 145, col. 1112) .. o'î Sri sIcrrjYoûvxo xï,v :
àvaêtc&axstv
lif'.nctffOai xr|V tpOopâv o(|/6 §É ixoxe x-^^ âvaaxào'sioi; i(jo[j,îV7)4, auô'.i; xàxsfvaç crùv xoTç
TOEïépoi; Œ(i)[j.a(ri,
xal xoù Xotito'j Èç àoGstpTtav oixxr,pe't(T6a(. Même doctrine chez Tatien, —
Graec. 6 {PG col. 833 A) où/, è'ffxiv àOâvxxoç... [xaô' èaux?)v] Dvr,xï, Se. 'AÀXà
i
:
<\i\i'/ri -fj
f, aùxr, xat jj.r] à-rco6vV)(jXEiv GvYÎa-xsi fxev yàp xai Xoexai p.£xà xoù ff!jL>iJi.axoi; p.-?)
'mv.rro'soL
X7)V àX-/,0£!av
"
àvlaxarai 8s eU uaxspov è%\ cruvxeXstqc xoù xdtTfjiou ff'Jv xû (rwjjiaxi,
Î'J''ï~xi
•MKov Stà
xt(jiwpîa<;
èv àOavauîoi Xajxêxvousa TtdtXtv 8e
•
où ôvï^axet, xav irpôc xaipiJv Xu9-fi,
JV' ETCi'Yvwdiv Toû Oeo'j TrETtotfifjtévr,.
-
Et Athénagore en connaît l'existence, De Resurrectîone
vG. 6, col. 1013 :
fîxoi yàp TïavxsX'rît; saxt oêécni; x-?;; Çojy)ç è Gàvaxoç ff'jvSiaXuo(xÉvT,(;
Il ïwjj.ax'. xr,!; xal (TuvSiatpOî'.pojjiÉvr,!; -r) jji.Év£i p.lv xaO' lauxTiV aXuxoi: -f)
^j'o^"?), âcJxéSaffXûî,
i|'UJ(_y^i;
(2) Comme l'âme est reprise par Dieu dans Qor. 39^3 {supra p. 448), et déjà chez Philon
'^'exandrie, Abrah. 258, déjà cité {supra, p. 446) xôv Savaxov vojji,(Ç£'.v jjiri
aSsaw i|/uj^-}^(;,
''?''«) note 1, Athénagore) àXXà jiùÇ)'.(5[xhi
xal 8j«Çeu;iv àirô awjJLaxoç, ô'Ssv -îilGsv àTrioùcrfiÇ
•
1^-
ûÈ...
irapà 6eoù. Ainsi Qohéleth, Eccl. 12
pensait « '^
: La poussière retourne à la terre,
"on ce
l'esprit (m^l)» à Dieu qui l'a donné n'y a ne dis pas chez
» ici
qu'elle était : : il
(je
29
450 LUX PERPETUA
(= "tt/iDJ
= '\'^X^)
^^* ensevelie avec le corps [cf. supra, N. C. XXXI, Animae con-\
ditio, p. 441] : « cum ergo moriuntur ho mines, spiritus animalis absconditur cum
cor-pore quod sensu destituitur... Animalis autem spiritus in natura sua sepelitur sensés
que ab eo tollitur ». La mort du juste lui-même est un sommeil « talis enim mors :
somnus est pas jusqu'aux scribes qui n'oublient leur science, Demonstr. 22
». Il n'est
De morte et novissimis temporibus 11 {ibid. col. 1014) « abducit (mors) secumscri- :
bas sapientes, et quae didicerant delet oblivio usque ad tempus illud quo omnes justi
résurgent ». Aphraate dit bien, à la vérité, /. c. 6 {ibid. col. 1002) que les morts
« sedent in luctu et in umbra mortis (c'est le se'ôl, sans doutle ici réminiscence de
Le. Inec mundi hujus recordantur donec veniat finis et ad judicium resurgant »,
''9),
Mais il dit aussi —
et ce semble être sa pensée personnelle {ibid.) et in pulve- — :
« Corpora et quod (= '^^yj, ) in eis (= sepulcris) sepultum est suscitabit (Spiritus), induet
que ea quam secum adduxerit gloria » (cf. supra, N. C. XXVII, Vêtements des âmes,
p. 430). Nous sommes ici tout près du Livre de Daniel et du Livre d'Hénoch, voire de
Tatien, des Chrétiens Arabes réfutés par Origène, et du Qoran.
Et il n'est pas interdit de penser qu'à une époque ancienne où les idées juives pré-
dominaient encore dans le christianisme, c'est ainsi que les chrétiens se représentaient
l'état des défunts dans l'attente de la résurrection, in spem beatae resurrectionis {supra,
p. 442). Dans Mt. 27^2 les morts qui se lèvent au moment où le Christ rend l'âme
sont appelés gisants, xal xà ^.vi]i>.iia àvsw^Grjaav xaî TtoXXà ffiofjiaxa twv xeKoi|j.T||j.îvt.ov {qui
dormierant) àyfwv ifiYépGriffav (i). L'idée est clairement exprimée dans une épitaphegau-
loise publiée par Le Blant, Inscr. chrét. de Gaule, no 478 « Hic Dalmata, Christi :
morte redemptus, quiescit in pace, et diem futuri judicii laetus spectit ». C'est sans
doute le même sens qui s'attache à plusieurs autres formules citées par Leclercq {Dict.
d'Arch. chrét. s. v. « Défunt », col. 447 et 452) « In pace bene dormit » ; « quies- :
pacis », dont aucune n'exclut nécessairement l'idée qui se fait jour ailleurs {ibid.)
:
Mémento des morts au canon romain de la messe « ...qui nos praecesserunt cum :
signo fidei et dormiunt in somno pacis. Ipsis, Domine, et omnibus in Christo quiescen-
tibus locum refrigerii, lucis et pacis ut indulgeas deprecamur » (2). Enfin, comme il a
été dit plus haut (N. C. XXXI, Animae conditio, p. 441), il est resté des traces^ cer-
taines de la doctrine professée par Aphraate dans d'autres textes liturgiques de l'Église
occidentale.
Philon, mais seulement dans ce verset de l'Ecclésiaste) en Dieu aucune permanence de la person-
nalité humaine, dans la tombé aucune survie (cf. supra, p. 446).
—
:
cpiovr,!; X^y*^"*''')'?' £'<'') xoi|i.tofi.évoii; ',
y.a! ÔTtaxo-?! T|XO.'Jexo àuo tôù axaupoû, 6'xr va£. X£xoi[j(.r,(ji.£voi serait correctement traduit par
l'un et l'autre ; y répond exactement puisqu'il veut dire tout ensemble s'éveillèrent e|
'/jyîpGiQa-av
taXi6à /.O'jfji
= aram. ^Dlp i^fT^ltû) qui signifie seulement 5e /ever.
Chose singulière il ne suffit pas de reposer dans le Christ
(2) :
;
et c'est pour ceux qui r^P°"
sent en lui que l'on implore, comme s'ils ne l'avaient pas encore, le lieu du rafraîchissement,
la lumière et de la paix. Cf. supra, p. 441, ligne 28.
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 232) 4SI
née... du âe'ôl, séjour commun des morts (3). La croyance s'accrédite qu'après leur
mort les âmes des justes sont réunies dans un réceptacle particulier là leur état est :
ralement que les anges pervers sont déjà torturés dans un lieu de supplices ; on com-
mence à peiiïe à connaître un enfer où souffriraient déjà les pécheurs (5) on les 5
laisse souvent dans le se'ôl, qui prend de plus en plus la figure du séjour des dam-
nés j -parfois aussi leur peine paraît différée jusqu'au jour du jugement (6).
« De toute façon, la théologie
juive s'oriente nettement vers l'idée d'une rétribution
immédiatement consécutive à la mort ».
Le pas fut franchi par les chrétiens. Non qu'ils aient dès l'origine entièrement rejeté
la théorie juive des réceptacles : elle est nettement exprimée dans Irénée, 5, 31, 2 :
al
i]/u^ai àitép^^ovxat etç tÔv •<[à6paT0v>
tÔttov tov
(î)pt<T[J.îvov aùxaiç
à-n;ô toù Oôoù, xàxsl [i£)(pi
TTji; àvacfxacreax; cpoiTwat, 7t£pifi.£voucrai TTjV àvàotaaiv (7). Et Augustin la professe encore, Enchir.
ad Laurentium, ch. 109 (29) =
De octo Dulcitii quaest. 2, 4 « tempus autem :
quod inter hominis mortem et ultimam resurrectionem interpositum est, animas abditis
(2) Croyance à la résurrection chez les Mazdéens dès l'époque des Gâthâ Pin du monde, :
p. 11 = 39, c'est-à-dire à la fin du vn^ siècle av. J. C. (A. Meillet, Les Gâthâ de l'Avesta,
Paris, 1925).
(3) Sufra, p. 66.
—
Se'ôl divisé en quatre compartiments, dont le dernier contient les dam-
nés qui ne ressusciteront pas, Hén. 22 (éd. Fr. Martin, pp. 58-62). Ces réceptacles semblent
avoir été mis en relation avec le texte obscur d'/s. 42 ^^ : « tous ont été confinés dans des
fosses et relégués dans des cachots », peut-être en raison du sens eschatologique qui était donné
un peu plus loin à Is. 43 2. —
Cf. IT^ Esdr. 7 ^^ « gt terra reddet
quae in ea dormiunt, et
.
pulvis qui in eo silentio habitant, et -prom-ptuaria reddent quae eis commendatae sunt animae » ;
Gry, le. p. 151 « Puis la terre dépose ceux qui dedans reposent, / et la poussière éveille ceux
:
qui dedans sommeillent, / puis les caveaux raniment ceux qu'en eux ils compriment ; / -«c;^ les
tombes multiplient ]> ceux qu'en elles on confie » ; et IV Esdr. 4 ^^ « Et dixit ad me in : :
inferno -prom-ptuaria animarum matrici adsimilatae sunt » ; Gry, le. p. 41 « Le se'ôl pour les
^ —
-.
âmes est semblable au sein <:^ pour le foetus » C'est à ce se'ôl compartimenté, mais encore
.
souterrain, que paraît se référer la descente du Christ aux enfers {supra, p. 234).
(4) Réceptacle des âmes dans l'Eden Bonsirven, I, p. 339 ; dans le ciel trésor des âmes
: :
cf.
supra, p. 332.
(6) Supra, p. 449.
'
=
:
receftaculis continet, sicut unaquaeque digna est vel requie vel aerumna, pro eo quod
sortita est in carne cum viveret » (i). Après cette période d'attente il devait y avoir
selon Justin, Dial. 80,5 une première résurrection des saints pour le miUénium xal :
autravers dufeu. Alavérité il n'est question d'un //ea/z^e de feu que chez Lactance (2), qui le
tient de l'^î^oca/^'^se du ps. - Hystaspe, source proprement mazdéenne, Instit. 7, 21, 4 (dans
Mages hellén. II, p. 373) « Sed est purus ac liquidus et in aquae modum fluidus...
:
Idem igitur divinus ignis una eademque vi ac potentia et cremabit impios et recreabit...
6 : sed et justos cum judicaverit Deus, etiam igni eos examinabit tum quorum peccata ;
vel pondère vel numéro praevaluerint, perstringentur igni atque amburentur ; quos au-
tem plena justitia et maturitas virtutis incoxerit, ignem illum non sentient habent enim :
aliquid in se Dei quod vim flammae repellat ac respuat. 7 tanta est vis innocentiae ut :
ab ea ignis ille réfugiât innoxius, quia accepit a Deo hanc potentiam ut impios urat,
justis temperet » (cf. Boundahisn, 30, 18, texte dans Fin du Monde, p. 12 40, note i).
=
S. Hilaire et S. Ambroise (3.) ne parlent que de feu, non d'un fleuve. Et ce feu, ils le
(1) Cf. De Cujus pars... ex mortalibus hominibus congregatur... vel in eis qui
Civ. 12, 9 : «
morte obierunt secretis animarum
receftaculis sedibusque requiescit ». ,
(2) Il s'agit en réalité d'un fleuve de métaux en fusion cf. Avesta, éd. Darmesteter, t. I, ;
p. 224, note 39 ; p. 227, note 15 et en outre Gall, Bstcrtlî'a toù.Geou, 1926, pp. 90 ss., 104 ss.,
144 ss. — ;
Ici le mot fleuve n'est pas prononcé, mais Lactance se réfère lui-même au ps.-Hys-
taspe. D'ailleurs l'image est explicitée dans les Oracles sibyllins qui relèvent de la même source
(cf. Justin martyr, Afol. I, 20). Or. Sibyll. II, vers 196 (éd. Geffcken, p. 37) :
/.X'. xôxE te 'fxkyxq TTupôç a'.6o(jiévoio / pzitjs: aTr' oùoavôOev xa; TCdtvta tôtiov SaTtav/iffei. /
Stj TtoTaji.'!?
ycttav
t' d)HEîivôv TE
^zyo:'j yXauxr'v
te UàÀac3'a-/v,/ ÀtfAvoc; xa! iroTafjioÙ!;, urjYàî xa?
à(ji.£i'Xi5(^ov "Ai8r,v,/
xal Ttôlov oùpâv'.ov. Cf. ps.-HippoL De consummat. mttndi, 38 ô irupivoç Ttoxau.oî :
£^cp)j^c.|X£VOi;
&<nzzç) àypia 6j:Aaffca, v.-v. xaxax.a'jffs! oprj pouvoyç, xal xvv G;;Xajaav àosvÎGEi xal xôv
xa'
atôépa
8:a)v'JiiEi£x x?;? irupcoaEwç .j'.^Tvep XYjpôv. Or. Sibyll. II, vers 252 (p. 40) :
xal xôx£ 8-^, TîsvxEî Sià aîxofjiévou Tcoxauoïo xa: / tfÀoyôi; àcrêiaxou SieIsÔgovÔ" o"xe oîxatoi /itâvxEî
ffii)0/,aovx'' sffcêcT^ S'ânri xoïatv 61ouvxai / s'c; a!(ï)va<; iXo'jî;.
Des précisions sont données sur l'action des anges qui châtient les réprouvés (II, vers 285,
p. 42) et guident les justes vers la lumière et la vie, II, vers 313 (p. 43) :
ayyEXot atpdjAîvot oi' al6o^évou TïoxafjLoto / e!; owî a^o'jcjtv /.a; eiç ^wr^v sjj.éptvov" / £v0à Tztkti xp'Soi;
àOâvaxo^ jjLEyàXcto ^Itulo j v.A xp'.ac-al •Kryx; o'ivo'j aôXixôi; xs yàXaxxoi; (cf. supra N. C. XXV, p. 426).
Et l'image du fleuve se retrouvera encore chez Bède le Vénérable, Hymne de die fudicii (PL.
94, col. 636 A) :
sunt gravia illa expiandae a peccatis animae supplicia ? ». S. Ambroise, In Ps. CXÎ^III
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 232) 45 3
disent eux mêmes l'un et l'autre, à propos dePs. iig (118) est celui du glaive tournoyant
qui, après l'expulsion des premiers parents, gardait, pour leur en interdire l'entrée, le
jardin d'Eden où verdoyait l'arbre de vie(G«. 3 ^^). Mais il y a pourtant, sous-jacentes
à leur texte, plusieurs autres réminiscences, notamment / Cor. 3 ^^ « Car le jour rendra :
manifeste ce qui dans le feu se sera révélé. Et l'œuvre de chacun, de quelle sorte elle
est, le feu lui en fera l'épreuve... Quant à lui, il sera sauvé, mais comme au travers du
feu » ; Dan. 3 ^^-S" 0' 8 « Et descendit l'Ange du Seigneur en la compagnie d'Azarias
:
ves ne t'engloutiront pas et si tu passes par le feu, tu ne seras pas brûlé et point ne
;
plomb de notre iniquité, le fer de notre péché qui seront consumés pour faire de nous
un or pur (2). Mais enfin, dans un autre contexte, l'image demeure. Le second est encore
plus significatif c'est que tous, bons et mauvais, devront passer par le feu, Ambr. in
:
Ps. CXVIII Expositio, sermo 20, 2 {PL. 15, col. 1487) « omnes oportet per ignem pro-
:
ignem dubitare.non possumus ». Tout cela est clairement explicité chez Epiphane, De
haeres. i, i, haer. XLVIII {PG. 41, col. 1152), à propos précisément de Ps. 6512 ;
OîOî TcavTO/.p'i-cwp ô aitivio;. ô Tcxtf.o to5 Xptjxo'j. Iv Tr, fjf^épqL aou oiaêâvri xh uôp àva^YTiX!, xxî tùv
68aT.-i)v e's T?,v xauarTi/."?)v 6TT=^aA6Çavxt xàç ôpp.âî, At'^XOov Sià Ttupôç xa', uSaxoç,
[j.£xaS"AcO£vTSi; ^'jutv.
y.x\
ÈÇ'(^yaYci; ;j.£ eIç àvâtj/u^tv. Sù yàp xot^ cityxiTwci cô
aoi;-.', ï-Ky.yyûJ.cn' eav Siaêai'vst; 81' uSatoç, [JiETà
'r\
aoù v.a où ^xuyzXeîtïciuai ce. KSv otaêstvïjÇ S'.à itopô:;, où (j.?, "/.aTajcaûcat as {Is.
E^jjit,* TtoTajJLo'. 43 2) ^5^.
angelis qui résurgent bonos et malos, hoc futurum est baptisma quando per caminum ignis :
iniquitas exuretur », allusion aux trois jouvenceaux dans la fournaise, Dan. 3 <t9-50j infra, note 2.
(1) eU in refrigeriiim. Ici l'application aux morts s'imposait presque irrésistible-
àvad/uyv'v,
ment du que refrigerium était souvent
fait —
Fr. Cumont, peut-être avec un peu trop de
rigueur, disait toujours :
—
entendu au sens d'it. rinfresco, goûter que l'on prenait sur un tom-
beau, et où l'on buvait frais pour rafraîchir le défunt. Cf. supra, pp. 30 et 268 N. C. V, ;
Les Lemuria, p. 396, et XXX, Parentalia chez les chrétiens Relig. orient. '^, p. 247 Parrot,
; ;
Le « Refrigerium » dans l'au delà, Paris, 1937 Dict. d'Archéol. chrét., s. v. « Inscriptions
grecques chrétiennes » col. 683.
— ;
exurat in nobis plumbum iniquitatis, ferrum peccali, faciat nos aurum sincerum. .. Qui ergo per
ignem transierit intrat in requiem. Transit a malerialibus atque mundanis ad illa incorruptibilia
».
atque perpétua
(3) Cette curieuse influence d'un texte mazdéen sur la pensée chrétienne est probablement
due à l'attente de la parousie (encore chez S. Grégoire le Grand, In Ev. hom. 1, 1) qui faisait
voir dans la même perspective, presque sang solution de continuité, comme dans la pro- —
4S4 LUX PERPETUA
De l'ensemble de ces témoignages il résulte que les âmes des morts, plus ou moins pro-
fondément endormies, ne sont pas immédiatement jugées. Elles demeurent (sauf les idées
des Arabes et celles de l'école d'Aphraate, supra, p. 449) en réserve jusqu'à la fin des
temps dans les réceptacles secrets d'un se'ôl compartimenté.
Il arrive cependant que ce lieu d'attente perde son caractère de prison ou de
dépôtj
22 le sein
qu'il s'humanise en devenant, par combinaison avec Le. 16 {sinus) ou le giron
(gremhim) d'Abralaam (i) « Non ei dominentur umbrae mortis, nec tegat eum chaos
:
et caligo tenebrarum, sed exutus omnium criminum labe, in sinu Abrahae patriarchae
phétie de Zoroastre, —
la première manifestation du Sauveur et son second avènement (cf.
se saisiront de lui et le tueront {Mt. 17^2) sur le gibet {Act. 5^0) la terre et le ciel porte-
;
ront le deuil de sa mort violente {Mt. 27^^)... Il ouvrira la descente vers les profondeurs de
la terre {Mt. 12^°); et de la profondeur il montera vers le haut. {Rom. 10^-7 E-ph. 4 9-1")., ;
Alors on le verra venir avec l'armée de la lumière {Mt. 25 3")^ porté sur les blanches nuées
{Mt. 24 30); car il est l'enfant conçu du Verbe générateur de toutes choses {lo. 1^^; Lc.l^^-^^)».
Et sur une interrogation d'Hystaspe, Zoroastre reprend « Il surgira de ma famille et de ma
:
lignée {Le. 132). jg suis Lui et II est moi. Je suis en Lui et II est en moi. {lo. 14^1, sous
cette réserve qu'il ne s'y agit pas d'un ancêtre humain et de son descendant). Quand se mani-
festera le début de son avènement, de grands prodiges apparaîtront dans le ciel (Le 21 25 sur
la parousie). On verra une étoile brillante au milieu du ciel {Mt. 2 2-9 sur la naissance, se
référant implicitement à Nu. 2417). Sa lumière l'emportera sur celle du soleil {Protév. de Jac-
ques, 212; ign. Eph. 19 2; Diodore de Tarse dans Phot. Diblioth., PG. 103, col. 877; S. J.
Chrysost. in Mt. hom. 6, PG. 57, col. 64 Ps.-Alcuin, De div. off., PL. 101 col. 1178, dans
;
Mages hellén. .t. II, p. 48 Ev. arabe de l'Enf., éd. P. Peeters, coll. Hemmer-Lejay, p. IX, autre
;
d'Erythrée :E caelo rex adveniet, Mâle, XII^ siècle.^ p. 175) que les captifs attendent pour
être délivrés (/ Petr. 3^^ Hipp., Trad. apost., prière eucharistique
;
ut mortem solvat et vin-
:
cula diaboli dirumpat et infernum calcet et justos ilhtminet, éd. Botte, p. 32)... Ne le négli-i
gez pas, pour qu'il ne vous fasse pas périr par le glaive {Hebr. 113^,37); car il est le roi
des rois, et c'est de lui que tous reçoivent la couronne (// Tim. 4 8). Moi et Lui, nous sommes
un {lo. 10 30 sous la même réserve que plus haut lo. 14 H) » Si artificiels que soient ces
rapprochements, il n'en est pas moins vrai que des deux côtés une échéance, la même échéance,
est annoncée, celle du Jugement dernier, à laquelle les fidèles sont invités à prendre garde :
c'était assez pour que les chrétiens crussent reconnaître le Christ dans le Victorieux {Sau-
syant) annoncé par la prophétie de Zoroastre.
(1) IV Macc. 13 o'jToj; TraSôvraç r^t-iac, 'Aêpaàjj, /.a', 'laaàx xai 'laxwê 6uo8É^ovxai, xaî rcàv'cai;
1''
:
coUocatus, locum lucis et refrigerii se adeptum esse gatideat, et cum dies judicii advene-
fit,
cum sanctis et electis tuis eum resuscitari jubeas » (i).
Au grand jour du Jugement, elles recouvreront leur propre corps, et c'est alors qu'el-
les auront à traverser le fleuve de feu. Ce feu n'aura pas seulement pour effet, comme
dans l'ancien mazdéisme des Gâthâ avestiques {swpra^ p. 225), de distinguer et séparer
les bons
des méchants. Il ne sera plus une simple ordalie. Il aura en outre, comme dans
le Boimdahîsn, une triple
fonction 1° de laisser passer les bons sans lésion ni souf-
:
fi-ance 2° de purifier ceux des coupables qui peuvent encore être régénérés ; 3° de tour-
;
igné
novissimi judicii mundabuntur. Proinde qui post judicium cum fuerint igné mun-
. .
datl qui ejusmodi mundatione sunt digni ». S. Augustin, il est vrai, ne semble plus con-
naître ici l'effet lénifiant du feu sur les âmes des justes, celui que VAvesta comparait à
l'action du lait chaud {swpra, p. 225). Il ne voit plus que sa morsure sur les deux clas-
ses de coupables. De civ. 16, 24 « Significatur isto igné dies judicii dirimens carnales
:
per ignem
salvandos et in igné damnandos ». Il connaît pourtant un feu qui ne blesse
Enarr. 11 in Ps. XIX, § 9 « sed aliud est igné non laedi, aliud per ignem sal-
:
pas,
vari » (2). Mais c'est plutôt à l'idée de purification qu'il s'attache, Enarr. in Ps. XCVl :
ce feu qui marche devant le Seigneur (3), quel est-il ? « quis est ergo ille ignis Possu- .?
vert, siicco spiritali vigens et virens. Et c'est ainsi que, selon les dispositions intérieures
de chacun, il peut avoir des actions diamétralement opposées « ille ardet, tu mânes :
integer
» ; le foin est détruit, mais l'or est purifié « arserat enim fenum ut purgare-
:
tur aurum ».
Mais les chrétiens ne s'en tinrent pas à ce stade de leur pensée. Ils en vinrent, eux
(1) Du supplém. alcuinien au Sacrant, grég., oraison avant la sépulture, Muratori, II, col.
216 (texte analogue après la sépulture, ibid.)
=
Pontif. romano-germanique, dans Martène, éd.
de
Venise, 1788, t. II, p. 389
=
Pontif. rom. du Xll^ s. éd. M. Andrieu, St. e T. 86, p. 283.
(2) A rapprocher d'Origène, In Ps. 37 (36) (PG. 17, col. 128) à[j.apxoXwv SI aitxexai :
-f)
V-H'i-i] xoù Ttopdi;, wc 7) 'EpuOpà AlyoTiTuo'^, où fji'?)v xa! 'Eêpaîwv. Id. In Ez. hom. 1, 3 (éd.
Bâhi-ens,p. 324)
« Quis est ignis iste sic sapiens... ut illaesum relinquat eum,
:
qui in me est,
lapidem pretiosum, ut mala tantum consumât quae feci, quae superaedificavi ligna, fenum sti-
'
pulam î »
'
'
' '
I f
:
, ! i !
(cf. Ps. 50 (49) 3 « ignis in conspectu ejus exardescet, et in circuitu ejus tempestas valida).
:
niées
-praecedit et ignis; et supplémentaire ajouté à Vznûenne Libéra
probablement aussi le verset
entre le xe et le xii^ s. « Dum veneris judicare saeculum per ignem »,
: Le feu a pour —
effet de disperser les ennemis de Dieu, mais ce. n'est pas la raison pour laquelle il le précède :
que si justum est credi, etiam ignem caelitus lapsum apud se sempiternis focuUs custodiri, cujus
toyiionem exiguam, ut faustam, praeisse quondam Asiaticis regibus dicunt ». Sur la persistance
développement de cette tradition chez les Ptolémées et de là chez les Césars romains, cf.
et le
aussi, à admettre, comme l'avaient déjà fait les mazdéens, aussitôt après le
trépas
un jugement particulier (i), lequel au demeurant n'excluait pas que se tinssent à là
fin des temps, les grandes assises du Jugement- dernier.
La même évolution se produisit dans l'Islam. On y vit apparaître au décès de
chacun, un jugement particulier que le Qoran {su-pra, p. 448) n'avait pas prévu,
Et ici l'influence directe de l'Iran est certaine car l'âme, au sortir de la vie, doitl :
subir l'épreuve du pont Sirât (Goldziher, Le dogme et la Loi de l'Islam, p. 82), qui n'est
autre, sous un autre nom, que le cinvat de VAvesta {swpra, p. 143) (2).
(1) Il arriva parfois que ce jugement particulier fût considéré, non comme prononcé du dehors,
mais comme issu de l'âme elle-même prenant conscience de son indignité. Ps.-Denys, Ep. 10
(PG. 3, col. 1117, supra, p. 417, note 2). L'idée se retrouvera chez Ste Catherine de Sienne,
Dial. 43 ; Ep. 44 [24-x] à Berengario degli Arzocchi ; et un peu plus tard chez Ste Cathe-
rine de Gênes, Purgat. 8, dans Vita mirabile... éd. Spinola, 4°, Gênes, 1681, p. 187 ; chez l'une
et chez l'autre seulement pour le jugement particulier. .
(2) Peut-être le souvenir du pont cinvat est-il à l'arrière-plan de ces versets de IV Esdr. 7
"
;
« Si non transierit
angustum, in latitudinem quomodo venire poterit f » (cf. Gry, le. p. 133);
7 ''-^ « Introïtus autem ejus angustus et in praecipiti positus, ut esset a dextris quidem ignis,
:
a sinistris vero aqua alta. Semita autem est una sola inter eos posita, hoc est inter ignem et
-
aquam, ut non capiat semita illa nisi solummodo vestigium hominis », cf. Gry, le, p. 135.
Dans le christianisme au contraire il n'y a nulle trace de ce pont, à moins que l'on ne veuille
en trouver une lointaine réminiscence dans l'échelle de sainte Perpétue (Passio S. Perpetuae, 4,
plus lointaine encore dans une image chère à sainte .Catherine de Sienne
Le :
supra, p. 282);
Médiateur est un pont par lequel il faut passer —
dessus et non dessous {Dial. 27) pouf
—
atteindre le Père céleste e non bastarebbe a v.oi ad avère la vita perchè'l Pigliuolo tnio vi sin
:
fatto ponte, se voi non teneste per esso (Dial. 22 cf. en outre 20
;
21 25-31, et Fawtier-
; ;
Canet, La double expérience de Catherine Benincasa, Paris, 1948, p. 325). Mais la perspective est
différente. Il ne s'agit plus seulement ici d'une ordalie après la mort comme moyen de discrimi-
nation entre les bons et les méchants il:
s'agit de la voie ouverte pendant toute la vie à
ceux
oùsîa; xat
|i.ixpâi; èXaj^iax'/)^ paviSoç.
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 232) 457
sière, Qor. 80 « : De
quoi l'a-t-Il créé ? / d'une goutte de sperme ; / Ill'a créé
l'^-^i
de Dieu ce qu'est Adam, que Dieu forma de poussière, et II dit sois, et il fut », :
Il en est des morts comme de ceux qui ne sont pas encore Dieu peut leur 'dire : :
^^^
sois, et cela vient à l'être [Qor. 2 6''^, 16^2) (i), Et il faut qu'il en soit ainsi
;
ad finem mundi, ut possim sine iinpedimento in vita redire, cum venerit qui judica-
turus est vivos et mortuos » inscription de Ma'rata dans la Syrie du nord {Prince-
-,
ton ex-ped. div. III, sect. B, p. 106, dans Relig. orient. *, p. 248) AloV/io; [j.sv o'tx-^acwç
:
quaient pas l'incinération {swpra pp. 23 et 388). Et l'on ne voit pas qu'ils aient con-
servé l'idée juive qu'il y a dans la colonne vertébrale un osselet ovale, infrangible et
imputrescible, à partir duquel se fera la résurrection (2). Mais enfin ils s'efforçaient
de se faire délivrer les corps des martyrs afin de leur donner une sépulture hono-
rable {swpra, p. 340).
Ils ne s'en tinrent pourtant pas à ces idées anciennes. Et ils en vinrent à penser
qu'il n'était pas nécessaire que les restes fussent en tout ou partie conservés pour que
la- résurrection fût possible, Tatien, Adv. Graec. 6 {PL. 6, col. 819 -cov aô-uov
^poTtov A :
àvadT-Zicrei |j.£xà xTjÇ aùxï,<; {ou x^? 'i^Tf/^) eûfxapEÎa!;. È-!T!ffr,î yàp aôxîf) xa' xoûxo âuvaxov. — Efficacité
de la parole créatrice : Gn. 1 Ps. 33 (32) ^
;
«
quoniam ipse dixit et facta sunt, / ipse man-
-.
xal l-^éytio. En Egypte « l'idée de la force créatrice du verbe existe déjà nette-
dcXXà eTtte, 'fr,a\
ment dès les textes des Pyramides » (Moret, Rit. du culte journalier, p. 155, note 4). Le Mâ^
Kherou, qu'il soit dieu, mort divinisé, roi ou officiant, est celui dont la voix réalise ce qui n'était
que représentation ou simulacre (Virey, Tombeau de Rekmarâ, pp. 101 et 149 et Relig. de
l'anc. Egypte, p. 84 Moret,
pp. 152-165).
;
le. —
Inscription hiéroglyphique du temple de Den-
;
dérah sous Néron (ap. Festugière, La Révélation d'Hermès Trism., t. I, Paris, 1944, p. 69) :
« Révélation du Dieu de la Lumière, Râ, lui qui existe dès le commencement, Thoth, lui qui
repose sur la Vérité. Ce qui jaillit de son cœur a aussitôt existence ; ce qu'il a prononcé sub-
sistepour l'éternité ».
Réponse de R. Josué ben Hanania à l'empereur Hadrien, LevR 18, 1 et GetiR. 28, 2,
(2)
pp. 261 ss., ap. Bonsirven I, p. 484. Détails sur cet osselet dans Bartolocci, Bibliotheca rabhi-
nica, Rome, 1675, I, pp. 86 ss.
458 LUX PERPETUA
ô
yev^jxevoç xat 8ià OavdcTou "[AY]xéTi wv, auOd; te |j,r(/.é8' iî)pô[/,evo(;, è'aofjiai itaXiv, djffTtsp jji."^
TcSt'Xai
été portés par les anges dans le giron d'Abraham [De cura pro mort. % (4) De Civ. =
I, 12) et leurs corps n'en seront pas moins ressuscites, ihià. « Quanto minus debent :
p. « quia hoc [hjossa removit, anathema sit (Le Blant, Inscript, chrét. de Gaule,
436) ;
no 13); et encore sur le tombeau d'un prêtre du x^ siècle « et nullus violet hoc :
sepulcrum, et qui praesumpserit in diem judicii non resurgat » (Oderici Sylloge vete-
rmn inscriptîonum, p. 352) (-3).
Mais ce ne sont là que survivances d'un état d'esprit archaïque. En réalité ce qui
importait aux chrétiens, c'était bien encore, comme aux temps antiques, le repos
—
(1) axacpoi SMpra, pp. 22, 23, 84, 319 ; cadavres de suppliciés jetés au fleuve ou à la voirie :
:
(2) Ainsi Monique avait-elle demandé qu'on l'enterrât n'importe où, Conf. 9, 11 (27)
« Ponite, :
inquit, hoc corpus ubicumque nihil vos ejus cura conturbet ; tantum iUud vos rogo ut ad Domini
:
altare memineritis mei ubi ubi fueritis » ; 9, 11 (28) : « Nihil, inquit, longe est Deo, neque
timendum est ne ille non agnoscat in fine saeculi unde me resuscitet ». Cf. encore 9, 13 (36).
(3) D'après Dict. d'archêol. chrét. s. v. « Ad Sanctos », col. 484. Supra, pp. 107, 320.
NOTES COMPLEMENTAIRES (p. 232) 459
Isiifra, p- 55) 5 ce n'était pais non plus l'ivresse que les mystes avaient attendue
de leur banquet sacré dans l'espace aérien aux abords de la Lune (supra, pp. 246,
2ç8),
ni l'absorption de leur conscience personnelle dans la vision extatique de l'Un
et N, C. XXIX p. 433). C'était, comme cliez les mazdéens, le règne
(supra, pp. 302, 385
de Dieu dans le royaume des cieux.
Pourtant ni ce règne ne ressemblait au KhsaOrâ d'Ahoura-Mazda, ni la réalisation
du royaume ne résultait, comme selon le mazdéisme, de l'action guerrière d'un yazata,
rex magnus de caelo, Sausyant, c'est-à-dire le Victorieux, qui s'identifie au Sol invictus
rex. Non que ces images soient entièrement étrangères à la représentation du second avè-
nement {supra, p. 453, note 3 et Me. 13 2^; Mt. 24^8 et 25^1; Le. 21^''). Mais le second
;
avènement n'est ici que la conclusion de ce qui se sera produit par d'autres moyens. Le
Messie chrétien ne vient pas en chevauchée de conquérant ni sur un char de feu comme
un héros solaire «Tressaille de joie, fille de Sion», avait-il été dit {Zach. ()^'^ Mt,
:
21 5) :
en ce petit arroi que Jésus de Nazareth, roi messianique, rex magnus de caelo,
C'est
fitson entrée dans la Ville sainte par une voie jonchée de rameaux. Et ce triomphe
pacifique s'acheva sur un gibet au Golgotha, entre deux voleurs, afin qu'il fût mani-
(1) Antiphonaire dit grégorien, In agenda mortuorum, PL. 78, col. 722. Ce texte, qui a tant
préoccupé Fr. Cumont durant les dernières années de sa vie, provient — il ne
l'ignorait pas
[Symbolisme, p. 385) de — F Esdr. {su-pra, p. 448, n. 1) dont il existe deux recensions, la française
A (Amiens), S (Sangerman. =
BN. lat. 11504-11505), et l'espagnole C (Complut, à Madrid),
M (Mazar. à Paris), L
(Légion.), l'une et l'autre éditées par Bensly et R. James, T. and St.
III, 2. Rec. fr. p. 5 « Requiem aeternitatis dabit vobis. Parati estote ad praemia regni
:
quia :
lux
perpétua lucebit vobis per aeternitatem temporis » ; Rec. esp., p. 86 : « Requiem aeternitatis
vestrae dabo vobis... Parati estote ad praemium regni. Lux perpétua lucebit vobis, et aeternitas
temporum vobis parata est ». F Esdr. lui-même pourrait dépendre ici à' H en. 96^-3 «
Ayez :
confiance, ô justes... loin de la face des méchants, qui gémiront et pleureront sur vous comme
Jér. O' 36 39). Ne craignez donc pas, vous qui souf-
21
(éthiop. tsêdonât, cf. Is. 13
des Sirènes ;
frez, car il y aura un remède pour vous, une claire lumière luira four vous, et du ciel vousi
entendrez la voix du repos-». —
Selon Edmund Bishop, Liturgica historica, Oxford, 1918, p. 189,
^
la
première mention liturgique de ce texte se trouve dans le supplém. alcuinien au Sacram. grég.,
Muratori II, cxjl. 215 « Requiem aeternam dona ei, Dne », en tant que capitule, quando anima
:
pro tua immensa pietate, gaudia lucis aeternae donare cum tuis sanctis dignare » ce qui, selon
Bishop {le. p. 189), n'implique pas nécessairement que la formule fît dès lors partie de la liturgie
anglaise. En revanche Fr. Cumont {Symbolisme, p. 385, note 3) se fondait sur les épitaphes du
cimetière d'Aïn-Zara (ve-vic s.) près de Tripoli d'Afrique, où la formule se trouve, en tout ou
partie, vingt-six fois, pour penser que V Esdr. est bien antérieur au v^ siècle. Sans doute aussi
faut-il déduire de là
que si l'usage liturgique du Requiem a été, comme le voulait Bishop {Book
0/
Cerne^ p. 35), gotho-gallican avant d'être romain, c'est d'Afrique qu'il sera passé en Espagne
^t en Gaule.
4éo LUX PERPETUA
festé qu'il n'est plus grand amour que de donner sa vie pour qui l'on aime {lo. 15 13\
Ainsi fut inauguré le royaume, selon qu'il avait été dit, Le. 17 2O-21 « La venue du ;
règne de Dieu n'est pas objet d'observation. L'on ne dira point « Il est ici ou il est :
l'on peut employer ici cette terminologie paulinienne et johannique, dans une seconde
naissance, une naissance d'en haut, dans la transformation du charnel en spirituel, et
du vieil homme
en homme nouveau (i). Ce qui revient à dire qu'il introduit dans la
vie de ce monde une perspective d'éternité et c'est en effet dans l'éternité qu'il trouve :
son achèvement, et qu'il obtient, au delà de toutes les restrictions, conditions ou moda-
lités de ce monde, en union avec le Père céleste ( ^), la vie éternelle dans la lumière
sans déclin... et Liix -per-petua luceat eis (3).
Ltix perpétua, lumière sans déclin. Ici se retrouve encore l'influence mazdéenne. C'est
le Garôtman (supra p. 270 ; Symbolisme, p. 179 avec la note 2), splendeur indéfecti-
ble, immense lumière de l'Empyrée (supra pp. 187, 217, 270, 400) où se tenait, au-dessus
de tous les mondes, le grand dieu de lumière, Ahoura Mazda (stipra, p. 270). Lumière
en soi, antérieure à tous les luminaires, selon Gn. i ^ Dieu dit « Soit la —
—
-. •.
lumière,
et la lumière fut », et qui survivra à l;eur destruction, S. Ambroise, De bono morth,
12, 53 (PL. 14, col. 154) « Non Solis istius usus erit aut Lunae neque Stellarum
:
(1) Les raisons invoquées par Loisy (Synopt. II, pp. 402-403) contre cette interprétation ne
sont pas décisives. TertuUien, Adv. Marc. 4, 35 (PL. 2, col. 448) admettait déjà que le texte
devait s'entendre en ce sens que le royaume de Dieu est dèsi à présent à notre portée «
quis :
non ita interpretabitur intra vos est, id est in manu, in potestate vestra, si audiatis, si faciatis
Dei praeceptum ? »
l'Office romain l'antienne pour le Magnificat au Commun des Martyrs (vers le ix^ s. selon Bâu-
mer, Hist. du Brév., tr. fr. I, p. 93) -.
« Lux perpétua lucebit sanctis tuis, Dfie, et aeternitas
misericordiam sempiternam [immensam], ut eam, mortalibus nexibus expeditam, lux aeterna pos-
sideat ».
(5) Is. 60
19 Erit tibi Dns in lucem sempiternam » ; Ps. 35 ^o
: « « In lumine tuo vide- :
.
bimus lumen Apoc. d'Elie, 2 3-8, éd. G. Steindorff (7'. U. XVII, 3, p. 37)
» ;
« Ist keine :
Pinsternis an diesem Orte noch / Nacht ? » Er erwiderte mir « Nein, denn der Ort, / an dem :
die Gerechten sind und / die Heiligen nicht ist Fânsternis an/ jenem Orte, sondern sie sind / i"
dem Lichte aile Zeit ». IV Esdr. T^^^, Gry (le. p. 217) « La mort est bousculée et la vie se :
est
Act. 7 55
dit,
« Cum autem esset plenus Spiritu sancto, intendens in caelum, vidit
:
gloriam
Dei 'Hin"! "llS,!!!!!) et Jesum stantem a dextris Dei. Et ait Ecce video caelop :
Ps. de Sal. 3 16, éd. Viteau, p. 270. Cf. Passio S. Perfeime 11 (éd. Armitage Robinson,
(1)
T. and St. I, p. 78) : « Viditnus lucem immensam » 12 (p. 80)
(tpw; X'JiixTtp6ra-oy e'iîo^sv) ;
agios,
sine cessatione ».
ADDITIONS ET CORRECTIONS
p.
ADDITIONS ET CORRECTIONS 463
P.
464 LUX PERPETUA
P. 94 note 3, /i?"e supra, ch. I, m, p- 56.
P, 95 ligne 9, lire Byiîance.
P, 98 note 2, lire stfpra, ch. I, m, p. 65.
P. 104 note 3, lire infra, ch. VII, p. 320.
P. 120 notes I et 3, lire infra, ch. IV, p.
191.
P. 123 note 5, lire infra, ch. V, p. 235.
P. 125 note lire supra, ch. I,
p. 78.
P. 131 note 4' lire infra, ch. V, p. 256.
P. 135 ligne 9>
lire j'entends.
P. 136 note 3 lire ch. VIII, p. 344.
P. 139 note I lire ch. V, p. 241.
P. 143 note 2 lire ch. VI, p. 284.
P. 146 note I lire infra, ch. VI, p. 298.
P. 14g note 4:
lire Bpyancé, infra, p. 163, n. 2.
P. 153 note I lire citée infra, ch. VI, p.
279.
P. 169 note 3» après que les carnassiers le dévorent, ajouter Cf. infra, p. 458.
P. 178 note 3» lire sur les àiopoi p. 321.
P. 179 note 1. 2, lire des
planètes.
P. 181 note 1.
3, lire infra, ch. IV, p. 212.
P. 183 note n. lire infra, ch. VU, p. 326.
P. 1 84 note I lire ch. VI, p. 297.
P. 185 note 3 lire ch. Viil, p. 357.
P. 1
87 note I lire N.C. VIII, p. 400.
note 4:
1.
I, lire ch. VIII, p. 358.
P. 199 note I ajouter Cf. infra N.C. XXIII, p. 418.
P. 200 ligne 10 après s'est elle-même créé ajouter Infra N.C. XXII, p. 417.
P. 209 note 3 ajouter Cf. Ste Catherine de Sienne, Dialogo ch. 14.
P. 229 note 3 au lieu de p. 35 lire p. 217.
P. 233 ligne 12 ajouter Cf. N!c. XXXV, 445.
P. 263 note I
ajouter Cf. infra N.C. IX, p. 404.
P. 265 note 6 ajouter Cf. infra N.C. XXV, p. 422.
P. 266 note 3 après '(8pjff!ç ajouter N.C. XXXI, p. 436.
note 5 lire pp. 347, 357 et 367.
P. 275 ligne I après de le noter, ajouter (pp. 11, 14, 236).
P. 277 note I
ajouter Infra N.C. XI, p. 406.
P. 282 note 2 ajouter chez les Slaves, gâteaux préparés pour les morts, en forme
:
P- 345 ligJie 26, a-près les pays méditerranéens ajouter N.C XXIII, p. 418.
P. 346 ligne 5, a-près xine nécessité de sa nature, ajouter N.C. XXVIII, p. 433.
par
P. 348 ligne 8, à l'Etre parfait engendre donc éternellement, ajouter en note L'Is- :
lam professe au contraire, Qor. 19 3", 252, 112 3^ q^e Dieu, en raison
de sa perfection même, ne peut engendrer.
P. 357 note 7, ajouter N.C. XXV, p. 422.
p. 364 note 5, ajouter N.C. XXVII, p. 429.
P. 371 ligne 3, a-près ont perpétrés sur la terre, ajouter Infra N.C. XXVI, p. 428. :
P. 411 in fine, ajouter en note Suivant Ch. Picard, Les Religions préhelléniques
:
le corps, elle n'y laisse que son ombre, le strict nécessaire pour
maintenir la vie du corps. Elle cherche ensuite à s'élever vers le
lieu de son origine elle parcourt de nombreuses régions en montant
;
d'échelle en échelle sur son parcours elle vient en contact avec les
;
cellant 12 « Du mal, c'est nous qui sommes les auteurs par notre
:
libre choix Dieu, lui, n'en est pas l'auteur (Festugière, Xlrois dévots
:
sel von G. dans Jahrb. des deutsch. archaeol. Inst., 1915, pp. 1-96 ;
Grenier, Les Celtes, p. 278 Dumézil, Festin d'immortalité, 247 ss.
;
P.
422 note 3, sur l'obligation qui incombe aux femmes de dénouer leurs cheveux au
moment de recevoir le baptême, ajouter Cf. dans l'ordalie de la femme
soupçonnée d'adultère, A'«. 5
^^ « Puis la femme se tenant debout
:
ufAÏv èyà) Séffjjitoç èv XpuTtï), SôSslt; oûx àl'j<j£!jt utOï^paTç^ àXXà toTç àXÔTOiç
note 2 (d'après Lassen, Ind. AUert. I^, p, 500), les Kâfir (Daradas)
mangent rituellemenf des raisins sur la tombe des morts.
P. 429 N.C. XXVI, Sur la punition des réprouvés, ligne iz à la fin du paragraphe,
ajouter Rapprocher, F. Cnmont, La plus ancienne légende de saint
:
otpGxXjJiwv ïuxmxcd. Non devant Dieu, comme dans le latin, mais devant
lui » c'est-à-dire devant leur auteur. C'est cette personnification, cette
objectivation des actes de chacun qui me paraît caractéristique du
mazdéisme et peut-être déjà du fonds commun indo-iranien.
P. 435 note 3, ajouter Lexique de Photius, s. v. xstôéSpa
:
xaOéSpa iT^ izpûfz-^ 'hl-^^pf :
et les siens se retirent à grand hâte de chez les Cicones où ils lais-
sent quelques compagnons morts, Od. 9, 65-66 :
itp'v
riva xtov SsiXwv
Éxàpwv xplc;
£-/xaxov àuaai/ o't Gavov èv irsôd;) lùx.dvcov ûico STjwOévxei; Cf. en
outre Rohde, Psyché^ trad. fr. pp. 54 et 135.
P. 438 note à commencer ainsi
I, Cf. Dhorme, Religions de Babylonie et d'Assyrie
:
en paradis ».
P. 453 note I, ajouter in fine : cruche d'eau pour les morts, le 2 novembre, sous le
manteau de la cheminée en Auvergne, Ulysse Ronchon dans Journal
des Débats, 4 novembre 1941.
P. 457 note 2, ajouter in fine Zohar I, 69 A (Pauly I, p. 406)
: : « Car chaque
homme est pourvu d'un os impérissable sur la terre ;
et c'est grâce à
lui que le corps sera formé à nouveau à l'heure de la résurrection;
cet os sera au corps ressuscité ce qu'est le levain à la pâte car c'est ;
par lui que le Saint, béni soit-Il reconstituera le corps entier ». Cf.
!
— A
leur époque, pro- "Ayvw(ttoç 419. V. —
Apophase, « Docte
pagation du mazdéisme en Mésopotamie et ignorance », Inconnaissabilité.
Asie mineure 144. Agricola 133.
Achéron 65 ; —
séjour de pâles ombres 190. Agrippine, son assassinat 319.
Acheruntici libri 277 ; — attribués à Tagès Ahori =Immaturi ôéwpot
=
19 ; 322 ; —
9 ; 60 ; 61. —
Rôle des Pythagoriciens chez Virgile 84 306 ; 309 ; chez Plu- —
dans leur composition 277. tarque 315
— ;
res syriens établis dans le monde grec Ahriman XVIII 99 100 370 ; — son
407. royaume 217
;
— ; ;
294 — ;
déenne 144
(auYYev£Ï(;)
159 — assimilées à eux 135.
d'outre-tombe 297 deux A. guidant — — Ames
;
aériennes 78
;
—
le char impérial (diptyque de Londres)
;
et
297 ; —
A. lâché du sommet du bûcher douteuses ibid.; — A. ombre 408. —
et
;
du cosmos ibid. ;
— suivant les
enlevé par des oiseaux 295. loppes éthérées quand elle vient s'enfermer
Alexandre d'Abonotichos 153 404 note dans un corps 4 ; se revêt, en des- —
— recommande de
; ;
Aliments dans les tombeaux 29 ; — sur les 353 ; — descend volontairement l'échelle
tombeaux 34 tombés sous — la table des êtres pour s'enfermer dans un corps
;
et laissés pour les morts 36. qui la souille, 353 ; 364 ; selon Por- —
Allah; XXI, n. 1. phyre, alourdie par l'humidité de l'atmos-
Allégorie, système d'interprétation des légen- phère 216 ;
—
selon Plotin, projette son
des antiques 150 236 chez les néo- — eiddlon dans la matière 354 ; illumine —
platoniciens 370 ;
;
—
empruntée à des réa-
;
A. du moribond — ; ;
— l'A. 364 ; —
elle ne conserve que virtuel-
formation et sa dissociation suivant Epicure lement ses facultés inférieures 358 ; -~
124 ; —
ne survit, selon les Egyptiens et oublie les choses d'ici-bas 359 ; iden- —
les Stoïciens, qu'autant que le corps est tifiée à Dieu, n'est plus une âme, et cesse
INDEX 469
de penser pour être semblable au Bien, qui Andanie en Messénie, inscription 239.
ne pense pas 359. A. conçue par le — Ane 203. v. Anon.
néoplatonisme comme purement spirituelle Anges et démons 231 — psychopompes 257
385 —
au plus haut degré de la vie 300 — A.
;
(dit) 61 ;
—
chez les Etrusques,
— et peut-être toute connaissance en s'iden- 277.
tifiant à l'Etre 378. Selon Numénius A. — Animation des statues antiques 437.
se présentent après la mort aux juges infer- Animaux, échelle de valeurs morales compre-
naux au centre du monde 345 sur ;
— nant hommes et animaux 202 ; mé- —
terre, comme dans l'Hadès, tourmentées par tempsycose d'homme à animal 197 ; 203 ;
des démons vengeurs 353. Voyage de
— 364;
—
son impossibilité selon Porphyre
l'A. après sa mort 12 dans l'atmos- ;
— 368 376.
Antesthéries 82 ; 397.
Soleil dont elle est issue 180 devient ;
— Anthobolîa, offrandes de fleurs 50 ;
— dans
une étoile, idée populaire admise par les le culte de Bouddha 416.
anciens pythagoriciens 183. — L'ascension Anthropocentrisme XXVII 8 9. ;
— ;
—
Apocolokyntosis 202 ; 281 ; 395. dans les temples et sur les tombes 50-51;
Apocryphes chrétiens, connaissent le fleuve — dans le culte de Bouddha 416.
de feu 228.
Arrien 117.
Apollon Musagète assimilé au Soleil par les
Artâ-Virâf-Namak, livre mazdéen, dénombre-
pythagoriciens 179.
— ment des péchés et supplices 222 con- ;
—
Apollonius de Tyane 152 ; 228 ;
évocation
naît une catabase de Zoroastre 396.
d'Achille, chant du coq 410.
Apophase 419 ;
— v. ^yvcoo-coç,
• « Docte
Artémidore de Daldis, Oneirocritiques 92
— ;
— A. orientale 308
;
;
mal-
fait qu'en passant aux supplices
allusion étoile,
d'outre-tombe 220. chanceux 172.
Aristote XXIII ; 111 ; —
influence de Platon «xaooi = insepulti 310 393 458. —; ;
v. /«-
Ataraxie 141.
décroît devant celle de Plotin 346. 259.
Atargatis, déesse syrienne de Hiérapolis
Ari^stotélisme, renaissance de l'A. 381. — Athénagore sur la Résurrection 449 n.
1 i
Athènes, Ecole d'A. fermée par Justinien en Bacchus, ses Mystères 221 ; 250 ; enfants —
529 346. V. Académie.
:
— initiés' 323 ; —
v. Dionysos, Bakkhos,
Athéniens morts à Potidée 146 ; 333. v. — Bactriens XVII.
Céramique. Baiser au moribond pour recueillir son der-
Athénodore de Tarse, maître d'Octave, 159. nier souffle 78.
aôsoç 8. Bakkhos, myste transformé en B. 255 ; 258.
'Atiyah Dârânî, mystique musulman 434. Balayage de la maison évité le soir 192.
Attnan 418.
Banquet funèbre 36 268 391 ;39 v. —
Atmosphère traversée par
—
les âmes 174-175; Cathedra Pétri —
;
en l'honneur d'Epicure
; ;
177 ;
selon Porphyre, habitat des démons 134. — ;
—
B. de feu 282.
302 — étudie Plotin et 383
413 — dans Retractationes,Porphyre
;
réserve sur
;
le
Barbares exclus des Mystères d'Eleusis 240
423 ; —
non du baptême ibid.
;
;
néoplatonisme 383
— sur la connaissance Pardesane XXI, n. 4.
de Dieu 419 — purification par le feu ;
—
Barque pour le voyage de l'au-delà 283 ;
;
— ;
sépultures égyptiennes ibid. ; en Grèce —
cration, rite funéraire 442
= — Suicide. ;
v. pi»ij.''ç. 284 —
dans les tombeaux méditerranéens
aùtâj^Etp
suicide 335; 444; v.
ibid. ;
;
—
dans le Christianisme 286 ; v. —
Autopsie, vue d'un dieu face à face 360;
— conversation seul à seul avec lui 362 Nef, Benoît (Fernand).
— V. Contemplation, Vision. ;
Basile (S.) 380.
chant du coq 411.
Averne, entrée des Enfers 56 — près de ;
Basile Mégalomitès,
Babylone XIX
—
centre d'études à l'épo-
;
Bellérophon 288.
Benoît (S.) contre l'usage de chaînes 424.
que des Achéménides 144.
Babylonie, barque pour le voyage de l'au- Benoît (Fernand) sur la Barque dans les
delà 283 ; astrologie 309
— 311 ; 312. ;
monuments funéraires 283.
Bacchanales, interdites par le sénatus-consulte Berdiaëff (Nicolas) XXVIII.
dç 192 253. : Bérose 311,
472 LUX PERPETUA
BéfuUe sur la formation du foetus 415 — transfiguration ibid. ; héros solaire —
contre l'usage de chaînes 424.
;
ibid. ; —
caractère funéraire de son culte
Béthel 439 ; 440. ibid, >
PiatoOâva-cot 306 ;
— v. Biothanates. pôpSopoi;.
; ; ;
— ;
ibid.;
— Nectar 258 — Ambroisie 305 ;
1 ;
;
Bishop (Edmund) sur le Requiem 459. Byzance, cadavres des criminels enfouis dans
Bistâmï, spiritualisation du paradis qoranique un charnier infamant 340.
302.
Bithynie, ermite de B., martyr, enfoui avec Cabires de Samothrace, dieux de la mer 239.
les Biothanates 340. Cadavre, son impureté 18. v. Mort. c. ou —
Blanc, vêtement b. au baptême et dans les portion de c. ou objet ayant appartenu au
Mystères 422 ; —
linceul blanc des Pytha- mort, nécessaire pour l'évoquer 104 ; 107 ;
goriciens 155 (cf. 405) cyprès blanc
— 320.
277 ;
—
coq blanc 409.
;
6 613, 212. V. Héraclide Pontique. tinguent des étoiles les planètes ibid. ;
—
Catalepsie 93. opposés par Jamblique aiax Egyptiens com-
Catastérisme dans les légendes d'Hercule, Cas- me s'adressant aux dieux, non aux démons
tor et PoUux, Persée et Andromède 183 ; 374.
— sa généralisation (Cicéron) ibid. Champs Elysées prés fleuris 255 ; 326 ;
—
Cathares XVI ; 219. v. Mâni, Mazdéisme, ramenés des Iles de l'Océan à rHadès68;
Pauliciens. — dans la Voie lactée 182 ; au dessus —
Cathartique d'Eleusis 240 403 — des du soleil et des étoiles 184 n. 2 séjour
—
théurges 368.
; ;
sant ripaille 21 ; —
stèles funéraires en lios 291 —
ch. funéraires ornés d'emblè-
forme de maisons 25 ;
— à l'époque de la
;
Charon, étranger à l'ancienne religion ro- Chrysostome (S. Jean), Lampes allumées à
maine 57 ;
—sa barque 64-65. la naissance d'un enfant 50 ;
contre —
Charôneïa, entrées des Enfers 56. ceux qui croient que les Biothanates devien-
Cheval, dans voyage des morts chez les
le nent des démons 339.
Etrusques 286
—
ch. et mort 287 ;
;
— Chthoniens (dieux) protecteurs des récoltes et
sacrifiés sur la tombe de leur maître 30 hôtes des morts 64.
287 —
ch. derrière le cercueil d'un géné-
;
287 ; —
chevaux en terre cuite dans les Cicatrices dans les âmes, selon Platon et Stoï-
tombes en Grèce îbîd. ; ch. de Cimon, — ciens 209 —
selon Catherine de S. 464.
fils de Miltiade, enterrés en face de son Cicéron 43 n. 6 ;
;
—
élève de Posidonius à
tombeau 289; —
ch. ailé porteur des morts Rhodes 157 ; —
initié à Eleusis 239 ; 401.
288 —
enlevant le char funèbre 290 — — Sa tendance à l'agnosticisme 162 ; —
;
monture de Sha-
;
—
Bouddha — chevaux sacrifiés
ibid.
'
au
;
— Les
Soleil chez Perses, les
;
Parthes, Mas- les les deux routes dans les Tusculanes 280 —
sagètes, les
Spartiates
— du So- ibid. ch. sur les meurtres commis par les nécromants
;
Yahweh 320 ;
—
TuUus Hostilius enlevé par la
ibid. foudre 331 condamne — le suicide dans
Chevelure, offrande mortuaire 31 — dénouée le Songe de Scipion 336.
;
Cicones 465.
Chevreaux 251.
;
;
— chant du — encore chez S. Paul 144 185 ; Les ;
— ;
ges, les martyrs et les saints 395 ; admet, — Cinvat (pont) chez les mazdéens 143 ;
456.
jusqu'à VEcpyrosis 114 place le Vc^l^ovizôv persion des démons, puis la provoque 230;
dans le Soleil 400.
;
409 ; — C
blanc 145 ; appartient à
—
« Clefs des Songes » 92. Ahoura Mazda et à Mithra 411 ; oiseau —
ps.-Clément de Rome, Recognitiones 87 ;
— de Sin et de Mèn ibid. ;
— en Egée 465. —
voulait consulter un Egyptien sur l'immor- Dans l'hymne Aeterne rerum coitditor409 ;
talité de l'âme 100 ; sur la mort de — — C. noir 411. Coqs à
— la naissance de
Zoroastre par la foudre 331. Jeanne d'Arc 230 n. 2.
Cléobis et Biton 242. Corde de pendu 107 335. C. entourant
;
—
Cléonice et Pausanias 95. les temples pendant les Anthestéries 397.
Cléopâtre mordue par un aspic 337. v. Aspic. Coréens, adoration sur les cimes 411 coq ;
—
Cocyte 65. blanc, animal solaire ibid.
Code pénal français, art. 13 et 14, 444. Cornélius Labéon sur les dii animales 61.
Collèges funéraires 24. Cornutus, l'âme ne survit pas au corps 115.
Colombes attelées à un char qui transporte Corps, geôle de l'âme selon les Pythagoriciens
au ciel une petite fille 296 324. 147 198 ; —
et les Orphiques 245 H. —
Colonie 59.
; ;
Trismégiste 270
—
selon Platon 352.
;
;
—
« Colonnes au géants » IX. C. et âme demeurent unis chez les dieux et
Columbaria 389.. les empereurs 298 ;
—
C. glorieux 430 ; —
Commagène (Antiochus de), mazdéisme hel- C astral selon les théosophes analogue à
lénisé 226 ; 272. l'eidôlon de Porphyre 368.
Commémoration triple des morts 36 ss. 391 Cortospitum, cheval ailé monté par un empe-
— dans l'Eglise byzantine 172.
; ;
Croissant 323 ; —
associé en Afrique sur les
la divinité divinise 359 ; C. paulinienne —
;
ib.
Déméter et Korè 239 ; 323 —
micile à Rome X — sépulture XI — ;
— ; Leurs Mys-
— opposition ;
— mis en fuite par le lever du jour 49; —
jugements préconçus XIV —
aux préjugés d'école ibid. — souveraine ;
;
d. assigrié à chaque ipdividu 79 ; par-
liberté de l'esprit XI — bienveillance en- fois deux, l'un mauvais, l'autre bon ibid. ;
— —
vers chercheurs XII
les — ;
qui accompagnent le mort 278
d. ;
Cupidon 326.
— divinité des être essentiellement mauvais 88 228 ; ;
—
Cybèle, ses Mystères 407
morts 263 — adoptée en 205 avant J.-C. ;
selon Platon sont le lien qui unit le tout à
—
par le peuple romain 259
— enfants
;
;
ini-
lui-même 80 ; messagers entre le ciel et
—
la terre 228 ; selon Porphyre, habitent
tiés à ses Mystères 323. v. Terre.
= l'atmosphère 368 ; esprits bienfaisants
—
Cycle de la génération x'jx>.o; y^"'^'^^'»"^
intermédiaires entre les hommes et la divi-
199 246 ;
418. C. cosmiques 114 ; 199 ;
;
nité 217 — d'autres sont mauvais, àvrl-
418.
6eoi ibid.
;
;
— bienveillants 333 —
d. ;
d.
Cymbale de Cybèle 263. assistants (=des thaumaturges
irâpsSpoi)
Cyniques admettent le suicide 336. 97 ; —
d. trompeurs, selon
Jamblique, sans
Cyrille de Jérusalem (S.) sur la vénération
puissance sur les âmes pures 375, Sup-
—
qu'inspirent les foudroyés 331.
pôts de Satan chez les Juifs 231. v, 6af|Ji.tov,
Cyrus XIX.
Dévas, Djinns.
Daêna 417. Dendrophores 261.
initialement, force impersonnelle 78 ; ps.-Denys l'Aréopagite, propagateur des idées
Safjjiwv,
— plotiniennes 384 traduit par Hilduin —
puis individualisé et chargé d'une fonc-
tion particulière 79 ; — 8. ou 384 ;
—
puis par Scot Erigène ibid.
;
Purgatoire dans
— 355.
une île
;
;
— symbole du voyage des
377 ;
— D. = acte ancien 429.; 466.
morts 286. Destinée librement choisie avant la naissance
Débauche = àawTet'a 279. 200 417.
;
Dédale, interprété en symbole de l'âme qui Déterminisme 304 308 321 — D. stoï-
;
—
;
implique la
INDEX 477
négation d!u fondement môme de la reli- Dis Manibus, scepticisme des formules 132.
gion 123 ;
303. Disputer 76.
Devix voies 278. Disque ailé, image du Soleil, XIX, n. 2 292 ; ;
Dévas, démons malfaisants soumis à Ahri- 294. V. Ahoura Mazda Nergal Roue ;
man 218 ;
229 ; 404 ;
— se répandent la Shamash, Soleil. — ;
Disques de Tarente et
;
possession par l'âme d'un abore 341 ; 465; Hermès psychopompe 297.
— relation avec la métempsycose 412 ; — Dormeurs préservés de la foudre 329.
Dante et le Dibbouk 341-342. Douanier céleste = teXiov/)!; 299.
Dicéarque 112. Double, sa vie indécise' dans le tombeau 57;
Didachè, Les deux voies 281. 350. V. eidôlon ; ombre.
la
;
peine de l'Enfer
Loisy XXV, n. 3.
—
D. sauveur, mourant
;
peuvent être punis de leurs fautes, au-des- Droit bon 280. v. Gauche.
sous de l'Hadès, dans le Tartare oh. ont été 8p(i[A£va
= drame liturgique 237 240.
précipités les Titans. 371 selon Jam- — Druides, ont peut-être connu le pythagorisme
;
153 ; —
passent pour avoir professé la
supérieurs au Destin et capables d'en déli- métempsycose 198 ; ont peut-être placé—
vrer les hommes 377. dans la lune VOrbis alius, séjour des âmes
Diogène d'Oenoanda en Lycie, inscription épi- 173.
curienne 128. Druzes, professent la métempsycose 198.
Dion Chrysostome, théophanie de Zoroastre Dualisme chez Numénius 344.
430. Dusarès arabe 259.
Dionysies de Tarente, 253.
Dionysos, culte originaire de Thrace et de Eaque 67.
Phrygie 250.
—
D. et Rosalies 45 ; dieu — Eau fraîche pour les morts 268 277 453
des morts en Grande Grèce 253 ; mort — n. 1 466. — Libations d'eau 30
;
;
;
34. —
et ressuscité 255. —
Mystères de D. en
;
pédition de D. dans les Indes 290. v. Bac- Echelle, amulette en bronze dans les tom^
chus. beaux sur la frontière du Rhin 282 — à
Dioscures, symboles des deux
hémisphères Naples contre la iettatura 283 ; chez les — ;
192 ;
— à droite et à gauche du cheval Egyptiens 282 ;
—
dans les Mystères de
ailé 288. Mithra sept portes, chacune formée d'un
:
478 LUX PERPETUA
métal différent 186 ; 282 ; en Chine — sins et Barbares en sont seuls exclus 240
282 ; —
en Thrace ibid. ; dans le man- — — initiation des enfants 322.
;
déisme ibid. ; —
dans la magie 283 ; — Elle, prophète, enlevé par des chevaux de feu,
dans les Actes de Ste Perpétue 282 — ; peut-être ceux de Shamash 292 ;
— Selon
dans le christianisme byzantin 283. — Echelle Paulin de Noie a suivi la Voie lactée 281;
de Jacob chez Philon et Origène 282 — ;
— Apocalypse d'Elie 226.
chez Jean Climaque 283. è).Xa[JiTCE'ïv 413.
Eckhart (maître) subit, par leps.-Denys, l'in- Eloge du défunt, de mortuis nil nisi bonum 35.
fluence plotinienne 384. — Sur la formation Elvire, un canon de ce concile interdit d'al-
du foetus 36, n. 7 ; 414. lumer des cierges, le jour, dans les cimetiè-
Ecosse, fées des sources 325. res 50.
Ecpyrosis 114 225 390 452 — selon les Empédocle, ignore les tourments et terreurs
Mazdéens 270
;
— ;
de l'Hadès 201.
;
8-25
représenté dans les Endor, Saûl et la pythonisse d'E. / Reg. 7
des Morts, prescriptions pour trouver le 99.
chemin des Champs d'Aalou 276. — Barque Enée 33. v. Virgile.
pour le voyage de l'au-delà 283. Enfants, dans des vases sous le sol
enfouis
Egyptiens 264
— croient qu'on peut attein-
;
de la demeure 388. —
E. morts avant leur
dre le Paradis par une échelle 282. v. septième mois ne sont pas incinérés à Rome,
Momie Echelle. mais inhumés ibid. —
E. à garder soigneu-
e'îSwXov,
;
âme-image
i^^-fy\
298 ; 350 ; 408 ; 18 tiés aux Mystères d'Eleusis 322 ; de Bac- —
413 ; —
projeté par l'âme dans la matière
;
354 —
s'échappe avec l'âme du corps (v. Ahori) ;
—
héroïsés pour leur savoir
;
moribond 181 —
peut reprendre l'appa- 296 324 ; -^ E. vierge utilisé comme
rence de l'être vivant 90 ;
;
apparaît en
— ;
médium 106. —
Enfants morts sans bap-
songe 190.
—
Son voyage outre tombe tême 327 ; 443. V. Oblats.
276 ; —
seul peut s'élever vers les Iles Enfer, au sens moderne du mot 223 ; la —
Fortunées 120 ; 298 ; difficulté d'ima- — peine, selon le Zohar, en dure douze mois
giner sa descente dans l'Hadès 191
— 415 —
vide jusqu'au Jour du Jugement
E. d'Héraklès aux Enfers 190 ; E. selon — ; ;
449. V. Géhenne.
Porphyre est un t:v£U|j.x qui enveloppe Enfers souterrains, l'idée en persiste jusqu'à
l'âme comme d'un nuage 368. v. Ombre. la fin du monde romain 75 ; le tombeau —
3 n. 2. en est l'antichambre 55. Leurs entrées —
el|i,apixivTf)
SX xa6apu)v xaôapdt 406. 56. —
Vie morne et anémiée des morts
Eléments, purification par les é. 209 265 ibid. —
Nulle distinction de mérite entre
270 403.
; ;
eux 66 ;
;
—
sauf en ce qui concerne Titye,
;
Er l'Arménien 65
;
—
mythe interprété par
Ennemi 238. v. Etranger, Hôte, Hostîs. Numénius 345 —
;
influence chaldéo-iranienne
posé d'âme, corps, eidôlon 190. Sur les — 148 ;396 417.
eidâla dans l'Achéron ibid. ; foudre dans — ;
223-224 ; —
description du Paradis 302 ; Eschyle, dans les Perses, évocation de l'ombre
— onction de l'autel 440 n. 3. de Darius 99 ; 104 ; dans Agamemnon —
Epicède =
consolation, thème des Mânes •nâOsi
[j(,âOoi;
237 note 2.
accueillant le mort 59 395. Esclaves admis aux Mystères d'Eleusis 241.
Epicharme 146.
;
—
Le monde, tourbillon Etienne (S.) protomartyr 460.
d'atomes ibid, ; —
Le Soleil s'enflamme cha- Etoile au ciel attribuée à chaque homme 172;
que matin et s'éteint chaque soir 195 ;
— — E. du matin et du soir 297 ;
— E. fixes,
comment s'expliquent les fantômes (eidôla) leur sphère, limite du monde, donne le
125 ;
—
plaisir, du ventre, source de tout branle au système céleste ; doit être adorée
bien 141 n. 2. comme Dieu suprême 5.
Epicurisme, sa disparition au cours du iv^ s. Etranger, ennemi, hôte 238 ; 256. v. Hostis.
127. —
Epicurisme et Stoïcisme 141. Etre parfait, engendre éternellement le Nous
Epigène, source de Clément d'Alexandrie et ou Intellect 348.
de Suidas, attribue plusieurs écrits orphi- Etrusques, syncrétisme dès le v^ s. avant
ques à de vieux pythagoriciens 248. J.-C. 61
— croient que les morts habitent
Epiphane (S.) 39 ; —
sur l'épreuve du feu leur
;
tombeau 60 ; —
hypogées suivant le
453. plan de leurs demeures 25 ;
— festins re-
Epiphanies de dieux et de héros 86 ; ga-
— présentés dans les tombes 39
— sacrifices
rantie de bonheur dans l'au-delà 360. humains sur sépulture 31
la — pompe ;
Romains 60. —
;
guste 213.
— E. de Macédoine 255. — E. sent pour avoir professé la métempsycose
métriques et E. en prose 74. E. épicu- — 198 — croient à des Enfers souterrains
;
;
—
Ckjsmos 8 ; 160 ; 305 ; promesse de
— brûle sans éclairer 227. v. Pleuve.
béatitude outre tombe ibid. ; devant le — Fèves 396 397. — F. noires jetées pour
ciel étoile 160 302 — anticipation de rassasier les
;
Fatalisme sidéral 329. doux comme du chaud pour lait les justes,
Fatalité 303 311 ; —
seuls les théurges y ardent pour impies 225.
— Assimilé au
les
échappent 364.
;
Fontenelle 175,
INDEX 481
Frazer sur les Biothanates 317 ; sur les — 12. Copernic Galilée, Héliocentrisme.
v.
f.
religieuses 22 ;
—
encore aujourd'hui en
;
24 — Usages funéraires des Orphiques 405. Gobryès, mage dans VAxiochos 193.
— Caractère f. du culte de Bouddha 416. Grande-Grèce, importance, dans sa religion,
Punus imaginarium 24. du sort réservé aux défunts 62.
Fustel de Coulanges XX ; 18 ;
41. Grande Mère, influence de ses Mystères en
raXa^i'ac 174 280. ;
Gaule 173. v. Cybèle.
« Grandes années » 3.
Galilée, importance de sa découverte 4 ; 188, Grèce, croit à des dieux chthoniens protec-
V. teurs des récoltes et hôtes des morts 64 ;
Copernic, ^Géocentrisme.
« Galiléens » selon
Julien l'Apostat 379.
— n'est pas, dans la civilisation, un mira-
Garôtman, lumière de l'Empyrée où siège Grec, langue liturgique des Mystères 260 ;
—
Ahoura Mazda 143 ; 270 ; 460. v. Em- de l'initiation baptismale à CP. 423, n. 4.
Grecs, v. Hellènes.
pyrée.
Gâthâ avestiques 225 451 ; ;
— connaissent Grégoire le Grand (S.) contre l'usage des
le fleuve de feu 455. chaînes 424. v. Chaînes.
3t
482 LUX PERPETUA
Grégoire de Tours, sur deux tombes aban- Hélios, char des morts outre tombe assimilé
données 27.
"^
à son quadrige 291 ; 301. H. anagogue —
Gremium Abrahae 454. ibid. —
Lien qui l'unit à Julien empereur
Griffon, animal sacré d'Apollon 289 ; 290 ; 380. v. Soleil, Nergal, Shamash, Ahoura
— portant sur sa croupe une figure voilée, Mazda.
dans un tombeau de la Voie Latine ib. Hellanikos 249.
Gry, sur le IV<^ livre d'Esdras 448. Hellènes adorent comme Héros les guerriers
Guerriers héroïsés en Grèce 308 ;
— G. tom- morts en défendant la patrie 1 ; 332 ; —
bés en combattant considérés comme dan- s'humilient devant la sagesse barbare 344.
gereux revenants 306 ; 332. v. Croisés, Hénoch, selon Paulin de Noie, a suivi la Voie
Islam, Platon. lactée 281. —
Apocalypse d'H. 226 ;
—
Guillaume de Moerbecke, traducteur de Pro- source de V Esdr. 459.
clus 382.
Héraklès, au ciel avec Zeus, son eidôlon aux
Guirlandes de fleurs 44 ss. v. Fleurs. Enfers 190 —
festoie dans l'Olympe quand
Gundestrup, vase de G., chaudron à cervoise
;
monstres 64 77 220
;
sa représen-
; ;
—
;
Héliocentrisme, détruit les localisations affec- Hésiode, maître infaillible de toute science
tées à la vie d'outre tombe 4 ; 12. v. Géo- 193. — Les deux routes de la vie 278.
centrisme, Ck)pernic, Galilée. Hiérapolis, aigle prenant son essor et tenant
INDEX 483
la couronne, sur les tombeaux en Syrie du Hypéride, éloge des victimes de la guerre
Nord 294. lamiaque 333.
Hiératiques (vertus), cinquième classe, et la Hypnos et Thanatos 42. v. Sommeil.
plus élevée, des vertus selon la classifica- Hypogeion, point le plus bas de l'hémisphère
tion de Jamblique 377. inférieur ; on y situe les Enfers 191-192 ;
Hiérophante, Plotin ne se considère pas com-
— obscur, notion détruite par les astrono-
me un H. 360. mes 195.
Hindous, leur sagesse en Grèce 399 ;
409. v'. Hutte, forme fréquente de l'urne cinéraire
Inde. 15 ; 25.
284; — Grèce,
transférées dans le Soleil et la Lune
— porté par un aigle 295. 146; 175; 242; 284; 286; 298. v. Champs
Homme, roi du monde 8 — microcosme, selon Elysées.
les Stoïciens 113 — ;
Pline, Plotin 190 ; 449 ; détermine son — plotinienne 358. I. bouddhique 416. —
propre avenir 200 ;
—
mutilé par Epicure lUyrie, chars inhumés 290.
10 ; 124 ; 141. Imagination, selon Porphyre, tourmente les
Honneurs funèbres, leur refus empêche le re- réprouvés 371 ; 428-429.
pos dans l'au-delà 340 souvent refusés ;
— Imagines majorum à Rome en tête du convoi
aux martyrs chrétiens ibiil. v. Funérailles, funèbre 58 394. ;
—
les meurtres commis par les nécromants dans les Upanishads 147. I. luni-solaire —
320. — T^irtus recludens immeritis mort 146 181 —
empruntée par les Pythago-
caelum 333. riciens
; ;
—
Indefessus (= à-/â[jLaTov) ignis 452. I. trouvés à Mâdinet-Mâdi 407. Enfants —
Indiens Mojave, voyage d'outre-tombe à tra- initiésà ses Mystères 323.
vers un labyrinthe 276 n. 1.
Islam, description du Paradis 302. Le guer- —
Individu, prend une dignité nouvelle de la rier mort dans la voie d'Allah est Sahid
fin de la République au déclin de l'Em- 334. —
Dieu considéré comme Erôs 433.
pire 3. ^ Istar, sa descente aux Enfers 396.
Inhumation et incinération 57; 387. I. sous — Ite, missa est 423. v. Congé.
le sol de la maison 388 retour à la — Ithyphallique 251. v. Phallus.
Mère Terre 390 prévaut à Rome sous
;
— ;
Inscriptions funéraires ignorent la métempsy- Jacob, lutte avec l'Ange, Gn. 32 24-31, 410.
cose 206. —
I. d'Andanie en Messénie239.
Jamblique- 420 ;
—
le plus illustre disciple
— d'Antiochus de Commagène 226.
I. — de Porphyre 372. —
Ressemblait aux dieux
I. chrétienne sous le portique de St-Pierre ibid. ; —
Hiérophante et thaumaturge 373
—
;
les Ora-
22 ;
;
— ;
;
393 ;
— Levant 344 —
Hadès entre terre et Lune
selon Porphyre, retenus en deçà de l'Aché- 312 ;
— ;
"Axacpo'., Funérailles, Honneurs funèbres. mais les âmes n'y demeurent pas à jamais
Inspiration des poètes 324. 376. —
Explique, dans le de Mysteriis, à
Installation de l'âme dans le tombeau 436. v. quels signes on reconnaît les esprits évo-
'(Spufftç, Intronisation. qués 374 ;
— ajoute une cinquième classe,
INDEX 485
gladiateurs 32.
chez lui des traces d'agnosticisme 421.
Junon et" Proserpine 192.
Jean Diacre, Lettre à Sénaire 426.
Jupiter S. — et Pluton inférieur
J. céleste
Jeanne d'Arc, chant de coqs à sa naissance 192. — Summus
Exsuperantissimus 187 ;
J.
230 n. 2.
—
J. d'Héliopolis 259. v. Zeus.
Jeans 7.
lait et miel 426 — vin et lait Juste Lipse X
—
à propos de Sénèque 165.
;
Jérôme (S.) ;
du Soleil 379 ;
— Kronios, pythagoricien, source de la théorie
se considérait comme fils spirituel du Soleil de Porphyre sur l'Hadès 370.
292 380 — pressé par Maxime de se Kronos, selon Porphyre, règne sur le Tartare
faire
j
initier
;
243 ;
— initié par Maxime 371.
à la théurgie et aux mystères platoniciens xjxï-.i'V 418. V. Breuvages.
379 ; —
initié à Eleusis 402 ; -——réclame xjxVj; yîvéato); 199 ; 418. v. Cycle.
le commentaire de Jamblique sur les Ora- xuvoSofOTOc; 316 ; 458.
cles chaldaïques ibid.
— interdit la lec-
ture d'Épicure et de Pyrrhon 128; raille
;
aériens,
;
nocturnes et dangereux
;
Loup 203
— offert à Ahriman 99.
398.
;
char de
fête des esprits errants dans l'atmosphère Phébus ou prendra le sceptre de Jupiter
ibid. — nocturne et néfaste ibid. dans le ciel suprême 182. v. Stace.
Lesbos 317. Lucien. 39 40 ; —
imitateur de Ménippe le
Lesché de Delphes 64 ;
220. Cynique 75.
;
Cataplus 307
— dans son ;
•—
INDEX 487
Histoire véritable, parodie les idées pytha- Magiciens, voyage au ciel durant la vie 294;
goriciennes sur la Lune 176 ; Icaromê- — 300.
nippe, parodie de l'ascension de l'âme à Magie prétendait évoquer les dieux et les
travers les trois cieux 185 ; — Voyage aux esprits des morts 362.
Iles Impies 222
des sur les ailes de — Magna Maier = Grande Mère Cybèle2S9. =
Ménippe 294 ;
—
Philopseudès sur les Bio-
;
—
et chiens tombe 287.
sur la — Description admettent les sept sphères planétaires 185,;
;
— loue Epicure
;
protègent leurs ;
—
aux autres âmes 430-431.
invisible descendants en cette vie et en l'autre 59 ;
Lune, sa sphère, limite entre le monde divin 394 — accueillent ou repoussent les morts
et l'humain 5 ; —
qui est celui du devenir
;
mort à leur
influence 180 ; Veidôlon s'y forme et— tombeau 58. —
guident les morts jusqu'aux
s'y dissout 181.
—
L. associée à la résur- fleuves infernaux 394. « Mânes exite —
rection des morts 171 ; eschatologie
— paterni » 82, 397. — M. de Scipion l'A-
lunaire 176 — sphère de la L. ordre, fricain gardées par un serpent 17. v. Gens,
calme, repos 146 212.
;
Lyra, ouvrage orphique cité par Varron248. Manichéens professent la métempsycose 198.
Lux perpétua XXI XXVI 466 origine ; ; ;
— Manichéisme XIX, n. 4 143 284. M. ; ;
—
de la formule 460. de S. Augustin éliminé grâce à Plotin 383.
Manilius apparente les âmes aux astres 159
Macchabées 334. — sur 303, 308.
la fatalité
;
Macrobe 381 —
hostile au suicide 338. Marc-Aurèle XXVI 38 — ses Pensées 117.
;
Magellan constate l'existence des antipodes 194. Marcellus ou Germanicus enlevé par un che-
Mages occidentaux, v. Maguséens. val ailé 288.
488 LUX PERPETUA
Marius Victorinus Afer, traducteur des En- Message de Fr. Cumont à l'Academia Belgica
nêades 383 414 de VIsagogè de Por-
; ;
— de Rome, XXII XXIV XXIX. ; ;
Marseille, épitaphe métrique d'un marin mort à la fin du monde 225. v. Ecpyrosis, Fleuve
à M. 301. de feu.
Martyrs chrétiens appelés par les païens bio- Métempsycose 197 246 306 ignorée
—
thmiati 339 ; —
souvent privés des hon- d'Homère 197 — ;
ibii.
Maxime d'Ephèse, maître de Julien l'Apostat A'sT2vff!.jjx;'-rwffiç 199.
379 — le presse de se faire initier 243. MeurtrCj l'âme de la victime demeure près
;
Mazdéisme XXI, n. 1 — opposition entre les du cadavre 318 ; 371 n. M. rituel attri- —
deux royaumes de
;
Meillet (Antoine) sur Mithra XIX, n. 2. vin 452. v. Mélikraton, Lait, Vin.
Mélikraton 33; 97; 101; 106; 424. V. Lait, Millénaire, période qui, selon Platon et Vir-
Miel, Breuvage. gile, sépare deux réincarnations successives
Mémento des Morts au canon de la messe 199 ;
200.
romaine 450. Millenium chrétien 452.
Memoriae aeternae 134. Minos 67 —
cherche à modérer la cruauté
;
Ménandre, «
qui est aimé des dieux meurt 380. —
Adoré dans des antres 411
;
—
jeune » 328. identifié au Phanès orphique 249. Son — ;
Ménippe le cynique imité par Lucien 75. échelle formée de sept métaux avec un hui-
Mercure 5. tième degré 282 M. psychopompe 380. —
Merciirhis nuntius 300 301. — Mystères de M., mazdéisme hellénisé
;
;
—
surer la survie du double 16
;
conviée ;
de pureté rituelle et spirituelle, entraînant
au repas funéraire 39.
une rétribution proportionnée, y est tardive
Monique (Ste), peu lui importe sa sépulture 241 — M. d'Hécate à Egine 238 M. —
458.
;
407. — Mystère
Monteleone, char de bronze, attelage ailé 278 ;
chrétien et mystères païens
290.
428.
Montesquieu, admirateur du stoïcisme 113. de Jamblique, con-
Mysteriis {De) ouvrage
Moribond placé sur le sol devant la porte de testé à tort 373 n.
sa maison 21. v. Mourant.
Mysticisme XXIII.
—
M. de Plotin, transpo-
Mors aut finis aut transitus 133. sition philosophique de la dévotion à Isis
Mort analogue au sommeil 16 42 — consi-
359.
dérée comme migration 205 ; vaincue
;
— ;
cité des vivants avec celle des morts 60 Nef de Shamash XIX. v. Barque.
— ouvert trois fois l'an ibid.
•,
noire sacrifiée par les sorcières 104 ; eau — Oenoanda en Lycée, inscription épicurienne
noire du Styx 127 ; — vêtement noir des 128.
anges en enfer 223. OlxouiJ.lvri, île ou continent habité par les
—
identifié avec le Verbe Olympe 298 —
sphère extérieure envelop-
383 —
éternellement engendré par l'Un pant l'univers 182.
;
348
;
—
se contemple soi-même ibid — Olympiodore, notes sur le Phêdon 307.
;
;
—;
vie 66-67 —
condamnent le suicide 336.
Oniromancie 92 —
chez les chrétiens ibid. — ;
379; —
leur influence depuis Porphyre 361. des Mystères » à Pompéi, les stucs de la
— Hécate.
V. basilique de la Porta maggiore 246-247.
—
Oracles sibyllins, originaires de Cumes 62 ; — O. et mystères de Dionysos 249; mythe —
ooiuiaissent le fleuve de feu que devront de Zagreus 322. —
Titans foudroyés par
traverser tous les hommes 227. 2e us pour avoir dévoré Dionysos l'hom- ;
Orbîs alius, séjour des âmes selon les Drui- originelle et la déchéance dont il doit se
des 173. relever 244-245. —
O. et Pythagorisme248.
Orcus, maître du "monde souterrain 57 — Orthodoxie théologique, inconnue du paganis-
nulle représentation plastique ibid. — ;
monstres
; ;
Origène XXII 327 380 —sept cieux 187; Ovide, Mêtam. discours de Pythagore sur le
— voyage des âmes 188
; ;
Echelle de
;
Ormuzd =
;
Pape, constatation de son décès 436 n. 3. Pérégrinus, cynique, son suicide 394.
Paphos, Mystères d Aphrodite 407. Pergame, tombe contenant un cheval de terre
Paradigmatique, quatrième classe, et la plus cuite et des éperons 287.
haute, des vertus selon Porphyre 377. Périclès, éloge des guerriers tombés devant
Paradis perse, tient du jardin de plaisance Samos, 1 333.
et du jardin de rapport 43 ; P. musul- — Ttspt'iîeiTîvov
=
;
silicerniutn 35 39.
man 302 ;
—
P. des Mystères 238. Péripatétisme 112.
;
Patrie, devoir d'y ramener le défunt 23. Philodème de Gadara, Epicurien syrien, pre-
Patrocle, sacrifice de chevaux et chiens à ses mière mention du feu infernal comme uni-
funérailles 287. que châtiment 226.
PauliciensXVI, 219. Philon d'Alexandrie, sur l'échelle de Jacob
Paulin de Noie sur la Voie lactée 281. 282 —
connaissance de Dieu 419 —
Pausanias et Cléonice 95. —
Eleusis 243-244;
;
(pwTiTjjLo? et cs'ÔTtajjia
= baptême 422. l'Achéron 63 ;
— exclusion des Biothanates
Physici 36 ; 307. 312.
Pibéchès, conjuration judéo-grecque contre les Pleureuses à gage praeficae 20. =
esprits des morts 412. Pline l'Ancien, sur les aromates 46 ; sur —
Pierre {Apocalypse de 223 ; 246. — Hipparque 159 ; sur les sacrifices de —
Pierre (âge de la )
)
—
on y croyait déjà en : chevaux et chiens sur la tombe 287 ; —
Italie à la survie des morts dans le tom- homme, composé de corps, âme, etv'/d^o« 190;
beau 15. — nie toute survivance 89 ; 126.
Pierre noire de Pessinonte sur le Palatin 259. Pline le jeune console Fundanus 324 ;
— à
Piganiol, sur lesorigines de Rome 389. Sura sur les fantômes 89.
Pin, emblème de l'immortalité 261 ; iden- — Plotin XXIII, XXIV, 345, 381 — mort en
tifié à Attis ibid. —
couronné de violet- 270 372 :
— ses dernières paroles à Eus-
;
tes, lié'
;
de son
Pirithoûs 66. vivant 382 — ne s'attache qu'au fond, et
;
communiquent chacune aux âmes les quali- phie, la détourne du rationalisme aristotéli-
tés et passions qui leur sont propres 6 cien 346 383. — Dépend des Platoniciens
d'Alexandrie 347. — Connaissait
; ;
186 ;
344. céré- les
Plantes toujours symboles d'immorta-
vertes, monies secrètes des temples alexandrins 359
lité 42 ;
—
métempsycose en plantes 354.
— Numénius 344
utilise — avait voulu ;
;
Platon XXVII épigramme pour son tom- suivre Gordien en Orient pour étudier Per-
beau 294 —
son buste à Tibur a'rfa : ses Indiens 345
et — paraît avoir subi
;
é).o[iévu}, Osai; àvab'.oî 200 417 465. Ses — l'influence hindoue 346, 412 — emprunte ;
astres 243. —
D'abord favorable, puis hos-
que les guerriers morts au combat devien- tile au suicide, en détourne Porphyre 337.
nent des démons favorables 333 ; cha- — — Radicalement opposé au matérialisme
cun a son démon personnel, qui est son stoïcien et épicurien 349 conserve les —
compagnon et son guide 300 ; P. rallié — théories de l'immortalité astrale 351
;
—
aux doctrines pythagoriciennes 110 ; sur — théorie pythagoricienne de Veidôlon 413;
;
—
la vie orphique 246 ; vol de l'âme 294. — considère le culte rendu aux morts comme
— Immortalité céleste 148 ; festin avec — une preuve de l'immortalité 87 351 —
les dieux dans un mythe du Phèdre 258; — l'homme composé d'âme, corps
;
et
;
eidôlon
c'est le propre deis dieux de vivre dans l'au- 190 — est le premier qui ait conçu l'âme
delà corps et âme réunis 298. Enfers — ;
mythes se rattachant aux catabases 396. — l'unité divine 385 ; caractère religieux —
L'âme trop familière avec son corps ne de sa philosophie 359 ; son mysticisme —
peut s'en détacher après le décès et erre ibid. —
Ne connaît ni médiateur ni mys-
autour du tombeau 338. — P. ne fait allu- tagogue 360
—
étranger à tout cérémonial
sion passant aux supplices d'outre-
qu'en rituel 87 360
;
ne se considère pas —
tombe 220. —
Sur les Biothanati 318. — ;
attend dans ;
—
P., dans le Phêdon, condamne le suicide le recueillement que la divinité le visite 360.
336. — Son influence sur la théologie chrétieime
Platonicorum libri chez S. Augustin 413. 346 ;
— Plotin et Porphyre chez S. Augus-
Plaute, peintures représentant les peines de tin 414.
494 LUX PERPETUA
éclaircit sa
;
très rai-
au ciel 322 —
;
compare à Jarablique371.
;
sur les fables des Enfers 215 ; sur les. — — Il est phénicienne 366
d'origine
—
superstitieux 221
—
De sera Numin. vin- connu à Rome
de son vivant 382 son —;
dicatione, ibid. ;
;
—
sur l'espoir de l'éter- Isagogè traduite par Marins Victorinus414;
;
nité 139 ;
—
mythe de l'âme dans le De — son œuvre de jeunesse. Philosophie des
facie in orbe lunae 181. Oracles, empreinte d'une grossière supers-
Pluton inférieur 192 ; sa cruauté dans les — tition 366. —
Il conserve les superstitions
365 366
ascète végétarien 366; —
368.
'kvz\)\x.7.
— ; ;
Poètes, leur
inspiration 324. damne le suicide 337. Sa piété, son goût —
Poimandrès 274. des cérémonies sacrées, dont il interprète le
Poincaré (Henri) XIV. symbolisme 366 ; sur le « bon espoir » —
Poing coupé 444. 404 ; —
ne conçoit, sauf pour les sages,
Poissons danger d'être dévoré par eux 22.
:
qu'un salut temporaire 368. L'âme alour- —
TtoXuotvSpiov 320 340 444. die par Veidôlon, précipitée dans les abî-
;
Pontife, quoique souillé par la rencontre d'un par rapport au monde 6 ; son interpré-
;
—
cadavre, ne doit pas laisser un mort sans tation de l'eschatologie lunaire 176.
sépulture 22. Possession par un dieu [v.(i.\kjtu) 254 par
—
Pontifical (ancien droit romain p.), législa- un démon 341. Dibbouk est une posses-— ;
juge de
— nùp voEpov assimilé au fleuve de feu maz-
Numénius, 345 ;
—
sa dévotion aux Ora-
déen 226.
cles Chaldaiques 363 j
—
rapport çntre la Tîuptpôpoi;
404 note.
psyché et Veiddlon, idée d'origine pythago- Pythagore, serait Babylone 145
allé à ;
—
ricienne 354. —
Son goût des doctrines d'après Numénius maître de Pla-
serait le
hiératiques 371 ;
—
âme jugée entre ciel ton, et aurait été instruit chez les Barbares
et terre 216 ; —
Hadès souterrain ibid. 344. —
Sa catabase 396 son cycle ;
— =
376, n. 7.
;
Providence stoïcienne contre le hasard épicu- dent avec les démons 78 ; 175 ; corps
—
rien 140. — Pr. et fatum XXV.
— Pr. geôle de l'âme 147; 198.— Préoccupés des
selon Loisy XXV, n. 2. songes 94;
—
admettent la nécromancie 98 ;
Prudence, hymne ad gallicinium 230 410. 152 ; —interprétation des mythes des
Psaumes de Salomon 460.
;
Enfers 204-205 ; —
conçoivent le Tartare
ÔEa£ = du Mânes 393. comme un brasier au tréfonds du monde
(j/uj^aî
pour fonder le culte de Sérapis 260; 265. Qoran XXI ; Description du paradis 302 ;
-—
496 LUX PERPETUA
le sommeil 415 465 — jiat divin 457 241 245 354 466 — immanente à l'acte
— Adam et
;
Jésus 457.
; ; ;
selon certains
; ;
musulmans
;
et chrétiens 429.
Quarante jours, durée de formation du foe- Rêve 91.
tus 414. Révélation divine à l'aurore de l'humanité
136 ; 247 ; 343 ; 344.
Râ, voyage des morts dans sa barque, 173 Rhadamante 67.
283 —
Soleil psychopompe 174. v. Aspic.
;
76 ; 214 ; R. réduite à —
435 453.
;
n'être plus capitale que de la seule latinité
boyante XIX.
que chrétienne 40 ss. v. Banquet, Parejttalia. Rousseau (J.-J.) 138 n. 1.
Repas sacrés, initiation aux mystères de Royaume des cieux 459 — R. de Dieu
Cybèle 263 ;
—
d'Isis et Osiris 268 ;
— parmi vous. Le. 1720-21
;
459.
dans le mithraïsme 272. v. Banquet, Cène. Rudiohus, dieu celte, cheval sans cavalier 416.
Repos des morts, son respect à Rome 98. Rûgen, Svantovit, cheval sans cavalier, 416.
Réprouvés châtiés par leurs propres actes Ruysbroeck, sa transfiguration 431.
429 ;
466.
Requiejti aeternam, origine de la formule Sabazius, Jupiter, assimilé à Yahvsreh Sabaoth
458. 253 ;
— proche parent de Dionysos 256 ;
29 s. —
de fondation 154 ; 315 s. —
—
; ;
R. et immortalité 445. v. Osselet. d'animaux « âme pour âme, sang pour sang,
Rétribution exacte des fautes après la mort vie pour vie », en Afrique 315 sur les ;
—
INDEX 497
tombes chez les Bédouins 33 ; chez — les Scepticisme, dominé à partir de Plotin par
chrétiens de Syrie et d'Arménie 32 ; — s. la mystique 346.
humains 251 5 253 ; —
s. d'enfant chez les Science, sa régression depuis le premier siè-
Sémites 315 5 444. cle av. jf.-C. 135.
Sadducéens sur la résurrection 446. Scot Erigène, traducteur du ps.-Denys 384.
Sage stoïcien 113 ; —
s. connaissant le mal, Sculpture funéraire représente peu les scènes
ne désirera pas se réincarner 367 ; — des Enfers 74.
sa béatitude outre tombe 324 son ;
— Secret des Mystères 237.
Nous va rejoindre Dieu 367. Securus 40.
Sahid, martyr, par ex. guerrier mort dans Seeland, char du Soleil 416.
la voie d'Allah 334. Sein d'Abraham 454.
Saint-Etienne le Rond à Rome, peintures Seize ans,âge de raison selon les pythago-
représentant les supplices des martyrs 224. 278 ; 321.
riciens
Saïs, apostrophe du prêtre de S. à Solon 343. Séjour des justes dans la sphère des fixes 212.
Sakkas, Ammonius S., maître de Plotin 345. V. Paradis, Ame.
Salambô, amante d'Adonis 262. Sekinah 438 5 440.
Salut grâce à un dieu mort et ressuscité 233 ;
Sémélé héroïsée par la foudre 330 ; — son
237. Anodos 320 note 7.
Samkhya, philosophie indienne qui paraît avoir Sénèque XXVII.; sur la nécessité 304 308;
influé sur Plotin 413. — ;
281 ; 395 ; —
Immortalité céleste 164
Samothrace, les Cabires 239.
— Ahores remontent aisément au ciel 322
Samsara et métempsycose, 197 ; 207 ;
408. — Ef. 102, 23 : vie humaine comparable
Samson et Dalila 31. à la gestation 399. v. Gestation.
Sanam 439. Sept ans, âge de raison 321.
Sanctification nécessaire au succès d'une opé- Sept grades des Mystères irano-chaldalques
ration théurgique 362. 271.
Sang, siège de la vie 32 45 — sa vertu Sept mois, Vierge Marie née à sept mois, 414.
vivifiante 30, 36 ; — 5
libation de s. aux
;
32
498 LUX PERPETUA
ailéeXIX. —
dieu solaire babylonien, dans astres ib. 179 — sa prééminence admise
l'enlèvement d'Elie 292. Dieu de la jus- — par
; ;
repas funéraires
; ;
36 ;
pour n'éveiller
;
Silius Italicus,
TCôpiSet-revov
Puniques influencées par Vir- en sommeil 415 ; 465 ; S. des morts, —
gile 72 ;
— accentue la cruauté des suppli- 442 ; 446 ; —
dans le Qoran 448 ; chez —
ces 221. les chrétiens occidentaux 450.
Simpelveld (Hollande), sarcophage 25. Songe de Scipion 162.
Sin, dieu lunaire de Babylone, symbolisé par Sopatros, succède à Jamblique à la tête de
le coq 411 ; —
S., Shamash, Ishtar, triade syrienne 372.
l'école
161 ; 182 ;
— limite du ;
monde.
Soif des morts 29 391 466. Dieu suprême S 161 182.
Sol invictus 292 ; 296 ;
;
Mithra 301. =
;
— dans une tombe chrétienne Symbolisme chez les Arabes et les Berbères
à Bordeaux 42 n. 4. 426 note ; — chez les Romains 169 ; 285.
(7T!Y[JLaTa
=
tatouages, 300; 423. v. Tatouage. a'j^&okx dans les Mystères 237 ; 250 ; 423.
Styx, 65 ; 305 ;
—
selon Porphyre à la fois Tabou du cadavre foudroyé 330 ;
— passage
fleuve et démon 370 démon tourmen- ;
— du t. au sacré 331.
tant les dieux déchus 371. Tacite sur Agricola 133.
Suétone, maison hantée 319. Tagès, auteur supposé des Libri Acheruntici
auYY^vEta 135 144 159.
; ;
60 ; 277.
Suicide condamné par l'Orphisme, par les Talion et métempsycose 71.
par les Cyniques 336 s. en Chine de- — Tammouz 259 ; — 262. v. Adonis.
vant la porte de son ennemi 334.
;
Tantale 66 214 ;
; 205 tourmenté, selon
;
—
Suicidés exclus de l'Hadès, errant sur la Porphyre, par son imagination 371.
terre 335 —leur âme selon Porphyre Tarente, siège principal de l'école pythago-
reste près
;
pulture, 23 ;
—^
perdent dans certains col- Tartare 67 199 ; ténébreux, àv/^Xto? —
lèges funéraires l'inhumation
le droit à 195 — ;
;
— selon Jamblique et les
Summus Exsuperantissimus 187. v. "ri}^icn:oç. théurges, est réellement un séjour souter-
Supines (mains) 317. rain, mais non éternel Enfer, 376. v.
Supplices infernaux d'après le mazdéisme 219; Géhenne.
221 ; 246 ; 299 ; 370. v. Tourments. Tatien sur la Résurrection 449 n. 1.
Suppliciés exclus de l'Hadès 339
— privés Tatouage = 237 ; 300 ; 423 —
d'honneurs fmièbres 340 444 ; de sépul- —
; (r-tyfxocxa
au temple d'Héraklès aux bouches du Nil
;
ture 23 ; —
cadavres non lavés, enfouis
;
424 —
feuille de lierre des mystes de
sans cérémonies au uoX'javijpiov 340; à — ;
exposés aux Gémonies, jetés au Tibre 340. Taureau, forme animale de Dionysos 251 ;
—
Sur a, correspondant de Pline le Jeune 89. image de Hadad et de Yahweh 439.
Survivances d'anciennes croyances parmi les Ta Yue-tche XVII.
500 LUX PERPETUA
TiXeioi = relîgîost
= parfait, s'af franchi- comme s'ils appartenaient à la société des
sent de l'esclavage du destin 270. dieux 373.
Télestérion d'Eleusis 240 ; 243. Théurgie, se donne comme antithèse de la
Tell-el-Jahoudich, Epitaphe juive sur le
« bon
magie, art réprouvé 374 ; tend par des —
espoir » 404. v. 'AyaÔr, ïkizn^. pratiques pieuses à obtenir les mêmes effets
TeXwvtjç =
douanier, péager 300. 362 ; —
son influence dans l'histoire reli-
TéfiLEvoç 437. gieuse du ive s. 378 ; son objet, selon —
Temples, portes fermées pendant les Lemuria Jamblique, est de s'éleverjusqu'au Dieu
397 ;
—
entourés d'une corde pendant les intelligible 375 ;
— source principale de
Anthestéries, ibid. purification 373.
Terrasson (Abbé), purification par les élé- Thiases de Bacchus 250 ss.
264 ; —
Mère Terre 390. v. Cybèle. Thouria, inscription sur les Mystères de la
TertuUien sur les banquets funéraires 40 — Déesse Syrienne 407.
professe la matérialité de l'âme 350 ;
;
Tartare 371 —
leur crime a causé la
;
Trajan, sa mort annoncée par Phébus 292 ; Vaisselle dans les tombes 26. v. Simpelveld.
— port et phare, pris en symbole de la Valerius Flaccus, Argonautiques imitées de
navigation des âmes 285. Virgile 72.
Transfiguration du Bouddha 416. T. du — Valhalla, ses joies promises aux guerriers
Christ 430 —
de Ruysbroeck 431.
; Scandinaves 332.
Transmigration, origine de la doctrine 196 ; Van mystique 209 ; 251 }
403 note.
— conçue comme doctrine de rétribution Varron apparaît chez Ovide sous le discours
197 ; —
dans des corps d'animaux 364 ;
— de Pythagore 201 j —
cite Lyra ouvrage
niée d'homm'a à animal 203. v. Métempsy- orphique 248.
cose. Varuna 416.
Trépassés, leur triple commémoration 172. Vatinius, pythagoricien 152.
V. Morts. Végétarisme de Porphyre 306.
Trévise, jugement dernier (sacristie de la Végétaux, V. Plantes.
cathédrale) 452 note. Véhicule = des âmes 276; 283 ss. ;
Tribunal de l'Hadès 67. — ojT\\t-OL
Vertu, selon les Stoïciens, déifie qui la pos- son anticipation dans l'extase 266 ; 347
sède 333 ; —
selon Porphyre, se divise en 357 367
; ;
—
chez S. Thomas d'Aquin 434.
;
quatre classes, dont la plus haute est para- Visions de l'Enfer ou du Purgatoire, suite des
digmatique 377;
—
selon Jamblique en cinq anciennes catabases 65.
classes, dont la plus haute est hiératique Visiteurs assis dans le tombeau 38.
ibîd. Vocératrices en Corse 20.
Vêtements dans les tombes 26. — V. blancs Voie appienne dans Apocolok., suivie par les
à l'initiation et au baptême 422. V. des — empereurs pour aller chez les dieux 281.
âmes 293 ; 351 ; 378 ; —
elles s'en enve- Voie lactée, chemin des morts 174; 182; 280;
loppent en descendant, et s'en dépouillent
— selon Paulin de Noie, suivie par Elle et
en remontant 355 ; 358 ; 364 ; dans le — Hénoch 281. —
Séjour des trépassés 174
Zohar 429. —
V. de lumière 430. v. Trans- — séjour des justes 182. — Selon Numé-
;
Vin, libation de v. 33 ; —
v. dans le culte ture 277 ; —
selon Virgile Aen. 6 279 :
bachique, 33 ; 255.
—
V., miel et lait 452;
— âmes transbordées de la barque de la
;
426 n. ; —
Jacob lutte avec l'Ange de Y. Zagreus, mythe orphique 251 ; 322. v. Bac-
410 ; —
taureau, image de Y. 439 ; char — chus, Dionysos, Orphisme.
de Y. 416 —
chariot de l'Arche d'alliance Zarmanos l'Indien 337, note 3.
ibid. ; — ;
=
230 ; Y. et dévas 299.
Ormuzd = Ahoura Mazda 226 ;
272.
Yczidis, professent
= Très Haut, métempsycose 198.
la
Dieu dans lumière la Zodiaque 297 ;
— parcouru par Shamash
"l'ij^iaxo!;
au-delà des sphères —
étoilées XIX, n. 2.
infinie,
âmes, selon les
187;
Zohar XXI — Sur le sommeil 415 465; —
s'élever jusqu'à lui— 301, peuvent
néoplatoniciens,
182 ;
n. 2. v.
;
sur l'os-
Ahoura Mazda, Empyrée, Garôtman. selet imputrescible 466.
Avertissement de l'Editeur V
Notice sur Fraiis: Cumont VII
INTRODUCTION i
Chapitre premier
Selon Cicéron, culte des morts implique espoir d'immortalité, 13. — Permanence
de ce culte, ib.
—
Stratification des idées religieuses antiques, 14. — Ni credo, ni
orthodoxie canonique, ib. —
Mélange de races et de civilisations, ib.
— Idées d'épo-
ques diverses rapprochées en un synchronisme apparent, ib. Dès l'âge de la pierre —
on croit en Italie à la survie dans la tombe, 15, —
même chez les incinérants, ib.
(NC. I, f. 38y).
—
Urne en forme de hutte, ib. —
Persistance de la sensibilité dans
le cadavre, ib. —
Soins donnés à la momie en Egypte, 16. Opposition entre Epicu-
—
riens et Stoïciens, ib. —
L'incinération donne à concevoir une force distincte du corps,
—qui subsiste dans le tombeau, ou dans l'urne cinéraire, ib. Pourtant le cadavre —
17,
est impur et souiEé, 18. —
Ablutions après les funérailles, ib. Ueidôlon, double, —
âme-image, ib.
—
Rites funéraires communs aux Indo-Européens, ib., — liés à la cons-
titution de la Société en gentes, ib. —
et se retrouvant même chez les Sémites, 19. —
Ils procèdent de la crainte qu'inspirent morts, (NC. les
p. sçi).
— ib.
Lamentations, Il,
20. — mutilations, — Moribond
ib. déposé sur le sol devant la porte, ai.
— Veillée
mortuaire bruyante, — Nécessité des funérailles religieuses, qui fixent l'ombre dans
ib..
le tombeau, 22 [NC. XXXI, 436).
— Les insepulti redoutables, — Rôle du céno- ib.
taphe, 23,
— de l'os
resectum, (NC.
-p.
387).
— Réaction des philosophes, —
ib. I, p. ib.
peu
—
efficace, ib. Protection des tombeaux, 24
— collèges funéraires,
— Punus ib.
imaginarium,
— Chez chrétiens,
ib. les
;
24, ;
mune de —
où l'âme est fixée pour toujours, anîmam se-pulcro condimus,
la famille, ib.
26. — Elle
n'y dort pas, ib.
—
A besoin de ses ustensiles habituels, 27, ou du moins —
de leur image, ib. —
ou de ce qui en subsiste après l'incinération, ib. Le tombeau —
propriété du défunt, Grégoire de Tours, ib.
32,
— à Rome, — Le sang, siège de la
et ib.
âme,
— sacrifices d'animaux à
vie, ib.
pelage noir,
— même chez chrétiens, — et musulmans, 33 — vin,
ib., les ib., les
miel, huile, 33
— melikraton, — Olivier, symbole de survie, 34. — Même usage
ib.
; lait,
repas, 3g.
— circumfotatîo, — pour participants, morts et
ib. gage d'immor-
les
talité, 40.
— Persistance de ces coutumes, 40 — malgré l'opposition des évêques, notam-
vifs,
ment de S.
Augustin,
— Leur survivance en Grèce, 41 {NC
ib. 3çi). 11, -p.
p. 450).
— La en feuilles d'olivier, de laurier, de
CTTiêàç symboles d'immorta- lierre,
lité, ib.
— Cé-potafhes et paradis, 43. — leur caractère à la religieux et fois utilitaire,
44.
— Jonchées de fleurs, couronnes, guirlandes, — Dies violae, dies rosae, 45 — ib.
anciennes, 52.
— Le défunt aime à être appelé par son nom, — reste mêlé à la ib. Il
vie dés survivants, 53 — enterré au bord de la route, au voisinage des passants, ib.
— Folklore funéraire à l'heure actuelle, 54. — Culte du soldat inconnu,
;
ib.
romaine n'a connu ni les juges infernaux ni Charon, t^'j. Figures sans relief d'Orcus
—
et de Veiovis, ïb. —
L'ombre est accueillie par les Mânes, 58 ou repoussée lorsque —
le corps n'a pas été régulièrement enseveli, ih.^ —
souvenir du vieux droit de la gens,
th. —
Mort conduit par les Mânes à l'Orcus, comme par les images des aïeux au tom-
beau, ih. {NC. III, -p. 3Ç2).
—
'Thème vulgarisé dans les éfîcèdes, 59. Les Mânes —
protègent leurs descendants, ib.
—
Ils peuvent aussi abréger leur vie, ih.
Hercule, 65.
— Le mythe d'Er l'Arménien — Le royaume des morts
-p.
ib. fleu- et ses
ves, 65.
— Charon,
— Sort commun de tous
ih. morts, sans châtiment ni récom-
les
— sauf pour quelques grands réprouvés, —
— Notion orphique desous
ih.
l'influence orphique,
pense, 66, qui,
deviennent prototypes des damnés,
les ih. la pureté de l'impu- et
reté, cause de bonheur ou de malheur dans l'au-delà, 67. — Les juges des morts, trois
ib. — Les deux demeures de l'Hadès Champs-Elysées et Tartare, 68. — Plaisirs
: et
ques d'Egypte,
— Nécromants, 75-76.
ib.
— Foi populaire romaine Vibia aux Enfers, :
76.
— Une épitaphe en Phrygie, 76-77.
selon les
Pythagoriciens,
— ôalacov numen,
ih. — de forces impersonnelles,
et ib.
deviennent des êtres individuels 78-79, — qui peuvent être attachés à chaque homme,
79.
— Génies et Djinns, — Esprits des trépassés assimilés aux démons, —
ib. ib. intei--
s'être libérées,
des. Enfers,
— Le Mundus, — Anthestéries Lemurfa, (NC. V, p. 396). —
82. ib. et ib.
5o8 TABLE DES MATIERES
Lémures et Larva —
Tarentalia^ ih. (NC XXX, -p. 435).
83. Nécessité des funérail- —
les religieuses, ib. —
Les insefuUi, esprits errants, 84 et les ahorî, ib. Maisons — —
hantées, ib.
—
Intervention des morts dans la vie de ce monde 85. « Epiphanies »,
;
—
86. —Héros ou demi-dieux, ib. « Incubation » ib. — Hésiode, ib. — —
Maxime de Tyr, ib., —
contre les négations épicuriennes, 87.
Platoniciens,
Les Recognitiones cle- —
mentinae, ib. —
Plotin invoque, en preuve de l'immortalité, le culte rendu aux morts, ib.
— Epitaphe romaine, 87-88.
— Larves, fantômes dangereux, souffrants et errants, 88.
— Arignotos chez Lucien, ib.
— Négation des Epicuriens et de Pline
Apulée, 88.
l'Ancien, ib.
— Scepticisme d'Horace 89.
— Opposition de Sénèque, ib.
— Hésitations de
Pline le Jeune, ib. — —
et de Plutarque, ib. Lucien, ib.
JJeidôlon a l'apparence de la — Son intelligence dépasse de l'homme celle
incorporé,
— peut prédire 90. 90-91. —
ib. Il
vie,
Le rêve, — révélation d'un dieu
l'avenir, 91,
ou d'un héros, 92. — Oniromancie, — Artémidore de Daldis et ib. ses
ib. — Oniromancie chez chrétiens, — Clefs des songes, — Oneirocritiques,
les Apparitions de
ib. ib.
morts, 93.
— Pendant sommeil l'âme abandonne corps, (NC. XX,
le 415),
— le ib.
— Incubation — Fantômes
et vîy.uo[j.avTeta, ib. de mort, 95, — vengeurs
94.
des négligences à leur égard, — pourvoyeurs demessagers
cauchemars, instigateurs de remords,
ib.
et l'apparition de Darius,
— Zoroastre nécromant,
ib. 100. — Liturgie des puissances du
mal,
— L'Egypte Nectabis, — Papyrus magiques, loi. — Zatchlas, prêtre
ib. et ib. d'Isîs
chez Apulée, — Ethiopiques d'Héliodore, — Lucain,
ib. Stace, Valerius
ib. Silius Italicus,
mort réside dans son tombeau 204, — que l'âme du mort conserve avec corps des le
liens mystérieux,
— d'où la magie sympathique, — La nécromancie pouvait rap- ib.
morts de l'Hadès, 105, — mais surtout
ib.,
Chapitre H
LA CRITIQUE PHILOSOPHIQUE 109
I. — Variations de l'Académie, d'Aristofe et des Stoïciens ib.
Utilité sociale de la crainte des Enfers, Polybe et les Scipions, 109. La négation —
de Démocrite, 1 10. — Platon contrebattu par ses propres disciples ib. Scepticisme d'Ar-
—
TABLE DBS MATIERES 509
césilas, ib.
—
Carnêade et son probabilisme, îb.^ —
expulsé de Rome par le Sénat, m.
— Son influence sur Cicéron, ib. —
Aristote, évolution de sa pensée, ib. se détourne —
des spéculations sur l'âme et sur l'immortalité personnelle, iiz. Alexandre d'Aphro- — 5
dise, ib.
—Stoïcisme et épicurisme, ib. —
Le triomphe de la X^ychè après la mort
d'Alexandre, 112-113.
—
Témoignage de Polybe, 113.
—
Le Sage de Zenon, ib. —
Macrocosme et microcosme, ib. —
rvûo voeoov. déterminisme et Ecpyrosis, 114. Ame, —
parcelle du Tcûp vospov, souffle igné, ib.
—
Ecpyrosis et palingénésie, ib. Panthéisme —
matérialiste, immortalité relative et limitée, ib. — Variations du Portique, 11 4- 115. —
Panétius. et Cornutus nient toute survie de l'âme après le décès, 115.
— Syncrétisme
stoïco-pythagoricien, Posidonius et Sénèque, ib.
— Epictète opposé à toute immortalité,
215-216.
—Marc Aurèle, 117, —
incline vers l'ancien stoïcisme et la négation de toute
survivance, 117-118.
—
Sa vieillesse obsédée par la pensée de la mort, 118-119 (NC.
^^> P- 399)-
—
Son aversion pour les chrétiens, 119. —
L'idée du stoïcisme est de réa-
liser la sagesse, et cette réalisation une fois acquise, lui suffit, ib. La question de la —
survie relève pour lui de théories physiques ou psychologiques, non morales, 120.
L'élément terre étant aggloméré au centre du monde, les Enfers ne peuvent être un
hypogée, ib. —
Ni les corps des héros ne peuvent s'élever vers le ciel, ni les âmes du
vulgaire descendre dans le sol, ib. —
Posidonius contre les fables du Tartare, ib. Inter- —
prétations allégoriques, 121,
—
qui n'empêchent pas l'âme de se dissoudre dans l'air et
le feu cosmique, <ô. —
Epitaphes, 121-122.
—
La mort est la disparition dans le sein de
la Nature divine, 122. —
Il faut se soumettre au Destin, ib. —
Déterminisme stoïcien lié
à celui de l'astrologie babylonienne, 123, —
qui borne son horizon à la vie de ce monde,
ib.,
— ne traite pas de l'immortalité, et aboutirait logiquement à la négation de tout
culte, ib.
IL — La négation d'Eficure 124
L'atomisme de Démocrite conduit Epicure à considérer l'âme comme un assem-
blage d'atomes, 124,
—
qui se forme avec le corps et se désagrège avec lui, ib. Les —
simulacres vus en rêve sont aussi faits d'atomes qui seuls subsistent après leur dispari-
tion, 125.
—
La mort n'est point à redouter, puisque nous périssons tout entiers IIIs :
Chapitre III
l'Orient et l'Occident, 158. — Ses idées sont mal connues, — paraissent avoir évolué,
;
ib.,
ib. — Athénodore de Tarse et Antipater de Tyr, 159. — Hipparque parenté de :
164.
— Sénèque, son éclectisme, 164-165 — Ses variations sur la vie d'outre-tombe, ib.
— incline vers l'immortalité
Il 166. — L'âme et le — ib.
— Le sage, — Purification de l'âme après la mort, parcorps, éléments,Ascétisme,
ib.
céleste, 167.
— Con- les ib.
III. —
Formes de l'immortalité céleste 171
On
a cru longtemps qu'il y avait chaque matin un nouveau Soleil chaque mois une
nouvelle Lune, 171. —
Leurs vicissitudes reconnues, on les met en rapport avec celles
;
seul ou associé au Soleil et à Vénus, ib. Le croissant chez les Celtes, appartient au
vieux fonds indigène, ib. —
Influence possible du pythagorisme et des
Mystères de la
512 TABLE DES MATIERES
Les morts — —
deviennent des étoiles, ib. —
La Voie lactée, séjour des trépassés, ib. ; route des —
morts vers le sommet du monde, ib.
L'immortalité astrale ne relève pas de ces croyances populaires, mais d'un système
scientifique de cosmologie et d'astronpmie, 174. L'atmosphère, lieu de passage, 174.-
—
175,
— « rempli d'âmes » selon les Pythagoriciens,
175. Rôle purificateur des Vents, —
ib. — Assistance d'un dieu psychopompe, ib. Les Iles bienheureuses dans le Soleil —
et la Lune, ib. —
Pythagore dans la Lune avec Orphée et Platon, 176. Royaume —
d'Artémis, ib. — Lucien, Histoire véritable, ib.
Posidonius : Les âmes, souffles ignés, s'élèvent, purifiées par les Vents, 176.
—
Elles sont sphériques, ib. — chœur animé autour de la Lune, qui n'est pas leur
séjour, mais leur centre Lucain, Julien l'Apostat, 177.
:
;
dans l'Empyrée {NC. VIU, 400), Père Siimmus Exsupe- céleste, "TtL'.crToç, Ju-p-piter
rantissimus, — accueille dans son sein parfaits,
ib.,
-p.
les ib.
Le judaïsme reçoit des « Chaldéens » sept cieux Livre d'Hénoch, — qui les :
ib.,
passent chez les chrétiens, ib. — Origène : les âmes, après avoir séjourné au Paradis,
s'élèvent dans la zone de en sont dignes, entrent dans les « demeures
l'air et, si elles
des cieux », 187-188
—
devenues de pures intelligences, jouissent de
et si elles sont
la vision béatifique, 188.
;
—
Repos dans la lumière éternelle, ib. Le Paradis de —
Dante, ib. Cette —
conception subsiste jusqu'au triomphe de Copernic et de Galilée.
TABLE DES MATIERES jij
Chapitre IV
La
doctrine de l'immortalité céleste ea contradiction avec l'Hadès souterrain, 189,
— probablement thème ésotérique réservé a.ux ]j.%^-t\]xa~\7.o\ pythagoriciens, ib.
—
Interpolation dans Odyssée XI, 601 ss., 190.
—
TWfjia, 'j'U'/v)) stSwXov, ib. Pythago-
—
risme d'Ennius, ib. —
L'âme au ciel, reiOcoAov dans l'Hadès, 190-191, — contradiction
à résoudre, 191 {NC. XUI, -p. 408).
Hadès, non plus sous terre, mais dans l'hémisphère inférieur, ib., — astrologie
chaldéo-ég5rptienne, ib.
— Portes au Levant et au Couchant,
Pythagoriciens ib. — :
trine,204.
Mythes infernaux interprétés aUégoriquement,
— Ce symbolisme favorise la néga-
ib.
La doctrine qui place les Enfers dans l'atmosphère a' plus de succès, 208. —
L'âme alourdie par les appétits matériels demeure dans les bas-fonds de l'atmosphère,
Influence du maz- —
déisme empyrée d'Ahoura Mazda et royaume ténébreux d'Ahriman, ib.
:
Porphyre
—
et les démons, tant bienfaisants, intermédiaires entre les dieux et les hommes, que mal-
faisants, dévas, àvTÎOeoi, maîtres et auxiliaires des sorciers, 217-218,
—-
Opposition entre
le Ciel et TEnfer, 218.
Cathares, 219-
—
Transformation, par l'eschatologie mazdéenne, de la croyance grec-
que aux tourments des damnés, ib.
—
Les Gréco-romains et le code pénal d'outre-
tombe, 219-220. —
LeVI« livre de V Enéide, et ses sources, 220. —
Horreurs de l'Hadès
populaire l'Eurynomos de Polygnote, ib.
:
—
Plutarque, 220-221. Les catabases et —
les Mystères de Bacchus, 221. —
Silius Italiens, ib. Plutarque, De —la vengeance tar-
dive des dieux, ib. —
Lucien, Vera historia, 222.
—
Livre des Morts égyptien, ib. —
Code d'Hammourabi, ib. —
Artâ-Virâf-Namak mazdéen, ib.
—
L'Enfer étrusque, pro-
bablement venu d'Asie mineure, ib. —
tout cela venant aboutir au syncrétisme alexan-
drin, ib.
—
Apocalyptique juive, 223.
;
—
Apocryphes chrétiens V Apocalypse de Pierre,
:
et ses
supplices, ib.;
—
L'Apocalypse de Paul, 224.
—
Les peintures de Saint-Etienne
le Rond à Rome, ib. —
Dante et la Divine Comédie, ib.
Le supplice du feu en Grèce, torches des Erynnies et Pyriphlégéton, ib. Feu —
à la fois purificateur et vengeur, 225. —
L'idée du feu central, noyau de la terre, où
les Pythagoriciens placent le Tartare, ib. —
Eschatologie mazdéenne fleuve de métaux s
fondus, ib.,
—
d'abord destiné à séparer les bons des mauvais, puis à purifier les
mauvais en vue de la rénovation du monde, ib. —
Doctrine répandue par les Maguséens,
ib.;
—rejoint Vecpyrosis stoïcienne, et son feu raisonnable, Tcùp vospov, 225-226.
Ins- —
cription votive d'Antiochus de Commagène, 226.
—
Supplice du Stéganome impie,
ib-
46^).
— Prudence,queBurchard de Worms, Shakespeare,
^oç
— Les àvysXc. perso-syriens, ib.
p.
ib. — Distinction entre anges démons due à l'influence mazdéenne, 231. — Oracles
et
Chapitre V
LES MYSTERES 235
I. — Les cultes grecs ib.
royaume souterrain,
— aux des bienheureux, qui sont le Soleil et la
Iles
Lune,
— Encore chaquepuis
ib.
ib.^
Pierre, « Villa des Mystères » à Pompéi, basilique de la Porta Maggiore à Rome, 246-
247.
—
Or il n'y avait plus, sous l'Empire, de communauté orphique, 247. Le recueil —
des hymnes de ce nom, nettement empreint de stoïcisme, ne conserve presque aucune
trace de l'ancienne doctrine, ib. —
La littérature dite orphique se renouvelle et se
développe,' 247-248.
—
Orphisme et Pythagorisme, 248. Affinités des deux doc- —
trines, ib.
— Lamelles d'or dites orphiques, ib. (NC. XI, p. 406). Mithra identifié —
à Phanès, 249. — Orphisme et Mystères de Dionysos, ib. GEuf cosmique des Orphi- —
ques,
— Le
ib. festin éternel, 250.
Bacchus. — Immense diffusion des Mystères de Bacchus, 250.
— Témoin les
lisant, chez les derniers Néoplatoniciens, ib. On le retrouvera —dans le christianisme, ib.
ib.
union mystique avec la déesse, grâce au repas sacré, 264 ; là-dessUs se greffent des —
éléments iraniens apportés par les Mages montée des morts au ciel, Attis divinité
:
solaire, ib.
— Culte fiméraire chez les Egyptiens, îb. Isis, dispensatrice des biens
—
de la terre, 265 {NC XII, -p. ^07) ; —
Initiation de Lucius dans les Métamorphoses
d'Apulée, ibid.
—
Le myste descend dans l'Hadès et remonte au ciel après avoir été
purifié par les éléments, ib. (A'C. XXF, -p. 422).
—
Lucius déifié par la vue de la
divinité, 266.
—
Images des dieux en Egypte, leur vie, ib. (NC. XXXI, p. 436). —
Vision béatifique, ib. (NC. XXIX, p. 433).
—
Isis, Osiris, Sérapis, dieux chthoniens, 267, puis siégeant au-delà de la terre, dans
l'Invisible,
— Syncrétisme Osiris (ou Sérapis) ^ Dionysos
ib.
banquet sacré où la soif
s'étanche, 268,
— prélude du refrigerium, festin céleste que dieu, devenu cosmique,
-,
le
offre à ses élus, 268-269.
— Corpus Herineticum, amalgame confus de doctrines hété-
rogènes, mais animé de ferveur religieuse salut par la gnose, ib.
: Les parfaits —
(xéÀs'.oi, religiosi), affranchis du destin, traversent les éléments
en se dépouillant de
leurs passions pour atteindre les sphères étoilées, 270.
Voyage des âmes dans l'atmosphère selon le mazdéisme, avec l'aide des dieux
contre les démons, 270 ; —
chute des réprouvés vers Ahriman; ascension des justes vers
l'Empyrée, îb.
—
Résurrection des morts et jugement, îb. Irano-chaldaïsme des —
Mages ou Maguséens, 271. —
Influence hellénique, îb. Mithra, dieu sauveur assi-
—
milé au Soleil, ib. — Influence romaine, religion de soldats, ib.
Spelaea mithriaques
— :
Chapitre VI
Chapitre VII
pitoyable des ahori, 315 — souvenir peut-être des sacrifices de nouveaux-nés dans le
monde sémitique, 315-316 — victimes devenues maléfiques, — comme
;
de la ïb., celles
sorcellerie,
— Les xuvôSotoTOi., — Le fantôme de Gello, 317. — Ahores aux mains
ib.
;
ib.
supines,
— Frazer précautions pour se prémunir contre l'action des biothanates,
ib. :
317-318.
— Platon, Tertullien, — Suétone maison hantée, 319. — Horace Sué-
ib. :
319-320.
— Evocations par Ostanès et Nectabis, 320.
faites — Violations de sépulture et
meurtres commis par les nécromants, ib.
tarque, 321-322.
—
Repos inconscient, 322
^— ou
félicité, ib. Orphisme meurtre de — :
taphia, 333.
— Inscription pour morts devant Potidée oraison funèbre des morts
les
devant Samos victimes de la — Platon, Virgile, — Les Stoï- ib.
;
ib.
ciens, ïb.
— Orient hellénistique,guerre lamiaque,
;
Chapitre VH!
LE NEOPLATONISME 343
I. — Plotin ib.
Les Orientaux se croient détenteurs de la plus antique sagesse, 343. Ils impo- —
sent cette idée, avec leurs cultes, au monde gréco-romain, 343-344. Influence de leur —
théologie sur le Néoplatonisme, 344.
—
Numénius d'Apamée, ib., utilisé par Plotin —
et Porphyre, ib., —
tenait Platon pour disciple de Pythagore, disciple lui-même des
.
Barbares, ib.,
—
et le rattachait aux mystères des Brahmanes, Juifs, Mages et Egyp-
tiens, ib.
—
Numénius est dualiste, ib. —
Descente et remontée des âmes, ib. Diverses —
influences qu'elles reçoivent des planètes, ib. —
Après la sentence des juges infernaux,
les justes vont former la Voie Lactée, 345 ; —
les coupables sont punis dans les zones
—
L'Un, ou Bien, Premier Principe, ib.,
—
transcende la Pensée, la Vie, et même l'Etre, ib. —
Ineffable^ inconnaissable, on ne
l'approche que par l'extase, ib. {NC. XXIV, p. 41g).
—
De lui émane l'Intellect, ib.,
— archétype de l'ensemble des Idées et des Etres, 348.
—
qui se contemple lui-même,
ib. —
L'Intellect à son tour engendre l'Ame universelle, qui dirige l'univers, et contient
la variété des âmes individuelles, 348-349. —
La Matière, non-être absolu, cause du
mal et du désordre, 349.
— L'homme est tout ensemble Intellect, Ame, et Corps, ib.
ÇwvaTo!., ib,
— Anges, héros, démons,
— — Descente
ib., de l'âme
csûo-iç, vers la
matière qui lausoutUe, ib.,
364.
— jusqu'à la transmigration en des animaux, — ib., les
vêtements dont elle s'était enveloppée dans sa descente, ib., l'ont alourdie et souillée, —
—
Les pratiques théurgiques l'aident à se relever, îb., grâce à un démon ami, îb.,
—
—
,368.
mais non jusqu'à l'Etre suprême, ib. —
Elle devra se réincorporer, mais seulement
dans un corps humain, îb. —
Seule l'élite des tliéurges obtient la rédemption définitive,
ib. —
Porphyre rend ainsi le plotinisme accessible aux masses, et par là en assure la
diffusion, l'autorité et peut-être la survivance, 369.
Hadès compris à la façon plotinienne, ib. Les démons, 370.
—
Influence maz- —
déenne, Ahriman et ses séïdes, auteurs du mal sur la terre et bourreaux des âmes dans
l'Hadès, ib. —
Le livre Sur le Styx, ib. —
Interprétation des poèmes homériques, ib,
— Le pythagoricien Kronios, ib. —
Insepulti et impies tourmentés par leur imagina-
tion, 371 (A/C. XXVI, -p. 428).
—
Les justes apaisés retrouvent la mémoire grâce au 1
I !
379,
— attirépar la splendeur du Soleil, ib.
—
par Maxime à Ephèse,
—
Initié ib.
d'Aristote, 381.
~ Proclus, — Son effort de synthèse, — Impuissante en face
ib. ib.
du christianisme, îb.
Platonisme mal connu à Rome, — La connaissance du grec y décroît, — On
ib. ib,
y encore
lit Plotin et Porphyre, non leurs successeurs,
— L'ignorance du grec se ib.
siècle,
— Boèce a cependant connu derniers Néoplatoniciens, les — ib. et
ceux-ci ont eu par une certaine action sur la théologie médiévale,
lui ib.
pas conciliable avec la foi chrétienne, ih. {NN. CC. XXlV, f. 41g ; XXVI11, -p. 431 ;
XXIX, p. 433)- —
Antinomie fondamentale sur des points essentiels, 384. Mais l'in- —
fluence de Plotin sur la théologie chrétienne n'en est pas moins considérable, ib. Les —
derniers néoplatoniciens ont pénétré dans l'Eglise non seulement par Boèce, mais par les
Pères grecs, et surtout par le ps.-Denys, ib.^ —
qui agit encore sur maître Eckhart, îb.
Persistance du culte des morts et de coutumes antérieures à la division des Aryens,
-^ A la vie dans la tombe ou dans l'Hadès souterrain
385. s'oppose l'immortalité
céleste, ib. (NC. XXXV, f. 445). L'extase de Plotin transporte l'âme au-delà des dieux
visibles du firmament pour la fondre dans l'Unité divine, ib. Contemplation de l'Etre
—
suprême, Vision béatifique de la splendeur de Dieu, tel est l'héritage de Plotin, 386 (NC.
XXVIII, p. 431 et XXIX, p. 433).
NOTES COMPLÉMENTAIRES
I. —Inhumation et incinération (ch. I, p. 15) 387
IL —Funérailles chez les Indo-Euifcipéens (ch. I, p. 19). 391
XXXl. —
Anîmae conditio, 'iSpucru; et sekinah {ch. I, f. 22) 436
XXXV. — Immoftalité et résurrection {ch. I, p. 24) 445
XIX. — Formation du foetus en quarante jours {ch. I, p. 36) 414
IIL — La réception des morts par Mânes les (ch. I, p, 58) 392
IV. — Descentes aux Enfers 64) (ch. I, p. 395
V. — Les Lemuria 82)
(ch. I, p. 396
XXX. — Parentalia chez les chrétiens {ch. l, f. 83) 435
VI. — Vie humaine et gestation chez Sénèque (ch. III, p. 170). . . .
.399
VIL — Immortalité lunaire et solaire (ch. III, p. 178) îbid'.
VIII. — L'Empyrée
:
187)
(ch. III, p. 400
XUl. — Distinction entre l'âme et l'ombre {ch. IV, f. 191) 408
XIV. — Le Samsara hindou et la Métempsycose {ch. IV, p. 197) ib.
XV. — Le coq et les défnons {ch. IV, p. 230) 409
XXXV. — Immortalité et Résurrection {ch.
IV, 232) p. 445
IX. — ÈAtîU V, 240)
(ch. p. 401
X. — Conventicules orphiques
'AYa97'(
V, p. 240). (ch. 403
XL — Lamelles orphiques ou pythagoriciennes V, p. 248) (ch. 406
XII. — Mystères dans Religions orientales
les V, p. 260) (ch. 407
XXV. — Cérémonies du baptême chrétien V, 265) p. 422
XIII. — Distinction entre l'âme
{ch.
l'ombre et
IV, p. 191) (ch. 408
XIV. — Le Samsara hindou et la métempsycose IV, p. 197) (ch. ibid.
XV. — Le coq et les démons IV, p. 230) (ch. 409
XX. — Sommeil et mort {ch. VI, p. 276) ,415
XXI. — Le cheval sans cavalier {ch. VI, p. 288) ib.
XXII. — Destinée librement choisie avant la naissance {ch. VII, p. 321). . . 321
XXXII. — Salut des Ahores baptisés {ch. VII, p. 328) ,443
XXXIV. — Sort des Croisés morts en guerre {ch. VII, p. 334) 445
XXXIII. — Poing coupé et sépulture infâme {ch. VII, p. 335) 444
XVI. — Le Dibbouk (ch. VII, p. 341). 412
XVII. — Plotin l'Inde
et (ch. VIII, p. 345) ibid.
524 TABLE DES MATIERES
Dépôt Légal :
3e trimestre 1949 N° de Série, Imprimeur : 68
Le Puy-en-Velay. — Imprimerie « La Haute-Loire ».